Versione classicaVersione mobile

L’habitat dispersé

 | 
Benoît Cursente

L’habitat dispersé dans l’Ouest de la France (xe-xiiie siècle) : état de la question

Daniel Pichot

Testo integrale

1De la Normandie aux pays de la Charente, dans l’ensemble du Massif armoricain, hameaux et fermes isolées s’égaillent aujourd’hui, mais sans doute depuis longtemps, dans un paysage de bocage plus ou moins dégradé. S’il n’a pas le monopole de ce type d’habitat, l’Ouest atlantique y trouve l’une de ses spécificités, même si les réalités se révèlent bien diverses à l’examen et si, finalement, la notion même d’habitat dispersé se montre quelque peu complexe à définir : entre le groupement presque total et l’atomisation complète, toutes les nuances peuvent être observées.

2Dans un souci d’efficacité, ce rapport se concentre sur la Bretagne, le Maine, l’Anjou et la Touraine, espace suffisamment vaste pour dépasser les éventuelles particularités régionales et présentant un minimum de caractères communs, ne serait-ce que géographiques, puisque, grosso modo, on retrouve là le Massif armoricain et ses marges.

3Hier comme aujourd’hui, les recherches n’ont pas manqué sur cet ensemble, mais si le bocage a longtemps été au centre des préoccupations, la dispersion de l’habitat, le plus souvent constatée comme l’un des éléments essentiels d’un système, n’a guère fait l’objet d’études approfondies et la problématique actuelle de l’incastellamento et de l’encellulement oriente plutôt les travaux vers les phénomènes de regroupement. Un tel constat situe cependant bien l’intérêt de la question et en même temps l’une de ses principales difficultés.

  • 1 J.-M. Pesez, « Les naissances du village : position de la question », dans M. Parisse et X. Barrai (...)

4En conséquence, s’impose d’abord une réflexion sur l’évolution de la recherche d’où émergent de nouvelles questions qui engagent une étude beaucoup plus précise de cet habitat. Encore sera-t-il nécessaire d’en dresser un inventaire et même, si possible, une typologie, tant la diversité des réalités et des approches risque de brouiller notre vision. Cela nous permettra alors de voir comment s’insère l’objet étudié dans les questionnements actuels et les débats sur la société médiévale : naissance du village, systèmes familiaux, mise en place des terroirs, encellulement. De près ou de loin, le sujet se place au cœur des discussions, ne semble-t-il pas même, remettre en cause certaines hypothèses sur le regroupement des hommes1 ? En raison de tout cela, l’espace chronologique qui s’étend du xe au xiiie siècle prend suffisamment d’importance pour être retenu comme le cadre de cette enquête.

Les données de l’enquête

5Malgré son importance, l’habitat dispersé n’a qu’assez rarement été placé au centre des recherches s’intéressant à l’Ouest français. Le fait tient peut-être d’abord aux difficultés inhérentes au sujet mais aussi aux formes successives que les enquêtes ont pu prendre.

Cerner le concept d’habitat dispersé

  • 2 N.Y. Tonnerre, Naissance de la Bretagne, 1995, p. 125. A. Meynier, Les paysages agraires, 1958.

6Si l’idée de dispersion ne pose a priori pas de problème de définition, l’étude de ses réalités soulève maintes difficultés. La première tient au caractère même de l’objet étudié, formé d’unités réduites et souvent discrètes, fragiles, susceptibles de se déplacer ou de disparaître ; il ne se laisse que malaisément saisir par les textes mais aussi par l’archéologie. Faut-il ajouter que plans cadastraux et cartes anciennes, tout en étant d’un précieux secours, ne reflètent que très imparfaitement une réalité antérieure de six ou sept siècles ? Un autre obstacle provient de l’imprécision du vocabulaire et tout d’abord médiéval. Il faudrait mieux cerner le sens de mots fuyants comme villa : domaine, village, hameau. Burgus peut n’être qu’un modeste bourg rural, un simple écart. Vicus est un hameau ou un vrai village et derrière une mota peut se profiler un petit habitat. La langue actuelle ne s’avère guère plus précise et la plupart des auteurs sont contraints de définir les mots qu’ils emploient. N.Y. Tonnerre que Ton serait tenté de suivre hésite à employer le mot village en dehors des centres paroissiaux, voulant éviter la confusion avec les réalités des régions d’habitat groupé. Il rejette écart, quelque peu péjoratif et préfère généraliser l’emploi de hameau bien adapté, mais peut-on utiliser un seul mot pour désigner une grande variété de situations ? Il paraît indispensable de suivre l’usage établi par les géographes comme A. Meynier ou P. Flatrès qui distinguent toute une palette de bourgs, villages, hameaux et fermes isolées2, mais une plus grande rigueur et une réelle harmonisation seraient souhaitables.

  • 3 D. Barthélémy, La société dans le comté de Vendôme de l’an mil au xive siècle, Paris, 1993, p. 142
  • 4 H. Flatrès-Mury, « La notion de bourg en France », dans La pensée géographique française contempor (...)

7Au-delà de ces problèmes sémantiques surgit la diversité même recouverte par le concept d’habitat dispersé. Il s’oppose évidemment à celui de regroupement mais peut le faire de différentes manières qui induisent des conséquences importantes pour la compréhension du phénomène. Notons d’abord que les cadres d’organisation influent tant sur l’évolution de la dispersion qu’ils peuvent modifier la perception que nous en avons. Reportant dans le passé la réalité actuelle constatée dans le cadre communal, nous tendons à apprécier la dispersion dans le cadre paroissial, ce qui peut se concevoir au xiiie siècle, mais plus difficilement vers le xe siècle et Ton comprend que D. Barthélémy s’interroge pour savoir « s’il est bien raisonnable de raisonner en termes de paroisse pour une époque non paroissiale »3. Au xie et xiie siècles, des paroisses naissent par simple transformation du statut d’un hameau qui a grossi et dont la chapelle est devenue paroissiale ; cependant, à Saint-Berthevinla-Tannière (Mayenne), la paroisse voit se créer un centre secondaire autour d’un château avec chapelle et bourg sans que cela n’apporte une partition. Aujourd’hui, et cela existait au Moyen Âge, la dispersion épouse une multitude de formes. En général, le bourg agglomère autour de l’église et du cimetière une population relativement importante et concentre les fonctions non agricoles en particulier artisanales et commerciales4. Il domine un nombre variable de villages ou hameaux et d’exploitations isolées, dispersés sur le finage. Entre les deux extrêmes, un gros bourg regroupant la majorité de la population et contrôlant de faibles écarts et une dispersion totale sans vrai bourg digne de ce nom, toutes les variantes et nuances se rencontrent. Ces difficultés à appréhender l’objet d’étude expliquent en partie l’évolution de la recherche et imposent une rigueur croissante ainsi que la diversification des approches.

Variété des approches

8Sans être toujours au cœur des questions soulevées, l’habitat a fait l’objet de travaux de la part de disciplines fort diverses qui ont apporté la richesse de leurs méthodes et de leur questionnement mais sans toujours cerner d’assez près les réalités historiques, si bien qu’aujourd’hui, retracer l’évolution chronologique de ces démarches, c’est aussi contribuer à une certaine synthèse et surtout à une nécessaire élaboration de la problématique.

  • 5 L. De Martonne, Dictionnaires topographiques : Loire inférieure ; L. Maitre, Mayenne ; L. Rosenzwe (...)
  • 6 C. Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, 1874-1878, réed. (...)

9Les inventaires anciens, permettent une première approche dont la valeur est bien entendu liée à la qualité des érudits, qui les ont élaborés en général avant 1914. Ils donnent quantité de toponymes, le plus souvent des lieux habités mais sans qu’on en connaisse la forme et l’importance. Les éléments de datation y sont en général rares, cependant, une approche cartographique est possible. Plusieurs départements de l’Ouest, mais pas tous, sont dotés de dictionnaires topographiques, la Loire-Atlantique, la Mayenne, le Morbihan et la Sarthe5. Ailleurs, les inventaires de l’insee apportent un utile palliatif. Certains départements bénéficient de Dictionnaires historiques et archéologiques, anciens certes, mais qui peuvent être excellents. On peut citer l’Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire, la Mayenne et la Sarthe6.

  • 7 Voir les remarques d’E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement : la genèse d’un terroir communal  (...)
  • 8 G. Souillet, « Chronologie et répartition des noms de lieux en ière et ais dans la haute-Bretagne  (...)
  • 9 D. Pichot, Le bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, Laval, 1995, pp. 86-94.

10Les études toponymiques. Il n’est pas besoin de revenir ici sur les chausse-trapes de la toponymie. Si tous les toponymes ne signifient pas obligatoirement habitat, si les datations demeurent délicates, les études toponymiques ont cependant fait avancer et font toujours avancer la recherche7. On peut d’abord citer les travaux de G. Souillet qui tint une chronique de toponymie dans les Annales de Bretagne. Il s’est en particulier penché sur le phénomène le plus intéressant, étroitement lié à l’habitat dispersé, constitué par l’apparition des noms en ière/erie à partir des xie et xiie siècles. Leur nombre considérable, 8 000 en Mayenne pour les premiers, semble mettre en évidence la vigueur de la phase médiévale et l’intensité de la dispersion, bien que D. Barthélemy remette en cause une vision trop simple en soulignant en Vendômois l’effet de mode qui ne fait que substituer un nouveau nom et en remarquant, à juste titre, que les lieux ainsi désignés sont de plus en plus modestes avec le temps8. La première remarque incite à la prudence, mais dans les zones de mise en valeur tardive, ces toponymes semblent bien correspondre à des lieux nouveaux9.

  • 10 Synthèse dans A. Chédeville et H. Guillotel, La Bretagne des saints et des rois, ve-xe siècle, Ren (...)
  • 11 G. Souillet, « Laillé », Bulletin et mémoire de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. LXV (...)

11Dans la Bretagne celtique, l’existence d’une toponymie spécifique a suscité nombre d’études dont les plus achevées actuellement sont celles de B. Tanguy10. Les noms en ker jouent un rôle assez identique aux ière/erie de la zone romane et avec les noms en loc qui désignent un lieu de culte puis un simple lieu habité, ils trahissent une forte dispersion. Ces travaux peuvent déboucher sur des études de terroirs comme celle de Laillé (Ille-et-Vilaine) menée par G. Souillet ou des marais de Dol par E. Piel11. La toponymie, avec prudence et rigueur, reste aujourd’hui, l’alliée de toutes les recherches.

