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Les villageois

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Christian Desplat

Nogaro et les gens de guerre à l’époque des cardinaux-ministres

Francis Brumont

Texte intégral

  • 1 Pour une chronologie générale de la période, Joël Cornette, Les années cardinales. Chronique de la (...)
  • 2 Emmanuel Le Roy Ladurie, L’Ancien Régime. De Louis XIII à Louis XV (1610-1770). t. I, L’Absolutism (...)
  • 3 Expression de Pierre Chaunu, dans Fernand Braudel et Ernest Labrousse, dir., Histoire économique e (...)
  • 4 Emmanuel Le Roy Ladurie, L’Ancien Régime..., op. cit., p. 119 ; Pierre Chaunu, Histoire économique (...)

1Loin des champs de bataille habituels de la monarchie française, l’Italie, les Pays-Bas ou l’Allemagne, le sud-ouest de la France n’a cependant pas été épargné par les hostilités presque permanentes qui opposèrent la France et ses alliés aux Habsbourg au cours des xvie et xviie siècles1. C’est que, d’une part, la guerre s’est déroulée à l’occasion sur la frontière pyrénéenne, une éventualité de plus en plus fréquente au fur et à mesure qu’affaiblie, la monarchie espagnole ne peut plus protéger son territoire des invasions, et que, de l’autre, la guerre est coûteuse et son déroulement se répercute inexorablement sur les impôts. Les communautés du plat pays doivent donc supporter le passage des gens de guerre, voire leur logement sur une longue durée, mais aussi une forte augmentation des impôts, caractéristique du ministériat de Richelieu, le cardinal étant atteint, aux dires d’E. Le Roy Ladurie, de « boulimie fiscale2 ». Cette croissance « implacable3 », est particulièrement forte dans les années 1632-1635, année à partir de laquelle le haut niveau atteint se maintint avec quelques fluctuations4.

  • 5 Yves-Marie Bercé, Histoire des Croquants. Étude des soulèvements populaires au xviie siècle dans l (...)
  • 6 Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants..., op. cit., p. 145 ; Anne Zink, Pays ou circonscription (...)
  • 7 Archives municipales de Nogaro (déposées aux Archives départementales du Gers) : BB 1 à BB 4 (pour (...)
  • 8 Ibid., CC 14 (1635) à CC 36 (1659), avec quelques lacunes (1637, 1644, 1650).
  • 9 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 516-517.

2Nogaro, petite cité ne dépassant guère le millier d’habitants, eut à souffrir de la crue fiscale comme des exactions des gens de guerre, comme les autres communautés de l’élection d’Armagnac, dont elle faisait partie depuis la création de celle-ci, ou plutôt sa re-création en 1622 après la suppression en 1611 des circonscriptions érigées en 1603-16045. Elle y jouait même un rôle de premier plan, étant chef-lieu de la collecte dite du Bas Armagnac, l’autre chef-lieu se situant à Auch. À ce titre, elle abrita, après la création des élections, plusieurs assemblées, plus ou moins légales, qui réunissaient les membres de la noblesse du Bas Armagnac, voire des assemblées des États6. C’est pour nous un excellent observatoire pour diverses raisons : Nogaro est située sur une grande voie reliant les rivages atlantiques à la Méditerranée, voie que nous verrons empruntée par de nombreuses troupes ; c’est une petite ville où maisons bourgeoises et hôtelleries sont tout à fait aptes à loger les soldats et leurs officiers, au contraire de nombreux villages alentour où ils pourraient tout juste camper ; capitale du Bas Armagnac, elle est amenée à prendre des initiatives concernant l’ensemble de la collecte au nom de laquelle elle parle ; ville royale, elle avait été cédée, comme les quatre autres villes de la collecte (Riscle, Aignan, Plaisance et Barcelonne) au prince de Condé, situation qui en temps normal présentait quelques avantages, puisque les seigneurs s’efforçaient de protéger leurs villes, mais qui, à l’époque de la Fronde, mit notre petite cité dans une situation souvent inconfortable. Enfin, les archives conservées pour l’époque qui nous intéresse sont abondantes et suffisamment détaillées pour nous permettre de vivre, presque au jour le jour, les relations de Nogaro avec les gens de guerre. Il s’agit essentiellement des délibérations consulaires à partir de 1631 (avec quelques lacunes)7 et des comptes municipaux (avec leurs justificatifs, la plupart du temps)8. Pourquoi, enfin, avoir choisi de limiter notre étude aux trois décennies de gouvernement des cardinaux ? Le graphique ci-joint qui concerne l’ensemble des xviie et xviiie siècles (1635-1783) justifie clairement cette option : c’est pendant les années 1635-1660 que l’impact de la politique militaire sur les finances de la communauté furent les plus sensibles, et de loin. Le règne, pourtant belliqueux à souhait, de Louis XIV eut un impact beaucoup plus faible sur les finances, même si les « peuples » furent frappés, notamment à cause de l’augmentation de la fiscalité, très nette à partir de 1690 environ9.

Soldats et dépenses consulaires (Nogaro : 1635-1783)

Soldats et dépenses consulaires (Nogaro : 1635-1783)

3Deux aspects caractérisent, nous l’avons dit, pour notre petite cité la participation directe de la France dans la guerre de Trente Ans, après la déclaration de guerre à l’Espagne, le 19 mai 1635 : la présence accrue de soldats sur les lieux, leur passage et, éventuellement, leur logement, et l’accroissement des dépenses de la communauté, qu’elles soient directement dues à la présence des troupes ou indirectement par la hausse de la pression fiscale.

