Les villageois
|Les « lettres de feu » : la petite guerre et les contributions paysannes au xviie siècle
Texte intégral
1Le financement des conflits du xviie siècle a permis à la petite guerre régulière, menée par les corps de partisans issus des troupes réglées ou par des unités franches, de rencontrer la grande histoire. Les partisans qui agissent en commandos sont devenus depuis le xvie siècle les instruments efficaces de la rafle brutale des contributions. La guerre nourrit la guerre, dit-on souvent. À partir du règne de Louis XIV, une correction s’impose : la petite guerre nourrit la grande. L’historien John Lynn a quelque raison de conclure au terme d’une étude sur cette question :
- 1 John A. Lynn, « How war fed war ; the tax of violence and contributions during the Grand Siecle », (...)
« Le but était d’établir le rôle des réquisitions armées comme soutiens de l’expansion militaire massive du Grand Siècle. Face à deux scénarios possibles – soit la réforme administrative et fiscale a rendu possible la croissance de l’armée, soit l’expansion militaire a forcé le gouvernement à faire des réformes – la taxe de violence et les contributions apportent beaucoup d’arguments en faveur de la seconde solution1. »
La « taxe de violence » : butin et dégât
- 2 A. Jouanna, La France du XVIe siècle 1483-1598, PUF, 1996, p. 620. La citation est extraite d’Yves- (...)
« À la guerre comme à la guerre, depuis les troubles religieux du xvie siècle, il a fallu ainsi en France se payer sur l’habitant. "Comme l’entretien des garnisons coûte cher et que l’argent manque, les gouverneurs des places délivrent des commissions à leurs majors pour « parcourir la campagne, fourrager, lever des tailles, enrôler des pionniers afin de travailler aux fossés et aux brèches, ramener des bestiaux, des charges de blé, et des tonneaux de vin." Si les paysans refusent, leur bétail est confisqué, ils sont jetés en prison et libérés contre rançon2. »
- 3 Anthoine De Ville, De la charge des gouverneurs des places, Paris, dernière éd. 1640, éd. consultée (...)
2La police des partis revient donc en premier à la charge du gouverneur de la place forte. C’est ainsi que le chevalier Anthoine de Ville, ingénieur du roi, raisonne, dès 1639, les missions de la petite guerre. Son ouvrage De la charge des gouverneurs des places contient en effet la description systématique des opérations des partisans3. Dès la première moitié du xviie siècle, les fonctions des partis forment déjà un corps de doctrine cohérent.
- 4 Ibid., p. 276.
« Ce sont les gouverneurs qui font ordinairement des parties de guerre en temps d’hiver, lorsque les troupes sont retirées dans les garnisons : et lorsqu’on n’a affaire autre chose, on s’occupe aux moyens de donner quelque incommodité à l’ennemy et en retirer quelque avantage. Les parties de guerre se font pour plusieurs sujets : comme alors que l’ennemy entre dans nos confins pour l’attraper tandis qu’il est en campagne ; pour enlever un quartier ; pour forcer quelque vilage ou petit fort, dans lequel l’ennemy s’assemble et se retire pour faire ses courses ; pour faire du butin, tant dans les lieux fermés comme dans la campagne ; pour prendre des prisonniers et avoir langue d’eux, afin de savoir ce que les ennemis font et l’état de leurs forces ; pour aller reconnaître quelque place4. »
3De Ville est explicite sur les méthodes du dégât :
- 5 Ibid., p. 523 (éd. 1639). De Ville est un des rares auteurs de traités à argumenter en faveur de l’ (...)
« Il faudra ravager tout leur païs, faisant marcher la cavalerie de tous costez par la campagne, qui aille par les villages, bourgs, hameaux, maisons, piller tout ce qu’ils pourront emporter ou emmener, et mettront le feu à ce qu’ils laisseront ; gasteront les bleds, s’il y en a sur terre, les faisant faucher, passant les chevaux par-dessus, emmenant prisonniers tous les hommes qu’ils pourront prendre, et faisant tous les actes d’hostilité qu’on a accoustumé de faire ; toutefois reservant trois choses, les lieux sacrez, et les personnes, et tout ce qui en dépend ; le violement des femmes ; la tuerie de ceux qui ne se deffendent pas ; les cruautés et les bourrelemens envers ceux qu’on prend ; car ce sont des meschancetez qui crient vangeance devant Dieu5. »
4Mises à part les interdictions finales, ce plan de dévastation systématique replace les sacs du Palatinat dans la panoplie traditionnelle des conventions de guerre. Le premier sac a été décidé et exécuté par Turenne en 1674. Il a servi de modèle à Chamlay et à Louvois pour l’opération tristement célèbre de 1689 qui poursuivait toutefois les mêmes buts. Le premier épisode est souvent passé sous silence par les historiens même allemands, comme le souligne Jean Berenger dans sa biographie du maréchal. L’historiographie germanique est, semble-t-il, globalement favorable à Turenne, en raison sans doute de ses liens familiaux et de son rôle dans la défense des intérêts allemands au cours de la guerre de Trente Ans.
- 6 Voir Michèle Fogel, « La désolation du Palatinat ou les aléas de la violence réglée (septembre 1688 (...)
- 7 Les mémoires du marquis de Sourches sont éloquents : « Le même jour [17 mars 1689], on apprit... qu (...)
