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Le vice ou la vertu

 | 
Cyril Olivier

La révolution nationale. Une «révolution sexuelle »

De la pensée au pragmatisme : l’expression d’un idéal vichyste

Texte intégral

« La diffusion de l'immoralité a eu, en outre, pour conséquence une diminution considérable et extrêmement fâcheuse de la réprobation qu'elle entraînait jadis; la séparation, jadis si nette entre la femme de bonne mœurs et celle que l'on désignait autrefois comme de “mauvaise vie” a considérablement diminué de rigueur »
Fernand Boverat, La résurrection par la natalité,
Paris, Hachette, 1941, p. 79.

1Les années de guerre voient se radicaliser et s'exacerber la détermination de la place des sexes dans la société. La défaite de 1940 est multiple. Incombant aux femmes qui n'ont pas fait suffisamment d'enfants ; pesant en même temps sur des hommes qui, vaincus et/ou prisonniers, ont perdu de leur virilité. De fait, c'est à une société sous-natale et dévirilisée que s'adresse le discours de Révolution Nationale, en même temps qu'il se fonde sur les braises encore chaudes de la IIIe République.

  • 27 D'après Rita Thalmann, ce terme est préféré par Philippe Pétain à celui de « Révolution » (« Vichy (...)
  • 28 Jean Ybarnegaray, Le grand soir des honnêtes gens, le 6 février 1934, Conférence du 23 janvier 193 (...)
  • 29 Pour la première fois depuis le début des années 1930, le nombre des décès excède celui des naissa (...)
  • 30 Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l'éternel féminin. Contribution à une sociologie politique de l'or (...)

2Pour beaucoup, le gouvernement de Vichy est le dépositaire d'une longue lignée mêlée de conservatisme, de traditionalisme et de catholicisme. La « divine surprise » que constitue l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain, signifie, face à l'altérité de la défaite, la victoire d'un espoir de « Rénovation Nationale27 ». Depuis les journées d'agitation nationaliste de février 193428, l'« année noire » de la natalité 193529) (la campagne électorale de 1935-1936 qui s'achève par la victoire du Front Populaire, natalistes, familiaux et ligues ne cessent d'appeler Philippe Pétain au gouvernement ; certains journaux de gauche, tel Vu, se montrent même séduits par ce « Maréchal républicain30 ».

  • 31 Aline Coutrot, « La politique familiale », dans Le gouvernement de Vichy 1940-1942, Paris, Armand (...)
  • 32 Titre d'un discours radio-diffusé à l'occasion de la Journée des mères, le 25 mai 1941, reproduit (...)

3 Travail, Famille, Patrie, l'État français constitue ses priorités en aphorisme. Du travail, les femmes sont théoriquement exclues à partir du mois d'octobre 1940. De la Patrie, elles ne sont que les matrices familiales. Devant l'exacerbation de l'idée nationale, la Famille tient un rôle à la fois symbolique et structurel ; pierre de fondation et clé de voûte de l'édifice pétainiste. La politique familiale se fait alors duale. Reprenant à son compte les nombreuses discussions à propos notamment des allocations familiales, le gouvernement de Vichy met en place un système d'aide et d'assistance, économique notamment, doublé d'une structure d'encadrement, tant à l'échelle nationale que régionale31. « Messages aux mères32 », « Journée de mères » ; à côté de cette vision « positive », l'État français s'attache à renforcer la surveillance, la répression des comportements qu'il considère « antifamiliaux ».

  • 33 Si les archives parlementaires traduisent la genèse d'un texte réglementaire (Débats et Documents (...)
  • 34 Philippe Pétain, Appel du 20 juin 1940, dans La France nouvelle, op. cit., p. 10 (voir note 32). L (...)
  • 35 Dans cette période, l'Alliance multiplie les publications alarmistes. Parmi celles-ci : La dénatal (...)
  • 36 Trois propositions de loi inaugurent successivement une nouvelle volonté politique à l'égard des m (...)
  • 37 Voir notamment Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France, op. cit., p. 295-392 (voir not (...)

4Ainsi les réformes poursuivies sont-elles le fruit de réflexions engagées antérieurement à l'été 1940, que les amendements parlementaires avaient tempérés, que la démocratie avait empêché d'éclore33. Les « réformateurs » en tous genres, chantres de la Révolution Nationale, professent les mêmes idées une vingtaine d'années auparavant. Leur pensée sourd tant des couloirs du Parlement que des multiples associations, ligues moralistes et familialistes et vient s'affirmer avec l'avènement du gouvernement de Vichy. Par le contrôle des corps, la sexualité devient alors une cible privilégiée de cette « Rénovation ». La situation démographique de la France fournit en même temps les raisons de la déroute de 1940 : « Trop peu d'enfants, trop peu d'armes, trop peu d'alliés, voilà les causes de notre défaite34 ». De nombreux politiques, intellectuels, médecins, scientifiques ou ecclésiastiques soutiennent ainsi une entreprise dite de « relèvement national ». Si certains d'entre eux ont réussi à étendre leur influence au sommet de la République – la persuasion de l'Alliance nationale contre la dépopulation de Fernand Boverat35 ou le conservatisme des propositions de lois consacrées aux femmes et à la famille dans les années 193036 le démontrent volontiers – leur discours ne fait pas encore figure de doctrine d'État. Or, pour le gouvernement de Vichy, la dénatalité est certes la cause de la défaite militaire, mais elle est aussi celle de l'échec d'une Troisième République « décadente » qui n'aurait pas su se mettre au service de la famille. La relative reprise de la natalité constatée par quelques observateurs en 1938-1939 est exclusivement attribuée à l'accentuation de la répression des pratiques abortives. Ceci revenant à considérer comme inopérants l'ensemble des encouragements financiers et fiscaux instaurés par la République37. Cette explication, qui se généralise à partir de juin 1940, illustre la prétendue démagogie des gouvernements depuis 1936 : la « charité » constituée par les allocations familiales ne suffit pas à régénérer les mœurs. Le pouvoir estime se trouver devant une véritable crise morale du peuple français, « travesti » par des « errements » démocratiques ; la politique « plutôt Hitler que Léon Blum » ayant déjà séduit de nombreux foyers des classes bourgeoises.

