Les chemins du savoir en Quercy et Rouergue
|Première partie. Instruire les enfants. Un enjeu religieux et politique primordial au xviie siècle
Chapitre II. Fondations d’écoles
L’essor des institutions scolaires et leur diversité
Texte intégral
1La religion du Livre a encouragé l’instruction des enfants bien avant que le clergé catholique ne se préoccupe d’en favoriser l’extension. La plupart des historiens reconnaissent que l’impulsion donnée à l’instruction par les Réformés, dès le xvie siècle, a été décisive pour les progrès de la langue française et pour l’alphabétisation. En dépit de la répression organisée par la monarchie et par l’Église, l’essor de l’enseignement calviniste, tel que nous l’avons montré jusqu’au milieu du xviie siècle, a favorisé ces progrès. Face à l’avance prise par les protestants, la reconquête catholique engagée par le Concile de Trente a stimulé l’instruction religieuse donnée par les curés et vicaires dans les paroisses ; elle a surtout accéléré la fondation d’écoles et de collèges. Au cours du xviie siècle, les écoles se multiplient dans les villes comme dans les campagnes et, ce qui bouleverse les traditions, autant pour les filles que pour les garçons.
i. De nouvelles régences pour les garçons
2Impatient de freiner l’essor du protestantisme et de reconquérir les âmes « égarées », le clergé catholique se soucie, avec une ardente ferveur, de développer l’instruction des enfants. L’Église s’engage, très tôt, dans la fondation de petites écoles qu’elle entend contrôler, sans relâche. C’est surtout au xviie siècle, que cette préoccupation conduit au développement de l’instruction des garçons, grâce à la création de nouvelles régences, et qu’est réellement favorisée leur alphabétisation, en priorité dans les villes.
A. L’instruction des citadins s’améliore
- 1 Jean Dumoulin, Le consulat de Villeneuve en Rouergue, Toulouse, 1960 et Firmin Galabert, « L’instr (...)
- 2 Firmin Galabert, « Les écolehs autrefois dans les pays de Tarn-et-Garonne », bsatg , t. XXXIII, 19 (...)
3Dès le Moyen Âge, des écoles assurent l’instruction des enfants dans la plupart des cités, et les « maestre de las scolas » évoqués à Villeneuve en Rouergue ou à Caylus en Quercy, sont associés à la tradition des entortes, une coutume selon laquelle ces maîtres d’école envoyaient leurs élèves quêter dans les campagnes, le jour de la Sainte Catherine, pour recevoir des dons de cire qui servaient à organiser des festivités1. D’autres témoignages attestent du fonctionnement des écoles dans les villes, au cours du xvie siècle. C’est le cas en Bas-Quercy2 à Montauban, Moissac, Caylus, Caussade, et Lauzerte ou encore dans des bourgades comme Molières, Monclar, Bruniquel ou Réalville ; en Rouergue, à Rodez, dans la Cité et dans le bourg, à Villefranche-de-Rouergue, Saint-Antonin, Saint-Geniez, Belmont, Villeneuve, Millau ou Espalion ; dans le Haut-Quercy, à Gourdon, Figeac, Saint-Céré, Souillac, Martel, Rocamadour, et, bien sûr, à Cahors où peut être suivi le cursus scolaire, de l’école abécédaire à l’université.
4À la fin du xvie siècle, les écoles se multiplient et le concile de Bordeaux, en 1583, accorde une grande importance à l’éducation des enfants. Il affirme la nécessité de pourvoir « par tous les moyens que en chascune paroisse ou à tout le moins les bourgs les plus fameux et peuplez, il y ait un maistre d’escole, lequel avec la grammaire, enseigne aux enfants ce qui touche la religion ».
5Un autre concile provincial de 1624 exprime exactement la même idée. Quant à l’acte d’union du prieuré Saint-Euparche au séminaire de Périgueux, en 1710, il mentionne :
- 3 Citations d’André Mateu dans sa contribution à l’Histoire d’Agen, sous la dir. de Stéphane Baumont (...)
« Comme les écoles sont dans un rapport spécial avec la multiplication du clergé on aidera cinq maîtres d’école dans les endroits les plus pauvres et où il aura le plus de gens en état d’avancer les enfants au sacerdoce.3 »
6Pendant tout le xviie siècle, l’instruction des enfants s’épanouit dans les villes de Haute-Guyenne, tant celles des protestants, comme nous l’avons vu, que celles des catholiques. Grâce à l’abondance des documents et à leur exploitation dans de nombreuses monographies, il est permis de préciser le fonctionnement des écoles et d’élucider leur système de financement.
7Les écoles les plus anciennes, et elles existent déjà au Moyen Âge, sont celles qui dépendent d’un chapitre ou d’une collégiale. Des chantres ou des maîtres de chapelle y sont chargés par les chanoines d’enseigner les enfants de chœur et, en particulier, de leur apprendre la musique, le plain-chant et le latin. Depuis le Concile de Trente, l’entretien d’un régent était obligatoire pour tous les chapitres cathédraux et collégiaux et les ordonnances royales d’Orléans, en 1561, et de Blois, en 1579, rappellent constamment ces obligations. Cette prise en charge n’était pas nouvelle, mais que la rémunération d’un maître d’école devienne une contrainte a suscité des contestations.
- 4 Firmin Galabert, Histoire de Montpezat, Montauban, rééd. 1990.
8À Montpezat-de-Quercy, un conflit surgit, dès le milieu du xvie siècle, où le consulat entend obliger les chanoines de la collégiale à entretenir un régent pour soulager les finances de la communauté. En 1565, le tribunal de l’officialité diocésaine de Cahors donne raison aux consuls, mais les chanoines décident de faire appel devant le parlement de Toulouse, puis, quelques mois après, renoncent à la poursuite du procès. En ces temps troublés par les guerres de Religion, ce qu’on appelle alors la préceptoriale semble abandonné jusqu’en 1635, date où le procès reprend4. Cette année-là, le 25 décembre, un arrêt du parlement impose au chapitre une prébende :
- 5 adtg, G 780, extrait des registres du parlement de Toulouse.
« […] pour l’entretenement d’un précepteur dans la ville de Montpezat tel que sera nommé et choisi par le d.évêque diocésain et chapitre pour l’instruction de la jeunesse »5.
- 6 adtg, G 787.
- 7 adhg B 396, fol 397.
- 8 adhg, B 282, fol. 70 et B 289, fol. 10.
- 9 ada G 117, le 27 septembre 1739.
9Les chanoines résistent encore et, une transaction passée avec les consuls, en 1641, prend acte du « dellaissement faict de la préceptorialle », en échange de la prise en charge d’autres services pour la ville6. Les chanoines de Montpezat ne sont pas les seuls à récuser les exigences du concile de Trente. Ainsi, un arrêt du parlement de Toulouse rejette la demande formulée par la communauté de Catus en Quercy, afin d’obtenir du prieuré, une prébende qui permette l’entretien d’un précepteur pour l’instruction de la jeunesse7. En revanche, une autre sentence de ce parlement condamne le chapitre collégial de Conques à assurer un revenu annuel au syndic de la ville pour la nourriture et l’entretien d’un maître d’école8. Cette obligation leur est d’ailleurs rappelée par un jugement du même parlement, en septembre 1660 et elle se trouve par la suite respectée comme le confirme, lors de sa visite pastorale, en 1739, l’évêque Jean d’Yse de Saléon en observant que le chapitre donne 50 écus pour un maître d’école9. Comme à Conques, les autres chapitres ou collégiales semblent se soumettre à ce qui est, pour quelques uns, une tradition très ancienne, et, pour beaucoup, une obligation récente.
- 10 Marie-Léone Alary, « Les petites écoles de Beaumont en Rouergue », rdr , 1986, pp. 279-296. Elle c (...)
- 11 La prébende est évoquée par le maire de Saint-Antonin, lors d’une délibération consulaire en 1788, (...)
