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Les communautés villageoises

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Charles Higounet

Rapports

Les communautés villageoises en Allemagne

Peter Blickle
Übersetzt von André Holenstein

Volltext

  • 1 Voir J. Blum (éd.), Our Forgotten Past. Seven Centuries of Life on the Land, 1982 (bibliographie).
  • 2 Les travaux à retenir : G.L. Maurer, Geschichte der Dorfverfassung in Deutschland, 2 vol., 1865-66 (...)

1Il n’y a que peu de pays européens où les communautés villageoises aient été aussi bien étudiées qu’en Allemagne1. En parlant d’Allemagne, nous entendons le Saint Empire Romain Germanique qui comprenait, à part l’Allemagne même, l’Autriche actuelle et la Suisse (de droit international jusqu’en 1648). L’intérêt témoigné à l’égard des communautés villageoises et, par conséquent, l’étendue de la recherche à ce sujet2 deviennent compréhensibles en tenant compte de l’autonomie considérable des communautés villageoises en Allemagne en comparaison avec d’autres pays européens.

  • 3 Voir par exemple l’ouvrage de fond, classique de l’historiographie allemande : H. Grundmann (éd.),(...)
  • 4 Ouvrage de pionnier avec caractère représentatif, M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, 19722.

2Or, curieusement, cette constatation est restée presque sans conséquences pour l’interprétation aussi bien de l’histoire allemande que de l’histoire européenne. Les communautés villageoises n’ont été retenues ni pour la description du système social et politique, ni pour la périodisation du processus historique3. L’étude des communautés villageoises est restée jusqu’à présent l’objet des disciplines voisines, telles que l’histoire du droit, de l’histoire régionale (Landesgeschichte) ou de l’histoire rurale (Agrargeschichte) sans se constituer comme objet de l’histoire générale, globale ou nationale. Cette observation s’explique par la tradition historiographique allemande : la science historique « bourgeoise », avec laquelle débute en fait la science historique critique, jugeait l’évolution de l’histoire européenne en fonction du développement de la bourgeoisie, du comportement et de la mentalité qui lui étaient congéniaux. C’est la raison pour laquelle l’historiographie bourgeoise a surtout étudié ces phénomènes de la société ancienne (altständische Gesellschaft) qui pouvaient être interprétés comme performances spécifiques de la bourgeoisie : la ville, la culture de l’humanisme, la religion protestante, le Siècle des Lumières ou la formation de la rationalité4. L’étude de la société rurale est restée en retard par rapport à celle de la société urbaine.

  • 5 Le titre du premier tome de la monographie en 3 volumes de K.S. Bader (note 2).
  • 6 K. Marx et F. Engels n’ont pas accordé un rôle décisif à la communauté villageoise dans le process (...)

3Si la conception théorique de l’historiographie marxiste allemande a permis l’accès scientifique à la société rurale, cela n’est pas le cas pour la communauté villageoise. La dominance et la constance de conditions a priori, parmi lesquelles la supposition de formations sociales déterminées par l’économie ou la lutte des classes interprétée comme moteur de l’histoire, rendent apparemment difficile l’intégration d’un phénomène comme le village dans sa fonction de sphère de paix et de droit (Friedens- und Rechtsbereich)5. D’autres marxistes n’y ont même pas attaché grande importance6.

  • 7 Des réflexions principales et rapports scientifiques chez S. Epperlein, Weistumsforschung. Problem (...)

4Les réflexions suivantes ont l’intention de démontrer la signification de la communauté villageoise pour l’histoire nationale allemande et de la rendre maniable pour la comparaison européenne. Cette disposition se justifie en tenant compte préalablement du fait que l’histoire de l’Europe jusqu’à 1789 ne reste que partiellement expliquée en négligeant la partie la plus considérable de la société du point de vue numérique, c’est-à-dire les paysans, qui représentent à eux seuls 80 à 90 % de la population totale de l’Allemagne. Le problème posé se situe dans le contexte d’une vive discussion menée durant la décennie écoulée sur le rôle du paysan dans l’histoire allemande7.

  • 8 Pour éviter des malentendus, il est nécessaire de rappeler que la communauté rurale avec ses fonct (...)
  • 9 Le terme renvoie à M. Weber (note 5), p. 3, 4, 10.

5L’abord du sujet s’effectuera de trois côtés : Pour commencer, il s’agit de décrire les communautés villageoises en tant que formation sociale prédominante de la société rurale entre le xiiie et le xviie siècle8. Vu les diverses formes existant dans les différentes régions d’Allemagne, la description n’est possible qu’en utilisant un type idéal9 (I). La communauté villageoise en tant que phénomène temporaire en Allemagne nécessite une justification quant à son origine et sa disparition en indiquant les formations antérieures et postérieures (II). A l’intérieur du cadre temporaire mentionné il y a différentes communautés villageoises à distinguer (III), à l’aide desquelles il restera à démontrer qu’il est impossible de comprendre entièrement l’évolution de l’histoire allemande sans considérer les communes villageoises. Il s’agira donc d’évaluer et d’apprécier leur importance (IV).

I

  • 10 Travail fondamental : K.S. Bader (note 2), t. 2, p. 292-319, 367 sq. ; indispensable pour les diff (...)
  • 11 En dernier pour la Suisse E. Walder, Reformation und moderner Staat, dans Archiv des Historischen (...)
  • 12 G. Heitz et G. Vogler, Agrarfrage, bâuerlicher Klassenkampf und bürgerliche Revolution in der Über (...)

6Ce que nous entendons par communauté villageoise devient évident en observant l’assemblée communale (Gemeindeversammlung)10. Les tenanciers d’une exploitation agricole, les pères de famille (Hausväter), comme ils étaient nommés fréquemment, se rassemblaient au moins une fois par année pour discuter des affaires du village. Parmi les compétences de cette assemblée communale nous trouvons des décisions politiques de grande importance pour le village — la question par exemple si la commune devait adhérer à la Réformation ou non11, ou encore si elle voulait faire un procès avec le seigneur ou même recourir à la violence pour faire passer ses propres revendications face à lui12. Ces deux exemples éclairent la prise de conscience de la commune villageoise. Elle entendait être une association capable d’agir sur le plan politique. Les objets de délibérations qui surgissaient chaque année rendent encore mieux l’étendue des compétences de la communauté villageoise. Les préoccupations les plus importantes de l’assemblée communale sont la juridiction (Rechtsweisung), la législation villageoise qui en résulte et l’élection des organes du village. On cerne encore plus étroitement l’ensemble des activités politiques du village en énumérant les compétences des différents organes.