L’omniprésence des soldats

4Le plus favorable et le moins onéreux pour la communauté, c’est le simple passage de troupes ; généralement, on leur donne une collation de pain et de vin et ils vont passer la nuit ailleurs ; dans ce cas les frais et les ennuis sont minimes : 25 £ 5 sous pour donner pain et vin à 15 compagnies en mai 1653. Mais ce n’est pas là le cas le plus fréquent ; il est bien plus courant que les soldats passent la nuit dans notre cité. Quand ils ne sont pas trop nombreux, on peut les loger chez les hôtes de la ville, aux frais de celle-ci, ou bien dans quelque ferme aux alentours. Comme précédemment, il faut leur fournir du pain et du vin : un pot, c’est-à-dire 2 litres environ, à chacun des soldats espagnols qui logent le 14 juin 1643 ; quand il s’agit de cavaliers, il faut y ajouter du fourrage. Il est rare que les régiments de passage restent plus d’une nuit, car ils doivent suivre leur route, les différentes étapes leur étant signalées ; nous verrons cependant qu’ils n’hésitent pas à en dévier, selon les circonstances locales.

5Si ces simples passages causent de nombreux désagréments, ils ne sont pas très coûteux ; du moins pas en comparaison avec ce que coûte à la communauté et souvent aux villages voisins le logement en quartier d’hiver. Dans la période concernée, c’est au moins à trois reprises que Nogaro eut à subir le logement de troupes en quartier d’hiver : en 1640, en 1650-1651 et en 1654. Ces logements donnèrent lieu à une comptabilité particulière, si bien que nous en connaissons assez bien les modalités.

  • 10 Au même moment, d’autres compagnies étaient logées dans les principales villes du Bas Armagnac : E (...)

6En 1640, cinq compagnies du régiment de Roquelaure sont logées dans la collecte : deux à Riscle, une à Aignan et deux à Nogaro10, aux ordres des capitaines de Mansonville et de Chambourg, la première comptant 36 soldats et la seconde 42. On les loge chez les hôtes qui sont payés à raison de 7 sous par soldat et par jour et de 14 sous par sergent. Les capitaines, quant à eux, sont reçus chez des notables : le sieur de Chambourg chez le sieur Trenqualie, marchand, le plus riche de la ville, à 4 livres par jour et le sieur de Lassalle, lieutenant de Mansonville, chez un autre marchand, Matthieu Lalanne, à 3 livres par jour (avec son équipage : 3 chevaux et 3 ou 4 valets). Le quartier d’hiver se terminant le 15 avril, les soldats auraient dû déloger ce jour-là, mais, finalement, ce n’est que le 12 juin qu’ils quitteront la ville, au grand soulagement de ses habitants qui avaient subi leur oppression pendant cinq mois.

7En 1650-1651, le séjour de trois compagnies du régiment de la Reine se prolonge durant l’hiver : deux compagnies demeurent du 15 novembre jusqu’au 28 décembre 1650 tandis que la troisième prolonge son séjour jusqu’au 15 janvier de l’année suivante, les deux autres ayant été envoyées au Houga. Nous n’avons pas de précision sur le mode de logement, si ce n’est sur son coût : 80 £ par jour plus 14 £ pour l’état-major.

8En janvier et février 1654, c’est une compagnie de 35 cavaliers du sieur de Chalard, du régiment du duc de Saint-Simon, qui est hébergée en ville, chez les habitants cette fois-ci ; il faut donc acheter de l’avoine et du foin : 365 quintaux exactement, de 18 à 20 sous le quintal. Quant à l’avoine, achetée à Nogaro même, à Aignan et sur d’autres marchés (Margouet, Avéron), il en fallut 126,5 sacs valant entre 5 et 6 livres chacun pour une somme totale de 727,5 £.

9Ces logements en quartier étaient ce que craignaient le plus les habitants et les autorités qui redoutaient les débordements qui ne manquaient pas de se produire ainsi que nous le verrons, comme les dépenses qu’ils occasionnaient, même si des mécanismes étaient prévus pour en répartir le coût entre la ville et les villages voisins.

Coûts des logements

  • 11 CC 17 (1639) ; il faut fournir à un milicien, frère du dénommé Sanson, maçon, un haut de chausses (...)

10Comme nous l’avons noté plus haut, le simple passage ou l’étape d’un jour d’une ou plusieurs compagnies n’est pas très onéreux pour la communauté : c’est ce qui apparaît clairement dans le tableau figurant en annexe où quelques centaines de livres seulement sont mentionnées dans la rubrique « soldats » les années courantes. Il en va de même en ce qui concerne les miliciens ; pour les convaincre de partir, car ils sont rarement volontaires, il faut les habiller car ils sont « quasy nuds11 », les chausser, les armer, leur donner un petit pécule pour les inciter à servir de bon cœur, les garder pour qu’ils ne s’enfuient pas et les accompagner sous bonne escorte à leur destination : ce sont cinq hommes qui encadrent les trois soldats de milice envoyés à Fleurance en octobre 1639. Mais cela ne coûte guère, tout au plus une ou deux centaines de livres.

11En revanche, le moindre séjour un peu prolongé de soldats enfle démesurément les dépenses ; ainsi, en juillet 1650, 26 compagnies du régiment du duc de Candale logent pendant trois jours. La communauté s’accorde avec les officiers pour qu’ils ne logent pas à discrétion et obtiennent de payer 20 £ par jour et par compagnie, soit un total de 1 620 £ auquel il faut ajouter 108 £ pour une compagnie de Mr de Montesquiou qui loge avec eux. Et que dire alors des quartiers d’hiver ? Certes, il ne faut pas héberger tant de soldats ou de cavaliers, mais le séjour se prolonge plusieurs mois ; dans ce cas-là, on passe aussi un traité avec les officiers : pour les trois compagnies du régiment de la Reine logées en 1650 l’accord se fait à 80 £ par jour plus 14 £ pour l’état-major, soit au total 7 588 £, somme considérable pour une communauté qui payait environ 3 000 £ de tailles à cette époque.