UNE « RÉNOVATION NATIONALE » DES CORPS ET DES ESPRITS

  • 38 Entre autres exemples : Henry Bordeaux, Les murs sont bons. Nos erreurs et nos espérances, Librair (...)
  • 39 Henri Pourrat, Vent de mars, Paris, Gallimard, 1941, p. 133.
  • 40 Henry Bordeaux, Les murs sont bons. op. cit., p. 105 (voir note 38).

5Des essais sur la défaite publiés au début de la période, on retient la chance inespérée d'une « régénération nationale » offerte par l'avènement du Maréchal et de l'ensemble de ses fidèles. Le retour à la terre, source de cette nation de paysans dévoyée par une société industrielle et urbaine, le redressement de l'instinct maternel, la restauration de la famille38 ; « [...] cet inimaginable progrès industriel, ne voit-on pas à quoi il va : si ce n'est à l'énorme folie de la guerre, au dessèchement dans les villes de races sans postérité. [...] Des maisons, plus de maisons. Si l'État maintenant parle de même – et il semble bien que ce soit cela, Code de la Famille, etc. – est-ce qu'il n'y a pas un grand espoir ? » clame Henri Pourrat dans un roman qui obtient le prix Goncourt 194139. Dans sa volonté de rupture, Henry Bordeaux montre également son mépris pour cette « ancienne garde dégénérée », l'assimilant à la pire engeance féminine, la prostituée : « Pourquoi fallut-il que ce débarquement officiel fût précédé de toute une racaille, revenue en hâte de Bordeaux on ne sait comment : filles en cheveux et en culottes, les pieds nus dans les espadrilles, gars dépeignés, débridés et dépenaillés, en rupture de service militaire. Tout un cœur débraillé que notre police doit apprendre à contrôler, comme la voirie de Clermont doit se résigner à désinfecter les immondes ruelles qui aboutissent à l'adorable église romane de Notre-Dame-du-Port40 ».

  • 41 René Gillouin, « Doctrine de l'État français », La Revue Universelle, 14 juillet 1941. (Sur ce thè (...)
  • 42 Cesare Lombroso, Guillaume Ferrero, La femme criminelle et la prostituée (1896), Paris, Éditions J (...)

6La communauté nationale se voit alors conviée à une complète refonte des mœurs. La restauration des valeurs familiales en est la condition fondamentale. Il s'agit de relever le climat moral d'une France marquée par les stigmates de l'union libre, du divorce, de l'avortement, de la légèreté sexuelle et de la débauche ; « un peuple ravagé d'alcoolisme, pourri d'érotisme, rongé de dénatalité » écrit René Gillouin41. Ainsi la pensée des familiaux et des natalistes, incarnée dans de nombreuses thèses de doctorat, ouvrages et conférences, relayée jadis lors de certains débats parlementaires, est-elle érigée en doctrine d'Etat. La science démographique se fait alors science politique. Car depuis la fin du xixe siècle et les théories de l'école italienne d'anthropologie principalement incarnée par Cesare Lombroso42, la construction biologique des problèmes sociaux et des inégalités s'est propagée dans certains milieux intellectuels et politiques. Dans cet esprit, la division sexuelle de la société établie par le gouvernement de Vichy n'est pas culturellement ou historiquement construite, mais naturellement et biologiquement. La réduction au silence des adversaires du régime par l'instauration d'un État autoritaire, par la rupture avec les pratiques démocratiques et parlementaires, permet l'imposition d'une telle expression en même temps qu'elle créée le simulacre d'une unanimité consentie.

  • 43 Robert O. Paxton, La France de Vichy 1940-1944, Paris, Le Seuil, 1973, p. 166.

7Dans l'entreprise de « Révolution Nationale », la maternité est envisagée comme le processus de civilisation des femmes : cependant qu'elle les arrache à la « sauvagerie », à la « bestialité » d'une sexualité stérile, elle les enrôle dans le mouvement historique de civilisation. Lorsque l'État français redistribue les assignations sexuelles, il cantonne les femmes à la famille, aux fourneaux, au foyer. La « femme française » est obligatoirement une mère de famille consciencieuse avant d'investir d'autres sphères. Tel un rite initiatique, la maternité se révèle un passage obligé pour des femmes qui voudraient prétendre à une quelconque reconnaissance sociale. Les métaphores d'un « service national féminin », d'un « impôt du sang » sont particulièrement significatives : la fonction naturelle des femmes est de faire des enfants et de les élever, Robert O. Paxton concluant dans un brillant aphorisme que « Vichy aime mieux les femmes, enceintes de préférence, en chaussons dans leur cuisine43 ». Pragmatiquement, elles subissent bientôt de nombreuses restrictions : interdites de travail (octobre 1940), de divorce (avril 1941), elles voient se réduire progressivement leurs possibilités d'accès à l'instruction. Cette nouvelle mouture de l'éducation, détaillée dans un ouvrage de René Benjamin, réserve aux filles un enseignement théorique des tâches ménagères qui trouve sa justification dans un système de pensée discriminatoire et biologiquement construit :

  • 44 René Benjamin, Vérités et rêveries sur l'éducation, Paris, Plon, 1941, p. 185-187. Pour plus de pr (...)

