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Les catastrophes naturelles dans l’Europe médiévale et moderne

 | 
Bartolomé Bennassar

Les tremblements de terre italiens du xiiie au xve siècle

Véronique Doutreleau

Texte intégral

Introduction

  • 1 Voir l'article de P. Alexandre. « Problèmes de méthodes relatifs à l'étude des séismes médiévaux », (...)

1Si les historiens commencent à entrevoir une définition autre que la traditionnelle conception anthropocentriste de l'Histoire, trop peu encore estiment que celle des phénomènes naturels en général (climatique, astronomique...) aient pu avoir une influence quelconque dans le déroulement de faits passés. Parallèlement, il existe une demande de la part des séismologues qui utilisent des catalogues sismiques anciens et souvent peu fiables1 comme base à la constitution de fichiers dans des instituts séismologiques. Ainsi, et jusqu'à présent, ce désintérêt pour l'histoire des catastrophes naturelles a interdit, d'une part une vision plus complète de faits antérieurs, et n'a pas permis aux séismologues d'autre part de travailler sur des données fiables.

  • 2 En plus du système orogénique, l'Italie serait aussi touchée par un effondrement des fonds sous-mar (...)

2Ce manque d'intérêt est d'autant plus grave que du fait de la jeunesse de son relief, l'Italie est une région excessivement propice aux secousses telluriques. Si l'on ajoute à cela, la théorie de l'effondrement des fonds sous-marins2, nous avons un pays, ou la grande majorité des régions est touchée par ce phénomène avec une intensité plus ou moins forte.

  • 3 Pour Virgile, les tremblements de terre étaient dus à des éruptions de l'Etna. J. Gérard, Recherche (...)

3La période médiévale reste quant à elle quasi-improductive en ce qui concerne la séismologie, et mise à part une renaissance des explications scientifiques de la tradition antique3, elle fournit la seule explication d'un Dieu immanent. Un Dieu, qui suivant la conduite des hommes et les interprétations des chroniqueurs, punit par les séismes, ou bien les préserve d'un danger encore plus grand. Notre intention n'est pas de faire ici une analyse de la représentation mentale du tremblement de terre à l'époque médiévale. Cependant, il est nécessaire, pour une meilleure compréhension de mettre en avant trois idées essentielles à savoir :

  • la croyance en un Dieu immanent ;

  • la croyance dans le merveilleux, sorte d'avertisseur du tremblement de terre ;

  • la conception du séisme punitif face à une attitude peccammeuse, et les comportements de pénitence qui en résultent.

4Enfin, il faut signaler, comme l'intitulé le précise, que cette étude n'est réalisée qu'à partir de sources narratives (annales et chroniques), et qu'elle reste donc incomplète.

L'Italie : une terre hautement sismique

Le XIIIe siècle

5Ce siècle aurait été marqué par quarante-huit séismes, avec deux périodes d'activité sismique importante : de 1222 à 1231, de 1268 à 1298.

6Ces tremblements de terre auraient essentiellement affecté les régions du nord de l'Italie (particulièrement la Lombardie avec le séisme de 1222/1223) au centre, avec Spolète et Riéti en Ombrie (séisme de 1298). On relève aussi une légère activité sismique dans le Latium (séisme de 1298) ainsi que dans les Pouilles (séismes de 1223, 1225, 1227), et quelques tremblements de terre isolés en Sicile (séismes de 1204 et de 1281) et en Calabre (séismes de 1231 et 1245).

Le XIVe siècle

7Durant ce siècle, on note cinquante et un séismes, avec trois périodes d'activité sismique importante : de 1300 à 1305 ; de 1315 à 1334 ; de 1345 à 1399, avec dans cette dernière phase, trois périodes d'activité exceptionnelle : de 1347 à 1349, de 1352 à 1353 et de 1389 à 1399.

8En ce qui concerne les zones touchées, nous retrouvons à peu près le même schéma qu'au XIIIe siècle, avec en plus une activité dans la région du Frioul au nord-est d'une part, et d'autre part, une extension du champ sismique dans le centre jusqu'à la région de Molise. Cette extension, est principalement due aux séismes de 1348 et de 1349, qui frappèrent respectivement quarante-neuf villes à travers douze régions et vingt-huit villes dans cinq régions différentes. On retrouve enfin une activité ponctuelle plus importante en Sicile (séismes de 1301, 1309,1310, 1348, 1349, 1360, 1395), et en Calabre (séismes de 1310, 1350 et 1395).