10Cette obligation est respectée à Belmont en Rouergue où les chanoines du chapitre contribuent au paiement des gages du régent, dès le début du xviie siècle. En 1618, le bail de régence stipule que chaque chanoine pourra faire admettre à l’école, aux conditions réservées à ceux de Belmont, un enfant « étranger » ou « forain » - autrement dit n’appartenant pas à la communauté - de son choix. Le maître d’école s’engage expressément à enseigner les enfants de chœur et les chanoines de la ville qui peuvent être de jeunes bénéficiers, « en âge de vouloir aller à l’école », comme le précise le bail de 1630. Un relevé minutieux de 17 contrats passés chez les notaires de Belmont, entre 1614 et 1656, mentionne que la plupart des régents engagés sont dits escoliers, c’est-à-dire jeunes étudiants et leur contrat commence à la Saint Jean-Baptiste10. Les chanoines du chapitre se soumettent à leurs obligations de manière durable puisque leur prise en charge financière des régents prévaut encore lors de la Révolution11.
11Quoi qu’il en soit, cette prise en charge demeure marginale et la rémunération des régents est le plus souvent assurée par les communautés comme l’attestent au cours du xviie siècle, les comptes consulaires et de très nombreux contrats passés chez les notaires entre les consuls et les régents. Voici l’un de ces baux conclus, en 1605, à Montech chez Guillaume Valès :
- 12 adtg, 5 E 2920, reg. notaire G. Valés, le 19 juin 1605.
« […] suyvant la délibération du conseil des habitans en datte du jour présent, de gré ont baillé la régence des escolles de la d.ville à Me Jean Brun, bachelier en droictz de la ville de Rieux, présent et acceptant, et c’est pour les moys de juillet, aoust, septembre et octobre prochains, pendant lequel temps le dit Brun sera tenu d’aprendre et enseigner les enfens de la d. ville, tout ainsin que les autres régens qui ont esté cy-devant ont acoustumé fere, sans qu’il puisse prendre aucung salaire, rien des enfens qui seront vrais pauvres et que luy seront attesté pour telz, par les dits sieurs consulz, et c’est à raison de 120 livres par an que revient pour lesdits moys 40 livres que les dits sieurs consulz seront tenus luy fere deslivrer par leur collecteur… »12
12Il s’agit dans ce cas d’un contrat à durée très limitée, pour une régence de latin correctement rémunérée par la communauté.
13Une délibération consulaire de cette ville, le 8 mai 1672, prend la décision d’embaucher un régent. Ses conditions s’avèrent beaucoup moins favorables que celles accordées, au début du siècle, à Jean Brun.
- 13 Arch. mun. Montech, BB 3, délib. du 8 mai 1672, citée par A. Bastoul dans Les écoles à Montech et (...)
« A esté délibéré qu’attendeu l’importance qu’il y ad bien instruire la jeunesse à bien escrire, qu’on acceptera le sieur Michel Gailhard, maistre escrivain de Moulins en Bourbonnais, qui se présente pour en faire la fonction, de la capacité duquel on est bien persuadé aussi bien que de sa vie et mœurs, depuis le séjour qu’il a fait en cette ville, auquel l’assemblée accorde la somme de soixante livres de gages pour un an, qui lui seront payés par le dit sr consul, moyennant quoi il enseignera gratis les pauvres de la ville s’il s’en présente pour apprendre à escrire. il ne pourra prendre de chacun des autres escholiers que quinze sols par mois tant pour l’escriture que l’arimétique. Lequel sieur Gaillard susdit escrivain se pourra servir de la salle de la maison de ville pour donner la leçon à tous les escholliers quand elle ne sera pas occupée et que l’année commencera depuis le premier du courant mois »13.
14En 1690, un contrat du même type est passé à Montpezat en Quercy, entre les consuls et Me Jean Dompeyre, maître-ès-arts aux conditions suivantes :
- 14 Citation de Firmin Galabert d’après des Archives d’un notaire dans « Les écoles autrefois », artic (...)
« Qu’il sera tenu de bien enseigner et aprandre la jeunesse de la présente ville et juridiction aux bonnes mœurs et lettres, et ne prendra à scavoir : des pauvres que pour l’amour de Dieu ; des abecedaires et qui liront cinq sols par mois ; des grammairiens et ceux qui escripront ou diront leur leçon par cœur, sept sols et six deniers ; outre lesquels salaires la communauté luy donnera et payera la somme de cent livres… »14
- 15 Les monographies des défenseurs du système d’instruction contrôlé par l’Église catholique sous l’A (...)
15Il s’agit-là de conditions de rémunération que l’on retrouve dans de nombreux contrats identiques. Il est clair que l’école n’était pas gratuite15 et que la part des émoluments payés par les parents est loin d’être négligeable dans les revenus assurés aux régents.
- 16 Étienne Cabrol, Annales de Villefranche-de-Rouergue, Villefranche, 1860, 2 volumes, « Chronique tr (...)
16Le nombre de classes ouvertes aux écoliers citadins dépend de la taille des villes. Avant la mise en place de collèges de plein exercice, des villes ayant de 5 000 à 10 000 habitants disposent de deux ou trois classes abécédaires et d’une classe de latin comme c’est le cas à Castelsarrasin ou dans la ville voisine de Moissac. À Villefranche-de-Rouergue existe un collège depuis 1563, mais, si l’on en juge par les délibérations évoquées par les Annales de la ville, il s’agit plutôt d’une régence qui a bien du mal à fonctionner. En 1589, il fut décidé « que pour loger les régens des escolles, afin de faire continuer les leçons ordinaires pour l’instruction de la jeunesse… que les confrères de St-Jacques seroient admonestez et priez de prester la salle haute du dit hospital ». La désignation, en 1613, de « Me Claude Bruyères comme régent premier au collège de la ditte ville » correspond en réalité à la nomination d’un régent latiniste16.
- 17 Ces documents des Arch. mun. de Montauban aujourd’hui déposés aux adtg, se trouvent intégralement (...)
17Pour une ville beaucoup plus grande comme Montauban dont la population s’élève à plus de vingt mille habitants, à la fin du xviie siècle, une réorganisation des petites écoles s’est réalisée après la révocation de l’édit de Nantes. Un état des régents et des régentes permet de montrer les efforts réalisés par les autorités urbaines, sous l’impulsion de l’intendant, Le Goux de la Berchère. En 1688,1 540 livres sont prévues dans les charges municipales pour rémunérer les régents et autant de régentes dans chaque quartier de la cité. En 1690, le montant de leurs gages s’élève à 1 880 livres. Il comprend les écoles de garçons et de filles des différents faubourgs de la ville, mais aussi, celles des paroisses rurales proches de Montauban, de Lagarde et du Fau qui étaient auparavant des fiefs huguenots17.
- 18 Arch. com. de Caylus, BB 1, délib. cons. du 17 septembre 1673.
18Dans des villes plus petites comme Caylus ou Espalion en Rouergue, on note la présence continuelle de deux régents dont un de latin, au cours du xviie siècle. Afin d’assurer une instruction qui permette aux enfants de notables d’acquérir la maîtrise du latin puis d’accéder aux collèges ou aux séminaires, de nombreux maîtres obtiennent l’attribution de gages pour tenir la régence latine. Ces gages apparaissent le plus souvent dans les comptes consulaires et la classe de latin s’ajoute à la régence abécédaire. Les délibérations consulaires comme les registres de notaires de Caylus mentionnent la présence permanente de deux régents, l’un pour « la basse classe » et l’autre pour la « haut classe ». L’absence de régents inquiète et, en 1673, « les consuls et sindics sont priés d’en trouver pour que le cours des escolles… ne cesse »18. Il arrive que l’instruction soit encouragée par des initiatives individuelles et que les écoles bénéficient de donations qui leur permettent de se développer. Au « siècle des saints », ces dons apparaissent dans les legs testamentaires des notables dévots et reviennent parfois à des régents laïcs ou ecclésiastiques. Les exemples de ce genre de donations abondent pour les écoles de filles tout autant que pour les écoles de garçons. Ces dons bénéficient souvent à des ordres religieux qui doivent se consacrer à l’enseignement par la volonté des donateurs bien qu’il ne s’agisse pas forcément de leur première vocation. Ainsi, à Lauzerte, les Carmes reçoivent-ils, en 1674, une somme de 7 800 livres pour :
- 19 adtg, 3 E 2432, délib. cons. du 1er novembre 1767 qui reprend l’acte de fondation.
« […] enseigner la jeunesse de la dite ville… à la vertu, bonnes mœurs et lettres depuis qu’elle commencerait à composer jusqu’à ce qu’elle serait capable de philosophie. »19
- 20 adtg, notaire Dandrieu, 5 E 5683. Donation du bourgeois Barthélémy Laroque.