« [...] Je tiens à dire la pitié que j'ai eue pour tous ces pères qui me confiaient avec solennité : « Je peux mourir demain. J'ai voulu que ma fille ait le bachot, une licence, l'agrégation, son doctorat. Au moins, elle ne crèvera pas de faim ». Avec des airs graves, quels étourneaux ! Un vieux médecin qui y a été voir me disait récemment : – à Paris, il y a trois cents licenciées en droit qui font le trottoir !... À la bonne heure ! Voilà un résultat imprévu et qui fait rire ! Oh ! on ne rit pas de la prostitution. On rit en songeant où s'égare le droit et en rappelant ces pères de famille si sûrs d’eux-mêmes. Ils se contentent d'empoisonner et d'anémier leur fille. Ils l'empoisonnent de notions inutiles. Ils l'anémient, ce qui est coupable, avant d'aborder le mariage, qui est le premier jour de joie, mais une épreuve ensuite. Il faut y regarder à deux fois avant d'instruire les filles. Leur donner toutes les sciences sans la règle pour les contenir, c'est les charger d'explosifs. Je n'offenserais personne en disant que se sont des créatures fragiles : on ferait mieux de préserver leurs nerfs. C'est grâce à leurs nerfs qu'elles comprennent si vite, qu'elles s'assimilent si bien, qu'elles devancent si merveilleusement les garçons ; mais c’est avec les mêmes nerfs, prématurément usés, qu'elles mèneront des vies de folles, en rendant fous lesdits garçons. Et les études auront accéléré la folie J...] 44  ».

8Il faut se rappeler enfin la xénophobie du discours concernant la « pathologie sociale » qu'est la dénatalité. Depuis le début du xxe siècle, cette logique raciste, rhétorique, est inhérente à la pensée des natalistes et des familiaux. L'avènement du gouvernement de Vichy consacre l'affermissement de ce discours. Responsables de la dénatalité, les femmes sont en même temps coupables d'une hypothétique immigration « anarchique », conséquence directe de leur manque d'assiduité « patriotique ». Devant l'ampleur de cette « fracture » démographique, l'arrivée d'étrangers en France et la forte natalité de ceux vivant sur le territoire métropolitain suffit à effrayer les intellectuels et les politiques les plus traditionalistes. Les femmes tiennent désormais le rôle principal dans la « défense de la race », amalgame facile permettant à l'ancien dreyfusard Daniel Halévy de se risquer dans une analyse xénophobe et moraliste de la situation hexagonale, dans laquelle il commence par stigmatiser « [...] le délabrement de la population française, désaccordée par l’afflux des allogènes qu'attire en France ces vides intérieurs » :

  • 45 Daniel Halevy, Trois épreuves, op. cit., p. 130-170 (voir note 38).

« [...] Ce qui est en cause, c'est le destin d'un peuple qui, longtemps débordant d'ambition et de vie, soudain se dénature [...] Si le moral n'est touché, rien d'efficace n'aura été fait et les allocations étatisées se perdront dans le flot de ces subventions que le Trésor distribue vainement à la foule sollicitrice. Dès qu'on vient à toucher ce problème décisif, on dépasse l'ordre de la politique, on se trouve dans la région des sources invisibles, vivifiantes les unes, débilitantes les autres, d'où viennent aux peuples la grandeur ou la déchéance. Sources morales, sources religieuses [...] Dans le fond, c’est de charité dont il est toujours besoin. Charité pour l'enfance étouffée par les avorteuses, charité pour ceux qui ne naissent pas, charité pour ceux qui naîtront [...] Au cœur des tâches de la présente épreuve, il y a celles de la terre et celles de la maternité, tâches majeures, l'une qui suscite les êtres, l'autre qui les nourrit [...] Surchargé, contrarié par les exigences d'un temps nouveau, l'instinct maternel souffre et s’affaisse. Il faut aller à son secours 45  ».

  • 46 Paul Esmein, « Le Code de la famille », Gazette du Palais, 1939, 1, p. 11-16.

9Cette biologisation de la différence des sexes n'est pas sans rappeler les logiques racistes théorisées depuis Gobineau. Dans la dénonciation de la « décadence » française, des factions traditionalistes ne cessent de désigner les responsables de cette situation : étrangers, femmes stériles, juifs... Le concept trouve également un écho favorable dans les milieux juridiques, comme le montre cet extrait d'un commentaire du Code de la Famille, dans lequel l'auteur profite de la tribune qui lui est offerte pour abonder dans le sens des théoriciens racistes de la dénatalité, voire même des théories antisémites nazies : « La population française tend à décroître malgré [...] un nombre anormal d'étrangers non naturalisés. Cette situation crée un grave danger. Un envahissement progressif de la France par des étrangers [...] préoccupera tous ceux qui nourrissent le sentiment que le génie français est leur substance même et que la pérennité de ce génie est leur propre pérennité46 ».

  • 47 Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l'éternel féminin, op. cit., p. 82-83 (voir note 30).

10L'apolitisme généralement attribué à la politique familiale dans la IIIe République ne doit pas occulter l'absence totale de débat au profit d'une seule et unique voix dans la France de Vichy. Il ne doit pas non plus dissimuler la violence spécifique de la politique de ce gouvernement à l'égard des femmes. Elles sont collectivement désignées comme l'élément clé de la « déchéance » en même temps que de la « régénération nationale », leur corps étant le vecteur des deux phénomènes. En l'absence d'une antériorité des débats sur ces questions, Vichy n'aurait pu imposer cette représentation des femmes. C'est donc grâce à la préexistence d'un discours nourri, que le gouvernement de Vichy dispose d'un « corpus savant, du concours d'experts tout prêt à collaborer à cette forme particulière d'élargissement de leurs compétences47 ». La science vient légitimer une conception politique de l'ordre moral.

UN PARADIGME SOCIAL : LA FAMILLE DE VÉRINE ET LA RÉSURRECTION PAR LA NATALITÉ DE FERNAND BOVERAT48

  • 48 Verine, « La Famille », dans France 41. La révolution nationale constructive, un bilan et un progr (...)

11Les cas de Vérine – pseudonyme de Marguerite Lebrun – et de Fernand Boverat sont particulièrement éclairants sur l'antériorité et la maturation des théories natalistes et familialistes. De 1940 à 1944, il n'est plus de député pour défendre telle ou telle mesure répressive visant à une reprise rapide de la natalité ou toute autre disposition d'encouragement à la maternité. Sans aucun contradicteur, ceux qui jadis devaient investir les couloirs du Parlement pour trouver un écho favorable à leurs conceptions sont désormais des théoriciens écoutés au plus haut niveau, dont les préceptes sont appliqués avec componction, tant au sein du « bureau de législation pénale » du ministère de la Justice que dans chacun des ministères concernés.