7Un premier organe communal d’administration important travaillait collectivement et était constitué de manières différentes, ce qui explique les diverses désignations : l’organe des Deux, des Trois, des Quatre, des Six, des Douze ou le Conseil (Zweier, Dreier, Vierer, Sechser, Zwölfer, Rat). Deux, trois, quatre, six ou douze paysans y siégeaient. Parmi ses compétences on distingue la défense des frontières villageoises, la surveillance des prescriptions contre les incendies, le contrôle des entreprises professionnelles comme par exemple la forge, le moulin, les bains publiques et les tavernes, ainsi que le contrôle des unités de mesure et de poids. Pour assumer effectivement ses devoirs, le conseil disposait souvent du pouvoir de prescrire et d’interdire (Gebot und Verbot), comparable à l’ordonnance moderne.

8Avec la croissance du village, les tâches de cet organisme pouvaient être assignées à des charges spécifiques qui n’étaient plus assumées à titre honorifique comme celle des « Quatre » (Vierer) par exemple, puisqu’elles étaient récompensées. La charge de parcourir et de surveiller les champs et les biens communaux était attribuée à un garde-champêtre (Flurpolizist, Flurhei, Eschhai, Flurschütz) ; un gardien surveillait le village pendant la nuit pour prévenir les incendies. S’ajoutaient les fonctions du berger, de l’huissier qui en plus était le courrier et le gendarme du village et du responsable de l’irrigation des champs.

  • 13 Par rapport aux organes administratifs, le tribunal villageois n’a encore guère été étudié. Les co (...)

9Le tribunal du village (Dorfgericht) était responsable du contrôle des normes villageoises qui pouvaient être codifiées ou non et qui avaient été décrétées par la commune ou ses fonctionnaires13. Le tribunal villageois allemand était un tribunal d’échevinage constitué par six à vingt-quatre échevins ressortissants du village. Ses compétences touchaient à la juridiction volontaire (freiwillige Gerichtsbarkeit), par exemple le règlement notarié de vente ou d’achat de terrain, la coopération à l’établissement de cadastre, l’émission d’extraits de naissance ou la rédaction de testaments, et finalement aux affaires de droit civil et pénal comme par exemple la violation des frontières villageoises, la pertubation de la paix du village (Dorffrieden) pour cause d’insultes, de mêlées ou de coups et blessures. Bref : il s’occupait de ce domaine qui par la terminologie contemporaine et scientifique est désigné comme appartenant à la basse justice en contraste avec la haute justice tranchant les cas de meurtre, de vol et d’incendie volontaire (et qui en général restait réservée à la justice du pouvoir [Herrschaft] ou des autorités de l’Etat). A la tête de l’administration générale et de la justice du village, on situait le maire de la commune qui apparaît sous divers noms dans les sources : Ammann, Schultheiss, Vogt, Bauermeister, Zender, Schüttenmeister, Heimbürge ou Pohbuchter. Il dirigeait l’assemblée communale, présidait au tribunal et était le chef des organes administratifs du village.

10Tous les organes villageois avaient en commun qu’ils étaient uniquement constitués de paysans du village même. Le village allemand connaît à peine les fonctionnaires seigneuriaux ou étatiques. La commune agissait par l’intermédiaire de ses propres organes sur le plan de l’ordre, de l’administration, de la justice et de la législation au cas où se heurtaient les intérêts individuels et collectifs. L’agriculture et les problèmes qui y étaient liés ainsi que la vie commune dans cet espace clos et restreint du village étaient en général le point d’origine de l’autogestion paysanne.

11Il ne faut tout de même pas négliger le fait que les intérêts des villageois se recoupaient souvent avec ceux du seigneur du village. Ainsi les conflits fonciers touchaient tout autant les intérêts du seigneur. A cause des redevances en nature le seigneur avait intérêt à contrôler les mesures et les poids. Ceci explique la participation de la seigneurie villageoise à l’élection des organes communaux. Elle exerçait sans doute sa plus grande influence sur l’élection du maire ; dans ce cas elle se réservait au moins le droit de confirmation, plus souvent encore elle choisissait un paysan convenable parmi trois ou quatre candidats proposés par la commune ou elle ne concédait à la commune qu’un droit de confirmation de son propre candidat. L’influence du seigneur sur l’installation des échevins demeurait beaucoup plus faible ; en général, il disposait du droit de confirmation, mais l’occupation des places s’effectuait dans le meilleur des cas de telle façon que le seigneur et la commune nommaient les candidats en alternance. Les interventions seigneuriales étaient les moindres en ce qui concerne les organes administratifs. Leur élection par la commune était en général confirmée par le seigneur.

12Il faut retenir le résultat suivant : il existe une autonomie politique de la commune, mais elle est limitée par la seigneurie du village. La portée de cette autonomie en Allemagne se précise en posant la question des débuts et des raisons de la formation de la communauté villageoise.

II

13La communauté villageoise, comme elle vient d’être décrite, a existé en Allemagne entre le xiiie et le xviie siècle, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’aurait pas existé avant et après. Mais elle ne représentait pas encore ou alors avait déjà cessé d’être la forme typique d’organisation sociopolitique de la société rurale. Préalablement à l’époque du haut Moyen Age, la villication détermine le monde agraire (a), plus tard, lors de l’absolutisme, l’état policier et administratif du prince (Polizei-und Verwaltungsstaat) réglemente la vie paysanne et commence à limiter l’espace autonome de la communauté villageoise (b). L’évolution de la villication des seigneurs nobles et ecclésiastiques vers l’état administratif du prince territorial était tracée d’avance à la suite de changements fondamentaux à l’intérieur des états du clergé et de la noblesse (c).

  • 14 Le problème de l’origine de la communauté villageoise en Allemagne a provoqué de vives controverse (...)
  • 15 Le plus récent résumé par F. Lütge, Geschichte der deutschen Agrarverfassung vom frühen Mittelalte (...)