Le XVe siècle

9Durant le XVe siècle, soixante et un séismes auraient frappé la péninsule italienne, avec une très importante période d'activité de 1445 à 1449 et une phase moins importante dans le premier quart de ce siècle. Ici, le nord et le centre de l'Italie sont dans une moindre mesure touchés par les tremblements de terre que lors des deux siècles précédents, alors que le sud de l'Italie et particulièrement Naples et sa région sont plus durement frappés par ce fléau. Cette situation de crise est liée au séisme de 1456 ; séisme qui si l'on en croit les chroniques aurait touché environ cent soixante-dix villes dans dix régions différentes (c'est-à-dire quasiment toute la péninsule). Enfin subsiste toujours cette même activité ponctuelle autour de l'Etna (séismes de 1408 et 1444).

10Considérant que notre documentation est incomplète, nous n'avons pu donner ici qu'un aperçu assez général de la séismicité italienne. Cependant, les sources narratives consultées laisse voir que le nord de l'Italie et principalement la Lombardie sont régulièrement affectés par une activité sismique d'intensité moyenne, alors que le sud, est peut-être frappé moins souvent, mais plus durement.

  • 4 Paolo Morosini, « Historia della città e republica di Venetia », in Venetia, Presso Paolo Baglioni, (...)

11Afin de compléter ce développement, nous allons maintenant analyser le cas de la ville de Venise, car contrairement aux idées reçues, et comme l'écrit le chroniqueur Morosini à l'occasion du séisme de 12804 :

« Il semblerait que parce qu'elle était dans l'eau, la ville de Venise aurait du être moins exposée, toutefois ceci n'était pas rare, et avec une grande frayeur ce fléau les éprouva encore ».

12Nous avons répertorié à travers les chroniques et les annales consultées, dix-neuf tremblements de terre pour la seule période du XIIIe au XVe siècle :

  • XIIIe siècle : 1212, 1222 ou 1223, 1275, 1279, 1280 ;

  • XIVe siècle : 1301, 1303, 1321, 1347, 1348, 1365, 1373 ;

  • XVe siècle : 1409 ou 1410, 1425, 1429, 1457, 1472, 1483, 1495.

13Il faut cependant relativiser ces sources narratives.

  • 5 M. Baratta, I Terremoti d'Italia, Torino 1901, p. 30.
  • 6 A Perrey, Mémoire sur les tremblements de terre de la péninsule italique... (présenté à la séance d (...)

14Le séisme de 1212 nous est mentionné par Baratta dans son catalogue sur les tremblements de terre italiens5. Citant Perrey6, il déclare qu'il y eut un tremblement de terre qui détruisit les maisons. Or aucune autres des chroniques consultées ne font référence à ce tremblement de terre.

  • 7 A. Danduli, Chronicon Venetum. In Muratori, Rerum Italicarum Sriptores (RIS), vol. XII, p. 397.
  • 8 Mémoire Potestatum Resiensium, gestorumque iis temporibus ab anno videlicet MCLIV usque ad annum MC (...)
  • 9 Spicilegium Ravennatis Historiae, sive Monumenta Historica ad Ecclesiam et Urbem Ravennatem spectan (...)
  • 10 Annales Forolivienses ab anno MCCLXXC usque ad annum MCCCCLCXXIII, Anonymo Auctore, dans RIS, vol.  (...)
  • 11 V. Grumel, 1958. Traité d'études byzantines, vol. 1 : La Chronologie, 476 to 481. PUF, Paris.

15Le séisme de 1279. Selon la chronique vénitienne de Danduli7, il y eut un très fort tremblement de terre qui toucha la région de Venise et presque toute l'Italie le 24 avril. Cependant, même si trois autres chroniques : celle de Reggio nell'Emilia8, celle de Ravenne9 et celle de Forli10, mentionnent bien ce tremblement de terre, en aucun cas elles ne parlent de la ville de Venise. Grumel, quant à lui, dans la chronologie de son Traité d'études byzantines, place bien un séisme à Venise le 24 avril 127911.

  • 12 Vitae Ducum Venetorum Italicè scriptae ab origine Urbis, sive ab anno CCCXXI usque ad annum MCCCCXC (...)

16Enfin, on pourrait penser que les secousses qui frappèrent Venise en 1275, selon Sanuto12 correspondraient en fait à celles de 1279, puisque ce chroniqueur les place lui aussi un 24 avril.