  • 49 Un problème urgent, l'éducation des sens, Paris, Association du mariage chrétien, 1928, 16 p. ; Ma (...)
  • 50 Fernand Boverat, « La natalité » dans Pour restaurer la famille, textes rassemblés par Jean Violle (...)

12Marguerite Lebrun, fille et épouse de médecin, mère de famille nombreuse, milite activement au sein d'associations moralistes de sensibilité catholique comme l'Union féminine civique et sociale ou l'Association du mariage chrétien de l'Abbé Viollet. À la fin des années 1920, après la publication de plusieurs ouvrages portant sur l'éducation sexuelle dans la famille et sur la vie conjugale49, elle fonde l’École des parents : le but premier est de contrer un projet d'éducation sexuelle dans les lycées. Mouvement catholique au départ, l’École des parents intègre peu à peu d'autres représentants religieux comme le pasteur Bœgner, membre du comité de patronage de l’Alliance nationale contre la dépopulation. De là à entrevoir un rapprochement entre les deux mouvements, il n'y a qu'un pas que Marguerite Lebrun franchit dans les années 1930 en demandant le rattachement de l'École des parents à l'Alliance afin qu'ensemble, ils développent un enseignement nataliste. D'autant qu'à la fin des années 1920, l'Association du mariage chrétien et l'Alliance ont uni leurs forces dans la publication d'un ouvrage consacré à la famille : Fernand Boverat et ses compagnons y présentent de manière pessimiste la situation démographique et la « décadence » de l'institution familiale50.

  • 51 France 41. La révolution nationale constructive, un bilan et un programme, Paris, Alsatia, 1941, 5 (...)
  • 52 L'auteur, conscient du fait que bon nombre de ses compatriotes ont d'autres préoccupations en 1941 (...)
  • 53 Gérard Loiseaux, La littérature de la défaite et de la collaboration, d'après Phönix oder Asche ? (...)

13La Révolution Nationale doit beaucoup à ses « intellectuels » ainsi qu'à un certain nombre d'associations lui préexistant. Comme l'École des parents, l'Alliance, reconnue d'utilité publique en 1913, est une organisation « respectable ». Leurs bulletins et revues connaissent une diffusion certes raisonnée, mais les conférences proposées par les différentes sections locales sont écoutées et leurs échos largement propagés. Après l'avènement de l'État français, la teneur des textes publiés est sensiblement identique à celle des années trente, mais leur diffusion est nettement plus large : l'article de Vérine paraît dans un recueil programmatique de la Révolution Nationale, France 41, aux côtés de textes d'intellectuels phares de l'époque51 ; quant à l'ouvrage de Fernand Boverat, il donne l'occasion à l'auteur de se voir publier dans la prestigieuse maison d'édition Hachette52. L'un et l'autre y développent une construction sociale de la féminité, axée – littérature vichyste oblige – sur la dénonciation des erreurs passées et sur le modèle désormais à suivre pour vaincre la « dégénérescence française53 ». Écrits pessimistes, volontiers édifiants, leurs auteurs ont pour ambition première « d'éduquer, d'éclairer l'opinion ». Dénonçant tour à tour la « démagogie anti-familiale et anti-sociale » de la République, ils en rendent responsables leurs anciens contradicteurs, ces « intellectuels célibataires », ou « conjoints stériles » d'un couple que l'avenir de la nation ne semble pas concerner :

  • 54 Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, op. cit., p. 46 (voir note 48).

« [...] les ménages volontairement stériles ne valent pas mieux, au point de vue social, que les couples vivant en union libre, car leurs préoccupations sont trop souvent les mêmes : jouir de l'existence sans assumer de charges gênantes, s'offrir le plus possible de distractions et de satisfactions. Ce sont les plus fidèles clients des bars élégants et des restaurants de nuit s'ils sont riches, des cafés et des cinémas s'ils le sont moins. Les célibataires impénitents ont, au point de vue social, une influence plus défavorable encore que celles des gens mariés sans enfants, car il en est de bien peu qui acceptent de vivre dans la chasteté : ou bien ils encouragent la prostitution en faisant vivre les prostituées, ou bien ils s'efforcent de détourner des femmes honnêtes de leur devoir, ce qui est plus grave encore 54  ».

  • 55 Verine, « La Famille », art. cit., p. 194 (voir note 48).
  • 56 La locution « fléaux sociaux » reprend ici le sens qu'elle portait depuis la fin du xixe siècle, e (...)
  • 57 Verine, « La Famille », art. cit., p. 195 (voir note 48).

14L'auteur dénonce au surplus la « conspiration du silence » sévissant autour de la dénatalité jusqu'à l'année 1935 qui, en même temps qu'elle voit en France le nombre des décès excéder celui des naissances, fait prendre conscience aux démographes français de la supériorité numérique allemande. Vérine reprend ces thèmes à son compte invoquant une politique des loisirs et du plaisir exigée par des hommes et des femmes « stériles et inféconds dont l'âme sclérosée par l'égoïsme, desséchée par le matérialisme, n’était plus capable de penser français, ne sachant plus penser famille55 ». L'absence d'enfants dans un couple, outre qu'il engage l'avenir de la nation, devient un signe d'amoralité sinon d'infidélité. Fernand Boverat ne se lasse pas de ressasser à quel point la présence d'enfants moralise le foyer : les parents doivent alors être travailleurs et économes. Ainsi ne sombrent-ils pas dans l'alcoolisme, la dépravation des mœurs, le proxénétisme et la pornographie – thèmes chers aux franges les plus conservatrices de l'échiquier politique. Pour palier l'influence de ces « fléaux sociaux56 », Vérine propose de réviser la notion de liberté car celle-ci « n'engendre le progrès véritable que si elle s'attache volontairement et solidement à l'ancre des disciplines traditionnelles librement choisies et ardemment aimées ». Quelques paragraphes plus loin, son propos devient nettement plus radical, se faisant volontiers censeur : « sans tomber dans le puritanisme et l’étroitesse d’esprit, ne tolérons plus ce qui est sale, ni chez nous, ni dans les kiosques, ni au cinéma, ni au gouvernement [...] renouveler complètement notre littérature moderne, notre théâtre, notre pauvre cinéma, toutes ces histoires d'adultère, d'alcôves, de crimes, qui sentent tellement le morbide, le moisi, la « coco » et dont les vraies familles françaises sont tellement fatiguées, écœurées souvent57 ».

