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Les chemins du savoir en Quercy et Rouergue

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Guy Astoul

Deuxième partie. Volonté de s'instruire et désir de savoir au xviiie siècle

Chapitre I. Vouloir s’instruire

L’instruction des enfants, une aspiration sociale clamée avec insistance au xviiie siècle

Texte intégral

1Dès la fin du xviie siècle, les discours sur l’école changent, de nouvelles aspirations s’expriment et donnent à l’instruction de nouvelles finalités. Les écoles sont de plus en plus nombreuses, surtout dans les communautés rurales, ce qui favorise nettement les progrès de l’alphabétisation. Pourtant, l’école devient alors un enjeu social majeur qui reflète les oppositions et les tensions existant entre le peuple et les élites, surtout dès qu’il s’agit de prolonger les études des enfants.

I. Nouvelles attentes de l’instruction et nouveaux discours sur l’école

2Dès la fin du xviie siècle, apprendre à lire, à écrire et à compter apparaît de moins en moins réservé à une élite surtout dans les villes. Dans les communautés rurales, les délibérations consulaires tout comme les livres de raison des notables témoignent des progrès de l’instruction, mais aussi de l’éclosion de nouveaux besoins. Sans doute la politique royale en faveur de l’éducation religieuse des nouveaux convertis, a-t-elle favorisé la fondation de régences où les maîtres d’école sont obligatoirement rémunérés par les communautés. À côté de ces écoles apparaissent dans les petites paroisses, des vicaires-régents. Cette fonction liée à la pléthore de prêtres et à la suprématie de l’Église correspond certainement aux nouveaux besoins d’instruction de plus en plus fréquemment exprimés par les paroissiens.

A. Apprendre à lire et à écrire : un besoin, une exigence

  • 1 adtg, reg. délib., 3 E 909.

3Au début du xviiie siècle, l’école reste marquée par les objectifs tracés par le Concile de Trente et par les directives de l’Église catholique. La présence d’un maître d’école est avant tout destinée à assurer l’éducation religieuse des enfants et à permettre, selon l’objectif que s’était fixé l’Église catholique, la reconquête des âmes. Cette idée est d’ailleurs clairement avancée dans une délibération du 15 juillet 1716, à Reyniès1. Cette année-là, la tâche du régent est décrite avec précision :

« Pour l’éducation des enfants des habitants de la communauté aux uns pour leur agrandir la prière et cathéchisme suivant la volonté du père et mère des dits enfants et aux autres la lecture et escriture et comter… »

4De fait, à travers les objectifs assignés au régent, on peut déjà remarquer la coexistence de deux conceptions de l’instruction des enfants.

  • 2 Comme elle l’a bien montré dans : « Petites écoles en Languedoc au xviiie siècle », Annales, ESC, (...)

5L’une de ces conceptions reste très attachée à la volonté de reconquête religieuse, affirmée à la fin du xviie siècle. Par volonté politique, les petites écoles se sont surtout établies dans les régions à forte implantation protestante et notamment dans le Bas Languedoc. « Pour la royauté et le clergé, écrit Mireille Laget, l’école est avant tout un moyen de contraindre les consciences, une façon de modeler les esprits »2. Cependant dans ces paroisses, les exigences royales s’assouplissent dans les années 1740. L’obligation d’une école jusque-là supportée comme une contrainte n’est plus de mise. Une nouvelle attitude à l’égard de l’instruction est perceptible.

  • 3 Voir l’étude de Marie-Madeleine Compère, « Ecole et alphabétisation en Languedoc aux xviie et xvii (...)

6Dès les années 1740, et il s’agit-là d’une date charnière en Haute-Guyenne comme en Languedoc ou en Provence3, l’Église se montre moins préoccupée par la reconquête religieuse, l’administration fait preuve de plus de souplesse et les parents témoignent d’une réelle volonté d’instruire leurs enfants. Au moment où les autorités administratives desserrent leur étreinte, notamment dans les pays protestants, le besoin d’instruction populaire s’affirme avec de plus en plus d’insistance, lors des délibérations des communautés. Le discours sur l’école insiste beaucoup moins sur l’éducation religieuse tandis qu’il propose un enseignement plus utile à tous ceux qui ont besoin de savoir lire, écrire et compter.

  • 4 Arch. mun. de Montech, reg. délib., BB 4, le 9 juillet 1737.

7Les délibérations consulaires traduisent ce souci de plus en plus souvent manifesté par les parents de faire instruire leurs enfants et de les envoyer à l’école, car, disent les consuls de Montech, en 1737, « c’est par l’escriture que l’on voit dans ce royaume de brillantes fortunes »4. À Saint-Antonin, le 29 décembre 1754, la défense d’un maître-écrivain, Chauveau, conduit aux mêmes considérations, car il s’agit de

  • 5 Arch. mun. de Saint-Antonin, reg. délib., BB 20, fol. 171.

« jeter les yeux sur un nombre considérable de jeunes gens quy croupiraient dans une profonde ignorance de l’écriture et de l’arithmétique si le d. sr Chauveau ne leur avoit communiqué ces tallens quy les mettent aujourd’hui en état de faire une fortune brillante »5.

8Certes, selon ces deux témoignages concordants, l’enseignement doit être encouragé pour des raisons pratiques qui intéressent en premier lieu les notables.

9Cela rejoint une préoccupation clairement exprimée, dans le récit laissé par un jeune protestant de Saint-Antonin, exilé à Genève après la révocation de l’édit de Nantes. Lorsque Pierre Vieusseux-Léger, le fils d’un marchand de draps, évoque son enfance et son instruction, c’est pour la lier à un travail :

  • 6 Cité par Robert Latouche, Saint-Antonin. Pages d’histoire, Montauban, 1913, p. 66. Il mentionne «  (...)

« j’avois beaucoup d’inclination d’apprendre à lire, escrire et à cognoistre la Religion… Je fis assez de progrès dans l’escripture et l’arithmétique, de manière qu’à l’âge de 10 ans que mon père fust élu consul, lui et ses collègues me firent vérifier les registres de la taille…6 »

10Ainsi, le premier titre de gloire dont rend compte ce fils de marchand, c’est de montrer ses capacités de calcul et d’écriture en les mettant au service de son père.

  • 7 Arch. mun., Villemur, reg. délib. (1732-1750), D 7.
  • 8 Arch. mun., Caussade, reg. délib. (1743-1753).
  • 9 François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire, op. cit.

11Cette évolution a son revers pour les régents : ils sont soumis à un contrôle plus rigoureux de la part des parents qui manifestent de plus en plus leurs exigences lorsqu’ils s’expriment dans les assemblées communautaires. C’est à l’occasion des conflits ou à travers le choix des régent que peuvent se révéler les attitudes des consuls et celles des parents qui n’hésitent pas intervenir, parfois avec véhémence, au cours des délibérations. Le 24 novembre 1732, à Villemur, trois régents se trouvent en compétition. Les consuls décident de les convoquer « pour comparer leur écriture » ; en définitive, c’est le sieur Lapeire qui a été choisi car son écriture a été jugée « mieux faitte… à la charge pour le d. Lapeire outre l’écriture et arithmétique, d’enseigner les enfans à lire un livre françois »7. Le 22 mai 1747, à Caussade, l’assemblée des habitants est consultée pour la désignation d’un régent originaire de Castelnau-Montratier. L’assemblée est d’accord et désigne deux notables de la ville, le syndic de la communauté et un bourgeois, « pour examiner le sieur Castels sur l’écriture et l’arimetique et que sur le raport que les d. sieurs nommés en fairont à l’assemblée le d. sieur Castels servira de régent »8. D’autres exemples illustrent à leur manière, l’émergence d’un besoin d’instruction de la part de couches de plus en plus larges de la population. Cette forte demande sociale d’enseignement que François Furet et Jacques Ozouf ont perçu à travers de nombreuses études sur toute la France se trouve confirmée en Haute-Guyenne, au milieu du xviiie siècle9.

  • 10 Guy Astoul, « Ecole et régents à Reyniès au xviiie siècle », paru dans bsatg , tome CXVI, 1991, pp (...)
  • 11 adtg, reg. délib. 3 E 914, en 1747 et en 1763. Sicard est désigné, par la délibération consulaire (...)

12Les registres de délibérations consulaires de deux communautés, celles de Reyniès et d’Albias, où existait un consistoire protestant contiennent un grand nombre d’allusions à la régence des écoles et illustrent l’avènement d’un nouveau langage sur l’école. À Reyniès10, une délibération consulaire juge une école nécessaire « pour ne pas laisser la jeunesse dans l’ignorance ». Mais, à plusieurs reprises, des reproches sont faits au maître d’école, Sicard, soit « à cause de plusieurs et longues absences », soit parce que tel régent se montre « trop doux et trop famillier avec ses ecolliers »11. Alors que pendant plus de quatre ans, il n’est pas question de la régence dans le registre consulaire, sinon pour fixer, chaque année dans les charges de la communauté, les 100 livres de gages du régent, une crise éclate en 1763. Elle est relatée avec force détails dans plusieurs délibérations, en mai, et, surtout en juin. Dès le premier mai, la critique est sévère :

  • 12 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), fol. 122, le 1er mai 1763.

« Auxquels a esté representé par le sr Cogoreux premier consul qu’il a reçu nombre de plaintes de presque tous les habitants de ce lieu et nottament des parens qui envoyent leurs enfans à l’école publique du d. lieu, sur le peu de fruit que font leurs enfans qui vont aux d. écolles… depuis plus de quatre ans que le d. Sicard les fait, ce qui ne peut provenir que de deux choses l’une, ou du peu de soin et attention qu’il y porte, ou qu’il n’est pas doué des qualités propres à l’enseignement de la lecture et écriture qu’il est vray aussy que lorsque quelqu’un a voulu faire des représentations à ce sujet au d Sicard, il a répondu : “Bon je me moque de cella, j’en faits pour cent francs”… C’est pourquoy l’assemblée a délibéré conclu et arrêté d’une commune voix qu’elle remercie le d. sr Sicard de ses services pour faire les fonctions de Régent des écolles de ce lieu. »12

  • 13 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), délibération reproduite en Annexe no 6.

13Ce renvoi serait resté banal si David Sicard s’était plié aux injonctions de la communauté. Le poids des parents aurait été décisif s’il n’avait décidé de se rebiffer en s’appuyant sur le soutien du curé Mesplé et de l’évêque de Montauban. La délibération du 21 juin 176313, analyse dans le détail tous les faits et gestes de Sicard et toutes les réactions qu’ils ont suscités. Les critiques à l’égard de ce régent sont de trois ordres. On lui reproche son manque d’autorité, nous l’avons vu ; on lui reproche sa désinvolture et son manque d’assiduité au travail ; on lui reproche surtout de s’intéresser davantage à ses affaires qu’à sa tâche de régent. Car le principal grief est sans doute là. Sicard, comme la plupart des régents non ecclésiastiques, est obligé d’exercer un autre métier, compte tenu de la médiocre rémunération qu’il reçoit de la communauté.

14À la délégation consulaire qui s’est rendue à l’évêché pour demander le remplacement du régent, le vicaire général oppose la nécessité d’avoir l’autorisation de l’évêque, avant toute décision de renvoi prise par la communauté. Par la délibération du 21 juin, le conseil politique de Reyniès réplique en s’appuyant sur une tradition établie au temps de Mgr de Verthamon que la nomination d’un régent devait se faire « au gré de la communauté » et non « contre la volonté des habitants ». Ils reprennent l’idée affirmée déjà le 30 mai que « les vicaires généraux ne peuvent avoir d’autre droit que celluy de l’approbation ». En dépit de l’intervention de l’intendant et de multiples péripéties, il semble bien que les autorités tant politiques que religieuses aient dû capituler face à la détermination des Reyniésiens et le régent Sicard est bel et bien renvoyé.

15Il faut insister sur le fait que cette détermination est d’abord l’affaire des parents. Ce sont eux qui ont sans cesse affirmé leurs exigences face à un régent qu’ils accusaient surtout de négligence. Leur volonté de pourvoir à l’instruction de leurs enfants ne peut faire de doute. Une phrase de la délibération du 21 juin est tout à fait significative à cet égard :

  • 14 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), fol. 124 v°.

« Gommant se persuader que les habitants puissent avoir la moindre confiance pour envoyer leurs enfans à la classe du d Sicard, ils en sont d’ailleurs assez rebutés par le peu de fruit qu’ils y ont fait comme il a été cy devant observé puisque plusieurs les ont fait quitter la classe depuis plus de deux ans, pour les envoyer ceux qui ont peu faire la dépense à Montauban, les autres chez monsieur le vicaire de Moulis, les autres chez des particuliers du d Reyniès qu’ils payent et que les autres ont abandonné toute classe. »14

  • 15 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), fol. 122. Il est question « des plaintes de presque tous les habit (...)
  • 16 Dominique Blanc, « Les saisonniers de l’écriture. Régents de villages en Languedoc au xviiie siècl (...)
  • 17 Mireille Laget, « Les petites écoles en Languedoc », dans les Annales ESC, op. cit.

16Cette citation confirme une fois de plus, l’indéniable demande sociale d’instruction qui s’est développée au milieu du xviiie siècle. Il en confirme aussi les réalités. La régence des écoles est un moyen parmi d’autres de faire instruire les enfants. D’autres réseaux existent et, à côté de ce qu’on commence à appeler « l’école publique »15, les parents ont la possibilité d’envoyer leur rejeton dans une autre école. Ils peuvent encore les mettre en pension chez des particuliers ou bien chez un vicaire ou un curé qui donnent un enseignement moyennant finances. La difficulté pour les historiens est de trouver trace de ces réseaux marginaux auxquels, faute de documents, il n’est pas possible de donner toute leur place dans l’histoire de l’éducation. Comme l’a bien montré Dominique Blanc16 pour le diocèse de Narbonne, ce qu’il appelle le recrutement des « saisonniers de l’écriture » se fait avec une grande improvisation au moment où commence une « saison d’école ». Il arrive alors que les communautés recrutent des maîtres d’école itinérants mais ces maîtres peuvent aussi bien être embauchés par des familles désireuses de faire instruire leurs enfants indépendamment de l’école du village. Il n’est donc pas étonnant de constater que « cette volonté commune des habitants qui fait naître une école »17 se retrouve à Moulis, une communauté de 35 familles, située dans la paroisse de Reyniès où le conseil politique, a inclus pendant trois ans, de 1760 à 1762,100 livres pour les gages d’un maître d’école dans ses charges consulaires. Cette volonté se retrouve encore, comme nous aurons l’occasion de le constater à la veille de la Révolution, dans de nombreuses paroisses du sud du Rouergue, souvent encore plus déshéritées.

  • 18 adtg, registre de délib. cons., 3 E 3340.

17Les préoccupations des parents mais aussi leurs divergences apparaissent au cours des délibérations consulaires de la communauté d’Albias. Aussi, grâce aux débats qui ont lieu dans les assemblées politiques, est-il possible de comprendre les intérêts divergents des notables de la communauté et la manière tout à fait anarchique dont fonctionne l’école. La délibération du 18 mai 1760, reprend la requête faite par un régent laïque dénommé Duranton, auprès de l’intendant de Montauban afin de réclamer un salaire qui ne lui a pas été versé18.

« …Sur quoy a esté délibéré à la pluralité des quarante deux voix contre dix :

  • 19 Il s’agit des Frères de Ecoles chrétiennes, installés à Montauban, à partir de 1743.

1. Que la dépense de cent cinquante livres que la comté employe pour l’honnoraire du maître d’escole est très inutile dans cet endroit, tant par rapport au peu de progrès qu’elle a fait jusques icy, à la petitesse du lieu et au peu des sujets qu’il y a, que par rapport à la proximité de Montauban où les frères qu’on y a établis19 enseignent au parfait gratuitement…

2. L’on reconnoît que le dit Sr Duranton ne scauroit estre en estat de faire les fonctions de maître d’école puisqu’il n’a pas lui-mesme de principe pour l’escriture ny l’arimétique ce qu’on ne scauroit contester puisqu’on offre de le prouver par sa propre escriture on l’a si bien reconneu qu’il n’a que trois ou quatre escoliers dont les pères ont bien voulu avoir la complaisance de les y confier pour le favoriser à la perception de ses honoraires, les autres escoliers allant apprendre à escrire et compter du précepteur que le sieur Garrigues des Bicous, dans la présente communauté, a esté obligé d’avoir. »

18En réalité, ce texte reflète parfaitement la façon dont l’instruction était organisée et pouvait être perçue, dans les campagnes, sous l’Ancien Régime.

19Il pose, en premier lieu, le problème du contrôle que les parents entendent exercer sur le régent, en commun avec les consuls d’une communauté. Dès qu’il était mal vu, un régent devenait forcément inutile et de nombreuses délibérations consulaires reprennent cet argument avant d’embaucher un autre régent dans les mois qui suivent ! C’est ce qui se passe à Albias où un autre régent se trouve embauché en 1764 avant qu’il soit reconnu quelques mois après comme « homme de bien et d’honneur et il est unanimement délibéré que le sieur Dethos est agréé pour enseigner dans le présent lieu à lire, escrire et compter ». Comme à Reyniès, le meilleur baromètre de la côte d’un régent demeure la fréquentation de sa classe par les enfants du village. Et dans la deux cas, la chute du nombre d’élèves est le meilleur révélateur des compétences reconnues au régent par la vox populi.

  • 20 Dominique Julia dans sa contribution parue dans : Illettrismes sous la dir. de Béatrice Fraenkel, (...)
  • 21 Michel Claeyssen, « L’enseignement de la lecture au xviiie siècle », dans Donald N. Baker et Patri (...)

20La délibération du 18 mai aborde ensuite le problème du contenu de l’enseignement. Selon une formule maintes fois répétée, un régent doit apprendre aux enfants à lire, écrire et compter. Il s’agit-là des bases jugées indispensables à tous les enfants. Mais au détour d’une phrase ces exigences se réduisent à l’apprentissage de la lecture et à celui du calcul. « Le petit nombre de sujets qu’il y a dans la présente communauté n’ayant besoin que d’aprendre à lire, premièrement, et compter… », et ils reprochent au Sr Duranton d’être même incapable d’assurer cet enseignement-là. Réduire l’instruction à une initiation élémentaire à la lecture et au calcul se trouve rarement évoqué. Il est avéré cependant que, sous l’Ancien Régime, la lecture était d’une pratique plus courante que l’écriture20. Pour une question de commodité, sans doute, il était plus utile de savoir lire et compter. Mais il s’agit aussi d’un problème lié aux méthodes d’enseignement. L’apprentissage de l’écriture se faisait longtemps après celui de la lecture21 et il était particulièrement fastidieux. Il y a là on s’en doute une explication au faible niveau de l’alphabétisation sous l’Ancien Régime.

21Une délibération du 18 janvier 1747, à Reyniès, aborde directement le problème de la capacité à lire et à écrire d’un consul qui se montre tout de même capable de signer.

« Sur quoy a été dit en présance de toute l’assemblée par dit sieur Pierre Cogoreux premier consul que ne sachant lire l’écriture de main ne sachant que signer il luy auroit été présanté par M. le curé un certifficat… il l’auroit signé et attendu… par le dire du sieur Cogoreux, syndic, que le certifficat pour etre contraire à la vérité, il déclare à toute l’assemblée qu’il le désavoue. »

  • 22 adtg, délib. cons., 3 E 914 (5), fol. 28.

22Prise à la lettre, cette mise au point suffirait à démontrer que Pierre Cogoreux est seulement capable de signer. Pourtant, il accompagne toujours sa signature, écrite selon la prononciation occitane, du mot « consul » ou ailleurs du mot « idem ». Ses limites en écriture apparaissent bien, en 1757, quand il se montre incapable d’ajouter, à côté de sa signature, le mot « acceptant » comme l’ont fait tous ses collègues22. Cogoreux n’est pas capable de rédiger, mais sa maîtrise de la plume est suffisante pour lui permettre d’écrire quelques mots avec un entraînement pour ce faire. Par ailleurs, en affirmant qu’il ne sait pas « lire l’écriture de main », Cogoreux semble indiquer a contrario qu’il est en mesure de lire l’écriture imprimée dont tout le monde convient qu’elle était beaucoup plus facile à déchiffrer. Cogoreux se trouve donc à un premier niveau d’alphabétisation qui lui permet de lire, de signer et de copier quelques mots. On sent d’ailleurs poindre un regret dans ses allégations : celui de n’être pas capable de lire et d’écrire plus couramment. Au demeurant Cogoreux fait partie des consuls qui ont contribué, dans les années 1740, au développement de l’instruction à Reyniès et sa mésaventure a peut-être contribué à encourager des familles reyniésiennes à pousser leurs enfants à s’instruire.

23Les exemples de Reyniès et d’Albias sont révélateurs de l’engouement pour l’école, surtout au cours de la période de 1730 à 1770. L’inconvénient, c’est que les débats très animés dont nous avons eu un aperçu dans ces deux villages pendant les assemblées communautaires se retrouvent rarement ailleurs en raison de l’absence des archives. Toujours est-il que la volonté de développer l’instruction des enfants se trouve bel et bien stimulée dans les communautés rurales et qu’elle pousse à revendiquer dans les bourgades, comme dans les villes, la prolongation des études.

B. Prolonger les études : une requête maintes fois répétée

24Lorsque des notables souhaitent que leurs enfants fassent des études afin de réussir dans la vie, à leurs yeux, le minimum d’études requis est celui du collège. Ainsi, le xviiie siècle a été marqué, d’abord, par la multiplication des régences latines dans les bourgades et surtout par les demandes souvent réitérées d’ouverture de nouveaux collèges de plein exercice, ceux qui permettent d’assurer le cursus complet d’études secondaires jusqu’à la rhétorique.

25Les notables de la ville de Figeac, si l’on en croit les délibérations consulaires, sont les plus assidus à suivre les agissements du collège qui est aussi séminaire jusqu’en 1734. Depuis que la communauté paye 800 livres par an pour les quatre régents « chargés d’enseigner les humanités jusques à la philosophie », ils revendiquent, en particulier, un contrôle direct sur le choix des régents ce qui les oppose, en 1724, au Supérieur de l’institution et donne lieu, le 8 novembre, à une longue délibération consulaire dont voici un court extrait :

« Un grand nombre d’habitants s’étant plaints du peu d’attention qu’ont Messieurs du Séminaire de choisir de bons régents pour l’instruction de la jeunesse, les sieurs consuls auraient cru qu’il était de leur devoir de faire avertir, à l’ouverture des écoles, M. Sourdes qui se trouve Supérieur du dit Séminaire… pour être procédé à leur examen par des personnes versées dans les humanités, et qu’ils puissent juger de leur capacité, suivant l’usage établi… »

26Le sieur Sourdes aurait répondu :

  • 23 Lucien Cavalié, Figeac. Monographie, op. cit., pp. 168-169.

« Que ce n’était point aux sieurs consuls à entrer dans cet examen ; et que le roy leur ayant confié le soin du collège, c’était à eux à répondre de la capacité des régents qu’ils choisissaient pour vaquer aux dites écoles… »23

27En dépit du recours à l’arbitrage de l’évêque de Cahors, l’affaire en est probablement restée-là, mais il est clair qu’à travers la volonté de choisir les régents, les parents dont les consuls se font les porte-parole, souhaitent exercer un contrôle rigoureux sur l’instruction de leurs enfants. Ils se montrent avant tout soucieux d’avoir des régents compétents, et comme l’indique la suite de la délibération, ils craignent un mauvais recrutement en invoquant « l’incapacité de plusieurs sujets qui ont été employés… par le passé ».

28Une nouvelle intervention des parents se produit, en 1759, au moment de la suppression de la classe de septième. Une délibération consulaire rend compte des préoccupations des parents les plus modestes :

  • 24 Ibidem, pp. 170-171.