14a) Une brève allusion au fonctionnement du système de la villication accentue la nouveauté de la communauté villageoise et démontre en plus qu’avec la commune une sphère libre d’influences seigneuriales a existé14. Dans le système d’exploitation seigneuriale directe (Fronhofssystem) ou de villication l’agriculture est organisée dans le cadre du domaine du seigneur (Fronhof) ou de son administrateur, le villicus (Villikationssystem)15. Ce système se caractérise par le fait que le grand domaine seigneurial (Salland) est exploité à l’aide de corvées effectuées par les serfs non libres. Au terme du haut Moyen Age ce système entra dans une phase de changements fondamentaux (les raisons ne nous intéressent pas dans ce contexte-ci), dont l’importance et le résultat résident dans le fait que le domaine seigneurial a été divisé en diverses exploitations familiales et mis à disposition des serfs non libres. Les corvées furent remplacées par les redevances en nature et en argent ; la seigneurie foncière à base de rentes (Rentengrundherrschaft) prenait la place du système de la villication. Le seigneur foncier se retira de l’organisation de l’agriculture et construisit son château en une position isolée.

15C’est alors que commence nécessairement la répartition des champs parmi ceux qui y ont droit. Differents systèmes d’organisation des champs et de rotation se créent. Le système de culture à trois soles en représente une forme, qui soumet les tenanciers à une discipline dans l’exploitation des champs (Flurzwang) et les force à un comportement coopératif, puisque la semence et la récolte sur les champs devaient forcément s’effectuer de manière collective de même que l’exploitation des biens communaux avec le bétail du village entier. Ce système d’exploitation relativement compliqué ne pouvait s’orienter vers un modèle exemplaire ; le travail d’organisation effectué par les personnes concernées devait venir à bout de ces problèmes.

16La naissance simultanée du village en tant que nouvelle formation sociale a exercé un effet favorable et accélérateur. La concentration des relations sociales et la complication de l’ordre économique rendaient nécessaire la réglementation et la garantie des sphères d’importance vitale pour la société rurale : il fallait des normes réglant la vie commune, des organes responsables du respect de ces normes et des institutions capables de sanctionner la violation de ces normes. Après la dissolution du domaine seigneurial, le village devenait le cadre organisateur de ces mesures : le droit de législation développé par la commune réglait la vie sociale ; des organes administratifs étaient créés en forme des charges communales pour assurer l’exécution des lois communales ; enfin, le tribunal du village se chargeait de la sanction d’éventuelles violations des normes.

  • 16 Ce jugement est établi plus largement chez P. Blickle, Deutsche Untertanen. Ein Widerspruch, 1981, (...)
  • 17 R. Wenskus, H. Jankuhn, K. Grinda (éd.), Wort und Begriff « Bauer » (Abhandlungen der Akademie der (...)
  • 18 Les récentes discussions sont rendues critiquement (avec une accentuation différente) chez O. G. O (...)

17Deux constatations ressortent des changements de la société rurale au tournant du haut Moyen Age au bas Moyen Age : d’anciennes liaisons seigneuriales, comme elles s’expriment à travers l’attachement des fermes à la seigneurie (et qui comprenait généralement des droits de juridiction), restent déterminantes pour la vie du village ; le village est donc tout autre qu’un espace libre de pouvoir féodal ; d’autre part, la genèse du village dans la forme de la communauté villageoise engendre quelque chose de tout à fait nouveau : à savoir une formation sociopolitique étant le résultat de nouvelles formes d’exploitation et de vie sociale, dont la société rurale même se charge de l’organisation. Une autodétermination restreinte remplace l’ancienne détermination étrangère de l’homme. La naissance de la communauté villageoise représente un changement qualitatif pour la société rurale16. Ce n’est pas par hasard qu’à partir de cet instant, on rencontre le terme de « paysan » (Bauer) dans les sources17 et que « liberté » (Freiheit) et « non-liberté » (Unfreiheit) disparaissent comme critères de différenciation sociale ; ils sont remplacés par d’autres critères relatifs aux différentes activités de l’homme ; la société se divise en un état de prière (Betstand), un état de défense (Wehrstand) et un état nutricier (Nährstand) qui correspondent au clergé, à la noblesse et aux paysans18 : le serf, « non libre » est devenu un paysan.

  • 19 Ouvrage fondamental H. Maier, Die ältere deutsche Staats- und Verwaltungslehre, 19802.
  • 20 F.H. Schubert, Die deutschen Reichstage in der Staatslehre der frühen Neuzeit, 1966.

18b) « L’autonomie relative » de la communauté villageoise s’étend jusqu’au xviie siècle. La fin de cette période est due aux changement de la structure constitutionnelle du Saint Empire Romain Germanique. Le xviie siècle voit naître en Allemagne dans le cadre du pouvoir des princes territoriaux « l’état policier et administratif » dont la soi-disant « bonne police » (gute Polizei), c’est-à-dire l’administration intérieure est le but principal ainsi que le moyen de légitimation19. Aussi bien dans la conscience de la théorie politique européenne que probablement dans la conscience du peuple allemand l’Empire et non pas les territoires, continuait à représenter l’état en Europe centrale20.

  • 21 Pour la caractérisation de l’état territorial à part la description classique de F. Hartung, Deuts (...)
  • 22 Il est important de rappeler qu’à la fin du xviiie siècle la pensée corporative subit une réactiva (...)

19D’autre part, l’Empereur et l’Empire se trouvant de moins en moins en mesure de résoudre les problèmes économiques et sociaux fondamentaux — l’Empire ne dispose même pas d’une modeste administration — ce sont les territoires allemands qui construisent leurs états à l’aide de l’administration en tant que pièce maîtresse21. La législation territoriale uniforme rend évident cette tendance en essayant de niveler les droits particuliers locaux, parmi lesquels on trouve les différents droits villageois, et d’introduire le droit territorial. Il en résulte d’abord une situation de concurrence : à côté de la police villageoise des métiers (Gewerbepolizei) on trouve maintenant la police territoriale des métiers. La pratique du droit des tribunaux villageois est contraire à celle des tribunaux territoriaux. Pour faire passer ses exigences l’état policier (Polizeistaat) s’efforce de procurer au droit territorial la priorité par rapport au droit du village dans les cas où jusqu’à présent le droit territorial ne faisait que compléter le droit local ; pour assurer la prédominance de l’Etat par rapport à la commune, il renforce son influence sur l’occupation des charges villageoises et repousse leur élection par la commune. Bien que les charges du village n’assument pas encore la fonction d’autorités étatiques subordonnées, la tendance se dirige certainement dans cette direction et atteint son point culminant à l’époque de l’absolutisme au xviiie siècle22.