- 21 adtg, Délib. cons. du 15 septembre 1685, 3 E 2427.
19Par une quittance du 13 février 1681, pour régler leurs dettes, les consuls versent aux révérends pères la somme de 1 600 livres qu’un bourgeois leur donna « lors de la fondation qu’il fit d’un collège en la d. présente ville »20. Cette donation témoigne de la volonté de notables lauzertins de créer un collège de plein exercice qui, en réalité, ne voit jamais le jour. Ils doivent se satisfaire d’un petit collège « tenu avec beaucoup de zèle » par les Carmes comme le reconnaît une délibération consulaire de 168521. Carmes et Récollets se voient confier ailleurs, des régences latines, notamment dans les lieux d’hérésie que sont Caussade et Saint-Antonin. À en juger par les plaintes des consuls de ces deux communautés, ces congrégations apportent peu de soins à l’enseignement qui ne semble pas constituer leur première préoccupation ; cependant, elles bénéficient généralement de revenus substantiels auxquels les ressources des écoles ne peuvent apporter qu’un médiocre complément.
- 22 adtg, les registres-5 E 3774 à 3795-du notaire, Pierre Isarn II, qui officie à Caylus de 1624 à 16 (...)
- 23 Arch. mun. de Saint-Céré, Registre de la Boucle, un très beau registre bien relié et bien écrit, o (...)
20La plupart des maîtres de latin désignés dans les bourgades sont déclarés prêtres, écoliers ou acolytes. C’est le cas à Caylus où d’après les contrats de régence trouvés chez Isarn, notaire, entre 1638 et 1698, sur vingt-trois régents cités, sept seulement sont des laïcs22. Quel que soit leur état, ou laïc ou ecclésiastique, les régents se voient traités sans égards. Le poids des autorités urbaines dans le choix et la désignation des maîtres d’école s’avère déterminant comme cela apparaît dans les sources citées ci-dessus. Étant donné la faiblesse des rémunérations, les doléances des régents transparaissent fréquemment dans les délibérations consulaires et donnent lieu à de multiples conflits. C’est le cas à Saint-Céré où se produit un désaccord sérieux entre les régents et les consuls, en 1647 et 1648. Le compte rendu du procès intervenu devant le sénéchal de Martel, dans la vicomté de Turenne, permet de mesurer les difficultés rencontrées par les régents pour se faire rémunérer ! Pierre Labrune et Jean Cantaloube, deux prêtres régents renvoyés sans justification, en 1647, sous le seul prétexte qu’ils étaient « mal affectionnés par les consuls », ont obtenu gain de cause par la sentence du sénéchal rendue en décembre 164923. Cela demeure une compensation dérisoire eu égard à la désobligeance dont ils furent victimes. Être régent sous l’Ancien Régime n’apporte qu’une médiocre considération et exige un dévouement sans limite ! Cela explique sans doute leur grande instabilité d’emploi et la multiplicité des contrats de régence que l’on retrouve dans les sources, au xviie siècle. Exercer ce métier demeure une tâche incertaine, précaire et de surcroît très mal rémunérée, mais la situation des maîtres d’école s’avère encore moins gratifiante dans les paroisses rurales.
B. Écoles et régents dans les communautés rurales
21Comme dans les villes mais probablement de manière plus accentuée, on peut distinguer trois périodes de progrès dans la scolarisation des enfants. La première a lieu, au début du xviie siècle, au moment où des maîtres d’écoles apparaissent dans les communautés rurales. La deuxième se produit au milieu du xviie siècle, avec de nouvelles créations d’écoles donnant lieu à de nombreux contrats de régence dans les registres des notaires. Cette période correspond alors à l’apogée de la compétition entre catholiques et protestants dans le Midi. La troisième est certainement la plus décisive : elle se produit à la suite de la révocation de l’édit de Nantes qui conduit Louis XIV à imposer, en vertu de divers édits ou ordonnances, la création d’écoles dans toutes les communautés où il y avait un consistoire. On découvre alors, dans les archives, de multiples traces d’injonctions adressées aux communautés par les intendants, afin de les obliger à rémunérer un régent.
- 24 Notice historique : Creissels en Rouergue, Millau, 1946, p. 61.
- 25 J. Vanel, « Montfaucon et Séniergues au xviiie siècle » dans bsel , 4-1975, p. 171.
22Au début du xviie siècle, rares sont les maîtres d’école mentionnés dans les sources, en l’absence des registres des communautés rurales ou des comptes rendus des visites pastorales des évêques. Évocation est faite d’un bail des écoles signé par les consuls de Montalzat, le 3 mars 1606, en faveur d’un escolier, moyennant 45 livres de rémunération ; ou encore, en 1612, un dénommé Balitrand est cité comme régent à Creissels en Rouergue24 et, en 1620, Jacques Laurens est mentionné à Montfaucon en Quercy25. Pour résister à l’essor du protestantisme et, en application des directives du concile de Trente, il semble, néanmoins, que le clergé catholique s’engage, avec un zèle accru, à assurer l’instruction des enfants et pas seulement celle de la religion.
- 26 Cité par A. Bastoul dans Les écoles à Montech, op. cit., p. 80, d’après les Comptes consulaires de (...)
- 27 adtg, 3 E 052-30 délib. cons. d’Escatalens, fol. 152.
- 28 Eugène Sol, « L’instruction en Quercy, à la veille de la Révolution », dans bsel , no 51-1930. Art (...)
23C’est surtout au milieu du siècle que les régences se multiplient dans les communautés rurales ou, du moins, dans celles qui bénéficient des ressources les plus élevées. Dans le diocèse de Montauban, comme dans celui de Cahors, de nombreux documents témoignent de cet essor. Dans la vallée de la Garonne, les gages des maîtres d’école apparaissent dans les comptes des communautés, à Monbéqui, Finhan, Bourret et Escatalens. Ainsi, d’après les charges consulaires de Bourret, en 1644, « fut acomodé le degré de l’escole », et Pierre Deschamp exerce alors la fonction de régent26. À la même date un maître d’école et son épouse se présentent à Escatalens pour enseigner garçons et filles27. Des régents apparaissent, aussi, dans les communautés du Quercy. À Albias, en 1620, Antoine Miquennac vient du Rouergue. À Mayrinhac, plusieurs maîtres sont mentionnés comme, en 1664, Adam David. À Rudelle, à Aynac, à Gagnac, on trouve aussi la mention de régents, tout au long du xviie siècle28.
- 29 Notice historique : Creissels en Rouergue, op. cit., p. 61.
- 30 Joseph Lombard, Histoire de Parisot, Toulouse, 1902, p. 148.
- 31 Histoire du Rouergue, op. cit., contribution de Nicole Lemaître, « Sous le vent des réformes relig (...)
24Les traces de régents rémunérés par les communautés sont beaucoup plus rares en Rouergue. À Creissels près de Millau, en 1682, la régence est attribuée à François Granier, pour 100 livres de gages. Il s’engage à bien enseigner garçons et filles et il promet « de leur dire la leçon deux fois par jour, de les faire prier Dieu matin et soir et faire escrire ceux qu’il jugera à propos »29 Cette absence de traces signifie-t-elle qu’il n’y a pas de maître d’école dans les petites paroisses ? Quelques monographies invoquent l’idée que les prêtres fraternisants ont pu jouer ce rôle. Joseph Lombard l’affirme dans son Histoire de Parisot, en considérant que les « artisans de l’éducation populaire jusqu’à la fin du xviie siècle furent les nombreux prêtres obituaires qui résidaient dans la paroisse »30. Il s’agit, selon lui, du meilleur moyen d’accroître leurs ressources, grâce aux rétributions accordées par les parents pour l’éducation de leurs enfants. Cette hypothèse paraît tout à fait fondée, si l’on considère que les fraternités de prêtres restent nombreuses en Rouergue au cours de ce siècle. Ces communautés, appelées aussi des consorces, se partagent les revenus des obits et fondations financés par les donations ou par les legs testamentaires. En leur sein, le rôle des prêtres est de chanter les messes et de donner plus d’éclat aux cérémonies et aux processions. À Sauveterre, leur tâche est d’« assurer des messes successivement pour augmenter le culte de Dieu et contribuer à la piété des habitants ». D’après Nicole Lemaître, dans le diocèse de Rodez, « l’âge d’or de ces communautés a été le xve et le xvie siècle ». En 1675, il en existe, encore, dans un quart des paroisses, et 141 cotisent au don gratuit, l’impôt payé par l’Église, mais il est patent que le nombre des fraternisants s’amenuise sans cesse. À Sauveterre, on en compte 25, sous Henri IV et 15, au début du xviiie siècle. À Saint-Côme d’Olt, 66 vers 1550 et 20, sous Louis XIV31. Ces prêtres nombreux et sans grandes occupations, ont probablement concouru à l’instruction des enfants, d’autant plus que, dans les paroisse où leur présence est durable, apparaît rarement la trace d’un maître d’école rémunéré par la communauté. Il va de soi que l’enseignement ainsi dispensé, insiste sur l’instruction religieuse, mais est-il si différent par son contenu de celui des autres régents ?
