1Les Alpes et les Préalpes nous ont livré un patrimoine d’œuvres d’art qui n’est pas toujours bien connu ou apprécié : les calendriers des travaux des mois, ainsi que le « Christ du Dimanche », deux images fondamentales pour l’étude du travail agricole et des outils paysans au Moyen Âge, en sont une partie.

2Le premier thème mentionné, qui a ses racines dans l’art antique et se diffuse largement dans l’art religieux médiéval byzantin et occidental, répond à une exigence fondamentale de toute société humaine : celle de visualiser un concept aussi abstrait que le temps. Ce thème se diffuse dans la région alpine et subalpine1, surtout dès le xiv^e siècle, tandis qu’il devient moins fréquent au niveau monumental dans les pays qui l’ont plus utilisé dans l’iconographie de leurs églises, en particulier en France et en Italie. Dans ces pays, ainsi qu’en Flandres, c’est dans les enluminures, notamment celles des Livres d’Heures, qu’il va continuer sa diffusion.

3Le second thème que nous voulons analyser, le Christ du Dimanche, ou mieux, des jours de fête (Feiertagschristus) a une origine plus récente que les calendriers : il s’agit d’une véritable image « inhabituelle2 ». Cette iconographie est liée à la diffusion de représentations dévotionnelles, telles que la Véronique (la Vera icona), la Messe de saint Grégoire ou l’Homme des douleurs, qui caractérise les derniers siècles du Moyen Âge. Son succès sera quand même limité : les représentations connues de ce thème sont quatre-vingt, et leur concentration est particulièrement importante dans la région alpine3.

4Si les calendriers montrent pour une grande partie des mois les activités agricoles qui les caractérisent, le Christ du Dimanche veut par contre représenter la souffrance provoquée sur le corps du Christ par le travail des hommes durant les jours de fête : les activités interdites sont souvent symbolisées à travers la présence de simples outils agricoles ou artisanaux. Il est donc évident que ces deux thèmes iconographiques sont très différents pour leur origine, leur histoire, et leur développement : l’élément commun le plus important est la représentation d’outils et d’occupations paysans.

Les calendriers : le temps et le travail

5La différence fondamentale entre les calendriers anciens et l’iconographie médiévale est constituée par l’introduction d’images de travail agricole4. Ce fait met en cause un aspect essentiel du calendrier chrétien, qui cesse de représenter directement des fêtes religieuses, comme c’était le cas dans la tradition précédente : on préfère par contre les images de l’homme au travail pour la plupart des mois. Cet élément nous amène à considérer le problème de la valorisation désormais différente de l’activité manuelle dans l’Occident médiéval par rapport à l’Antiquité5. L’héritage de trois traditions culturelles différentes (celle gréco-romaine, celle germanique, et la judéo-chrétienne) permettra sa lente valorisation : la promotion au sein de l’église de l’idéologie tripartie n’est pas étrangère à ce mouvement d’idées, qui a en effet introduit l’aspect économique (les laboratores) à côté du religieux (les oratores) et du militaire (les bellatores)6.

6L’évolution des représentations des calendriers de l’Antiquité au Moyen Âge suit cette progressive mise en valeur du travail. Si le premier calendrier figuré que nous connaissons, celui de la frise du temple de la Petite Métropole d’Athènes (ii^e siècle av. J.-C.) est essentiellement un calendrier de fêtes religieuses, dans lequel plusieurs personnages représentent les divinités fêtées dans le mois7, dans l’art romain tardif, en particulier dans le Calendrier de 354 (le calendrier de Philocalus), cet aspect commence à être moins important8. Dans ce calendrier, une œuvre de transition entre monde païen et monde chrétien, chaque mois est individualisé par ses produits typiques ou par des allusions au climat. De plus, chaque scène est figurée par un seul personnage : les représentations des calendriers évoluent de l’image à plusieurs figures vers la personnification du mois9. Les activités agricoles sont parfois évoquées à travers la présence des instruments du travail : dans le mois de juin, par exemple, nous voyons une faucille pour signifier la moisson10. L’on n’est pas encore parvenu à la figuration de scènes de travail actif, qui seront introduites pour la première fois dans les calendriers du haut Moyen Âge.