  • 12 R. Musset, Le bas-Maine, étude géographique, Paris, 1917 ; R. Dion, Le Val de Loire, étude de géog (...)
  • 13 A. Meynier, op. cit., il faut se reporter aux très nombreuses interventions d’A. Meynier et de ses (...)
  • 14 A. Bouhier, « Problèmes de structures agraires et d’économie rurale à la lumière de quelques exemp (...)
  • 15 J. Dufour, Agriculture et agriculteurs dans les campagnes mancelles. Le devenir des régions agrico (...)

12Les études géographiques. Très tôt, l’école de géographie française, largement intéressée par le monde rural, s’est penchée sur les paysages ruraux et l’habitat, ce qui nous a valu des analyses fouillées et de larges développements historiques dans les études régionales dont les thèses de R. Musset sur le bas-Maine et celle de R. Dion sur le Val de Loire publiées en 1917 et 193312. La forte impulsion donnée par A. Meynier à l’université de Rennes provoque entre les années quarante et soixante une floraison de travaux sur le bocage dont Les paysages agraires d’A. Meynier, publiés en 1958, offre une synthèse et un modèle explicatif qui sont loin d’être périmés13. P. Flatrès approfondit la question en élargissant son horizon aux provinces atlantiques du monde celtique, tandis qu’A. Bouhier analysait les bocages de la Mayenne, du Poitou et de la Galice dans une optique comparatiste14. L’héritage aujourd’hui est manifeste tant dans nombre d’études de géographie rurale que dans la synthèse récente de J.R. Trochet sur les paysages ruraux15.

  • 16 J. Dufour, op. cit., p. 100 ; Structures agraires et paysages ruraux. Mémoires no XVII des Annales (...)

13Les géographes doivent être crédités d’un apport considérable. Nous leur sommes redevables d’une approche globale des paysages de l’Ouest et de conclusions en grande partie toujours recevables, mais en ce qui concerne notre sujet, il faut reconnaître comme J. Dufour qu’ils ont été beaucoup plus sensibles à la question du bocage, perçu en termes de clôture, qu’à l’étude de l’habitat qui, sans être négligé, se voit réserver une place secondaire si ce n’est marginale16.

  • 17 R. Bertrand et M. Lucas, « Un village côtier du xiie siècle en Bretagne, Pen-er-Malo en Guidel (Mo (...)
  • 18 Voir bibliographie dans A. Chédeville et N.Y.Tonnerre, op. cit., p. 362 et les travaux de E. Zador (...)
  • 19 G. Louise, « La maison forte du bocage normand (xiie-xve siècles) », pp. 31-42, X. Barral I Altet, (...)

14La recherche archéologique. D’une certaine façon, chronologiquement, l’archéologie a relayé l’enquête géographique mais avec une problématique sensiblement différente, d’autant plus que le bâti – c’est-à-dire l’habitat – constitue l’une de ses préoccupations majeures. Les études concernent d’ailleurs d’abord des habitations. La Bretagne apparaît comme privilégiée en ce domaine et plusieurs sites fouillés sont des hameaux tels Pen-er-Malo en Guidel ou Lann-Gouh en Melrand (Morbihan) (fig. 1) pour ne citer que les plus célèbres, ou des exploitations isolées comme la Saudrais en Pancé (Ille-et-Vilaine)17. Un travail plus systématique a été entrepris et se trouve largement avancé sur les ouvrages de terre, enceintes mais surtout mottes. La recension de ces dernières est complète en Bretagne – et, après des travaux ponctuels ou incomplets, dans le Maine, elles font l’objet d’une enquête générale mise en œuvre par l’université du Maine, mais les premiers résultats ne sont pas encore publiés18. À ces travaux se rattachent des recherches sur les manoirs et les maisons fortes entamées plus récemment mais promises à d’importants développements19.

  • 20 E. Zadora-Rio, « Les terroirs médiévaux dans le nord et le nord-ouest de l’Europe », dans J. Guila (...)
  • 21 W. Davies et G. Astill, The East Brittany Survey, Fieldwork and Field Data, Cambridge, 1994 ; A Br (...)

15Ces dernières années est apparue une approche beaucoup plus ambitieuse, liée à l’archéologie agraire et particulièrement intéressante pour l’habitat dispersé : l’étude systématique des terroirs mêlant dans un souci d’exhaustivité le recours à tous les documents écrits, à la prospection et à la fouille. Il s’agit alors d’étudier une commune dans sa complexité en examinant les rapports entre territoire et peuplement, en essayant de retrouver les dynamiques. C’est surtout E. Zadora-Rio qui a initié ce type de recherche. Après l’examen de quelques communes du Maine-et-Loire, elle a entrepris un travail approfondi sur Rigny-Ussé (Indre-et-Loire) dont les premiers résultats sont publiés20. Une vaste entreprise de ce genre a été menée dans les années quatre-vingt par deux chercheurs anglais, D. Astill et W. Davies, elle vient de faire l’objet d’une première publication essentiellement méthodologique21. On peut beaucoup attendre de tels travaux qui mettent en lumière les multiples aspects des terroirs et ce, dans la longue durée.

  • 22 Une synthèse générale, J. Chapelot et R. Fossier, Le village et la maison au Moyen Âge, Paris, 198 (...)

16Les recherches historiques. Chez les historiens proprement dits, l’étude du peuplement n’est pas neuve, mais dans sa version dispersée, il a peu retenu leur attention. M. Bloch dans ses Caractères originaux de l’histoire rurale française s’y est bien sûr intéressé et pour le Maine plusieurs articles de R. Latouche consacrés aux bourgs et aux défrichements ont mis en lumière l’originalité du peuplement de l’Ouest. Par la suite, les thèses d’histoire régionale ont consacré des pages plus ou moins fournies à l’habitat telles celles de M. Le Mené pour l’Anjou, J. Avril pour le diocèse d’Angers, N.Y. Tonnerre pour la Bretagne, G. Louise pour la seigneurie de Bellême ou D. Pichot pour le bas-Maine ; il faudrait ajouter la thèse de D. Barthélemy sur le Vendômois, certes un peu marginale géographiquement, pour l’intérêt de certaines conclusions22. Ces auteurs placent le plus souvent leur étude en rapport avec la mise en valeur, la seigneurie et les bourgs, la formation du système paroissial et l’encadrement religieux. Cependant, en liaison avec la problématique de l’incastellamento et de l’encellulement, les travaux récents, en particulier sur les bourgs, privilégient plutôt les formes de regroupement, n’accordant qu’un intérêt limité à la dispersion quand elle n’apparaît pas de façon implicite comme une sorte de reliquat qui va s’affaiblissant, ce qui est loin d’être prouvé.

  • 23 J.-C. Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne (Des origines au Moyen  (...)
  • 24 E. Zadora-Rio, « Le village des historiens et le village des archéologues », dans Campagnes médiév (...)

17Le thème du peuplement retient pourtant de plus en plus l’attention et tend à s’inscrire dans une démarche résolument pluridisciplinaire. Il fait l’objet de deux thèses récentes fortement appuyées sur les données archéologiques qui envisagent logiquement la très longue durée. Dans Tune, consacrée aux marches d’Anjou et Bretagne comme dans l’autre qui se focalise sur la région de Loches, l’habitat dispersé trouve une place de choix23. La question apparaît donc fréquemment dans les recherches, mais se trouve souvent marginalisée et fait l’objet d’approches parallèles de la part de différentes disciplines sans que le croisement des acquis ne vienne, sinon à une date récente, enrichir les travaux en cours. La recension des travaux, la comparaison des démarches et des problématiques apparaît donc, au-delà d’une simple mise en perspective, comme une première approche indispensable. E. Zadora-Rio a bien mis en lumière la richesse mais aussi les oppositions, voire les contradictions, sur les questions de peuplement dans un article au titre parlant Le village des archéologues, le village des historiens24. Au-delà de leur diversité, tous les travaux évoqués permettent cependant tout d’abord de dresser un riche inventaire.

Essai de typologie

18Le concept d’habitat dispersé recouvre des réalités fort différentes tant en termes d’importance des unités d’habitat qu’en termes de statut. Une classification, et même une typologie, ne répondent pas seulement au besoin d’une indispensable mise en ordre mais elles doivent permettre aussi d’accéder à une compréhension dépassant le stade de la simple description.

Les regroupements secondaires, hameaux et villages

19La dispersion peut d’abord s’exprimer dans des regroupements allant de quelques fermes à un ensemble de quelques dizaines et présentant une cohésion certaine. L’étude des cartes, mêmes anciennes, ne doit pas induire en erreur et il est nécessaire de se pencher sur l’évolution historique.

  • 25 P. Flatrès, « L’étendue des finages villageois en Bretagne », Norois, no 18, 1958, pp. 181-189.
  • 26 J. Dufour, « Un bocage tardif et éphémère, le bocage de la Champagne de Conlie (nord de la Champag (...)
  • 27 J.R. Trochet, op. cit., chap. Ier, « Le système atlantique ». J. Dufour, op. cit., pp. 98-99. G. C (...)
  • 28 M. Le Mené, op. cit., pp. 137-138.

20Les plus petits hameaux proviennent, souvent, semble-t-il, de la division d’une exploitation dès l’époque médiévale, mais ceux qui affichent plus d’importance présentent aussi une plus grande complexité. J.R. Trochet propose d’opposer deux catégories, les hameaux bocagers et les hameaux à open field, les premiers contrôlant des territoires d’à peu près une dizaine d’hectares, et regroupant une dizaine de feux en moyenne, les seconds étant plus modestes en général25. Cette analyse présente l’avantage d’attirer l’attention sur l’importance de l’open field dans l’Ouest au Moyen Âge révélé dans les méjous bretons ou la Champagne du Maine26. Par ailleurs, l’explication de cette opposition par des formes différentes de mise en valeur et d’exploitation présente beaucoup d’intérêt. Pour la période médiévale, il importe cependant de rester prudent, les recherches actuelles montrent que la clôture complète des parcelles ne date pas de la période étudiée et que l’on a, au mieux, présence de talus entourant l’ensemble de l’exploitation. Il n’est cependant pas impossible que des conditions différentes favorisent la différenciation dès cette époque, au moins du parcellaire27. M. Le Mené décrit bien l’installation de gagneries par l’abbaye du Ronceray à Saint-Lambert-du Lattay (Maine-et-Loire) dès le xie siècle. Des hameaux regroupant plusieurs familles sont alors établis au milieu de clairières d’une cinquantaines d’hectares où la terre se répartit en une auréole de jardins et vergers et de vastes coutures sans clôture. C’est là un exemple particulièrement bien documenté et daté28.