12Pour être juste, il faut cependant dire que la ville ne supporte pas seule ces frais ; bien souvent, elle est aidée par les communautés de la collecte ou par certaines d’entre elles : en 1650, la collecte a été sollicitée une première fois pour le logement des troupes de Candale pour lequel 56 communautés apportent 1 856 £ et de nouveau par trois fois, lors du séjour des régiments de la Reine. C’est un commissaire désigné par le sieur de Saint-Luc, lieutenant-général des armées du roi en Guyenne, Jacques de Luzarey, juge du Bas Armagnac au siège de Nogaro, qui se charge alors de faire la répartition des sommes qui s’élèvent à plus de 7 600 £ (y compris 1 030 £ que paie Nogaro). En contrepartie cependant, il arrive que Nogaro doive contribuer à l’entretien de troupes logées ailleurs : ce sont encore quelques centaines de livres qu’il faut débourser à chaque occasion.

13Les frais engagés peuvent aussi être remboursés par diminution des tailles ; mais c’est une pratique qui semble loin d’être systématique ; c’est, en effet, un arrêt du Parlement du 8 juillet 1651 qui autorise Nogaro à compter pour le paiement des tailles de l’année en cours plus de 2 200 £, fournies pour le logement des années passées. Le 9 mars 1651, ce sont 3 256 £ que Nogaro et quelques lieux alentour sont autorisés à prendre sur les tailles pour contribuer au logement de 95 cavaliers à Montfort.

Autres frais

  • 12 Lau (ou Laur), commune de Laujuzan, canton de Nogaro.

14Si les sommes engagées pour le logement peuvent être considérables, celles qui le sont pour les éviter sont tout aussi importantes et parfois plus. C’est le cas en 1653 où la ville est menacée par Mr le chevalier d’Aubeterre, commandant des troupes de Sa Majesté deçà la Garonne, du logement d’une compagnie de cavaliers en quartier d’hiver : pour s’en exempter ce sont 12 000 £ qu’il faut fournir au chevalier, dont 4 000 doivent être payées par la collecte, le reste étant à la charge de la ville. Il est possible que le logement effectif eût été moins onéreux. Or, de tels paiements sont monnaie courante, pour des quantités moins élevées cependant : la moindre troupe signalée à l’horizon, les consuls vont trouver le capitaine pour composer avec lui afin qu’il aille loger ailleurs. Bien souvent d’ailleurs, ces traités s’apparentent à un véritable racket, les capitaines menaçant du logement pour obtenir quelques centaines de livres. Le 13 mai 1640, le baron de Roquelaure qui est à Vic-Bigorre annonce son arrivée et demande qu’on fasse provision de foin ; devant les instances de la communauté alléguant sa misère, il se contente de 100 £ et s’en va loger à Castelnavet. C’est une somme bien modeste comparée à celle qu’exigent d’autres capitaines : 600 £ pour le sieur Jurami en 1652, 650 £ pour le sieur de Lau, un voisin pourtant12, en 1653,1 060 £ pour « aider à déloger » plusieurs compagnies du régiment de la Reine qui passent en juillet 1650, etc. Il est vrai que l’exemple vient d’en haut : ce sont 2 500 £ qu’il a fallu donner à Mgr de Saint-Luc, commandant des armées du roi en Guyenne, pour qu’il ordonne le délogement de la compagnie de Chalard en 1654.

15En position de force, les capitaines n’hésitent pas à rançonner les consuls des lieux qui les hébergent : ils exigent certaines sommes pour faire tenir les soldats tranquilles, ce qui est, somme toute, une de leurs fonctions ; nous verrons d’ailleurs qu’ils n’y réussissent guère. Toujours en 1654, le lieutenant de Chalard, le sieur de Saint-Euloge, reçoit 200 £, ses laquais 116 £ tout comme ceux dudit Chalard. En 1640, les capitaines des compagnies de Mansonville et Chambourg prétendent recevoir l’ustencile « quoy qui fust deffendeu par la lettre de mondit seigneur le Prince d’en paier aucune chose » ; ils se contenteront de 100 £ chacun « afin de les obliger de tenir leurs soldatz au debvoir et esviter qu’il n’y aist désordre ny insolences ».

16On n’en finirait pas de donner des exemples sur les exigences, malhonnêtetés et malversations des capitaines. Ainsi Chalard encore : le 28 janvier 1654, l’intendant Machaut a ordonné à Nogaro de lui verser 1 323 £, mais le 22 février il décharge la communauté dudit paiement ; Chalard évidemment ne veut pas rendre l’argent et la communauté ne peut rien, car elle lui doit 715 £ et elle a peur qu’il ne retarde son départ. D’autres contestent les paiements qui leur ont été faits ou refusent de payer le trop perçu comme de Mansonville en 1640 : « Ledit sieur chevalier [de Lasalle], lieutenant du sieur de Mansonville pressa si fort les contables à bailher de Targeant qu’enfin lors que le compte fust faict, il se trouva surpayé de vingt-huit livres dix sols » qu’il ne voulut pas rendre (1640).

  • 13 Il s’agit-là d’une des dernières assemblées des États, ou du moins de la collecte de Nogaro, vingt (...)