« Avons encore dit à l’Assemblée que plusieurs particuliers et habitants de tout état, soit bourgeois, marchands, artisans, laboureurs et travailleurs se plaignent que, sans le consentement de la communauté, Messieurs du Séminaire de la présente ville, ont trouvé à propos de supprimer une classe appelé Septième, et qui se faisait uniquement pour commencer les enfans de la dite classe à aller en Sixième ; ils n’ont aucune ressource pour donner l’éducation qu’ils souhaiteroient à leurs enfans ; la plupart n’étant point en état d’avoir chez eux un précepteur, moins encore l’artisan et le laboureur qui sont obligés, par force, de voir, avec beaucoup de peine, leurs enfans privés d’éducation et exposés aux vices de la fainéantise ; que, cependant, Messieurs du collège sont toujours payés sur le même pied qu’auparavant, aux dépens de la communauté, et demandent instamment le rétablissement de la dite classe de septième, comme très avantageuse à tout le public. »24

29Ce texte met en exergue un problème qui semble se poser avec plus d’acuité dans la deuxième moitié du xviiie siècle : la difficulté pour les enfants de famille modeste à pouvoir accéder au collège en raison du renchérissement des études et de la nécessité d’avoir recours à des précepteurs pour atteindre le niveau d’instruction exigé.

  • 25 Voir Annexe no 8.

30C’est au cours des années 1770 que les habitants de Figeac conscients de l’insuffisance de leur collège, s’inquiètent de plus en plus du déclin de leur établissement et se plaignent de la modicité des gages destinés à l’entretien des régents. Le 25 janvier 1773, un discours du maire de Figeac devant l’assemblée des habitants est intégralement reproduit à la suite d’une délibération consulaire25. Il s’agit d’une harangue très intéressante car elle illustre les arguments d’un esprit éclairé en faveur de l’instruction des enfants ! En voici un court extrait :

« L’éducation de la jeunesse, le soin de la former au gout de beaux-arts à l’étude des sciences a été regardé de tous les tems comme un des devoirs le plus essentiel et un objet de plus intéressant des magistrats municipaux… De là ces escholes publiques qu’on voit se former chaque jour dans toutes les villes bien policées, où des maîtres habiles honnorés de la distinction que donnent les talens aprenent à leurs jeunes élèves à cultiver les arts… ».

31L’enseignement ainsi paré de toutes les vertus, se trouve décrit comme le meilleur instrument de la promotion sociale. Le plus frappant dans ce discours, c’est le rôle important qui est dévolu aux autorités urbaines dans le développement de l’instruction, mais aussi l’affirmation de la nécessité de s’instruire pour être utile à la société et à l’État.

  • 26 Arch. mun. de Figeac, BB 22.

« On ne doit être surpris des soins particuliers que les officiers municipaux se donnent pour l’instruction de la jeunesse du moment que le magistrat commance la glorieuse carrière de ses pénibles fonctions, il devient comptable à l’État des jeunes citoyens qui sont confiés à son zèle ; la patrie en fait dès lors entre ses mains un dépot sacré et il contracte un engagement solennel, il promet de le lui rendre à la fin de leur course bien capable de se défendre contre ses ennemis ; l’autre de l’instruire et de l’éclairer par ses talens… »26

32Comme à Figeac, le 2 février 1788, un long discours du maire de Saint-Antonin, Perret, est prononcé devant l’assemblée des habitants pour vanter les mérites de l’instruction des enfants :

  • 27 Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 26.

« L’éducation de la jeunesse est l’objet le plus intéressant pour la sociétté : 1° pour eux-mêmes, parce que l’éducation doit les rendre tels qu’ils soient utiles à cette sociétté, afin qu’ils en obtiennent l’estime et qu’ils y trouvent leur bien-être ; 2° pour leurs familles, qu’ils doivent soutenir et décorer ; 3° pour l’État même, qui doit recueillir les fruits de la bonne éducation que reçoivent les citoyens qui les composent, parce que la bonne éducation fait les bonnes mœurs, et les bonnes mœurs font le bonheur et la suretté d’un État. Cette partie est totallement négligé dans cette ville tant pour les garçons que pour les filles parce que la communautté n’a que de faibles moyens de remédier à ces abus avec les secours du gouvernement. »27

  • 28 adl, C 1272.

33Toujours, en 1788, les habitants de Souillac adressent, une supplique au roi afin de demander l’établissement d’un collège dans leur ville28. Ils lui écrivent :

« Vos sujets du haut Quercy ne peuvent, sire, entretenir dans les écoles lointaines une jeunesse qui forme l’espérance des parents et peut devenir utile à l’État. »

34Une fois encore, comme à Figeac ou à Saint-Antonin, c’est l’utilité à l’État qui est avancée comme argument prioritaire en vue d’encourager l’éducation des enfants dans de meilleurs collèges. Ces discours s’inspirent tous de l’esprit des Lumières et attestent de la pénétration des idées nouvelles dans des provinces méridionales. Ils attestent avant tout du désir partagé par ds populations toujours plus nombreuses de s’élever dans la hiérarchie sociale grâce à l’instruction.

C. Être instruit, un gage d’ascension sociale

35Destinés, dès leur naissance, à tenir leur rang dans la société, les enfants de bonne famille doivent recevoir une éducation qui leur garantisse un bon niveau d’instruction, qu’elle soit donnée à l’intérieur des familles ou assurée dans des institutions.

  • 29 adtg, reg. notaire Pierre I Malfre, 5.E.9503, fol. 486 v°.

« Tenir et metre le d. Pierre Fauré pupille, à Montauban, ou ailleurs, à l’effet de lui donner une éducation conforme à son état »29.

36Telle est la préoccupation exprimée dans un acte du notaire de Reyniès, à l’occasion d’un conseil de famille, organisé pour décider de l’avenir des enfants d’un bourgeois décédé, entre les proches parents et le tuteur de ce pupille. C’est probablement aussi le premier souci de Jean Thouron, ce marchand salpêtrier protestant de Saint-Antonin, lorsqu’il établit un bail chez le notaire, le 10 octobre 1667, pour placer son fils Alexandre chez le « régent d’escolles », David Gardes, pendant un an et moyennant 60 livres.

  • 30 adtg, notaire Philippy, 5 E 6307. Dans le même contrat, un autre élève Jacques Rogier « promet icy (...)

« Icelluy Gardes nourrira et entretiendra icelluy Alexandre Thouron dans sa maison, le tiendra lict blanc et net et l’enseignera loyallement en lad. lecture, escripture et arimétique de son pouvoir »30.

  • 31 ada, notaire Alibert de Vailhourles, 3 E 8945, le testament du 27 juin 1784,10e cahier, acte no 10 (...)

37La même préoccupation de faire instruire les enfants se retrouve dans le testament de la veuve d’un avocat de Vailhourles, Victoire de La Tailhède, « voulant la dite demoiselle que le produit de ses biens soit employé à l’éducation de ses enfants ». Un codicille ajouté quelques semaines après, apparaît plus explicite encore, puisqu’il précise son vœu qu’« après son décès, le sr Ambroise Latailhède son fils soit envoyé au collège au cas il n’y soit déjea »31. La nécessité de donner une instruction est jugée primordiale, à tel point que pour les familles les plus aisées, l’éducation donnée aux jeunes enfants est très souvent confiée à des précepteurs.

38Il s’agit là d’une ancienne coutume dont on trouve de multiples traces aux xviie et xviiie siècles, au temps où cette charge se trouve d’ordinaire exercée par un homme de confiance qui vit dans la maison familiale et fait partie de la domesticité. Les témoignages abondent, en particulier pour les familles qui confient l’instruction de leurs enfants à des ecclésiastiques qu’ils soient clercs tonsurés ou jeunes acolytes. À Cahors, c’est le cas du sieur Ranck dont on dit que :

  • 32 Arch. dio. Cahors, documents Albe, 6-21.

« S’estant un peu instruit des humanités, il fut longtemps praecepteur dans la maison du sieur de Calicet, professeur en médecine pour élever un de ses enfans. »32

  • 33 M. Vialadieu, Monographie sur Vabre-Tizac, p. 22.
  • 34 ada, vis. past., G 116.

39Un autre clerc-tonsuré, l’abbé Pouget, est chargé d’élever les enfants de maître Reilhan, avocat habitant du lieu de Rieupresens, près de Vabre-Tizac, dans le Rouergue occidental33. Il est courant que des gentils-hommes ruraux ou des familles de notables fassent appel au vicaire de la paroisse pour élever leurs enfants comme c’est le cas du sieur de Rillac qui prend pour précepteur le desservant de Talespues, l’annexe de la paroisse de Limayrac34 située à une quinzaine de kilomètres, à l’ouest de Rodez L’épiscopat a tenté de limiter ces fonctions de précepteurs trop souvent exercées par des prêtres. Dans les Statuts et règlements du diocèse de Cahors, l’évêque Henri-Guillaume Le Jay stipule :

  • 35 Statuts adoptés lors du synode du 3 mai 1685 et publiés par Bonnet, imprimeur à Cahors, en 1686.

« Deffendons à tous les prêtres et ecclésiastiques de notre diocèse de demeurer à l’avenir dans les maisons particulières des laïques pour y exercer l’office et charge de précepteur ou autre sans notre permission expresse donnée par écrit. »35

40En dépit de ces restrictions épiscopales, de nombreux exemples de précepteurs ecclésiastiques se retrouvent dans les sources.

  • 36 L’école à Montech et dans les paroisses voisines, monographie citée ci-dessus.

41Cela se comprend d’autant mieux que cette fonction est nettement plus rémunératrice, du moins à la fin du xviiie siècle, que celle de régent dans les communautés. À Montech, en 1772, le vicaire Audibert est précepteur des enfants de madame Chambert ce qui l’empêche d’exercer son rôle de régent latiniste de la communauté. Son choix est manifestement guidé par les 300 livres de gages qu’il touche pour ce travail, soit le double des gages communautaires. À Escatalens, près de Montech, la famille Domingon donne, en 1783, 360 livres d’honoraires au précepteur de leurs enfants36. Tout se passe alors comme si une telle charge permet d’obtenir des gages plus gratifiants que ceux des communautés.

  • 37 adtg, 2 E 334, Papiers de la famille Daliès.

42Diverses sortes de préceptorat tendent, d’ailleurs, à se développer, au xviiie siècle. Mémoires, livres de raison ou livres de comptes familiaux évoquent l’embauche de précepteurs. Le « livre des gages versés aux domestiques » tenu par le sieur Daliès, le président de la Cour des Aides de Montauban, permet d’en retrouver plusieurs exemples. Il mentionne, en 1711, le versement de 100 livres à Mr Tonellé dont il écrit qu’il a eu « soin de l’éducation de mon fils ». En 1712, il embauche un précepteur originaire de Rome nommé Collarosi, pour une rémunération de 75 livres ; enfin, en 1716, c’est le tour de Lacoste pour un montant sans doute supérieur37. Tous les précepteurs de cette éminente personnalité montalbanaise sont des laïques, comme l’est celui du fils de Michel Delon, un bourgeois protestant de cette ville. Le dénommé Caseaux est ainsi entretenu pendant quatre ans et le riche Delon lui remet 80 livres le jour de son départ, le 4 septembre 1755.

  • 38 Christiane Constant-Le Stum, Journal d’un bourgeois de Bégoux : Michel Célarié (1771-1836), Paris, (...)

43Les livres de raison témoignent, de plus en plus fréquemment, d’un préceptorat familial où le père de famille apprend à lire et à écrire à ses enfants. Par exemple, un notable d’un village proche de Cahors, Michel Célarié, décrit les apprentissages de la lecture tels qu’il les applique pour apprendre à lire à son fils38.

« L’an 1790, le 20 février, Jacques Célarié ettant aagé de six ans onse mois et seise jours, j’ay commancé à lui montrer et aprendre les letres de l’alphabet. Le 6ème juin 1790, led. Jaque ayant fini de combter et appeler les letres de l’alphabet, j’ay commencé à le faire lire sur led. alphabet. Le 30 juillet 1790, ayant passé en lisant tout l’alphabet le sachant parfaitement lire sur les heures, moitié français et moytié latin, et led. Jour comenssa à lire le françois. »

44On découvre ici que cet enfant apprend à lire, à l’âge de 7 ans, et que la méthode consiste à l’initier au déchiffrement de l’alphabet, selon une technique traditionnellement pratiquée. L’on retrouve évidemment dans cet exemple de préceptorat, le rôle du paterfamilias qui apprend à lire à son fils aîné.

45Alors qu’au xviie siècle le précepteur se limite à apporter une éducation initiale préparant les enfants à entrer au collège, il peut par la suite délivrer un enseignement plus spécialisé. Dans l’Histoire abrégée de ma vie, Jean-François Marmiesse raconte son parcours scolaire particulièrement chaotique, ainsi que celui de ses cinq frères.

« Quand mes quatre premiers frères furent en état de recevoir de l’instruction, mon père changea son domicile à Cahors, y acheta une maison… Mon père prit chez lui des instituteurs… »

  • 39 Jean-François Marmiesse, Histoire abrégée de ma vie, 2 vol., Paris, 1828. C’est au début de son li (...)

46Comme beaucoup d’enfants de notables, ils apprennent, par conséquent, à lire et à écrire avec des précepteurs. De son côté, le jeune Jean-François se rend chez un maître d’école de son village natal, à Espère, près de Cahors. Un peu plus tard, il fait son apprentissage du latin avec un de ses frères, puis il entre chez un nommé Laveirne pour y suivre le niveau de la classe de quatrième. Après une année d’interruption de ses études, il les reprend chez un maître de pension appelé Oulier, « grand instituteur et répétiteur des philosophes ». Il entre ensuite au collège royal et, enfin, il entreprend des études de théologie au séminaire39.

  • 40 Philippe Aries, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, 1960, réédition 1973. Du (...)
  • 41 Marcel Grandière, « L’éducation en France à la fin du xviiie siècle : quelques aspects d’un nouvea (...)
  • 42 Antoine Gautier-Sauzin, Coup d’œil sur l’éducation, ouvrage également utile aux pères et aux mères (...)

47L’éducation des enfants apparaît, dans les livres de raison, comme une préoccupation constante des pères de famille, prioritairement, cela va de soi, celle des garçons, mais aussi celle des jeunes filles dont il était convenu qu’elles aient un niveau d’instruction qui leur permette de « tenir leur rang ». D’autres facteurs ont favorisé l’essor du préceptorat et de l’enseignement à domicile. Au cours des décennies prérévolutionnaires, une nouvelle attitude familiale à l’égard des enfants voit le jour et la critique de l’instruction en collège prend de plus en plus d’ampleur40. Le repliement des familles sur elles-mêmes, ce que les démographes ont constaté avec l’extension de la famille nucléaire, touche aussi l’instruction des enfants avec la vague du préceptorat et de l’ouverture des pensions41. Ces formes nouvelles de pédagogie se multiplient et selon une réfutation maintes fois répétée, l’idée de regrouper les enfants dans de grands établissements est jugée néfaste et ne peut que les dissuader de travailler et de s’intéresser à leurs études. L’éducation suppose une attention à l’individu qui ne peut exister dans une classe. Capter l’intérêt de l’enfant, c’est d’abord partir de ses besoins et tenir compte de ses capacités personnelles. Cette conception individualiste de l’éducation apparaît dans des œuvres imprégnées de ce nouvel état d’esprit, comme en témoignent les réflexions pédagogiques d’un notable protestant montalbanais. Gautier-Sauzin. Dans son ouvrage, Coup d’œil sur l’éducation, paru en 1799, ce pédagogue tente de persuader les pères et les mères de se charger eux-mêmes de l’éducation de leurs enfants, jusqu’à l’âge de quinze ou seize ans, afin de les « prémunir contre les attraits du vice »42. Imbu des idées de Rousseau dans l’importance qu’il accorde à un enseignement proche de la nature, il reproche à la pédagogie rousseauiste d’aborder, trop tardivement, l’instruction religieuse des enfants. « Jean-Jacques, écrit-il, n’est jamais pressé de parler à Émile de l’existence de Dieu. ».

  • 43 Mémoires de la jeunesse de Guillaume-Marie Ayral, Manuscrit déposé à la B.M de Toulouse, consulté (...)

48Cette conception d’une éducation personnalisée se retrouve dans les Mémoires43 de Guillaume-Marie Ayral, le fils aîné d’un seigneur anobli de fraîche date qui décrit le parcours anarchique de ses études et le contenu de l’enseignement qu’il a reçu au cours de son enfance. Dès l’âge de trois ans, écrit-il, on l’envoie à l’école « pour apprendre les premiers éléments de la lecture. ». Ses premiers apprentissages quoiqu’ils semblent d’une étonnante précocité n’ont pas donné lieu à plus de détails. Guillaume-Marie Ayral se montre plus prolixe sur ses souvenirs postérieurs au temps où son père s’établit à Toulouse où, dit-il :

  • 44 Ibidem, p. 16 et pp. 31-32.

« Dans le désir de m’y faire donner une éducation brillante il me mit à demi-pension chez un bon maître de latin qui se faisait payer fort cher. Je revenais tous les soirs à la maison car sa tendresse ne lui permettait pas de se priver entièrement de ma vue. Il ne se borna pas à me faire apprendre le latin, j’eus des maîtres d’écriture, de dessin d’escrime, de danse et de musique. Je n’avais que sept ans il eut fallu être un protée pour tout apprendre… Je ne prenais leçon que quand il me plaisait, et toute ma science, se réduisait, après quatre mois, à lire sans faute, écrire passablement, chanter la gamme… danser un menuet et réciter quelques verbes latins par routine. »44

49Par la suite, Guillaume d’Ayral se retrouve dans une pension d’Auch ou vivent ses grands-parents et chez lesquels ses parents se sont installés pour qu’il puisse rester proche d’eux. Il apprend alors le latin avec un maître « qui enseignait les écoliers avec beaucoup de douceur, il uzait beaucoup plus des armes de la raison que de celles de la sévérité. Je sus quatre mois après faire d’assez bonnes versions et de mauvais thèmes, traduire couramment le catéchisme historique et déchiffrer quelques vers ou quelques lignes dans les auteurs latins ». À l’âge de dix ans, la famille revient à Sérignac et continue-t-il :

« Mon père qui véritablement se proposait de devenir mon précepteur me fit traduire des livres français et latins… et finit après deux mois de me donner des leçons, en me conseillant de me borner à la lecture, à l’écriture et au calcul. Je ne pouvais pas être traité mieux selon mes goûts des trois choses qu’il m’avait prescrit d’apprendre, je ne négligeai que l’arithmétique que je savais d ailleurs, assez bien. L’écriture était ma passion dominante et lorsque j’allais à mon parterre, je prenais ordinairement un livre pour occuper mon esprit lorsque j’étais las d’admirer mes fleurs aussi je variais mes plaisirs, je m’instruisais même car la lecture que je fis de l’histoire ancienne de l’histoire romaine de celle de France, d’Asie et d’Amérique me fit un peu connaître quels étaient les mœurs des hommes qui couvrent la surface du globe et comment le conduisirent nos prédécesseurs. »

50Cette éducation familiale très libérale reste sommaire, aussi quelques mois après, il paraît nécessaire de recourir à un précepteur pour reprendre des études plus classiques :

  • 45 Ibidem, pp. 63-64, 69-70 et 91-93.

« je ne sais par quelle aventure, il prit fantaisies à mon père, de me remettre à l’étude du latin qu’il m’avait fait suspendre lui-même parce qu’il le jugeait inutile à mon éducation. Mais vers la fin 1780, il me prévint qu’il fallait me résoudre à continuer cette instruction déjà trois fois interrompue et qu’il allait, à cet effet, me procurer un précepteur… Celui que l’on nous présenta, pouvait avoir 25 ans, il était médiocrement instruit pour le latin et n’avait pas sur d’autres sujets des Lumières bien transcendantes mais il avait des mœurs… et beaucoup de zèle, c’était assez pour qu’on me confiât à lui. »45

51Ces citations tirées du manuscrit où Guillaume-Marie Ayral raconte ses souvenirs d’enfance, illustrent clairement l’instruction désordonnée qu’a reçue, un jeune noble, à la veille de la Révolution. Ce récit révèle une conception individualiste, de l’éducation où le père entend respecter les goûts de l’enfant et lui accorder une grande liberté dans ses apprentissages. Selon une conviction maintes fois répétée, cette nouvelle pédagogie résolument optimiste et proche de la nature ne peut avoir cours dans les collèges, mais elle se pratique de plus en plus couramment dans les pensions où le maître se montre proche de l’enfant, comme peut l’être un précepteur. Au titre des innovations dans la formation reçue par le jeune Guillaume, la lecture et la rédaction occupent une grande place tandis que le latin se trouve visiblement relégué au rang de langue morte dont la réputation demeure purement utilitaire. L’intérêt pour les sciences n’apparaît pas dans cette première instruction. Mais il se trouve mentionné plus tard, au cours de son adolescence, et témoigne de la large diffusion des idées nouvelles en matière de pédagogie comme dans la nouvelle vision du monde telle que nous l’évoquerons plus loin. L’instruction de Guillaume-Marie Ayral est exclusivement littéraire. Parfaitement rédigé quelques années après ses études, à l’âge de vingt-quatre ans, son manuscrit met en évidence son excellente maîtrise de la langue française comme peut l’être celle de la plupart des notables, à la veille de la Révolution.

  • 46 La promotion sociale peut être étudiée selon la méthode de la reconstitution des familles telle qu (...)

52Lorsqu’on analyse l’évolution du statut social qui caractérise les familles, sur le long terme, il semble possible d’opposer les lignées dont le statut s’améliore, à celles qui déclinent inexorablement. Dans tous les cas de figure de l’ascension sociale, deux facteurs jouent un rôle déterminant : l’alphabétisation et la francisation qui vont souvent de pair. Appliquer la méthode de la reconstitution des familles46 afin de discerner les changements de statuts sociaux a été envisagé dans des communautés rurales. Cette méthode mise en pratique, à Cayriech ou à Reyniès, s’est révélée bien décevante, tant est grande l’inertie sociale sous l’Ancien Régime, dans les campagnes de Haute-Guyenne. Les registres paroissiaux, comme les minutiers des notaires, mentionnent un statut social quasiment immuable, au cours des siècles, pour la plupart des familles. Les seuls, en définitive, dont la situation évolue sont les paroissiens qui quittent la communauté et dont plus aucune trace ne se retrouve dans les registres locaux. Quant au statut des brassiers ou des travailleurs, il arrive qu’il reste vague et qu’ils puissent être parfois qualifiés de laboureurs. De fait, pour un certain nombre d’entre eux, cela reflète une ascension sociale qui correspond à un bon mariage. À cet égard, les dots attribués à des filles de laboureurs qui se marient à un brassier favorisent ce changement. Fait le plus remarquable, ces brassiers ou travailleurs qui font de bons mariages se montrent capables de signer et donc d’écrire, si bien que progressivement leur statut change dans les registres et leur présence au sein des instances communautaires est de plus en plus régulièrement constatée.

53La promotion sociale a été analysée pour des familles de Faycelles, près de Figeac. Yvon Delbos a procédé à une répartition entre 7 catégories sociales, en constatant évidemment que la plupart des familles se trouvent stabilisées à des niveaux qui ne varient pas sur le long terme. Son analyse des mouvements d’ascension sociale et de déclin repose sur des exemples qui méritent d’être relevés. Quelques familles déchoient de leur rang social comme ce lignage noble, les Dayrou, qui décline au rang de laboureur. Mais il décrit surtout quelques trajectoires familiales permettant d’illustrer la promotion sociale de certaines maisons de la communauté. Le schéma classique qu’il présente, est celui du brassier devenant laboureur, marchand ou praticien puis accédant à de modestes offices, la voie la plus sûre pour s’enrichir et parvenir, enfin, à la bourgeoisie, c’est-à-dire au rang de ceux qui vivent de leurs rentes. La famille des Jausions caractérise, à ses yeux, ce cheminement qui les fait passer du statut de métayers au xve siècle, au rang des bourgeois grâce à l’accès au notariat. La famille Delbos est au début du xviie siècle composée de laboureurs ; dés 1685, Bertrand est marchand à Figeac et son cousin Guillaume l’est à Faycelles, où il épouse une fille d’un bourgeois. Ils choisissent pour leurs filles des époux dans les familles les plus fortunées de la contrée. C’est d’ailleurs les situations de marchands ou de notaires qui semblent, pour les notables, les professions les plus convoitées et les plus accessibles, lorsqu’ils aspirent à se hisser dans la hiérarchie sociale.