7Nous voyons s’accomplir cette évolution dans deux manuscrits de Salzbourg qui datent de la première moitié du ix^e siècle11.

8L’idée de la personnification du mois, mise en scène avec un seul personnage souvent au travail, trouve une diffusion énorme à partir du xii^e siècle surtout. Nombreuses sont les églises qui ont inscrit ce thème dans les voussures de leurs portails, dans leurs cycles de fresques, dans les mosaïques des pavements, ou bien encore dans les miséricordes des stalles et dans les fonts baptismaux. En France et en Italie, le succès est énorme, ainsi qu’en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et dans les pays nordiques.

9Les représentations figurées évoluent pendant les derniers siècles du Moyen Âge (xiv^e-xv^e), vers une construction plus complexe de la figuration, vers l’anecdote, les scènes de genre ; ce thème iconographique cesse d’être fréquent dans les églises et semble plutôt se diffuser dans les manuscrits (surtout les Livres d’Heures) et dans les calendriers gravés, à usage privé. Dans ces cas-là, le mois n’est plus représenté par une personnification, mais par plusieurs personnages qui participent à la mise en scène : habituellement, l’auteur représente les activités agricoles à côté des divertissements des nobles. On trouve de très beaux exemples de cette évolution dans les fresques de Torre Aquila (dans le château du Buonconsiglio à Trente), dans les calendriers enluminés comme les Très riches heures du duc du Berry, et, enfin, dans les fresques de Palazzo Schifanoia à Ferrare.

10Le thème des travaux des mois a connu un développement très marqué, étant donné le fait qu’il rend visible l’une des structures fondamentales de la vie et de la sensibilité humaine : le temps. Pour les hommes de l’Ancien Régime, il ne pouvait exister aucune idée temporelle qui ne soit ancrée à un élément concret : le jour n’était jamais une entité abstraite, mais la fête d’un saint ; le mois de son côté était reconnaissable comme « le mois de la moisson » ou « le mois des vendanges ». La réforme du calendrier opérée par Charlemagne montre clairement l’équivalence qui existait dans l’imaginaire des hommes médiévaux entre le mois et le travail agricole qui le distinguait : le nom du mois dérivait directement de cette activité, en rendant ainsi l’unité de temps immédiatement saisissable12.

11Mais le fait de lier les jours de l’année avec les fêtes chrétiennes n’exprime pas seulement le besoin de donner une consistance réelle à une idée abstraite : elle exprime aussi l’impossibilité de concevoir le temps en dehors et au-delà du temps religieux. Le temps humain existe et se pense seulement en rapport au divin : c’est donc le rapport entre temps humain (temps de l’ici-bas) comme partie du projet divin qui est mis en cause et qui est représenté.

12La nouveauté du calendrier du Moyen Âge se situe dans la conception temporelle différente qui y est sous-entendue : à la conception du temps cyclique antique se substitue une idée plus complexe, qui semble unifier un aspect linéaire et eschatologique avec une idée cyclique, celle du calendrier liturgique (qui trouve son parallèle dans le temps cyclique des saisons et des travaux agricoles)13.

13Ces réflexions peuvent éclaircir l’insertion des calendriers dans l’iconographie religieuse traditionnelle, en particulier à côté des cycles de la Passion ou dans le registre inférieur des absides des églises, au-dessous des représentations de la Majestas domini, des Évangélistes et des Apôtres.