  • 23 H. Haan, Prosperität und Dreissigjähriger Krieg, dans Geschichte und Gesellschaft, 7, 1981, p. 91- (...)

20La guerre de Trente Ans avec ses effets dévastateurs pour l’Allemagne a sans doute accéléré cette évolution en renforçant le besoin de mesures d’ordre prises par l’Etat : elle a favorisé l’Etat autoritaire (Machtstaat)23.

21Sans pouvoir militaire, les Etats allemands étaient livrés sans défense entre les mains des puissances européennes. Ce fut là un des enseignements de la guerre de Trente Ans. L’armée permanente cependant a fait accroître considérablement le pouvoir du prince, parce qu’en Allemagne l’Etat se représentait de plus en plus dans sa personne. Ce fait se manifeste en plus dans le domaine sociopolitique par un changement terminologique : le paysan devient sujet.

  • 24 Un bref aperçu chez W. Becker, Reformation und Revolution (Katholisches Leben und Kirchenreform im (...)
  • 25 H. Rössler (éd.), Deutscher Adel (1550-1740) (Schriften zur Problematik der deutschen Führungsschi (...)
  • 26 Récemment démontré de façon convaincante à l’exemple d’un cas chez M. Lanzinner, Fürst, Räte und L (...)

22c) L’importance croissante des princes allemands représente un processus qui s’étend à plusieurs siècles et suppose, entre autre, des modifications au sein des deux états de la noblesse et du clergé. Il s’agit concrètement d’un affaiblissement constant des seigneurs fonciers nobles et ecclésiastiques. Bien que les princes aient été eux aussi seigneurs fonciers et par conséquence seigneurs villageois (Dorfobrigkeit), la majeure partie des paysans dans les territoires allemands dépendaient de la noblesse et des couvents siégeant dans le territoire (landsässig) : jusqu’à deux tiers de la terre appartenaient à ces pouvoirs médiats. L’accroissement du pouvoir des princes laïcs et ecclésiastiques, qui théoriquement se refléta finalement dans le concept de la souveraineté princière, a été nettement favorisé d’une part par la Réformation qui sécularisa les couvents des régions protestantes24, et fit disparaître l’Eglise en tant que propriétaire foncier, d’autre part par la plus forte intégration de la noblesse dans le territoire. C’est entre le xive et le xviie siècle que des changements considérables ont touché la noblesse25 : à la suite d’une technique de guerre modifiée, selon laquelle à partir du xve siècle les guerres étaient de plus en plus menées avec des armées de mercenaires au lieu des anciennes armées de chevaliers, la noblesse perdit ses fonctions militaires qui avaient jusqu’alors justifié son existence ; la crise agraire du bas Moyen Age lui enleva en large mesure les moyens de subsistance ; en plus sa fonction de surveillance et de protection envers ses sujets devint superflue, ce qui lui ôta la légitimation face à ses paysans (Hintersassen). Au cas où la noblesse ne disparaissait pas dans la bourgeoisie ou dans la paysannerie, elle sauva sa position sociale privilégiée en s’appuyant plus fortement sur le prince. L’entrée au service du prince lui assura un fondement économique et créa une nouvelle justification de son existence à cause des fonctions administratives qu’elle assuma pour le prince26. Une plus forte intégration de la seigneurie foncière dans l’état princier en fut le prix. Ceci explique la dépendance croissante de la communauté villageoise du xviie siècle face à l’état territorial même là où elle avait d’abord été soustraite à l’emprise du prince.

III

  • 27 Résumé tiré du manuel H. Mitteis, H. Lieberich, Deutsche Rechtsgeschichte, 1981 16, p. 169 sq.
  • 28 Du point de vue constitutionnel, voir F. Lütge (note 15), p. 119-158 ; du point de vue économique, (...)

23La perte d’autonomie de la communauté villageoise au cours du xviie siècle devient encore plus compréhensible en remarquant que le village représentait une menace pour la féodalité. Le système féodal est déterminé par des lignes verticales, par un ordre hiérarchique différencié qui comprend selon l’ordre de la levée militaire (Heerschildordnung) six à sept catégories, allant de l’Empereur au chevalier27. Certains droits politiques nuancés correspondent à chaque position de la hiérarchie. Pour la société rurale ceci avait comme effet qu’elle ne possédait pas de droits politiques, elle demeurait au contraire dans un état juridique ou de fait de non-liberté (Unfreiheit). On peut observer ce phénomène en Allemagne de l’Est où, à partir du xve-xvie siècle, un processus de « reféodalisation » (Refeudalisierung) se développe. En conséquence, la commune en tant qu’association politique est dissoute dans le domaine de la seigneurie foncière (Gutsherrschaft). La soumission héréditaire (Erbuntertänigkeit) sous forme de servage (Leibeigenschaft) et de services forcés pour les enfants de paysans (Gesindezwangsdienst) réintroduit la « non-liberté » (Unfreiheit) caractéristique du système de la villication28.

  • 29 J’ai utilisé le terme de « communalisme » une première fois : P. Bickle (note 16), p. 113-142. Son (...)

24La communauté villageoise, par contre, est définie par des lignes horizontales, par l’égalité des tenanciers à l’intérieur de l’association communale et par l’autogestion politique. Le terme de « communalisme », répondant au « féodalisme », décrit la situation qui régnait depuis le bas Moyen Age29. Le communalisme se répand le plus fortement là où le système féodal est resté faible ou a perdu de sa substance ce qui est surtout le cas en Allemagne de l’Ouest, du Sud-Ouest et en Suisse où, par rapport à l’Est, la noblesse n’a pas atteint une importance quantitative et qualitative aussi considérable. En même temps, il s’agit de la région où les villes se sont établies de manière prépondérante.

  • 30 Les points communs accentués chez K.S. Bader (note 2), t. 1, p. 230-238.