17Parmi les frais annexes au logement ou au passage des gens de troupe, il faut mentionner les nombreux voyages effectués pour aller implorer les autorités pour éviter les logements ou les faire cesser. Ces voyages sont très nombreux et portent les représentants de Nogaro aux quatre coins de la province, voire à Paris. C’est d’abord le duc d’Epernon qui est sollicité, dans les années 1636-1638 ; on va le voir à Tartas ; en 1638, c’est vers son fils, le duc de La Valette qu’on envoie et surtout vers Condé, sollicité à deux reprises, mais nous ne savons pas où ils se trouvent au moment où la communauté députe vers eux. L’année suivante en tout cas, c’est à Lectoure et à Gimont (ou L’Isle-Jourdain) que le Prince reçoit les envoyés de la ville (juin) ; peu de temps après (août), c’est à Pézenas ou à Narbonne que l’on va le rencontrer pour qu’il juge en appel un procès avec les communautés voisines. C’est à Ustaritz que l’avocat Trenqualie doit se déplacer pour parler au marquis de Sourdis, lieutenant-général du roi en Guyenne. Tous les ans les dépenses occasionnées par ces voyages s’élèvent à plusieurs centaines de livres (entre 500 et 800 couramment), le maximum étant atteint en 1654 : 1 500 £ qui sont dépensées en de nombreux voyages à Nérac, Agen, Cahors, Bordeaux, Paris, etc. sans compter les multiples déplacements locaux pour s’occuper à recouvrer l’argent dû pour les logements ou pour s’employer à convoquer les États d’Armagnac (ou du moins l’assemblée de la collecte) en janvier13.

  • 14 La présentation d’une lettre d’exemption par un garde du duc de Bouillon et une lettre de cachet c (...)
  • 15 Dans l’actuel canton de Nogaro.

18Tous les moyens sont bons pour éviter les logements, en raccourcir la durée ou en atténuer les effets. On présente des lettres de recommandation ou des exemptions obtenues souvent assez difficilement à prix d’argent et qui ne font guère d’effet14, on fait agir les notables locaux, en particulier les nobles qui vont parlementer avec les capitaines : les barons d’Arblade et du Lin sont le plus souvent sollicités, moyennant quoi on exempte le premier des tailles qu’il doit payer dans la ville (une centaine de livres). En 1654, ce ne sont pas moins de huit « messieurs de la noblesse » qui sont logés et nourris avec leurs valets pour négocier avec de Chalard. On utilise aussi les quelques habitants des environs qui ont fait carrière dans l’armée : le cavalier Baylies, de Nogaro, maréchal des logis dans une compagnie du duc de Candale (que Ton décharge des tailles) ou Mr de Pensenx le jeune, commandant d’une compagnie, neveu de Mr de Pensenx, de Saint-Griède15 qui fournit en 1649 des lettres de recommandation. Tous ces soins sont bien souvent inutiles, toutes les communautés faisant les mêmes diligences, car il faut bien que les soldats s’arrêtent quelque part. On continue quand même à payer et à solliciter les uns et les autres, car la crainte des dégâts causés par les soldats est telle que Ton veut à tout prix s’en exempter.

La foule des soldats

  • 16 Dictionnaire des synonymes françois, Paris, Nyon l’aîné, 1788, p. 266.

19Ce sont les termes de foule, fouler, qui sont le plus couramment employés pour désigner les dégâts que causent les soldats dans la communauté : en 1640, on compose avec les commandants du régiment de Montagnac « affin d’esviter la foule et oppression accostumé en parelhs logements ». En 1638, le sieur Doat, deuxième consul, est déchargé de 12 £ par les comptables de la communauté, car il a souffert un logement, ceux-ci « estant certains comme ledit Doat fut foullé extraordinairement ». Et c’est encore ce sens qui figure dans un Dictionnaire de synonymes datant de 1788, à une époque où les soldats, encasernés, ont normalement cessé leurs dégâts ; on y lit en effet à « foule : presse, troupe, charge, oppression, surcharge, vexation indue » et à « fouler : accabler, charger, oppresser, opprimer, surcharger, tyranniser, vexer16 ». C’est dire que le souvenir des exactions des gens de guerre était vivace ; cependant, les documents que nous manipulons, de par leur nature comptable, ne sont pas très explicites sur ces exactions comme pourraient l’être des sources judiciaires ou des documents privés (livres de raison, journaux).

  • 17 « Pilheries, ruines et désollation » en 1654 (CC 30).

20Aussi sont-ils généralement assez discrets sur ce que les habitants subissent ; si des vols sont couramment signalés, ou des dégâts dans les fermes isolées (comme de la part des Irlandais du colonel Balthasard en 1653), on n’entre guère dans les détails17. Toujours est-il que certains habitants s’enfuient, laissant ceux qui restent se débrouiller comme ils peuvent : le sieur Doat, cité plus haut, avait dû loger plus de 30 soldats, 18 ou 20 chevaux, 12 chiens et 5 valets « occasion que les habitans auroint quitté leurs logis, s’estant lesdits gens de guerre jettés dans le logis dudit Doat ». À Caupenne, en 1654, les soldats n’ont trouvé presque personne, si bien qu’ils se répandent dans la campagne « pour chercher leur vie ». Plus grave encore, mais seul cas signalé : l’assassinat du fils du procureur du roi de Nogaro, dans une métairie isolée, par des cavaliers qui vont loger à Panjas et passent près des portes de la ville en 1654.

  • 18 Alphonse Feillet, La Misère au temps de la Fronde et Saint Vincent de Paul, Paris, Perrin, 5e éd. (...)
  • 19 CC 29 (1652).