  • 47 Patrick Ferté, « La population étudiante du Rouergue au xviiie siècle », dans Les uni versités eur (...)

54Patrick Ferté cite lui aussi un cas caractéristique de l’ascension d’une famille rouergate. Petit-fils d’un maître-cordonnier devenu marchand au xviie siècle, Jean Bancarel accède à la charge de procureur au sénéchal, en 1716, puis, à celle procureur de l’évêque, quelques années après. Deux de ses fils vont à l’université, l’un en droit à Cahors, l’autre en théologie à Toulouse. L’aîné obtient la charge de procureur au sénéchal, est nommé consul de Rodez et devient seigneur d’Hyars et de La Grezes. Ainsi « anoblis », ses enfants partent faire des études à Paris, suivant en cela le parcours des gens distingués47. Guillaume-Marie Ayral évoque une ascension comparable pour sa famille en ces termes.

  • 48 Mémoires de la jeunesse de Guillaume-Marie Ayral, manuscrit déjà cité, p. 2.

« Mon bisaïeul Ayral était rouergat et cadet de famille… Réussissant à bâtir une honnête fortune par le commerce des toiles, il se maria, eut plusieurs fils, l’aîné fut son idole et selon l’usage de ce temps-là, où l’avilissement des roturiers leur donnait le désir d’anoblir leur race, il acquit une charge pour cet enfant chéri et lui en fit présent ainsi que d’une épouse fort riche. Il aurait cru s avilir s il avait continué commerce ; il acheta dans Saint-Nicolas des biens considérables et vécut bourgeoisement en faisant travailler ses biens. »48

  • 49 ada, 3 E 8945.

55D’autres exemples de promotions familiales ont été retrouvés au hasard de nos recherches. Ainsi, Jean-François Gerla, notaire de Villebrumier, illustre l’ascension d’une famille qui accède au notariat, au xviiie siècle, alors que ses ancêtres exercent, au siècle précédent, la profession de charpentier. Son fils Pierre Gerla, poursuit cette ascension en devenant député au Conseil des Cinq-Cents, sous le Directoire. Il acquiert alors une solide fortune qu lui permet d’acquérir un château dans son village natal. Enfin, à Vailhourles, chez le notaire Alibert, le 2 janvier 1784, le contrat de mariage passé entre Jean Castel de Saint-Grat et Antoinette Canhac illustre la promotion sociale d’un fils de laboureur, devenu praticien. Il épouse une fille de notables d’une famille déjà bien assise puisque son beau-père est praticien, à Labastide-l’Évêque, et que son beau-frère dessert la cure de Saint-Grat49.

  • 50 adtg, notaire de Bioule, Lacombe, 5 E 7236, fol. 443-444.
  • 51 René Toujas, « L’apprentissage à Castelsarrasin durant les dernières années du règne de Louis XIV (...)

56D’autres voies de promotion sociale existent, grâce à des formations qui permettent aux jeunes garçons de familles de notables, d’accéder à des professions bien considérées. Les contrats d’apprentissage passés avec des maîtres de métiers, même si ces formations disparaissent progressivement au cours du xviiie siècle, favorisent leur marche en avant. Jean Bories, maître-chirurgien de Villemur s’engage, le 29 mars 1685, à « aprandre le métier de chirurgien à Jean Théron, fils à feu Guillaume Théron et représenté par son frère Pierre Théron, vicaire à Saint-Cirguet », pendant deux ans, moyennant le versement de 120 livres que s’engage à verser le sieur vicaire50. De nombreux contrats passés auprès des chirurgiens de Castelsarrasin ont aussi été étudiés par René Toujas dans l’un de ses travaux sur l’apprentissage dans cette ville, entre 1686 et 1715. La majeure partie des 46 stagiaires ainsi formés appartiennent à des familles de marchands, d’hommes de loi ou de bourgeois et leur initiation doit durer deux ans pour un montant qui varie entre 90 et 120 livres. Beaucoup moins nombreux, se trouvent aussi mentionnés les contrats passés avec des apothicaires ou des marchands mais il est bien évident que la majorité des contrats relevés par René Toujas consiste à préparer les enfants à des métiers d’artisans dont le rang social est nettement plus médiocre51.

  • 52 adtg, notaire Massol de Saint-Projet, 5 E 18257, contrat du 26 décembre 1781, fol. 493 à 496.

57L’accès au sacerdoce signifie pour beaucoup de familles de notables locaux une voie de l’ascension sociale sous l’Ancien Régime, particulièrement dans le Rouergue. Certes, la majorité des étudiants en théologie qui se destinent à devenir ecclésiastiques appartiennent à des familles de rang social honorable. Une des règles fixées par l’Église contribue, de fait, à réserver l’accès de la cléricature à des familles aisées, grâce au système des titres cléricaux, ces revenus que les parents doivent s’engager à assurer aux séminaristes choisissant la voie du sacerdoce. Ces titres se trouvent souvent enregistrés par contrat dans les minutiers des notaires où une douzaine ont été retrouvés. Une dizaine ont été payés par des notables de rang social élevé, tels que des avocats, des juges ou des procureurs, des bourgeois ou des marchands. Seulement deux concernent des notables locaux plus modestes. Jean Lafage, menuisier habitant de Parisot entend « seconder les bonnes intentions de son fils Jean, acolyte au séminaire de Rodez » et lui permettre de parvenir au sacerdoce, puisqu’il est « de toute nécessité de lui attribuer un titre clérical suffisant », il s’engage à lui verser une somme de 90 livres à titre de pension annuelle et lui fait don d’une maison et d’une vigne52. Jean Roumiguières laboureur de la paroisse de Saint-André dans la juridiction de Saint-Porquier, souhaite

  • 53 adtg, notaire Bonnet d’Escatalens 5 E 9155, contrat du 28 février 1772, fol. 709 à 711.

« concourir au pieux dessain qu’a jean Roumiguières, acolite, son fils actuellement au séminaire du dit Montauban, qui désire de se pourvoir aux ordres sacrés et que pour pouvoir vivre honestement dans se saint état, il est nécessaire qu il soit pourvu d’un titre clérical et sacerdotal »53.

58Il lui accorde une pension de 100 livres à prendre sur les revenus d’une pièce de terre.

  • 54 adl, J 248, Lettre imprimée de l’évêque Louis-Marie de Nicolaï, datée du 3 décembre 1783. Il reche (...)

59Dans la deuxième moitié du xviiie siècle, pour favoriser l’accès de la cléricature à des jeunes gens de familles peu fortunées ou incapables de payer le titre clérical exigé, un nouvel établissement a été créé à Cahors où « des enfans nés sans fortune, mais d’heureuses dispositions » puissent faire des études qui leur permettent d’accéder au sacerdoce et de faire face à « la rareté des prêtres » dans le diocèse54. Ce nouveau séminaire offre ainsi une possibilité d’ascension sociale à des familles modestes qui profitent évidemment de cette opportunité et le nombre de vocations s’accroît alors nettement dans le diocèse de Cahors.

60La voie de la cléricature est fréquemment choisie dans le Rouergue. Évoquant dans sa lettre à Grégoire, les innombrables ordinations dans le diocèse de Rodez, François Chabot exprime des critiques acerbes :

« Les paysans les plus cossus se ruinaient quelquefois à apprendre le latin à leurs enfants, afin d’en faire des prêtres. Aussi n’y a-t-il pas un département où il y en a un si grand nombre. C’était le curé ou le vicaire qui, pour gagner quarante sols ou un petit écu par mois, sans lequel ils auraient été à l’étroit, inspiraient aux pères d’acheter un rudiment à leur fils. Ils les envoyaient dans deux ans en cinquième, et le père ne s’apercevait qu’à la fin de son imprudente crédulité […]. »

  • 55 Augustin Gazier, Lettres à Grégoire sur les patois de France, 1790-1794, Paris, 1880. Lettre de Ch (...)
  • 56 Patrick Ferté, « La population étudiante du Rouergue au xviiie siècle », op. cit. Dans cette longu (...)
  • 57 Avec la procuration de ses parents, il assiste sa sœur Antoinette Canhac lors de son contrat de ma (...)
  • 58 adtg, reg. bms (1766-1789), 6 E 123/2. Turq est curé à partir de 1765.

61Il prétend un peu plus loin que seuls « les artisans qui ont la fureur d’avoir un prêtre de leur famille… envoient leurs enfants au séminaire »55. Toutes ces remarques de François Chabot soulignent l’engouement, même pour des familles relativement modestes, qui conduit, encore à la fin du xviiie siècle, un grand nombre de jeunes rouergats à fréquenter les séminaires et à se destiner au sacerdoce. Tenant compte de ces motivations, on comprend mieux ce qui permet au diocèse de Rodez de demeurer un inépuisable réservoir de prêtres pour le Bassin aquitain comme pour le Languedoc, même si comme le constate Patrick Ferté, le nombre des étudiants en théologie d’origine rouergate s’est fortement réduit au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle, autant à Rodez qu’à Toulouse, probablement en raison de ce qu’il appelle « la saturation des débouchés »56. Quoi qu’il en soit, il est probable que l’attrait des revenus ecclésiastiques entrent pour une bonne part dans les vocations religieuses de ces clercs dont on peut retrouver de véritables dynasties d’oncles à neveux, dans de nombreuses paroisses. Ainsi, à Saint-Grat, François Canhac est vicaire avant de succéder à son oncle et de devenir curé de la paroisse57. À Meauzac, une paroisse où le revenu assuré au desservant dépasse 4 000 livres, Jean-Dominique Turq, originaire de Valady, en Rouergue fait appel à un de ses neveux, Joseph Turq, pour devenir vicaire à ses côtés, en 178658.

  • 59 Patrick Ferté, « La géographie statistique du recrutement des anciennes universités. un révélateur (...)

62Une autre voie attire particulièrement les jeunes garçons de bonne famille : celle des études juridiques et à un degré moindre celles de la médecine. Les travaux de Patrick Ferté apportent un maximum de précisions afin d’analyser le recrutement des étudiants dans les universités toulousaines, grâce aux matricules où se trouvent enregistrés tous les étudiants inscrits. Ces registres démontrent combien le nombre de ceux qui sont originaires du Rouergue s’est accru tout au long du xviiie siècle. Les moyennes annuelles des inscriptions qu il a calculées donnent : 10,4 étudiants inscrits entre 1679 et 1690,11,1 de 1699 à 1707, 8 entre 1710 et 1735, 14,2 de 1737 à 1787 soit une croissance moyenne de 77,5 %, entre le début et la fin du xviiie siècle59. En ce qui concerne le diocèse de Cahors, la situation est plus complexe à étudier puisque cette ville a sa propre Université jusqu’en 1751. Patrick Ferté compare le nombre des étudiants en droit, natifs du Quercy, avant et après cette date. Il constate de façon indéniable, la chute des effectifs des Quercinois qui s’inscrivent à la Faculté de droit de Toulouse, après la suppression de l’Université cadurcienne. Entre 1741 et 1751, une moyenne annuelle de 31 nouveaux étudiants quercinois se rendent à l’université de Cahors, tandis qu’entre 1751 et 1760, cette moyenne se réduit à 12, sur les matricules toulousaines. La crainte exprimée par les notables du Quercy, lors de la suppression de « leur » université, de voir les familles sans fortune incapables d’envoyer leurs enfants à Toulouse, apparaît, ainsi, justifiée. Il faut cependant remarquer que les effectifs des nouveaux inscrits natifs de cette province sont par la suite beaucoup plus nombreux : entre 1761 et 1770, ils sont 127 et, au cours de la décennie suivante, ils passent à 160, soit une moyenne annuelle de 16. Cela constitue alors un chiffre supérieur à celui des jeunes originaires du diocèse de Rodez qui s’inscrivent à Toulouse.

  • 60 J. F. Henri de Richeprey, Journal des voyages, op. cit., t. I, pp. 295 et 325.

63Cet engouement pour les études juridiques répond à un besoin croissant en juristes nécessaires pour faire face à la multiplication des procès dénoncée par J.F. Henri de Richeprey. Passant à Lédergues, il reproche aux habitants de passer leur temps « à boire et à plaider » ! À Villelongue, il souhaite « qu’ils fussent moins plaideurs » et qu’ils perdent moins de temps à la chicane60 ! Ces hommes de justice particulièrement nombreux et disséminés en Haute-Guyenne constituent un groupe social instruit et acquis aux idées nouvelles dont l’influence a été déterminante auprès des notables locaux dont ils constituent souvent l’avant-garde éclairée, au temps de la Révolution.

  • 61 Jean-Marc Moriceau, Les fermiers de l’Ile-de-France. Ascension d’un groupe social ( xve-xviiie siè (...)
  • 62 Lucile Bourrachot et Jean-Pierre Poussou, « Les départs des passagers quercinois pour les Antilles (...)
  • 63 Firmin Galabert, Louis Boscus, La ville de Caussade, ses vicomtes et ses barons, op. cit. Ils évoq (...)

64Toutes ces promotions qui concernent de plus en plus de familles rurales, notamment celles des laboureurs ou des maîtres artisans, ont vraisemblablement favorisé un « décollage social » du groupe des notables locaux identique à celle qu’évoque Jean-Marc Moriceau pour les fermiers de l’Ile-de-France, entre le xve et le xviiie siècle61. Les garçons fréquentent les collèges tandis que les filles vont chez les Ursulines, chez les Mirepoises ou dans d’autres pensions. Ceux qui réussissent le mieux dans leurs études entreprennent des études de théologie ou de droit, ils accèdent ainsi à des fonctions ecclésiastiques, aux offices ou encore à la basoche ou au notariat. Quelques-uns attirés par l’évasion entreprennent des études dans des universités prestigieuses ou bien n’hésitent pas à se placer chez un prélat réputé ou dans une grande famille au titre de précepteur. D’autres, enfin, leurs études en collège terminées, s’engagent dans les affaires commerciales, développent le négoce avec Bordeaux ou avec d’autres régions et bien des Quercinois ont même fait fortune dans le commerce « avec les Isles »62 ou avec les autres colonies d’Amérique du Nord, la Louisiane et le Québec63.

65Ainsi, la présentation de sa famille que donne Jean-François Marmiesse est une bonne illustration d’une promotion qui se traduit à la fois par un bon niveau d’études, et par un certain attrait de l’aventure qui conduit ses frères à quitter le pays. Son grand-père était forgeron, encore au début du xviiie siècle, mais son père après avoir reçu l’instruction élémentaire à l’école de Calamane refuse de prendre la succession paternelle. Il part pour Bordeaux où il exerce le métier de commis chez un marchand épicier. Revenu à Espère lors de la mort subite de son père, il hérite et fait un bon mariage avec la fille d’un bourgeois de Mercués ce qui lui permet de vivre « bourgeoisement ». Les frères de Jean-François Marmiesse font d’excellentes études puisque le fils aîné devient avocat à Bordeaux, le deuxième est curé à Moissac, un autre s’en va dans une communauté religieuse loin de Cahors sans laisser d’adresse, un quatrième part à l’aventure et devient maître de latin, à Madrid, en Espagne et il occupe par la suite diverses places de précepteur à Pau, à Bordeaux puis dans l’île d’Oléron, avant de se rendre à Saint-Domingue pour se lancer dans les affaires. Enfin Jean-François Marmiesse lui-même devient prêtre.

  • 64 Il s’agit de petites paroisses, mais comme l’observe justement Patrick Ferté, il n’est pas rare qu (...)
  • 65 adtg, notaire Frontgous de Durfort, 5 E 5917, fol. 2251-2254, le montant de la dot s’élève à 12 00 (...)

66Toutes les voies de la réussite sociale se trouvent ainsi évoquées, mais atteignent à un niveau encore supérieur, lors d’un contrat de mariage conclu à Lauzerte, le 26 décembre 1776. Ce mariage intéresse deux familles fortunées de notaires, Tune de Lauzerte et l’autre de Durfort qui portent le même nom, les Frontgous, et qui sont probablement apparentées. Le futur marié, Antoine Augustin Frontgous, dit « l’Amériquain » exerce la profession de chirurgien de l’amirauté de Jacmel à l’île de Saint-Domingue, il est assisté de deux de ses frères qui sont prêtres dans des paroisse du diocèse de Cahors64, et de sa sœur, l’épouse d’un bourgeois. Il se marie avec Geneviève Frontgous la fille du notaire de Lauzerte qui est assistée de son frère Laurens Frontgous, docteur en médecine de la Faculté de Montpellier, médecin ordinaire du roi. Certes, à la différence de la famille Marmiesse où la réussite sociale n’est pas garantie pour les 5 frères, les trajectoires des Frontgous se traduisent par l’accession à des professions qui nécessitent de longues études comme le droit, la théologie et la médecine dont certaines confèrent des distinctions prestigieuses ; et ce contrat nous fait découvrir deux familles bourgeoises qui se sont hissées au rang des élites urbaines65.

67À l’opposé des désirs d’élévation sociale de ces élites, la nécessité d’instruire les enfants est régulièrement présentée comme une priorité nécessaire pour le bien de tous. C’est certainement cette idée qui a pré valu pour encourager la multiplication des écoles dans les communautés rurales, comme dans les villes et bourgades.

II. L’école au village : une réalité fluctuante

  • 66 Voir le règlement de l’évêque de Montauban vers 1740, Annexe no 3.
  • 67 Ibid., art. 9.

68L’instruction des enfants a été vivement encouragée au xviie siècle et a donné lieu non seulement à la multiplication des collèges et autres institutions enseignantes dans les villes mais aussi au développement de l’instruction à dominante religieuse dans les campagnes. Comme nous l’avons vu, lorsqu’une école existe, les desservants des paroisses sont chargés de surveiller les maîtres que choisissent les communautés avec l’approbation de l’évêque66. On leur confie surtout la charge d’enseigner le catéchisme67, tout particulièrement aux nouveaux convertis. Car, comme le leur impose, en 1724, la déclaration de Louis XV, les curés doivent se montrer encore plus intransigeants lorsqu’il s’agit de sanctionner le non respect des obligations royales. En réalité, cette sévérité est très mal supportée et ne contribue pas à améliorer l’instruction des enfants d’autant plus que les sanctions prises par les intendants à l’encontre des récalcitrants aussi bien qu’à l’égard des communautés refusant d’embaucher des maîtres d’écoles n’y changent pas grand chose. Ainsi, en dépit de ses injonctions, la monarchie absolue se montre incapable de faire respecter l’école obligatoire par l’administration royale si bien que constatant leur impuissance, les intendants se lassent de leur action inopérante et finissent par fermer les yeux devant l’obstination des huguenots.

A. L’omniprésence du clergé pour assurer l’éducation des enfants

69La contribution des clercs à l’instruction des enfants est essentielle sous l’Ancien Régime. Ce rôle s’est trouvé vivement encouragé, au xviie siècle, tant à l’initiative de l’Église qu’à celle de la monarchie.

70Le clergé rural s’adapte à la demande sociale d’instruction qu’il est possible de constater, en Haute-Guyenne comme ailleurs, à travers de nombreux témoignages qu’il s’agisse des délibérations consulaires ou des comptes rendus des visites pastorales. Cette adaptation fut facilitée grâce au meilleur niveau de formation des clercs dans les séminaires ou dans les noviciats, si bien qu’un grand nombre de diacres ou d’acolytes se trouvent disponibles pour faire l’école. Devenus vicaires, il est fréquent qu’on fasse appel à eux pour exercer les fonctions de régent, soit de manière permanente soit lorsque le poste se trouve vacant.

  • 68 adtg, rdc de Reyniès, 3 E 914.
  • 69 adtg, Reg.bms, 6 E 194/1.
  • 70 adtg, Reg. bms 6 E 118/1.
  • 71 Cette monographie manuscrite sur Puylaroque m’a été aimablement communiquée par un instituteur ori (...)

71Il arrive que les desservants précisent dans les registres paroissiaux, à côté de leur signature, « curé-régent » ou « vicaire-régent », mais cette mention n’est pas toujours indiquée, même pour des curés ou des vicaires dont on sait par ailleurs qu’ils ont exercé la fonction de maître d’école, comme Castan, à Reyniès, entre 1711 et 171968. De fait, la plupart des vicaires-régents apparaissent rarement comme desservants à l’occasion des baptêmes, des mariages ou des sépultures dont les actes dans les registres paroissiaux ne sont signés que par le curé. C’est seulement après le décès de celui-ci que figurent parfois quelques actes signés par le vicaire-régent. À Villebrumier, où il ne reste aucun registre des délibérations consulaires, les seules mentions de vicaires-régents sont furtives. Ainsi, à la mort du curé Pendaries, Castel prêtre, vicaire et régent signe seulement deux actes, les 14 et 15 novembre 176869, et sa signature n’apparaît plus jamais. À Montaïn, Maubé, vicaire-régent signe l’acte d’un baptême, le 3 juillet 176370, et rédige ensuite tous les actes en tant que curé. À Montalzat, le décès du curé a lieu le 8 avril 1783 ; le 12 avril, Barrau signe un acte en tant que « vicaire-régent », puis le 11 juillet, en tant que « curé ». Au Fau près de Montauban, Sarraut se dit vicaire-régent, du 5 juillet au 6 août, puis ensuite curé. Il semble bien que la tâche de vicaire implique dans beaucoup de villages une fonction de maître d’école, ce qui limite ses interventions en tant que desservant. Comment expliquer autrement de bons niveaux d’alphabétisation dans des communautés où n’apparaissent jamais de régents et où aucune somme n’est prévue dans les charges communautaires pour rémunérer un maître d’école ? Dans le diocèse de Montauban, des vicaires-régents figurent dans les registres paroissiaux de Montaïn, d’Escazeaux, de Canals, mais aussi de Castelmayran où existent des registres des délibérations consulaires. Ces registres ne prévoient jamais aucun gage pour le régent de la communauté. Il est probable que d’autres ressources, souvent en nature, devaient rémunérer les vicaires pour ce travail et s’ajouter aux piètres gages qu ils percevaient habituellement. Une explication en a été donnée dans une monographie manuscrite sur Puylaroque réalisé par l’ancien directeur de l’école publique de ce village, Mr Bourjol71. Reprenant tous les éléments qui permettaient de rémunérer un maître d’école, sous l’Ancien Régime, il cite :

« 1. Une somme fixe ; 2. une rétribution scolaire mensuelle ; 3. Une redevance annuelle payée par chaque famille, par exemple un boisseau de blé ; 4. Les honoraires des services religieux ».

  • 72 adtg, 3 T 1, Renseignements sur les instituteurs primaires de l’arrondissement de Montauban, en 18 (...)

72L’existence d’une rémunération en nature se trouve explicitement exprimée, dans des renseignements sur les instituteurs primaires donnés, en 1811, à propos du maître d’école de Corbarieu qui se trouve à son poste, depuis 1775, et dont la rétribution est assurée par « un hectolitre de bled ». Pareille rémunération parfois combinée avec des gages en argent, apparaît mentionnée dans d’autres villages de l’arrondissement de Montauban, ce qui semble bien corroborer une habitude ancestrale72.

  • 73 adtg, rdc de Reyniès, 3 E 914, fol. 29 v°.
  • 74 ada, G 314, doct 12, le texte de la transaction de 1513 est rappelé en occitan : « Seran tengus de (...)