  • 29 P. André, op. cit.
  • 30 R. Bertrand et M. Lucas, op. cit. P. André, « Le site médiéval de Kerlano en Plumelec (Morbihan) » (...)

21L’archéologie a bien éclairé ce type de hameaux-villages. Les fouilles de P. André nous ont restitué la presque totalité de Lann-Gouh (Melrand, Morbihan) (fig. 1) installé aux environs de l’an mil sur une éminence. L’ensemble témoigne d’une certaine organisation de l’espace mais le talus à caractère défensif qui le cerne s’est révélé tardif. Les constructions se disposent autour d’une place d’environ 200 m2 avec four et bergerie tandis qu’une sorte d’aire isolée de 400 m2 semble avoir été réservée au travail comme l’atteste la trace de dépendances et des débris de meules à bras. Les maisons, légèrement excavées, de plan rectangulaire surtout, avaient des murs très bas qui disparaissaient sous les hautes toitures végétales. Quatre abritaient des foyers et plusieurs semblent avoir correspondu au type de la maison mixte. L’ensemble pouvait abriter six ou sept feux, soit une trentaine de personnes29. On retrouve le même type d’habitat à Pen-er-Malo (Guidel, Morbihan) ou Karaes-Vihan en Brennilis (Finistère), mais un peu plus tard. Alors s’affirme un plan ovalaire dans le cadre de la maison mixte, on emploie l’expression maison longue sous l’influence de la recherche anglaise qui la dénomme long house. Des murets délimitent cours ou enclos et parfois sont apparues des traces de champs labourés30.

  • 31 J.C. Meuret, op. cit., p. 512 ; I. Bucur ; D. Dufournier ; L. Langouët ; J. Naveau, « La céramique (...)

22On peut, sans doute, rapprocher de ce type d’habitat des ateliers artisanaux travaillant le fer comme on en découvre, par exemple, sur les marches d’Anjou-Bretagne où se multiplient de modestes hameaux en liaison avec l’exploitation du minerai et l’élaboration du métal. Il en va de même pour les ateliers de potiers mais dont on connaît mieux les fours ou les ateliers que les éventuels habitats31.

  • 32 J. Avril, op. cit., pp. 299-309.
  • 33 D. Pichot, op. cit., p. 381.
  • 34 E. Zadora-Rio, Rigny 1... op. cit., pp. 24-26 ; « Genèse d’un terroir », op. cit., pp. 39-40.

23Dans de nombreux cas, les hameaux prennent une plus grande importance et atteignent une certaine complexité en s’organisant autour d’un élément polarisateur mais qui a pu cependant ne s’installer qu’après et le renforcer : chapelle, prieuré, motte. Ces ensembles peuvent alors prétendre à l’appellation de villages. Les mottes ont pu servir ainsi parfois de point de départ à un regroupement ; c’est le cas, par exemple, de la Tannière évoquée précédemment, mais le village déserté du Masse, retrouvé en forêt de la Guerche (Ille-et-Vilaine) par J.C. Meuret, recèle un habitat antique puis médiéval bien antérieur à la motte qui le contrôle. Une chapelle rurale se trouve associée bien souvent, quand ce n’est pas une chapelle castrale et J. Avril a souligné le rôle de ces centres de culte qui se multiplient aux xie et xiie siècles32. La paroisse de Brécé dans le bas-Maine, au bourg aujourd’hui bien modeste, compte dès le Moyen Âge trois gros hameaux pourvus de chapelles dont l’un, l’Écluse se regroupe autour de la motte d’un important vassal du seigneur de Mayenne33. À Rigny-Ussé, le château d’Ussé vite doté d’un prieuré de l’abbaye de Cormery est doué d’une telle force d’attraction qu’il devient le principal pôle de la paroisse, laissant dans l’ombre le centre paroissial de Rigny. De la même façon, sur le terroir de la paroisse de Blou (Maine-et-Loire), la résidence épiscopale de Ramefort, siège d’un marché et d’une cohue, se développe au point de concurrencer fortement le centre paroissial34 (fig. 2).

  • 35 N.Y. Tonnerre, op. cit., pp. 123-125.
  • 36 A. Chédeville et N.Y. Tonnerre, op. cit., p. 264.

24En Bretagne, se détache le cas particulier des trèves. L’installation des Bretons avait favorisé la mise en place de très vastes paroisses dépassant éventuellement les 10 000 hectares, les plou. Elles possédaient un centre, siège de l’église paroissiale pouvant prendre le nom de Gui et l’espace s’organisait en treb, territoires bien regroupés autour d’une agglomération secondaire possédant son lieu de culte. C’est le cas par exemple de Ruffiac (Morbihan) au ixe siècle, particulièrement bien connu en raison de sa proximité de Redon35. La partition des plous pour former de nouvelles paroisses n’est pas inconnue à partir du xie siècle, mais visiblement on y répugne et s’installe le régime des trèves. La paroisse initiale demeure mais des centres secondaires dotés de chapelles bénéficiant de droits quasi paroissiaux avec cimetière sont mis en place. Noyal-Pontivy (Morbihan) en avait cinq à la veille de la Révolution et les trèves voient croître leur nombre à mesure que l’on s’avance vers l’ouest. Le diocèse de Quimper comptait en 1789, 90 trèves pour 176 paroisses. Dans un tel cas, la dispersion relève plus de la politique des structures d’encadrement que d’une réalité sociale qui n’est cependant pas totalement évacuée36. Sommes-nous encore vraiment dans l’habitat dispersé ?

Les habitats isolés

25À côté des centres secondaires fleurit un habitat profondément dispersé, dont la variété ne laisse pas d’étonner.

  • 37 A. Chédeville, « Étude de la mise en valeur... », op. cit., p. 211.

26Les exploitations agricoles. La très grande majorité des habitats est formée d’un semis plus ou moins dense d’exploitations isolées sur le finage. Très tôt dans le xie siècle, certaines régions connaissent ce type d’habitat et A. Chédeville a dressé une carte de la région de Mézières-sous-Ballon (Sarthe) qui, dès le xie siècle, montre le réseau des exploitations mis en place, quasi dans sa forme actuelle37 (fig. 3), signe d’un défrichement précoce mais aussi, sans doute, d’un héritage, l’habitat intercalaire n’est pas ici postérieur mais bien contemporain du mouvement de mise en valeur dont il constitue l’un des aspects.

  • 38 M. Le Mené, op. cit., pp. 126-127 ; 135-136.

27Toutes ces exploitations ne présentent pas les mêmes traits. Il faut distinguer les grosses, souvent prélevées sur les réserves seigneuriales et liées au défrichement, ce sont les métairies au nord de la Loire, les gagneries au sud. Fortes d’au moins une vingtaine d’hectares, elles contribuent à structurer le paysage comme le montre bien le terroir de la châtellenie de Montjean ou celui de Liré (Maine-et-Loire) où elles sont le fruit d’une politique voulue et raisonnée liée à la réorganisation de la seigneurie38 (fig. 4).

  • 39 P. Duparc, « Les tenures en hébergement et en abergement », Bibliothèque de l’École des Chartes, t (...)

28Des exploitations plus modestes comme le bordage ou la borderie se multiplient et caractérisent profondément les campagnes de l’Ouest. Souvent porteuses de noms en ière/erie qui permettent de les identifier, elles sont partout présentes et, si elles peuvent se grouper en hameaux, leur dispersion est très commune (fig. 5). Elles peuvent s’accompagner de tenures un peu moins fréquentes comme les masures ou surtout les hébergements souvent liés aux défrichements39.

  • 40 M. Brand’honneur, « L’habitat chevaleresque : Dezerseul, xie-xiie siècles », Mémoires de la Sociét (...)
  • 41 J.C. Meuret, op. cit., pp. 374-383.
  • 42 P. Aumasson, op. cit.
  • 43 D. Pichot, op. cit., p. 303.

29Les résidences des potentes. Cet aspect de l’habitat nous est bien mieux connu en raison des multiples recherches qui lui ont été consacrées. Les ouvrages de terre mais surtout les mottes, les manoirs, les maisons fortes se situent très souvent en dehors du village et affectionnent même les limites paroissiales. En règle générale, ces établissements organisent un terroir spécifique formé de pièces plus grandes qu’à l’ordinaire qui dénotent une exploitation de type seigneurial et un souci de l’élevage surtout équin. Les mottes se révèlent particulièrement nombreuses dans l’Ouest, mais l’identification d’un certain nombre reste problématique et incite à la prudence. Celle de Lesquelen en Plabennec (Finistère) présente un exemple de type castrai avec la multiplication des lignes de fortification et la chape de pierre qui renforce la motte elle-même. Elle était la demeure du seigneur de Leskelen qui se fit construire un manoir dans la basse-cour à la fin du Moyen Âge. Le site beaucoup plus modeste de Dézerseul en Ille-et-Vilaine résume bien l’évolution. Une petite motte avec baile est bâtie dans la seconde moitié du xiie siècle sur un site sans doute déjà habité, par un forestier du duc de Bretagne en voie d’accession à la chevalerie. Au xiiie, une maison forte érigée dans le deuxième baile se substitue comme résidence avant que la famille n’élève un manoir à quelques centaines de mètres de là à la fin du Moyen Âge40. La fonction d’habitat chevaleresque pour un certain nombre de mottes semble avérée en particulier après l’enquête minutieuse de J.C. Meuret dans le secteur des marches bretonnes41. Les maisons fortes qui apparaissent à la fin du xiie siècle et les manoirs souvent liés à un domaine important obéissent à des principes sensiblement identiques et affirment la domination d’une petite aristocratie. La ferme fortifiée de la Saudrais en Pancé (Ille-et-Vilaine) appartient peut-être à ce groupe mais reste d’une grande modestie42. Les manoirs semblent posséder de plus importantes fonctions domaniales, ceux des Laval s’établissent en lisière des forêts pour les nécessités de la chasse certainement, mais avec des visées de défrichement sans aucun doute43. Présents à quelques unités sur les terroirs paroissiaux, ces habitats marquent fortement l’espace tant matériellement que par le pouvoir qu’ils détiennent.

  • 44 Ibid., p. 356.

30Les habitats temporaires. Il faudrait pouvoir évoquer les habitats temporaires sommaires et évanescents dans la documentation qui abritent artisans ou bergers. Les textes laissent apparaître furtivement des abris pour les animaux en forêt, il y en avait sûrement pour les bergers, sans doute des loges, modestes cabanes répandues dans l’Ouest aux époques postérieures mais qui existaient déjà, selon toute vraisemblance44.