  • 13 Cronica Veneta sacra e profana, o sia un compendio di tutte le cose più illustri ed antiche della c (...)
  • 14 Nicephore Gregoras, Histoire romaine, VI, 9, éd. de Bonn, tome 1, p. 202.

17Le séisme de 1296. Une chronique de Venise13 relate un tremblement de terre qui jeta à bas beaucoup de bâtiments. On peut douter de l'authenticité de cette catastrophe, dans la mesure ou seule cette chronique le mentionne d'une part, et où d'autre part, aucun autre séisme n'est signalé cette année là en Italie. Seul Grégoras, dans son histoire romaine14 décrit un fort tremblement de terre à Constantinople.

  • 15 Histoire des Sultans Mamlouks de l'Egypte, écrite en arabe, par Taki Eddin-Ahmed Makrizi, traduite (...)
  • 16 Moufazzal Ibn Abil-Fazaïl, « Histoire des sultans mamlouks », dans R. Graffin, F. Nau, Patrologia O (...)
  • 17 « Chronique d'Atonio Callergi », extrait de la thèse de doctorat : La Crête vénitienne du XIIIe siè (...)
  • 18 op. cit. note 2, RIS, p. 772.
  • 19 Chronicon Parmense ab anno MXXXVIII usque ad annum MCCCXXXVIII / a cura di Giuliano Bonazzi. Città (...)
  • 20 Op. cit. note 9.
  • 21 Op. cit. note 6.
  • 22 Op. cit. note 5.

18Le séisme de 1303. Ce séisme fut très fortement ressenti dans tout le bassin méditerranéen. Si Ton en croit les chroniques, il aurait tout d'abord éclaté en Egypte, puisque Makrizi15, nous donne les dates du 23 et du 26 avril de l'année 1303, puis se serait propagé vers la Syrie, où Moufazzal Ibn Abil-Fazaïl16 parle du 30 juillet, pour atteindre ensuite Candie, le 8 août17, la côte nord Adriatique de l'Italie ainsi que Venise à la même date18 et enfin l'intérieur des terres le 23 octobre, date donnée par la chronique de Parme19. Enfin cette dernière chronique20, celle de Moufazzal Ibn Abil Fazaïl21, et celle de Makrizi22 nous signale un raz de marée sur les côtes adriatique de l'Italie, et sur les côtes égyptiennes, principalement à Alexandrie.

  • 23 Baratta [217], p. 46.
  • 24 Bonito Terra tremante, pp. 539-540, dans Baratta, op. cit. note 1.
  • 25 Gioseppe Rosaccio, Le sé età del Mondo, con brevità descritte..., Venetia 1595, p. 31, dans Baratt (...)

19Le séismes de 1321. Baratta23 citant Bonito24 et Rosaccio25 nous parle d'un grand tremblement de terre qui fit de grands dégâts à Venise. Aucune autre chronique ne relate ce séisme, de plus aucun fléau de ce type n'est mentionné à cette période en Italie.

  • 26 Vitae Ducum Venetorum..., M. Sanuto, RIS vol. XXII, pp. 614-615.
  • 27 Johannis Florentini Villani, Historia Universalis à condita Florentia usque ad Annum MCCCXLVIII, It (...)
  • 28 Historia Miscella Bononiensis ab Anno MCIV usque ad Annum MCCCXCIV, auctore praesertim Fratre Barto (...)
  • 29 Cronica Veneta sacra e profana..., pp. 70-71.
  • 30 Francesco Sansovino, Dette cose notabili dette città di Vinetia, Libri II.. In Venetia, 1583, p. 10 (...)
  • 31 Giovanni Nicolo Doglioni, Historia Venetia scritta brevemente da Gio-Nicolo Doglioni, Delle cose su (...)
  • 32 Sabellico (Marco Antonio Coccio, dit), Historiae rerum Venetarum ab urbe condita, libri XXXIII. Bas (...)
  • 33 Pietro Giustiniani, Rerum Venetarum ab urbe condita ad annum MDLXXV..., Venetis 1576, p. 79, livre (...)
  • 34 Paolo Morosini, historia delta città e republica di Venetia,... In Venetia, 1637, p. 243.

20Le séismes de 1347-1348. Pour ce séisme, Sanuto26 et Villani27 nous donnent la date du 25 janvier 1347, alors que l'Histoire de Bologne28, la chronique de Venise29, Sansovino30, Doglioni31, Sabellico32, Giustiniani33, et Morisini34 donnent eux la date du 25 janvier 1348. Il semblerait que ces deux séismes ne fassent qu'un et que la différence de dates soit liée à un problème de calendrier, puisqu'à Venise, l'année débutait le jour de l'Annonciation (25 mars).