25L’allusion à la ville est importante parce qu’elle soutient plausiblement l’hypothèse selon laquelle le communalisme menaçait le système féodal. En principe la ville était constituée comme le village. Les tenanciers du village correspondent aux bourgeois propriétaires d’une maison à la ville ; le droit du village au droit urbain ; le maire du village au bourgmestre (Bürgermeister) citadin ; le tribunal communal au tribunal de la ville30. Le terme « communalisme » décrit une forme commune d’existence pour le village et la ville. Avec la genèse des villages et des villes, la majeure partie de la société, en tous cas plus de 95 % de la population, se retrouve organisée dans un cadre social et politique qui se situe à l’extérieur et à l’au-delà des structures féodales exclusivement dominant à l’époque du haut Moyen Age. En considérant la communauté villageoise, on discerne trois phases entre le xiiie et le xviie siècle qui sous cet aspect forment une entité historique de l’histoire allemande : la consolidation de la commune villageoise (a), la formation de l’état sur la base de la commune (b), et la « reféodalisation » de la commune (c).

  • 31 On trouve un groupement et une évaluation des différentes éditions chez D. Werkmüller, Über Aufkom (...)
  • 32 P. Bierbrauer, Bäuerliche Revolten im Alten Reich. Ein Forschungsbericht, dans P. Blickle (éd.), A (...)

26a) La consolidation de la commune villageoise s’accomplit aux xive et xve siècles. Cela devient évident en observant les milliers de sources touchant le droit rural, communément appelées coutumes (Weistümer) ; pour la première fois elles délimitent les devoirs et les droits de la commune et de la seigneurie du village31. Un conflit entre paysans et seigneur foncier marque souvent l’arrière-plan de ces codifications. La société rurale fait preuve d’une nouvelle conscience, ce qui se manifeste clairement par le phénomène de la résistance paysanne. Jusqu’à présent, on compte environ 60 révoltes pour le bas Moyen Age32 — un chiffre vraisemblablement fixé trop bas qui révèle deux choses : la société rurale n’accepte plus sans critique les exigences seigneuriales, ce qui représente une nouveauté dans l’histoire allemande ; or l’existence de la communauté villageoise est la condition préalable d’un comportement pareil. Toutes les activités insurrectionnelles des paysans ont comme centre d’organisation la commune. C’est elle qui finance les procès menés devant les tribunaux princiers ou impériaux, c’est encore elle qui décide de l’opportunité de la résistance contre la seigneurie.

  • 33 B. Bilgeri, Der Bund ob dem See, 1968.
  • 34 A. Rosenkranz, Der Bundschuh, 2 vol., 1927.
  • 35 En dernier H.C. Peyer, Verfassungsgeschichte der alten Schweiz, 1978.
  • 36 Travaux fondamentaux : H. Planitz, Die deutsche Stadt im Mittelalter, 1954, et E. Isenmann, Reichs (...)
  • 37 G. Franz (note 2), p. 125-129 et F. Seibt, Utopica, 1972.

27Certaines révoltes paysannes laissent en plus reconnaître une tendance allant plus loin qui tente de surmonter le système féodal et d’établir la commune en tant que fondement d’associations étatiques : ceci est le cas pour la révolte des Appenzellois au début du xve siècle33 et partiellement pour les insurrections du « Bundschuh » dans la région du Haut-Rhin34. La construction réussie d’une association étatique (staatlicher Verband) à fondement communal dans le sud de l’Empire, en Suisse, pendant le xiiie et le xive siècle peut avoir encouragé les mouvements insurrectionnels. En Suisse, d’ailleurs, l’association politique se constitua non pas par l’intermédiaire des communes villageoises (Dorfgemeinden), mais des communes rurales (Landgemeindert) aux fonctions analogues35. Manifestement la commune pousse vers l’autonomie totale, un fait évident si l’on retient la ville. Les villes encore toutes dominées par un seigneur féodal à la fin du haut Moyen Age essaient d’obtenir et obtiennent par la suite une position immédiate par rapport à l’Empire (Reichsunmittelbarkeit) : Cologne, Nuremberg, Strasbourg, Berne pour n’en citer que quelques-unes36. Au niveau de réflexion de la littérature politique et utopique, on découvre également la même évolution. Le mouvement de réforme de l’Empire (Reichsreformbewegung) caractéristique pour l’Allemagne du xve siècle attribue le rôle principal dans le renouvellement et la guérison de l’Empire non pas à la noblesse et aux princes, mais à la société urbaine et rurale37.

  • 38 P. Blickle, Die Revolution von 1525, 19812.
  • 39 E. Walder, Der politische Gehalt der Zwölf Artikel der deutschen Bauernschaft von 1525, dans Schwe (...)
  • 40 Un bref résumé chez G.W. Locher, Grundzüge der Theologie Huldrych Zwinglis im Vergleich mit derjen (...)
  • 41 Les réflexions proposées dans ce contexte sont fondées plus largement chez P. Blickle, Die Reforma (...)

28b) Au temps de la Réformation les tendances esquissées se dirigent vers la formation de l’état sur la base communale. C’est alors qu’éclate la guerre des paysans de 1524-1526 qui au niveau de l’étendue sociale et des programmes politiques représente le plus vaste mouvement de la paysannerie européenne38. Elle est inimaginable sans l’existence de la communauté villageoise39. Cela se manifeste à travers les projets de constitution des paysans dans lesquels les associations étatiques sont construites sur la base de la commune ; les villes et les villages d’une région s’associent et distribuent par élection les charges politiques de la nouvelle association. A l’aide de codifications juridiques territoriales (Landesordnungen) on établit un cadre constitutionnel. Le clergé en tant que détenteur du pouvoir politique (Herrschaftsinhaber) ne trouve plus de place dans les soi-disant « associations chrétiennes » (christliche Vereinigungen), vu l’anticléricalisme accentué de la Réformation. La noblesse n’est tolérée que dans la mesure où elle est prête à se soumettre aux associations communales. Le communalisme se voit doté d’un pouvoir étatique, le système féodal est surmonté. A juste raison, on peut désigner cet événement comme révolution, bien qu’il s’agisse finalement d’une révolution échouée. Un mouvement d’une expansion et agressivité telle basé sur la commune a été rendu possible par les réformateurs. La théologie de Luther, Zwingli, Butzer et Muntzer a ramené l’Eglise apostolique au christianisme communal et paroissial (Gemeindechristentum) et revendiqué l’Eglise hiérarchique romaine là où elle put s’imposer. Dans les débuts de la Réformation, c’est-à-dire au cours des premières années après 1520, les réformateurs soutenaient l’opinion que la commune devait décider de la juste doctrine (Lehre) et élire les curés40. En conséquence de l’identité entre la commune paroissiale et villageoise celle-ci recevait une légitimation complètement nouvelle dans la perspective des paysans41. Pour la première fois elle était munie d’une garantie idéologique, tandis que la scolastique dominant jusqu’au xve siècle avait soutenu et légitimé le système féodal par sa théologie et son éthique.

