Les invasions de sauterelles dans l’Espagne intérieure
p. 261-269
Texte intégral
1Dans la grande variété des calamités qui ont affecté les paysans méditerranéens, les invasions de sauterelles occupent sans conteste une place à part. Leur statut de plaie d’Egypte et donc de châtiment divin grave y est sans doute pour beaucoup, mais l’importance des destructions et l’impuissance à les circonscrire contribuent aussi à les graver dans la mémoire collective.
2L’Espagne rurale des XVIe-XVIIIe siècles est hantée par le phénomène et voit progressivement émerger une conception plus globale et plus systématique de la lutte contre ce fléau. Même si ce n’est qu’au XIXe siècle et surtout au XXe siècle, avec l’invention des insecticides modernes, que de réels succès sont obtenus1.
3Les invasions acridiennes en Espagne sont en effet un phénomène ancien. Elles sont bien connues sous l’Antiquité tardive. Mais, la documentation aidant, elles sont davantage mentionnées au Moyen Âge et à l’époque moderne. Quelques unes, plus graves, sont distinguées. En 1039 la Rioja et la partie navarraise de la vallée de l’Ebre sont ravagées. Cela se reproduit en 1325-1326. La Castille est particulièrement frappée. La Vieille connaît quelques moments graves au XVIe siècle en 1526, 1573-1574 et 1592-1594. Medina de Rioseco, Medina del Campo et Toro, la région de Valladolid sont plus particulièrement affectées. En 1595, après deux ans de sauterelles, la population du village de Villafáfila tombe de quatre cents à deux cent trente feux.
4La Nouvelle Castille et l’Extrémadure sont l’autre grande zone à avoir souffert pendant l’époque moderne d’invasions acridiennes. Si l’on prend comme exemple la région de Tolède et la Manche, on a un épisode de sept ans dans la décennie 1542-1551 avec de fortes attaques en 1542 et en 1548. En 1551, 40 villes de l’archevêché sont affectées. Après une accalmie le fléau revient en 1560-1561, 1568-1569, 1572-1574. Une grande vague se produit de 1580 à 1593 avec des moments graves en 1580, 1585 et 1591. Les XVIIe et XVIIIe siècles connurent aussi de fortes attaques2.
5Ainsi l’Espagne intérieure constitue un champ d’action quasi permanent pour les sauterelles. À côté d’une présence endémique dans quelques points, de temps en temps se produisent de grandes vagues plus dévastatrices.
6Différents types d’insectes y concourent. L’Espagne est naturellement affectée par le calliptamus italicus dans la Mancha et par le dociostaurus maroccanus thunberg. Cette dernière espèce, plus vorace dispose même de zones de réserve permanentes lorsqu’elle n’est pas en phase de grégarisme. Au nombre de cinq, Tune se situe assez au nord, dans les Monegros entre les provinces de Huesca et de Saragosse. Les autres forment un arc de cercle aux confins de la Nouvelle Castille, de l’Andalousie de l’Extrémadure. Il s’agit de la vallée de l’Alcudia (Ciudad Real), d’Hinojosa del Duque (Cordoue), La Serena (Badajoz) et de la zone de Trujillo (Caceres). À l’intérieur de ces zones certains points s’avèrent plus propices au développement du grégarisme. C’est le cas lorsque une plus faible densité humaine vient se joindre aux conditions physiques.
7Pour des raisons qui ne sont pas totalement connues mais parmi lesquelles figurent de mauvaises conditions de température et d’humidité se produisent des cycles de transformation des criquets. Au cours de ces phases d’une durée de deux ans ou plus se manifeste leur tendance au polymorphisme. D’insectes solitaires et sédentaires ils deviennent migrants et grégaires. Des années à pluies de printemps insuffisantes déclenchent le processus en concentrant les criquets par réduction de l’aire habitée. Par la suite il ne leur reste plus qu’à se répandre hors de leur réserve pour ravager les champs et se reproduire, ce qui prolonge les dégâts sur plusieurs années si rien n’est fait pour interrompre le cycle naturel des locustes.