21Il faut dire que les années de la Fronde (1652-1653) furent les plus difficiles pour la ville et les alentours, comme dans bien d’autres provinces18. Aux diverses troupes qui passent ou stationnent dans la région, s’ajoute la peste qui sévit de 1652 à 1654 ; aussi doit-on réparer les murailles, creuser les fossés, accommoder les portes de la ville, travaux qui s’avèrent fort utiles aussi pour se prémunir des ennemis : « À cause qu’on estoict menassé d’estre surprins par les troupes de Balthasart qui estoit pour lors à Rocquefort » et pour éviter « l’infiction de la maladie contagieuse que les passans auroict peu pourter19 ». Mais la situation de Nogaro est ambiguë : appartenant au prince de Conti, elle est bien obligée de contribuer aux efforts de l’armée des princes. En novembre 1651, elle offre 1 500 £ à Conti, prétendument pour s’exempter de logement, les consuls justifiant cette dépense en disant que « les pays de l’Arbret estoint à la faveur de monseigneur le prince », le procureur du roi ajoutant cette apostille : « Ladite somme a esté porté [sic] audit Nérac pour avoir suivy la délibération sur ce faicte. » La même année diverses sommes sont données à des compagnies favorables aux frondeurs, le procureur du roi contestant l’une d’entre elles « attendu que c’est contre le service du roi ». Mais en septembre 1652, la ville donne 1 000 £ à Mr de Gouhas, chargé de faire prêter serment de fidélité au roi aux messieurs de la noblesse ; la ville prétend alors qu’il faut convoquer les États d’Armagnac, peut-être pour gagner du temps.

  • 20 Mai-juin 1653 (CC 30).

22En 1653, on a l’impression que les soldats sont partout : les ennemis sont signalés à Lias (d’Armagnac), à Grenade (sur Adour), à Mauléon (d’Armagnac), à Roquefort, à Saint-Justin (menaçant de « se saysir de ceste ville et la pilher sy on ne leur donnoit de l’argent20 »). Les royaux sont logés à Riscle, Saint-Mont, Marciac, Plaisance, Auriébat, Beaumarchés et ils menacent toujours de se déloger pour s’installer à Nogaro. Il faut tenir compte aussi des changements de camp et du ralliement des rebelles : le colonel Balthasard, considéré encore comme ennemi en juillet, envoie son lieutenant, Mr de Prugue à Nogaro, le 9 août « après [sa] réduction à l’obéissance du Roy », avec quelques compagnies de son régiment, de ceux de Guitaut, de Conti et des Irlandais, en tout 500 hommes et 80 maîtres. Leur nouvelle condition de fidèles au roi ne les empêche pas de se livrer à leurs habituelles exactions (« apprès y avoir demuré pendant trois jours et ruiné de despenses et pilheries la plus part des habitans de ladite ville ») si bien que la ville doit composer avec Prugue. Celui-ci réclame 9 000 £ pour le paiement de la subsistance et du quartier d’hiver ( !) des mois de juillet et d’août ; la ville s’en tire avec 1 500 £ qu’elle remet au sieur de Borda, commis à la levée des sommes ainsi obtenues par Prugue et obtient le délogement, sous forme d’un ordre du duc de Candale, apporté par le sieur de Pensenx.

Impôts, exactions et endettement21

  • 21 Annexe.
  • 22 La forte augmentation des revenus en provenant (qui figurent dans les rubriques comptables sous le (...)
  • 23 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 508-510.
  • 24 Document envoyé par les élus où figure le montant à payer par la communauté.
  • 25 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 506-507.
  • 26 Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants..., op. cit., p. 574-575 (émeutes en Pardiac et Rivière-B (...)

23Contrairement à ce qui se passe après 1660 et surtout après 1690, à l’époque des cardinaux-ministres c’est en vendant des offices22 et en réajustant le montant de la taille et de ses annexes (taillon) que l’État se procure les quantités qui lui sont nécessaires, pour faire la guerre essentiellement23. Si la vente d’offices ne concernait qu’indirectement nos contribuables (en diminuant le montant des impôts qu’ils auraient dû payer en l’absence de ces expédients), ils sont très sensibles aux fluctuations des impôts directs. Quand la mande24 parvient aux consuls, ils se dépêchent de calculer la quotité de l’impôt, la quantité que devra payer chacun des arpents dont est composé la communauté, pour confectionner le rôle, au prorata des arpents possédés par chacun et commencer le recouvrement25. À l’époque concernée, il arrive que les consuls trouvent ce montant trop élevé et n’en lèvent qu’une partie, quitte à subir les foudres du receveur, sous forme de logement de gendarmes, ou plus simplement à voir ces sommes reportées sur l’année suivante, éventuellement majorées. Ces refus de payer se produisent en 1636, 1638, 1640 et 1642, c’est-à-dire à des moments de forte contestation de l’impôt dans la région26 et de la persistance d’une opposition au système des élus, système qui lésait sans doute Nogaro, chef-lieu de collecte. Cette opposition se manifeste, par exemple, dans l’ordre du jour de l’assemblée des États d’Armagnac du 7 octobre 1639 :

  • 27 Il est probable qu’une imposition de 2545 £ figurant sur la mande de 1636 et que la communauté ref (...)

« Pour s’opposer au payement que le recepveur des tailhes prenoit par extorsion des restes des gaiges des officiers de l’eslection de l’an mil six cens trente sept convertissant les deniers du courant de la tailhe audit payement des restes27. »

  • 28 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 508.

24Quoi qu’il en soit, à partir de 1643, l’on est bien obligé de payer les arrérages des années précédentes et les tailles de l’année en cours. À la taille s’ajoute parfois une autre contribution, l’ustencile des guerres, dont on peut déduire, il est vrai, les dépenses réellement engagées pour l’entretien de telle ou telle compagnie de soldats ; elle se substitue donc, en théorie, au logement. Au total, les sommes à payer au fisc sont très variables, du minimum de 1639 (833 £) au maximum de 1642 (8 000 £ environ), le montant des contributions se situant généralement entre 3 000 et 4 000 £, mais atteignent 5 700 £ dans les trois dernières années du ministériat de Mazarin, avant que Colbert ne les réduise à 3 000 £ pour une vingtaine d’années28.

