Les « cours ex cathedra »

1Pendant tout te Moyen Âge et l'Ancien Régime, tes cours ont consisté principalement à lire et à expliquer les textes de référence (les « autorités »). Pour certains textes, la lecture pouvait prendre plusieurs années. Au Moyen Âge, l’enseignement est essentiellement oral : les étudiants ont l'interdiction de prendre des notes et doivent travailler sur des manuels dont la production est contrôlée par l'université, ou en les recopiant eux-mêmes. Pendant longtemps, les salles de cours n’ont donc pas été dotées de pupitres. Mais la tentation de l'écrit est forte et dès le xv^e siècle il tend à s'imposer : à partir du xvi^e siècle, les cours sont désormais dictés par les professeurs et pris en note par les élèves. Un nombre relativement important de manuscrits de cours d’étudiants de l'université de Toulouse sont conservés, surtout pour le droit. À partir du xvii^e siècle, certains cours de professeurs toulousains sont publiés, parfois de façon posthume, à partir des notes d'étudiants. La pédagogie évolue lentement et les cours s’éloignent du simple commentaire pour tendre à devenir des traités synthétiques. En revanche, l’enseignement se fait toujours en latin, à l'exception du cours de droit français introduit à la fin du xviii^e siècle.

2L'enseignement se diversifie tout au long des xix^e et xx^e siècles et les disciplines se multiplient. Le cours magistral continue à dominer mais la pédagogie évolue : les cours sont désormais donnés en français (à l’exception du cours de droit romain que Ruffat persiste à donner en latin jusqu'à la fin de la Restauration] ; ils sont plus synthétiques, et l’intervention personnelle du professeur est plus importante. Quelques innovations sont introduites, surtout dans le domaine scientifique. Le manuel imprimé tend à se généraliser au cours de la période et on voit apparaître au xx^e siècle le polycopié. La majorité des cours se donnent dans des amphithéâtres, devant des étudiants nombreux pour la médecine et le droit, ou réduits à une poignée pour les lettres et les sciences, pendant plusieurs décennies du xix^e siècle : dominent alors dans ces disciplines les conférences publiques qui attirent un public plus ou moins nombreux (elles disparaissent progressivement au cours du xx^e siècle). À la fin du xix^e siècle, on orne les « amphis » principaux de peintures monumentales comme à la faculté des Sciences et à la faculté des Lettres. Ils deviennent insuffisants dans les années 1960 et, sauf pour quelques cours moins fréquentés, commence alors la période des « amphis bondés ».

L’enseignement pratique : de la dispute aux T.P. et T.D.

3Au Moyen Âge, les cours magistraux sont complétés par des exercices faisant appel à une pédagogie plus active : les « disputes ». Elles se déroulent sous la présidence d'un régent (professeur] avec la participation de tous les bacheliers de la faculté et des simples étudiants qui le souhaitent (mais ils ne peuvent pas intervenir). Sur le thème proposé (quaestio), l’un des bacheliers ou professeurs soutient une position qu'il défend contre les objections de l’assistance, suivant les règles de la dialectique. La dispute qui a vraisemblablement opposé à Toulouse, en 1273, François Accurse, venu de Bologne, et Jacques de Révigny, professeur de droit à Orléans, a un grand retentissement. Mais dès le xv^e siècle, l'usage des disputes devient très limité et elles tendent à se transformer en un simple entraînement aux examens. En dehors des leçons magistrales, des cours moins formalistes (« répétitions ») sont peu à peu organisés, dans les collèges ou à titre plus ou moins privé. Pour l'enseignement de la médecine, dès le début du xviii^e siècle, des exercices pratiques sont mis en place au moins en anatomie et en botanique.

4Au xix^e siècle, les travaux pratiques existent surtout pour les disciplines scientifiques, mais ils sont longtemps limités par l’exiguïté des locaux de la faculté des Sciences. En médecine, l'école puis la faculté de Médecine sont équipées d'une salle de dissection. Au xx^e siècle, les laboratoires se développent dans les facultés de Sciences et de Médecine et dans les instituts de sciences appliquées, futures écoles d'ingénieurs. Dans les autres disciplines, les travaux dirigés restent limités.

Des étudiants souvent peu assidus

5Sous l’Ancien Régime, la présence des étudiants aux cours est loin d'être effective, sans parler des fraudes diverses, plutôt plus limitées à Toulouse que dans d'autres villes. Plusieurs réformes tendent à remédier à cet état de fait, surtout à partir de Louis XIV. On institue notamment l'obligation pour les étudiants de prendre en personne des inscriptions chaque trimestre, d'abord pour le droit puis pour les autres facultés. Mais dans le même temps, on crée pour les étudiants de plus de 24 ans le « bénéfice d'âge » qui leur permet de passer leur diplôme en un temps record [six mois pour la licence] et qui fait d'eux de véritables « étudiants fantômes ».