5Dans les deux cas, il s’agit de priver l’armée impériale de ravitaillement, d’empêcher l’invasion de la France, génératrice de dévastations dont le souvenir lié à la Fronde n’était pas perdu et, enfin, d’inspirer la terreur aux adversaires, les petits princes oublieux de l’alliance française et les sujets de ces principautés qui harcelaient l’armée française. La nouveauté qui fit scandale fut le caractère systématique et officiel de telles pratiques qui jusque-là se produisaient couramment en dehors des décisions du commandement supérieur et des volontés des officiers. Mais l’impact psychologique fut énorme. L’armée de Louis XIV se conduisait comme celle du « Grand Turc ! » Dans les pays rhénans érigés en glacis protecteur par la volonté de Louvois, les troupes françaises ont transgressé les normes indiquées par de Ville ; elles ont profané les lieux de culte, elles ont persécuté les personnes sans distinction mais n’avaient-elles pas carte blanche6 ? Et l’ingénieur militaire a bien raison d’invoquer la vengeance : les réactions des populations ont été à la hauteur des exactions7.
L’institution des contributions de guerre
- 8 L’ouvrage est réédité pour la dernière fois en 1856 et semble avoir été en usage dans le corps du g (...)
- 9 Non comprises 60 compagnies franches suisses de 200 hommes. Voir Sapin-Lignières, Les troupes légèr (...)
- 10 Sapin-Lignières, ibid., p. 20 : « L’effectif total des fusiliers des compagnies franches est de 14 (...)
- 11 La première date du règne d’Henri IV.
- 12 Par convention, on se méfie des partis de moins de 15 hommes. Sans un effectif suffisant et sans or (...)
- 13 Les sauvegardes sont les garanties de protection achetées par les particuliers. Sapin-Lignières (op (...)
- 14 Cité par Sapin-Lignières, Les Troupes légères..., op. cit., p. 21.
6Ainsi voyons-nous au cours des guerres religieuses de la première modernité, guerres civiles françaises, guerre européenne de Trente Ans, la petite guerre des contributions s’institutionnaliser progressivement. La police des partis en garnison dans les forteresses constitue la première forme réglementaire de la guerre de courses. À la fin du règne de Louis XIII, le traité d’Antoine de Ville recueille un héritage en proposant une sorte de vade-mecum pour gouverneur et en compilant toute une série de prescriptions pratiques8. Il existe dès lors des compagnies franches de fusiliers et de dragons affectées dans les places fortes. En 1617, elles sont au nombre de 78 de 35 hommes chacune9. En 1643, au début du règne de Louis XIV, il en existe presque 15010. Toutes ces mesures font l’objet d’ordonnances royales régulièrement portées à la connaissance des gouverneurs des places françaises et ennemies11. Celle de 1675 prescrit que l’effectif minimum des partis doit être porté à 19 fantassins ou 15 cavaliers12. L’ordonnance régularise aussi le partage des prises. Le produit des contributions alimente d’abord l’extraordinaire des guerres, celui des sauvegardes est encore, à ce moment-là, le bénéfice personnel du commandant en chef. En dehors de ces quotes-parts, le reste du butin est vendu au profit des hommes de la compagnie franche et réparti selon des règles fixes13. Les prises faites sont remises aux majors des places qui sont chargés de la vente et de la distribution. Le répartiteur se réserve 2/10e pour frais de vente. Un fusilier reçoit une part ; le capitaine, six. Le chef du parti reçoit six parts supplémentaires. Une ordonnance du 27 juin 1696 précise en outre que si le parti a enlevé 10 chevaux, le chef peut en choisir un pour lui avant la vente. La rançon des otages ou des prisonniers de marque est incluse dans ce partage14.
- 15 Sapin-Lignières, ibid., p. 25.
7Mais la mission la plus réglementaire aboutit à la levée régulière des contributions. Selon l’expression de Sapin-Lignières, les partis de guerre sont devenus, au xviie siècle « les trésoriers expéditifs de l’extraordinaire des guerres15 ».
- 16 John Lynn, Giant of the Grand Siecle. The French Army, 1610-1715, Cambridge, Univ., 1997.
- 17 Sur la « taxe de violence », voir l’étude de Lynn, ibid., p. 288-296. L’auteur désigne sous cette e (...)
8Depuis longtemps, les historiens réfléchissent aux conditions de la naissance de la monarchie absolutiste et aux origines du développement d’un État royal puissant, centralisé et de type bureaucratique. L’armée française au temps de Louis XIII et de Louis XIV est devenue un organisme « monstrueux », « gargantuesque ». C’est ce qui ressort de l’étude que vient de consacrer l’historien américain John Lynn au « géant du Grand siècle ». Il apparaît qu’au terme d’une véritable révolution, qui eut lieu dans la première moitié du siècle, l’institution militaire d’Ancien Régime avait atteint des proportions démesurées16. Mais ce géant coûte cher à la monarchie et la machine de guerre dépasse de beaucoup les capacités financières de l’État. Souvent, l’armée se paye sur le pays, imposant une véritable « taxe de violence17 ». Ces pratiques furent de règle, en particulier pendant le règne de Louis XIII et la minorité de Louis XIV. Lynn soutient même que le prélèvement direct sur les ressources locales était le système de fonctionnement normal et la seule solution possible pour maintenir une armée en état de combattre. Le règne personnel de Louis XIV amène d’indéniables améliorations : les brutalités des soldats déclinent, « la taxe de violence » tend à disparaître. Mais l’argent continue à manquer. Aussi les troupes doivent-elles improviser un autre système de financement. C’est ainsi qu’à partir de la guerre de Dévolution (1667-1668), les « contributions » deviennent une pratique officielle.
- 18 Lynn, op. cit., p. 288.