  • 42 G. Franz, Der deutsche Bauernkrieg, 197510.

29c) La guerre des paysans et la Réformation marquent le point culminant et le tournant de l’importance et la position de la communauté villageoise. La force révolutionnaire, déployée par le communalisme, a contraint la féodalité à mobiliser une nouvelle fois toutes ses forces. Les princes ont réussi à écraser par les armes la révolte des paysans42. Simultanément, on observe un changement au plan idéologique. Les réformateurs allemands, à leur tête Luther, abandonnent l’idée du christianisme communal et paroissial à l’avantage de l’Eglise étatique (Staatskirchentum). En conséquence, c’est le prince qui décide de la religion de ses sujets et ce sont les autorités instituées et contrôlées par lui qui installent les pasteurs. Les adhérents aux théologies réformatrices qui retenaient la commune comme base du christianisme furent forcés de s’assimiler comme ce fut le cas des Strasbourgeois (Butzer) ou écartés de l’Empire comme les Zurichois (Zwingli). C’est alors que la séparation de la Suisse d’un côté et de l’Allemagne et de l’Autriche de l’autre côté s’avéra inévitable. Il n’y avait plus de possibilité d’unir le communalisme consolidé de la Confédération Helvétique et le système féodal renaissant de l’Empire. Les autorités d’Eglise du prince dirigent la vie religieuse de la commune, comme ses autorités gouvernementales contrôlent la vie politique du village : les assemblées communales ne sont admises que sur approbation des autorités, parfois même sous condition de la présence d’un fonctionnaire princier ; le droit de statuer de manière autonome (autonome Satzungshoheit) est refoulé et limité par les ordonnances policières de l’Etat (Polizeiordnungen) et par des statuts particuliers pour les villages (Dorfordnungen) publiés par l’Etat ; les tribunaux du village trouvent leur place fixe dans la voie hiérarchique de la justice territoriale ; et par l’intermédiaire du droit de tirer à soi les procès des instances inférieures, donc aussi des tribunaux villageois, les tribunaux de la cour renforcent l’extension du droit territorial. Les tribunaux du village sont privés de leur fonction de créer le droit (Rechtsschöpfung) ; ils deviennent les organes exécutifs des mandats pénals et d’amendes lancés par le prince. On y trouve les peines pour les injures et l’absentéisme du culte par exemple. Cette évolution est de longue durée et les autorités subissent quelques contre-coups, mais à long terme elle parvient au succès.

30Dans cette perspective il n’est pas étonnant que la commune n’apparaisse plus guère au plan de la littérature politique. C’est le prince qui retient l’attention des réflexions politiques, l’administration et les finances de l’Etat occupent exclusivement l’attention des penseurs politiques. Même le phénomène de la ville se trouve de moins en moins discuté dans la littérature. La ville a également subi les conséquences de l’état policier. Au cours du xviie siècle, le bourgeois et le paysan s’unissent dans la même masse anonyme des sujets administrés par les autorités.

IV

  • 43 J. Althusius, Politica methodice digesta atque exemplis sacris et profana illustrata 16143, chapit (...)

31Pour le cours de l’histoire allemande la communauté villageoise entre le haut Moyen Age et les Temps Modernes (en liaison avec la commune de la ville) a certainement représenté un principe essentiel de formation. On pourrait parler d’une dialectique entre féodalité et communalisme. Le communalisme est pour le bas Moyen Age la formation sociale dynamique qui se tourne contre la féodalité et tente finalement de la surmonter de façon révolutionnaire ; la féodalité par contre paralyse ce mouvement (en s’appropriant et utilisant à son avantage le processus réformateur) et produit une nouvelle qualité de féodalité dans la forme de la « féodalité territoriale » (Territorialfeudalismus) au centre de laquelle se situe le prince. Cette nouvelle féodalité intègre l’ancienne seigneurie noble et la communauté villageoise — les deux, la seigneurie foncière et le village, deviennent des organes d’administration et de justice au service de l’Etat. Au cas où ils disposent encore de quelques droits, ceux-là sont interprétés en Allemagne comme dérivés du prince. Au xviie siècle il fallait une certaine distance géographique et mentale face à l’Allemagne pour s’apercevoir que la communauté villageoise était une association politique et juridique sui generis (politischer und rechtlicher Verband). Johannes Althusius, syndic de la ville d’Emden, située en Frise orientale, et théoricien de la tradition calviniste des monarchomaques, a érigé un monument à l’intention de la communauté villageoise en la décrivant dans son esquisse de théorie politique intitulée Politica methodice digesta43 comme consociatio politica, comme un essentiel et nécessaire principe de construction nécessaire de l’Etat.

Anmerkungen

1 Voir J. Blum (éd.), Our Forgotten Past. Seven Centuries of Life on the Land, 1982 (bibliographie).

2 Les travaux à retenir : G.L. Maurer, Geschichte der Dorfverfassung in Deutschland, 2 vol., 1865-66 ; B. Huppertz, Räume und Schichten bäuerlicher Kulturformen in Deutschland, 1939 ; K.S. Bader, Studien zur Rechtsgeschichte des mittelalterlichen Dorfes, 3 vol., 1957-73 ; Th. Mayer (éd.), Die Anfänge der Landgemeinde und ihr Wesen (Vorträge und Forschungen 7-8), 2 vol., 1961-64 ; G. Franz, Geschichte des deutschen Bauernstandes vom frühen Mittelalter bis zum 19. Jahrhundert (Deutsche Agrargeschichte 4), 19762 ; P. Blickle (éd.), Deutsche Ländliche Rechtsquellen, 1977.