6L'université napoléonienne prévoit une discipline stricte : inscriptions chaque trimestre, obligation d'avoir une carte d’étudiant, appels et sanctions en cas d'absence, etc. Mais, dans les faits, ces mesures ne sont pas très efficaces, surtout dans la première moitié du xix^e siècle. Les professeurs se plaignent du manque d'assiduité des étudiants au cours mais, à Toulouse, ils répugnent à faire l'appel, qui est d'ailleurs supprimé à Paris dès 1832 et transformé en un simple comptage des étudiants à Toulouse en 1865. Les tentatives d'application d’une discipline stricte peuvent facilement provoquer des troubles : en 1845, la faculté de Droit de Toulouse reste fermée plusieurs mois à la suite des émeutes provoquées par la décision de fermer les portes des cours aux retardataires !

Diplômes

7Depuis le xiii^e siècle, l'enseignement universitaire est inscrit dans un cadre rigoureux de cursus, d'examens et de grades (diplômes). La durée des études, très longue au Moyen Âge, diminue nettement à l’époque moderne. Comme souvent dans l'université, les noms des diplômes ont perduré depuis le Moyen Âge, même s'ils recouvrent des réalités différentes.

8Le premier grade universitaire est le baccalauréat, même s’il est le dernier à apparaître. Au Moyen Âge, il sert d’abord à distinguer les étudiants débutants des étudiants avancés qui ont certains droits au sein de l’université. À l’époque moderne, il est le premier diplôme accordé par les facultés de Droit, de Médecine et de Théologie. À partir du xix^e siècle, il change de nature. Il sanctionne la fin des études secondaires tout en étant délivré par l’université, ce qui représente une lourde charge pour les professeurs des facultés de Lettres et de Sciences. Mais c’est aussi le premier grade pour les études universitaires de droit et de théologie, après deux et trois ans d’études. Il est remplacé par le Diplôme d’Études Juridiques générales en 1962.

9La licence est le premier grade à apparaître, au début du xiii^e siècle. Elle tire son origine de la licentia docendi ou autorisation d'enseigner. Au Moyen Âge, c'est l'examen le plus sérieux, obtenu après de longues années. À l'époque moderne, la durée des études diminue et varie selon les facultés. Après les réformes napoléoniennes, la licence s'obtient dans toutes les disciplines sauf en médecine, en une puis trois années après le lycée.

10La maîtrise est au Moyen Âge une autre appellation du doctorat. À l'époque moderne, la maîtrise ès-arts sanctionne les deux premières années d’études en philosophie (humanités), faites à Toulouse au collège de l'Esquille ou au collège des Jésuites. Obligatoire pour entrer dans les facultés de Théologie et de Médecine, elle perd peu à peu de son importance. Elle ne réapparaît pas au xix^e siècle.

11Le doctorat a toujours été te grade universitaire le plus élevé. Avant la Révolution, il n'est pas la sanction d'un nouvel examen mais un acte marquant l’entrée dans le corps des docteurs, qui donne le droit d'enseigner à l'université. Le terme de doctorat subsiste au xix^e siècle : le diplôme se passe après la licence, sauf en médecine où il se passe en quatre ans, sans diplôme intermédiaire. Comme précédemment, c'est le grade exigé pour enseigner à l'université. En 1958 est institué le doctorat de iii^e cycle.

12Le Diplôme d’études supérieures (DES), créé à la fin du xix^e siècle pour l'histoire et la géographie puis peu à peu étendu à d'autres disciplines, est un diplôme préalable à l’inscription à l’agrégation ou au doctorat.

13À partir de 1897, les universités sont autorisées à créer des diplômes distincts des grades d'État. Apparaissent ainsi les certificats. A Toulouse, ils sont assez nombreux, délivrés par les instituts : certificat d'études spéciales agricoles, de chimie, de science pénale, d’études méridionales, etc. En 1920 est créé le doctorat d’université.