« Le pillage indiscipliné et inefficace, dont les gains vont directement aux soldats en maraude, fut remplacé par une seconde pratique, beaucoup mieux organisée et plus efficace, la levée des contributions par le gouvernement lui-même. Contrairement à la taxe de violence, de telles contributions furent levées à l’extérieur des frontières du royaume ; elles furent administrées par des agents civils et ont bénéficié à l’effort de guerre royal plus qu’aux unités militaires en particulier. De cette manière, la guerre a nourri la guerre au cours du Grand Siècle18 ».
- 19 Voir Fritz Redlich, « Contributions in the Thirty Years’War », dans Economie History Review, no 12, (...)
9Ce système s’est développé très tôt en Allemagne au cours de la guerre de Trente Ans. Avec Spinola, Mansfeld et Wallenstein, il acquiert sa forme définitive vers 162519. Les contributions apparaissent d’abord comme de simples impositions levées sur un territoire d’une taille adaptée à leur perception régulière pour une période suffisamment longue. De sa propre initiative, le chef militaire établissait la contribution en la proportionnant au pays rançonné. La réquisition était appuyée sur la menace d’un châtiment, essentiellement l’incendie. Une partie pouvait être acquittée en nature mais dans la pratique de Wallenstein, les contributions fonctionnent comme une monnaie de paiement. Lynn distingue nettement ce système de la taxe de violence qui est une ponction spontanée et anarchique et des opérations de destruction systématique imposées par une stratégie de terre brûlée. Cette dernière méthode vise avant tout à priver l’ennemi de ressources et non à moissonner ces richesses pour le compte de l’approvisionnement français. Certes, il y eut des « contributions rapaces » qui ont entraîné quelquefois de telles calamités mais souvent ces dégâts sont seulement le fruit d’un calcul élémentaire : prendre ce que l’on peut et détruire tout ce qu’on ne peut pas emporter. Les mémoires de Sourches en témoignent, à la date du 14 janvier 1689 :
- 20 Mémoires de Sourches, op. cit., t. III, p. 18.
« Le bruit courait alors que les français abandonnaient toutes les places qui sont au-delà du Rhin et du Neckar... la vérité était seulement que, comme on ne s’était saisi de tous ces postes que pour tirer d’Allemagne de grosses contributions, on avait résolu de les abandonner, après en avoir tiré tout ce qu’on aurait pu20. »
Le banc d’essai français dans les Pays-Bas espagnols (1667-1715)
- 21 Lynn, op. cit. (voir note no 133) p. 297. Voir aussi, du même auteur, « Food, Funds, and Fortresses (...)
10Avant 1659, les français prélèvent des contributions hors des frontières « mais la situation stratégique de l’époque ne leur permit pas d’en tirer des ressources substantielles ». Après 1667, les contributions « devinrent partie intégrante » du système royal afin « de combler le vide entre les besoins militaires et les revenus de l’État ». Elles prirent forme et régularité et adoptèrent « au plus haut degré des formes légales21 ».
- 22 Les agents français estiment habituellement le niveau des contributions en fonction des rôles d’imp (...)
11En effet, les contributions étaient en général établies par des conventions formelles, les « traités », passées entre les autorités locales et les représentants du roi. Les traités établissaient des obligations financières et promettaient la protection à ceux qui les payaient régulièrement. Ils prévoyaient même des compensations pour les dégâts ultérieurs faits par les troupes françaises, après leur signature. Le système est habile : dans les Pays Bas espagnols, si une région recevait la permission des autorités espagnoles de conclure un traité avec les français, elle pouvait déduire les paiements faits à la France des impôts dus à l’Espagne. Les contributions deviennent des impôts réguliers assis sur des territoires étrangers22.
- 23 Hubert Van Houtte, Les Occupations étrangères en Belgique sous l’Ancien Régime, Univ. Gand, Recueil (...)
- 24 Voir Ronald Thomas Ferguson, Blood and Fire : contribution policy of the French Armies in Germany ( (...)
- 25 Lynn, op. cit., p. 299.
- 26 Jean-Pierre Rorive, Les Misères de la guerre sous le Roi-Soleil, sous-titre Les populations de Huy, (...)
- 27 Sur ces aspects, voir Lynn, op. cit., p. 300.
- 28 Hubert Van Houtte, « Les conférences franco-espagnoles de Deynze », dans Revue d’histoire moderne, (...)
- 29 Lynn, op. cit., p. 300.
- 30 Woerden voit juste. « le receveur général des Pays-Bas espagnols, des Mottes, écrit à cette époque (...)
- 31 Van Houtte (op. cit.) pense que la mise au ban des exécutions par incendie, décidée à Deynze, eut u (...)