25On peut dire que, bon an mal an, les Nogaroliens ont payé un peu plus de 3 000 £ par an pour leurs tailles, disons 3 200 avec les contributions annexes ; peut-on comparer cette somme avec celle qu’ils ont dû débourser du fait du passage et du logement des troupes ? C’est une opération difficile, car s’il est relativement aisé de connaître les dépenses que les consuls détaillent à souhait, il est plus hasardeux de se prononcer sur les sommes qui n’ont pas été fournies par la communauté (contribution de la collecte, par exemple), sur celles qui ont été remboursées plus tard, ou déduites des tailles, sur celles qui entrent exactement dans cette rubrique « dépenses dues aux gens de guerre » : faut-il y inclure les gratifications, dont certaines sont déclarées illégales ? faut-il compter les voyages ? les repas offerts aux officiers ? les présents faits à tel ou tel personnage influent ? J’ai opté pour inclure pratiquement tous ces chapitres, qu’il s’agisse de contribution directe à l’entretien des soldats ou d’exactions de toute sorte ; j’y ai fait figurer aussi les contributions de Nogaro à l’entretien des soldats logés ailleurs ; la rubrique « voyages » figure à part, mais il est certain qu’un bon nombre d’entre eux, à l’époque concernée, sont effectués pour régler un problème concernant les gens de guerre. Au total, 2 875 £ en moyenne par an pour les soldats, plus quelques centaines pour les voyages, autour de 3 000 £ donc, soit l’équivalent de la taille. Un poids peu supportable, surtout si l’on tient compte du fait, que l’absence de compte antérieur à 1635 nous cache, que les impôts directs avaient fortement augmenté avant cette date.

  • 29 Les dépenses des seules armées 1640, 1650, 1653, 1654 représentent 84 % du total des dépenses enga (...)

26En outre, ce qui accentue le caractère insupportable des logements, sur le plan strictement financier c’est que les paiements n’en sont pas réguliers, mais qu’ils se concentrent sur quelques années29 et qu’ils sont exigibles immédiatement et exigés avec les moyens que l’on devine. Il n’est pas possible donc, comme cela l’est encore pour les tailles, malgré les contraintes du logement effectif, d’accumuler des arrérages ; enfin, les remboursements des frais engagés sont soit difficiles (les villages de la collecte ont souvent du mal à payer), soit tardifs et partiels (quand ils émanent des autorités).

  • 30 Il est vrai que le montant demandé était particulièrement élevé cette année-là : 7158 £, la plus f (...)

27Comment donc font les villages pour s’acquitter de leurs redevances ? Comme ils ne peuvent, ni ne veulent surcharger indéfiniment les taillables, les consuls essaient de s’arranger : on saisit les biens des contribuables défaillants, on les déclare en « non-perçu », on demande au syndic de l’hôpital de payer pour les plus pauvres, ou on laisse traîner le paiement d’une année sur l’autre : pour les trois années 1650-1652 le montant des arrérages s’élève à 6 359 £, soit 78 % des sommes dues au titre de la taille, dont les derniers reliquats seront payés en 1658. On peut même avoir parfois de bonnes surprises, comme en 1648 où les impôts sont réduits d’un cinquième ou en 1659 où un arrêt du Conseil réduit les tailles de 1 520 £30.

28Mais pour les soldats, il faut trouver des liquidités ; une solution s’impose aux consuls, l’emprunt ; c’est par milliers de livres qu’ils s’endettent auprès des contribuables les plus riches. Parcourons à nouveau les registres comptables et nous serons édifiés sur ce point. Dans les premières années, ces emprunts ne sont pas très élevés : en 1640, par exemple, pour le quartier d’hiver des compagnies de Mansonville et Chambourg, la majeure partie des sommes provient des cotises faites sur les habitants de la ville (3 350 £), sur ceux de la collecte (3 077 £), les emprunts au chirurgien Jean Doat, aux syndics de l’hôpital ou aux marguilliers de la chapelle Notre-Dame ne s’élevant qu’à 787 £, soit à peine un peu plus de 10 % des dépenses. Mais cette gestion « vertueuse » n’a été obtenue que parce qu’on a négligé le paiement d’une partie des tailles, comme on le fera aussi les années suivantes, si bien qu’en 1643, il faut se résoudre à vendre au sieur Boucaud le four banal pour la somme de 4 582 £. Les années suivantes sont plus calmes : on peut imposer certaines sommes pour payer les arrérages tout en réglant rubis sur l’ongle les impôts de l’année en cours. Cette situation dure jusqu’en 1650, nous l’avons vu, mais alors tout s’accumule : les soldats, la peste, les impôts, les désordres de la Fronde. En 1651, premiers expédients : le four banal est affermé « à deniers anticipés » (900 £) et on emprunte 1100 £ au marchand Jean Trenqualie. En 1652, nouveaux emprunts à divers particuliers, au chapitre de la collégiale Saint-Nicolas et à l’hôpital, en tout 3 286 £ destinées à payer le logement des troupes du sieur de Lassalle, à se préserver de celles du sieur Jurami et à payer le sieur Gouhas.