  • 45 A. Angot, Dictionnaire... op. cit., art. Courbefosse.
  • 46 A. Dufief, Les Cisterciens en Bretagne, xiie et xiiie siècles, Rennes, 1997.
  • 47 E. Lorans, op. cit., p. 134.

31Les habitats à vocation religieuse. Cette famille très nombreuse présente une importance particulière dans la mesure où généralement elle organise ou polarise l’habitat, mais là aussi les catégories sont diverses et les fonctions contrastées. Les ermitages pullulent dans toute la région et préférentiellement dans les zones isolées du Maine et de la Bretagne, en liaison avec le grand courant érémitique de la fin du xie siècle (fig. 5). Une enquête menée dans le bas-Maine identifie une bonne trentaine de sites, mais ces établissements fragiles n’ont souvent pas laissé de traces. En cas de donation ou de création d’un prieuré, ils ont pu faire apparaître un domaine, voire un modeste hameau, certains sont même à l’origine de petites paroisses. L’exemple de Courbefosse en Fougerolles (Mayenne) traduit cependant mieux la réalité habituelle. L’oratoire et la petite clairière défrichée par deux ermites échut à l’abbaye de Savigny qui en fit un petit domaine45. Bien que modestement, les ermites ont contribué au peuplement. Ce n’est pas le cas des granges monastiques. Ce système, largement utilisé par les Cisterciens, joue un rôle ambivalent. Par définition, ces établissements affectionnent les territoires en marge et souvent créent une implantation humaine, mais les caractères propres aux Cisterciens les maintiennent dans l’isolement et stérilisent le peuplement. Les toponymes médiévaux sont fort rares sur le finage de ces exploitations. Les fondations des nouveaux ordres créés aux xiie et xiiie siècles jouent le même rôle, elles contribuent à la trame de l’habitat mais ne le développent pas46. Il en va éventuellement de même des prieurés fondés en grand nombre par les abbayes bénédictines. Les plus importants ont suscité un habitat mais les plus petits, simples domaines agricoles, souvent dépourvus de chapelles aptes à accueillir des fidèles, demeurent de grosses exploitations isolées comme le souligne E. Lorans pour la région de Loches et comme on le constate fréquemment ailleurs47.

Modalités de la dispersion

  • 48 D. Pichot, op. cit., p. 111 ; J. Dufour, op. cit., p. 93.
  • 49 G. Louise, op. cit., p. 81.
  • 50 A. Antoine, Fiefs net villages du Bas-Maine au xviiie siècle, Mayenne, 1994, pp. 36-37.

32Tous ces éléments se retrouvent à travers la région étudiée mais ils se combinent sur les terroirs de façons multiples qui seraient à étudier de près. Les hameaux ou villages présents un peu partout semblent coloniser plus particulièrement certaines zones comme la Bretagne ou le Val de Loire. Dans le bas-Maine, nombreux au nord, ils sont presque absents au sud. J. Dufour note qu’ils se multiplient sur les sols médiocres mais d’autres facteurs tels que l’ancienneté ou l’influence de la seigneurie sont à prendre en considération48. Leur présence n’exclut nullement les fermes isolées comme on le constate en Bretagne et la physionomie de l’habitat peut donc prendre des formes bien différentes. À Laillé, autour du bourg, se dispersent toute une série de villages ou hameaux, de maisons fortes ou manoirs et fermes isolées. À la Gravelle (Mayenne), village fondé vers 1150 par le seigneur de Laval autour d’un château, s’organise tout un semis d’exploitations isolées au nom en ière/erie qui ont mordu sur la forêt en s’appuyant sur la route de Bretagne. Blou voit l’essentiel du peuplement se répartir entre deux centres, l’un polarisé par l’église paroissiale, l’autre par la résidence épiscopale. Dans bien des cas, le centre n’a guère de force, Rigny déjà cité en offre un bon exemple, le château d’Ussé attire beaucoup plus que le centre paroissial isolé, il est vrai, dans un vallon peu hospitalier, mais doté du cimetière cependant où des maisons, suivant la coutume, n’hésitent pas à s’installer. Le reste de la population se disperse en différents points, mais un ermitage conserve son isolement et dès le xie siècle, les habitants du plateau refluent sur la vallée. À Bourgnouvel (Mayenne), la paroisse s’organise un peu artificiellement autour de quatre petits bourgs concurrents au point que le titre paroissial d’abord fixé à Belgeard passera à l’époque contemporaine à Bourgnouvel. À la limite, certaines paroisses n’ont plus de centre et l’habitat y apparaît peu polarisé, tel est le cas du Domfrontais qui connaît une atomisation extrême49. Il convient enfin, de rappeler la situation très particulière des grandes paroisses bretonnes découpées en trèves ou succursales largement autonomes et animant de vastes portions des terroirs. Un chiffre un peu tardif offre cependant un aperçu assez proche de la situation vers le xiiie siècle : au xviiie, dans le bas-Maine, les bourgs ne regroupent que 12 à 18 % des feux, le reste se répartit en 38 % dans les habitats isolés et 62 % dans les villages ou hameaux de 2 à 10 feux50.

  • 51 E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement... », op. cit., p. 58.

33Ces situations sont mouvantes et l’on doit bien se garder d’imaginer une continuité absolue jusqu’à aujourd’hui. Les prospections de G. Astill et W. Davies en haute-Bretagne constatent, certes, une grande dispersion des sites de tessons et matériaux divers qui, pour une part, correspondent à des habitats, mais suivant les secteurs, la coincidence avec l’habitat du début du xixe siècle inventorié dans les premiers cadastres est bien irrégulière. Si certains dépassent 70 %, d’autres descendent en dessous de 50 % ; encore faut-il constater que ces témoignages peuvent se situer à quelque distance, suggérant de légers déplacements. Au contraire, à Blou, E. Zadora-Rio constate une forte continuité51. Il est clair, en tout état de cause que la continuité peut être rompue, les disparitions se révèlent fréquentes. Toutes les fouilles bretonnes concernent des villages désertés et dès le Moyen Âge en général. Si à Pen-er-Malo l’avancée des dunes explique le fait, ailleurs il faut invoquer des raisons plus complexes, l’ignorance de la date d’abandon ne facilitant pas la tâche.

  • 52 J. Dufour, « Un bocage tardif... », op. cit.

34L’habitat dispersé recouvre donc des situations multiples et depuis longtemps les explications strictement géographiques ont montré leur limite, même si les localisations en fonction de l’exposition, des ressources en eau ont pu jouer leur rôle. J. Dufour a démontré que la zone calcaire de la Champagne du Maine au sud-ouest de la Sarthe actuelle, a connu au Moyen Âge un paysage d’open field avec un habitat beaucoup moins dispersé. L’époque moderne y apporta un bocage de type mimétique et favorisa la dispersion de l’habitat, niant le déterminisme géographique52. Sans doute faut-il explorer, comme cet exemple y invite, d’autres pistes et se pencher sur l’évolution historique que connaît cet habitat, en grande partie sous l’effet des réalités sociales.

Peuplement dispersé et société

35Au-delà du strict inventaire, il devient nécessaire de replacer l’habitat dans une évolution historique. En dehors d’un cadre géographique qui présente certaines contraintes mais aussi un champ de possibilités, l’habitat dans ses formes et dans ses phases entretient des liens étroits avec la société qui l’élabore, il trouve ses origines dans le jeu de facteurs complexes où les données sociales l’emportent vraisemblablement. En définissant les fonctions qu’il remplit en particulier, il est peut-être possible d’accéder à une certaine compréhension de sa formation.

Héritage

  • 53 N.Y. Tonnerre, op. cit., pp. 126-130.
  • 54 Ph. Guignon, « Les résidences aristocratiques de l’époque carolingienne en Bretagne : l’exemple de (...)

36La situation au début du xie siècle est tributaire d’un legs qu’on ne fera qu’esquisser ici mais qui devrait faire l’objet d’une étude approfondie d’autant plus que les positions divergent. Sans être pléthoriques, les sources sont moins défavorables qu’on pourrait le penser. La dispersion de l’habitat se présente comme une réalité évidente durant le haut Moyen Âge. Le constat est général dans l’Ouest et N.Y. Tonnerre pense qu’en Bretagne, il s’est accentué avec la colonisation bretonne. Si l’habitat totalement isolé est peu développé, les petits regroupements se répandent partout et le ran, plus ou moins analogue au manse mais plus grand, constitue l’unité de base. Le cartulaire de Redon en cite 45 sur 13 sites habités pour la seule paroisse de Ruffiac53. Les résidences aristocratiques, les lis, s’établissent à l’écart dans des enclos entourés d’arbres. C’est sans doute Tune d’entre elles, mais de niveau princier qui a été mise au jour à Locronan (Finistère), elle comprend outre la résidence et la chapelle, un atelier de travail de l’or54.

  • 55 D. Pichot, op. cit., p. 53.
  • 56 Y. Hillion, Le chartier de l’abbaye Notre-Dame d’Evron, thèse de 3e cycle, Rennes, 1977, chap. I, (...)

37En dehors du monde breton, la situation présente une grande similitude. R. Latouche a souligné depuis longtemps l’absence de la grande villa dans le Maine que confirme G. Louise pour les confins normands. Les textes manceaux révèlent tout un éventail de mansioniliae, villulae, dispersées souvent dans des espaces mal contrôlés55. Faut-il en conclure avec R. Fossier qu’il n’y a là qu’un habitat flou et fluctuant, mal structuré ? Villae et vici certes, ne semblent pas vraiment organiser l’espace rigoureusement et le village défini comme une communauté humaine n’existe guère, il n’est pourtant pas impossible de voir les premiers traits d’un regroupement qui va à l’encontre de cette dispersion. L’abbaye d’Evron fondée au viie siècle dans le bas-Maine provoque l’agglomération de divers habitats dont un vicus et J.C. Meuret estime que la christianisation avec l’organisation des nécropoles, amorce un début de concentration que l’essor des xie-xiiie siècles va amplifier56.

Dispersion et mise en valeur

  • 57 Ibid., p. 556.

38Le grand essor de l’Occident se caractérise d’abord dans l’Ouest par une maîtrise de l’espace par les hommes grâce à un mouvement de mise en valeur qui se prolonge souvent au-delà de 1250. C’est alors qu’apparaissent quantité de nouveaux lieux habités. H. Miyamatsu a bien mis le phénomène en lumière en élaborant la courbe d’apparition des nouveaux toponymes dans le Maine. Sans doute, tous ces noms ne trahissent pas obligatoirement de nouveaux sites mais, globalement, surtout dans les zones fortement pionnières, il s’agit bien de nouveaux habitats correspondant à des hameaux et surtout à de nouvelles exploitations. Par exemple, à Ballots (Mayenne) le seigneur de Craon crée à la fin du xie siècle quatre métairies prises sur la forêt, dénommées les Valeyettes et la mise en place de gagneries à Liré a été évoquée précédemment57 (fig. 4). Il existe un lien évident entre l’habitat dispersé qui se déploie et les différents aspects de la mise en valeur.