  • 58 Aux côtés notamment d'Adolphe Landry ou de Georges Pernot.
  • 59 L'observation vaut également s'agissant du décret de prophylaxie antivénérienne (29 novembre 1939) (...)
  • 60 Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, op. cit., p. 117-140 (voir note 48).
  • 61 Martine Sevegrand, L'amour en toutes lettres. Questions à l'abbé Viollet sur la sexualité (1924-19 (...)

15En même temps que Fernand Boverat regrette la quasi-absence de législation familiale et nataliste avant le Code de la famille de 1939, il se réjouit de la promulgation de ce décret à l'écriture duquel il a largement contribué58. Ce texte préfigure en effet l'expérience de « Rénovation Nationale » d'autant que la plupart de ses auteurs sont parmi les penseurs de l'entreprise nataliste et familialiste de Vichy59. Toutefois, pour nombre d'entre eux, ceci n'est qu'un pis aller. Fernand Boverat relève, à coté de l'alcoolisme et de l'avortement, des causes de la dénatalité que le Code n'envisage pas : l'insuffisance de l'enseignement religieux, l'appauvrissement considérable des familles nombreuses dû à l'insuffisance des aides et au morcellement des héritages voulu par le Code civil et enfin, la diffusion de la méthode Ogino-Knaus60. Ce procédé contraceptif suscite en effet l'embarras auprès des natalistes car il est le premier du genre que la loi divine ne peut interdire. Il est certes des prélats prenant ouvertement position contre cette pratique tel l'Abbé Viollet61, mais il en est d'autres qui y voient le moyen de venir en aide à de pauvres familles ou encore d'éviter de fâcheux accidents à de jeunes gens en mal d'éducation sexuelle.

  • 62 Verine, « La Famille », art. cit., p. 197 (voir note 48).
  • 63 Verine, « La Famille », art. cit., p. 193 (voir note 48).
  • 64 Xavier Tallet, Les délits contre la natalité. Avortement et propagande anti-conceptionnelle (lois (...)
  • 65 « [...] la genèse de ce crime [...] tient assurément à bien des causes, mais le plus souvent l'idé (...)
  • 66 Outre Fernand Boverat, citons G. Dumolin du Fraisse, L'avortement en droit pénal depuis le Code de (...)
  • 67 Arif Tarakdji, L'avortement criminel, op. cit., p. 115 (voir note 5).

16Se situant également sur un plan spirituel, Vérine estime que Dieu devrait figurer au sein de la devise de l'État français : « Dieu, Travail, Famille, Patrie62 ». L'emprise religieuse est omniprésente, elle conditionne sa lecture des attributions familiales et féminines. L'auteur s'en prend en outre au genre masculin, agent essentiel de la « violation des principes éternels », de la « révolte contre les lois de la fécondité » : « refusant d'obéir aux disciplines salutaires et créant ainsi son enfer, [il] s'est animalisé : et, pour ne pas souffrir de sa chute, du désordre de ses instincts non-maîtrisés, du dérapage de son intelligence, il eut la sottise de s'enorgueillir jusqu'à l'absurde. Lui, le chef de famille, l'ancien « Pater-Familias », lui, le fondateur du foyer, s’arrogea le droit de nouer et de dénouer à sa guise les liens sacrés ; lui, le semeur, le créateur refusa de donner la vie ; ou il la donna avec une telle parcimonie que son égoïsme criminel ruina le pays qu’il devait servir et aimer de toute son âme63 ». Fait suffisamment rare pour être signalé, l'auteur incrimine directement la place qui est dévolue aux hommes dans la famille, dans la procréation, place qu'ils auraient eux aussi abandonnée au profit d'une oisiveté surfaite. Dès les années 1930 déjà, certains des textes envisagés recèlent bien plus de définition du masculin qu'on ne le dit. Dans quelques-uns des ouvrages consacrés à la natalité et à la politique des naissances, il est parfois question des hommes et de leur responsabilité dans la crise de la natalité. Parmi les causes des manœuvres anti-conceptionnelles, Xavier Tallet évoque par exemple l'abandon de la jeune fille courtisée et délaissée par un séducteur sans scrupule contre lequel le législateur ne prévoit rien64. Adolphe Pinard, député de Paris lors du débat sur la loi de correctionnalisation de l'avortement, enjoignait déjà les pouvoirs publics à prévenir plutôt que punir, proposant une éducation sexuelle des jeunes hommes65. La rhétorique cependant la plus courante est celle de la stigmatisation des mœurs du couple stérile66, à moins que ces discours ne soient teintés d'une pointe d'anti-féminisme, comme c'est le cas de la thèse d'Arif Tarakdji : au chapitre des causes de l'avortement criminel, l'auteur cite en tête la séduction dépeignant une jeune fille « faible, sans résistance », « maîtresse de quelqu'un parce qu'elle n'était pas suffisamment maîtresse d'elle-même », qui s'est « abandonnée sans songer aux conséquences67 ».

  • 68 Verine, « La Famille », art. cit., p. 193 (voir note 48).
  • 69 Néologisme qui semble signifier « copier, singer l'homme » ; Verine, ibid.
  • 70 Verine, ibid.
  • 71 Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, op. cit., p. 468 (voir note 48).