3 Voir par exemple l’ouvrage de fond, classique de l’historiographie allemande : H. Grundmann (éd.), Gebhard. Handbuch der deutschen Geschichte, vol. 1 et 2, 1970, qui ne mentionne pas du tout la commune ; H. Aubin et W. Zorn (éd.), Handbuch der deutschen Wirtschafts- und Sozialgeschichte, t. 1, 1971, n’accordent sur les 700 pages qu’une demi-page à la commune, ibid., p. 373-374.

4 Ouvrage de pionnier avec caractère représentatif, M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, 19722.

5 Le titre du premier tome de la monographie en 3 volumes de K.S. Bader (note 2).

6 K. Marx et F. Engels n’ont pas accordé un rôle décisif à la communauté villageoise dans le processus historique de l’Europe de l’Ouest. (Le vieux Marx le lui a attesté uniquement pour la Russie ; voir sa correspondance avec V.I. Sassulitsch, dans Karl Marx, Friedrich Engels, Werke, t. 19, 1969, p. 242-243, 384-406.) Conformément, elle n’est pas non plus retenue dans les manuels et les aperçus généraux, par ex. M. Steinmetz, Deutschland von 1476 bis 1648, 1978. Ce n’est que dernièrement qu’on observe un changement. La commune apparaît comme cadre organisateur des « formes basses de la lutte des classes » ; voir surtout H. Harnisch, Bauern. Feudaladel. Städtebürgertum, 1980, p. 81-99.

7 Des réflexions principales et rapports scientifiques chez S. Epperlein, Weistumsforschung. Probleme ländlicher Rechtsquellen im späten Mittelalter, dans Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte, 1979/IV, p. 197-210 ; W. Schulze, Aufruhr und Empörung ? Neue Studien zum bäuerlichen Widerstand im Alten Reich, dans Zeitschrift für Historische Forschung9, 1982, p. 6-72. Ma propre position est esquissée dans P. Blickle, Paysan et Etat dans le Saint Empire Romain Germanique, dans Francia, 8, 1980, p. 191-211.

8 Pour éviter des malentendus, il est nécessaire de rappeler que la communauté rurale avec ses fonctions décrites dans cet article n’a pas seulement existé au niveau du village. On rencontre avant tout dans les pays alpins et à la côte de la mer du Nord des communes rurales (Landgemeinden) qui s’étendent sur des espaces plus vastes à cause de la forme d’habitation prédominante en hameaux ou habitat isolés (Weiler- und Einödsiedlungen). Pour le territoire de l’Empire, la commune villageoise représente le type le plus répandu de la commune rurale.

9 Le terme renvoie à M. Weber (note 5), p. 3, 4, 10.

10 Travail fondamental : K.S. Bader (note 2), t. 2, p. 292-319, 367 sq. ; indispensable pour les différences régionales Th. Mayer (note 2), de même les travaux de K. Blaschke, Grundzüge und Probleme einer sächsischen Agrarverfassungsgeschichte, dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, germanistische Abteilung, 82, 1965, p. 223-287, et de H. Helbig, Gesellschaft und Wirtschaft der Mark Brandenburg im Mittelalter (Veröffentlichungen der Historischen Kommission zu Berlin 41), 1973, p. 11 sq., 41 sq. D’autres monographies que je ne mentionnerai pas en détail pour la première partie se trouvent citées chez P. Blickle, Formes de l’administration paysanne autonome en Europe centrale, 1400-1800, dans W. Paravicini et K.F. Werner (éd.), Histoire comparée de l’administration (ive- xviiie siècles) (Beihefte der Francia 9), 1980, p. 393-396, notes 9 et 25. Les quelques titres cités ne veulent qu’attirer l’attention sur des phénomènes de la communauté villageoise peu étudiés jusqu’à présent.

11 En dernier pour la Suisse E. Walder, Reformation und moderner Staat, dans Archiv des Historischen Vereins des Kantons Bern, 65-65, 1980-1981, p. 445-583, spécialement p. 512-526.

12 G. Heitz et G. Vogler, Agrarfrage, bâuerlicher Klassenkampf und bürgerliche Revolution in der Übergangsphase vom Feudalismus zum Kapitalimus, dans Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 28, 1980, p. 1060-1078 ; H. Harnisch, Landgemeinde, feudalherrlich bäuerliche Klassenkampfe und Agrarverfassung im Spätfeudalismus, dans Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 26, 1978, p. 887-897.

13 Par rapport aux organes administratifs, le tribunal villageois n’a encore guère été étudié. Les coutumes du xive au xvie siècle ne contiennent que peu de règlements relatifs à la procédure judiciaire (Gerichtsverfahren). Ce n’est que vers la fin du xvie siècle qu’avec la réception du droit romain la procédure judiciaire du village est fixée plus précisément. Etablir des déductions pour le bas Moyen Age à partir de cette base n’est pas permis. Puisque les compétences matérielles du tribunal villageois n’étaient souvent pas fixées, il est difficile de faire ressortir les racines seigneuriales et communales de ce tribunal.

14 Le problème de l’origine de la communauté villageoise en Allemagne a provoqué de vives controverses. A. Dopsch, Herrschaft und Bauer in der deutschen Kaiserzeit, 1939, spécialement p. 107 sq., défend l’origine de la commune dans la villication. Pour F. Steinbach, Ursprung und Wesen der Landgemeinde nach Rheinischen Quellen, dans Th. Mayer (note 2), t. 2, surtout p. 205, la commune représente une parcelle de juridictions plus vastes datant du début du Moyen Age et du haut Moyen Age. K.S. Bader (note 2), t. 2, p. 88, 91, 101 ; comme complément, le même, Entstehung und Bedeutung der oberdeutschen Dorfgemeinde, dans Zeitschrift für württembergische Landesgeschichte, 1, 1937, enfin situe l’origine des communes dans les bailliages. Ces trois conceptions s’orientent toutes à l’histoire du droit. On ne contestera pas l’importance de la villication en la concevant comme formation sociale.

15 Le plus récent résumé par F. Lütge, Geschichte der deutschen Agrarverfassung vom frühen Mittelalter bis zum 19. Jahrhundert (Deutsche Agrargeschichte 3), 19672, spécialement p. 50-56, 83-94. Récemment L. Kuchenbuch, Bauerliche Gesellschaft und Klosterherrschaft im 9. Jahrhundert. Studien zur Sozialstruktur der Familia der Abtei Prüm, 1978.