Les examens

14Depuis le Moyen Âge, des droits d'examen élevés sont demandés aux étudiants. Jusqu'à la Révolution, ils constituent une part non négligeable des revenus des professeurs et des bedeaux. À Toulouse, les droits d’examen sont mentionnés pour la première fois dans les statuts de 1313 : 40 sous tournois pour la licence de Théologie, par exemple. En outre, il est d'usage depuis le Moyen Âge d'offrir des cadeaux aux bedeaux sous forme de dragées, pains de sucre, gants, etc. Après la Révolution, ces usages disparaissent, non sans nostalgie pour certains. En revanche, les droits d'examen persistent. À ces dépenses il faut ajouter le coût, souvent très élevé, des réceptions qu'il est obligatoire d'offrir après l'obtention d'un diplôme.

15La forme et la difficulté des épreuves ont varié selon les époques. Il existe peu de documents sur les examens à Toulouse au Moyen Âge, en dehors des prescriptions qui figurent dans les statuts. Pour la licence, le candidat soutient une ou plusieurs « disputes » sur un sujet imposé ou tiré au sort, devant un jury de professeurs. Pour la période moderne, les examens prennent à peu près la même forme, mais les thèses sont soutenues en public et donnent lieu, à partir du début du xvii^e siècle, à des documents écrits : les positions de thèse. Celles-ci se présentent sous la forme d’affiches qui contiennent le résumé des positions soutenues par le candidat. Richement illustrées ou beaucoup plus modestes, elles sont dédiées à un grand personnage, ou bien à la Vierge ou au Christ.

16La thèse peut aussi faire L'objet d'un petit Livret imprimé. À Toulouse, il semble que ce ne soit pas L'usage pour L'université, mais uniquement pour L'école royale de Chirurgie. Les universités tiennent des registres où sont inscrits tous Les impétrants par faculté et type d'examen. Le plus ancien conservé pour L'université de Toulouse remonte à 1561.

17Au début du xix^e siècle, les étudiants des écoles de la société de Médecine de Toulouse soutiennent l'équivalent de thèses dont le texte est imprimé. Dans les facultés, les examens consistent en grande partie dans la soutenance de thèses, à partir de la licence, dont le texte est imprimé après visa du doyen. Le plus ancien conservé est un acte pour la licence en droit de 1828. Pour le doctorat, il faut passer une ou deux thèses, dont une rédigée obligatoirement en latin pour les lettres, jusqu'en 1903. Depuis 1875, le vote du jury s'exprime par des boules de couleur : tout candidat qui n'a pas obtenu trois boules blanches ou qui a mérité deux boules noires est ajourné. Pour le baccalauréat, les épreuves sont principalement écrites. Celles-ci se généralisent au cours du xix^e siècle pour les examens des premières années de licence.

18La question de ta sélectivité des examens se pose. Pour te Moyen Âge, le coût et la longueur des études sont en soi extrêmement sélectifs : jusqu’a dix ou treize ans d'études à certaines périodes. S'ajoute une sélectivité des examens difficile à quantifier mais qui semble assez forte. La durée des études se réduit à partir du xv^e siècle, surtout après les réformes de Louis XIV, et parallèlement, l'échec aux examens devient exceptionnel. Si certaines universités, comme Reims ou Orange, pratiquent à grande échelle abus et passe-droits et délivrent des diplômes de complaisance, celle de Toulouse maintient un certain niveau d'exigence. Les grades ne sont d’ailleurs pas automatiquement délivrés : on a pu dénombrer 3 % d'échec au baccalauréat de droit entre 1683 et 1689.

19Au xix^e siècle, l'accès à l'enseignement supérieur reste très sélectif. Jusqu'à la fin du siècle, les facultés de Toulouse sont très indulgentes en matière d'examen. Mais le taux d'échec croît sensiblement à partir des années 1890, et ne fait que s’aggraver avec le début de la démocratisation de l'enseignement supérieur au début du xx^e siècle : la moitié des étudiants de lettres de l'année 1956-1957 n'ont jamais franchi l'obstacle de la première année. Dans un tract et un article rédigés pendant les événements de mai 1968, Albert Passama, vicaire épiscopal du monde universitaire de la région de Toulouse, n'hésite pas à dénoncer les effets des examens sur les étudiants, dont certains réclameront la suppression.

Les bibliothèques

20Les livres, manuscrits ou imprimés, ont toujours été à la base de l'enseignement universitaire. Ils représentent un lourd investissement pour tes étudiants, particulièrement au Moyen Âge. Les étudiants doivent en principe posséder un exemplaire de chacun des ouvrages étudiés pendant les leçons et pour cela l'université organise ta fabrication et te commerce des livres par l'intermédiaire des « stationnaires » (Libraires), qui sont rattachés à l'université. Il n'existe pas de bibliothèque au sein des universités mais seulement dans les collèges. Certains livres peuvent être empruntés, mais le plus souvent ils doivent être lus sur place : ce sont les fameux livres enchaînés aux pupitres. Les fonds, d’importance très variable, sont en général constitués par un legs du fondateur, puis de divers donateurs.