  • 58 A. Bouhier, op. cit., p. 16.
  • 59 E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement... », op. cit., pp. 46-49.

39Dans une grande mesure, il s’agit cependant d’une densification de l’emprise humaine, les exploitations se multiplient et occupent un espace qui ne connaissait jusque-là qu’une humanisation lâche. Elles naissent par bourgeonnement autour de vieux sites. A. Bouhier décrit cela avec précision dans le bassin de Laval. À Soulgé-le-Bruant par exemple, autour du vaste domaine des Torcés au nom gallo-romain et doté d’une motte, apparaissent la Boustière, la Chadaignerie, la Barberie, la Fouassière, la Jeuserais58. Ailleurs, ces exploitations s’intègrent dans le réseau des parcellaires anciens. À Blou, une grande part des orientations et de l’organisation du parcellaire remonte probablement à l’Antiquité, un habitat nouveau s’y est installé en réorganisant éventuellement le système de voirie59.

  • 60 M. Le Mené, op. cit., pp. 96-100.

40Dans les zones de défrichement plus intense, un habitat pionnier s’installe et organise un nouveau paysage, c’est le cas sur les terres fortement boisées et peu peuplées des franges de la Bretagne, du Maine et de l’Anjou. Certaines exploitations s’installent au centre d’un territoire plus ou moins ovalaire souligné par un talus garni de haies (fig. 5). Il est à noter que ce talus, les textes le dénomme fossatum, qui clôt l’ensemble de l’exploitation en porte le nom, signe que l’espace intérieur demeure ouvert. Dans le cas d’entreprises plus ambitieuses, le parcellaire garde la trace de plus vastes auréoles de défrichement centrées sur un habitat plus développé, quelques exploitations, un hameau ou village, mais où la toponymie là aussi peut indiquer un système d’open field. On rencontre près de la forêt de la Guerche, par exemple, inscrites dans le réseau de haies, de grandes ondes de défrichement en croissant s’appuyant sur des chemins et en relation avec un habitat nouveau et dispersé (fig. 6). Le même phénomène peut être relevé autour de la forêt de Longuenée en Anjou et ailleurs60.

  • 61 E. Zadora-Rio, « Les bocages du nord-ouest... », op. cit., pp. 179-181 ; « Archéologie du peupleme (...)

41L’habitat mis en place varie, des différents types d’exploitations isolées à la gamme de hameaux décrite précédemment. Une partie relève visiblement d’un processus non contrôlé ou contrôlé a posteriori, les seigneurs réussissant à imposer cens et autres coutumes. Cependant, dans beaucoup de cas relativement récents, sans doute des xiie-xiiie siècles, la question d’une organisation ou à tout le moins d’un encouragement se trouve posée. E. Zadora-Rio montre que la régularité d’un parcellaire bocager à Saint-Martin-du-Fouilloux (Maine-et-Loire) relève d’une mise en valeur organisée par l’évêque d’Angers, tout comme à Blou l’agglomération de Ramefort s’est développée à partir d’une résidence épiscopale61 (fig. 2). Souvent, les seigneurs créent métairies et gagneries qui marquent profondément la physionomie de certains terroirs, le fait est encore plus patent quand un prieuré ou une motte ont servi de pôle de fixation à moins que, là encore, ils ne jouent qu’un rôle d’accompagnement et non d’initiative.

  • 62 H. Guillotel et J.C. Meuret, « Chartrel et Carcraon : les enjeux d’une mise en valeur dans la vall (...)

42De façon plus nette, des entreprises planifiées s’expriment au travers de petits bourgs ruraux. Des projets de dimension modeste mais aux ambitions éventuellement élevées ont engendré de simples hameaux. À Carcraon en Domalain (Ille-et-Vilaine), un bourg a fait l’objet d’un lotissement et se place aujourd’hui au centre d’un très beau terroir circulaire conséquence du défrichement. Un cas de même type a été observé à la Lande-Huan près de Combourg (Ille-et-Vilaine), objet d’une coseigneurie. Un bourg doté d’une chapelle permit d’établir une trentaine de familles ; il subsiste actuellement une ellipse à peu près circulaire de 175 hectares, témoignage de l’œuvre accomplie62.

  • 63 Les Templiers bénéficient souvent de ce traitement ainsi que certains seigneurs influents, A. Chéd (...)

43Si ces exemples demeurent bien modestes, nombre de hameaux se transformèrent en de nouvelles communautés paroissiales. Avec l’essor du peuplement, ils devinrent des points de regroupement et constituèrent peu à peu des communautés, surtout si une chapelle permettait de célébrer le culte. Les autorités religieuses n’avaient plus qu’à entériner le fait en dotant la succursale d’un cimetière et de droits paroissiaux. C’est ainsi que Vautorte dans le bas-Maine, écart de Montenay, vit une léproserie s’installer puis d’autres habitants et finalement un processus d’érection en paroisse se déclencha à la fin du xiie siècle avec la bénédiction d’un cimetière. Du xie au xiiie siècle, tout l’Ouest, surtout dans les zones où une faible emprise humaine subit un net renforcement, connaît cet éclatement des vastes paroisses anciennes. Quelquefois de faibles lieux-dits bénéficient de cette faveur pour des raisons seulement politiques donnant naissance à des paroisses modestes et éphémères63.

44Quelles que soient ses formes, l’habitat dispersé a donc partie liée avec la mise en valeur des terres. Cet habitat préexistait mais il a prospéré avec l’essor démographique et économique, il a marqué de son originalité la mise en valeur et le contrôle de l’espace, imposant des modalités qui ne vont pas sans soulever plusieurs interrogations.

Habitat dispersé et solidarités

45On affirme, peut-être un peu rapidement, que ce type d’habitat s’associe à un individualisme agraire fortement opposé aux aspects communautaires de l’habitat groupé. Sans vouloir manier le paradoxe, il semble nécessaire de nuancer une affirmation trop abrupte. Certes, tout concourt à favoriser un individualisme farouche. L’isolement, l’éclatement des populations villageoises sur des sites multiples que relient des chemins difficilement praticables en mauvaise saison, les remparts de talus et de haies qui délimitent, sinon défendent, les exploitations découragent à première vue les liens humains et sociaux les plus habituels. Quelles relations peuvent s’établir entre des bordages perdus à l’extrémité d’improbables chemins ? Et il est légitime de s’interroger sur la cohérence de communautés paroissiales, simples agrégats de hameaux concurrents.

  • 64 A. Antoine, « Archéologie du paysage et histoire culturelle de l’Ouest », Annales de Bretagne, t.  (...)

46Pourtant, on ne peut exclure dans cette description d’évidentes exagérations puisées trop rapidement dans les cahiers de doléances de 1789. En fait, les voisins ne sont pas à plus d’un ou deux kilomètres et souvent moins, les déplacements à pied ne sont pas interdits et les nécessités du travail et de la vie en général ne peuvent éliminer un minimum de pratiques et de coutumes64.

  • 65 Masuram Galteri de Telleio quant tenebant Willelmus Galteri, Ricardus Galteri et Fromundus filius (...)
  • 66 M. Le Mené, op. cit., pp. 138-140 ; J. Dufour, Agriculture...,op. cit., p. 99 ; E. Laurain, « Cart (...)

47Les bordages modestes convenant à la force de travail d’une simple famille conjugale et souvent porteurs du nom même des tenanciers semblent un défi à tout lien un peu communautaire et pourtant... Beaucoup d’exploitations abritent – les textes le montrent – plusieurs adultes, générations multiples, frères mariés résidant avec leurs enfants. Peu après 1150, l’abbaye de Savigny possède dans un village cinq masures désignées comme suit : la masure de Gautier du Teil que tenaient Guillaume et Richard fils de Gautier et Fromond fils de Guillaume, la masure de la Aillardière que tenaient G. Aillard, Eudes Aillard, Robert Aillard et Belhurel65. Le phénomène peut se révéler plus fréquent que des textes peu bavards le laissent entrevoir. L’héritage de certaines exploitations est demeuré indivis aux mains de descendants collectivement responsables. On découvre le fait sur certaines gagneries de l’Anjou ou dans les fresches ou fraresches du Maine. Les textes ne le mentionnent qu’à la fin du Moyen Âge, mais une citation de 1269 laisse penser que le système est antérieur66.

  • 67 J.R. Trochet, op. cit., chap. IV, pp. 57-68 ; P. Flatrès, « Une comparaison : structures rurales e (...)
  • 68 N.Y. Tonnerre, op. cit., p. 126.

48Une certaine communauté de voisinage doit être fortement soupçonnée, a fortiori dans les petits hameaux plus ou moins peuplés de proches et peut s’exercer pour la garde des troupeaux que l’on mène dans les bois, d’éventuelles corvées (rares) imposées par le seigneur comme le charroi des meules de moulin, etc. L’idée de pratiques communautaires s’impose en vertu de l’existence de nombreux terroirs ouverts qui exigent un minimum d’accord pour les travaux agricoles ; J.R. Trochet le souligne à juste titre, tout comme il relève la présence de communs. Landes et forêts peuvent constituer des communs ouverts à une communauté plus ou moins étendue et des hameaux connaissent dans leur voisinage direct la présence de pacages. P. Flatrès a démontré leur fréquence dans l’Ouest atlantique mais ils relevaient moins des paroisses que d’entités plus réduites67. Dans le prolongement de ce constat, N.Y. Tonnerre, en Bretagne, remarque les pratiques communautaires des treb sur les landes mais, allant beaucoup plus loin, il découvre une véritable solidarité communautaire dans l’institution originale des frairies bien connue en des temps relativement récents. Il en décèle l’existence à l’époque qui nous intéresse ne serait-ce qu’en raison du saint patron que certaines se sont données68. Ainsi donc, une communauté de voisinage ou de hameau a existé mais il faudrait mieux en cerner la réalité. Même la communauté de paroisse n’est pas totalement un vain mot et l’existence dans la quasi totalité des cas d’un cimetière unique en atteste au moins la preuve, par ailleurs, l’attitude face aux pouvoirs contraignait à un minimum de solidarité.

Habitat dispersé et pouvoirs

  • 69 P. André, « Lann-Gouh... », op. cit., p. 58.
  • 70 E. Zadora-Rio, « Constructions de châteaux et fondations de paroisses en Anjou aux xie-xiie siècle (...)