8Observé depuis longtemps, il est décrit en 1755 dans un texte de loi repris par la Novisima Recopilaciôn3. On y distingue un premier état dit de ovaclón o canuto : à la fin août et en septembre, la femelle met les œufs, plus d’une centaine en plusieurs fois, dans la terre. Enveloppés d’une substance muqueuse ils forment des sortes de tubes (canutos).
9L’éclosion des œufs marque le passage au deuxième état de feto o mosquito (fœtus ou moustique). Au printemps les larves passent du blanc au marron. Appelées moustiques voire « mouches » elles commencent à dévorer la végétation en s’étendant comme des taches rondes qui peuvent devenir des cordons si un obstacle s’interpose. Dans sa troisième phase, de langosta, l’insecte est complètement formé, avec ses ailes. C’est la phase la plus destructrice car des milliers d’individus peuvent voler à grande altitude et parcourir de grandes distances. Toujours voraces leur mobilité rend les criquets difficiles à combattre. De quarante à quatre-vingt-dix jours plus tard, c’est une nouvelle ponte et la mort des adultes en attendant un nouveau cycle. Tel est le fléau que devaient affronter périodiquement les paysans espagnols.
10L’expérience aidant, des modalités de lutte s’étaient mises en place. Les premières consistaient à obtenir l’assistance du ciel face à un châtiment divin. Comme pour d’autres occasions exceptionnelles on avait recours, suivant une gradation étudiée, à l’adjonction de prières spéciales lors des offices puis à des rogations et des processions. Quelques saints étaient les intercesseurs privilégiés contre les sauterelles. Ils étaient docteurs de l’Église en raison des pouvoirs spéciaux qu’on leur attribuait sur les insectes4. À Tolède on invoque Saint Augustin à la suite d’un miracle qu’il aurait réalisé en 1261 en faisant se noyer dans le Tage les criquets qu’il ramassait dans les airs avec sa crosse. Tous les ans, le dimanche de Quasimodo, une procession générale avec le chapitre cathédral venait rendre grâce pour ce miracle5.
11Toutefois c’est Saint Grégoire qui obtient le plus de succès. Comme il y en a plusieurs (de Naziance, d’Ostie et plusieurs papes) dans certains lieux on évitait de choisir c’était le cas à Almodovar et à Chinchilla6. Le saint qui est à l’origine de cette dévotion est Saint Grégoire évêque d’Ostie. Ce dernier est envoyé comme légat en Navarre par le Pape Benoît IX. Là et dans la Rioja envahies par les sauterelles il fait faire pénitence générale entraînant ipso facto la disparition du fléau. Mort à Logrono le 9 mai 1044, sa tombe, ses reliques et un ermitage de Navarre qui lui était dédié reçoivent les visites de tous les lieux de la péninsule affectés par cette calamité. On ramène tout particulièrement l’eau de Saint Grégoire qui avec certaines prières sert à opérer contre les insectes7. C’est ainsi que Tolède, malgré la protection de Saint Augustin, recourt à l’évêque d’Ostie en 1547. C’est de nouveau le cas en 16688. L’ancienne capitale régionale se rallie donc, dans le désespoir, à une dévotion qui a largement conquis les campagnes environnantes. En 1757, pour lutter contre les invasions catastrophiques de ces années, le gouvernement royal finance même une tournée des reliques du saint dans tout le pays9.
12Cependant, le recours à des intercesseurs va constamment de pair avec l’emploi de moyens de lutte matériels. Rédigée en pleine crise acridienne, l’instruction de 1755 résume l’expérience multiséculaire des différentes méthodes d’intervention contre les sauterelles. Ces actions varient suivant la phase de développement des insectes.
13Tant que les œufs sont dans la terre, il faut d’abord les repérer. Pour cela on observe les vols d’étourneaux et de corneilles. Puis on doit procéder à un labour serré du sol. Quand le terrain l’exige, il faut recourir à la houe ou à la bêche. Dans le même temps, il est recommandé de disposer de troupeaux de porcs qui, en fouillant la terre, mangent les canutos. Il est cependant indispensable de leur donner à boire.