12L’historien Hubert van Houtte date l’origine de ces pratiques de la guerre de Dévolution23. Les français ont exploité d’autres pays comme l’Allemagne occidentale où ils ont levé des contributions « d’une manière irrégulière et spasmodique24 ». Mais « la véritable vache à lait des armées françaises ce furent les Pays Bas Espagnols25 ». Dans cette région, la politique de Louis XIV a suivi une évolution significative. Dans un premier temps, le système, instauré en 1667-1668, se révèle d’ambitions modérées : les contributions se maintiennent dans des proportions convenables pour un tel expédient. Au début de la guerre de Hollande, elles restent limitées à un « niveau raisonnable ». « Les Français ont réalisé que de lourdes exigences pouvaient entraîner, par voie de représailles des levées en retour par leurs adversaires26. » C’est l’analyse du secrétariat d’État qui prévaut en 1672 : il est décidé de modérer et même de baisser les contributions prises en Hollande pour éviter d’exposer les provinces françaises limitrophes aux exigences équivalentes des ennemis. Mais lorsque la guerre s’accroît, les contributions s’alourdissent considérablement et la violence des « exécutions » s’intensifie, particulièrement avec le maréchal de Humières27. En 1676, il frappe durement dans le pays de Waes ce qui entraîne une rupture des contributions et un engrenage fatal. L’expression « rupture des contributions » recouvre la procédure par laquelle l’un des deux adversaires décide unilatéralement que l’autre a rompu la contribution jusque-là admise et par voie de conséquence, abandonne aussi les règles acceptées par « traités ». D’où une escalade des contributions et du cycle exigences-représailles. Les prétentions sont revues à la hausse, les exécutions violentes s’abattent sur les territoires situés dans le théâtre des opérations. Le processus atteint des proportions telles que les Français et les Espagnols tentent de les limiter par une convention générale. Ce sont les conférences de Deynze, au sud-est de Gand, réunies, semble-t-il à l’initiative des Français au début de janvier 1675 et tenues en trois occasions entre septembre 1676 et février 167828. Les pourparlers successifs n’aboutissent pas à un véritable accord mais on s’entend pour limiter le niveau des contributions et la pratique des exécutions. Au cours des premières négociations, les commissaires des rois de France et d’Espagne semblent être d’accord pour proportionner les montants en fonction des impôts payés par la zone visée à son souverain respectif. Après beaucoup d’atermoiements, l’année 1669 est prise pour référence. De plus, les négociateurs condamnent les incendies, du moins tant que les populations n’ont pas déserté leurs villages et, à la place, il est convenu que des otages pourront garantir le paiement. Cependant l’historien van Houtte songe ici à un subterfuge français. Le commissaire de Louis XIV, le baron de Woerden, est convaincu, à juste titre, que les contributions sont encore plus indispensables à l’effort de guerre espagnol qu’aux finances de son maître29. L’idée même d’une conférence peut alors servir les intérêts de la France, sans présumer de son issue car « pendant la discussion, qui fut longue, les espagnols ne pourront pas lever de contributions, ce qui constitue leur seule ressource financière30 ». En fait la conférence finale échoue et Lynn doute de l’impact ultérieur qu’elle eut sur les guerres suivantes31.
- 32 Lynn, op. cit., p. 301.
- 33 Ibid., p. 301.
- 34 Ibid., p. 301.
- 35 Ibid., p. 301.
13Après la guerre de Hollande, pendant la politique annexionniste de Louis XIV (les « Réunions » 1683-1684), les contributions retombent dans les excès antérieurs. Quand la guerre reprend en 1689, « les français tentent de revenir à un comportement modéré mais les demandes exorbitantes faites par la Hollande entraînent à nouveau une rupture des contributions (décembre 1689)32 ». L’escalade recommence : aux exécutions des uns répondent les représailles des autres et les répliques sont pires que les initiatives. S’instaure alors « une arithmétique brutale » : pour chaque village ou maison brûlés, situés sur le territoire placé sous la protection de Louis XIV, de 2 à 50 villages ou maisons ennemis sont condamnés à l’incendie33. Ainsi, en 1684, Louvois ordonne au comte de Montai de brûler 20 villages près de Charleroi sous prétexte que les espagnols ont détruit deux granges placées aux extrémités de deux villages français. Le ministre demande de ne pas laisser une seule habitation debout et d’apposer des placards explicitant ces représailles34. Lynn estime que cette période correspond à l’apogée – noire – du système des contributions. Après la guerre de la ligue d’Augsbourg qui voit le paroxysme de ces pratiques, la guerre de Succession d’Espagne apporte une trêve modeste mais indéniable35.
14C’est alors que s’installe le système des lignes. Déjà, avant 1693, les Français ont mis au point un moyen de protection pour éviter, le plus possible, les ravages dans leurs propres zones de ressources. Les ingénieurs ont établi des lignes fortifiées et des chaînes de postes. Cette politique est particulièrement appliquée au cours de la dernière guerre de Louis XIV. Le système des barrières n’est pas destiné à arrêter les grandes armées ennemies ; elles n’ont pour but que d’empêcher les partis adverses de pénétrer dans les régions que le roi entend se réserver à son propre usage. Mais, avec le temps, il devient de plus en plus perfectionné et joue un rôle de « mur », particulièrement dans le cas des lignes « nec plus ultra » de 1711.
- 36 Nombreux exemples dans SHAT Al correspondance générale, voir, entre autres, volume 2020, no 93 ; vo (...)
15Cette politique a donné lieu à de très nombreux rapports des officiers généraux et des intendants militaires conservés aux archives de Vincennes. Les arguments sont répétitifs : où bâtir les lignes, par où précisément les faire passer, leur utilité (arrêter les courses des partis ennemis), leur coût mis en balance par rapport aux contributions à engranger dans la zone ainsi protégée36.
- 37 Cité par Lynn, op. cit., p. 302-303.
16Le but évident est de créer une sorte de zone tampon impénétrable. Mais la manœuvre, coûteuse, n’est pas gratuite. Le négociateur français, Salions, a bien saisi la balance comptable. Grâce à ce traité, « le roi ne sera plus obligé de conserver de grosses garnisons dans Maubeuge, Philippeville et dans les autres forteresses entre la Sambre et la Meuse. L’ennemi, n’ayant plus l’autorisation de traverser cette région, sera dans l’incapacité de pousser plus avant ses contributions au-delà de la zone où ils sont déjà actuellement37 ».
Louis xiv et la petite guerre : exportation et protection
- 38 Lynn, op. cit., p. 298.