17Dans son texte, Marguerite Lebrun ne cherche en rien les causes de la « peine médicinale la plus cruelle68 » de l'histoire. Sous une forme péremptoire, elle développe une définition de la famille et de la femme dans laquelle est dénoncé « l'hominisme stupide69 » de nombre de ses congénères : « la femme, épouse et mère est faite pour l’homme, pour le foyer, pour l'enfant. Tant que toutes les jeunes épousées de France, ne comprendront pas, ne vivront pas cette vérité de nature, rien ne se reconstruira dans la Cité. La femme fut donnée à l'homme pour être sa compagne, son associée, son amie, sa force et sa paix, la mère et l’éducatrice de ses enfants ; et non pour être sa concurrente, sa rivale et prendre une telle place dans tous les domaines et dans toutes les facultés que le pauvre homme n'en aurait plus trouvé pour lui demain, si le fléau de la guerre, obligeant cruellement les humains à réfléchir, n’était venu remettre les cerveaux à l'endroit ». Plaignant les femmes « que l'esprit du siècle a déféminisé au point que fonder un foyer signifie retour à la niche avec une corde au cou [...] », elle se montre fidèle à une assignation naturelle des tâches, des droits et des devoirs. La définition de la femme prend corps au sein de la famille, dans un rôle biologiquement constitué et intemporel, excluant les autres formes de rôle social qui pourraient lui être dévolu « accidentellement » : « [...] la femme (la vraie) est faite pour créer dans l'ordre de la vie ; et créer dans cet ordre est une telle magnificence, un tel privilège que l'on comprend fort bien que la femme si avantageusement partagée n’ait jamais pu rien créer dans l'ordre intellectuel, scientifique et même artistique, car l'Œuvre d’art de la femme, ses chefs-d'œuvre doivent être ses enfants70 ». Suivant un processus identique, Fernand Boverat propose une définition d'un « idéal familial » qu'il oppose à un « idéal artificiel », « car c'est la nature elle-même qui a mis dans le cœur de l'homme le désir de s'attacher une compagne, dans celui de la femme l’instinct de la maternité71 ». Devoir politique, « humanitaire », la lutte contre la dénatalité et le redressement de l'institution familiale sont deux fondements incontournables de la Révolution Nationale. Depuis l'été 1940, leur expression gagne en virulence. Dans le concert de dénigrement de « l'ancien régime », la dénonciation de la dénatalité prend une forme exacerbée. Mais s'il existe bien de violentes campagnes de dénigrement des institutions républicaines avant la guerre, l'écho en est limité. Les conférences de René Benjamin ne trouvent guère de public sinon celui des sections locales de l'Action Française et des partisans du retour de l'enseignement religieux, d'associations catholiques ou natalistes.

  • 72 Voir notamment : Georges Pernot et alii, Famille et propriété, Paris, Éditions familiales de Franc (...)

18Fernand Boverat légitime par ailleurs la virulence de ses propos par la prétendue absence d'idéologie. Il s'agit sans doute là d'une habile méthode de propagande visant à dénigrer systématiquement « l'ancien modèle » de la famille – si tant est qu'il en existe un – développé par la Troisième République et désormais révolu, pour mieux en imposer un autre. Le système familial et nataliste envisagé sous Vichy apparaît toutefois dans une certaine conformité avec la volonté des parlementaires de la Troisième République : des débats aboutissant au vote des lois sur les pratiques anticonceptionnelles à ceux préparant le Code de la famille en passant par nombre de discussions autour de la nécessité du maintien du travail des femmes. La différence, qui n'est certes pas mince, réside dans les formes de son expression et des moyens assignés à sa mise en place et à sa propagande inhérents au dispositif autoritaire conçu par le maréchal Pétain. Les réglementations ultra répressives imposées par le gouvernement de Vichy témoignent sans doute davantage d'un système politique d'exclusion des non-assimilables plutôt que d'une quelconque volonté de réforme des institutions familiales, déjà amorcée à la fin de la Troisième République puis pérennisée sous la Quatrième, avec, élément essentiel, approximativement les mêmes penseurs72.

  • 73 Émile Durkheim, De la division du travail social, op. cit. ; Le Suicide : Étude de sociologie, op. (...)

19Dans la France des années noires, les femmes n'ont de place que dans la sphère privée, repliées sur le « rôle éternel » d'épouse/mère. Tout écart à cette norme se voit rapidement interprété comme le signe précurseur d'une forme de « prostitution ». Une femme qui ne souhaite ni se marier ni avoir des enfants, une femme qui en a hors mariage ou encore une femme qui est mariée mais infidèle ou stérile, est une « prostituée » dans le sens où sa déviance constitue le pire. L'existence même d'une catégorie de femmes constituée par opposition à l'idéal de la mère au foyer glorifiée par l'État répond au concept d'anomie forgé par Émile Durkheim73. Leur déviance représente une désobéissance à l'ordre établi, l'individualisme de leurs comportements ne pouvant s'intégrer dans le processus collectif de Révolution Nationale.

Notes

27 D'après Rita Thalmann, ce terme est préféré par Philippe Pétain à celui de « Révolution » (« Vichy et l'antiféminisme », dans Un siècle d'antiféminisme, sous la direction de Christine Bard, Paris, Fayard, 1999, p. 229-239).

28 Jean Ybarnegaray, Le grand soir des honnêtes gens, le 6 février 1934, Conférence du 23 janvier 1935, Paris, Éditions des Ambassadeurs, 1934, 32 p.

29 Pour la première fois depuis le début des années 1930, le nombre des décès excède celui des naissances. « [...] en ce qui concerne la famille, une donnée majeure frappait les esprits : depuis 1935, la baisse de la natalité combinée avec l'arrivée à l'âge de la reproduction des classes creuses de la guerre de 1914 entraînait un excédent des décès sur les naissances. Bien que le fait se soit déjà produit en temps de paix à sept reprises entre 1880 et 1914, les experts s'alarmaient. » (Claire Andrieu, « Démographie, Famille, Jeunesse », dans La France des années noires, sous la direction de Jean-Pierre Azema et François Bedarida, Paris, Le Seuil, 1993, p. 453). Voir également Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France ( xixe- xxe siècles), op. cit., p. 358 (voir note 11).