73Ainsi l’absence de gages prévus dans les charges des communautés ne semble pas signifier qu’il n’y ait pas de maître d’école. Trop d’indices prouvent le contraire dans tous les cas où il est possible de trouver trace d’un maître d’école ou d’un vicaire qui en faisait les fonctions. Il n’est, d’ailleurs, pas rare de constater dans les délibérations consulaires, la revendication d’un vicaire, appelé alors un « secondaire », avec le dessein qu’il exerce la fonction de régent. C’est le cas à Reyniès, le 18 janvier 1747, où le conseil politique de la communauté formule une telle demande au grand prieur de Tordre de saint Jean de Jérusalem, le décimateur de la paroisse73. En octobre 1765, une requête identique est adressée au syndic du chapitre Notre-Dame de Villefranche-de-Rouergue par les habitants du village des Pesquiés qui se situe à quelques kilomètres de cette ville. Cette supplique de quatre pages, adressée à l’évêque de Rodez, évoque une transaction passée, en 1513, d’après laquelle « il doit y avoir un vicaire régens et résident à St Clair des Pesquiès ». Or le prieur-décimateur « se contente d’y envoyer le dimanche un prêtre pour y dire la messe »74. La réponse du syndic de Villefranche a bien sûr été négative, mais la requête témoigne d’une volonté d’améliorer l’instruction des enfants en Rouergue, comme on peut la constater dans le Quercy voisin.

  • 75 Sans doute faut-il souligner la grande complexité du découpage sous l’Ancien Régime. Viarose est u (...)
  • 76 adtg, reg. bms, 6 E 110/2, un vicaire-régent apparaît de façon continue de 1764 jusqu’en 1786.
  • 77 adtg, Notaire Pechverty de Mirabel, 5 E 15234.
  • 78 adtg, reg. bms, successivement 6 E 113/7, 3 E 119/E 15, 3 E 119/7, 3 E 119/12.
  • 79 adtg, 6 E 038/2 et Arch. mun. de Caylus, GG 26 (1740-1757).
  • 80 adtg, 6 E 112/17, 6 E 189/1, 3 E 183/3,6 E 092/2.
  • 81 adtg, notaire de Caussade, Souliagou, 5 E 15588, le 13 janvier 1784.
  • 82 Antonin Perbosc, « Monographie de Lacapelle-Livron », ram , 2e série IV-1898, p. 176.
  • 83 adtg, reg. bms, 3 E 132.GG5 et 6.
  • 84 adl, C 1172, état des charges locales de 1788.
  • 85 adl, C 1161, état des charges locales de 1786.

74De nombreuses traces de vicaires-régents ont pu être retrouvées, grâce à leurs signatures ou aux mentions qui les concernent dans les registres paroissiaux. Ces vicaires exercent parfois dans de très petites paroisses du Bas-Quercy qui pour la plupart dépendent d’une autre communauté d’habitants comme à Viarose près de Moissac75, à Notre-Dame-des-Misères76, près de Mirabel, à Saint-Martin d’Antéjac77, près de Réalville, à Espanel près de Molières, à Castanède, St-Julien-de-Las-Doux et Sainte-Victoire, entre Caussade et Montpezat78, à Saint-Martin d’Espiémonts79, ou St-Pierre-Livron, près de Caylus. On en trouve aussi dans d’autres paroisses disposant d’une communauté d’habitants comme Lizac, Vazerac, Tréjouls, Lapenche80, Monteils81 où aucune autre trace de maître d’école n’apparaît jamais par ailleurs, ni dans les délibérations ni dans les comptes consulaires. À Lacapelle-Livron, en 1792, lorsque le curé Mathet s’est exilé en Espagne, une délibération du conseil général de la commune s’inquiète de ce que « cette paroisse ne peut rester sans pasteur pour l’exercice du culte divin, l’administration des sacrements et l’instruction publique »82. On ne saurait être plus clair : dans ces paroisses du Quercy, le rôle du clergé est bien d’assurer un enseignement aux enfants. Exceptionnellement ce vicaire peut être rétribué par la communauté et les émoluments qui lui sont versés apparaissent alors dans les comptes consulaires. C’est le cas à Montricoux où l’un des deux vicaires est manifestement régent tout au long du xviiie siècle, comme l’indiquent, entre 1785 et 1789, les registres paroissiaux83. C’est aussi le cas à Albas84 et à Beauregard où l’article 12 de la mande prévoit, le 24 juillet 1785, dans l’état prévisionnel des charges locales de l’année 1786, pour « l’honnoraire de Mr le secondaire faisant en même temps fonction de régent quitte de toute espèce de vingtièmes : 200 livres »85.

  • 86 ada dans la série G. L’enquête de Champion de Cicé apporte une richesse d’informations telle, qu’e (...)

75Dans le diocèse de Rodez, les archives, rares pour le xviie siècle, sont plus abondantes pour le xviiie, grâce aux visites pastorales des évêques, Ise de Saléon, de Grimaldy et Champion de Cicé dont les enquêtes sont bien conservées86. Le déchiffrement des visites d’Ise de Saléon permet de se faire une idée du rôle des prêtres dans l’éducation des enfants, au milieu du xviiie siècle. Ce qui frappe à la lecture des comptes rendus de ces tournées villageoises, c’est l’extrême diversité des situations du clergé d’une paroisse à une autre. C’est évidemment la même chose pour les maîtres d’école dont l’existence ou l’absence se trouvent régulièrement mentionnées.

  • 87 ada, Vis. past., G 118.
  • 88 ada, Vis. past., le 5 novembre 1739, le « prêtre dit une seconde messe auquel le curé donne 50 écu (...)
  • 89 ada, Vis. past., le 19 octobre 1742, G 120.
  • 90 ada, Vis. past., le 19 novembre 1737, G 113.
  • 91 ada, Vis. past., le 19 novembre 1737, le plus étonnant c’est que la fondation permet aussi d’achet (...)
  • 92 Le « secondaire » est une autre façon d’appeler le vicaire chargé de la « seconde messe ».

76La présence de vicaires-régents se trouve attestée aussi en Rouergue, comme à Auriac-Lagast87, lors de la visite du 17 avril 1741. Pourtant, l’association de ces deux fonctions ne semble pas du tout être la règle. Par deux fois, le rapporteur parle de prêtres régents, au Truel88 et à Saint-Amans-des-Cops89. Dans cette paroisse, il précise au sujet du sieur Besse, le prêtre pourvu de la régences des écoles, qu’« il fait aussi la fonction de vicaire laquelle est incompatible, mais le sieur curé nous a dit qu’il auroit incessamment un autre vicaire ». Cela semble signifier que dans le diocèse de Rodez, un vicaire en fonction dans certaines paroisses ne peut pas exercer la charge de maître d’école. Cela paraît confirmé, lors de la visite d’Auzits90 où une fondation destinée à gager un maître d’école permet de le rétribuer généreusement, 250 livres par année, pourvu qu’il se charge de dire la messe aux enfants dans une chapelle attenante à l’école. Le vicaire général précise toutefois : « Le régent est à notre disposition et ne peut pas être vicaire ». Pourtant cette règle n’est pas absolue puisque la visite du jour suivant a lieu à Viviez91 où « le secondaire92 est le sieur Cestes, régent d’Aubin », exception due probablement au fait que la paroisse est peu étendue et n’a que 360 communiants.

  • 93 Déjà cité ci-dessus en tant que vicaire de Viviez.

77Une autre catégorie de clercs constitue dans le Rouergue un réservoir inépuisable pour procurer des régents : il s’agit des consorces de prêtres fraternisants. Même si les témoignages en sont ténus, ces prêtres obituaires exercent, dès le xviie siècle, les fonctions de régent et cela se trouve sans conteste corroboré, au siècle suivant, si l’on en juge par les visites épiscopales d’Ise de Saléon. Ainsi à Aubin, le 17 novembre 1737, le compte rendu précise que quatre prêtres obituaires vivent dans la paroisse et il ajoute : « L’un, Louis Cestes93 a les écoles pour 40 écus ». À Salles-Comtaux, le 11 octobre 1745, le compte rendu signale qu’« il n’y a pas de fraternizants dans cette paroisse », mais il ajoute :

  • 94 ada, Vis. past., le 11 octobre 1745, G 123.

« Le sieur Carrère prêtre s’est engagé avec les principaux paroissiens de leur dire une seconde messe, festes et dimanches et d’apprendre le latin à quinze enfans de la paroisse et leurs pères lui font environ deux cents livres de revenus. »94

Carte 3. Communautés rémunérant des maîtres d’écoles d’après les charges locales, vers 1786.

  • 95 ada, Vis. past., le 23 mai 1738, G 113.

78Dans l’esprit du rédacteur, il semble clair que la présence de consorces de prêtres fraternisants permet, dans beaucoup de paroisses, d’assurer la régence des écoles. À Salles-Curan, le 17 octobre 1739, le maître d’école est Antoine Pons, « diacre et clerc du collège ». Ce dernier mot doit être entendu ici au sens d’une consorce qui comprend six prêtres et dont la fondation dans cette paroisse, est due à un évêque de Rodez, Guillaume de La Tour95. Ailleurs, comme à Naucelle, le 21 novembre 1739, est mentionné, « il n’y a ny maître ny maîtresse d’école », pourtant il s’y trouve deux vicaires et des « prêtres fratemizants ». Qu’il n’y ait aucun régent dans cette bourgade de 560 communiants apparaît d’autant plus surprenant que l’évêque quelques mois auparavant, lors d’une visite à Castelnau-Pégayrols, s’est plaint que le maître d’école n’avait pas reçu son approbation et prescrit un mandement à lire pendant trois dimanches consécutifs :

  • 96 ada, Vis. past., le 18 octobre 1739, G 11

« Nous ordonnons de plus l’établissement d’un me d’école, le lieu étant considérable et y ayant un grand nombre d’enfants. »96

79Il est clair que l’évêque témoigne ainsi de sa préoccupation d’établir un régent dans toutes les bourgades d’une certaine importance. Pourquoi ne l’évoque-t-il pas à Naucelle ?

80Sans doute la question ne se pose-t-elle pas ainsi. Pour y voir plus clair, il s’agit de récapituler le rôle assigné aux clercs, depuis le début du xviie siècle, à travers les divers mandements épiscopaux. Au premier rang des préoccupations des vicaires dans leur travail en collaboration avec le curé se situe, en bonne place, l’instruction des enfants. Il convient ici de se demander de quel type d’instruction, il s’agit ; d’autant que cette notion se trouve maintes fois évoquée sans que le sens qu’il faille accorder à ce mot apparaisse clairement. Au cours des premières visites de Jean d’Yse de Saléon, dans le district d’Entraygues, à Campouriez, le 2 novembre 1737, le travail du curé et de son vicaire est ainsi défini : « On fait l’instruction et le cathéchisme pendant l’hyver et le cathéchisme seulement pendant l’été », auquel il faut ajouter le catéchisme tous les jours pendant l’Avent et le Carême. Rien ne permet ici de discerner ce qu’il faut entendre par les notions d’« instruction » et de « catéchisme ». Néanmoins, le fait de distinguer clairement ces deux notions nous incite à énoncer une hypothèse qui nous paraît vraisemblable : c’est que, dans beaucoup de paroisses où n’existait pas une régence, le vicaire chargé de l’instruction religieuse des enfants devait aussi leur apprendre les rudiments de la lecture et peut-être de l’écriture. De fait, la fonction de vicaire serait ainsi dans la plupart des petites paroisses rurales le moyen d’assurer un enseignement très élémentaire à la totalité des enfants tandis que, dans les communautés plus riches, des régents rémunérés devaient compléter cette instruction pour permettre aux enfants de notables d’acquérir un meilleur niveau de lecture et surtout d’écriture. Cette explication a l’avantage de justifier les nombreuses signatures que sont capables d’exécuter maladroitement les paysans dans des paroisses reculées en considérant qu’il s’agit-là d’un premier niveau d’alphabétisation encouragé par les ecclésiastiques, qu’ils soient fraternisants, diacres ou vicaires.

81En dernière analyse, cette hypothèse confirme le rôle indéniable des clercs dans les progrès de l’instruction au cours de la première moitié du xviiie siècle. Ce rôle a vraisemblablement été accru du fait de la forte croissance du nombre des ordinations qui a encouragé les prêtres à envisager des fonctions d’enseignement, faute d’un service de vicaire. Une lettre d’un curé montre comment, à la fin du xviie siècle, de jeunes clercs quercinois pouvaient être réduits à rechercher un travail.

  • 97 Il s’agit de Lafrançaise.
  • 98 Firmin Galabert, « Les écoles de Tarn-et-Garonne autrefois », bsatg , t. 33-1905, p. 252.

« Le jeune prêtre qui vous donera ce billet, s’en va au Bas-Quercy, pour trouver de l’employ, afin de servir en qualité de secondaire ou pour enseigner des enfans, et pour faire l’un et l’autre, s’il trouve la commodité. Et comme l’on dit que la Ville-Françoise97 et à Molières, on avoit besoin d’un prêtre à cet effet, je vous l’adresse affin que vous vous donnies la peine d’escrire à M. le curé de la Ville-Françoise et si l’emploi est rempli, d’en escrire à M. le curé de Molières. »98

82Obtenir une charge de régent permet à de jeunes clercs en surnombre, de patienter en attendant une fonction de vicaire, étape qui peut conduire à un bénéfice ecclésiastique, une cure, beaucoup plus difficile à décrocher.

B. L’organisation d’un double réseau d’écoles, à la veille de la Révolution

83C’est au milieu du xviiie siècle que les progrès de l’instruction des enfants apparaissent avec netteté. Les clercs se trouvent alors incités à y contribuer, mais ils ne sont pas les seuls. Poussés par les parents et approuvés, jusqu’aux années 1760, par les intendants, les consuls s’engagent à rémunérer un régent dans leur communauté. Cependant les initiatives se multiplient, en particulier, de la part des parents eux-mêmes et comme en Languedoc, le recrutement des « saisonniers de l’écriture » se fait de façon tout à fait anarchique. Aussi est-il indispensable d’examiner les différents types d’écoles qui dépendent de plus en plus du bon vouloir des parents tout autant que du zèle du clergé ou de l’impulsion des communautés.

84Partant d’une telle diversité d’initiatives, sans doute faut-il considérer qu’on peut distinguer deux types d’écoles. L’une que l’on commence à appeler, à la fin du xviiie siècle, « l’école publique » où le maître d’école est rémunéré par les communautés, et, l’autre dont les vicaires-régents ou les « saisonniers de l’écriture » assurent le fonctionnement grâce aux donations, à la prise en charge de l’Église ou surtout grâce aux rétributions versées par les parents. Le réseau officiel, contrôlé peu ou prou par l’administration, transparaît grâce aux documents des archives administratives qu’il s’agisse des dossiers des intendants ou des registres consulaires. Après 1779, la correspondance de l’Assemblée de Haute-Guyenne qui se trouve aux Archives de l’Aveyron pour le Rouergue et à celles du Lot pour le Quercy, fournit une masse énorme d’informations sur la gestion des affaires des communautés au sein desquelles se trouvent mentionnées les dépenses pour les régences. L’étude de ces correspondances donne un tableau détaillé des écoles financées par les deniers publics.

  • 99 Mireille Laget, « Petites écoles en Languedoc au xviiie siècle », étude déjà citée.
  • 100 Louis Lempereur, Etat du diocèse de Rodez, en 1771, Rodez, 1906, réalisé d’après les réponses au q (...)
  • 101 Dominique Julia, « L’enseignement primaire dans le diocèse de Reims, à la fin de l’Ancien Régime » (...)
  • 102 Contribution de Jean Delmas, dans Histoire du Rouergue, op. cit., « Vitalité contrariée sous l’Anc (...)
  • 103 Jean Delmas, « Carte des petites écoles du Rouergue au xviiie siècle », Cycles 1987-1990 de l’Univ (...)

85Le réseau parallèle est beaucoup plus difficile à détecter, puisqu’il ne donne lieu à aucun document qui permette de recenser les établissements d’instruction. Les maîtres d’écoles apparaissent fortuitement au détour de tel ou tel registre et, en particulier, une multitude de vicaires-régents ont été retrouvés, entre 1776 et 1785, à l’occasion de nos recherches sur l’alphabétisation tant dans les registres paroissiaux que dans les minutiers des notaires. Selon que l’on considère seulement les régences contrôlées par les communautés ou que l’on recense toutes les traces de régents, on obtient évidemment un tableau tout à fait différent. Cela signifie que les enquêtes réalisées à partir de documents officiels sont forcément partielles. C’est le cas de celle de Mireille Laget à partir d’« un état des sommes imposées pour les maîtres et les maîtresses d’école par les diverses paroisses de la province de Languedoc, en 1737 »99. C’est aussi le cas de celle de l’évêque de Rodez, Champion de Cicé, d’après son enquête de 1771100. Se référant à cette enquête, Dominique Julia parle d’un « désert scolaire » à propos du diocèse de Rodez, en le comparant à celui de Reims où se trouvait de nombreuses écoles villageoises101. Cette carte qui réduisait à 71 sur 455, le nombre de communautés où se trouve une régence, a déjà été révisée, à plusieurs reprises, et Jean Delmas a montré que d’autres écoles existent bel et bien alors que les curés « oublient » de les citer dans leurs réponses à l’enquête102. Sur une carte des écoles au xviiie siècle, il mentionne trente et une paroisses pour lesquelles une régence paraît attestée, grâce à d’autres sources, démontrant ainsi les nombreuses lacunes que comporte cet état du diocèse103. Le cas le plus frappant est, selon lui, celui de Saint-Geniez où une régence fonctionne de manière permanente bien que le curé n’ait rien signalé. Cet état lacunaire de sources, mais aussi l’instabilité des régences et le manque d’organisation du système scolaire, nous incitent à rester prudent dans notre analyse de l’instruction en Haute-Guyenne, tant il est difficile d’en donner une vision précise et irréfutable.

  • 104 État des charges locales des communautés de chaque élection, aux adl, pour l’année 1786 : C 1157-1 (...)
  • 105 ada, C 1748-1785, état des charges des communautés du Rouergue.
  • 106 Il n’est pas rare que dans le nord du Rouergue ou dans la vicomté de Turenne, les consuls soient d (...)
  • 107 Pour les élections du Quercy, la totalité des documents se trouve aux Archives du Lot. En principe (...)

86Des états prévisionnels des charges des communautés établis lors d’une assemblée des habitants, précisent les gages payés par les communautés aux régents du Quercy104 et du Rouergue105, puis, sont envoyés à la Commission Intermédiaire de l’Assemblée de Haute-Guyenne. Ces charges devaient alors être contrôlées par cette commission dont le rôle était d’examiner les finances des consulats et de vérifier leur gestion des affaires. Grâce à l’expédition de ces états copiés par les greffiers, nous disposons d’une masse importante d’informations sur la gestion des consuls106, à la veille de la Révolution107.

  • 108 Des tableaux détaillés, réalisés à partir des états des charges locales, figurent dans la version (...)

87Dans l’ensemble de la généralité, sur un total de plus de 1200 communautés dont certaines ont très peu d’habitants, il est vrai, on ne compte que 119 localités où se trouverait une école, ou plusieurs, pour dispenser l’instruction aux garçons. C’est évidemment très peu108. Avec 66 localités où des gages sont fixés dans les états des charges locales, l’élection de Millau est celle où le plus grand nombre de maîtres d’écoles bénéficient de rémunérations versées par les communautés. L’élection de Montauban a un nombre beaucoup plus modeste puisque seulement 20 assemblées communautaires, sur un total de 91, s’engagent à le faire. Dans celle de Rodez, seules 12 localités prévoient de contribuer au financement de l’instruction. 11 pour l’élection de Cahors où, exceptées 4 petites paroisses disposant d’un régent rétribué, sur un total de 203, les autres communautés sont des villes qui ont au moins une régence latine, en plus de l’école abécédaire. Ce qui frappe le plus, c’est l’absence de dépenses prévues pour les écoles dans les deux élections voisines de l’est du Quercy et de l’ouest du Rouergue. À Villefranche où se trouve pourtant un collège, dans les comptes consulaires, rien n’est prévu pour les écoles ! On ne compte que 5 communautés, dans l’Élection, prévoyant de rémunérer un régent. Quant à celle de Figeac, seules les 5 villes principales ont une école aux frais de la collectivité, toutes les autres 284 paroisses n’ont pas d’écoles recensées. Et pourtant, ce n’est pas dans ces terroirs que le niveau de l’alphabétisation est le plus faible loin de là. Peut-on se contenter de tenir compte de ces données brutes ? Ne faut-il pas chercher d’autres explications à une situation très particulière où le développement de l’instruction s’est fait en dehors de tout financement des communautés ou, du moins, indépendamment de toute organisation des autorités consulaires qui, dès lors, s’en seraient remises entièrement à l’Église ou aux initiatives individuelles pour assurer l’éducation des enfants ?

88En comparant les résultats du Quercy et du Rouergue, il est aisé de faire un premier constat : les deux seules élections où se trouve un pourcentage assez élevé de communautés disposant de régents, celles de Montauban et surtout celle de Millau, correspondent toutes les deux à des terroirs où s’est solidement implanté le protestantisme. Ainsi, dans le sud du Rouergue, la plupart des communautés, non seulement les grandes mais aussi les petites, rémunèrent un régent. À Mostuéjouls, où, en 1738, lors de sa visite pastorale, Yse de Saléon compte 250 communiants, près de la moitié des charges de la communauté, 150 livres sur 339, servent à rétribuer le maître d’école, au cours des années 1780. Dans une paroisse encore plus petite, celle de Comprégnac, où lors de sa chevauchée, l’évêque ne compte que 70 communiants, il trouve déjà un maître d’école et, à la veille de la Révolution, le régent touche 100 livres sur les 270 des dépenses communautaires.

  • 109 Longuement analysé par Mireille Laget, dans « Petites écoles en Languedoc au xviiie siècle », étud (...)
  • 110 Ibidem, p. 1417.

89Le constat peut être déjà fait à partir de l’enquête de Champion de Cicé et tous les historiens sont d’accord pour reconnaître que l’existence de nombreuses régences est liée à une présence protestante ancienne dans ces contrées. On peut sans contredit la relier aussi à l’obligation faite par Louis XIV, d’entretenir un maître d’école dans les paroisses où vivent des nouveaux convertis109. De nombreuses études mentionnent la forte densité des écoles dans les terres huguenotes, au sud du Rouergue, comme dans le Languedoc voisin, en pays cévenol, ou encore dans le diocèse de Montauban. En Quercy, c’est d’ailleurs dans le Montalbanais que se trouvent le plus d’écoles dans des paroisses où nous avons déjà évoqué une présence protestante durable comme à Albias ou à Bioule. Ainsi pourrait-on reprendre l’expression de Mireille Laget pour caractériser cette implantation de nombreuses régences : « Maximum de huguenots, maximum d’écoles » et constater comme elle qu’« à l’espacement de la présence protestante correspond l’espacement des écoles »110.

  • 111 adl, Notaire Valéry, 3.E.600-31à 36.
  • 112 Tibor Pataki, Cressensac dans la vicomté de Turenne, Brive, 1984, p. 289.
  • 113 L. Saint-Marty, Histoire du Quercy, op. cit., p. 333, en note.

90Pourtant notre conclusion ne saurait être la même. Car en réalité, à côté des écoles dûment répertoriées se trouvent des paroisses où exercent des maîtres d’écoles dont les traces dans les Archives sont beaucoup plus difficiles à saisir. Nous avons déjà évoqué la présence des vicaires-régents dans de nombreuses petites paroisses, mais aussi dans des communautés du Bas-Quercy où les gages n’apparaissent pas par ailleurs dans les comptes consulaires comme à Lizac, Vazerac, Tréjouls, Lapenche, Monteils, St-Pierre-Livron ou Lacapelle-Livron. Il se trouve que des régents laïques peuvent eux aussi être recensés sans que leurs gages soient pris en charge par les communautés. Antoine Gleye exerce la fonction de régent à Lalbenque, en Quercy, entre le mois de décembre 1785 et le mois de novembre 1790, comme l’attestent ses fréquentes signatures chez le notaire du lieu111. Pourtant, ses gages ne figurent jamais dans la « mande » consulaire. À Limogne, un maître d’école nommé Jean Malgoyré, signe très souvent chez le notaire, à partir de 1778, mais ses gages ne figurent pas davantage dans les dépenses communautaires. À Cressenssac, dans la vicomté de Turenne, Guillaume Campastier occupe la fonction de régent, en 1786, et pourtant rien n’est prévu dans les comptes consulaires pour le rémunérer112. À Prayssac, Jean Bertal est instituteur, en 1797, mais il exerçait son métier dans ce village depuis vingt ans113. Il est bien évident que de telles lacunes ne sont pas dues au hasard : elles correspondent, tout simplement, à d’autres modalités pour rémunérer les régents que celles d’un payement par les communautés.