17Dans ce cadre général, la petite guerre n’est qu’une obscure auxiliaire, chargée des tâches ingrates d’intimidation et de répression. Toute initiative lui échappe comme elle est soustraite également aux officiers sur le terrain. En effet, même si certains chefs d’armée (comme le maréchal de Humières en 1676) ont pu, à certains moments, s’engager eux-mêmes dans des négociations directes avec les autorités locales, la plupart du temps, ces missions sont confiées à des ambassadeurs civils et « si un officier général s’asseoit à la table de négociations, ce n’est pas pour satisfaire ses propres intérêts mais pour servir la couronne38 ». Seul le maréchal de Villars a pu jouir dans ce domaine d’une certaine marge de manœuvre personnelle. Il a pris en mains certaines opérations de contributions en Allemagne mais il fut toujours accompagné et assisté par des administrateurs civils. La régularisation des contributions a nécessité l’installation d’un nouveau personnel. C’est le domaine réservé des intendants militaires et de leurs adjoints, les « receveurs des contributions » eux-mêmes entourés d’agents subalternes de l’extraordinaire des guerres. Une fois collectées, les contributions entraient dans les comptes des intendants locaux ou alimentaient les coffres des trésoriers de chaque armée.
18Les partis de guerre se trouvent ainsi placés au bout d’une chaîne de commandements qui commence chez Louvois ou chez ses successeurs. Le ministre dicte les lettres de feu des exécutions et, là-bas, sur le terrain, quelques temps après, la terrible mission s’accomplit.
- 39 Cité par Lynn (op ; cit., p. 299), Louvois à Chamilly, 6 octobre 1676, d’après Ferguson (op. cit., (...)
« Je vois avec plaisir que vous avez commencé à brûler la vieille ville de Gand. Je vous prie de continuer... et de piller et brûler là jusqu’à ce que les populations aient rempli les engagements du traité... et de ne cesser que lorsque vous serez informés qu’ils l’ont bien fait39. »
- 40 Cité par Lynn, op. cit., p. 299, lettre de Louis XIV au maréchal de Catinat, du 21 juillet 1691, d’ (...)
19Parfois, le roi se croit obligé d’expliquer sa conduite : « C’est une terrible chose que d’être obligé de brûler des villages pour obliger les populations à payer la contribution, mais, puisque, ni par la menace, ni par la douceur, rien ne peut les obliger à payer, il est nécessaire de continuer d’user de ces rigueurs40. »
Le sens politique de l’accaparement royal
20D’un bout du siècle de Louis XIV à l’autre, des troubles de la Fronde à la guerre de Succession d’Espagne, la nature des contributions a-t-elle changé, les opérations des partis envoyés en « exécutions » se sont-elles adoucies ? Entre les escalades dans les levées de contributions des années 1670-1715 et les habitudes de la vieille guerre de Trente Ans, au milieu des troubles internes, la différence peut être d’intensité, mais, fondamentalement, le phénomène reste le même. Les contrastes tiennent à d’autres circonstances. Face aux pratiques personnelles de chefs de guerre quasi-autonomes ou de princes en révolte, c’est désormais le roi, et le roi seul, qui en est le maître, à la fois instigateur et bénéficiaire. Les provinces intérieures sont aussi, à présent, en sécurité. Les exactions qui accompagnent le financement autochtone de la guerre se sont déplacées hors du territoire royal ou sur ses marges.
- 41 Dans son ouvrage sur le maréchal Fabert, Paul Renaudin cite de nombreux documents sur les violences (...)
- 42 Il s’agit des notices cadastrales établies par Terivel envoyé par Mazarin pour enquêter sur les vil (...)
21L’histoire du maréchal Fabert et de ses efforts pour protéger son gouvernement Sedanais de la misère du royaume en pleine Fronde est exemplaire à cet égard. En pleine guerre, tant civile qu’extérieure, Fabert parvint à régler au mieux la question des courses et des contributions de guerre dans le nord-est. De 1648 à 1653, un cycle de calamités s’abat sur la région. Déjà de 1649 à 1652, la Champagne a été ravagée par les excès des bandes d’Erlach puis de Rosen, troupes de polonais, de suédois et d’allemands de l’armée de Bernard de Saxe Weimar, passées au service de la France41. En outre la province paie des contributions au Luxembourg ou au Hainaut pour échapper aux courses. Leur montant global s’élève à cent mille écus par an. Les registres des communautés de Champagne, analysés par un envoyé de Mazarin, indiquent que ces taxes atteignent souvent et dépassent parfois le chiffre des tailles royales42. Et cela ne protège pas le pays des partis qui viennent du duché de Bouillon, pourtant neutre, ni de Lorraine, malgré les traités, ni des places appartenant à Condé (Chateau-Porcien, Rethel, Sainte-Menehould, Bar-le-Duc). Le prince fait figure de chef de brigands. Son armée rivalise en pillages avec les bandes étrangères de sinistre réputation. Et quand il place son armée en quartiers, il distribue les partis et les sommations exécutoires :
- 43 P. Renaudin, Le Maréchal Fabert, p. 260.
« Le prince de Condé, premier prince du sang, premier pair et grand-maître de France, duc d’Anguien, Chasteauroux, Montmorency... généralissime des années de Sa Majesté : il est ordonné aux habitants de [suit un blanc pour le nom de la communauté] de députer quelqu’un d’entre eux qui vienne nous trouver, incontinent le présent ordre reçu, avec pouvoir de traiter pour leur communauté, à peine d’estre courus43. »
22Fabert, nommé lieutenant général pour la frontière de Champagne, écarte autant qu’il peut du Sedanais les menaces. Il s’emploie à conclure ou renouveler les traités de neutralité qui garantissent, tant bien que mal, les populations et s’efforce d’intervenir à la moindre violation, parvenant même parfois à faire indemniser les victimes. Dans une lettre à Mazarin, de décembre 1656, il le rappelle non sans fierté :
- 44 Ibid., p. 260-261.