C. Les méthodes et le contenu de l’enseignement
25Le contrat le plus complet sur ce point a été retrouvé dans le registre d’un notaire de Castelsarrasin. Il s’agit d’un bail des écoles passé entre les consuls et trois régents. Ce bail précise évidemment les conditions de rémunération ; il précise, surtout, le contenu de l’enseignement qui devait être assuré par chacun des régents.
- 32 adtg, 5 E 11217, notaire Ygon de Castelsarrasin.
« Pour la dernière classe, le d. Gibrac sera tenu d’enseigner de lire les escolliers depuis l’alphabet jusques à la parfaicte lecture tant en latin que françois… Dans la seconde le dict Marrou sera tenu d’enseigner les concordences, genres, déclinaisons, conjugaisons… et à faire des compositions en latin et dans la première classe, le d me Jean Belly pbre sera tenu d’enseigner la sintaxe, la grand mere lattine et grecque, à composer et expliquer des autheurs tant en prose que en vers. »32
26Cette première classe correspond à ce qu’on appelle ailleurs, la régence latine, tandis que les deux autres classes regroupent les deux niveaux des régences abécédaires où l’apprentissage de la lecture, puis celui de l’écriture, est assuré à partir de textes en latin autant qu’en français. Il est frappant de constater l’importance accordée à la grammaire pour l’étude du latin.
27Une lettre adressée par un régent aux consuls de Bourret permet d’avoir une idée du programme qu’il entend inculquer aux enfants. Il se présente comme :
- 33 adtg 3 E 36, cité par Victor Malrieu, Documents historiques sur Bourret, Montauban, Masson, 1919, p (...)
« un régent qui enseigne la grammaire, à lire et écrire. C’est pourquoi, écrit-il, je m’offre à ce faire et de plus à apprendre les termes et les principes de la géografie pour avoir par ce moyen une facilité fort grande pour aprendre l’hystoire et au-dessus à aprendre à votre jeunesse la religion catholique et apostolique de laquelle je fais profession. »33
- 34 Arch. mun. Montech, BB 3, délib. du 6 mai 1668, citée par A. Bastoul, Les écoles à Montech, op. ci (...)
28Cet enseignement demeure essentiellement littéraire ou religieux. Le plus étonnant c’est qu’il n’est nullement question, dans ce programme, d’apprendre à compter. La préoccupation apparaît pourtant dans d’autres délibérations comme celle de la communauté de Montech, en 1668, quand le régent embauché, le sieur Monplésir, doit s’engager « d’enseigner les enfants à escrire et à l’arimatique »34. Cette préoccupation apparaît plus tard à Bourret, en 1708, lorsque deux notables de la ville doivent vérifier si le régent, un clerc tonsuré originaire de Castelsarrasin, était capable de bien écrire et connaissait l’arithmétique. Mais dans l’ensemble l’enseignement se fait à partir de livres religieux et la pédagogie consiste à faire répéter des lectures apprises par cœur. Pédagogie sommaire où l’écriture consiste beaucoup plus à faire un exercice de copie qu’à s’initier à la rédaction jugée trop difficile dans la mesure où elle exige une maîtrise de la langue française qui reste encore trop rudimentaire. Perfectionner cette maîtrise se fait dans les régences latines, tout en apprenant la grammaire et le latin, langue indispensable si l’on compte poursuivre, ensuite, des études en collège ce qui reste, assurément, l’objectif que se fixent la plupart des enfants de notables.
II. Les fondations de collèges se généralisent dans les villes
- 35 Citée par Marie-Madeleine Compère dans Du collège au lycée, op. cit., p. 39.
- 36 Ibidem, p. 41.
29Le roi Charles IX promulgue, en 1561, à Orléans35, une ordonnance royale par laquelle il encourage la création de collèges grâce à une gestion tripartite où interviennent les conseils de ville, les chapitres et les évêques. Cette initiative royale visant à enrayer la progression du protestantisme, est rapidement suivie d’effet, non seulement à Paris mais aussi dans les villes de province. Les évêques sont encouragés par le concile de Trente à avoir de pareilles préoccupations en créant des séminaires dans tous les diocèses afin de favoriser une meilleure formation du clergé et plus généralement en développant l’instruction, car, stipule le Canon 18 : « Les jeunes gens s’ils ne sont pas bien éduqués se laissent facilement entraîner vers les plaisirs du monde »36.
30Les directives conciliaires suscitent l’apparition de nouvelles congrégations religieuses, au premier rang desquelles se trouve la Compagnie de Jésus. L’insistance de l’Église et la détermination de la monarchie à combattre le protestantisme ont certainement concouru à l’essor des collèges, en profitant des efforts financiers des uns et des autres, auxquels s’ajoutent le financement des communautés urbaines et les donations des dévots.
A. La mainmise des congrégations sur les collèges
31Conformément aux encouragements donnés par la monarchie, c’est à Moissac, lors de la réunion des états du pays de Quercy, en décembre 1579, qu’est prise la décision de contribuer au financement de l’université de Cahors et à celui de l’entretien des écoles et collèges de la province. La résolution adoptée prévoit :
« Qu’il sera imposé et esgalisé sur les habitants dudict pays la somme de 6 300 livres tournois revenant 2 100 écus sol, scavoir pour les regents et lecteurs de l’université du dict Caors 3 700 livres, pour le collège de la dicte ville, 600 livres tournois ; pour le collège de Montauban, 800 livres… »
- 37 Jacques Baudel et Jacques Malinowski, Histoire de l’université de Cahors, Cahors, 1876. Citation r (...)
32Les écoles de Figeac, Moissac, Gourdon, Caylus, Lauzerte, Montcuq recevront 200 livres « oultre la prébende préceptoriale » pour cette dernière ville37. Un tel budget semble reconduit, sous le règne d’Henri IV, avec l’approbation du roi et, en 1614, au début du règne de Louis XIII, 6 300 livres doivent être imposées « par permission du roy par messieurs des trois états du pays de Quercy… pour l’entretenement de l’université de la ville de Cahors, collèges et écoles des villes et châtellenies du d. pays ». Cet encouragement de l’instruction se traduit par la fondation de nouveaux collèges, sous la tutelle des congrégations religieuses.
- 38 B. Lunet, Histoire du collège de Rodez, Rodez, 1881.
- 39 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi, op. cit., notice (...)
33L’implantation des Jésuites s’est faite très tôt à Rodez, où, dès 1561, les Ruthénois réagissent face aux progrès du protestantisme en Rouergue, en multipliant les processions et les cérémonies religieuses. C’est dans cette atmosphère de ferveur et de déchirements que le cardinal Georges d’Armagnac, évêque de ce diocèse, fait appel à la Compagnie de Jésus, avec l’approbation des consuls, pour prendre en charge le collège de la ville38. Lors de sa création, la dotation de ce collège par les consuls et par l’évêque reste médiocre et les Jésuites acceptent d’entrer dans une institution de type médiéval où ne fonctionnent que quatre classes d’humanités. Progressivement, les ressources s’accroissent grâce à des bénéfices ecclésiastiques, à des revenus féodaux et à des donations. Le collège peut alors s’agrandir, accueillir un plus grand nombre d’élèves et assurer un enseignement qui se prolonge jusqu’à la philosophie et la théologie39.
- 40 Jean Daymard, « Le vieux Cahors », dans bsel ., no 30-1905 et 31-1906.