  • 114 ada, état des charges locales respectivement de 1780, C 1776, et de 1781, C 1782.
  • 115 ada, délib. cons., article no 4, 2 E 269-3.

91La lecture des « mandes » consulaires apporte aussi d’autres indications fugaces mais semble-t-il significatives quant aux rétributions des maître d’écoles par les communautés. Dans deux petites paroisses de l’élection de Millau, Raissac et Segonzac114, 60 livres « pour fraix imprévus qui serviront à payer le maître d’écolle pendant certains mois de l’hiver », sont inclus dans les charges locales, en 1780 et en 1781. La prise en charge des gages des régents dans la rubrique des frais imprévus n’est sans doute pas toujours aussi clairement indiquée. En particulier, le montant de ces dépenses apparaît relativement élevé dans les communautés des élections de Figeac et de Villefranche-de-Rouergue et il n’est pas impossible que ces sommes soient parfois destinées à rétribuer un maître d’école. En pays quercinois, cette somme s’élève à 100 livres, de manière continue, entre 1786 et 1789, à Cardaillac, une ancienne citadelle huguenote où nulle part ailleurs n’apparaît une trace de régent. Ils atteignent le même montant à Prudhomat, et 120 livres à Sousceyrac. Dans l’ouest du Rouergue, 130 livres apparaissent pour les dépenses imprévues, dans la « mande » de Castelnau-Peyralés sur un montant total de 288 livres ; 130 sur un total de 210, à Maleville. À Sauveterre-de-Rouergue où la communauté prévoit, en 1758, 100 livres pour les gages d’un régent et 50 livres pour ceux de la régente, les gages du régent disparaissent dans le budget prévisionnel de 1762. Lors de la délibération consulaire du 28 novembre 1765 qui fixe les charges de l’année 1766, les gages sont jugés trop médiocres, et la délibération prévoit d’« employer, en cas d’insuffisance, la rétribution imposée la présente année pour les maîtres d’écoles attandu qu’il n’en a esté envoyé aucun et prendre pour ce qui manquera sur les sommes imposées pour les dépenses impréveues »115. Compte tenu de l’instabilité des régences et de la mauvaise volonté des autorités consulaires, l’utilisation des sommes qualifiées de « dépenses imprévues » servant à rétribuer un maître d’école se trouve vérifiée à Raissac, à Segonzac comme à Sauveterre. Il n’est pas inconcevable que ces sommes puissent rétribuer des régents dans les communautés qui ont coutume d’engager un maître, pour une « saison d’école ».

  • 116 Il s’agit en réalité de communautés qui se sont « désunies » de celle de Saint-Chély-d’Aubrac, sel (...)
  • 117 adtg, délib. cons., dans les registres 3 E 2431, 2432 et 2433
  • 118 adtg, délib. cons. de la communauté de Moulis, 3 E 749. Il a déjà été indiqué que Moulis n’est qu’ (...)
  • 119 adtg 3 E 912, un compte rendu très complet de ce procès, comprenant cinquante-cinq pages, est cons (...)

92Mais il est encore d’autres manières de rétribuer les régents. Il arrive que plusieurs communautés supportent le poids de leurs gages. Respectant une ordonnance de l’intendant de la généralité en date du 8 août 1777, les communautés situées autour de Saint-Chély-d’Aubrac116, dans un rayon d’une dizaine de kilomètres, sont tenues de contribuer aux gages accordés au régent, dans cette bourgade. Celle de Saint-Chély-d’Estaing, doit verser 13 livres 13 sols ; celle de Belvèze 10 livres 17 sols, celle de Le Pouget, 16 livres et celle de La Serre, 21 livres. Quant au montant revenant à la communauté de Saint-Chély-d’Aubrac, il serait seulement de 13 ou de 16 livres, ce qui semble bien peu. Dans d’autres cas, ce sont les autorités consulaires des villes qui essayent d’imposer aux communautés rurales voisines une quote-part pour rémunérer le régent. Sur les 150 livres des gages du régent, les consuls de Lauzerte déduisent les 30 livres, soit le 1/5e des gages, que doivent payer les paroisses environnantes117. Ceux de Caylus ont tenté d’imposer une participation à peu près identique à celles de leur voisinage. Il arrive évidemment que cela provoque d’interminables conflits comme c’est le cas entre la communauté de Reyniès et celle de Moulis. Les relations conflictuelles opposant les deux localités ont repris lorsque le conseil politique de Moulis décide, le 23 juillet 1719, de ne plus contribuer à rémunérer le régent de Reyniès118. Cette décision donne lieu, en novembre 1719, à une procédure devant le subdélégué de Montauban, le représentant de l’intendant en Haut Languedoc119 qui n’a en rien résolu le problème.

  • 120 Eugène Sol, « L’instruction en Quercy », op. cit., bsel No 51-1930, p. 249.
  • 121 Marie-Léone Alary, « Les petites écoles de Beaumont en Rouergue », rdr , 1986, déjà cité.

93Enfin, un autre moyen de rétribuer les maîtres d’écoles n’apparaît évidemment pas dans les comptes consulaires, il s’agit de la « préceptoriale » que continuent de verser, à la fin du xviiie siècle, les chapitres et les abbayes. C’est forcément vrai à Conques où le chapitre rémunère un régent, en dépit de ses récriminations longuement évoquées ci-dessus. C’est encore vrai à Souillac où le monastère contribue au versement d’une prébende pour rétribuer deux maîtres d’école, à partir de 1760120. Cela se vérifie à Belmont121, mais aussi à Vabres où, si l’on en croyait les « mandes » entre 1781 et 1789, les écoles de filles seraient les seules financées par la communauté ! La cité de Rieupeyroux est une de celle où Jean d’Yse de Saléon a constaté, le 12 juillet 1739, qu’on a supprimé depuis quelques années les 150 livres que la communauté devait prévoir dans ses charges consulaires pour rémunérer un régent. Par son ordonnance envoyée peu après, il impose le rétablissement de cette imposition, mais celle-ci attendra sa deuxième visite et sa deuxième ordonnance, en 1745, avant d’être réellement exécutée. En réalité, la mauvaise volonté de l’assemblée des habitants s’explique certainement du fait que Rieupeyroux, en tant que siège d’un chapitre devait par le passé bénéficier d’une prébende préceptoriale, payée par les chanoines. Le 13 juillet 1777, une délibération, envoyée à l’évêque, tourne à la supplique afin de l’inciter à convaincre le couvent de Saint-Martial de Limoges et le séminaire de Rodez d’accroître la somme de 250 livres destinée à rétribuer le régent et la régente. Il est normal, sauf peut-être pour Rieupeyroux, que rien n’apparaisse dans l’état des charges locales pour toutes ces bourgades.

94Au total, le réseau des écoles dont on a pu trouver des traces, existe dans un grand nombre de paroisses, beaucoup plus que celles où les maîtres d’écoles sont entièrement pris en charge par les communautés. Ce constat tient compte de la grande diversité des situations rencontrées, car on ne peut effectivement pas encore parler en Haute-Guyenne d’un véritable réseau scolaire bien organisé. À l’exception de l’élection de Millau où les écoles sont très nombreuses, y compris dans des paroisses reculées, et de celle de Montauban où l’on retrouve une école prise en charge par les finances communautaires dans la plupart des bourgades même les petites, partout ailleurs la densité du réseau d’écoles ainsi financées apparaît dérisoire. La prise en charge des écoles villageoises par d’autres moyens et, en particulier, grâce au rôle du clergé, demeure la seule explication plausible pour justifier, malgré tout, des progrès de l’alphabétisation quasiment identiques dans toutes les contrées, alors que le statut des régents est souvent fluctuant et très disparate.

C. Le statut précaire des régents

95Pitoyable, telle apparaît à travers les sources, la situation de la plupart des régents laïques. Les gages qu’on leur attribue, les conditions de travail qu’on leur impose ne leur confèrent pas un statut social bien reluisant ; surtout si l’on tient compte des exigences que les parents ne cessent de revendiquer à leur égard ! Ces remarques ne concernent pas tellement les clercs qui disposent d’autres avantages liés aux charges ecclésiastiques, mais elles valent pour un nombre croissant de maîtres d’écoles dont le recrutement se trouve de plus en plus laïcisé.

  • 122 C’est le constat fait par Mireille Laget, lors du Colloque de Marseille, en 1971 : Le xviie siècle (...)
  • 123 Christine Métayer, « De l’école au palais de justice : l’itinéraire singulier des maîtres-écrivain (...)

96De toute évidence, le statut de maître d’école s’est progressivement transformé au cours des xviie et xviiie siècles. Au xviie siècle encore, les maîtres d’écoles comme les maîtres-écrivains sont traités avec beaucoup d’égards et cette notoriété leur vaut une considération sociale qui reste symbolisée par une embauche dûment enregistrée sous la forme d’un de ces multiples contrats notariés, déjà évoqués à maintes reprises. En revanche, la trace de ces contrats est inexistante, au xviiie siècle, et le prestige de l’« écrivain » comme celui du régent s’est, semble-t-il, constamment dégradé au fil des temps122. Cette évolution est évidemment perceptible du fait de la progressive réduction du nombre des maîtres-écrivains123 dont le statut protégé par toutes sortes de règlements s’est vu soumis à une concurrence qu’ils ont vivement combattue. La jugeant déloyale, ces « écrivains » ont, au bout du compte, eu de plus en plus de mal à la contrecarrer et leur fonction, encore recherchée au début du xviiie siècle, n’a plus du tout le même attrait. Le registre des rôles de la capitation des arts et métiers en jurande de l’élection de Montauban, en 1727, mentionne la somme de 300 livres due par la communauté des écrivains de cette ville, somme qui paraît très élevée et laisse supposer qu’ils devaient être au moins une quinzaine. Les quatre autres écrivains cités, pour un montant de 10 ou 12 livres chacun, se trouvent à Moissac, Caussade, Nègrepelisse et Montricoux. Dans cette dernière ville, le maître-écrivain est dit « misérable » et cela reflète assurément l’inéluctable déchéance d’une profession qui ne peut survivre dorénavant qu’en assurant des tâches de maîtres d’écoles. Or ces tâches apparaissent de moins en moins chargées de prestige. Très souvent, le régent dépend, même dans les villes, du bon vouloir des assemblées villageoises et plus précisément du bon vouloir des parents, ce qui rend extrêmement précaire sa fonction. D’autant plus que, progressivement, l’embauche d’un régent est considérée comme un emploi temporaire, si bien que les régents se recrutent seulement pour une saison d’école, entre les mois d’octobre et de juin.

  • 124 ada, état des charges locales, respectivement de 1780, C 1776, et de 1781, C 1782.
  • 125 ada, état des charges locales, C 1781, délibérations de 1785 à 1788.

97Il arrive que Ton trouve dans les registres de délibérations consulaires, l’embauche d’un maître de passage à la recherche d’un travail pour une « saison d’écriture ». Étant donné le travail intermittent de ces régents, il n’est pas toujours fait mention de leur recrutement et c’est seulement lors des délibérations consulaires décidant des dépenses des communautés que leurs gages peuvent être évoqués. Il arrive encore que leur nom soit parfois cité à l’occasion des problèmes qui les concernent. Dans l’élection de Millau, les exemples abondent de ces « saisonniers d’écriture », comme Dominique Blanc en a trouvé un grand nombre dans le Languedoc voisin. Ainsi, dans les communautés de Raissac et Segonzac124, déjà mentionnées ci-dessus, les 60 livres prévues dans les charges communautaires doivent servir à payer le maître d’école pendant l’hiver. À Saint-Michel-de-Robiac, les délibérations de 1785 à 1788 ajoutent cette phrase au terme des charges : « et finalement 60 livres pour les gages du régent d’écolles pour les six mois de l’hiver »125. Car le travail du régent reste souvent limité à cette période hivernale, puisque les enfants participent aux travaux des champs au cours des autres périodes de Tannée. À Castelnau-Pégayrols, le 22 août 1784, sont prévues :

  • 126 ada, état des charges locales, C 1751.

« 150 livres pour l’honnoraire de Messieurs les régents d’école pour huit mois seulement sans moisées dont cent livres pour celui de Castelmus et cinquante livres pour celui d’Estalane, conformément à la transaction du 28ème septembre 1783. »126

  • 127 ada, état des charges locales, C 1755.
  • 128 adtg, délib. cons., le 18 mai 1760 : « Les autres escoliers allant appendre à escrire et compter d (...)

98Enfin à Comprégnac, une somme qui varie de 55 à 80 livres est approuvée chaque année, de 1781 à 1790, « pour les gages du régent des écoles pour six mois de l’année »127. À Albias, un notable rémunère un précepteur128 et d’autres enfants viennent suivre l’instruction de ce maître d’école embauché de façon éphémère. Cela reflète la grande diversité des situations telles qu’elles peuvent apparaître à travers les sources.

  • 129 Congrégation fondée en 1680, par Jean-Baptiste de La Salle, chanoine de Reims.
  • 130 Edouard Rabaud, Les Ecoles à Montauban, op. cit., pp. 16-23.
  • 131 Histoire de Rodez, op. cit., contribution de Jean Delmas, pp. 152-153.
  • 132 Bernard Paumés, « Les écoles de Cahors avant la Révolution », bsel , t. 30,1905 et t. 31, 1906.
  • 133 adl, C 1272.

99Dans cette diversité, n’oublions pas les religieux qui appartiennent à des congrégations et continuent d’administrer des régences latines souvent appelées collèges dans les villes, comme les Récollets à Caussade, les Cordeliers à Gourdon et à Martel, ou les Carmes à Lauzerte et à Saint-Antonin. À ces congrégations anciennes sont venues s’ajouter de nouvelles congrégations nées, à la fin du xviie siècle, en particulier les Frères de écoles chrétiennes129, qui prennent en charge des petites écoles dans les villes les plus grandes de la généralité. Les Frères s’installent à Montauban, en 1742, à l’incitation de l’évêque, Michel de Verthamon, dans la paroisse de Villenouvelle, moyennant 200 livres payées par la ville et 50 livres allouées par l’évêque. Ils acquièrent rapidement une excellente réputation et leur succès leur vaut, dès 1744, de prendre en charge toutes les petites écoles, dans les 3 autres paroisses de la ville, avec une attribution de 900 livres de revenus130. Ils s’installent aussi à Rodez, aux mêmes dates et bénéficient, en 1771, de 800 livres de rentes131. On les retrouve encore à Cahors où la fondation, par un accord conclu entre les consuls et l’évêque, date de 1760, tandis qu’une ordonnance du 23 décembre 1761, autorise la ville à acheter un immeuble132. Les six Frères commencent effectivement la classe, en 1762, et une donation de l’évêque s’élevant à 6 000 livres permet d’ouvrir une septième classe, dès 1768133. À Millau, les Frères s’installent en 1745. Ils semblent là aussi bénéficier très vite d’une excellente réputation qui leur vaut les faveurs de la communauté. Ainsi, dans les comptes consulaires des années 1780, ils bénéficient d’une rente de 970 livres alors que le collège n’obtient que 650 livres de pension de la part de la ville. Excepté à Rodez où leur revenu se réduit à 280 livres, les Frères jouissent, à la veille de la Révolution, de dotations relativement élevées, bénéficiant de 1 400 livres, à Montauban et de 1 664 livres, à Cahors.

  • 134 adl, C 1273, état des revenus des collèges de la subdélégation de Millau, en 1778.

100Toutes ces congrégations ont d’autres ressources que celles qui leur sont versées par les communautés ou par les parents, en particulier grâce aux donations. Elles profitent de revenus assurés par des métairies ou par des terres. À Millau, le collège des Carmes dispose de 612 livres de rentes foncières grâce à des champs attenant au collège134. Les régents qui dépendent de ces anciennes institutions ont évidemment des conditions de vie et de travail bien meilleures que la plupart de leurs collègues, tout particuliérement ceux qui sont embauchés pour une saison d’école.

  • 135 Jean Donat, Une communauté rurale à la fin de l’Ancien Régime, Montauban, 1926, (Il s’agit de Larr (...)
  • 136 Michel Morineau, « Budgets populaires en France au xviiie siècle », dans Revue d’Histoire économiq (...)

101La précarité de l’emploi de régent se traduit concrètement par la faiblesse de sa rémunération. Un régent abécédaire touche environ 100 livres, au début du xviiie siècle, et 150 livres, à la veille de la Révolution, conformément au niveau de salaire le plus couramment pratiqué à ces époques-là. Ces gages correspondent au tiers de la portion congrue des curés les plus mal rémunérés. Évaluant le salaire annuel d’un brassier, à la fin de l’Ancien Régime, Jean Donat135 considère qu’il gagne 142 livres pour 200 jours de travail dans l’année en comptant un quart de journées d’hiver à 12 sols et le restant à 15 sols. Il évalue la journée de travail d’un charpentier à 22 sols, soit un gain annuel dépassant 200 livres. Si l’on tient compte de ces évaluations et d’autres réalisées par ailleurs136, les gages du régent se situent à un niveau extrêmement bas. Le salaire d’un maître d’école villageois demeure souvent inférieurs à 150 livres, ce qui le situerait au dessous de celui d’un brassier correctement rémunéré. En Rouergue, sa situation est encore plus déplorable. Entre 1781 et 1789, les variations des gages du régent s’étalent de 50 livres dans les communautés de Le Clapier et de Silvanés, dans l’élection de Millau, à 200 livres dans la bourgade de Saint-Georges-de-Luzençon. Pourtant ces gages peuvent osciller d’une année à l’autre sans que rien ne le justifie. Ainsi à Marcillac, l’état des charges locales prévoit-il 200 livres, en 1781 et 1782, seulement 150 livres, en 1783 et rien, en 1784.

  • 137 ada, vis. past., G 117. Lors de la deuxième visite d’Yse de Saléon, en 1744, un autre maître d’éco (...)
  • 138 ada, vis. past., G 117, successivement le 7 septembre 1739, le 11 et le 20 novembre 1739.
  • 139 ada, vis. past., G121.
  • 140 ada, vis. past., G 122.

102En réalité, les gages payés par les communautés constituent rarement à eux seuls, sauf dans quelques cas, l’intégralité des rémunérations du régent. Déjà lors des visites pastorales d’Ise de Saléon, sont cités des maîtres d’écoles qui ne bénéficient d’aucune rétribution. À Parisot, le 5 septembre 1737, l’évêque constate qu’« il y a dans cette paroisse un maître d’école que les escoliers payent ». À Cassuéjouls, en 1738, se trouve aussi un maître d’école qui ne reçoit aucun gage, mais que payent les parents. En 1739, c’est exactement la même chose à Cannac137, à Saint-Just, à Laissac et à Lencou138. Plus tard, en 1743, un autre régent « pour lequel on ne fait aucune imposition »139 est mentionné à Escourdounac. Enfin, le 8 juillet 1744, à Prévinquières, l’évêque constate encore la présence d’« un maître d’école que divers particuliers payent pour l’éducation de leurs enfans »140. Cette rémunération uniquement assurée par les parents concerne un nombre de régents non négligeable, il s’agit d’un des moyens les plus répandus dans le diocèse de Rodez et elle remplace, de fait, la prise en charge de l’éducation des enfants par les communautés ou par le clergé.

103Cette participation financière des parents ne se trouve guère mentionnée, lors des délibérations consulaires dans les communautés rurales, même si nous avons rencontré quelques cas de véritables contrats d’engagement de régents où cette participation apparaît indiquée. À Reyniès, les gages de Rodurau, un régent nommé, le 6 juillet 1771, sont fixés à 150 livres, néanmoins les délibérants les jugent si insuffisants que :

  • 141 adtg, délib. cons., 3 E 918, fol. 14 v° et 15.

« […] chacun des enfans qui iront à l’écolle du d. sieur Rodurau luy payeront d’avance par mois, sçavoir ceux qui sont à l’alphabet et petites heures des commençans cinq sols, ceux qui liront latin et français, dix sols, et ceux qui liront l’un et l’autre, écriront et chiffreront quinze sols. »141

104À Albias, lors de l’embauche du sieur Dethos, en 1764, l’assemblée politique accepte qu’il se fasse payer par les écoliers chaque mois :

  • 142 adtg, délib. cons. le 8 avril 1764, 3.E.3340, fol. 40 v°.

« scavoir à ceux qui ne scauront pas lire 5 sols, pour ceux de la lecture et escriture, 10 sols, et pour ceux de lecture, escriture et arimétique, 15 sols, sans pouvoir exiger autre ny plus forte somme des d. escoliers du moins des habitants de la présente communauté »142.

  • 143 Voir en Annexe, la délibération du 8 août 1728, à Montcuq, dont un extrait détaille les conditions (...)

105Des exemples analogues se rencontrent fréquemment dans les villes où il arrive que le détail des conditions d’embauche des régents apparaisse minutieusement reproduit dans les registres de délibérations143. À Caylus, un Lazariste du séminaire de Cahors, François Eyrard, propose, après des tractations, de fournir deux régens pour tenir les écoles de cette ville ; il conclut avec les consuls un véritable contrat de travail que le greffier recopie dans le compte rendu de la délibération du 16 septembre 1781. Dans cet accord réglant l’embauche de ces deux régents dont un de latin, il est précisé :

  • 144 Arch, mun., reg. délib. BB 8, fol. 61 v° et 62. La délibération est suivie de 30 signatures.

« 1°) que la présente communauté s’engagera de luy fournir un logement et un jardin ; 2°) qu’elle luy payera annuellement une somme de 300 livres ; 3°) qu’elle l’autorisera à exiger de chaque écolier 30 sols par mois avec la liberté d’exiger ce qu’il jugera à propos des écoliers forains c’est-à-dire de ceux qui ne sont point de la présente communauté ; 4°) que la d. communauté fournira pour la première année seulement les meubles nécessaires pour les d. régens. »144

106Ces documents témoignent des contributions relativement élevées qui peuvent être exigées des parents par les régents. Cela signifie que faire instruire leurs enfants était pour eux une dépense relativement coûteuse. On comprend mieux pourquoi le temps passé à l’école apparaît aussi réduit et pourquoi les élèves apprennent seulement à lire.

  • 145 adtg, notaire Lamanhenie, 5 E 6152.

107Payé de manière dérisoire, si on le compare à un revenu annuel moyen des autres professions, le régent est condamné à vivre pauvrement, excepté si sa famille lui apporte quelques ressources ou s’il exerce un autre métier. L’inventaire des biens d’un régent mort à Cazes-Mondenard, est révélateur de cette indigence. Ils se réduisent à quelques hardes et à quelques ustensiles sans valeur145. Pour échapper à la misère des « écoles publiques », des maîtres créent leur propre pension tel le sieur Delapré, à Montauban. En 1778, il fait paraître plusieurs encarts publicitaires où il vante les mérites de sa pension ouverte à des pensionnaires et à des demi-pensionnaires. Il se dit maître-ès-Arts de Paris et, le 15 juillet :

  • 146 Annonces de Montauban, no 28, le mercredi 15 juillet 1778, Fonds Forestié, no 1484.