Le Christ du dimanche

14Le deuxième thème iconographique dans lequel nous pouvons repérer de nombreuses représentations d’outils et de travaux paysans et artisanaux est le « Christ du Dimanche » : dans ce cas, il s’agit d’une image qui assume un sens complètement différent par rapport aux calendriers. L’image rappelle les travaux interdits durant les jours de fête : elle est donc strictement liée à l’affirmation, dès le haut Moyen Âge, du troisième commandement à propos de la sanctification du dimanche. L’Admonitio generalis de Charlemagne (789) définit déjà clairement les travaux ruraux défendus durant ce jour14. Dans les conciles et dans les statuts synodaux médiévaux et de l’Âge moderne, on trouve souvent la mention de la transgression du repos dominical, qui était vue comme un véritable problème à résoudre15.

15À partir du xiv^e siècle, date des plus anciennes attestations du thème16, le Christ du Dimanche connaît une diffusion limitée, qui se concentre surtout entre l’Angleterre, les Pays Germaniques, l’Italie et l’Europe centrale : sur l’ensemble des images recensées, soixante-douze encore conservées, quarante-cinq peintures murales se trouvent dans la région alpine, entre la Suisse, l’Italie, l’Autriche et la Slovénie. Si les calendriers représentent une iconographie largement diffusée dans toute l’Europe médiévale, le Christ du Dimanche semblerait par contre se caractériser par une présence plus marquée dans les Alpes17. Après la Réforme catholique, la concentration de ce thème « trop profane » dans les décors peints des sanctuaires sera âprement critiquée par l’Église officielle (les calendriers subiront le même destin)18.

16Le développement de l’image du Christ du Dimanche est quand même strictement lié à d’autres typologies iconographiques qui connaissent un succès important dans les derniers siècles du Moyen Âge, grâce à la diffusion d’un sentiment religieux plus dramatique, centré sur le culte du Christ souffrant, des plaies, et de l’autre côté, sur le culte de l’eucharistie et du Saint Sang. En particulier, elle est en rapport étroit avec les représentations des Arma Christi, de l’Homme des Douleurs, et de la Messe de Saint Grégoire19.

17Un exemple de la liaison symbolique unissant ces représentations est visible dans l’église de Schlans, sur la paroi externe du campanile (Fig. 8), et dans l’église Sankt Georg à Rhäzüns, en Suisse (Canton des Grisons, Fig. 6)20. L’auteur des deux peintures, datées de la fin du xiv^e siècle, est le Maître de Rhàzüns. Dans les deux cas, le Christ du Dimanche est peint à côté de la messe de saint Grégoire. Le Christ est figuré nu, vêtu d’un simple pagne, peint de front, les yeux ouverts, les bras et les jambes écartés : il montre les cinq plaies de la Passion. Sa figure est entourée par une série d’objets, d’outils ou d’hommes au travail, qui sont reliés à son corps par des lignes de sang. Ces lignes indiquent la partie de son corps qui souffrira lorsque le fidèle exerce l’activité symbolisée par l’objet, au lieu de consacrer le dimanche, jour du Seigneur, au repos et à la fréquentation de la messe. Contrairement aux cycles des travaux des mois, il s’agit dans ce cas d’une image ayant une forte connotation religieuse et morale. Cette signification est toujours mise en évidence par les chercheurs qui ont étudié ces peintures et qui ont souligné la valeur d’avertissement de cette image pour les fidèles21.

18À Rhäzüns, aucune séparation n’existe entre le Christ du Dimanche et la scène de la Messe de saint Grégoire ; parmi les deux, plusieurs objets rappellent l’histoire de la Passion : l’échelle, le coq de l’épisode de Pierre, la main qui fait un geste de dérision (la « fica »), le fouet, la lance.

19Un autre exemple assez intéressant se trouve sur le chevet de l’église réformée de Waltensburg (Canton des Grisons) : le Christ du Dimanche, daté d’environ 1451, est entouré, sans être touché, par les outils (Fig. 7)22 Deux sont les activités interdites figurées : à la droite de la figure du Christ, on peut reconnaître une scène de bagarre à la taverne ; à la gauche, on discerne des danseurs accompagnés par le diable.

20À Slavetin (Bohême), le Christ est encore représenté debout, habillé d’un pagne23. Il est entouré, sur les deux côtés, par des paysans et des artisans au travail, qui sont figurés dans des niches. Chaque image touche le corps du Christ à travers un rayon de lumière24.

