1Ces relations sont dominées, pendant trois siècles, par deux phénomènes capitaux :

21. La Lorraine est un pays de « petite féodalité »

• avec place importante des clercs-seigneurs (en Lorraine centrale, 48 % vers 1600) ;
• avec un domaine ducal non négligeable ;
• avec peu de seigneurs résidents.

32. La Lorraine est un pays de très forte tradition communautaire

• avec l’octroi de nombreuses chartes d’affranchissement (notamment à la loi de Beaumont) ;
• avec le relais des « rapports de droits » (xiv^e-xvi^e siècles) ;
• avec une lente évolution rapprochant les deux statuts ;
• avec l’importance des biens communaux et des usages communautaires, renforcés par la prédominance de l’habitat groupé.

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4Dans les relations étroites, ambiguës, à la fois complémentaires et conflictuelles entre la communauté et la seigneurie, s’affirme le rôle déterminant de la conjoncture politique, démographique, économique et sociale.

1^re phase : xvi^e et premier tiers du xvii^e siècle

5L’essor démographique entraîne une pression sur la communauté et sur les biens communaux (pratique des anticipations sur les terres individuelles ; défrichements et déclin des prêts ; nécessité d’un accroissement du bétail sur la pâture communautaire).

6Parallèlement, la hausse des prix et l’amenuisement des revenus de type « féodal » suscitent une vigoureuse réaction seigneuriale, surtout après 1550, avec attention portée à la perception des droits, effort d’accaparement des liens communaux, rigueur apportée à la mise en valeur de la réserve seigneuriale. De plus, la poussée des « deforains » porte atteinte à la cohésion de la communauté villageoise.

2^e phase : de 1635 environ à la fin du xvii^e siècle

7La Lorraine, pendant la guerre de Trente ans, subit une catastrophe considérable, perdant, selon les bailliages, entre un tiers et deux tiers de sa population. L’endettement est général et il faut des moratoires jusqu’au début du xviii^e siècle. Les communautés doivent faire face à de multiples problèmes issus de la reconstruction économique et démographique (repeuplement, remembrements, réaffirmation des droits seigneuriaux, défense des biens et des usages communautaires).

3^e phase : xviii^e siècle

8L’administration française est en place à partir de 1737. L’annexion des duchés est réalisée à la mort de Stanislas Leszczynski en 1766 alors que les Trois-Evêchés font officiellement partie du royaume depuis 1648. Les problèmes posés aux communautés résultent de la poussée de l’individualisme et du capitalisme, de l’éclosion de la physiocratie et de la réaction seigneuriale.

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9Dans ce contexte général, trois aspects primordiaux peuvent être dégagés.

1. Le contrôle de la communauté villageoise

10L’institution-clef est l’assemblée des habitants, avec surtout les plaids banaux ou annaux, convoqués par le maire, officier du seigneur. L’assemblée est égalitaire avec les divers chefs de famille et les femmes ou veuves faisant foyer à part. Aux plaids banaux, sont énumérés les droits seigneuriaux et on procède à la création de la justice, à la mise à ferme des banalités, à la reddition des comptes de l’officier chargé de la perception des amendes, etc. Le mode de désignation des officiers de la justice du seigneur est révélateur des rapports entre celui-là et les notables locaux. On peut distinguer quatre cas : 1) Le seigneur nomme qui lui plaît ; 2) L’assemblée participe à la désignation en proposant au choix du seigneur une liste de 3 à 9 noms selon les lieux en vue de la nomination du maire ou mayeur ; 3) L’office de maire est adjugé aux enchères, ce qui provoque une réelle main-mise des riches notables ; 4) L’assemblée désigne le maire et demande ratification au seigneur.

11La grande novation du xviii^e siècle est l’apparition du « syndic » sanctionné par l’arrêt du conseil qui, en 1738, en fait obligation pour chaque communauté. Ses comptes sont soumis au visa de l’intendant. Cette mesure marque plus l’ingérence du pouvoir central que l’indépendance de la communauté ; elle souligne le déclin du rôle de l’officier du seigneur.

2. Problème des communaux

12Au xvi^e siècle, le seigneur s’oppose aux défrichements spontanés et à l’aliénation des biens communaux. En fait, subsiste la permanence de l’ambiguïté de leur statut. Selon les cas, la vente de ces biens peut se faire par le seigneur ou avec son autorisation. Partout transparaissent les efforts des communautés pour obtenir leur autonomie en ce domaine. Mais le seigneur continue à prélever le « tiers denier » sur la vente des produits et des biens forestiers : l’ordonnance de 1664 le rend obligatoire. Par contre, le seigneur ne recourt pas avant le xvii^e siècle au triage ou au cantonnement. La présence française suscite l’introduction du triage. Les cahiers de doléances (ex. : Hampont) parlent du « prétendu tiers ».

13Autre problème délicat : l’édit sur les clôtures de mars 1767. Les terres encloses sont ainsi affranchies des obligations de vaine pâture et de parcours.

3. La tension entre communauté et seigneur à la fin de l’Ancien Régime

14Elle résulte d’une aggravation de la pression seigneuriale, plus durement ressentie dans une conjoncture difficile. Cette pression est le fait de seigneurs importants et des intermédiaires intraitables que sont leurs fermiers.

15Les procès entre seigneurs et communautés villageoises se multiplient avant 1789 : 21 à 22 % des communautés sont dans cette situation dans les bailliages de Dieuze et de Vic. Dans ce dernier, 93 % s’élèvent avec force dans les cahiers de doléances contre les impositions seigneuriales ; 27 % contestent la justice du seigneur ; 42 % s’insurgent contre les monopoles banaux, 37 % contre les corvées, 34 % contre l’accaparement des communaux, 28 % contre le droit de troupeau à part.

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16L’Ancien Régime s’achève dans l’exaspération d’une tension qui était déjà sensible deux siècles plus tôt. Elle est accrue par les conflits internes entre riches et pauvres et par les graves effets sur les communautés villageoises des progrès de l’individualisme.