14À la naissance des larves, on essaie d’écraser leurs accumulations naissantes, soit par des animaux, des rouleaux ou des pilons. On peut aussi les enterrer dans des fosses profondes en les balayant. Enfin on peut aussi y mettre le feu.
15Lorsque l’insecte est assez développé pour sauter mais pas pour voler, on recourt à des martinets maniés en groupes circulaires. Mais, surtout, ce sont des pièges en tissu (buitones) qui sont utilisés. Il s’agit de draps de formes diverses qui ont pour but de concentrer les sauterelles vers un sac dont le fond n’est pas cousu mais attaché pour faciliter son vidage dans les fosses. Suivant leur taille ces pièges sont soit maniés par des hommes soit fixés au sol.
16À plus grande échelle, on pratique aussi le rabattage vers des murs de toile et des fosses ou des pièges en thym qu’on incendie. Lorsque c’est possible, on peut aussi rabattre les insectes vers des rivières ou des points d’eau afin de les noyer. Dans ces phases aussi, le concours d’animaux, des porcs surtout, est apprécié.
17La lutte contre l’insecte formé est moins fructueuse en raison de sa mobilité. On conseille alors de l’attaquer au petit matin, quand il est engourdi, ou de l’effrayer par du bruit (cloches, canons, mousquetterie) ou de la fumée.
18Si l’on compare les campagnes de lutte, peu de différences apparaissent pour les moyens entre le XVIe et la fin du XVIIIe ou le début du XIXe siècle. De même la géographie n’introduit guère de nuances notables.
19Dans la Sagra, en 1574, les opérations durent plusieurs jours, du 14 mai au 28 juin dans la dehesa de Calabazas. De quarante-cinq hommes au début on finit par en employer cent quatre-vingt-dix-neuf qui ramassent les sauterelles à l’aide de draps. Ce sont mille six cent quarante et une fanegas de criquets qui sont ramassés sous la direction des commissaires municipaux de Tolède.
20Deux siècles plus tard, en 1770, près de Toro en Vieille Castille, la mobilisation est décrétée contre les locustes qui menacent les Montes de Hiniestas et Bardales. Là, ce sont les villageois qui sont réquisitionnés du 29 mai au 12 juin. Ils forment des armées de plus de deux mille personnes qui ramassent et détruisent et enterrent les sauterelles. Les porcs et dix mille têtes de bétail les aident dans leur tâche. Une réaction comparable à celle des Tolédans, la seule différence vient de l’intervention de cent hommes de troupe du régiment des Asturies et de la direction des opérations par le corrégidor10.
21En effet, si la stabilité l’emporte dans les méthodes de lutte, on ne peut pas conclure que le problème n’a pas évolué pendant l’époque moderne. En fait, une nouvelle approche s’affirme au XVIIIe siècle.
22La chronologie en fournit un premier révélateur. À l’examen des sources municipales de Tolède, il apparaît qu’au début les interventions officielles lors des crises acridiennes correspondent à des offensives générales ou à des attaques des environs immédiats de la ville. Alors, les intérêts des propriétaires urbains étant en jeu, la municipalité s’active. De la sorte on compte neuf campagnes de lutte au XVIIe siècle.
23En revanche, il y en a quarante-sept au XVIIIe siècle dont trente et une après 173111. Plus qu’à une recrudescence des plaies de sauterelles à ce moment il faut attribuer cette plus grande fréquence des interventions à un changement de politique. On vise à prévenir les catastrophes de manière systématique. Ceci est la conséquence d’une simplification dans la procédure administrative préalable à l’action.
24À partir de 1593, en réponse à une pétition des Cortes de Madrid, Philippe II stipule que les justices ordinaires (corrégidor etc.) doivent se charger de la lutte. Un commissaire royal (juez de comisión) n’intervient pour répartir les charges que si la majorité des lieux concernés le demande12. Il s’agissait, de la sorte, d’éviter la multiplication des commissaires qui au XVIe siècle étaient de plus en plus sollicités pour diriger les opérations. La lutte pouvait donc être plus rapide et moins coûteuse car le commissaire et son équipe généraient des frais importants.