« Je ne puis sans envie avoir depuis treize ans conservé ce pays sans qu’il ait jamais donné un sol à aucun des ennemys du Roy, armées, places ou partis ; et nous avons esté longtems environnés de tous les chasteaux d’icy à la rivière d’Aisne ès mains des Espagnols, des Lorrains et des révoltés de France... Il faut avoir quelque peine à faire ces choses-là, et songer aux devoirs de sa charge plus qu’à Soy44 ».
- 45 Ibid., p. 261.
23En 1658, il parvient à régler avec Condé la question des courses. Moyennant 13 000 livres payées comme arriéré et une contribution annuelle de plus de 6 000 pistoles, le prince accepte d’arrêter les courses dans la Champagne. Le maréchal Fabert supplie alors Mazarin d’étendre cet arrangement et de régler définitivement l’échange de toutes les contributions entre la France et les Pays-Bas. C’est à ses yeux une question de première importance. « Je mourrais de regret si quelqu’un portait Votre Eminence à ne pas m’approuver45. » Et, dans l’énumération des bienfaits escomptés, se profile l’espoir vain de voir disparaître le système des contributions.
- 46 Ibid., p. 261-262.
« Il ne se ferait plus de courses par les ennemis dans la France ; les terres se cultiveraient ; la liberté du commerce serait à la frontière comme au cœur du royaume... Le peuple vivant dans cette douceur augmenterait son bien, les terres rapporteraient beaucoup plus qu’à présent, et le seul profit que les paysans feraient en vaches, brebis, poules et autres mesnageries pourrait les acquitter de la taille, si, comme il est commencé en Champagne, l’on ostait les abus qui s’y font par les élus46. »
24Mais ce rêve agrarien digne des temps d’un Sully n’a plus cours ; l’ordre royal règne et le sens des contributions va s’inverser au seul profit de la monarchie.
Notes
1 John A. Lynn, « How war fed war ; the tax of violence and contributions during the Grand Siecle », The Journal of Modern History, University of Chicago, vol. 65, no 2, juin 1993, p. 286-310, p. 309.
2 A. Jouanna, La France du XVIe siècle 1483-1598, PUF, 1996, p. 620. La citation est extraite d’Yves-Marie Bercé, Histoire des Croquants, Genève, 1974, 2 vol. éd. abrégée, Paris, 1986. A. Jouanna cite le coût de la garde du château de Limeuil en Bas Périgord, tenu pour le vicomte de Turenne : 864 livres par an pour un caporal et 7 soldats.
3 Anthoine De Ville, De la charge des gouverneurs des places, Paris, dernière éd. 1640, éd. consultée 1639. Antoine de Ville (1596-1656 ou 1657) est, après Errard de Bar-le-Duc (1554-1610), un des premiers représentants de l’école française de fortification. Né peut-être à Toulouse, il semble avoir d’abord servi dans l’armée des Provinces-Unies puis dans celle du prince Thomas de Savoie. Il passe au service de Venise (aménagement du port de Pola). Rentré en France, il est chargé par Richelieu d’inspecter la vallée de l’Oise au moment où les Espagnols s’apprêtent à y pénétrer, en novembre 1636. De Ville participe à la reprise de Corbie puis à l’attaque des villes de l’Artois. Voir Jean-François Pernot, « Un aspect peu connu de l’œuvre d’Antoine de Ville, ingénieur du roi (1596 ?-1656 ?) : approches d’un type de documents : les gravures des traités de fortifications », Revue historique des Armées, 1978-1, p. 29-60 ; du même, « La guerre et l’infrastructure de l’État moderne : Antoine de Ville, ingénieur du Roi (1596 ?-1656 ?) ; la pensée d’un technicien au service de la mobilisation totale du royaume », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 34, juillet-septembre 1987.