49Le jeu des pouvoirs, qu’ils soient laïques ou ecclésiastiques n’est-il pas de regrouper les hommes pour mieux les contrôler que ce soit dans la seigneurie ou dans la paroisse ? Le développement et la force de l’habitat dispersé dans l’Ouest paraît remettre en cause, sinon controuver les hypothèses de l’incastellamento et de l’encellulement. En fait, ces mouvements existent bien et il n’est guère difficile d’en déceler les manifestations. Au xie siècle, mottes et châteaux concourent au regroupement des hommes, les mottes, nous l’avons vu, peuvent jouer un certain rôle mais, quand il s’agit de châteaux contrôlés par un détenteur du ban, le résultat est bien plus manifeste, d’autant plus que bourgs castraux, prieurés et marchés offrent des atouts non négligeables, sans parler sans doute de la relative sécurité que l’on pouvait espérer trouver. Le développement des châtellenies entraîne, à terme, une réorganisation de la trame de l’habitat, à Blou, on constate l’abandon de sept sites du haut Moyen Âge avant le xie siècle et, à cette époque, l’habitat se polarise fortement. Lann-Gouh est abandonné au xiie siècle – plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour en rendre compte – mais la date correspond à l’installation tout près, à Castennec, d’un château des Rohan, tout comme à l’apparition dans les textes de la paroisse de Melrand69. Des villes nombreuses naissent alors à travers tout l’Ouest. En Anjou, au xie siècle, le comte se montre particulièrement actif en ce domaine en fondant des forteresses qui sont autant de nouvelles paroisses et éventuellement de futures villes70.

  • 71 A. Chédeville, « Un défrichement en Bretagne... », op. cit. J.C. Meuret, « Chartrel et Carcraon... (...)

50Les bourgs constituent un instrument précieux de cette politique, ce sont par définition des entreprises d’agglomération de la population dans le cadre de la mise en place du pouvoir banal71. Le fait impose son évidence dans le cas des bourgs castraux, le phénomène est plus complexes pour les bourgs ruraux. Ils entrent aussi dans ce processus et favorisent le regroupement quand ils se présentent comme des villages qualifiés de bourgs ou comme des extensions de villages existants. Assez vite, ces entreprises se font plus modestes et aboutissent à la mise en place de hameaux comme à Carcraon ou la Lande-Huan, la concentration des hommes reste alors bien partielle.

51Cependant, cette politique peine à porter ses fruits car le mouvement de dispersion se développe avec vigueur et ampleur dès le début du grand essor démographique. Hameaux et exploitations isolées se multiplient avec une bonne marge de liberté. Dans un premier temps, les potentes n’y prennent pas garde, ils captent les fruits de la croissance avant d’essayer de la contrôler, voire de la diriger au xiie siècle, ce que signale sans doute la plus grande vigueur des bourgs ruraux et des défrichements ouvertement organisés. Au moins à partir de ce moment, le mouvement des bourgs s’affiche clairement comme une entreprise pour contrer la dispersion qui, d’évidence, se place en contradiction avec la volonté d’imposer le ban et les coutumes. Les résultats s’avèrent pourtant globalement modestes pour ne pas dire franchement décevants en certaines régions, l’encellulement paraît bien être entrepris mais, freiné ou remis en cause, demeure inachevé.

  • 72 R. Latouche, Les origines de l’économie occidentale, rééd. 1970, pp. 76-83.

52Une explication, partielle sans doute, mais importante, peut être recherchée dans la structure même de la seigneurie. L’homme est souvent plutôt rare dans l’Ouest, dispersé au xe siècle comme souvent ailleurs ; ces faits le rendent précieux mais difficile à contrôler d’autant plus que – et R. Latouche a beaucoup insisté sur ce point – le domaine biparti n’y a guère existé, manses et tenures, dès le haut Moyen Âge n’avaient que des liens très lâches avec la curtis72. Dès le xie siècle, l’Ouest apparaît comme une terre de liberté, les traces de servage, bien que non absentes y sont plutôt rares, sauf aux abords du Val de Loire, et on peut retenir que le fait pour beaucoup de tenanciers de donner leur nom à leur bordage et à leur tenure est l’indice d’une évidente indépendance, à tout le moins d’une solide marge de manœuvre.

53Plusieurs études montrent d’ailleurs que la seigneurie pèse d’un poids – finalement, et toute proportion gardée – assez modéré. La vicaria, élément essentiel du ban, n’exagère pas les contraintes de l’encellulement, les dépendants jouissent très tôt d’une grande latitude sur leurs terres, les corvées ne font que de bien faibles apparitions ; cette seigneurie qui ne manque ni de puissance ni de revenus grâce aux effets de la croissance ne peut cependant dépasser un certain stade de contrôle et le peuplement dispersé, fruit de deux mouvements antagoniques, résulte de cette tension. La seigneurie elle-même concourt à la dispersion en favorisant l’établissement de métairies, de gagneries, le xiiie siècle ne voit-il pas des seigneuries de simples hameaux ou encore moins. Cette accentuation de la dispersion serait alors le fait de la petite aristocratie faiblement détentrice du ban.

  • 73 D. Pichot, op. cit., p. 230 ; J. Avril, op. cit., 1ère partie, chap. IV.

54Pourtant, la seigneurie pouvait invoquer l’aide de l’Église. Le village, c’est aussi et d’abord, la paroisse et le mouvement seigneurial coïncide assez avec la fixation du réseau et du cadre paroissial qui voit l’autorité ecclésiastique influer fortement sur les réalités de l’habitat. La paroisse se précise et le mouvement de concentration des hommes autour de l’église et du cimetière trouve alors sa pleine expression, c’est le cas à Blou, à Neau (Mayenne) et, grâce à cela, peut s’exprimer ce qui fait aux yeux de R. Fossier la vraie communauté villageoise, c’est-à-dire un certain nombre de liens tissés entre les membres. Cela suppose une remise en ordre dans les lieux de culte. L’ouverture de chapelles secondaires est de mieux en mieux contrôlée, les obligations envers l’église paroissiale sont précisées et, dans les cas extrêmes, certaines chapelles sont fermées comme la chapelle castrale de Brûlon (Sarthe)73. En ce sens, la réforme grégorienne, en donnant à l’Église le contrôle des églises, a renforcé le mouvement et surtout contribué à structurer et hiérarchiser l’habitat. E. Lorans constate que dans le Lochois, c’est l’église qui a été le plus grand facteur de regroupement et on peut sans doute étendre la conclusion de D. Barthélemy qui estime que le mouvement grégorien a renforcé les centres. L’Église a aussi créé les nouvelles paroisses, reconnaissant à des hameaux en pleine croissance la réalité d’une vie communautaire et donc paroissiale mais l’a refusée à d’autres, s’opposant, par exemple, à l’ambition de la famille de Gorron à Saint-Berthevin-la-Tannière. Cependant, là aussi, ce contrôle trouve ses limites. Dans beaucoup de cas, l’attraction du château l’emporte et l’église se retrouve seule comme à Rigny, simple élément dans la dispersion de l’habitat ou bien des chapelles succursales sont reconnues, établissant un décalage entre la politique pratiquée et les ambitions affichées.

55Les pouvoirs ont bien joué une politique de regroupement et de contrôle des hommes, cette politique a été suivie d’effets non négligeables mais limités. Des regroupements ont été opérés, la communauté villageoise est née ou s’est affirmée mais les réalités sont diverses : la géographie, le passé, les traditions coutumières et certaines structures intrinsèques à ces pouvoirs ont abouti à une situation complexe, inachevée et les tensions font qu’à la fin du xiiie siècle, rien n’est figé.

***

56Au terme de ce rapport, l’intérêt de la question soulevée apparaît clairement dans ses implications. Le phénomène de l’habitat dispersé constitue non seulement un aspect original mais bien aussi une structure fondamentale des sociétés de l’Ouest. Les travaux multiples, mais eux aussi dispersés, rendent compte pour une part de ces réalités et il semble que leur évolution récente marque une progression certaine dans les problématiques définies. D’ores et déjà, un certain nombre de points est mis en lumière.

  • 74 J. Chouquer, Études rurales, op. cit.

57Les acquis les plus évidents, parce que s’inscrivant dans une recherche déjà longue, touchent l’analyse des liens avec le système bocager et la mise en valeur, mais les orientations actuelles laissent espérer des résultats intéressants dans l’étude de la répartition sur les terroirs, dans celle des réseaux et des liens avec la seigneurie. Par ailleurs, la phase médiévale centrée sur les xie et xiie siècles paraît déterminante dans la fixation d’une trame d’habitat qui subsiste encore, au moins dans sa globalité. Une réorganisation souvent importante s’est produite plus particulièrement dans les régions déjà mises en valeur mais d’une façon lâche et l’on peut appliquer sans doute à l’Ouest la remarque de G. Chouquer, qui voit dans cette phase surtout une mise en place d’un habitat nouveau lié à une voirie plus que la modification du parcellaire74. Dans les zones plus pionnières, le travail fut évidemment plus radical. Il n’en demeure pas moins que le sujet appelle bien des approfondissements et des recherches nouvelles qui devraient pouvoir fournir une meilleure vision de la répartition de l’habitat dans ses diverses modalités et ses variétés régionales avec une approche si possible plus précise de son évolution. Une typologie plus élaborée serait sûrement d’une grande utilité ainsi qu’une exploration des liens entretenus par l’habitat dispersé avec les structures sociales – structures familiales et solidarités – et les liaisons avec le pouvoir, ce qui suppose une étude plus précise du poids de la seigneurie. Un champ étendu s’ouvre ainsi qui pourrait être un biais essentiel pour une compréhension du fonctionnement et de la spécificité des sociétés de l’Ouest.

Fig. 1 : Plan général de Lann-Gouh en Melrand
(P. André, « Un village médiéval breton du xe siècle :
Lann-Gouh en Melrand », Archéologie Médiévale, t. XII, 1982, p. 167)

Fig. 2 : Un habitat dédoublé, Blou (Maine-et-Loire)
(E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement : la genèse d’un terroir communal », Archéologie Médiévale, t. XVII, p. 52).