« […] donne avis au public qu’il tient une classe dans laquelle on apprend à lire avec le bureau typographique, à écrire, l’Arithmétique et l’orthographe par principes ; on y fait le catéchisme tous les samedis, et l’on répète tout ce que l’on a appris dans la semaine. Son épouse enseigne à lire aux filles avec le bureau, elle leur apprend à coudre, à tricoter et à broder. On prend des jeunes gens en pension et à demi-pension. Le sieur Delapré fera tous ses efforts afin que les progrès soient rapides et observera tout ce qui est nécessaire pour procurer de l’éducation aux enfans qu’on lui confiera. »146

108Rares sont les maîtres d’écoles qui ont cette témérité de créer leur propre établissement et s’il entend mieux vivre, le régent laïc est généralement conduit à exercer un autre métier afin d’assurer à sa famille un revenu convenable.

  • 147 adtg, délib. cons., 3 E 2833, BB 4, fol. 6. « Le 15 avril 1744, à minuit, je Jean Laparre, régent (...)
  • 148 Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 18.
  • 149 Justin Gary, Notice sur Le clergé de Cahors pendant la Révolution, Cahors, 1897.
  • 150 adtg, notaire Lacombe, 5 E 15541, le 25 août 1776.
  • 151 A.D.T.G, notaire Balzac, 5 E 9901.

109Il peut pratiquer la profession de greffier de communauté, comme l’était Laparre à Meauzac, près de Castelsarrasin, auquel il arrive aussi de faire le travail ingrat de collecteur pour « faire la levée de la taille royale »147 ; c’est aussi le cas du sieur Chauveau, un maître-écrivain de Saint-Antonin, nommé pour l’imposition de la taille de l’année 1750148. De nombreux régents ont exercé le métier de praticien qui les préparait évidemment aux apprentissages de l’écriture. C’est le cas à Castelsarrasin où François Baillières, un praticien originaire de Toulouse, se marie avec la fille d’un voiturier, puis devient maître-écrivain, en 1786. D’autres exercent des professions bien considérées tel un dénommé Vèzes qui « quoique marchand était régent du collège de Gourdon », au début du xviiie siècle149. Deux « bourgeois », l’un à Reyniès et l’autre à Campsas, dans le diocèse de Montauban, ont tenu la régence des écoles pour éviter qu’elle reste « vacante ». Le maître d’école de Caussade, François Mouisset signe quelques années avant sa régence, un acte d’achat chez le notaire en tant que « commis du sieur Salèles, négociant »150. Enfin Jean-Clair Palanque, un régent de Castelmayran, signe avec son père qui est ménager, c’est-à-dire un laboureur aisé151. À Reyniès, dans le conflit qui oppose le maître d’école aux parents, ces derniers reprochent surtout à Sicard de s’intéresser davantage à ses affaires qu’à sa tâche de régent. Il est précisé dans la délibération consulaire du 21 juin 1763, dont il a déjà été question, qu’il se livre, en collaboration avec le curé, au commerce du bois et du ver a soie. Mais, c’est semble-t-il, parce qu’il est chargé de recouvrer les dettes envers un marchand de Montauban, que Sicard n’a fait qu’aggraver la vindicte populaire à son égard.

  • 152 ada, notaire Molénier, 3 E 17127, dans un testament du 10 août 1745.
  • 153 Cité par L. Saint-Marty, dans Histoire populaire du Quercy, op. cit., p. 172.
  • 154 ada, G 322, Lettre des sieurs François Lasfargues et Jean Carrandier échevins juges royaux civils, (...)

110D’autres régents ont des occupations moins gratifiantes. Tel Pierre Raffanel de la paroisse Notre-Dame de Las-Planques en Albigeois, dont le notaire de Crespin en Rouergue, mentionne qu’il est « travailleur enseignant des petits enfants »152. En 1784, le cordonnier Duguès exerce la charge de régent à Concots et un garçon de Cénevières est placé chez lui afin d’apprendre à lire, « pour sept mois et une semaine, la pension, chambre, l’école et un ressemelage, s’élevèrent à 21 livres 4 sols »153. Enfin à Peyrusse, les échevins se plaignent de leur régent Pierre Teyssedré qui « ne fait pas la classe et s’absente pour visiter les médecins sans grade, faire le métier de cuisinier chez les uns chez les autres »154.

111La laïcisation des régences est probablement liée à l’accroissement du nombre des lettrés et peut-être aussi à la raréfaction des clercs qui se manifeste, dès les années 1750. Cette évolution se retrouve dans les communautés du diocèse de Montauban où il est possible d’établir une liste de régents. À Montech, Bourret, Escatalens, Finhan, Lavilledieu-du-Temple, Meauzac, Reyniès et Saint-Porquier, au total 92 régents sont connus, entre 1681 et 1789. Si l’on retient la date charnière de 1740, avant cette date, les prêtres ou les religieux représentent 46 % des maîtres d’école et seulement 28 % après. Même si ces chiffres portent sur un échantillon relativement restreint, ils indiquent clairement une tendance à l’abandon des fonctions de régent à des laïcs. Cette tendance se trouve confirmée dans la difficulté qu’ont certaines communautés à pourvoir les postes de régents latinistes souvent confiées à des prêtres jusque-là. À cet égard, les problèmes des consuls de Villemur, après 1750, peuvent sûrement être rencontrés dans d’autres bourgades. Au cours d’une délibération consulaire du 6 avril 1754, les consuls rappellent :

  • 155 Archives municipales de Villemur, rdc, D 8 (1751-1767). Cette évocation permet de compléter le Rép (...)

« [que] de temps immémorial la classe de latin de cette ville a été remplie par un des prêtres consorcistes d’ycelle en faveur duquel, il n’a a jamais imposé que la somme de cent cinquante livres pour son honoraire et dix livres pour le loyer d’une chambre à faire la classe ce qui étoit suffisant pour un homme de la ville qui avait d’ailleurs sa proportion de consorce et autres ressources… »155

112Ce rappel intervient au moment où la communauté se plaint d’un régent latiniste laïque et le remercie. Elle regrette surtout de n’avoir pas de prêtre « propre à remplir cette fonction » et d’être obligée de choisir des acolytes ou des clercs tonsurés qui restent peu de temps à leur poste.

  • 156 adtg, reg. du notaire Malfré, 5 E 9492 ; fol. 728.

113Le vrai problème maintes fois posé à l’occasion du remplacement de ces régents demeure l’insuffisance de la rémunération qui leur était allouée. Considérant les gages trop médiocres, les clercs ont souvent cherché des fonctions enseignantes plus rémunératrices. Quelques-uns prennent en pension chez eux des enfants qui se destinent à poursuivre des études, soit dans un collège, soit au séminaire. À Reyniès, par un contrat passé devant notaire, le 7 août 1725, Jean Marsal, fils d’un bourgeois décédé, est mis en pension chez le curé du village, Peyrega, qui se moque par ailleurs éperdument de la régence du village156. À Montaïn, une quittance retrouvée dans des archives familiales, témoigne de ce que le fils d’un laboureur, Jean Méja, est mis en pension chez le curé du village Maubé. Ce garçon entre ensuite au séminaire et devient prêtre.

  • 157 Citée ci-dessus.

114D’autres clercs peuvent exercer la charge de précepteur dans les familles les plus huppées. Plusieurs cas sont cités dans la monographie sur l’école à Montech et dans les paroisses voisines157. En 1772, le vicaire Audibert est précepteur des enfants de madame Chambert ce qui l’empêche d’exercer son rôle de régent latiniste de la communauté ; l’abbé Pagès a servi chez Domingon, noble d’Escatalens, en 1782 et 1783. Cette fonction était nettement plus rémunératrice que celle de régent de communauté, puisque le sieur Audibert touchait 300 livres de gages chez la dame Chambert soit le double des gages communautaires.

115Délaissant les fonctions de régents dans les communautés, les clercs sont progressivement remplacés par des laïques. De fait, la laïcisation des régences apparaît surtout frappante dans le diocèse de Montauban, en Bas-Quercy, ou dans le sud du Rouergue. En revanche, elle semble moins évidente dans les autres élections où le recrutement du clergé demeure, même s’il a beaucoup diminué, à un niveau élevé. Cela pourrait expliquer le peu d’empressement des communautés à payer un régent laïque alors que des clercs peuvent assurer ces fonctions de manière moins coûteuse pour les charges communautaires. D’ailleurs, celles-ci ne se limitent pas aux gages attribués aux régents. D’autres dépenses font en général partie de la prise en charge financière d’une école, afin de pourvoir à son ameublement, à son entretien ou à la location d’une maison qui « servoit pour les classes ».

  • 158 adl, C 1196, lettre du 15 novembre 1784.
  • 159 adl, état des charges locales, C 1172, le 15 septembre 1787, article 36.
  • 160 adl, état des charges locales, C 1161.

116C’est seulement dans les villes d’une certaine importance que l’on trouve un bâtiment construit pour servir d’école. À Castelsarrasin, la détérioration des locaux apparaît au détour de plusieurs délibérations consulaires. En octobre 1734, le régent réclame l’installation d’un « chassis garni de toilles pour empêcher les rigueurs de l’hiver », et éviter que les pauvres enfants ne prennent mal dans des classes ouvertes aux quatre vents ! Le 26 septembre 1745, le premier consul « a représenté à l’assemblée que les classes de cette ville sont sy détériorées et en sy mauvais état que les régens refusent d’entrer pour l’éducation des enfans, craignant une prompte chûte des d. classes, et qu’il est très nécessaire d’en faire construire de nouvelles ». Après délibération il est décidé d’adresser une requête à l’intendant de Languedoc afin qu’il donne l’autorisation de construire 3 nouvelles classes. En attendant ce nouvel édifice, la communauté est contrainte de louer une maison pendant plusieurs années. À Montauban, un contrat du notaire Franceries signé, le 15 décembre 1777, entre un maçon et le supérieur des Frères des écoles chrétiennes, contient un devis estimatif pour la construction de 2 classes dans le quartier de Villebourbon. Dans un certain nombre de localités, l’école se trouve associée à la maison de ville. À Montjaux, dans l’élection de Millau, l’assemblée des habitants a lieu « dans la chambre des Ecolles servant de maison de ville »158. À Lauzerte les charges locales prévoient 150 livres « pour l’afferme de la maison servant d’hôtel de ville et aux écoles publiques »159. Rares sont les communautés qui, à l’instar de Saint-Céré, se préoccupent d’assurer aux régents latinistes, dont la rémunération s’élève à 300 livres par an, des conditions d’hébergement et d’équipement confortables. La délibération consulaire du 4 septembre 1785 prévoit « 48 livres pour le logement, fourniture des meubles et linges nécessaires aux d. régents »160. Le régent le mieux loti est sans conteste celui d’Auzits où, nous l’avons mentionné ci-dessus, il bénéficie de gages particulièrement élevées grâce à une fondation. Les « comptes de recettes et de dépenses », présentés par le curé pour les années 1744-1748 et 1749-1751, témoignent de l’opulence de cette école particulière. Pendant ces sept années, ont été achetés 10 douzaines et demi d’écritoires (et de plumes), 10 douzaines d’alphabets, 6 rames de papier, 14 douzaines de « livres d’heures », 12 douzaines de catéchismes et 6 douzaines de « sages entretiens ». Le tout s’élevant à un montant global de près de 120 livres de fournitures dont les élèves ont la chance de pouvoir bénéficier. Un autre exemple d’école bien lotie nous est donné par la fondation d’une école de charité à Castelnau-Montratier. Un généreux donateur, Guillaume Jacob, un marchand originaire de la ville a rédigé son testament à Cadix, le 15 novembre 1777. Il prévoit, lui aussi des gages élevés pour le maître d’école mais aussi les fournitures pour les élèves. En voici un extrait :

  • 161 adl, Papiers de la fondation Jacob, non classés. Le testament est indiqué comme la « Copie de la f (...)

« Nous érigeons, fondons et établissons pour toujours une école publique de premières lettres au d. lieu de Castelnau de Montratier où les enfans des habitans pauvres aprennent à lire écrire et chiffrer sans qu’il leur en coûte rien, les instruisant avec le plus grand soin et exactitude dans la doctrine chrétienne et les principes sûrs de la religion catholique par le moyen d’un maître qui ait l’aptitude nécessaire et qui soit d’une probité reconnue et de bonne vie et mœurs et pour son émolument nous lui assignons et fixons sur les rentes du d. patronat la somme de mille livres tournois chaque année desquelles il doit fournir aux enfans qui seront élevés dans la d. école les cathéchismes et autres livres aprouvés de même que le papier, les plumes et l’encre à ceux qui écriront pour que par ce moyen ils puissent recevoir une éducation convenable et dans laquelle est intéressée la cause publique de l’État… »161

117Heureux enfants du peuple dans cette bourgade où l’on se préoccupe autant de leur instruction !

  • 162 adtg, reg. délib., 3 E 914 (4), fol. 30 v° et 31.

118Comme à Auzits, le mobilier des salles de classes ne se trouve pas davantage mentionné dans ce testament qui prévoit pourtant l’installation de l’école dans des locaux que lègue Jacob. En réalité, le mobilier est rarement évoqué et la seule école où sa trace apparaisse est celle de Reyniès où les consuls s’engagent à fournir au régent « les bancs nécesaires tant pour faire asseoir la jeunesse qui lui sera envoyée que les bancs nécesaires pour faire écrire les écrivains »162. Ainsi, deux types de bancs sont mis à la disposition des élèves et pour ceux qui apprennent à écrire, il s’agit probablement de pupitres. Même si ces données sur leurs conditions de vie et de travail demeurent trop rares dans les documents, toujours est-il que, si l’on parcourt les délibérations consulaires ou les charges des communautés, les régents ne semblent pas profiter, sous l’Ancien Régime, d’une situation sociale très enviable !

Carte 4. Les régences en Bas-Quercy, fin xviiième siècle.

119Il ressort de la présence de ces régents toujours plus nombreux, en dépit de leurs mauvaises conditions de salaire et de travail, que la scolarisation des enfants s’avère de mieux en mieux assurée en Haute-Guyenne, et ce, notamment grâce au rôle du clergé. Ce rôle trop souvent décrié est resté méconnu : il a pourtant contribué, avec une réelle efficacité, à l’éducation des enfants dans les campagnes et, en particulier, dans le Haut-Quercy et dans le Haut-Rouergue. Quoi qu’il en soit, partout, le facteur décisif des progrès de l’instruction résulte de la prolifération des régents laïques, en dépit des médiocres conditions d’existence qui leur sont faites, dans la plupart de communautés. Ainsi, l’école a profité à un nombre d’enfants toujours plus important si bien que le bilan des initiatives de l’Église et des communautés apparaît plutôt positif. Ces initiatives ont encouragé les communautés rurales à entretenir leur propre école, elles ont alors contribué à donner un élan décisif à l’essor de l’enseignement au siècle des Lumières et à permettre à un grand nombre d’enfants d’accéder à l’instruction dans les régences latines et dans les collèges.

III. Déclin des collèges et épanouissement des pensions

120À la fin du xviie siècle, la prospérité des collèges apparaît manifeste et leur fréquentation, comme celle des séminaires connaît globalement un essor certain, pour autant qu’on puisse en juger d’après des indications chiffrées imprécises. Cet élan des collèges au temps de la reconquête catholique, a favorisé la formation d’une nouvelle élite urbaine mais aussi rurale, prête à encourager l’enseignement et à répandre l’instruction dans les campagnes. En réalité, les collèges de Haute-Guyenne ont tous connu, dans la première moitié du xviiie siècle, des difficultés qui les ont affaiblis et contribué au déclin de leurs effectifs.

  • 163 Raymond Chalumeau, « Montauban, le collège royal (1634-1762) », dans Les établissements jésuites e (...)

121La crise des collèges de plein exercice s’est traduite par des soucis financiers, par des rivalités qui ont opposé l’administration royale aux congrégations et, probablement aussi, par des problèmes de discipline et d’adaptation. C’est à Montauban que la situation est la plus délicate, au cours des années 1730. Les problèmes financiers dus à un endettement excessif, sans cesse aggravé depuis la fin du xviie siècle, ont certainement contribué à la dégradation du climat dans cet établissement où les effectifs qui étaient de 24 religieux, au début du siècle, se trouvent réduits à 10, en 1735, et la plupart des professeurs doivent se charger de deux classes. Les effectifs ont alors fondu, les rentrées financières qui dépendent du nombre des pensionnaires ont forcément régressé et les déficits ont empiré. En 1731, le déficit est si catastrophique que la fermeture du collège paraît sérieusement envisagée. L’effectif des élèves tombe au plus bas, mais l’établissement se trouve momentanément sauvé : à ses revenus s’ajoutent ceux d’un prieuré et des donations diverses. Même si le collège de Montauban connaît un redressement, en particulier grâce à une fréquentation accrue des élèves, la situation financière n’est pas plus brillante pour autant, lors de l’expulsion des Jésuites, en 1763. La dette s’élève à plus de 60 000 livres et les ressources se limitent à 6 500 livres annuelles pour 4 350 livres de charges163.

  • 164 Jean-Armand de La Vove de Tourouvre, rejette la bulle Unigenitus, avec 15 autres évêques français. (...)
  • 165 François de Dainville, L’Education des Jésuites, xvie-xviiie siècles, op. cit., « Le collège de Ro (...)
  • 166 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p.  (...)

122Le collège de Rodez connaît une situation financière plus saine et le nombre des élèves tel qu’il apparaît dans le tableau des effectifs tiré du catalogue des écoliers, apparaît beaucoup plus stable puisqu’il fluctue entre 415, le maximum atteint en 1719, et 284, en 1729, soit une moyenne de 350 élèves environ entre 1699 et 1731. D’autres problèmes se posent dans cette ville et peuvent expliquer la réduction des effectifs, au cours des années 1720. L’arrivée d’un évêque jansénisant, Jean-Arnaud de La Vove de Tourouvre, contribue à réduire l’influence du collège des Jésuites avec lesquels cet évêque entre dans une ère de controverses théologiques164 particulièrement sévères qui marquent l’histoire ruthénoise, de 1719 à 1740. Dès 1722, cet évêque encourage les séminaristes du collège de Rodez à suivre les cours de théologie donnés par les Dominicains, ce qui provoque une chute brutale des étudiants de théologie au Collège. Ils étaient 68 en 1719, et ne sont plus que 9 en 1724 ! Les chiffres ne commencent à remonter qu’à partir de 1730, au moment où de La Vove de Tourouvre est contraint à faire des concessions. L’analyse des origines sociales des élèves permet de souligner le recrutement très rural du collège de Rodez puisque seulement 40 % des élèves appartiennent à des familles de citadins. Néanmoins ce sont ces derniers qui constituent l’essentiel de la clientèle du libraire Leroux165 et ils sont vraisemblablement les seuls à pouvoir se procurer les livres nécessaires pour assister aux cours dans de bonnes conditions166.

  • 167 Sur ce point voir Pierre Delattre, Les établissements des Jésuites en France, op. cit.

123L’expulsion des Jésuites, prononcée par arrêt du Parlement de Toulouse, dès le 5 juin 1762, déstabilise la plupart des grands collèges qu’ils dirigent d’une main ferme et précipite la chute de la plupart d’entre eux. Les trois collèges de Cahors, Montauban et Rodez passent, en février 1763, sous le contrôle d’un bureau d’administration qui essaie de remettre en route ces établissements. Cela se fait difficilement à Montauban et à Cahors où la mise en place des collèges royaux se heurte à l’opposition de notables. À Rodez, le clergé diocésain réussit, grâce aux encouragements de leur évêque, à reprendre en main le collège royal et le séminaire qui se trouvait uni, depuis la fin du xviie siècle, au collège jésuite si bien que cet établissement échappe au déclin167.

  • 168 adl, Corresp. des intendants, C 1272.

124Partout les problèmes financiers rendent la gestion des collèges de plus en plus épineuse. C’est à Montauban que la situation devient la plus catastrophique, les effectifs se réduisent à 48 élèves en 1778 et, comble de malédiction, les administrateurs perdent un procès et sont condamnés à payer 6 000 livres. Un expert appelé Caminel, est nommé pour analyser la situation financière du collège. Il rédige un Mémoire où il se montre très critique à l’égard des administrateurs qui ont autorisé des travaux pour établir un pensionnat sans aucune garantie de rentabilité et ont laissé la situation financière se détériorer au point qu’en octobre 1786, « il est dû aux professeurs deux quartiers de leurs honoraires »168 qu’il est impossible de leur assurer. Il en conclut que la seule solution est de vendre quelque immeuble, en attendant de redresser la situation par une gestion plus rigoureuse.

  • 169 Voir Annexe no 9.
  • 170 Lucien Cavalié, Figeac. Monographie, op. cit., pp. 172-173.

125Ailleurs à Figeac comme à Moissac, les problèmes financiers, sans atteindre le degré de gravité du collège de Montauban, semblent empirer au cours des années 1770. En dépit de leurs diverses démarches, les autorités consulaires n’obtiennent pas les secours attendus. Le maire de Figeac, M. Niel, s’inquiète sérieusement de l’avenir du collège devant l’assemblée des habitants dans des discours dont nous avons déjà souligné l’intérêt, il multiplie les démarches pour obtenir les nouveaux subsides qui permettraient de le sauver. Dès le 25 janvier 1773, il implore l’intendant d’accorder une somme de 3 000 livres supplémentaires169, sous forme d’une imposition nouvelle qui pèserait sur l’Élection, en vain ! En 1778, la communauté réclame l’augmentation de la prébende préceptoriale de 50 écus qui est exigée du chapitre afin d’accroître les ressources du collège, sans succès ! Cette année-là cherchant d’autres moyens, les consuls souhaitent le rétablissement des 1 100 livres que l’Élection de Figeac payait à l’université de Cahors. Toujours en vain. La délibération du 6 mai 1779 témoigne une fois de plus de l’indigence des moyens financiers et le maire constate avec amertume que la somme des 800 livres servant à pourvoir « au logement et à la nourriture de quatre régens qui sont chargés au moins de six classes, et d’un Préfet, peut à peine suffire pour les faire subsister très médiocrement »170.

126Un arrêt du roi Louis XV, en son Conseil du 15 septembre 1772, fait état du montant de l’imposition levée sur la capitation pour l’entretien des collèges et atteste des inégalités de financement entre les collèges de plein exercice de Haute-Guyenne. Celui de Villefranche-de-Rouergue est le mieux loti, et de loin, avec une pension totale atteignant 5 400 livres ; celui de Cahors touche 2 520 livres ; celui de Montauban, 2 340 ; celui de Rodez, 1440 tandis que les deux collèges de Figeac et de Moissac n’ont qu’une très faible dotation de 360 livres. Un état du montant des pensions des collèges de Tannée 1780 comporte exactement les mêmes sommes. En dépit des supplications des consuls de Figeac qui furent envoyées à l’intendant, la dotation payée par l’Élection demeure à son médiocre niveau.

  • 171 Nous aurons l’occasion de le montrer dans la troisième partie.
  • 172 adl, C 1273, état des revenus des collèges établis dans la subdélégation de Millau, année 1778.

127Les difficultés financières peuvent-elles être considérées comme déterminantes pour expliquer le déclin des collèges à la fin du xviiie siècle ? La réponse apportée par les historiens est très nuancée. Si l’édit de 1763 qui a expulsé les Jésuites a incontestablement précipité les collèges de Cahors et de Montauban dans leur décadence, il n’en est pas de même de celui de Rodez qui maintient, à la fin du siècle, un nombre d’enfants probablement identique à celui du début. Il continue à jouer dans la vie culturelle ruthénoise un rôle important qui encourage, à la veille de la Révolution, quelques élans de modernité171. Quant au collège des Doctrinaires de Nant qui profite de 550 livres de revenus grâce à une de ces métairies située à Meilhac et de diverses autres ressources dont 300 livres de la ville, il compte 73 élèves, en 1778, avec 22 en sixième et cinquième, 20 en quatrième et troisième, 15 en classe d’humanités, 11 en rhétorique et 5 en philosophie172.

  • 173 Michel Bastide, Vie et mort du petit séminaire de Laguiole, Thèse pour le doctorat de troisième cy (...)