  • 35 Sanuto, op. cit. note 4 ; Villani, op. cit. note 5, Historia Bononiensis... op. cit. note 6 ; Croni (...)
  • 36 Sanuto, op. cit. note 4.
  • 37 Morosini, op. cit. note 12.
  • 38 Chronicon Mutinense ab Anno MII usque ad Annum MCCCLXIII, Autore Johanne de Bazano, RIS, vol. XV, p (...)
  • 39 Sanuto., RIS, vol. XXII, pp. 614-615.
  • 40 Sabellico, Historia rerum Venetarum..., pp. 370-371.

21Il est en outre vraisemblable que ce tremblement de terre soit le plus violent qu'ait connu la ville pendant cette période, les chroniqueurs parlant de maisons, de clochers, de cheminées de tours et d'églises qui s'effondrèrent35. D'autre part, et suite à ce séisme, Sanuto36 pour la date de 1347 Morosini37 pour celle de 1348 affirment que les canaux de la ville se retrouvèrent asséchés. Ensuite, les annales de Modène38 prétendent, que une personne sur cent mourut à Venise (précision qui ne nous a été donnée que dans le cas de ce séisme). Enfin, Sanuto39 et Sabellico40 nous disent que tant que durèrent ces effrayantes agitations, les femmes avortèrent.

  • 41 Historia Bononiensis..., RIS, Vol. XVIII, p. 477.
  • 42 Chronicon Estense, Gesta Marchionum Estensium complectens, ab Anno MCI usque ad Annum MCCCLIV, per (...)

22Le séisme de 1365. Le texte de l'histoire de Bologne41 nous dit que le séisme toucha la ville de Venise le 4 mars, ainsi que les villes de Ferrare, de Padoue et de Trévise. La chronique d'Este42 quant à elle parle seulement d'un tremblement de terre à Ferrare, et le place le 6 mars.

  • 43 Sanuto., RIS, vil. XXII, p. 673.
  • 44 Jeronimo Zurita [1512-1580], Annales de la corona de Aragon [desde et ano 714-1516], en Saragoça 15 (...)

23Le séisme de 1373. Sanuto43 signale un grand tremblement de terre en mars à Venise. Nous n'avons pas trouvé d'autres mentions de cet éventuel séisme. Seul Zurita44, parle d'un tremblement de terre dans les Pyrénées au mois de février.

  • 45 Morosini, Historia della città e republica di Venetia..., p. 383.
  • 46 Sanuto., RIS, vol. XXII, p. 853.
  • 47 Diarum Ferrarience ab anno MCCCCIX usque ad annum MDII. Anonymo Auctore Syncrono Italicé scriptum, (...)

24Le séisme de 1409-1410. Il apparaît que deux chroniques, celle de Morosini45 et celle de Sanuto46, nous donnent deux dates différentes 1409 et 1410 pour un tremblement de terre vénitien dont l'existence semble plus que douteuse. En outre, il faut aussi signaler que le journal de Ferrare47 mentionne un séisme en 1410 dans la ville de Ferrare.

25Ces trois textes relatent la secousse de tremblement de terre de la même manière : ils parlent d'un grand ouragan qui précéda le séisme et qui le 10 août dura de l'heure des Vêpres jusqu'à 22 heures et emporta des maisons et des clochers. Ceci laisse penser que ces trois chroniques ont confondu l'ouragan avec un tremblement de terre.

  • 48 Historia di Candia di Andrea Corner, Chronique inédite, Bibliothèque de la Marcienne, Venise, secon (...)
  • 49 Scipione Ammirato, Dell'istorie Fiorentine di Scipione Ammiroti libri venti. Dal principio della ci (...)
  • 50 Orlando Malavolti, Historia del sig. Orlando Malavolti, De' fatti, e Guerre de' Sanesi.... (Dell’hi (...)

26Le séisme de 1414. Selon Corner48, il y eut à Venise un très grand tremblement de terre. Deux autres chroniques mentionnent un séisme cette année-là, mais aucune ne parle de la ville de Venise. Ammirato49 le place à Florence et dans ces environs et Malavolti50 à Sienne.

  • 51 Baratta, [292], p. 63.
  • 52 Francesco Sansovino, Cronologia del Mondo di M. Francesco Sansovino divisa in tre libri, Venetia 15 (...)
  • 53 Baratta, [296], p. 63.
  • 54 Diarium Ferrarience ab anno MCCCCIX usque annum MDII..., RIS, vol. XXIV, p. 185.