34Les Jésuites ont ensuite pris en main le collège de Cahors dans une ville où plusieurs collèges existent, de longue date. L’on y trouve, à la fin du xvie siècle, le collège Pelegry, le mieux doté, grâce à ses riches possessions terriennes ; le collège de Rodez et le collège Saint-Michel où les élèves souvent boursiers vivaient en communauté. Ces collèges ont une faible capacité d’accueil pour les jeunes cadurciens et le niveau d’études reste faible, si bien qu’en 1570, l’évêque, le chapitre, les consuls et le syndic des états de Quercy décident de créer un nouvel établissement dont ils souhaitent qu’il soit le « collège de l’instruction de la jeunesse de la ville de Cahors ». Il est prévu de le joindre à l’université en le plaçant sous l’autorité directe de son chancelier ; le chapitre s’engage à lui affecter une prébende de 450 livres et ses bâtiments doivent être construits à côté du collège Saint-Michel. Pour parfaire leur instruction, les élèves des autres collèges doivent suivre les humanités de ce nouvel établissement que l’on appelle, à la fin du xvie siècle, le collège du Quercy40.
35En 1604, les consuls et l’évêque Siméon de Popian décident de faire appel aux Jésuites et obtiennent du roi des lettres patentes pour le leur confier. Le procès-verbal d’une visite faite au collège de Quercy, le 18 mai 1605, nous donne une bonne description des bâtiments et des travaux envisagés pour rénover et agrandir cet établissement « pour y lotger comodément Messieurs les Jésuites ». En voici la description détaillée :
- 41 François Cangardel, « Documents inédits concernant la ville de Cahors : Collège des Jésuites, fort (...)
« Quant au nombre des dictes classes… est besoing en dresser et bastir autres 3 au bout de la cour du dict colliège, l’une plus grande qu’aulcugne des aultres deux pour servir à y faire les déclamations, la seconde pour la classe de théologie et l’aultre pour la philosophie, qui seront en tout sept classes comprinses les autres quatre que y sont et demeureront soubz les susdits huict chambres… »41
- 42 adl, D 8, Lettres patentes du roi Henri IV autorisant la fondation d’un collège de Jésuites à Caho (...)
36Probablement satisfaits par de tels engagements, les Jésuites concluent un accord avec les autorités de la ville, le 2 juin 1605, et un contrat est définitivement signé, le 31 décembre de cette année-là. Ce contrat prévoit d’installer la Compagnie dans les deux collèges de Quercy et de Saint-Michel et l’évêque lui octroie une rente de 4 000 livres à laquelle s’ajoute la promesse de 1 000 livres supplémentaires dans le futur. Les Jésuites s’engagent à ouvrir cinq classes de « lettres humaines grecques et latines » et une classe de philosophie42. Le collège prospère et s’agrandit, tout au long du xviie siècle, et le nombre de régents, noms que l’on donnait alors aux professeurs s’accroît.
- 43 Mémoires de Nicolas Joseph Foucault, publiés et annotés par F. Baudry, Paris, 1882.
37Quant à la mainmise des Jésuites sur le collège de Montauban, nous en avons déjà entrevu l’histoire mouvementée. Lors de leur installation, à partir de 1634, ils ont été contraints de partager la tutelle du collège avec les protestants, avant d’obtenir, en 1661, leur exclusion définitive. C’est alors qu’ils profitent de nombreuses donations et qu’ils accroissent très vite leurs revenus jusque-là jugés trop modestes. À leur propriété de Montech acquise en 1655, ils ajoutent des métairies à Villebrumier et à Saint-Nauphary, puis ils peuvent acheter une autre propriété près de Montauban. Disposant alors de revenus plus confortables, ils peuvent se permettre, le 23 octobre 1676, de prendre possession, pour 20 000 livres, de l’hôtel de Colom, un beau bâtiment situé en plein centre-ville, qu’ils font aménager à grands frais jusqu’au transfert définitif qui donne lieu à une grandiose procession, évoquée ci-dessous. À la fin du siècle, les dons en faveur du collège se multiplient qu’ils viennent du roi, des consuls, de l’évêque ou de legs et s’ajoute à ces libéralités, l’attribution de biens confisqués aux protestants. Selon une lettre du 30 avril 1683, adressée par Colbert à l’intendant Foucault, le roi ordonne l’imposition d’une somme de 11 000 livres sur les habitants de Montauban, pendant 3 ans, destinée à être partagée entre le collège des Jésuites et l’hôpital43. En dépit de ces ressources diverses, les revenus de 7 000 livres sont jugés insuffisants pour l’entretien du collège et faire face aux nombreux emprunts contractés pour l’achat de l’hôtel de Colom et sa rénovation. Opiniâtres dans leurs exigences, les Jésuites réclament toujours plus de moyens. Dans une lettre du 3 mars 1686, l’intendant Le Goux de la Berchère se fait leur porte-parole, auprès du Contrôleur général des Finances :
« Les Jésuites ont besoin de secours pour bâtir l’église de leur collège et surtout pour agrandir leurs classes, en raison du nombre des élèves qui s’augmentent tous les jours par les nouvelles conversions. »
- 44 Arthur de Boislisle, Correspondance des contrôleurs des finances, op. cit., tome 1, pp. 62-63. Dan (...)
- 45 Raymond Chalumeau dans Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles. Répertoire (...)
- 46 Voir la carte no 2, Séminaires, collèges et régences latines.
38Grâce à leur insistance, ils obtiennent du roi, en mars 1688, une imposition extraordinaire de 6 000 livres44. Affichant une prospérité de façade particulièrement reluisante, le collège de Montauban se trouve néanmoins confronté, dès le début du xviiie siècle, à des problèmes financiers difficiles à surmonter45. Profitant de son succès et grâce aux revenus substantiels qui lui sont accordés, il est clair que la Compagnie exerce, à la fin du xviie siècle, une influence grandissante sur les élites des principales villes de Haute-Guyenne. Mais les Jésuites ne sont pas les seuls à profiter de l’engouement pour la fondation de collèges46.
- 47 Ordre étudié dans la thèse de Jean de Viguerie, Une Œuvre d’éducation sous l’Ancien Régime. Les pè (...)
- 48 Mémoire du comte d’Eu, déjà cité, fol. 381.
39Créée à la fin du xvie siècle, une autre congrégation, celle des Doctrinaires, s’est établie dans trois villes de cette généralité. Cette œuvre d’éducation née dans le Midi de la France à l’initiative de César de Bus s’est surtout développée dans la Province de Toulouse qui comprend l’Est aquitain et le Languedoc, où Tordre compte treize collèges47. Voici la présentation qu’en donne le comte d’Eu en 1714 : « La fin de cet institut est de cathéchiser les peuples et d’imiter les apostres en enseignant les mistères de nostre foy. »48
- 49 E. Goudal, Histoire du collège de Villefranche-de-Rouergue, Villefranche, 1908, p. 15.
- 50 Étienne Cabrol, Les Annales de Villefranche, op. cit., p. 228.
- 51 adhg, 13 D 27, mentionné par Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la Fran (...)
40On ne saurait être plus clair pour un intendant : l’œuvre d’éducation est, en priorité, destinée à reconquérir les âmes avant d’enseigner d’autres disciplines jugées plus contingentes. À Villefranche-de-Rouergue, les pères jésuites jugeant insuffisantes les propositions financières49 faites par la ville cèdent la place à cette congrégation qui se contente de revenus plus modestes. Les consuls décident avec l’approbation de l’évêque Bernardin de Corneilhan d’ouvrir un collège et de passer un accord avec les Doctrinaires, en 162150 ; par le contrat du 10 juin 1622, ils s’engagent à verser chaque année 300 livres par régent et à leur attribuer une somme de 10 000 livres pour la construction de nouveaux bâtiments51.
- 52 Dans les registres BB 4 à BB 8. La plupart des délibérations concernant le collège sont reprises p (...)
- 53 Arch. mun. de Moissac, délib. cons.du 12 janvier et du 10 août 1698 reprise par Jean de Vallon, Le (...)