4 Ibid., p. 276.
5 Ibid., p. 523 (éd. 1639). De Ville est un des rares auteurs de traités à argumenter en faveur de l’utilisation de paysans : « Je ferais armer tous les habitants et paysans ; qu’ils eussent chacun un bon fusil ; par tous les villages et aux lieux hauts qui pourraient découvrir les avenues, je les ferais tenir en sentinelles » (p. 279-280). Il a observé la méthode des populations pour se défendre des incursions et la cite en exemple : « J’ay vu quelquefois que les paysans se retirent dans des églises où ils résistent tant qu’ils peuvent puis montent au haut de la voute et tirent l’echelle après eux. La voute est percée en plusieurs endroits d’où ils choisissent ceux qui veulent entrer pour prendre le butin qu’ils y ont retiré... »
6 Voir Michèle Fogel, « La désolation du Palatinat ou les aléas de la violence réglée (septembre 1688-juin 1689) », dans Guerre et répression. La Vendée et le Monde, colloque de Cholet (avril 1993), Documents et Enquêtes, Centre de recherches sur l’Histoire du monde Atlantique, Nantes, 1993, n° 20, p. 111-117. Hermann Weber, « La stratégie de la terre brûlée, le cas du Palatinat en 1689 », dans La Vendée dans l’Histoire, Colloque La Roche-sur-Yon (avril 1993), Paris, 1994, p. 193-205 (bibliographie p. 205-206). L’ouvrage de base demeure celui de K. Von Raumer, Die Zerstörung der Pfalz von 1689 im Zuzammenhang der französuschen Rheinpolitik, Munich et Berlin 1930, rééd. 1982. Michèle Fogel distingue deux formes de la stratégie des contributions : l’une statique, l’autre gyrovague. Dans les régions soumises, les intendants des provinces frontalières et ceux des armées expédient des « lettres de feu ». Et, au-delà du Neckar, dans les pays non soumis, de petites troupes de cavaliers, précédées d’incendiaires soudoyés, mènent ce que l’officier responsable des raids, le marquis de Feuquière, nomme « une guerre de Tartares » (cité par Fogel d’après une lettre de Feuquière du 4 décembre 1688 source SHAT série Al, 832, folio 46). Dans les mémoires du marquis de Sourches, du 20 août 1689, (Mémoires du marquis de Sourches sur le règne de Louis XIV publiées par le Comte de Cosnac, Gabriel Jules et Edouard Pontal, Tome III, janvier 1689-décembre 1691, p. 139-140, Paris, 1893) on trouve l’indication suivante : « On apprit que M. de Duras avait pris Durlach et plusieurs autres villes au-delà du Rhin... On sut aussi que M. de Duras avait fait brûler toutes ces petites villes de peur que les ennemis n’y vinssent reprendre des postes, mais qu’il n’y avait rien de pareil aux abominations que les soldats avaient faites dans les églises pendant ces incendies » (jusqu’à voler les ciboires et profaner les hosties qu’ils contenaient). À propos des atrocités commises, les références à la guerre turque sont nombreuses dans les documents d’époque. Cf. « Cette guerre était une vilaine habitude que les allemands avaient prise dans la guerre contre les Turcs » (Sourches, ibid., p. 22, à la date du 16 janvier 1689). Le rôle exact joué Jules Louis Bolé, marquis de Chamlay fait encore l’objet d’un débat. Dans son ouvrage sur Louvois, André Corvisier le place au premier plan pour ses responsabilités (voir p. 460-464).
7 Les mémoires du marquis de Sourches sont éloquents : « Le même jour [17 mars 1689], on apprit... que quinze déserteurs de la garnison de Philipsbourg, passant par Stuttgart [...] les habitants de cette ville, outrés de la ruine de leur pays, s’étaient jetés sur ces malheureux, les avaient massacrés et coupés en morceaux, qu’ils avaient envoyés à la boucherie et qui y avaient été vendus publiquement, comme on y vend d’ordinaire la chair des bêtes : cruauté jusqu’alors inouïe entre les peuples chrétiens » (op. cit., ibid., t. III, p. 56).
8 L’ouvrage est réédité pour la dernière fois en 1856 et semble avoir été en usage dans le corps du génie jusque sous le Second Empire (d’après J.-F. Pernot, cf. supra note 3).
9 Non comprises 60 compagnies franches suisses de 200 hommes. Voir Sapin-Lignières, Les troupes légères de l’Ancien Régime, Saint-Julien du Sault, 1979, p. 20.
10 Sapin-Lignières, ibid., p. 20 : « L’effectif total des fusiliers des compagnies franches est de 14 900. Il sera maintenu en 1645 puis descendra à 12 500 en 1646 et à 12 000 en 1648. »
11 La première date du règne d’Henri IV.
12 Par convention, on se méfie des partis de moins de 15 hommes. Sans un effectif suffisant et sans ordre écrit du commandant en chef ou du gouverneur, le parti est illégal. C’est un « parti bleu » souvent composé de déserteurs ou de simples brigands qui risque la peine encourue par les « voleurs de grands chemins », la potence ou les galères.
13 Les sauvegardes sont les garanties de protection achetées par les particuliers. Sapin-Lignières (op. cit., p. 21) indique leur tarif, pour la période de la guerre de la Ligue d’Augsbourg : passeport d’un piéton, 6 florins ; il en faut 30 pour circuler en chariot et un bateau paye de 60 à 600 florins selon sa jauge.
14 Cité par Sapin-Lignières, Les Troupes légères..., op. cit., p. 21.
15 Sapin-Lignières, ibid., p. 25.
16 John Lynn, Giant of the Grand Siecle. The French Army, 1610-1715, Cambridge, Univ., 1997.
17 Sur la « taxe de violence », voir l’étude de Lynn, ibid., p. 288-296. L’auteur désigne sous cette expression « la ponction brutale de nourriture par les troupes du roi de France à l’intérieur des frontières du royaume ».
18 Lynn, op. cit., p. 288.
19 Voir Fritz Redlich, « Contributions in the Thirty Years’War », dans Economie History Review, no 12, (1959-1960), p. 247-254.
20 Mémoires de Sourches, op. cit., t. III, p. 18.
21 Lynn, op. cit. (voir note no 133) p. 297. Voir aussi, du même auteur, « Food, Funds, and Fortresses : Resource Mobilization and Positional Warfare in the wars of Louis XIV » dans Feeding Mars : Logistics in Western warfare from the Middle Ages to the Present, éd. by J.-A. Lynn, Boulder, Colorado, 1993.
22 Les agents français estiment habituellement le niveau des contributions en fonction des rôles d’imposition antérieurs. De tels accords se font souvent à la suite de conventions passées de gré à gré (plutôt de gré ou de force) ville par ville. Lynn (op. cit., p. 298) donne plusieurs exemples : En 1676, la communauté de Termonde accepte de payer aux français « en proportion du tarif estimé dans le "transport des Flandres" qui est une taxe locale flamande » (p. 298, note 28). Lynn rend compte en détail des négociations menées par Louis Robert, intendant militaire des territoires conquis à l’est et au sud de Dunkerque en 1667 (p. 298). Plus tard, en 1672, les États de Gueldre s’avèrent des interlocuteurs coriaces.