Les outils et les travaux agricoles

21Dans les calendriers des travaux des mois ainsi que dans les images du Christ du Dimanche, les domaines de production agricole figurés sont divers : en général, on ne peut pas parler d’une spécificité alpine des outils représentés, mais plutôt d’une insistance sur des activités typiques, comme par exemple la récolte des châtaignes et les activités concernant l’élevage des bovins. Nous concentrerons notre attention sur les activités liées à l’agriculture, à la viticulture et à l’élevage. Nous commencerons avec des images de labourage.

22À Schlans (Canton des Grisons, Fig. 8), dans la représentation du Christ du Dimanche, nous voyons une scène de labourage effectué par un paysan qui conduit un araire avec soc et un mancheron double. Il travaille avec un seul cheval. Des araires de ce type sont normalement utilisés dans ces régions pour ouvrir le terrain qui sera après retourné par un deuxième passage25.

23Une charrue munie d’un avant-train à deux roues, d’un soc, d’un coutre en fer, et d’un versoir est visible dans la peinture du Christ du Dimanche de l’église San Rocco à Tesero, en Trentin, datée de 1557. À la droite du Christ, un homme travaille en utilisant une charrue à laquelle sont attelés deux bœufs. Une autre scène de labourage est visible dans l’église de Reutigen (Canton de Berne), où se trouve un Christ du Dimanche du début du xv^e siècle. Un homme conduit la charrue, qui est munie d’avant-train, un autre les animaux26.

24Un outil du même type est visible sur le mois d’avril du cycle des travaux des mois de Torre Aquila à Trente (Castello del Buonconsiglio), daté d’environ 1407 et attribué au Maître Venceslaus27. Les hommes travaillent avec deux bœufs et un cheval. La charrue est composée d’un avant-train à deux roues, d’un soc et d’un coutre en fer, et d’un versoir en bois. Un paysan conduit la charrue, tandis que l’autre fait marcher les animaux à l’aide d’un bâton. En haut, nous trouvons deux scènes plutôt rares dans les calendriers des travaux des mois : les semailles de printemps et la préparation du terrain avec une herse en bois28. Un paysan à cheval conduit l’animal attelé.

25Les semailles sont visibles également dans la représentation du Christ du Dimanche de l’église Sankt Kanzian à Saak (en Carinthie), datée de 146229. En bas, à droite, un paysan est en train de jeter les semences, contenues dans son tablier, en faisant un geste circulaire de sa main gauche. Derrière lui, un deuxième homme traîne une herse en bois ; un outil du même type est représenté à côté du Christ du Dimanche figuré sur le mur septentrional de la nef de l’église Sankt Peter à Mistail (Canton des Grisons). La peinture est attribuée à un maître anonyme et date de la fin du xiv^e siècle30. Un autre exemple est visible près du Christ du Dimanche de l’église Sankt Johann de Taufers, en Tyrol du Sud, daté d’environ 1400 (Fig. 9)31.

26Après la préparation du terrain et les semailles, nous avons, pendant les mois estivaux, la moisson et le battage du blé32. Dans les calendriers, les mois de juin ou de juillet sont occupés par la figuration du paysan qui coupe le blé à l’aide d’une faucille formée d’un manche en bois et d’une lame en métal sans dents. Le mois de juin du calendrier de l’église San Michele de Palagnedra, signé vers 1490 par un peintre local, Antonio da Tradate, représente un jeune homme qui coupe les céréales avec une faucille courbe en saisissant avec l’autre main un faisceau de tiges. Derrière lui, on peut apercevoir un petit récipient en bois qui contenait sans doute du vin (Fig. 12).