41À Moissac, après le refus des Jésuites de prendre en charge la régence des écoles, en 1657, les Doctrinaires, comme ils l’avaient fait à Villefranche, acceptent. Ils bénéficient, en 1659, d’un heureux concours de circonstances, grâce à la donation d’une métairie et de quelques autres revenus qui leur est faite par un bourgeois moissagais, Antoine Hébrard. Les autorités consulaires donnent leur accord à l’entente intervenue entre les doctrinaires et Antoine Hébrard, le 17 mars, et approuvent le contrat signé chez le notaire, le 22 mars. Seule réticence à vaincre celle de l’évêque de Cahors, Alain de Solminihac, dont une délégation de notables moissagais obtient l’approbation, le 22 avril. Quelques jours après eut lieu la cérémonie au cours de laquelle se fit la prise de possession solennelle de l’emplacement où devait se construire le collège. Une fois encore, cela donne l’occasion aux notables de la ville d’organiser une procession à laquelle participent les consuls et les chanoines jusqu’au terrain où le supérieur des Doctrinaires plante une croix. Les édiles s’engagent à financer la construction et l’aménagement de l’établissement, grâce à une rente s’élevant à plus de 2 100 livres par an52. À partir de 1670, ils poursuivent le chapitre de l’abbaye sécularisée pour obtenir une prébende préceptoriale de 400 livres. À la suite d’un long procès, le chapitre est condamné à octroyer aux Doctrinaires, à partir de 1707, un revenu de 600 livres. Cela permet de compenser la forte diminution de la pension versée par la communauté qui a semble-t-il tenu ses engagements financiers jusqu’à la fin du siècle. En 1698, les consuls soucieux de procurer un « soulagement à la communauté qui est accablée » par les impôts et taxes diverses et prenant prétexte d’une baisse des effectifs, proposent une nouvelle transaction qui limite la rente de la ville à 955 livres53.
- 54 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi op. cit., pp. 480- (...)
- 55 adl, Fonds de Camy-Gozon, 2e partie, liasse 2, pièce de procédure citée par Jean Lartigaut, « Proje (...)
42Les Doctrinaires acquièrent, en 1662, la mainmise sur un troisième collège, à Nant, dans le diocèse de Vabres où le seigneur du lieu, Pierre de Mailhac, offre une dotation de 30 000 livres pour la fondation d’une telle institution d’enseignement. En 1664, les consuls prennent l’engagement d’accorder une rente de 300 livres annuelles pour compléter les revenus de l’établissement dont le fonctionnement demeure mal connu54. Enfin les Doctrinaires envisagent la prise en charge d’un collège au Vigan, près de Gourdon. En juillet 1670, deux religieux de Villefranche-de-Rouergue sont venus dans cette ville « pour traiter de leur établissement au collège du dit Vigan », mais leur projet échoue, sans doute en raison de la modicité de la préceptoriale que la collégiale s’engage à leur verser55.
- 56 Lucien Cavalié, Figeac. Monographie, op. cit., pp. 154-164.
- 57 Dans sa monographie sur Figeac, p. 165, Lucien Cavalié cite un contrat du 23 avril 1676, passé che (...)
43Les deux seuls chefs-lieux d’Élection où Jésuites et Doctrinaires ne contrôlent pas un collège sont les villes de Figeac et de Millau. À Figeac, le collège est confié par les autorités consulaires aux Augustins, en 1623, mais un autre établissement continue de fonctionner avec des régents rémunérés par la communauté. En 1639, il demeure le seul à assurer l’instruction des enfants après un désaccord survenu entre les consuls et les révérends pères. En 1645, des négociations entreprises avec les Jésuites ont échoué, étant donné leurs exigences en matière de rémunérations et le collège dont les consuls ont de plus en plus de mal à assurer un bon fonctionnement se trouve réuni, en juin 1670, au séminaire créé deux années auparavant par M. de Laborie, un Bonaliste dont nous avons déjà évoqué le rôle. Grâce à son insistance, il obtient du roi l’octroi d’une pension annuelle de 400 livres payées par les états du Quercy qui viennent compléter les 150 livres de la prébende préceptoriale et les 250 livres payées par la ville pour les gages des régents56. Collège de plein exercice où les futurs prêtres pouvaient, après leurs études d’humanités, apprendre la théologie, l’établissement se dote de nouveaux bâtiments plus vastes et dont la construction s’échelonne entre 1675 et 1683. L’édifice construit apparaît imposant par ses dimensions de plus de 50 mètres de longueur et de 25 mètres de hauteur avec un escalier central en pierres qui permettait de desservir les trois étages57.
- 58 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 442.
- 59 Dominique Julia et Paul Pressly, « La population scolaire en 1789. Les extravagances statistiques (...)
- 60 Voir ci-dessus.
44Ville de plus de six mille habitants, Millau ne dispose pas d’un collège de l’importance de celui de Figeac. Collège tenu par les protestants jusqu’en 1663, la prise en charge par les catholiques se traduit par une désaffection des notables millavois, probablement parce qu’ils étaient en majorité huguenots. Le collège demeure jusqu’à la fin du siècle, un établissement à faible effectif où ne se trouve qu’un seul régent latiniste58. Sans doute faut-il ici reprendre un article de Dominique Julia et Paul Pressly paru dans les Annales pour expliquer l’absence de collèges de plein exercice dans des villes huguenotes de plus de cinq mille habitants, à la veille de la Révolution59. Selon eux, l’un des facteurs déterminants pour l’expliquer résulterait de la vive répulsion des élites urbaines, à majorité huguenotes jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, à voir un collège catholique s’installer dans leurs murs. Cette explication s’appliquerait à la ville de Millau comme à celle de Saint-Antonin ou à celle de Villemur-sur-Tarn où une forte présence protestante a survécu, en dépit de la répression. Cette contestation sournoise a déjà pu être observée de la part des autorités urbaines de Villemur lors de la désignation d’un régent laïque, en 1652, comme de celles de Saint-Antonin, en 168360. Elle s’est certainement poursuivie bien après la révocation de l’édit de Nantes, tout au long du xviiie siècle.
- 61 Pour Marie-Madeleine Compère, « une étape est indéniablement close vers 1675 quand s’achèvent l’ex (...)
45L’absence peut être due aussi à la proximité d’un collège dans une ville voisine comme c’est le cas pour la ville de Castelsarrasin située à huit kilomètres de Moissac. Au-delà de ces raisons, la faible implantation dans des petites villes où les notables revendiquent la création d’un collège est probablement d’origine pécuniaire et résulte maintes fois du lourd endettement des communautés. Pourtant, une autre raison apparaît plus fondamentale : c’est que l’engouement en faveur de la fondation de collèges nouveaux s’essouffle, dès les années 167061. En Quercy et en Rouergue, comme dans les autres provinces françaises, l’ère des fondations s’achève à cette date-là, au moment où les collèges, surtout ceux des Jésuites, connaissent probablement une fréquentation qui atteint son maximum après avoir connu une forte croissance tout au long du xviie siècle.
B. Un rayonnement grandissant des collèges
- 62 François de Dainville, L’Éducation des jésuites, xvie-xviiie siècles, Paris, Éditions de Minuit, 1 (...)
46Le « siècle des saints » a bel et bien été le siècle de l’expansion des collèges et de la divulgation d’une nouvelle manière d’enseigner dont les Jésuites ont été les précurseurs lorsqu’ils ont élaboré la Ratio studiorum, la règle des études, leur code pédagogique. Dans les classes d’humanités, de la cinquième à la troisième, les exercices de latin occupent l’essentiel des cinq heures de cours quotidiens et, avec Virgile ou Ovide, Cicéron est l’auteur dont le nom revient le plus souvent dans les œuvres étudiées, pendant le cursus scolaire des élèves. L’initiation à la rhétorique est l’objectif majeur poursuivi par l’enseignement. On la retrouve dans les exercices en latin qui témoignent du rôle essentiel dévolu à cette langue dont la connaissance reste fondamentale pour la poursuite des études en université. Les inventaires de livres trouvés chez les notables permettent de montrer concrètement la place qu’occupent les œuvres latines dans les bibliothèques. Les comptes d’un libraire de Rodez nommé Leroux nous apportent de précieux renseignements sur les livres de classe utilisés par les écoliers entre 1671 et 169662. Les achats d’œuvres latines apparaissent à tous les niveaux, surtout les œuvres de Cicéron. Un recueil de ses textes est mentionné sous le titre de Cicéron de cinquième et un autre sous celui de Cicéron de quatrième. Mais ce sont les titres des œuvres classiques de ce rhétheur célèbre qui sont les plus achetés comme les Tusculanes dans la classe d’humanités, ou le Pro Murena dans celle de rhétorique. Dans ces deux classes, les auteurs latins étudiés sont d’une grande diversité. Au programme Virgile, Horace, Ovide, César, Juvénal, Salluste, Quinte-Curce, bref tous ces ouvrages du parfait latiniste ont probablement contribué à assurer des ressources lucratives au libraire ruthénois, Leroux. Ils témoignent surtout de l’importance accordée au latin, mais aussi, au grec, tout au long des études suivies en collèges.