27Les séismes de 1425-1429. Baratta51, citant Sansovino52, nous parle d'un tremblement de terre effrayant à Venise en 1425. Puis citant le même auteur, et reprenant le même texte, il nous parle d'un tremblement de terre à Venise en 1429 qui détruisit beaucoup de maisons53. Le journal de Ferrare54 mentionne bien un séisme en 1425, mais seulement à Ferrare.

  • 55 Historia di Candia, di Andrea Corner, p. 40, livre 2.

28Le séisme de 1450. Selon Corner55, il y aurait eu un grand tremblement de terre à Venise qui fut terrible, effrayant et dur. Aucune autre chronique ne fait mention de ce fléau.

  • 56 Baratta [319], p. 75.
  • 57 F Sansovino, Cronologia del Mondo..., p. 48, dans Baratta, op. cit.., note 9.
  • 58 Chronicon Eugubinum ab Anno MCCCCL usque ad Annum MCCCCLXXII. Auctore Guernerio Bernio Eugubino., R (...)

29Le séisme de 1457. Baratta56, citant Sansovino57 nous relate un tremblement de terre important à Venise et dans sa région. Il y a largement de quoi douter de cette mention, dans la mesure, ou, aucun autre texte ne cite un tel séisme à Venise, et où, les chroniques parlant de séismes à cette époque là en Italie, les placent dans le centre et le sud de la péninsule58.

30On peut raisonnablement penser que ces différentes secousses telluriques de 1457 sont en réalité les répliques qui firent suite au violent séisme de 1456 qui toucha Naples et sa région.

  • 59 Baratta [333], p. 79.
  • 60 Tommasi, I terremoti del Friuli..., p. 194, dans Baratta, op. cit. note 11.

31Le séisme de 1472. Seul Baratta59, citant Tommasi60 nous parle de ce séisme vénitien. En outre, aucune autre chronique ne parle d'un tremblement de terre en Italie.

  • 61 Sanuto..., RIS, vol. XXII, p. 1229.
  • 62 Diarium Ferrarience, RIS, vol. XXIV, p. 266.
  • 63 Ibn Iyâs, Histoire des Mamlouks Circassiens (872-906 H.), traduit par Gaston Wiet, Le Caire, Instit (...)

32Le séisme de 1483. Sanuto61 nous dit que ce tremblement de terre frappa terriblement Cervia, et qu'il fut aussi senti à Ravenne et à Venise, mais qu'il n'y fut pas aussi fort. Cette même année, le journal de Ferrare62, mentionne un séisme à Ferrare, et Ibn Iyâs63, parle d'une légère secousse sismique survenue au Caire.

  • 64 Morosini, Historia della città e republica di Venetia..., p. 243.
  • 65 Sanuto,..RIS, vol. XXII, pp. 614-616.

33Si l'on observe plus attentivement le développement dans l'espace des séismes vénitiens, on remarque que dans la majorité des cas, Venise est touchée par des tremblements de terre, lorsque l'Italie du Nord est elle-même frappée. L'intensité des séismes de la ville de Venise reste cependant difficile à déterminer, les chroniques ne fournissant que très peu de renseignements à ce sujet. A l'inverse, on peut aussi considérer que les dégâts ne sont pas répertoriés, dans la mesure où il y en a peu ou pas. En outre, nous n'avons pas trouvé de chroniques relatant une fuite de la population à l'extérieur de la ville, ou simplement en dehors des constructions humaines lors d'un tremblement de terre, ce qui est fréquent dans d'autres endroits, et qui dénote le caractère souvent violent de la catastrophe. Enfin, les descriptions des chroniqueurs laissent penser, comme nous l'avons déjà signalé plus haut, que seul le séisme de 1348 fut important à Venise, puisque, outre les dégâts, et la frayeur, Morosini64 et Sanuto65, précisent que les Vénitiens firent appel à « San Paolo de'tremuoti » afin d'éloigner les secousses de la cité.

Conclusion

34Il est évident que nous n'avons pu donner ici qu'une pâle esquisse de la réalité sismique italienne.

  • 66 B. Figliuolo, Il terremoto del 1456, tomes 1 et 2, Edizioni Studi Storici Meridionali. 1990.

35D'autres cas auraient pu être envisagés, tels que celui de Naples par exemple, avec le fort séisme de 1456, à ce sujet d'ailleurs, une étude très sérieuse a été réalisée par B. Figliulo66 ; ou encore le cas du séisme de 1222-1223, qui toucha fortement la Lombardie.