27Le même geste est visible dans le cycle des travaux des mois de l’église Santa Maria dei Ghirli de Campione d’Italia (Lombardie), daté du xiv^e siècle. L’homme figuré au mois de juin saisit de la main gauche le grain qu’il coupe avec sa faucille. Une scène similaire est visible sur le mois de juillet du calendrier de l’église Santa Maria del Castello de Mesocco (Canton des Grisons), cycle daté d’environ 1469 et réalisé par l’atelier des Seregnesi.

28Des femmes au travail sont par contre visibles dans le cycle de la paroisse de Caneggio (Canton du Tessin ; Fig. 5), du xv^e siècle, et dans le Christ du Dimanche de l’église paroissiale de Schlans, de la fin du xiv^e siècle (Fig. 8).

29Le battage du blé suit la moisson. Pour cette activité, nous pouvons vérifier la présence de deux types différents d’outils : le premier, et le plus simple, est formé par un bâton, l’autre est le fléau, composé par un battoir en bois relié par une courroie. Dans le mois de juillet du calendrier daté du milieu du xiii^e siècle de l’abbaye de Piona (Lombardie), un paysan bat le blé en travaillant avec un simple bâton (Fig. 4). Un bâton similaire est utilisé par le paysan du mois d’octobre dans le cycle de l’église Santa Maria del Castello à Mesocco (environ 1469), et dans celui de l’église San Leonardo à Borgomanero (Novare), de la fin du xiii^e siècle, pour faire tomber les châtaignes de l’arbre (Fig. 10). Nous avons ainsi un premier témoignage de la polyvalence de l’outillage agricole médiéval.

30Un fléau est par contre utilisé par l’homme figuré sur le mois de juillet du calendrier de l’église Santa Maria delle Grazie de Maggia (Canton du Tessin), daté de 1528, et dans le calendrier du xv^e siècle de l’église San Paolo de Belgirate (Piémont ; Fig. 13). Sur la fresque du Christ du Dimanche de la paroisse de Tesero (1557), on voit un fléau avec retour en bois en forme de massue.

31En ce qui concerne les activités liées à la viticulture, nous trouvons des références fréquentes à la préparation des échalas et à la taille de la vigne pendant les mois hivernaux de février et mars, ensuite aux vendanges d’automne33.

32Comme exemple de la préparation des échalas pour la vigne, nous pouvons mentionner le mois de février du calendrier de l’abbaye de Piona. Le paysan utilise la souche d’un arbre comme base d’appui pour couper les rameaux inutiles de la branche. Un exemple pareil nous l’avons à Oleggio (Novare), dans l’oratoire Santa Maria del Gaggiolo (xiii^e siècle)34 : on voit très bien l’outil utilisé, qui est formé d’une large lame en fer et d’un manche en bois. Il rassemble à celui visible sur le Christ du Dimanche de l’église San Pietro à Pregassona (Canton du Tessin), du début du xvi^e siècle (Fig. page de couverture).

33La taille de la vigne à l’aide d’une serpe est figurée dans l’église San Michele de Palagnedra (Canton du Tessin) : le paysan travaille en saisissant les sarments de la vigne de la main gauche et il les coupe à l’aide d’une petite serpe. Une serpe avec un manche en bois et une lame courbe et plus large est visible dans la fresque de l’église Saint-Jacques de Bacva en Istrie, qui remonte au xvi^e siècle35. Dans ce cas, comme déjà à Pregassona, une femme représente le dimanche.

34En automne, nous avons les vendanges, la préparation des tonneaux et le foulage des raisins dans la cuve. Une première image des vendanges se trouve dans le calendrier de Campione d’Italia (Santa Maria dei Ghirli) du xiv^e siècle, au mois de septembre. L’homme travaille à l’aide d’un couteau ; une scène similaire se trouve dans le cycle de l’église San Paolo à Belgirate (Piémont ; xv^e siècle).

35La préparation des tonneaux, généralement au mois d’août ou de septembre, est visible par exemple à Mesocco (Santa Maria del Castello) et dans l’église San Pietro à Fara Novarese (Novare). Les deux hommes travaillent à l’aide d’un grand marteau en bois, qu’ils utilisent pour fixer les cercles sur les tonneaux (Fig. 2, Mesocco). À Fara Novarese, au mois de septembre, est représenté le foulage des raisins dans une cuve ronde en bois (Fig. 3).

