Conclusion
p. 793-795
Texte intégral
1Cette conclusion sera brève.
2Je voudrais encore une fois exprimer ma reconnaissance à toutes les personnes qui ont rendu possible l’élaboration de ce travail, à la confiance aussi des amis tunisiens.
3Cette œuvre s’est voulue œuvre de fidélité. Les circonstances ont permis que je m’intéresse plus particulièrement à la mémoire des défunts, martyrs ou simples fidèles, d’Uppenna. Au cours des années, l’approche de leur mémoire s’est diversifiée, cela explique sans doute un certain foisonnement, éprouvé probablement par le lecteur au fil des pages.
4Je me suis efforcé de pousser le plus loin possible les déductions, au risque parfois de trop me rapprocher de la zone qui demeurera toujours, en raison de nos manques de connaissances, une zone d’ombre. J’ai surtout conscience de l’étendue des interrogations. Je me suis donné pour règle non de les esquiver mais de les provoquer.
5Il est naturel qu’une longue fréquentation avec un site amène celui qui intervient à le considérer comme exceptionnel et unique. Unique, chacun des sites l’est assurément. Uppenna est-il exceptionnel, et en quoi consiste pour nous son apport ?
6Incontestablement, le fil conducteur de l’histoire dont nous sommes à même d’entr’apercevoir quelques chaînons a pour origine la commémoration d’un événement dramatique et glorieux, la passion de martyrs de cette colonie ou des environs, et surtout la façon dont l’identification à ces martyrs est devenue une composante essentielle de l’évolution de la vie ecclésiale de cette cité, donc nécessairement de l’ensemble de la société locale, et en quoi elle fut un fait identitaire.
7Le hasard des découvertes né des conditions des fouilles, mais aussi les moments inévitablement différents d’un site à l’autre où une personnalité a été en mesure d’imprimer une marque dont l’empreinte sera conservée, sélectionnent des temps parfois trop brefs d’une plus grande densité d’informations.
8Il y a eu ici l’action puis la commémoration du souvenir de deux évêques.
9Pour une époque bien antérieure, nous sommes à même d’observer le foisonnement des initiatives contemporaines de la christianisation du site de la future basilique. Parce que les fouilles du début du XXe siècle avaient moins touché à ce niveau, les investigations ultérieures ont permis de donner plus de densité à l’état de nos connaissances sur le temps des anciennes sépultures et des premières mosaïques. Mais, sur ce point, nous conviendrons qu’Uppenna apparaît comme un carrefour, un réceptacle, un miroir d’évolutions décidées ailleurs, et que ce foisonnement exprime le bouillonnement des initiatives d’une société en voie de rapide mutation.
10À l’époque de la floraison des mosaïques du groupe II, l’observation des modalités de rencontre entre une évolution du cadre de la mosaïque assez généralisée et le fort particularisme des productions d’Uppenna, l’originalité s’exprimant dans et malgré la rigueur de l’austérité, définit sans nul doute un temps important de la vie de la communauté chrétienne du lieu. Il n’est donc pas étonnant de le situer au moment de l’édification de la basilique proprement dite.
11Ces considérations sur ces moments de plus grande densité d’informations nous invitent ainsi à donner toute son importance à la notion de rencontres et de liens.
- Rencontre entre l’apport si complémentaire des différents sites. Chacun de nous convient que l’approfondissement de la connaissance de l’Afrique chrétienne par l’archéologie passe par l’analyse des spécificités de chacun de ces lieux et la mise en concordance de ces apports respectifs. L’unanimité étant de règle sur ce point, convenons qu’il y a tant à apprendre car la base de données est d’une richesse exceptionnelle...
- Rencontre surtout entre les deux sources de connaissance que sont l’étude des textes et l’investigation archéologique. Au risque de clore cette étude sur Uppenna par une banalité, je voudrais simplement énoncer que les fouilles et les découvertes de cette basilique, et de bien d’autres basiliques, en diversifiant nos centres d’intérêt, nous rapprochent du cadre de l’Afrique chrétienne esquissé par les autres sources de documentation.
12Il fut une époque où l’archéologie découvrait du passé de l’Afrique, à l’époque chrétienne, exclusivement ce qui était contemporain de « la grande période de saint Augustin », puis de « la renaissance byzantine ». Toute église exaltait au surplus le triomphe de la vraie Foi... Sans minorer l’importance majeure des témoignages recueillis de ces époques et les réalisations de l’Église qui s’est toujours affirmée fidèle à l’orthodoxie et à l’universalité catholique, on peut faire état d’une insatisfaction provoquée, à la lecture de ces études, par l’hiatus avec l’état de connaissances issues de domaines autres que ceux de l’archéologie. L’Église, si dynamique, du temps de saint Cyprien n’eut-elle rien à léguer en héritage ? Le siècle des Vandales fut-il seulement un moment de destructions et un désert spirituel ? Les donatistes n’ont-ils rien créé ou pu laisser qui puisse instruire ? Et les ariens ? Au surplus, une telle réduction des perspectives devenait même limitative d’un approfondissement des connaissances sur l’Église catholique et ses périodes de grand rayonnement. L’exemple d’Uppenna ne confirme-t-il pas qu’évoquer les donatistes, c’est tout autant évoquer les catholiques et progresser de ce fait dans la connaissance des attitudes et initiatives des communautés catholiques dans la mesure où ce que nous sommes à même d’observer de l’Église schismatique découle en partie des transformations que les catholiques entreprirent après leur occupation des lieux ? Cette définition de soi-même par rapport à l’autre, déjà évoquée, si manifeste dans le domaine de la littérature engagée de l’époque et de l’Apologétique, ne se retrouve-t-elle pas aussi dans le domaine des réalisations ?
13Cet élargissement du champ de l’investigation archéologique dont témoignent tant de travaux exemplaires, cette convergence des données provenant des différentes sources de la recherche historique sur laquelle un large consensus n’aura pas de peine à se formaliser supposent aussi qu’à côté de chantiers nouveaux dont l’ouverture est signe de dynamisme, on ne craigne pas de reprendre des investigations sur des sites anciennement explorés ou de discuter des affirmations qui furent émises, après avoir convenu dès le départ de tout ce dont nous sommes et serons redevables à nos devanciers.
14L’histoire de la basilique d’Uppenna et de ses investigations au XXe siècle justifie que l’on s’autorise à conclure sur cette conviction et cette invitation.
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