  • 67 Article de A. Ducellier, Prova di Periodizazione dei terremoti balcanici e delle loro eventuali cor (...)

36Il aurait aussi été intéressant de mettre en valeur les différentes connexions entre les séismes italiens et ceux qui frappèrent les Balkans67 ou la Méditerranée Orientale. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Cependant, ces différentes études, afin d'être crédibles doivent être réalisées en collaboration avec des géographes et des séismologues. Enfin, cette collaboration est d'autant plus importante, que, comme nous venons de le voir, les données des sources à partir desquelles des catalogues sismiques se sont constitués sont très souvent tronquées. Ainsi, de vingt tremblements de terre relevés à Venise pour cette période dans des chroniques et des catalogues sismiques, seuls six ont vraisemblablement eu lieu : en 1222-1223 (suivant le calendrier) ; en 1275 ou 1279 (le 24 avril) ; en 1347-1348 (suivant le calendrier) ; en 1483 ; en 1495.

Notes

1 Voir l'article de P. Alexandre. « Problèmes de méthodes relatifs à l'étude des séismes médiévaux », dans IVe rencontres internationales d'archéologie et d'histoire d'Antibes. Tremblements de terre. Histoire et archéologie, Juan les Pins, 1983, pp. 221-226.

2 En plus du système orogénique, l'Italie serait aussi touchée par un effondrement des fonds sous-marin, dans la mer Tyrrhénienne. Cette explication reste au conditionnel puisque ce mécanisme n'est qu'une hypothèse. Ainsi donc, « la forte séismicité de biens des régions méditerranéennes qui sont précisément celles ou l'on possède la preuve géologique de déformations récentes (Sud du Portugal, Algérie, Italie du Sud [Sicile et Calabre]) exprime sans doute les efforts actuels vers ce réajustement. Elles coïncident avec des bombements de mise en place, et insuffisamment soutenus par une racine légère comme le prouvent les anomalies à l'isostasie (équilibre entre les diverses masses constituant la croûte terrestre) sont positives. Peut-être faut-il interpréter l'ensemble de ces faits en imaginant qu'un ensemble de Sial profond est en migration vers la périphérie par un mouvement centrifuge à partir de la Tyrrhénienne, et a déjà dépassé le bourrelet orographique (du relief terrestre) qui le soutenait, si bien que celui-ci a tendance à s'effondrer vers l'arrière. D'autre part, toute une série de tremblements de terre, dont l'épicentre se trouve dans les mers Tyrrhénienne et Ionienne procèdent d'un foyer situé dans le manteau, c'est-à-dire bien en dessous du niveau des réajustements isostasiques ». P. Birot. La Méditerranée et le Moyen Orient. PUF, coll. Orbis, Paris, 1964, p. 31.

3 Pour Virgile, les tremblements de terre étaient dus à des éruptions de l'Etna. J. Gérard, Recherche sur les tremblements de terre, Paris, 1980, p. 3. Lucrèce lui, déclarait que la terre était composée d'une mer inférieure avec des tempêtes et des courants, qui érodaient lentement les supports de la terre provoquant ainsi des séismes. Montessus de Ballore, La science séismologique. Paris, 1907, pp. 16-17.
Aristote quant à lui écrivait que la terre était remplie d'un feu souterrain, entraînant un puissant souffle de vent qui se répandait dans les veines de la terre en se divisant vers le haut et vers le bas, la terre constituant alors un obstacle à ce double mouvement se mettait à trembler. Montessus de Ballore, La science séismologique..., p. 16.
En outre, et toujours selon Aristote, les exhalations dégagées par la comète imprégneraient matériellement et physiquement les corps terrestres, se mélangeraient à ce puissant souffle de vent qui se répand dans les veines de la terre. Ces exhalations putrides en s'échappant seraient aussi responsables de la stérilité de l'air et de la mort des animaux. J. Girardi, Recherche sur les tremblements de terre..., p. 4. Ainsi, parce que dans la théorie d'Aristote, la comète est en partie responsable du séisme et de la peste, elle devient dans la mentalité médiévale le moyen le plus sûr de les prévenir.

4 Paolo Morosini, « Historia della città e republica di Venetia », in Venetia, Presso Paolo Baglioni, 1637, pp. 196-197.

5 M. Baratta, I Terremoti d'Italia, Torino 1901, p. 30.

6 A Perrey, Mémoire sur les tremblements de terre de la péninsule italique... (présenté à la séance du 8 janvier 1847). Bruxelles, M. Hayez, 1848, p. 12 dans Baratta op. cit (2).