21À Toulouse, on recense au moins sept collèges possédant une bibliothèque au xv^e siècle, mais les documents subsistant sont très rares. La plus belle est celle du collège de Foix, dont l’origine est le legs fait en 1464 par Pierre de Foix, constitué d’une partie de la bibliothèque pontificale d’Avignon. Au xvi^e siècle, les anciennes bibliothèques de collèges déclinent et finissent par disparaître. Le collège des Jésuites se dote à partir du xvii^e siècle d'une bibliothèque qui, en 1782 est installée au collège royal par Loménie de Brienne. En 1772, l’abbé Dhéliot fonde la bibliothèque du clergé, très largement ouverte. Il existe également une bibliothèque universitaire pour la faculté de Médecine, ouverte aux étudiants tous les jeudis. À la Révolution, celle-ci est confisquée et ses collections rejoignent la bibliothèque municipale en 1803.

22Lors de la réouverture des facultés au début du xix^e siècle, il n'existe d’abord aucune bibliothèque, sauf à fa faculté de Droit qui hérite des focaux et des collections de l'ancienne école de Droit et qui les augmente régulièrement. Pendant plusieurs décennies, les facultés de Sciences et de Lettres n'ont à leur disposition que quelques volumes, sans local convenable. La faculté de Théologie protestante de Montauban est en revanche privilégiée dès sa création et dotée de plusieurs milliers d'ouvrages puisés dans des bibliothèques parisiennes. L'école de médecine se contente jusqu’aux années 1840 des ouvrages de la bibliothèque municipale, avant de créer une bibliothèque qui s’accroît avec lenteur (4 000 volumes en 1877). En 1879, il est créé un service universitaire unique de bibliothèque, divisé en trois sections : sciences (5 600 volumes), lettres (5 800) et droit (11 000). À partir de 1891 il n’y a plus que deux sections : droit-lettres, dans les locaux de la faculté de Droit rue de l'université, et sciences-médecine dans les locaux de la médecine, allées Saint-Michel. La place manquant, la section droit-lettres est installée en 1910 dans l'ancien séminaire, rue du Taur, où elle restera jusqu'au début des années 1970. Une bibliothèque pour les sciences, qui se sépare alors de celle de médecine et de pharmacie, est créée sur le nouveau campus de Rangueil. Occupant tout un bâtiment édifié en deux tranches de 1963 à 1970, elle ouvre en 1966 et offre en 1970 une surface de 7000 m², sans commune mesure avec les locaux précédents.

La recherche

23L'activité de recherche des universitaires ne débute vraiment que dans tes dernières années du xix^e siècle, même si, sous l'Ancien Régime, quelques professeurs de l'université de Toulouse comme Jean de Coras, puis plus tard Boutaric ou Dadin d'Hautesserre pour le droit, ou François Bayle pour la médecine, ont laissé une œuvre importante. Au xix^e siècle, les professeurs toulousains ne restent pas inactifs du point de vue scientifique, mais la recherche se fait dans le cadre des sociétés savantes, particulièrement nombreuses à Toulouse. Il faut attendre les dernières décennies du siècle pour qu'elle se développe au sein de l'université et soit réellement prise en compte dans les carrières des enseignants. C'est surtout sensible en médecine et en science, avec la création de laboratoires et d'instituts spécialisés. En sciences, Paul Sabatier (qui obtient le prix Nobel en 1912] est particulièrement emblématique de la qualité de la recherche toulousaine.

24Dans les facultés de Droit ou de Lettres, les enseignants ont aussi une activité scientifique importante, détaillée dans les rapports annuels rédigés par les doyens. Les publications se font dans des revues nationales, mais les facultés toulousaines éprouvent aussi le besoin de fonder leurs propres revues, généralistes comme les Annales de la faculté des Sciences de Toulouse (1887) ou plus spécialisées comme les Annales du Midi 1889).

25À partir des années 1950, de nombreux colloques internationaux sont également organisés. La recherche scientifique connaît un nouvel essor à partir des années 1960 avec l'implantation d’établissements scientifiques délocalisés à Toulouse, surtout pour l'aéronautique, de laboratoires du Centre national de la recherche scientifique (LAAS, CESR etc.) ou de l’association de laboratoires de l'université de Toulouse au CNRS, comme l'institut de Mécanique des fluides (1965).