30 Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l'éternel féminin. Contribution à une sociologie politique de l'ordre des corps, Paris, Le Seuil, 1996 p. 16.

31 Aline Coutrot, « La politique familiale », dans Le gouvernement de Vichy 1940-1942, Paris, Armand Colin, 1972, p. 245-263 [Actes du colloque de la FNSP, 6-7 mars 1970] ; Michèle Cointet-Labrousse, « Le gouvernement de Vichy et les familles », Informations sociales, 4/5, 1980, p. 26-30 ; Miranda Pollard, The Reign of Virtue. Mobilizing Gender in Vichy France, University of Chicago Press, 1998, 304 p. ; Philippe-Jean Hesse, Jean-Pierre Le Crom (dir.), La protection sociale et le régime de Vichy, Presses Universitaires de Rennes, 2001, 378 p. ; Michèle Bordeaux, La victoire de la famille dans la France défaite. 1940-1944, Paris, Flammarion, 2002, 288 p.

32 Titre d'un discours radio-diffusé à l'occasion de la Journée des mères, le 25 mai 1941, reproduit dans La France nouvelle. Principes de la communauté. Appels et messages, Fasquelle, Paris, 1941, p. 147-149.

33 Si les archives parlementaires traduisent la genèse d'un texte réglementaire (Débats et Documents parlementaires parus au Journal Officiel), il faut à partir de juillet 1940 se plonger dans les documents des ministères concernés pour retrouver des informations sur telle ou telle loi.

34 Philippe Pétain, Appel du 20 juin 1940, dans La France nouvelle, op. cit., p. 10 (voir note 32). L'argument démographique de l'échec militaire est plus que discutable, voir Jean-Pierre Azema, De Munich à la Libération, 1938-1944, Paris, Le Seuil, 1979, p. 70.

35 Dans cette période, l'Alliance multiplie les publications alarmistes. Parmi celles-ci : La dénatalité mortelle. Comment enrayer la crise des naissances, Alliance nationale contre la dépopulation, 1936, 84 p. ; Le massacre des innocents, Paris, Alliance nationale contre la dépopulation, 1938, 64 p. ; Comment nous vaincrons la dénatalité, Paris, 1938, Alliance nationale contre la dépopulation, 154p. Voir Françoise Thebaud, « Le mouvement nataliste dans la France de l'entre-deux guerres : l'Alliance nationale pour l'accroissement de la population française », Revue d'histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 1985, p. 267-301.

36 Trois propositions de loi inaugurent successivement une nouvelle volonté politique à l'égard des mères. Dans les deux premières, il est question de « favoriser le maintien de la mère au foyer », dans le troisième, il s'agit de « favoriser le retour de la mère au foyer » ; les « libérer du travail » pour restaurer l'« esprit familial », l'« amour du foyer » (Journal Officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre : 1935, annexe no 5193, p. 777 ; 1936, annexe no 176, p. 822 ; 1937, annexe no 2356, p. 567). Cette « nécessité » d'un retour des femmes à la sphère privée s'exprime encore dans un certain nombre de thèses pour le doctorat soutenues dans les années 1930 : Mathilde Decouvelaere, Le travail industriel des femmes mariées, thèse pour le doctorat en droit, Lille, Rousseau, 1934, 423 p. ; Magdeleine Caunes, Des mesures juridiques propres à faciliter la présence de la mère au foyer ouvrier, thèse pour le doctorat en droit, Paris, A. Pedone, 1938, 212 p.

37 Voir notamment Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France, op. cit., p. 295-392 (voir note 11). On peut également émettre de sérieuses réserves quant à la fiabilité des statistiques démographiques dans les années 1930 qui, semble-t-il, ne sont que des reports majorés des dénombrements antérieurs.

38 Entre autres exemples : Henry Bordeaux, Les murs sont bons. Nos erreurs et nos espérances, Librairie Arthème Fayard, 1940, 402 p. ; Daniel Halevy, Trois épreuves 1814, 1871, 1940, Paris, Plon, 1941, 183 p. ; Gustave Thibon, Diagnostics, essai de physiologie sociale, Librairie de Médicis, 1940, 175 p.

39 Henri Pourrat, Vent de mars, Paris, Gallimard, 1941, p. 133.

40 Henry Bordeaux, Les murs sont bons. op. cit., p. 105 (voir note 38).

41 René Gillouin, « Doctrine de l'État français », La Revue Universelle, 14 juillet 1941. (Sur ce thème voir aussi Cécile Tardieu-Gotchac, Les fléaux sociaux, dans Histoire économique de la France entre les deux guerres, sous la direction d'Alfred Sauvy, vol. III, Paris, Economica, 1984, p. 394-417).

42 Cesare Lombroso, Guillaume Ferrero, La femme criminelle et la prostituée (1896), Paris, Éditions Jérome Million, 1993, 544 p.

43 Robert O. Paxton, La France de Vichy 1940-1944, Paris, Le Seuil, 1973, p. 166.

44 René Benjamin, Vérités et rêveries sur l'éducation, Paris, Plon, 1941, p. 185-187. Pour plus de précisions concernant sa dénonciation de l'école républicaine, voir Jean-Michel Barreau, « René Benjamin, intellectuel maurrassien. Contre l'école républicaine », Savoir – Éducation – Formation, no 4, octobre-décembre 1995.

45 Daniel Halevy, Trois épreuves, op. cit., p. 130-170 (voir note 38).

46 Paul Esmein, « Le Code de la famille », Gazette du Palais, 1939, 1, p. 11-16.

47 Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l'éternel féminin, op. cit., p. 82-83 (voir note 30).