7 A. Danduli, Chronicon Venetum. In Muratori, Rerum Italicarum Sriptores (RIS), vol. XII, p. 397.

8 Mémoire Potestatum Resiensium, gestorumque iis temporibus ab anno videlicet MCLIV usque ad annum MCCXC, Auctore Anonymo Regiense, dans RIS, vol. VIII, p. 1145.

9 Spicilegium Ravennatis Historiae, sive Monumenta Historica ad Ecclesiam et Urbem Ravennatem spectantia, dans RIS, vol. I.2, p. 579.

10 Annales Forolivienses ab anno MCCLXXC usque ad annum MCCCCLCXXIII, Anonymo Auctore, dans RIS, vol. XXII, p. 146.

11 V. Grumel, 1958. Traité d'études byzantines, vol. 1 : La Chronologie, 476 to 481. PUF, Paris.

12 Vitae Ducum Venetorum Italicè scriptae ab origine Urbis, sive ab anno CCCXXI usque ad annum MCCCCXCIIII, Auctore Marino Sanuto, dans RIS, vol. XXII, p. 571.

13 Cronica Veneta sacra e profana, o sia un compendio di tutte le cose più illustri ed antiche della città di Venezia. In Venezia : appresso Francesco Pitteri, 1736, p. 66.

14 Nicephore Gregoras, Histoire romaine, VI, 9, éd. de Bonn, tome 1, p. 202.

15 Histoire des Sultans Mamlouks de l'Egypte, écrite en arabe, par Taki Eddin-Ahmed Makrizi, traduite en français et accompagnée de notes philologiques... par M. Quatremère..., Paris, 1837-1845. 4 parties en 2 volumes. Tome 2, seconde partie, p. 220.

16 Moufazzal Ibn Abil-Fazaïl, « Histoire des sultans mamlouks », dans R. Graffin, F. Nau, Patrologia Orientalis, tome XX, fasc. 1, texte arabe publié et traduit en français par E. Blochet, Paris, 1928, pp. 86-90.

17 « Chronique d'Atonio Callergi », extrait de la thèse de doctorat : La Crête vénitienne du XIIIe siècle d'après la chronique d'Antonio Callergi, présentée par Madame Josette Faure épouse Bapt, sous la direction de Monsieur Alain Ducellier, Université de Toulouse-Le Mirail, 1987.

18 op. cit. note 2, RIS, p. 772.

19 Chronicon Parmense ab anno MXXXVIII usque ad annum MCCCXXXVIII / a cura di Giuliano Bonazzi. Città di Castello : S. Lapi 1902 XXII. RIS Nuovo edizione (RIS2), TOME 9, PARTE 9, P. 86.

20 Op. cit. note 9.

21 Op. cit. note 6.

22 Op. cit. note 5.

23 Baratta [217], p. 46.

24 Bonito Terra tremante, pp. 539-540, dans Baratta, op. cit. note 1.

25 Gioseppe Rosaccio, Le sé età del Mondo, con brevità descritte..., Venetia 1595, p. 31, dans Baratta, op. cit. note 1.

26 Vitae Ducum Venetorum..., M. Sanuto, RIS vol. XXII, pp. 614-615.

27 Johannis Florentini Villani, Historia Universalis à condita Florentia usque ad Annum MCCCXLVIII, Italicè scripta... RIS vol. XIII, p. 1001.

28 Historia Miscella Bononiensis ab Anno MCIV usque ad Annum MCCCXCIV, auctore praesertim Fratre Bartolomaeo de la Puglia Ordinis Minorum ; Accedit ejusdem Continuatio usque ad Annum MCCCCLXXI ab aliis Auctoribus Synchronis Facta..., RIS, VOL. XIII, PP. 408-409.

29 Cronica Veneta sacra e profana..., pp. 70-71.

30 Francesco Sansovino, Dette cose notabili dette città di Vinetia, Libri II.. In Venetia, 1583, p. 100.

31 Giovanni Nicolo Doglioni, Historia Venetia scritta brevemente da Gio-Nicolo Doglioni, Delle cose successe della prima fondation di Venetia fino all'anno di Christo MDXCVII.... In Venetia, 1598, p. 213.

32 Sabellico (Marco Antonio Coccio, dit), Historiae rerum Venetarum ab urbe condita, libri XXXIII. Basilae 1556, pp. 370-371.