- 63 François de Dainville, L’Éducation des Jésuites, cité ci-dessus, pp. 119-125
- 64 La province de Toulouse comprenait le Languedoc, la Haute-Guyenne, la Gascogne et l’Auvergne.
- 65 Pour Rodez chiffre cité par Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans Les collèges dans la F (...)
47La prospérité de ces établissements s’est traduite par une forte croissance des effectifs. Dès le début du xviie siècle, les effectifs des collèges atteignent des niveaux élevés et selon François de Dainville, en 1611, le collège de Rodez compterait 1 000 élèves. Un rapport du provincial de Toulouse, en 1606, fait le constat d’une surcharge des effectifs d’élèves dans chaque classe et signale plus de 200 élèves dans la classe de rhétorique de Cahors ce qui justifie, à ses yeux, de « fonder des collèges de grammaire à une distance qui ne dépasse pas quinze lieues »63. Un document des Archives provinciales jésuites fournit les effectifs des collèges, en 1627, dans la province de Toulouse64 : le collège de Cahors aurait alors 700 élèves, celui de Rodez 650, ceux d’Aurillac et d’Albi 450 et 400. Les effectifs demeurent aussi élevés au milieu du siècle puisque 700 élèves sont comptés à Rodez, en 1658 ou 600 à Villefranche-de-Rouergue, en 166865.
48À Moissac, le 12 janvier 1698, les consuls déçus par les Doctrinaires effectuent un inventaire précis des effectifs qu’ils ont comptés dans chaque classe :
- 66 Arch. mun. de Moissac, BB 8, fol. 131 vo.
« Les officiers de la ville ont faict la visite du collège et… trouvé qu’en philosophie il y avait seize escoliers en rhétorique, quatre en seconde, treize en troisième, seize en quatrième, dix en sixiesme et cinquième vingt trois revenant le tout à 86 pour l’instruction de la d. jeunesse »66.
- 67 François de Dainville a établi dans L’Éducation des jésuites, op. cit., une corrélation entre l’év (...)
- 68 Bibl. mun. de Rodez, Ms 4, Catalogus scholasticorum collegii ruthenensis Societas Jesu, 1698-1731.(...)
49Il s’agit-là d’un collège dont les effectifs ont largement dépassé la centaine d’élèves et se trouvent fortement réduits à la fin du siècle. Mais il est probable que les crises de subsistance qui ont sévi, à Moissac et dans tout le Bas-Quercy, au cours des années 1690 et 1700, ont contribué à faire chuter le nombre d’élèves comme on peut le constater ailleurs67. Quoi qu’il en soit on est évidemment loin des 300 élèves mentionnés dans le collège des Jésuites, à Montauban, en 1701, et plus encore des 600 ou 700 comptés à Cahors, Rodez ou Villefranche-de-Rouergue au long du xviie siècle. Ces chiffres sont probablement surévalués et si l’on s’en tient à des sources plus sérieuses comme le catalogue des écoliers du collège de Rodez68, le nombre d’élèves officiellement claironné doit être divisé par deux. En effet, d’après ce catalogue très détaillé qui indique les noms, prénoms et origines géographiques des élèves par classe, entre 1699 et 1731, la moyenne se situe à 350 élèves et elle varie de 276 à 415. Il va sans dire que le calcul des effectifs d’écoliers est particulièrement difficile à réaliser mais tous les historiens s’accordent à reconnaître que leur nombre n’a cessé de s’accroître jusqu’à la fin du xviie siècle.
- 69 Mémoire du Comte d’Eu, déjà cité, fol. 338.
- 70 Arch. dio. Cahors, document 6-23 : registre manuscrit rédigé en latin et en français.
50Le rayonnement des collèges est alors essentiellement lié à la religion et comme l’écrit le comte d’Eu dans son Mémoire : « On enseigne dans les collèges les éléments qui sont propres pour le monde et pour l’Église69. » À la date où il écrit, les objectifs d’évangélisation qui ont prévalu jusque-là, l’emportent sur les autres préoccupations et les clercs entendent imposer une éducation des jeunes conforme aux dogmes catholiques. Bien plus, les collèges doivent s’intégrer dans la vie religieuse et sociale des villes et ils sont alors considérés comme un lieu de piété religieuse qui permettait d’instruire les élites urbaines et de tisser des liens entre les jeunes garçons des familles de notables. C’est en tout cas un des objectifs qui semblent prévaloir lorsqu’a été créée la Congrégation de l’Assomption dans le collège de la Compagnie de Jésus, à Cahors, en 1614. Lors de la réunion constitutive de cette congrégation, ce sont toutes les hautes personnalités de la ville qui se trouvent réunies : l’évêque, le chancelier de l’Université, le président du présidial, les consuls et un grand nombre de notables70.
- 71 Arthur de Boislisle, Correspondance des contrôleurs des finances, op. cit., tome 1, pp. 62-63.
- 72 Le récit de cette cérémonie est paru dans les Annales de la Province de Toulouse de la Compagnie d (...)
- 73 François de Dainville, L’Éducation des Jésuites, op. cit., pp. 279-283.
- 74 Si l’on en croit les études faites par Jean de Viguerie, dans Une œuvre d’éducation op. cit., la r (...)
51L’importance de ces congrégations liées au collège se trouve confirmée, en 1686, lorsque l’intendant Le Goux de la Berchère plaide la cause des Jésuites de Montauban pour obtenir des moyens financiers supplémentaires en jugeant qu’il « leur est nécessaire aussi d’avoir trois grandes salles pour servir aux congrégations des écoliers, des bourgeois et des artisans »71. Dans cette ville, en 1678, lors du transfert du collège vers l’hôtel de Colom beaucoup plus vaste et mieux situé, cela a donné lieu à une procession à laquelle ont participé une foule de notabilités montalbanaises et « les congrégations mariales des Élèves et des Messieurs » s’y trouvent au premier rang. Suivent les chanoines de la collégiale et de la cathédrale ; vient ensuite le dais qui protège le Saint-Sacrement et que portent des autorités de la ville accompagnées par des officiers de l’administration royale. Participent encore à ce cortège « une multitude de personnalités de tous rangs »72. Le collège contribue, ainsi, à l’ostentation religieuse des élites urbaines et, tout au long du xviie siècle, ces élites n’ont eu de cesse qu’elles n’obtiennent un établissement de plein exercice pour leur ville, qu’elle soit grande ou petite. Le collège est, en effet, d’abord destiné aux enfants de nobles ou de notables, comme en témoignent les livres de comptes du libraire de Rodez, évoqué ci-dessus, où se trouvent mentionnés dans le détail, non seulement les achats de livres mais aussi les noms et qualités de ses clients. On remarque évidemment des enfants de nobles, d’officiers de l’administration royale, de magistrats, d’avocats et de notaires ; des fils de médecins, de chirurgiens, d’apothicaires, de marchands ; mais aussi, des enfants d’artisans ou plus rarement de petits métiers73. Pour beaucoup de ces rejetons des familles de notables, le collège est un passage obligé de l’ascension sociale74 avant d’accéder à l’université et d’y acquérir les diplômes « conformes à leur état ».
C. Du collège à l’université
- 75 Patrick Ferté, L’Université de Cahors au xviiie siècle, op. cit. Étude exhaustive sur cette univer (...)
52La création de l’université de Cahors est due au pape d’Avignon, Jean XXII, qui, en juin 1331, par une bulle pontificale promulgue une fondation d’un generale studium dans sa ville natale75. Comme toutes les universités médiévales, celle de Cahors enseignait des disciplines aussi différentes que le droit, la médecine, les arts et la théologie. Elle se trouve, dès sa fondation, associée aux trois collèges cadurciens de Pélegry, de Saint-Etienne de Rodez et de Saint-Michel. C’est d’ailleurs, à ce dernier collège qu’une partie des bâtiments ont été empruntés pour aménager les locaux permettant d’assurer son fonctionnement. Moins bien dotée financièrement que les anciens collèges, l’université fonctionne essentiellement grâce aux impositions alloués par les états de Quercy afin de financer tous les établissements de la province. Le montant de ses ressources atteint 3 700 livres en 1579, et 3 300 livres ou 3 400 livres au cours du xviie siècle. Il est clair que l’université dépend pour la majeure partie de ses revenus d’une subvention qui permet d’assurer un salaire aux professeurs mais demeure insuffisante pour financer son activité. En 1678, un arrêt du conseil d’État répartit ainsi l’attribution des salaires : aux professeurs de droit 1 700 livres dont 500 pour le doyen et 400 pour les trois autres. Les huit professeurs des autres disciplines ne reçoivent que 1 600 livres inégalement réparties entre eux, en fonction de leurs mérites, sur les ordres de l’évêque de Cahors.