Fig. 3 : La dispersion de l’habitat dans le haut-Maine au xie siècle
(A. Chédeville, « Etude de la mise en valeur et du peuplement
du Maine au xie siècle », Annales de Bretagne, 1960, p. 211).
1. exploitation agricole
2. moulin
3. centre paroissial

Fig. 4 : Le finage de tiré (Maine-et-Loire)
(M. Le Mené, Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge, p. 126)
1. zone de colonisation très ancienne
2. landes
3. tenures fournissant des charrois à 2 et 4 bœufs (xve s.)
4. tenures sans hommage (xve s.)
5. tenures du domaine de Liré (xve s.)
6. microtoponymes de défrichement
7. limite sud des principales censives
8. premiers sites habités (antiquité)
9. chef-lieu de paroisse

Fig. 5 : Placé (Mayenne) : un front de défrichement au xiie siècle
D. Pichot, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, p. 102-103 ; croquis élaboré à partir d’une photographie aérienne verticale de l’IGN et du cadastre ancien) La forêt de Mayenne subit une vague de défrichement à partir de la fin du xiie siècle. Cela entraîne dans la paroisse ancienne de Placé la mise en place d’un peuplement nouveau et divers. Un ermitage cède la place à un prieuré de Grandmont et donne lieu à la clairière de Montguyon. Un peu au nord, une vaste exploitation inscrite dans un grand ovale porte le nom évocateur de Lessart. Enfin, le fief aux Chanoines montre un défrichement semi-circulaire ou peut-être circulaire où sont installées des exploitations isolées portant des noms en -ière/-erie
1. centre paroissial
2. prieuré
3. exploitation
4. ellipse de défrichement
5. parcellaire circulaire de défrichement (traces supposées)

Fig.6 : Peuplement et défrichements entre les forêts de Guerche et de Craon ( xie-xiie s.)
(J.-C. Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne (des origines au Moyen Âge), p. 606-607.
1. voie romaine
2. chemin antique
3. chemin médiéval
4. chemin médiéval mentionné aux xie-xiie siècles
5. lieu ou terre
6. Motte
7. toponyme en –ière ou –ère
8. toponyme en –érie
9 toponyme en –aissiècles
10. iront de défrichement forestier
11. ensemble de champs ouverts

Note

1 J.-M. Pesez, « Les naissances du village : position de la question », dans M. Parisse et X. Barrai I Altet (dir. publ.) Le roi de France et son royaume autour de l’an mil, 1992, p. 124.

2 N.Y. Tonnerre, Naissance de la Bretagne, 1995, p. 125. A. Meynier, Les paysages agraires, 1958.

3 D. Barthélémy, La société dans le comté de Vendôme de l’an mil au xive siècle, Paris, 1993, p. 142.

4 H. Flatrès-Mury, « La notion de bourg en France », dans La pensée géographique française contemporaine. Mélanges offerts au professeur A. Meynier, Rennes, 1972, pp. 563-572.

5 L. De Martonne, Dictionnaires topographiques : Loire inférieure ; L. Maitre, Mayenne ; L. Rosenzweig, Morbihan ; E. Vallée et R. Latouche, Sarthe.

6 C. Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, 1874-1878, réed. 1965 ; J.R. Pesche, Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe, 1829-1842 ; A. Angot, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, 1900-1909 ; Carré de Busserolle, Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre-et-Loire, 1878-1884.

7 Voir les remarques d’E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement : la genèse d’un terroir communal », Archéologie médiévale, t. XVII, 1987, pp. 9-11.

8 G. Souillet, « Chronologie et répartition des noms de lieux en ière et ais dans la haute-Bretagne », Annales de Bretagne, t. L, 1943, pp. 90-98. D. Barthélemy, op. cit., p. 196.

9 D. Pichot, Le bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, Laval, 1995, pp. 86-94.

10 Synthèse dans A. Chédeville et H. Guillotel, La Bretagne des saints et des rois, ve-xe siècle, Rennes, 1984 ; A. Chédeville et N.Y. Tonnerre, La Bretagne féodale, xie-xiiie siècle, Rennes, 1987 ; E. Vallerie, Traité de toponymie historique de la Bretagne, Le Relecq-Kerhuon, 1995, 3 vol.

11 G. Souillet, « Laillé », Bulletin et mémoire de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. LXVII, 1944, pp. 39-97 ; E. Piel, « Étapes du peuplement et géographie humaine du marais de Dol », Annales de Bretagne, t. LVI, pp. 165-174.

12 R. Musset, Le bas-Maine, étude géographique, Paris, 1917 ; R. Dion, Le Val de Loire, étude de géographie régionale, Tours, 1933.

13 A. Meynier, op. cit., il faut se reporter aux très nombreuses interventions d’A. Meynier et de ses élèves dans les Annales de Bretagne, dans les années quarante à soixante, puis dans Norois. Le travail a été poursuivi par P. Flatrès, et l’on en trouve l’héritage par exemple, chez J. Palierne ou J. Dufour.

14 A. Bouhier, « Problèmes de structures agraires et d’économie rurale à la lumière de quelques exemples », Bulletin du cercle d’études géographiques du bas-Maine, no 6, novdéc. 1952, pp. 14-19, no 7, janv.-mars 1953, pp. 3-22, no 8, avril-juin 1954, pp. 6-22.

15 J. Dufour, Agriculture et agriculteurs dans les campagnes mancelles. Le devenir des régions agricoles. Le Mans, 1981 ; J.R. Pitte, Histoire du paysage français, Paris, 1989, réed. ; J.R. Trochet, Aux origines de la France rurale. Outils, pays et paysages, Mémoires et documents de géographie, cnrs éditions, 1993.

16 J. Dufour, op. cit., p. 100 ; Structures agraires et paysages ruraux. Mémoires no XVII des Annales de l’Est, 1957, Nancy ; Les bocages : histoire, écologie, économie,, cnrs, ensa, université de Rennes, 1976 ; Conférence européenne permanente pour l’étude du paysage rural, Rennes, 1977 (multigraphié).

17 R. Bertrand et M. Lucas, « Un village côtier du xiie siècle en Bretagne, Pen-er-Malo en Guidel (Morbihan) », Archéologie médiévale, t. V, 1975, pp. 73-101 ; P. André, « Un village médiéval breton du xie siècle : Lann-Gouh en Melrand (Morbihan) », Archéologie médiévale, t. XII, 1982, pp. 155-174 ; P. Aumasson, « Pancé, l’enceinte circulaire du xiie siècle de la Saudrais », Archéologie en Bretagne, 1978-1979, no 21-22, pp. 77-80 ; « L’enceinte médiévale du bois de la Saudrais en Pancé Poligné », ibid., 1980, no 28, pp. 13-14 ; bibliographie plus complète dans A. Chédeville et N.Y. Tonnerre, op. cit., p. 362. On trouve aussi beaucoup de choses dans les chroniques de fouilles des revues Archéologie en Bretagne et Dossiers du Centre régional d’archéologie d’Alet

18 Voir bibliographie dans A. Chédeville et N.Y.Tonnerre, op. cit., p. 362 et les travaux de E. Zadora-Rio ; pour le Maine, A. Renoux, « Mottes et hébergements fossoyés dans le Maine, xe-xve siècles », Mondes de l’Ouest et villes du monde regards sur les sociétés médiévales. Mélanges d’André Chédevolle, Rennes, 1998, pp. 399-414.

19 G. Louise, « La maison forte du bocage normand (xiie-xve siècles) », pp. 31-42, X. Barral I Altet, « Motte et maison forte en Bretagne au Moyen Âge », dans M. Bur (dir. publ.) La maison forte au Moyen Âge. Actes de la table ronde de Nancy, Pont-à-Mousson, 1984, Paris, 1986.

20 E. Zadora-Rio, « Les terroirs médiévaux dans le nord et le nord-ouest de l’Europe », dans J. Guilaine, Pour une archéologie agraire, 1991 ; « Archéologie du peuplement », op. cit. ; Rigny-Ussé, l’état des lieux d’après les sources écrites, 5e supplément à la Revue archéologique du Centre, 1992 ; « Rigny-Ussé, Fouilles et prospections, 1986-1991 », Revue archéologique du Centre, t. 31,1992, pp. 75-166.

21 W. Davies et G. Astill, The East Brittany Survey, Fieldwork and Field Data, Cambridge, 1994 ; A Breton Landscape, Cambridge, 1998.

22 Une synthèse générale, J. Chapelot et R. Fossier, Le village et la maison au Moyen Âge, Paris, 1980 ; R. Latouche, Études d’histoire médiévale, Paris, 1966, regroupe « Un aspect de la vie rurale dans le Maine aux xie et xiie siècles, l’établissement des bourgs », 1937, « L’économie agraire et le peuplement des pays bocagers », 1939, « L’exploitation agricole dans le Maine du xiie au xve siècle », 1944, « Défrichement et peuplement rural dans le Maine, du ixe au xve siècle, 1948. « Agrarzustände im westlichen Frankreich wahrend des Hochmitelalters », Viertal jahrischrift fuz sozial und wirtschifts Geschichte, XXXIX, pp. 105-115 ; M. Le Mené, Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge, Nantes, 1982 ; J. Avril, Le gouvernement des évêques et la vie religieuse dans le diocèse d’Angers (1148-1240), Paris, 1984 ; N.Y. Tonnerre, Naissance de la Bretagne, Angers, 1994 ; G. Louise, La seigneurie de Bellême (xie-xiie  siècles). Dévolution des pouvoirs territoriaux et construction d’une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine à la charnière de l’an mil, 2 vol., Le Pays-Bas-Normand, no 199 à 202, 1990-1991 ; D. Pichot, op. cit., D. Barthélemy, op. cit.

23 J.-C. Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne (Des origines au Moyen Âge), la Mayenne, archéologie et histoire, supplément no 4, Laval, 1993 ; E. Lorans, Le Lochois du haut Moyen Âge au xiiie siècle : territoires, habitats et paysages, Tours, 1996 ; on peut ajouter deux articles de A. Chédeville, « Étude de la mise en valeur et du peuplement du Maine au xie siècle d’après les documents de l’abbaye Saint-Vincent du Mans », Annales de Bretagne 1960, pp. 209-225. « La mise en valeur des marais de Dol : le témoignage des textes », dans L. Langouët et M.T. MorzadecKerfourn (dir. publ.) Baie du Mont Saint-Michel et marais de Dol. Milieux naturels et peuplements dans le passé, Saint-Malo, 1995, pp. 101-109. Voir aussi J. Le Goff et R. Romano, « Paysages et peuplement rural en Europe après le xie siècle », Études rurales, avril-juin 1965, no 17.

24 E. Zadora-Rio, « Le village des historiens et le village des archéologues », dans Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Études offertes à R. Bossier, 1995, pp. 145-156. Les Études rurales ont publié un numéro sur le paysage dont on retiendra surtout pour notre sujet, G. Chouquer, « Que reste-t-il de 3 000 ans de créations paysagères ? », pp. 45-58. Ce rapport n’a pu tenir compte des trois importants volumes publiés sous la direction de G. Chouquer, Les formes du paysage. T. 1 : Études sur les parcellaires, Paris, 1996. T. 2 : Archéologie des parcellaires, Paris, 1996. T. 3 : L’analyse des systèmes spatiaux, Paris, 1997.