29Tout cela cependant n’est rien par rapport à ce qui vient ; les années 1653 et 1654 sont vraiment catastrophiques, nous l’avons signalé : il a fallu trouver plus de 23 000 £ pour payer les divers quémandeurs et les diverses exactions. En 1653, sur un total de recettes s’élevant à plus de 18 000 £, 13 000 environ ont été empruntées, le marchand Jean Trenqualie fournissant 3 000 £, le procureur du roi Destouet, 2 600 £, 1 000 £ proviennent de l’engagement du tiers du four pour 16 ans, etc. En 1654, les recettes sont à peine moins élevées (17 800 £), mais les emprunts tout aussi importants ; encore une fois c’est Jean Trenqualie qui fait le plus gros effort : on lui engage les émoluments de la ville (c’est-à-dire les revenus des monopoles municipaux) pour 6 621 £, enfin, ce qui reste des émoluments car, à cette occasion, on apprend qu’ils étaient déjà engagés au même Trenqualie pour la somme de 9 678 £, qu’il avait fournie antérieurement. À cette somme s’ajoutent divers autres emprunts pour environ 5 000 £. Voilà notre communauté endettée pour des dizaines d’années : dès 1657 commencent les versements réguliers aux Trenqualie d’une rente variant entre 800 et 1 300 £ jusqu’à 1718 : ils ont reçu à ce moment-là plus de 50 000 £, soit environ trois fois les sommes qu’ils avaient avancées. Il faudra un procès avec les Trenqualie, alors conseillers au Parlement, qui se terminera par un accord amiable en 1727, pour mettre fin à ces versements.

***

  • 31 Alphonse Feillet, La Misère au temps de la Fronde..., op. cit., passim ; Jean Jacquart, La Crise r (...)

30Les passages et logements de gens de guerre ont donc un effet à double détente : sur le court terme la ruine des communautés et sur le long terme leur endettement qui se traduit par la vente ou l’engagement des biens et des revenus municipaux. Il faut cependant remarquer que la foule et les destructions sont sans doute inférieures dans notre région à ce qu’elles ont été ailleurs : les descriptions apocalyptiques d’Alphonse Feillet sur la misère en Champagne, en Bourgogne, en Ile-de-France rejoignent celles, plus mesurées mais tout aussi éloquentes de J. Jacquart pour le sud de Paris ou de F. Lebrun pour l’Anjou31. C’est que ces régions subissent beaucoup plus que la nôtre les effets des combats, directs ou indirects, et des logements beaucoup plus longs et sans doute plus rudes, car, au bout d’un certain temps, tout est ruiné aux alentours, ce qui ne peut qu’entraîner l’exaspération des soldats en maraude et la recrudescence de leurs exactions. À Nogaro, on a malgré tout pu toujours trouver de l’argent, du pain, du vin, des fourrages et certains, comme Jean Trenqualie, n’ont pas été perdants, même s’ils ont dû accepter de loger quelques officiers.

  • 32 Sauf en 1643, où figurent 4582 £ empruntées pour payer les arrérages des tailles.
  • 33 BB 6 (l-XI-1679).
  • 34 Pierre Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730. Contribution à l’histoire sociale de la (...)

31Sur le long terme, c’est l’augmentation de la dette qui est le plus préjudiciable à la communauté ; non seulement elle augmente (de quelques centaines de livres avant 165032, elle passe 1 500-2 000 £ après cette date), mais elle change de nature : auparavant, il s’agissait d’une dette flottante, constituée d’arrérages de tailles ou d’emprunts à court terme, ensuite, devant l’impossibilité de rembourser le capital, elle devient une dette consolidée, une rente annuelle étant payée aux Trenqualie (1 000 £ environ) et au chapitre (120 £). Malgré les efforts de Colbert pour solder les dettes de communautés, celles-ci ne s’éteignirent pas : en 1679, le fils de Jean Trenqualie demanda le remboursement des 16 000 £ qu’avait prêtées son père en 1654 ; mais, la communauté ne put satisfaire cette demande33. Ce n’est pas seulement sur le plan démographique que la Fronde fit sentir ses effets dans les décennies suivantes34 ; elle affaiblit durablement les communautés, en les privant d’une partie de leurs revenus consacrée au service de la dette et cela dans une région relativement épargnée : on imagine ce que furent ces effets dans les provinces qui subirent de plein fouet les méfaits de la soldatesque.

Annexes

Annexe. Comptabilité consulaire de Nogaro (1635-1659)

Légende
AN : Année du compte ; REC : recette totale ; DEP : dépenses totales ; TAIL : taille payée, UST : ustencile ; IMP : autres impôts ; DET : dette remboursée (intérêts et capitaux) ; GAG : gages versés ; TRAV : travaux effectués ; MILI : frais dus aux soldats de milice ; VOY : frais de voyages et procès ; DIV : frais divers ; NPRC : impôts non perçus ; SOLD : frais dus aux soldats. Le tout en livres

Notes

1 Pour une chronologie générale de la période, Joël Cornette, Les années cardinales. Chronique de la France. 1599-1652, Paris, Armand Colin, SEDES, 2000, 448 p.

2 Emmanuel Le Roy Ladurie, L’Ancien Régime. De Louis XIII à Louis XV (1610-1770). t. I, L’Absolutisme en vraie grandeur (1610-1715), Paris, Hachette, Pluriels, 1991, p. 118.

3 Expression de Pierre Chaunu, dans Fernand Braudel et Ernest Labrousse, dir., Histoire économique et sociale de la France, t. I : de 1450 à 1660, Premier volume, L’État et la Ville, par Pierre Chaunu et Richard Gascon, Paris, PUF, 1977, p. 185.

4 Emmanuel Le Roy Ladurie, L’Ancien Régime..., op. cit., p. 119 ; Pierre Chaunu, Histoire économique et sociale de la France, op. cit. p. 182-189 ; Margaret et Richard Bonney, Jean Roland Malet premier historien des finances de la monarchie française, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1993, en particulier tableaux 9 (1611-1642) et 16 (1643-1656) ; pour Nogaro, Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt en pays de taille réelle : l’exemple de Nogaro (1635-1783) », Bulletin de la Société archéologique du Gers, 2001, p. 506-518.