25Au XVIIe siècle, l’organisation des opérations antiacridiennes fait donc partie des attributions normales du corrégidor et du chef lieu de juridiction. Tout n’est pas réglé pour autant. En l’absence de budget régulier le financement des opérations n’est pas prévu. Il pouvait provenir de ponctions sur les ressources normales des municipalités, de taxes extraordinaires (arbitrios) ou d’impositions réparties à la population des localités affectées. Dans le cas des villages de juridiction seigneuriale, il fallait en outre la faculté royale de leur donner des ordres. Tout cela rendait nécessaire une autorisation (licencia) du Conseil royal de Castille. Le délai entre la demande et la réponse pouvait être long. En 1667 ce fut le cas et cela nuisit à l’efficacité des mesures de lutte qui ne purent se mettre en place que trop tard13.
26En effet, après l’autorisation royale, la procédure impliquait les démarches suivantes :
- convocation des délégués des villages au chef lieu pour un conseil et échange de correspondance avec les villages pour connaître la présence ou l’absence de sauterelles avec, le cas échéant, les moyens proposés ;
- tournée d’inspection et remise des ordres ;
- mise en œuvre des moyens concertés ;
- en fin de campagne récapitulation et reddition des comptes.
27Plusieurs jours pouvaient donc s’écouler entre la découverte des sauterelles et la mise en route de la lutte. En fait, ce dispositif ne trouvait sa pleine efficacité que dans les cas où les insectes étaient déjà installés sur les terroirs menacés. Lors d’invasions subites il fallait surtout compter sur les prières et les manœuvres de diversion.
28En 1705, la situation juridique est la même mais on lance la procédure en faisant référence aux autorisations de 1692, dorénavant considérées comme permanentes.
29En 1723, les dispositions de la « Provision royale » adressée à Tolède en 1688 et répétées depuis, deviennent une loi valable pour tout le royaume. Les seules différences sont la définition d’un rayon de trois lieues autour du foyer contaminé à la place de « dans votre district et juridiction ». De même, les communes non envahies mais contiguës sont-elles tenues de participer à l’extinction des sauterelles. C’est à partir de cette loi que les actions s’intensifient dans le Terre de Tolède14.
30En 1755, les lois VII et VIII apportent de la nouveauté. La première, divisée en trente-cinq paragraphes en consacre dix-neuf à un véritable manuel de lutte antiacridienne, faisant preuve d’un souci de vulgarisation pédagogique. Puis elle consacre les points 20 à 31 aux aspects financiers du problème. Parmi ceux-ci, le 29e insiste sur le rôle d’animation des autorités locales et les deux suivants soulignent l’implication nécessaire de l’évêque et de l’ensemble du clergé dans ce qui est présenté comme une cause d’intérêt général. Par là même on tente de prévenir les obstacles mis par les « exempts » à contribuer financièrement aux opérations. La loi VII définit le rôle central que doit tenir l’Intendance dans la coordination et la supervision des mesures de terrain.
31En 1783, une instruction additionnelle règle des cas litigieux qui ont dû se présenter dans l’application des instructions antérieures15. Plusieurs dispositions doivent être soulignées. On autorise les semailles temporaires, un ou deux ans, des pâturages. Pour vaincre toute résistance, il est prévu que les autorités puissent se substituer aux propriétaires particuliers. On limite l’usage des cochons. De véritables armées de porcs étaient nécessaires, six mille dans la Mancha en 1550. Parfois leurs propriétaires s’y opposaient car il y avait des animaux qui, par manque d’eau, mouraient d’indigestion16. Il ne fallait pas non plus les utiliser près des cultures de vigne ou de blé. On marque donc une préférence pour l’enterrement dans les tranchées. Cela permettait aussi d’éviter les nuisances et les risques pour la santé liés à la putréfaction de grandes quantités d’insectes.