33 Pietro Giustiniani, Rerum Venetarum ab urbe condita ad annum MDLXXV..., Venetis 1576, p. 79, livre 4.

34 Paolo Morosini, historia delta città e republica di Venetia,... In Venetia, 1637, p. 243.

35 Sanuto, op. cit. note 4 ; Villani, op. cit. note 5, Historia Bononiensis... op. cit. note 6 ; Cronica Veneta. op. cit. note 7 ; Sansovino, op. cit. note 8 ; Sabellico, op. cit. note, Giustiniani, op. cit. note 11.

36 Sanuto, op. cit. note 4.

37 Morosini, op. cit. note 12.

38 Chronicon Mutinense ab Anno MII usque ad Annum MCCCLXIII, Autore Johanne de Bazano, RIS, vol. XV, p. 614.

39 Sanuto., RIS, vol. XXII, pp. 614-615.

40 Sabellico, Historia rerum Venetarum..., pp. 370-371.

41 Historia Bononiensis..., RIS, Vol. XVIII, p. 477.

42 Chronicon Estense, Gesta Marchionum Estensium complectens, ab Anno MCI usque ad Annum MCCCLIV, per Anonymos Scriptores Synchronos deductum, et ab aliis Auctoribus continuatum usque ad Annum MCCCXCIII..., RIS, vol. XV, p. 487.

43 Sanuto., RIS, vil. XXII, p. 673.

44 Jeronimo Zurita [1512-1580], Annales de la corona de Aragon [desde et ano 714-1516], en Saragoça 1579-1589, 6 vol. in fol. Tome 2, pp 365r-365v.

45 Morosini, Historia della città e republica di Venetia..., p. 383.

46 Sanuto., RIS, vol. XXII, p. 853.

47 Diarum Ferrarience ab anno MCCCCIX usque ad annum MDII. Anonymo Auctore Syncrono Italicé scriptum, et continuatum, RIS, vol. XXIV, p. 176.

48 Historia di Candia di Andrea Corner, Chronique inédite, Bibliothèque de la Marcienne, Venise, second livre, p. 25.

49 Scipione Ammirato, Dell'istorie Fiorentine di Scipione Ammiroti libri venti. Dal principio della città infino all'anno MCCCCXXXIII nel quale Cosimofe Medici il vecchio fu restituito alla patria. In Firenze, 1600, p. 668.

50 Orlando Malavolti, Historia del sig. Orlando Malavolti, De' fatti, e Guerre de' Sanesi.... (Dell’historia di Siena la prima, seconda terza parte). In Venetia, 1599. Troisième partie p. 9.

51 Baratta, [292], p. 63.

52 Francesco Sansovino, Cronologia del Mondo di M. Francesco Sansovino divisa in tre libri, Venetia 1580, p. 45, dans Baratta, op. cit., note 3.

53 Baratta, [296], p. 63.

54 Diarium Ferrarience ab anno MCCCCIX usque annum MDII..., RIS, vol. XXIV, p. 185.

55 Historia di Candia, di Andrea Corner, p. 40, livre 2.

56 Baratta [319], p. 75.

57 F Sansovino, Cronologia del Mondo..., p. 48, dans Baratta, op. cit.., note 9.

58 Chronicon Eugubinum ab Anno MCCCCL usque ad Annum MCCCCLXXII. Auctore Guernerio Bernio Eugubino., RIS, vol. XXI, pp. 991-992. (Les Abruzzes, Città di Castello, Orvieto).

59 Baratta [333], p. 79.

60 Tommasi, I terremoti del Friuli..., p. 194, dans Baratta, op. cit. note 11.

61 Sanuto..., RIS, vol. XXII, p. 1229.

62 Diarium Ferrarience, RIS, vol. XXIV, p. 266.

63 Ibn Iyâs, Histoire des Mamlouks Circassiens (872-906 H.), traduit par Gaston Wiet, Le Caire, Institut français d'archéologie orientale, 1945, p. 223.

64 Morosini, Historia della città e republica di Venetia..., p. 243.

65 Sanuto,..RIS, vol. XXII, pp. 614-616.

66 B. Figliuolo, Il terremoto del 1456, tomes 1 et 2, Edizioni Studi Storici Meridionali. 1990.

67 Article de A. Ducellier, Prova di Periodizazione dei terremoti balcanici e delle loro eventuali correlazioni coi terremoti italiani fra i secoli VIII e XV.

© Presses universitaires du Midi, 1996

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