128En Haute-Guyenne, la régression du nombre d’élèves a touché peu ou prou les trois établissements des Jésuites, déjà bien avant leur expulsion. Cela a engendré des problèmes financiers qui ont empiré du fait du tarissement des ressources traditionnelles. Ces deux problèmes résultent sans doute de la concurrence des nombreux petits établissements, parfois appelés collèges comme à Millau, à Lauzerte ou à Saint-Antonin, le plus souvent appelés régences latines comme celles de Caussade, Caylus, Montpezat-de-Quercy, Martel ou Espalion, ou Saint-Geniez. Un nouveau petit séminaire a même été fondé à Laguiole, grâce au legs, en 1702, de tous les biens du curé de cette petite ville. Au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle, ce séminaire devient un véritable collège qui fonctionne grâce à la bonne volonté de jeunes clercs très mal rémunérés. Toujours est-il que cette institution a fourni au diocèse un nombre non négligeable de prêtres pour la plupart originaires des villages de la Viadène et de l’Aubrac173. D’autres établissements se sont multipliés dans les petites villes et ont certainement contribué à freiner l’afflux des élèves dans les grands collèges alors qu’ils les ont attirés, au xviie siècle et au début du xviiie siècle. Selon des témoins du temps, ils auraient réduit les possibilités de recrutement d’élèves et n’auraient fait qu’aggraver le déclin de ces anciennes maisons.

  • 174 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p.  (...)
  • 175 Dans « La population scolaire en 1789 », Dominique Julia et Paul Pressly, constatent que « les deu (...)
  • 176 Jean-François Marmiesse, Histoire abrégée de ma vie, Paris, 1828
  • 177 Justin Gary, Notice sur le clergé de Cahors pendant la Révolution, op. cit. François Eyrard a déjà (...)
  • 178 adl, reg. bms, paroisse St-Urcisse de Cahors, 4 E 62/J/4, Me Henri Bès, Me de pension est le parra (...)
  • 179 Il s’agit d’une publication hebdomadaire de la Généralité de Montauban, dans le Fonds Forestié, au (...)
  • 180 Feuille hebdo, no 2, le mercredi 30 juillet 1777. Fonds Forestié, no 1484.
  • 181 Annonces de Montauban, no 25, le mercredi 24 juin 1778. Fonds Forestié, no 1484. Plus original est (...)
  • 182 Arch. mun. de Figeac, reg. délib., BB 22, le 1er mai 1774.
  • 183 Calendrier historique de la Généralité de Montauban, 1787, B.M. Toulouse, Périod., P.A. 10.078.
  • 184 Laurent Serralonga, L’instruction à Gourdon au xixe siècle, de 1815 vers 1880, maîtrise d’histoire (...)

129La raison essentielle est peut-être à rechercher ailleurs. En particulier dans l’incapacité de la plupart des anciens collèges à s’adapter aux nouveau besoins et aux nouvelles attentes des parents. Ces derniers sont plus exigeants sur le plan pédagogique et leurs « stratégies éducatives »174 les conduisent à rechercher des institutions plus modernes pour instruire leurs enfants. Pour y répondre, des écoles d’un nouveau genre apparaissent et se multiplient. Assurant un enseignement parfois identique à celui des collèges mais souvent plus spécialisées, ces écoles naissent et se développent grâce à des initiatives individuelles et promettent de nouvelles méthodes pédagogiques. À la fin de l’Ancien Régime, pensions et institutions privées se multiplient afin de répondre à une sollicitation des parents désireux d’une éducation plus sérieuse et mieux surveillée175. Un témoignage illustre, dans le Quercy, cette attitude nouvelle des parents : il s’agit de l’Histoire abrégée de ma vie de Jean-François Marmiesse où il raconte son parcours scolaire particulièrement chaotique, dans diverses institutions cadurciennes. Comme beaucoup d’enfants de notables, il apprend à lire avec un précepteur, puis se rend à l’école de son village, à Espère, près de Cahors. Pendant un an, il fait ensuite son apprentissage du latin avec un de ses frères, entre dans une pension pour y suivre la classe de quatrième et en change pour faire la troisième. Il entre en seconde au collège royal où il reste jusqu’en philosophie et par la suite poursuit ses études de théologie au séminaire tout en voyageant beaucoup176. Cet itinéraire témoigne de l’existence de deux pensionnats privés à Cahors. Il en existe d’autres notamment ceux que François Eyrard, un Lazariste177, a ouverts et celui d’un maître de pension qui se nomme Henri Bès178. L’exemple montalbanais, à partir du relevé des publicités faites en faveur de telles institutions dans la Feuille hebdo qui devient les Affiches, Annonces et Avis, est révélateur de leur foisonnement. Dans cette gazette, entre 1777 et 1780, six pensions offrent leurs services pour l’instruction des jeunes, à Montauban et une à Montech179. Le 6 août 1777, le sieur Bonnal, « professeur arithméticien et teneur de livres, tant à double qu’à simple partie avertit le public qu’il a changé de demeure »180. La pension ouverte à Montech se veut plus ambitieuse puisque le maître s’engage à conduire ses élèves jusqu’à la philosophie en leur apprenant les règles de la grammaire latine, l’histoire, la géographie et l’art de bien écrire le français181. À Figeac le sieur Augustin Pool s’engage à enseigner ces disciplines en ouvrant un « cours d’école publique pour les commençans »182. À Moissac, M. Lavénère est maître de pension en 1787 et il enseigne les langues française, latine et grecque ainsi que les mathématiques183. Enfin des maîtres de pension sont signalés à Gourdon après 1780184. L’instruction relève de plus en plus de l’initiative privée, qu’il s’agisse de précepteurs ou de pensions tenues par des maîtres. Cela ne fait qu’aggraver la désorganisation du réseau d’écoles. Et les difficultés financières de la fin du règne de Louis XVI sont de plus en plus perceptibles à la fin des années 1780, au moment où une nouvelle vague de création d’écoles répondant davantage aux exigences des parents semble se développer. Cette vague touche aussi l’éducation des jeunes filles.

IV. La scolarisation des filles continue de progresser

130Les écoles de filles n’ont cessé de se multiplier à la fin du xviie siècle, grâce aux fondations encouragées par les congrégations religieuses dont nous avons vu les nombreuses implantations. Le réseau des écoles de filles qui s’est alors étendu à l’ensemble des villes et des bourgades du Rouergue et du Quercy, a continué de s’étendre à des bourgades plus petites et peu à peu, avec le foisonnement des vocations religieuses féminines, mais aussi grâce à de nombreuses régentes laïques, des écoles pour les filles s’installent dans les gros villages.

  • 185 adl B 289, reg. des actes d’insinuations.
  • 186 C’est-à-dire avec des intérêts de 5 %
  • 187 Arch. mun. de Caylus, reg. délib., BB 8, le 23 août 1778, fol. 24 et suivantes.
  • 188 adl, H 53 et H 54.
  • 189 adtg, notaire Frontgous, 5 E 5815, le 28 octobre 1776, contrat du mariage d’un travailleur « habit (...)
  • 190 Jean Calvet, « L’éducation des filles à Castelnau, au xviiie siècle », bsel , t. 74, octobre-décem (...)
  • 191 Henri Bressac, La châtellenie de Saint-Céré, op. cit., p. 285.
  • 192 Firmin Galabert, « Les écoles autrefois, » op. cit.

131Les donations déjà fréquemment évoquées au sujet des écoles au xviie siècle, continuent de favoriser les fondations de régences. En Quercy les Mirepoises ont toujours les faveurs des donateurs. 600 livres sont attribuées par le curé de Biars aux demoiselles des Écoles chrétiennes de Martel, le 27 novembre 1749185. À Caylus la demoiselle Raygade leur accorde par son testament, le 3 mai 1766, sa maison et ses dépendances, des « rentes constituées au denier 20 »186 dont les capitaux réunis font la somme de 8 560 livres, des vignes, des chènevières, quelques autres champs et enfin des bois187. Ce legs de grande valeur n’aboutit qu’en 1780 à la création d’un établissement par les sœurs de Nevers. Les Mirepoises apparaissent comme une congrégation disposant de sources de revenus suffisamment diverses pour refléter une certaine opulence. En témoignent les restitutions de donations faites à des jeunes filles qui n’ont pu s’engager dans la congrégation. Marianne Labroué a reçu 3 000 livres de dotation, en 1755, et on ne lui rembourse que la moitié de sa dot, en 1768. En témoignent aussi les rentes constituées dont elle tirent profit aux alentours de Caylus, à Promilhanes, à Saint-Projet et à Beauregard188 ou encore grâce à la possession d’une métairie à proximité de Lauzerte189 ; cela leur permet de fonctionner sans bénéficier d’une aide importante des communautés. Elles ont ouvert une école à Castelnau-Montratier190, en 1729, à Saint-Céré, en 1735191, à Réalville et à Molières192, en 1745, à Mirabel et à Négrepelisse en plus de celles qu’elles contrôlent à Caussade, Lauzerte, Martel, Moissac et bien entendu à Cahors.

  • 193 ada, vis. past., G 121, le 12 juillet 1743.

132En Rouergue les Sœurs de l’Union Chrétienne que l’on appelle plus communément « Filles du Travail » ont multiplié leurs écoles, dès le début du xviiie siècle. Cette congrégation profite comme les Mirepoises de donations qui facilitent l’installation des « Filles » dans un certain nombre de paroisses, mais globalement leurs revenus sont très nettement inférieurs et elles revendiquent sans cesse des aides financières, auprès des communautés. Elles s’installent à Conques où elles reçoivent un legs de 600 livres destiné à rémunérer une régente qui appartienne à leur congrégation et qui apprenne à lire et à écrire aux jeunes filles193. Lors des visites pastorales de Jean d’Yse de Saléon, des Sœurs de l’Union se trouvent à Lunet d’Aubrac, à Saint-Geniez, à Marcillac, à Saint-Dalmazy, à Conques ou encore à Livinhac. L’évêque a aussi contribué à leur établissement à Villeneuve-de-Rouergue, lors de sa visite, en août 1739. Il ordonne qu’une école de filles soit créée, à Salles-Curan, et suggère qu’une régente soit établie, à Réquista.

133D’autres écoles de filles existent et les initiatives pour développer leur instruction sont d’une grande diversité. Des régentes laïques rémunérées par les communautés se retrouvent dans de nombreux villages et bourgades, en particulier, dans le diocèse de Vabres et dans le pays millavois.

  • 194 ada, état des charges locales, C 1779.
  • 195 ada, état des charges locales, C 1763, le 17 septembre 1780, la communauté juge « qu’il n’est pas (...)

134Dans cette ancienne contrée huguenote, l’exemple de la scolarisation des garçons a sans doute fait tache d’huile. À Sainte-Eulalie-du-Larzac, la délibération du 24 septembre 1787 revendique l’augmentation des gages de la régente de 50 livres, « vue la cherté énorme des denrées et le nombre de jeunes filles qui se porte à plus de 60 »194. À La Cavalerie, l’évêque de Vabres interdit au régent d’enseigner aux filles, la communauté décide alors de rémunérer une régente195. Dans le Rouergue où les vocations religieuses des jeunes filles sont aussi nombreuses que pour les garçons, il existe diverses sortes de congrégations dévotes qui entendent développer l’instruction. À Lavergne :

  • 196 ada, G 114, en juillet 1738.

« Il y a une maitresse d’école approuvée et qui enseigne les filles sans autre chose que l’honoraire qu’un chacun lui donne. Il y a aussi quelques filles pieuses qui sont assemblées et vivent ensemble et qui souhaiteroient que nous approuvassions leur association et que nous lui donnassions des règlements »196.

  • 197 Cet inventaire se trouve intégralement recopié dans l’étude de Jean Donat, « L’instruction publiqu (...)
  • 198 Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 13, délibérations des 8 septembre, 22 octobre, 3 et 17 décembre 17 (...)
  • 199 Ibidem, les 22 juin et 3 septembre 1719, BB 17 : elles obtiennent, alors, le soutien de l’évêque d (...)
  • 200 ada, C 1778.

135Les écoles des filles ont souvent donné lieu à de fréquentes délibérations consulaires surtout dans les villes. Que ce soit à Caylus ou à Saint-Antonin une multitude d’allusions à l’école des régentes apparaissent dans les registres. C’est à Saint-Antonin que l’on peut suivre le mieux l’évolution de cette école tenue, dès 1702, par les Mirepoises. La délibération du 22 octobre engage la communauté à leur attribuer une maison, à leur verser une pension annuelle de 200 livres et à meubler les pièces. Grâce à un inventaire des meubles « délivrés aux dames de l’Union chrestienne des escholes de filles » de Saint-Antonin, le 18 décembre, nous connaissons, dans le détail197, la dotation qui leur a été faite : chaises, table, lits et paillasse, le tout s’élèvant à la somme de 274 livres. Jugeant que cela ne suffisait pas, elles se font livrer 19 bancs après la délibération du 10 avril 1703. Les exigences de ces « dames régentes » ne s’arrêtent pas là, puisqu’elles réclament 100 livres de pension supplémentaires et obligent un consul à faire leur déménagement198. Plus tard, en 1719, elles menacent de quitter la ville si elles n’obtiennent pas les subsides qu’elles espèrent « attendu la cheretté des vivres » ; en 1724, elles revendiquent des réparations pour améliorer les salles de classe ; en 1744, une nouvelle maison est achetée pour les loger, d’où leurs nombreuses suppliques pour la faire réparer ; enfin, en 1770, le maire Lacombe fait observer que « l’établissement de ces dames est des plus utiles pour le public » et une augmentation de 100 livres leur est accordée199. Dans les charges locales des années 1780, la communauté s’engage à leur payer 500 livres, soit 200 livres de plus qu’aux pères Carmes200, un écart exceptionnel en faveur des régentes ! Cet exemple d’école dans une petite ville permet d’illustrer le fonctionnement d’une de ces régences où les congrégations ont contribué à l’instruction des jeunes filles, jusqu’à la Révolution.

136La multiplication d’écoles autant des filles que des garçons est une incontestable réalité tout au long du xviiie siècle. Comment croire alors un seul instant à ces bilans jugeant inexistante la scolarisation des enfants, en Quercy et en Rouergue, sous l’Ancien Régime ? Qu’en est-il dans ces bilans, des régences pourvues par tel donateur, ou par tel bienfaiteur ? Qu’en est-il des écoles tenues par des vicaires ? Qu’en est-il des écoles prises en charge par la préceptoriale ? Qu’en est-il des saisonniers de l’écriture rémunérés par les parents ? Il va sans dire que le réseau des écoles contrôlées par les communautés, et donc, par l’administration royale, ne constitue qu’une infime fraction du réseau d’instruction et touche essentiellement les enfants des villes. À côté de l’école officielle que l’on commence à appeler « l’école publique », se développent des écoles marginales laissées aux initiatives individuelles et le plus souvent improvisées.

137Certes, dans son incroyable diversité s’est mis en place un système d’enseignement qui nous apparaît totalement anarchique et ce système contraste avec les nombreuses écoles villageoises tenues par les communautés dans le Bas-Languedoc voisin où s’est constitué un réseau d’écoles mieux organisé. Néanmoins, ce système à certains égards archaïque, révèle une formidable volonté de s’instruire qui exprime un changement des esprits et une mutation profonde de la culture du peuple au xviiie siècle. Cette mutation décisive conduit aux indéniables progrès de l’alphabétisation qui touche, désormais, une population plus nombreuse.

Notes

1 adtg, reg. délib., 3 E 909.

2 Comme elle l’a bien montré dans : « Petites écoles en Languedoc au xviiie siècle », Annales, ESC, 1971, pp. 1397 à 1418.

3 Voir l’étude de Marie-Madeleine Compère, « Ecole et alphabétisation en Languedoc aux xviie et xviiie siècles », dans Lire et écrire, t. II, op. cit., et celle de Michel Vovelle « Y a-t-il eu une révolution culturelle au xviiie siècle ? À propos de l’éducation populaire en Provence », RHMC, janv.-mars 1975.

4 Arch. mun. de Montech, reg. délib., BB 4, le 9 juillet 1737.

5 Arch. mun. de Saint-Antonin, reg. délib., BB 20, fol. 171.

6 Cité par Robert Latouche, Saint-Antonin. Pages d’histoire, Montauban, 1913, p. 66. Il mentionne « La Relation faitte par Pierre Vieusseux-Léger à ses enfants de son départ de Saint-Antonin pour Genève en 1688 », publiée dans bshpf , t. XXV, 1876, pp. 275-278.

7 Arch. mun., Villemur, reg. délib. (1732-1750), D 7.

8 Arch. mun., Caussade, reg. délib. (1743-1753).

9 François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire, op. cit.

10 Guy Astoul, « Ecole et régents à Reyniès au xviiie siècle », paru dans bsatg , tome CXVI, 1991, pp. 133-153. L’abondance des sources, permet de suivre le fonctionnement de l’école dans ce village de la vallée du Tarn situé près de Montauban, entre 1688 et 1772, notamment grâce aux 35 délibérations consulaires témoignant de la place que la « régence » occupe dans les préoccupations du conseil politique de la communauté.

11 adtg, reg. délib. 3 E 914, en 1747 et en 1763. Sicard est désigné, par la délibération consulaire du 26 novembre 1758, pour faire la régence de Reyniès.

12 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), fol. 122, le 1er mai 1763.

13 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), délibération reproduite en Annexe no 6.

14 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), fol. 124 v°.

15 adtg, reg. délib., 3 E 914 (6), fol. 122. Il est question « des plaintes de presque tous les habitants de ce lieu et nottament des parens qui envoyent leurs enfans à l’école publique ».

16 Dominique Blanc, « Les saisonniers de l’écriture. Régents de villages en Languedoc au xviiie siècle », Annales ESC, juillet-août 1988, no 4, pp. 867-895.

17 Mireille Laget, « Les petites écoles en Languedoc », dans les Annales ESC, op. cit.

18 adtg, registre de délib. cons., 3 E 3340.

19 Il s’agit des Frères de Ecoles chrétiennes, installés à Montauban, à partir de 1743.

20 Dominique Julia dans sa contribution parue dans : Illettrismes sous la dir. de Béatrice Fraenkel, op. cit., « Figures de l’illettré en France à l’époque moderne », fait une mise au point utile sur « les apprentissages pluriels », sous l’Ancien Régime, pp. 61-65.

21 Michel Claeyssen, « L’enseignement de la lecture au xviiie siècle », dans Donald N. Baker et Patrick J. Harrigan, The making of Frenchmen : current directions in the history of education in France, 1679-1979, Waterloo, Canada, 1980, pp. 63-74.

22 adtg, délib. cons., 3 E 914 (5), fol. 28.

23 Lucien Cavalié, Figeac. Monographie, op. cit., pp. 168-169.

24 Ibidem, pp. 170-171.

25 Voir Annexe no 8.

26 Arch. mun. de Figeac, BB 22.

27 Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 26.

28 adl, C 1272.

29 adtg, reg. notaire Pierre I Malfre, 5.E.9503, fol. 486 v°.

30 adtg, notaire Philippy, 5 E 6307. Dans le même contrat, un autre élève Jacques Rogier « promet icy presant d’êstre bon dissiple humble et obéissant aud. Gardes son maistre, et luy obéir en toutes choses licittes et honnestes ».

31 ada, notaire Alibert de Vailhourles, 3 E 8945, le testament du 27 juin 1784,10e cahier, acte no 107 et le codicille du 11 août 1784,11e cahier, acte no 123.

32 Arch. dio. Cahors, documents Albe, 6-21.

33 M. Vialadieu, Monographie sur Vabre-Tizac, p. 22.

34 ada, vis. past., G 116.

35 Statuts adoptés lors du synode du 3 mai 1685 et publiés par Bonnet, imprimeur à Cahors, en 1686.

36 L’école à Montech et dans les paroisses voisines, monographie citée ci-dessus.

37 adtg, 2 E 334, Papiers de la famille Daliès.

38 Christiane Constant-Le Stum, Journal d’un bourgeois de Bégoux : Michel Célarié (1771-1836), Paris, Publisud, 1992.

39 Jean-François Marmiesse, Histoire abrégée de ma vie, 2 vol., Paris, 1828. C’est au début de son livre qu’il raconte son enfance ainsi que les études qu’il a faites, pp. 1 à 17

40 Philippe Aries, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, 1960, réédition 1973. Du même auteur, « L’éducation familiale » dans L’histoire mondiale de l’éducation, Paris, 1981, t. II.

41 Marcel Grandière, « L’éducation en France à la fin du xviiie siècle : quelques aspects d’un nouveau cadre éducatif, les “maisons d’éducation” (1760-1790) », rhmc , t. 33, juillet-août 1986, pp. 440-462.

42 Antoine Gautier-Sauzin, Coup d’œil sur l’éducation, ouvrage également utile aux pères et aux mères, et instituteurs et institutrices, par le citoyen Gautier-Sauzin, membre de la Société des Arts et Sciences de Montauban, édité à Montauban, chez Fontanel, en l’an VI. Ce riche propriétaire protestant fait une nouvelle édition de cet ouvrage beaucoup plus tard, en 1821. Voir l’article de Louis Canet, « Les idées pédagogiques de Gautier-Sauzin » dans ram. , t. 36,1922-1923, pp. 123-137.

43 Mémoires de la jeunesse de Guillaume-Marie Ayral, Manuscrit déposé à la B.M de Toulouse, consulté sous microfilm. Il est le petit-fils d’un conseiller à la Cour des Aides de Montauban qui acheté la seigneurie de Sérignac en Lomagne. Son père se marie à 40 ans avec la belle-sœur d’un conseiller de Beaumont-de-Lomagne, originaire d’Auch. Les parents de Guillaume-Marie vivent sur leurs terres de Sérignac dans une gentilhommière, lorsqu’il naît le 1er janvier 1766. Il commence ainsi son manuscrit : « Mémoires de la jeunesse de Guillaume-Marie Ayral, citoyen français domicilié à Saint-Nicolas de la Grave, ancien soldat du ci-devant régiment du Maine, puis colonel de la garde nationale de Sérignac, puis dragon volontaire de la ville de Toulouse, enfin capitaine quatrième bataillon de la Haute-Garonne, à présent grenadier au septième bataillon du même département. À Ax, département de l’Ariège, le 20 juillet 1793, Tan I de la République une et indivisible ». Ainsi se présente ce militaire qui fait ensuite une brillante carrière dans l’armée sous l’Empire, comme sous les autres régimes.

44 Ibidem, p. 16 et pp. 31-32.

45 Ibidem, pp. 63-64, 69-70 et 91-93.

46 La promotion sociale peut être étudiée selon la méthode de la reconstitution des familles telle qu’elle a été mise en œuvre par Jean-Marc Moriceau pour étudier la mobilité sociale chez les fermiers du Bassin parisien, dans Les fermiers de l’Ile-de-France. Ascension d’un groupe social ( xve -xviiie siècles). Thèse de lettres, Paris, 1994. Deux historiens canadiens, Gérard Bouchard et Jeannette Larouche, ont appliqué cette méthode afin de cerner l’alphabétisation de leur pays comme ils en rendent compte dans un article, « Nouvelle mesure de l’alphabétisation à l’aide de la reconstitution des familles », paru dans Histoire sociale - Social History, vol. XXII, no 43, mai 1989, pp. 91-119.

47 Patrick Ferté, « La population étudiante du Rouergue au xviiie siècle », dans Les uni versités européennes du xvie au xviiie  siècle. Histoire sociale des populations étudiantes, t. 2. Paris, Editions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 1989, p. 540.

48 Mémoires de la jeunesse de Guillaume-Marie Ayral, manuscrit déjà cité, p. 2.

49 ada, 3 E 8945.

50 adtg, notaire de Bioule, Lacombe, 5 E 7236, fol. 443-444.