36Une activité tout à fait notable à la fin du Moyen Âge dans ces régions de montagne est l’élevage, particulièrement des bovins. Plusieurs activités agricoles y sont reliées : la première pour laquelle nous avons un témoignage peint est la fenaison36. Ce travail était très important : une fois coupées, les herbes étaient conservées séchées et utilisées comme fourrage pour les animaux pendant l’hiver. La fenaison est figurée normalement dans les cycles des travaux des mois en mai ou en juin et l’outil utilisé est une faux avec un long manche en bois, avec une ou deux poignées et une lame courbe en métal. Dans l’église San Bernardo à Monte Carasso (Canton du Tessin), le calendrier, daté de 1427 et de peintre anonyme, montre un homme qui travaille à l’aide d’une faux formée d’un manche en bois légèrement courbe. Il saisit de sa main gauche la poignée en bas et de l’autre celle située sur la partie finale de l’outil (Fig. 11). Un paysan qui coupe le foin est visible également sur l’image du Christ du Dimanche de l’église San Giacomo de Ortisei en Tyrol du Sud, datée de la première moitié du xv^e siècle ; à Reutigen par contre l’homme aiguise la lame de la faux37.

37Un outil avec une seule poignée est figuré dans la représentation du Christ du Dimanche sur la paroi externe de la paroisse de Tartsch, en Tyrol du Sud, datée de 1531 (Fig. 1).

38À la fenaison était reliée une autre activité importante pendant les mois hivernaux : la récolte du feuillage qui était utilisé comme fourrage pour le bétail. Cette image, typique dans les calendriers des Préalpes lombardes, est présente dans les calendriers de Palagnedra et Ronco sopra Ascona, œuvres de Antonio da Tradate (fin du xv^e siècle). Dans les deux cas, le paysan du mois de novembre est figuré marchant avec une hotte remplie de feuillage sur les épaules, et tenant un râteau en bois dans la main droite. À Palagnedra, la hotte n’a pas d’ouverture sur les côtés et le paysan la transporte à l’aide de deux bretelles. À Ronco, le paysan transporte une hotte dont la partie contenant le feuillage semble être formée par des baguettes d’osier entrecroisées38.

39Une autre activité liée à l’élevage est la préparation des produits dérivés du lait, comme par exemple la préparation du beurre utilisant la baratte. Il s’agit d’un travail typique dans ces régions de montagne où l’élevage des bovins acquiert une importance remarquable à la fin du Moyen Âge.

40À Torre Aquila à Trente, au mois de juin, nous voyons une scène de pâturage alpestre. Une femme est en train de traire le lait d’une vache, une autre le transporte dans deux récipients en bois, une troisième prépare les formes à fromage, tandis qu’un homme travaille avec une baratte : il s’agit d’un outil en bois en forme de cylindre qui contenait la crème qui venait d’être battue pour en faire du beurre39.

41Le même outil est figuré près du Christ du Dimanche de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Coeur de Lucéram (Alpes Maritimes), daté de 1470-148040, et sur celui de l’église réformée de Waltensburg. Cette peinture, de maître anonyme, figure la baratte au milieu des jambes du Christ (Fig. 7).

42Une dernière image liée à l’élevage des bovins est l’abattage du bœuf qui est visible sur le mois de novembre de l’église paroissiale de Fara Novarese en Piémont, daté du xv^e siècle : ici, le paysan utilise un simple marteau en bois41.

Conclusion

43Les représentations d’outils et de travaux agricoles qui se trouvent à l’intérieur des cycles des travaux des mois et dans les images du Christ du Dimanche nous ont permis d’approcher l’univers de l’outillage agricole paysan dans les régions alpines. Nous avons pu observer sa polyvalence et en même temps la présence d’une série d’outils témoignant des activités agricoles qui sont typiques de cette région.