5 Yves-Marie Bercé, Histoire des Croquants. Étude des soulèvements populaires au xviie siècle dans le sud-ouest de la France, Paris-Genève, Droz, 1974, p. 88-89 ; Anne Zink, Pays ou circonscriptions. Les collectivités territoriales de la France du Sud-Ouest sous l’Ancien Régime, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 52-57 ; René Souriac, « Les provinces de Guyenne et de Gascogne face à la monarchie. xvie-xviie siècles », Bulletin de la Société archéologique du Gers, 2001, p. 538-542.

6 Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants..., op. cit., p. 145 ; Anne Zink, Pays ou circonscriptions..., op. cit., p. 47.

7 Archives municipales de Nogaro (déposées aux Archives départementales du Gers) : BB 1 à BB 4 (pour la période 1631-1660).

8 Ibid., CC 14 (1635) à CC 36 (1659), avec quelques lacunes (1637, 1644, 1650).

9 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 516-517.

10 Au même moment, d’autres compagnies étaient logées dans les principales villes du Bas Armagnac : Eauze, Lupiac, Lannepax, Castelnau Rivière-Basse.

11 CC 17 (1639) ; il faut fournir à un milicien, frère du dénommé Sanson, maçon, un haut de chausses et des bas de cordeillat, un pourpoint de cadis, un chapeau et un rabat, plus une paire de souliers ; en outre, le maçon exige qu’on lui donne 4 sous par jour (d’absence du milicien sans doute).

12 Lau (ou Laur), commune de Laujuzan, canton de Nogaro.

13 Il s’agit-là d’une des dernières assemblées des États, ou du moins de la collecte de Nogaro, vingt ans plus tard donc que ce que croyait Anne Zink (Pays ou circonscriptions..., op. cit., p. 55-56) ; une dernière assemblée (au sujet du quartier d’hiver) est convoquée le 2 décembre 1657 (BB 4, f° 278 v°) ; d’autres ont eu lieu en 1643,1645,1649 et 1650 (BB 3 et BB 4).

14 La présentation d’une lettre d’exemption par un garde du duc de Bouillon et une lettre de cachet contre le sieur du Buisson ne l’empêchent pas de loger ses 16 compagnies à Nogaro en janvier 1656 ; la communauté le gratifie d’ailleurs de 18 pots de vin vieux, du meilleur qui se serait trouvé dans la cave de Mr Lalanne, les bouteilles étant fermées avec du papier (CC 33 et 34).

15 Dans l’actuel canton de Nogaro.

16 Dictionnaire des synonymes françois, Paris, Nyon l’aîné, 1788, p. 266.

17 « Pilheries, ruines et désollation » en 1654 (CC 30).

18 Alphonse Feillet, La Misère au temps de la Fronde et Saint Vincent de Paul, Paris, Perrin, 5e éd. 1886, p. 473-485 pour notre région.

19 CC 29 (1652).

20 Mai-juin 1653 (CC 30).

21 Annexe.

22 La forte augmentation des revenus en provenant (qui figurent dans les rubriques comptables sous le nom de parties casuelles) est visible dans les graphiques publiés par M. et R. Bonney, Jean-Roland Malet..., op. cit., p. 30 et 39 : dans les années 1630-1639, les parties casuelles forment 53 % des revenus de la monarchie.

23 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 508-510.

24 Document envoyé par les élus où figure le montant à payer par la communauté.

25 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 506-507.

26 Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants..., op. cit., p. 574-575 (émeutes en Pardiac et Rivière-Basse).

27 Il est probable qu’une imposition de 2545 £ figurant sur la mande de 1636 et que la communauté refuse de faire lever se rapporte au même objet ; en 1637, la ville n’avait pas voulu prélever la somme destinée au paiement des gages des élus (CC 18).

28 Francis Brumont, « Le vrai poids de l’impôt... », art. cit., p. 508.

29 Les dépenses des seules armées 1640, 1650, 1653, 1654 représentent 84 % du total des dépenses engagées pour les soldats durant l’ensemble de la période.

30 Il est vrai que le montant demandé était particulièrement élevé cette année-là : 7158 £, la plus forte somme jamais exigée depuis 1635.

31 Alphonse Feillet, La Misère au temps de la Fronde..., op. cit., passim ; Jean Jacquart, La Crise rurale en Ile-de-France ; 1550-1670, Paris, Armand Colin, 1974, notamment p. 646-676 ; François Lebrun, Les Hommes et la mort en Anjou aux xviie et xviiie siècles. Essai de démographie et de psychologie historiques, Paris-La Haye, Mouton, 1971, p. 326-328.

32 Sauf en 1643, où figurent 4582 £ empruntées pour payer les arrérages des tailles.

33 BB 6 (l-XI-1679).

34 Pierre Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730. Contribution à l’histoire sociale de la France du xviie siècle, Paris, SEVPEN, 1960, p. 613-616.

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Titre Soldats et dépenses consulaires (Nogaro : 1635-1783)
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Légende LégendeAN : Année du compte ; REC : recette totale ; DEP : dépenses totales ; TAIL : taille payée, UST : ustencile ; IMP : autres impôts ; DET : dette remboursée (intérêts et capitaux) ; GAG : gages versés ; TRAV : travaux effectués ; MILI : frais dus aux soldats de milice ; VOY : frais de voyages et procès ; DIV : frais divers ; NPRC : impôts non perçus ; SOLD : frais dus aux soldats. Le tout en livres
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