16 Ce jugement est établi plus largement chez P. Blickle, Deutsche Untertanen. Ein Widerspruch, 1981, p. 23-60.

17 R. Wenskus, H. Jankuhn, K. Grinda (éd.), Wort und Begriff « Bauer » (Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Göttingen. Phil.-hist. Klasse, 3. Folge 89), 1975. Comme supplément W. Conze, Bauer, Bauernstand, Bauerntum, dans O. Brunner, W. Conze, R. Koselleck (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon, t. 1, 1972, p. 408 sq.

18 Les récentes discussions sont rendues critiquement (avec une accentuation différente) chez O. G. Oexle, Die funktionale Dreiteilung der Gesellschaft bei Adalbero von Laon, dans Frühmittelalterliche Studien, 12, 1978, p. 1-54, surtout p. 50.

19 Ouvrage fondamental H. Maier, Die ältere deutsche Staats- und Verwaltungslehre, 19802.

20 F.H. Schubert, Die deutschen Reichstage in der Staatslehre der frühen Neuzeit, 1966.

21 Pour la caractérisation de l’état territorial à part la description classique de F. Hartung, Deutsche Verfassungsgeschichte vom 15. Jahrhundert bis zur Gegenwart, 19648, voir avant tout les travaux d’aperçu de G. Oestreich, Geist und Gestalt des frühmodernen Staates, 1969, et du même, Strukturprobleme der frühen Neuzeit, 1980.

22 Il est important de rappeler qu’à la fin du xviiie siècle la pensée corporative subit une réactivation en Allemagne. C’est dans ce contexte que la systématisation citée du droit policier attribue un pouvoir policier (Polizeihoheit) (c’est-à-dire le droit d’administration et de justice) (Recht der Verwaltung und Rechtssprechung) à la communauté villageoise, ce pouvoir et ce droit n’étant pas délégués par l’état mais de nature autonome. G.H. Van Berg, Handbuch des Teutschen Policeyrechts, 7 vol., 1802-09 ; ici t. 4, I, p. 124-141.

23 H. Haan, Prosperität und Dreissigjähriger Krieg, dans Geschichte und Gesellschaft, 7, 1981, p. 91-118, spécialement p. 106 sq.

24 Un bref aperçu chez W. Becker, Reformation und Revolution (Katholisches Leben und Kirchenreform im Zeitalter der Glaubensspaltung 34), 1974, p. 60-64.

25 H. Rössler (éd.), Deutscher Adel (1550-1740) (Schriften zur Problematik der deutschen Führungsschichten in der Neuzeit 2), 1965.

26 Récemment démontré de façon convaincante à l’exemple d’un cas chez M. Lanzinner, Fürst, Räte und Landstände (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte 61), 1980, surtout p. 127-179.

27 Résumé tiré du manuel H. Mitteis, H. Lieberich, Deutsche Rechtsgeschichte, 1981 16, p. 169 sq.

28 Du point de vue constitutionnel, voir F. Lütge (note 15), p. 119-158 ; du point de vue économique, W. Abel, Geschichte der deutschen Landwirtschaft vom frühen Mittelalter bis zum 19. Jahrhundert (Deutsche Agrargeschichte 2), 19783, p. 165 sq., 210 sq.

29 J’ai utilisé le terme de « communalisme » une première fois : P. Bickle (note 16), p. 113-142. Son éventuelle portée est soumise à la discussion une nouvelle fois chez P. Blickle, Der Kommunalismus als Gestaltungsprinzip zwischen Mittelalter und Moderne, dans Gesellschaft und Gesellschaften, Mélanges en l’honneur de Ulrich Im Hof, 1982.

30 Les points communs accentués chez K.S. Bader (note 2), t. 1, p. 230-238.

31 On trouve un groupement et une évaluation des différentes éditions chez D. Werkmüller, Über Aufkommen und Verbreitung der Weistümer, 1972. Les collections les plus importantes pour les pays de langue allemande sont : J. Grimm, Weistümer, 6 vol., 1957 2 ; les Österreichische Weistümer publiés par l’Académie autrichienne des Sciences, dont 18 volumes ont paru jusqu’à présent et la série de 50 volumes des sources du Droit suisse, éditée au nom de la Société suisse des Juristes.

32 P. Bierbrauer, Bäuerliche Revolten im Alten Reich. Ein Forschungsbericht, dans P. Blickle (éd.), Aufruhr und Empörung ? Studien zum bäuerlichen Widerstand im Alten Reich, 1980, p. 1-68.

33 B. Bilgeri, Der Bund ob dem See, 1968.

34 A. Rosenkranz, Der Bundschuh, 2 vol., 1927.

35 En dernier H.C. Peyer, Verfassungsgeschichte der alten Schweiz, 1978.

36 Travaux fondamentaux : H. Planitz, Die deutsche Stadt im Mittelalter, 1954, et E. Isenmann, Reichsstadt und Reich an der Wende vom späten Mittelalter zur frühen Neuzeit, dans J. Engel (éd.), Mittel und Wege früher Verfassungspolitik (Spätmittelalter und Frühe Neuzeit. Tübinger Beiträge zur Geschichtsforschung 9), 1979, p. 9-223.

37 G. Franz (note 2), p. 125-129 et F. Seibt, Utopica, 1972.

38 P. Blickle, Die Revolution von 1525, 19812.

39 E. Walder, Der politische Gehalt der Zwölf Artikel der deutschen Bauernschaft von 1525, dans Schweizer Beiträge zur Allgemeinen Geschichte, 12, 1954, p. 5-22.

40 Un bref résumé chez G.W. Locher, Grundzüge der Theologie Huldrych Zwinglis im Vergleich mit derjenigen Martin Luthers und Johannes Calvins, dans le même, Huldrych Zwingli in neuer Sicht, 1969, spécialement p. 246-249, et B. Moeller, Deutschland im Zeitaller der Reformation (Deutsche Geschichte 4), 1977, p. 117 sq.

41 Les réflexions proposées dans ce contexte sont fondées plus largement chez P. Blickle, Die Reformation im Reich, 1982.

42 G. Franz, Der deutsche Bauernkrieg, 197510.

43 J. Althusius, Politica methodice digesta atque exemplis sacris et profana illustrata 16143, chapitres 6, 8 et 9.

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