48 Verine, « La Famille », dans France 41. La révolution nationale constructive, un bilan et un programme, textes rassemblés par Raymond Postal, Paris, Alsatia, 1941, p. 191-214 ; Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, Paris, Hachette, 1941, 497 p.

49 Un problème urgent, l'éducation des sens, Paris, Association du mariage chrétien, 1928, 16 p. ; Maman nous dira, Paris, Association du mariage chrétien, 1929,14 p. ; La mère initiatrice, Paris, Spes, 1929, 86 p. ; La femme et l'amour dans la société de demain, Paris, Spes, 1930, 223 p.

50 Fernand Boverat, « La natalité » dans Pour restaurer la famille, textes rassemblés par Jean Viollet, Paris, Éditions de la SAPE, 1927, 88 p.

51 France 41. La révolution nationale constructive, un bilan et un programme, Paris, Alsatia, 1941, 544 p. (textes rassemblés par Raymond Postal).

52 L'auteur, conscient du fait que bon nombre de ses compatriotes ont d'autres préoccupations en 1941 que la natalité, s'efforce, dès la préface, de faire la démonstration de sa prise en compte de la situation politique : « il est sans doute audacieux d'écrire à l'heure actuelle un livre préconisant le relèvement de la natalité alors que la population française soufre de privations de toutes sortes et que l'avenir est chargé de tant d'incertitude ; mais il est des tâches que l'on ne peut remettre au lendemain, et la lutte contre la dénatalité est au premier rang de celles-là ».

53 Gérard Loiseaux, La littérature de la défaite et de la collaboration, d'après Phönix oder Asche ? (Phénix ou cendres ?) de Bernhard Payr, Paris, Fayard, 1995, 639 p.

54 Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, op. cit., p. 46 (voir note 48).

55 Verine, « La Famille », art. cit., p. 194 (voir note 48).

56 La locution « fléaux sociaux » reprend ici le sens qu'elle portait depuis la fin du xixe siècle, et dans les années 1930, soit l'alcoolisme, la tuberculose et les maladies vénériennes, la prostitution et l'avortement. Cécile Tardieu-Gotchac les définit tel un phénomène qui entraîne de graves dommages pour la population, reconnus et dénoncés, qui tient à la façon dont les hommes vivent et en particulier au régime socio-politique ; dans « Les fléaux sociaux », art. cit., p. 394-417 (voir note 41).

57 Verine, « La Famille », art. cit., p. 195 (voir note 48).

58 Aux côtés notamment d'Adolphe Landry ou de Georges Pernot.

59 L'observation vaut également s'agissant du décret de prophylaxie antivénérienne (29 novembre 1939) ou même encore des discussions préexistant la pénalisation des relations homosexuelles ; voir infra.

60 Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, op. cit., p. 117-140 (voir note 48).

61 Martine Sevegrand, L'amour en toutes lettres. Questions à l'abbé Viollet sur la sexualité (1924-1943), Paris, Albin Michel, 1996, p. 227-248.

62 Verine, « La Famille », art. cit., p. 197 (voir note 48).

63 Verine, « La Famille », art. cit., p. 193 (voir note 48).

64 Xavier Tallet, Les délits contre la natalité. Avortement et propagande anti-conceptionnelle (lois des 30 juillet 1920 et 27 mars 1923), Thèse pour le doctorat en droit, Avignon, Imprimerie Barthélémy, 1938, p. 29 et suiv.

65 « [...] la genèse de ce crime [...] tient assurément à bien des causes, mais le plus souvent l'idée du crime vient à l'esprit d'une malheureuse femme qui a eu un complice, premier coupable, l'homme ». Journal Officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre, 4 juillet 1922, p. 2262.

66 Outre Fernand Boverat, citons G. Dumolin du Fraisse, L'avortement en droit pénal depuis le Code de la famille, Thèse pour le doctorat d'État en sciences juridiques, Strasbourg, 1944, 215 p. et Jean Roy, L’avortement, fléau national, Thèse de doctorat en sciences politiques et économiques, Université de Poitiers, 1943, 390 p.

67 Arif Tarakdji, L'avortement criminel, op. cit., p. 115 (voir note 5).

68 Verine, « La Famille », art. cit., p. 193 (voir note 48).

69 Néologisme qui semble signifier « copier, singer l'homme » ; Verine, ibid.

70 Verine, ibid.

71 Fernand Boverat, La résurrection par la natalité, op. cit., p. 468 (voir note 48).

72 Voir notamment : Georges Pernot et alii, Famille et propriété, Paris, Éditions familiales de France, 1945,40 p. et « Un vieil ennemi de la famille : les lois depuis 1789 », dans La société familiale, Paris, AMC, Éditions familiales de France, 1946,48 p. ; Fernand Boverat, Le vieillissement de la population, Paris, Éditions sociales françaises, 1946,163 p. ; Paul Haury, René Lugand, Enseignement démographique et familial. Géographie : les Problèmes de population, manuel de classe de seconde et classes préparatoires aux grandes écoles, Paris, Alliance nationale contre la dépopulation, 1946, 80 p. ; Gaston Fedou, L'avortement, de sa répression et de sa prévention dans le Code de la famille et des lois postérieures, Villeurbanne, 1946, 202 p. ; Union nationale des Caisses d'allocation familiale, L'avortement et les moyens anti-conceptionnels, Paris, Sefi, 1947,96 p. ; Les Droits des familles, Paris, Alliance nationale contre la dépopulation, 1947, 72 p. ; Trois journées pour l'étude du vieillissement scientifique de la population, Paris, organisées par l'Alliance nationale contre la dépopulation, collaboration de l'INED, de l'INSEE et de l'Institut National d'Hygiène, avril 1948, Compte-rendu complet, textes des 50 rapports, conférences, discussions en 5 fascicules.

73 Émile Durkheim, De la division du travail social, op. cit. ; Le Suicide : Étude de sociologie, op. cit. (Voir note 16).

© Presses universitaires du Midi, 2005

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