23 Hubert Van Houtte, Les Occupations étrangères en Belgique sous l’Ancien Régime, Univ. Gand, Recueil des travaux publiés par la faculté de philosophie et lettres, fascicules 62-63, 2 vols, Gand, 1930. Cette étude constitue la meilleure référence documentaire pour l’étude des contributions de 1667 à 1748. Geoffrey Parker signale une pratique bien antérieure de régularisation des contributions à la fin du xvie siècle mais la politique espagnole de l’époque n’évolue pas vers un système de traités. (The army of Flanders and the Spanish Road, 1567-1659. The logistics of Spanish Victory and Defeat in the Low Countries’Wars, Cambridge, 1972, p. 142-143).
24 Voir Ronald Thomas Ferguson, Blood and Fire : contribution policy of the French Armies in Germany (1688-1715), Univ. Minnesota, 1970, cité par Lynn, op. cit., p. 296 (note 22).
25 Lynn, op. cit., p. 299.
26 Jean-Pierre Rorive, Les Misères de la guerre sous le Roi-Soleil, sous-titre Les populations de Huy, Hesbaye et Condroz dans la tourmente du siècle du malheur, Ed. de l’Université de Liège, 2000, p. 187 et suivantes, voir Les Contributions de guerre, p. 208-209, l’auteur modère l’optimisme de Van Houtte concernant la protection des communautés par la négociation des sauvegardes.
27 Sur ces aspects, voir Lynn, op. cit., p. 300.
28 Hubert Van Houtte, « Les conférences franco-espagnoles de Deynze », dans Revue d’histoire moderne, 2 (1927) p. 191-215.
29 Lynn, op. cit., p. 300.
30 Woerden voit juste. « le receveur général des Pays-Bas espagnols, des Mottes, écrit à cette époque au gouverneur général Villahermosa pour se plaindre que, tant qu’il ne pourra pas à nouveau procéder à des levées de contributions, il devra licencier les troupes » (Lynn, op. cit., p. 301, note 33 d’après Van Houtte).
31 Van Houtte (op. cit.) pense que la mise au ban des exécutions par incendie, décidée à Deynze, eut une influence durable. Lynn corrige cette vue optimiste en invoquant les excès de 1683-1684. Un progrès ultérieur est indéniable pendant la guerre de Succession d’Espagne mais est-ce une conséquence de négociations déjà vieilles de plus de vingt ans ? (op. cit., p. 301, note 34).
32 Lynn, op. cit., p. 301.
33 Ibid., p. 301.
34 Ibid., p. 301.
35 Ibid., p. 301.
36 Nombreux exemples dans SHAT Al correspondance générale, voir, entre autres, volume 2020, no 93 ; volume 2017, no 207 ; volume 2213, no 72 ; volume 2215, no 131.
37 Cité par Lynn, op. cit., p. 302-303.
38 Lynn, op. cit., p. 298.
39 Cité par Lynn (op ; cit., p. 299), Louvois à Chamilly, 6 octobre 1676, d’après Ferguson (op. cit., p. 50), SHAT Al 1041, no 303.
40 Cité par Lynn, op. cit., p. 299, lettre de Louis XIV au maréchal de Catinat, du 21 juillet 1691, d’après SHAT Al 875.
41 Dans son ouvrage sur le maréchal Fabert, Paul Renaudin cite de nombreux documents sur les violences exercées par les bandes d’Erlach et de Rosen. (Le maréchal Fabert. Le soldat. Le réformateur. L’Homme, Paris, 1933, p. 249-258).
Le baron d’Erlach commande des mercenaires de différentes nationalités issus de l’armée de Bernard de Saxe-Weimar. Mazarin les a appelés en 1648, d’abord dans le Luxembourg puis en Flandre. Ils ont pris leurs quartiers d’hiver en Alsace. En 1649, ils reviennent se battre en Picardie et pillent la Champagne, entre Sainte-Menehould, Châlons, Reims et Rethel. Fabert essaie de détourner de Sedan ce fléau, en vain. En 1651, après la mort d’Erlach, Rosen reprend le flambeau. C’est aussi un ancien lieutenant de Saxe-Weimar. Fabert s’emporte et manifeste son mécontentement à Mazarin qui doit pourtant ménager des alliés. Il envoie néanmoins auprès de Rosen François de Mondevergues qui doit le surveiller et s’entendre avec Fabert. Vincent de Paul est, à cette époque, avec ses Dames de Charité et ses missionnaires, le grand ministre des provinces dévastées. À signaler que les troupes de Turenne ne se sont pas mieux conduites.
42 Il s’agit des notices cadastrales établies par Terivel envoyé par Mazarin pour enquêter sur les villages du nord de la Champagne. Ces documents ont été édités en 1902 dans la Revue historique ardennaise (tome 9, p. 97-256) et cette source a été utilisée par Michel Stevenin dans sa contribution au Congrès d’Amiens des sociétés savantes (1994, p. 161 et suivantes) sous le titre « De la guerre à l’ancienne à la guerre réglée ». Je remercie Jean Chagniot d’avoir bien voulu me communiquer ces références.
43 P. Renaudin, Le Maréchal Fabert, p. 260.
44 Ibid., p. 260-261.
45 Ibid., p. 261.
46 Ibid., p. 261-262.
© Presses universitaires du Midi, 2002