25 P. Flatrès, « L’étendue des finages villageois en Bretagne », Norois, no 18, 1958, pp. 181-189.

26 J. Dufour, « Un bocage tardif et éphémère, le bocage de la Champagne de Conlie (nord de la Champagne mancelle) », dans Le bocage : histoire, écologie, économie, cnrs-ensa, université de Rennes, 1976, pp. 49-52.

27 J.R. Trochet, op. cit., chap. Ier, « Le système atlantique ». J. Dufour, op. cit., pp. 98-99. G. Chouquer, « Chronique, parcellaires, cadastres et paysages », Revue archéologique du Centre, t. 33,1994, pp. 212-213.

28 M. Le Mené, op. cit., pp. 137-138.

29 P. André, op. cit.

30 R. Bertrand et M. Lucas, op. cit. P. André, « Le site médiéval de Kerlano en Plumelec (Morbihan) », Archéologie en Bretagne, 1974, no 2, pp. 27-34 ; M. Batt, « Finistère Brennilis, Kerhaes-Vihan : un village déserté », ibidem, 1978-1979, no 20-21, pp. 37-42, 1979, no 24, pp. 18-22 ; G.I. Meirion-Jones, The Vernacular Architecture of Britany, Edimburg, 1982.

31 J.C. Meuret, op. cit., p. 512 ; I. Bucur ; D. Dufournier ; L. Langouët ; J. Naveau, « La céramique “à l’œil de perdrix” et la production de la Hardelière à Laval (Mayenne) », Archéologie médiévale, t. XIV, 1984, pp. 169-219 ; Fr. Fichet de Clairfontaine, Ateliers de potiers médiévaux en Bretagne, DAF, 1996.

32 J. Avril, op. cit., pp. 299-309.

33 D. Pichot, op. cit., p. 381.

34 E. Zadora-Rio, Rigny 1... op. cit., pp. 24-26 ; « Genèse d’un terroir », op. cit., pp. 39-40.

35 N.Y. Tonnerre, op. cit., pp. 123-125.

36 A. Chédeville et N.Y. Tonnerre, op. cit., p. 264.

37 A. Chédeville, « Étude de la mise en valeur... », op. cit., p. 211.

38 M. Le Mené, op. cit., pp. 126-127 ; 135-136.

39 P. Duparc, « Les tenures en hébergement et en abergement », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. CXXII, 1964, pp. 5-88.

40 M. Brand’honneur, « L’habitat chevaleresque : Dezerseul, xie-xiie siècles », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXIX, 1992, pp. 77-94.

41 J.C. Meuret, op. cit., pp. 374-383.

42 P. Aumasson, op. cit.

43 D. Pichot, op. cit., p. 303.

44 Ibid., p. 356.

45 A. Angot, Dictionnaire... op. cit., art. Courbefosse.

46 A. Dufief, Les Cisterciens en Bretagne, xiie et xiiie siècles, Rennes, 1997.

47 E. Lorans, op. cit., p. 134.

48 D. Pichot, op. cit., p. 111 ; J. Dufour, op. cit., p. 93.

49 G. Louise, op. cit., p. 81.

50 A. Antoine, Fiefs net villages du Bas-Maine au xviiie siècle, Mayenne, 1994, pp. 36-37.

51 E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement... », op. cit., p. 58.

52 J. Dufour, « Un bocage tardif... », op. cit.

53 N.Y. Tonnerre, op. cit., pp. 126-130.

54 Ph. Guignon, « Les résidences aristocratiques de l’époque carolingienne en Bretagne : l’exemple de Locronan », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXIX, 1992, pp. 5-42.

55 D. Pichot, op. cit., p. 53.

56 Y. Hillion, Le chartier de l’abbaye Notre-Dame d’Evron, thèse de 3e cycle, Rennes, 1977, chap. I, dactyl. ; J.C. Meuret, op. cit., pp. 288-292.

57 Ibid., p. 556.

58 A. Bouhier, op. cit., p. 16.

59 E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement... », op. cit., pp. 46-49.

60 M. Le Mené, op. cit., pp. 96-100.

61 E. Zadora-Rio, « Les bocages du nord-ouest... », op. cit., pp. 179-181 ; « Archéologie du peuplement... », op. cit., pp. 39-44.

62 H. Guillotel et J.C. Meuret, « Chartrel et Carcraon : les enjeux d’une mise en valeur dans la vallée de la Seiche entre Moutiers et Visseiche au xiie siècle », Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, t. XCVII, 1995, pp. 3569 ; A. Chédeville, « Un défrichement en Bretagne à la fin du xie siècle : histoire économique et géographie féodale », J.M. Duvosquel et E. Thoen (dir. publ.) Peasants and Townsmen in Medieval Europe : Studies in honorem Adriaan Verhulst, Gent., 1995, pp. 429-444.

63 Les Templiers bénéficient souvent de ce traitement ainsi que certains seigneurs influents, A. Chédeville et N.Y. Tonnerre, op. cit., p. 285 ; D. Pichot, op. cit., p. 305.

64 A. Antoine, « Archéologie du paysage et histoire culturelle de l’Ouest », Annales de Bretagne, t. 103, 1996, no 2, pp. 18-25.

65 Masuram Galteri de Telleio quant tenebant Willelmus Galteri, Ricardus Galteri et Fromundus filius Wi..., masuram de Aillarderia quant tenebant W. Aillehart, Odo Aillehart, Robertus Aillehart et Belhurel, Cartulaire de Savigny pour le Maine, Arch. dép. Mayenne, ms, 33, no 104.

66 M. Le Mené, op. cit., pp. 138-140 ; J. Dufour, Agriculture...,op. cit., p. 99 ; E. Laurain, « Cartulaire de Deux-Evailles », no 10, Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, t. XXVI, 1910.

67 J.R. Trochet, op. cit., chap. IV, pp. 57-68 ; P. Flatrès, « Une comparaison : structures rurales en Norvège et dans les contrées celtiques », Annales esc , 1957, no 4.

68 N.Y. Tonnerre, op. cit., p. 126.

69 P. André, « Lann-Gouh... », op. cit., p. 58.

70 E. Zadora-Rio, « Constructions de châteaux et fondations de paroisses en Anjou aux xie-xiie siècles », Archéologie médiévale, t. IX, 1979, pp. 115-123 ; « L’église et le regroupement de l’habitat en Anjou aux xie et xiie siècles », L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales, DAF, 46, 1994, pp. 139-148.

71 A. Chédeville, « Un défrichement en Bretagne... », op. cit. J.C. Meuret, « Chartrel et Carcraon... », op. cit. ; G. Louise, op. cit., t. 2, pp. 53-60. D. Pichot, op. cit., p. 246.

72 R. Latouche, Les origines de l’économie occidentale, rééd. 1970, pp. 76-83.

73 D. Pichot, op. cit., p. 230 ; J. Avril, op. cit., 1ère partie, chap. IV.

74 J. Chouquer, Études rurales, op. cit.

Indice delle illustrazioni

Legenda Fig. 1 : Plan général de Lann-Gouh en Melrand(P. André, « Un village médiéval breton du xe siècle :Lann-Gouh en Melrand », Archéologie Médiévale, t. XII, 1982, p. 167)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/23926/img-1.jpg
File image/jpeg, 177k
Legenda Fig. 2 : Un habitat dédoublé, Blou (Maine-et-Loire)(E. Zadora-Rio, « Archéologie du peuplement : la genèse d’un terroir communal », Archéologie Médiévale, t. XVII, p. 52).
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/23926/img-2.jpg
File image/jpeg, 327k
Legenda Fig. 3 : La dispersion de l’habitat dans le haut-Maine au xie siècle(A. Chédeville, « Etude de la mise en valeur et du peuplementdu Maine au xie siècle », Annales de Bretagne, 1960, p. 211).1. exploitation agricole2. moulin3. centre paroissial
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/23926/img-3.jpg
File image/jpeg, 199k
Legenda Fig. 4 : Le finage de tiré (Maine-et-Loire)(M. Le Mené, Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge, p. 126)1. zone de colonisation très ancienne2. landes3. tenures fournissant des charrois à 2 et 4 bœufs (xve s.)4. tenures sans hommage (xve s.)5. tenures du domaine de Liré (xve s.)6. microtoponymes de défrichement7. limite sud des principales censives8. premiers sites habités (antiquité)9. chef-lieu de paroisse
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/23926/img-4.jpg
File image/jpeg, 206k
Legenda Fig. 5 : Placé (Mayenne) : un front de défrichement au xiie siècleD. Pichot, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, p. 102-103 ; croquis élaboré à partir d’une photographie aérienne verticale de l’IGN et du cadastre ancien) La forêt de Mayenne subit une vague de défrichement à partir de la fin du xiie siècle. Cela entraîne dans la paroisse ancienne de Placé la mise en place d’un peuplement nouveau et divers. Un ermitage cède la place à un prieuré de Grandmont et donne lieu à la clairière de Montguyon. Un peu au nord, une vaste exploitation inscrite dans un grand ovale porte le nom évocateur de Lessart. Enfin, le fief aux Chanoines montre un défrichement semi-circulaire ou peut-être circulaire où sont installées des exploitations isolées portant des noms en -ière/-erie1. centre paroissial2. prieuré3. exploitation4. ellipse de défrichement5. parcellaire circulaire de défrichement (traces supposées)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/23926/img-5.jpg
File image/jpeg, 182k
Legenda Fig.6 : Peuplement et défrichements entre les forêts de Guerche et de Craon ( xie-xiie s.)(J.-C. Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne (des origines au Moyen Âge), p. 606-607.1. voie romaine2. chemin antique3. chemin médiéval4. chemin médiéval mentionné aux xie-xiie siècles5. lieu ou terre6. Motte7. toponyme en –ière ou –ère8. toponyme en –érie9 toponyme en –aissiècles10. iront de défrichement forestier11. ensemble de champs ouverts
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/23926/img-6.jpg
File image/jpeg, 277k

Il testo e gli altri elementi (illustrazioni, file importati) possono essere utilizzati con OpenEdition Books License, se non diversamente specificato.

Questa pubblicazione digitale è stata realizzata tramite il riconoscimento ottico dei caratteri automatico (OCR).
Cerca su OpenEdition Search

Sarai reindirizzato su OpenEdition Search