32L’équivoque du financement de la lutte dans les dehesas qui pesait sur le système antérieur est levée. Chaque propriétaire doit payer les dépenses qui concernent ses biens. Les conflits à ce sujet étaient innombrables. Beaucoup refusaient des mesures décidées sans leur accord. Mais, surtout, chacun s’ingéniait à ne pas vouloir participer sous différents prétextes. Les plus réticents étaient les ecclésiastiques qui prétendaient être exempts. Le chapitre de la cathédrale de Tolède s’était fait une spécialité de cette sorte de guérilla.
33L’effet le plus intéressant de ces mesures est que les autorités peuvent mettre en route la lutte sans le moindre retard. Les dépenses dûment consignées dans un livre se font sous l’autorité de l’intendant, du corrégidor et, parfois d’un commissaire. Les conflits de juridiction sont proscrits en invitant les autorités à se mettre d’accord et à rédiger des ordres clairs. Le Conseil de Castille doit recevoir un rapport et un état à la fin des opérations.
34Remarquons que cette instruction correspond avec la grande vague acridienne qui affecte Tolède et la Manche en 1781-1783.
35Au total donc une avancée continue et considérable de l’appareil législatif et administratif dans la lutte contre les sauterelles. Le rôle des lumières dans ce processus reste à évaluer. Leur marque se fait sentir après 1750. Le « manuel » de 1753 en est un signe. Soulignons qu’en 1782 les nouvelles préoccupations scientifiques sont présentes sur le terrain. Cette année là, le maire de Mesegar, José del Valle Baquerizo dirige la lutte contre les sauterelles qui ravagent le terroir du village. En allant voir ses moissonneurs il remarque que parmi les petites il en est arrivé d’autres « grandes comme des moineaux, de couleur vert jaune ». Il les juge plus voraces et pour en savoir plus il en envoie des échantillons à Tolède. Là on les fait dessiner par un artiste et on envoie le tout au Conseil dans l’attente d’instructions17.
36L’état d’esprit a donc changé. On cherche à comprendre le phénomène pour mieux le combattre. Il reste à esquisser un bilan de ces trois siècles de lutte antiacridienne. Il est, bien sûr, encore impossible de la quantifier. Nombreux sont les documents encore à exploiter. Nous avons parfois des états, comme celui que produit Thomas Sanz de Velasco, commissaire à la lutte contre les sauterelles pour la province de Tolède. Il donne une idée de l’effort fourni. Pour 1783 les opérations avaient coûté 830 379 réaux de vellon. On a ramassé 97 743 fanègues d’insectes morts (542 747 litres) et labouré 12 712 hectares de terre infestée. Il ne s’agit là que d’une province et d’une année, certes exceptionnelle. À l’échelle du royaume le problème était grave et ravivait les tensions entre éleveurs et agriculteurs. Ces derniers profitaient parfois de la situation pour faire mettre en culture des terres de pâturage18. L’opposition entre les communautés villageoises et gros propriétaires venait souvent se greffer dessus.
37Les crises acridiennes sont donc des moments de mise à l’épreuve. Pourtant, au cours de cette période, ce qui était considéré comme une fatalité souvent locale, tend à devenir un problème national. L’évolution de la pratique juridique l’explique pour partie et, à la fin du XVIIIe siècle, la législation permet une action plus efficace et plus simple.
38Devenue une matière normale d’ordre public, la lutte antiacridienne devient dès lors quasi permanente et systématique. Les idées du temps et les soucis physiocratiques vont dans ce sens. Pourtant, l’efficacité des coûteuses campagnes de lutte reste relative car la menace est toujours présente et se concrétise malgré tout, surtout avec le renfort épisodique de sauterelles africaines. En l’absence d’insecticides pouvait-il en aller autrement ? Quoiqu’il en soit, dès lors, la lutte antiacridienne est devenue une préoccupation constante des autorités. La Guerre d’indépendance vient apporter une parenthèse mais tout le XIXe siècle est jalonné de projets et de réforme pour régler un problème qui ne le sera qu’avec les progrès de la chimie19.
Notes de bas de page
1 Encore faut-il signaler que le début des années 1940, période de pénurie, voit la dernière en date des offensives acridiennes dans l’Espagne centrale.