51 René Toujas, « L’apprentissage à Castelsarrasin durant les dernières années du règne de Louis XIV (1686-1715) », dans les Actes du xxie Congrès des Sociétés académiques et savantes de Languedoc-Pyrénées-Gascogne de 1965, à Moissac, pp. 144-152.

52 adtg, notaire Massol de Saint-Projet, 5 E 18257, contrat du 26 décembre 1781, fol. 493 à 496.

53 adtg, notaire Bonnet d’Escatalens 5 E 9155, contrat du 28 février 1772, fol. 709 à 711.

54 adl, J 248, Lettre imprimée de l’évêque Louis-Marie de Nicolaï, datée du 3 décembre 1783. Il recherche visiblement à accroître les ressources financières de cet établissement afin de garantir sa survie.

55 Augustin Gazier, Lettres à Grégoire sur les patois de France, 1790-1794, Paris, 1880. Lettre de Chabot, question 32, p. 62. Voir annexe no 11

56 Patrick Ferté, « La population étudiante du Rouergue au xviiie siècle », op. cit. Dans cette longue étude, il observe notamment que les contrées qui envoient le plus d’étudiants faire des études de théologie sont le sud du Causse de Sauveterre et le Lévezou comme si le Millavois faisait un effort pour reconquérir les âmes perdues au temps du protestantisme. En revanche, il constate que « tous les districts du Ségala central (entre Aveyron et Viaur) désertent à la fois l’Église et l’université » ce qui résulterait d’une « paupérisation » de ces contrées (p. 546).

57 Avec la procuration de ses parents, il assiste sa sœur Antoinette Canhac lors de son contrat de mariage avec Jean Castel dont il a déjà été question ci-dessus. Précisons qu’Antoinette Canhac est alors encore au service de son oncle ancien curé de Saint-Grat depuis dix ans.

58 adtg, reg. bms (1766-1789), 6 E 123/2. Turq est curé à partir de 1765.

59 Patrick Ferté, « La géographie statistique du recrutement des anciennes universités. un révélateur des efforts de la conjoncture économique sur la conjoncture étudiante », dans Donald N. Baker et Patrick J. Harrigan, The making of Frenchmen : current directions in the history of education in France, 1679-1979, op. cit., pp. 313-325. Certes comme il l’a fort bien analysé, cet essor est vraisemblablement dû à une conjoncture économique particulièrement favorable, entre 1740 et 1770.

60 J. F. Henri de Richeprey, Journal des voyages, op. cit., t. I, pp. 295 et 325.

61 Jean-Marc Moriceau, Les fermiers de l’Ile-de-France. Ascension d’un groupe social ( xve-xviiie siècles), op.cit.

62 Lucile Bourrachot et Jean-Pierre Poussou, « Les départs des passagers quercinois pour les Antilles et le Canada au xviiie siècle par le port de Bordeaux », dans les Actes du 23e Congrès d’études régionales organisé à Figeac, les 2-4 juin 1967, par la Société des Etudes du Lot, pp. 423-437 ; « L’émigration quercinoise par le port de Bordeaux au xviiie siècle », bsel , t. 95, octobre-décembre 1974, pp. 129-145. Les auteurs mentionnent les départs de 266 Quercinois pour les Antilles, entre 1758 et 1787 dont 147 de 1768 à 1777.

63 Firmin Galabert, Louis Boscus, La ville de Caussade, ses vicomtes et ses barons, op. cit. Ils évoquent les armateurs du Caussadais partis faire fortune sur les mers. Citation par Louis Canet dans Lectures d’histoire locale, t. 3, pp. 174-177.

64 Il s’agit de petites paroisses, mais comme l’observe justement Patrick Ferté, il n’est pas rare que de jeunes gradués de théologie patientent assez longtemps avant d’obtenir des bénéfices mieux rentés.

65 adtg, notaire Frontgous de Durfort, 5 E 5917, fol. 2251-2254, le montant de la dot s’élève à 12 000 livres.

66 Voir le règlement de l’évêque de Montauban vers 1740, Annexe no 3.

67 Ibid., art. 9.

68 adtg, rdc de Reyniès, 3 E 914.

69 adtg, Reg.bms, 6 E 194/1.

70 adtg, Reg. bms 6 E 118/1.

71 Cette monographie manuscrite sur Puylaroque m’a été aimablement communiquée par un instituteur originaire de cette bourgade. Mr Bourjol raconte comment au temps où il allait à l’école dans son enfance, au cours des années 1870, ses parents payaient encore une redevance en nature destinée à l’instituteur comme le voulait la tradition. Pareille pratique, dans la Lomagne, nous a été confirmée par un participant au colloque de Flaran, en 1991.

72 adtg, 3 T 1, Renseignements sur les instituteurs primaires de l’arrondissement de Montauban, en 1811. L’instituteur de Corbarieu est Jean-Pierre Canihac, il a 58 ans et il enseigne à 23 élèves.

73 adtg, rdc de Reyniès, 3 E 914, fol. 29 v°.

74 ada, G 314, doct 12, le texte de la transaction de 1513 est rappelé en occitan : « Seran tengus de ajuda a fa lou divinal oufice al vicary ou capela regen la d.gleya ».

75 Sans doute faut-il souligner la grande complexité du découpage sous l’Ancien Régime. Viarose est une petite paroisse proche de Moissac, mais les habitants comme pour la plupart des petites paroisses qui ceinturent les villes, dépendent de la gestion consulaire de la ville voisine, en l’occurrence de celle de Moissac. Arch. mun., Moissac reg. bms, GG 29, le 26 novembre 1776.

76 adtg, reg. bms, 6 E 110/2, un vicaire-régent apparaît de façon continue de 1764 jusqu’en 1786.

77 adtg, Notaire Pechverty de Mirabel, 5 E 15234.

78 adtg, reg. bms, successivement 6 E 113/7, 3 E 119/E 15, 3 E 119/7, 3 E 119/12.

79 adtg, 6 E 038/2 et Arch. mun. de Caylus, GG 26 (1740-1757).

80 adtg, 6 E 112/17, 6 E 189/1, 3 E 183/3,6 E 092/2.

81 adtg, notaire de Caussade, Souliagou, 5 E 15588, le 13 janvier 1784.

82 Antonin Perbosc, « Monographie de Lacapelle-Livron », ram , 2e série IV-1898, p. 176.

83 adtg, reg. bms, 3 E 132.GG5 et 6.

84 adl, C 1172, état des charges locales de 1788.

85 adl, C 1161, état des charges locales de 1786.

86 ada dans la série G. L’enquête de Champion de Cicé apporte une richesse d’informations telle, qu’elle a donné lieu à une publication : Louis Lempereur, Etat du diocèse de Rodez en 1771, Rodez, 1906. Les comptes-rendus des visites pastorales d’Ise de Saléon, effectuées entre 1737 et 1747 se trouvent dans 12 registres côtés : G 112 à 123

87 ada, Vis. past., G 118.

88 ada, Vis. past., le 5 novembre 1739, le « prêtre dit une seconde messe auquel le curé donne 50 écus au moyen de quoi, il tient la régence des écoles. Celui qui y est actuellement s’appelle Berydand, il est Irlandois et il est approuvé de nous. »

89 ada, Vis. past., le 19 octobre 1742, G 120.

90 ada, Vis. past., le 19 novembre 1737, G 113.

91 ada, Vis. past., le 19 novembre 1737, le plus étonnant c’est que la fondation permet aussi d’acheter pour 40 livres de matériel : « Papier, livres, plumes des écoliers ».

92 Le « secondaire » est une autre façon d’appeler le vicaire chargé de la « seconde messe ».

93 Déjà cité ci-dessus en tant que vicaire de Viviez.

94 ada, Vis. past., le 11 octobre 1745, G 123.

95 ada, Vis. past., le 23 mai 1738, G 113.

96 ada, Vis. past., le 18 octobre 1739, G 11

97 Il s’agit de Lafrançaise.

98 Firmin Galabert, « Les écoles de Tarn-et-Garonne autrefois », bsatg , t. 33-1905, p. 252.

99 Mireille Laget, « Petites écoles en Languedoc au xviiie siècle », étude déjà citée.

100 Louis Lempereur, Etat du diocèse de Rodez, en 1771, Rodez, 1906, réalisé d’après les réponses au questionnaire de Jérôme-Marie Champion de Cicé, aux ada, sous la côte GG 20 et 21. Une des nombreuses questions posées portait sur l’école.

101 Dominique Julia, « L’enseignement primaire dans le diocèse de Reims, à la fin de l’Ancien Régime », dans Histoire de l’enseignement de 1610 à nos jours. Actes du 95e Congrès national des Sociétés savantes, Reims, 1970, pp. 430-431.

102 Contribution de Jean Delmas, dans Histoire du Rouergue, op. cit., « Vitalité contrariée sous l’Ancien Régime (1562-1788) », pp. 255-276. Il n’est d’ailleurs pas exclu que cet oubli soit volontaire et résulte d’une volonté délibérée de la part des desservants des paroisses de noircir le tableau afin de décourager l’évêque d’accroître ses exigences financières !

103 Jean Delmas, « Carte des petites écoles du Rouergue au xviiie siècle », Cycles 1987-1990 de l’Université populaire du Rouergue, Rodez, brochure dactylographiée, aux ada

104 État des charges locales des communautés de chaque élection, aux adl, pour l’année 1786 : C 1157-1161 ; pour 1787 : C 1165-1167 ; pour 1788 : C 1171-1173. pour 1789 : C 1177-1179.

105 ada, C 1748-1785, état des charges des communautés du Rouergue.

106 Il n’est pas rare que dans le nord du Rouergue ou dans la vicomté de Turenne, les consuls soient désignés sous le terme d’échevins comme dans le France du nord.

107 Pour les élections du Quercy, la totalité des documents se trouve aux Archives du Lot. En principe, les chiffres retenus correspondent à ceux de l’année 1786. Ils sont généralement analogues pour les années suivantes. Des documents identiques se trouvent aux Archives de l’Aveyron, pour les 3 élections du Rouergue. Ont été consultés les états des années 1781 à 1789. Comme pour le Quercy, les données retenues portent essentiellement sur les années 1785 et 1786 pour lesquelles les indications étaient les plus complètes et les plus précises

108 Des tableaux détaillés, réalisés à partir des états des charges locales, figurent dans la version complète de la thèse.

109 Longuement analysé par Mireille Laget, dans « Petites écoles en Languedoc au xviiie siècle », étude déjà citée où elle mentionne la forte densité des écoles dans le Languedoc huguenot, par opposition au Languedoc resté fidèle au catholicisme comme la région toulousaine.

110 Ibidem, p. 1417.

111 adl, Notaire Valéry, 3.E.600-31à 36.

112 Tibor Pataki, Cressensac dans la vicomté de Turenne, Brive, 1984, p. 289.

113 L. Saint-Marty, Histoire du Quercy, op. cit., p. 333, en note.

114 ada, état des charges locales respectivement de 1780, C 1776, et de 1781, C 1782.

115 ada, délib. cons., article no 4, 2 E 269-3.

116 Il s’agit en réalité de communautés qui se sont « désunies » de celle de Saint-Chély-d’Aubrac, selon un phénomène assez courant, à la fin du xviiie siècle, de revendication de l’indépendance pour les petites communautés du diocèse de Rodez.

117 adtg, délib. cons., dans les registres 3 E 2431, 2432 et 2433

118 adtg, délib. cons. de la communauté de Moulis, 3 E 749. Il a déjà été indiqué que Moulis n’est qu’une annexe de la paroisse de Reyniès.

119 adtg 3 E 912, un compte rendu très complet de ce procès, comprenant cinquante-cinq pages, est conservé. Il contient la requête des consuls de Moulis, la plaidoirie de Lafaille, l’avocat du curé de Reyniès, et le verdict du subdélégué de l’intendant, en particulier, fol. 15, 45, 47, 48, 49, 50, 51 et 52.

120 Eugène Sol, « L’instruction en Quercy », op. cit., bsel No 51-1930, p. 249.

121 Marie-Léone Alary, « Les petites écoles de Beaumont en Rouergue », rdr , 1986, déjà cité.

122 C’est le constat fait par Mireille Laget, lors du Colloque de Marseille, en 1971 : Le xviie siècle et l’éducation, supplément au no 88 de la Revue Marseille, 1er trimestre 1972. Au cours du débat qui a suivi son intervention sur « Ecoles paroissiales et Révocation dans le diocèse de Montpellier », p. 7, elle affirme qu’« on a le sentiment, dans les actes passés avec les régents d’écoles, que ce sont des gens considérés ».

123 Christine Métayer, « De l’école au palais de justice : l’itinéraire singulier des maîtres-écrivains de Paris (xvie-xviiie siècles) », dans Annales, esc septembre-octobre 1990, no 5, pp. 1217-1237.

124 ada, état des charges locales, respectivement de 1780, C 1776, et de 1781, C 1782.

125 ada, état des charges locales, C 1781, délibérations de 1785 à 1788.

126 ada, état des charges locales, C 1751.

127 ada, état des charges locales, C 1755.

128 adtg, délib. cons., le 18 mai 1760 : « Les autres escoliers allant appendre à escrire et compter du précepteur que le sieur Garrigues des Bicous dans la présente communauté a esté obligé d’avoir ».

129 Congrégation fondée en 1680, par Jean-Baptiste de La Salle, chanoine de Reims.

130 Edouard Rabaud, Les Ecoles à Montauban, op. cit., pp. 16-23.

131 Histoire de Rodez, op. cit., contribution de Jean Delmas, pp. 152-153.

132 Bernard Paumés, « Les écoles de Cahors avant la Révolution », bsel , t. 30,1905 et t. 31, 1906.

133 adl, C 1272.

134 adl, C 1273, état des revenus des collèges de la subdélégation de Millau, en 1778.

135 Jean Donat, Une communauté rurale à la fin de l’Ancien Régime, Montauban, 1926, (Il s’agit de Larrazet). Précisons qu’une livre comprend 20 sols. Selon Jean Donat, les revenus annuels d’un brassier équivalent à ceux d’un régent mais un charpentier gagnerait davantage. En outre, une paire de bœufs coûterait de 250 à 300 livres, ce qui en fait un bien de grande valeur nécessitant deux années de travail d’un brassier pour qu’il puisse l’acquérir. Les estimations de Jean Donat apparaissent cependant plutôt avantageuses si on les compare avec les revenus plus modestes des brassiers et des artisans du Quercy et du Rouergue. Sans doute les communautés des pays de Moyenne Garonne bénéficient-elles de ressources plus élevées et d’un niveau de vie plus opulent.

136 Michel Morineau, « Budgets populaires en France au xviiie siècle », dans Revue d’Histoire économique et sociale, 1972, no 2, no 4.

137 ada, vis. past., G 117. Lors de la deuxième visite d’Yse de Saléon, en 1744, un autre maître d’école se trouve dans cette paroisse, cf G 122.

138 ada, vis. past., G 117, successivement le 7 septembre 1739, le 11 et le 20 novembre 1739.

139 ada, vis. past., G121.

140 ada, vis. past., G 122.

141 adtg, délib. cons., 3 E 918, fol. 14 v° et 15.

142 adtg, délib. cons. le 8 avril 1764, 3.E.3340, fol. 40 v°.

143 Voir en Annexe, la délibération du 8 août 1728, à Montcuq, dont un extrait détaille les conditions d’embauche du régent latiniste, Jean Dufoy.

144 Arch, mun., reg. délib. BB 8, fol. 61 v° et 62. La délibération est suivie de 30 signatures.

145 adtg, notaire Lamanhenie, 5 E 6152.

146 Annonces de Montauban, no 28, le mercredi 15 juillet 1778, Fonds Forestié, no 1484.

147 adtg, délib. cons., 3 E 2833, BB 4, fol. 6. « Le 15 avril 1744, à minuit, je Jean Laparre, régent du présent lieu de Meauzac, s’offre à messieurs les consuls de la communauté de faire la levée de la taille royalle de la présente année et autres impositions et de bailler bonnes et suffisantes cautions pourveu que mrs les consuls et communauté me donnent un sol par livre du droit de levée et pour foy de ce me suis signé ». Laparre. Cet engagement se trouve inclus dans le registre des délibérations consulaires.

148 Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 18.

149 Justin Gary, Notice sur Le clergé de Cahors pendant la Révolution, Cahors, 1897.

150 adtg, notaire Lacombe, 5 E 15541, le 25 août 1776.

151 A.D.T.G, notaire Balzac, 5 E 9901.

152 ada, notaire Molénier, 3 E 17127, dans un testament du 10 août 1745.

153 Cité par L. Saint-Marty, dans Histoire populaire du Quercy, op. cit., p. 172.

154 ada, G 322, Lettre des sieurs François Lasfargues et Jean Carrandier échevins juges royaux civils, criminels et de police de la ville et paroisse de Peyrusse adressée à l’évêque de Rodez en mars 1773.

155 Archives municipales de Villemur, rdc, D 8 (1751-1767). Cette évocation permet de compléter le Répertoire des collèges du Midi, op. cit., où la régence latine de Villemur ne se trouve pas mentionnée.

156 adtg, reg. du notaire Malfré, 5 E 9492 ; fol. 728.

157 Citée ci-dessus.

158 adl, C 1196, lettre du 15 novembre 1784.

159 adl, état des charges locales, C 1172, le 15 septembre 1787, article 36.

160 adl, état des charges locales, C 1161.

161 adl, Papiers de la fondation Jacob, non classés. Le testament est indiqué comme la « Copie de la fondation d’une école de charité » en date du 16 juillet 1779, 5 folios. La citation ci-dessus se trouve fol. 2.

162 adtg, reg. délib., 3 E 914 (4), fol. 30 v° et 31.

163 Raymond Chalumeau, « Montauban, le collège royal (1634-1762) », dans Les établissements jésuites en France, Enghein-Wetteren, 5 t., 1949-1957.

164 Jean-Armand de La Vove de Tourouvre, rejette la bulle Unigenitus, avec 15 autres évêques français. Soutenus par un grand nombre de clercs, ces évêques signent l’appel à un concile général qui leur vaut d’être nommés les « Appelants ». Ils donnent naissance à une controverse qui agite de nombreux diocèses, tout particulièrement celui de Rodez pendant plus de 20 ans ; sur ce point voir : Histoire du Rouergue, sous la dir. d’Henri Enjalbert, op. cit., contribution de Nicole Lemaître, pp. 266-267. Ces controverses donnent lieu à de violentes disputes entre les Jésuites, les Doctrinaires et les Dominicains au sujet de l’enseignement de la théologie et une très abondante littérature, le plus souvent imprimée, témoigne de l’âpreté des débats et de l’ampleur qui leur est donnée. Plusieurs mandements épiscopaux de La Vove de Tourouvre dénoncent un traité dicté à ses élèves par un Jésuite, le père Cabrespine, comme « calomnieux » et « conduisant au schisme ». Cette décision de l’évêque a été remise en cause par la Sacrée Congrégation à Rome « comme contenant une doctrine... favorisant des erreurs condamnées » et cette sentence est elle-même dénoncée par le Parlement de Toulouse qui accuse la Cour pontificale « d’inquisition » et d’abus de pouvoir. L’affaire est complexe, mais elle traduit la complicité existant entre les prélats jansénistes et les hommes de justice, qu’il s’agisse des magistrats des parlements ou des avocats que Nicole Lemaître qualifie de jansénisants.

165 François de Dainville, L’Education des Jésuites, xvie-xviiie siècles, op. cit., « Le collège de Rodez, sous Louis XIV, à travers les comptes de son libraire », pp. 279-283.

166 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 573. L’analyse des données de François de Dainville s’y trouve reprise.

167 Sur ce point voir Pierre Delattre, Les établissements des Jésuites en France, op. cit.

168 adl, Corresp. des intendants, C 1272.

169 Voir Annexe no 9.

170 Lucien Cavalié, Figeac. Monographie, op. cit., pp. 172-173.

171 Nous aurons l’occasion de le montrer dans la troisième partie.

172 adl, C 1273, état des revenus des collèges établis dans la subdélégation de Millau, année 1778.

173 Michel Bastide, Vie et mort du petit séminaire de Laguiole, Thèse pour le doctorat de troisième cycle, Toulouse, 1983.

174 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 175, il s’agit du titre du chapitre VI.

175 Dans « La population scolaire en 1789 », Dominique Julia et Paul Pressly, constatent que « les deux dernières décennies de l’Ancien Régime ont été marquées par l’accroissement très net des pensions et institutions privées ». Pour eux, il s’agit de « la réponse à une demande des parents soucieux d’une éducation à la fois plus soignée et plus surveillée », Annales esc , 1975, p. 1545.

176 Jean-François Marmiesse, Histoire abrégée de ma vie, Paris, 1828

177 Justin Gary, Notice sur le clergé de Cahors pendant la Révolution, op. cit. François Eyrard a déjà été cité pour avoir établi un contrat avec les consuls de Caylus pour l’embauche de deux régents qu’il s’engage à leur fournir.

178 adl, reg. bms, paroisse St-Urcisse de Cahors, 4 E 62/J/4, Me Henri Bès, Me de pension est le parrain de Antoinette Bès fille d’un charpentier, le 8 août 1784.

179 Il s’agit d’une publication hebdomadaire de la Généralité de Montauban, dans le Fonds Forestié, aux adtg.

180 Feuille hebdo, no 2, le mercredi 30 juillet 1777. Fonds Forestié, no 1484.

181 Annonces de Montauban, no 25, le mercredi 24 juin 1778. Fonds Forestié, no 1484. Plus original est le cours de langue italienne proposé par Jacques Ignace Bertola Della Rocca pour une durée de 5 mois.

182 Arch. mun. de Figeac, reg. délib., BB 22, le 1er mai 1774.

183 Calendrier historique de la Généralité de Montauban, 1787, B.M. Toulouse, Périod., P.A. 10.078.

184 Laurent Serralonga, L’instruction à Gourdon au xixe siècle, de 1815 vers 1880, maîtrise d’histoire, Toulouse-Le Mirail.

185 adl B 289, reg. des actes d’insinuations.

186 C’est-à-dire avec des intérêts de 5 %

187 Arch. mun. de Caylus, reg. délib., BB 8, le 23 août 1778, fol. 24 et suivantes.

188 adl, H 53 et H 54.

189 adtg, notaire Frontgous, 5 E 5815, le 28 octobre 1776, contrat du mariage d’un travailleur « habitant à la mettayrie des Demoiselles de l’Ecole chrétienne de cette ville ».

190 Jean Calvet, « L’éducation des filles à Castelnau, au xviiie siècle », bsel , t. 74, octobre-décembre 1953, pp. 238-240.

191 Henri Bressac, La châtellenie de Saint-Céré, op. cit., p. 285.

192 Firmin Galabert, « Les écoles autrefois, » op. cit.

193 ada, vis. past., G 121, le 12 juillet 1743.

194 ada, état des charges locales, C 1779.

195 ada, état des charges locales, C 1763, le 17 septembre 1780, la communauté juge « qu’il n’est pas moins intéressant que ces dernières soint également élevées ».

196 ada, G 114, en juillet 1738.

197 Cet inventaire se trouve intégralement recopié dans l’étude de Jean Donat, « L’instruction publique à Saint-Antonin, au xviiie siècle », Revue des Pyrénées, 1913, pp. 395-398.

198 Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 13, délibérations des 8 septembre, 22 octobre, 3 et 17 décembre 1702, des 14 janvier, 10 avril, 3 et 14 juillet 1703.

199 Ibidem, les 22 juin et 3 septembre 1719, BB 17 : elles obtiennent, alors, le soutien de l’évêque de Rodez. Le 29 octobre 1724, BB 16 ; le 23 octobre 1744, BB 17, et BB 20 ; le 17 novembre 1770, BB 22.

200 ada, C 1778.

Table des illustrations

Légende Carte 3. Communautés rémunérant des maîtres d’écoles d’après les charges locales, vers 1786.
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Légende Carte 4. Les régences en Bas-Quercy, fin xviiième siècle.
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/18627/img-2.jpg
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