2 M. Barcelo, « Les plagues de llagost a la Carpetánia 578-649 », in Estudis d’historia agraria, no 1, pp. 71-74. Barcelona, 1980. B. Bennassar, Valladolid au siècle d’Or, Paris, 1967, pp. 49-50. W. Christian, Local religion in Spain, Princeton, 1981. A. Huetz de Lemps, Vignobles et vins du Nord Ouest de l’Espagne, Bordeaux, 1967. R. Izquierdo Benito, « Las Plagas de langosta en Toledo y la region Manchega durante el siglo XVI », in Anales Toledanos, Tolède, 1985, pp. 47-143. J. Montemayor, Tolède entre fortune et déclin (1530-1640), Limoges, 1995, pp. 110-111.
3 Loi VII, titre XXXI, livre 7 ; Novisima Recopilación de las leyes de España, 6 vol. Madrid, 1805-1807, t. III, pp. 654-655.
4 W. Christian, Local religion in Spain, p. 44. L’auteur leur attribue du succès comme avocats dans des procès ecclésiastiques d’excommunication des insectes.
5 F. de Pisa, Apuntamientos para la II parte de la « description de la Imperial Ciudad de Toledo » (1612) ; Toledo, 1976, p. 113. Un tableau représentant le miracle fut fait par Miguel Jacinto Melendez, cf. sa reproduction p. 45 de W. Christian, ouv. cit.
6 À Almodovar, en 1545, il y avait une chapelle avec les statues de plusieurs saint Grégoire (W. Christian, ouv. cit. p. 44). À Chinchilla, on invoque concurremment saint Grégoire de Naziance et saint Grégoire pape (J. Cano Valéro ; F. Rodriguez de la Torré, Relaciones Geografico-históricas de Albacete (1768-1789) de Tomás López, Albacete, 1987, p. 203.
7 A. Salido y Estrada, La langosta, Madrid, 1874, pp. 30-38. Il est à noter que le même auteur signale (p. 27) qu’avant Grégoire d’Ostie, en 885 le pape Étienne VI ; après avoir prié dans la chapelle de Saint-Grégoire, aurait distribué de l’eau bénite pour lutter, avec des prières, contre les locustes.
8 AMT, LA 3, 13 avril 1547 et 6 mai 1574. Carpeta Langosta no 1.
9 W. Christian, ouv. cit., p. 44.
10 AMT, Libres, no 186 ; A. Huetz de Lemps, Vignobles et vins du nord-ouest de l’Espagne, Bordeaux, 1967, t. II, p. 618.
11 AMT, Langosta, C. No 1 à 18. Pour le XVIIe siècle, il s’agit de 1619, 1651-1952, 1963, 1668-1969, 1969, 1692-1694 ; pour le XVIIIe siècle, nous avons 1705-1707, 1721-1729, 1733-1736, 1741-1750, 1756, 1758-1760, 1767-1774, 1779-1780, 1782-1785, 1788-1791, 1795-1799.
12 Loi V, titre XXXI, livre 7 ; Novísima Recopilación, t. III, p. 653.
13 AMT, C. Langosta, no 1, cahier 1, 20 décembre 1668.
14 Loi VI, titre XXXI, livre 7 ; Novísima Recopilación, t. III, pp. 653-654.
15 Loi IX, titre XXXI, livre 7 ; Novísima Recopilación, t. III, pp. 658-659. Il s’agit d’additions à celle de 1755.
16 R. Izquierdo Benito, ouv., cit. p. 69.
17 AMT, C. Langosta, no 3, lettre du 1er juillet 1782 à D. Juan Gutierrez : « Note entre la mucha quavia menuda, el que abia venido otro trozo como goriones de grandes la color de ellas muy cetrina estas son mas dañinas Pues tienen por cola adsimil de un alfange con el qual cortan las mieses ».
18 Novísima Recopilación, T. III, p. 659.
19 A. Buj Buj, Control de las plagas de langosta y modenización agrícola en la España de la segunda mitad del siglo XIX, Barcelone, 1992.
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