53Un moyen permet aux professeurs de compléter leurs rémunérations plutôt faibles : il s’agit des droits perçus sur les inscriptions payés par les étudiants. Ces droits sont alors plus élevés pour les inscriptions à des études de médecine qu’à celles de droit ou de théologie. Au total, il semble qu’elles permettent aux régents de médecine de doubler leurs émoluments, vers 1720, mais ils sont loin d’atteindre les revenus qui reviennent aux professeurs de droit dont la clientèle très nombreuse leur assure des revenus plus élevés. Une partie de ces droits payés par les étudiants pour leur inscription et leur graduation revient à l’unversité. Mais cette part apparaît beaucoup plus faible que celle perçue par les autres universités concurrentes. Elle reste trop minime pour apporter des compléments de ressources conséquents et permettre à l’institution cadurcienne de faire face à ses dépenses de fonctionnement
- 76 Le financement est assuré grâce à l’adjudication des rentes des trois collèges, soit 5069 livres p (...)
54Trop pauvre pour construire ses propres bâtiments, l’université doit répartir les cours dans divers locaux dispersés dans toute la ville de Cahors et, en particulier, dans des salles du collège jésuite ou dans des couvents. Au milieu du xviie siècle, les consuls conviennent de la nécessité de construire un nouvel édifice pour l’université et avec le soutien de l’intendant Foucault, les travaux commencent en 166176. Le nouvel établissement est achevé en 1680, mais il semble qu’il s’agisse d’une construction de mauvaise qualité nécessitant un entretien trop coûteux pour une institution qui dispose de moyens financiers très insuffisants.
55En dépit de ses problèmes matériels, l’université de Cahors accueillit, bon an mal an, une moyenne de quatre cents étudiants. Elle peut s’enorgueillir, au xviie siècle, de former de grands jurisconsultes, comme Marc-Antoine Dominici qui devint historiographe du roi et des prélats réputés comme François de Salignac de Lamothe-Fénelon qui en fut le gradué. Son recrutement se réalise essentiellement en Haute-Guyenne, dans les diocèses de Cahors et de Rodez, mais des étudiants viennent aussi des diocèses voisins de Saint-Flour, d’Agen, de Sarlat, de Limoges, de Tulle, d’Albi ou de Montauban. Si l’on reprend les indications données par Patrick Ferté dans un tableau sur la clientèle de l’université de Cahors entre 1740 et 1750, on peut constater que les étudiants du diocèse de Montauban sont moins nombreux que ceux du diocèse d’Albi ; c’est dire l’attraction très forte exercée par l’université de Toulouse dans le Haut-Languedoc et les difficultés de l’université cadurcienne pour résister à la concurrence. Gravement endetté et de plus en plus déserté par les étudiants, cet établissement est obligé de fermer ses portes, en 1751, à la suite d’un édit royal, qui impose le rattachement de l’université de Cahors à celle de Toulouse. Le parlement de cette ville, accusé à tort ou à raison d’être l’inspirateur de cet édit, enregistre la décision royale avec une satisfaction non dissimulée.
- 77 adtg, 3 E 2432, délib. cons. du 19 juillet 1751. La lettre du maire de Cahors se trouve collée dan (...)
56Pourtant les Cadurciens ont alors cherché à mobiliser les notabilités quercinoise pour faire échec à cette fermeture. Le maire de Cahors, Latour Dayma, adresse une lettre aux consuls de Lauzerte, le 7 juillet 1751 pour leur demander d’intervenir en leur donnant toute une série d’arguments. La délibération consulaire du 19 juillet suivant illustre l’émoi suscité par la décision royale. Si l’on en croit la protestation des consuls et des habitants qui assistent nombreux à l’assemblée de la communauté, l’utilité de cette université « pour la jeunesse studieuse des environs » est jugée indispensable par les notables d’une cité quercinoise comme Lauzerte. Dans leur argumentation, elle présente un double intérêt. Celui de faciliter l’accession à la cléricature et aux professions d’avocats, de médecins ou d’hommes de loi. Celui de permettre des études à un moindre coût et d’en faciliter l’accès à des enfants de familles peu fortunées car dit la délibération des consuls de Lauzerte « les parents de cette jeunesse trouvaient des resources et le moyen quoique malaisés de les pousser dans les sciences »77. En dépit des protestations qui ont jailli de toutes parts, la fermeture de l’unversité est maintenue et les étudiants quercinois ou rouergats doivent se rendre à Toulouse afin de poursuivre leurs études. Beaucoup plus coûteuses ne serait-ce que par les droits d’inscriptions bien plus élevés, les études universitaires se trouvent, de fait, réservées aux enfants des familles les plus riches. On est alors bien loin des grands élans de scolarisation qui ont conduit à l’essor des collèges, au xviie siècle, au moment où la volonté de développer l’instruction a aussi encouragé celle des jeunes filles.
iii. Les écoles de filles prolifèrent à l’initiative des congrégations religieuses
57Alors que l’instruction des jeunes filles est réservée à quelques privilégiées tout au long du Moyen Age, elle s’est développée, à partir du xvie siècle, à l’instigation des humanistes et spécialement par la volonté des protestants d’encourager la lecture individuelle de la Bible. L’idée d’instruire les filles, tout autant que les garçons, fait son chemin et la réussite de l’enseignement protestant gagne toutes les villes où la religion calviniste s’est imposée. Ainsi, à Montauban, les signatures de femmes protestantes sont de plus en plus nombreuses dans les registres des notaires, dès le début du xviie siècle. Le succès des écoles huguenotes incite les catholiques à se soucier davantage de l’éducation de la jeunesse d’autant plus que le concile de Trente contribue à encourager l’instruction religieuse en vue de combattre l’hérésie.
A. L’apologie de l’instruction religieuse des jeunes filles
- 78 Sur l’éducation des filles, quelques études permettent d’avoir un aperçu général : Jean Perrel, « (...)
- 79 Renseignement fourni par notre collègue, Henri Ricalens, d’après des archives privées.
- 80 Henri Bressac, La châtellenie de Saint-Céré et la vicomté de Turenne, 1927, réédit. 1984, pp. 285- (...)
- 81 Mémoires de Nicolas Joseph Foucault, op. cit., p. 81.
58Selon les convictions qu’ils affirment avec de plus en plus de force, les dévots considèrent que la reconquête catholique doit accorder aux femmes la première place dans l’éducation chrétienne des enfants78. Il est donc nécessaire de veiller à leur instruction et de l’encourager par tous les moyens. Déjà au xvie siècle, les familles de notables envoient les jeunes filles dans les couvents pour recevoir une éducation religieuse à laquelle s’ajoute l’apprentissage de la lecture et parfois de l’écriture. C’est le cas pour les deux filles qu’un notable de Moissac, Jean Barast, confie aux Clarisses pour leur apprendre à lire, l’une, en 1653, et l’autre, en 1657, moyennant une pension de 90 livres79. Au cours du xviie siècle, les Clarisses ou sœurs de Sainte Claire ouvrent, comme elles l’ont fait à Moissac, de nombreux pensionnats destinés à l’éducation des jeunes filles. Elles en établissent à Gourdon, à Cahors, à Figeac, à Mur-de-Barrez, à Villefranche-de-Rouergue, à Montauban, à Lauzerte ou encore à Caussade. Dans cette ville, contrairement aux autres où la présence des Clarisses est très ancienne, la fondation d’un couvent de Sainte-Claire se réalise seulement au xviie siècle, en 1624, grâce à une dotation de 3 000 livres émanant de la veuve d’un avocat. Elles ne sont pas les seules à se développer et à fonder des pensionnats. D’autres ordres religieux féminins ont vocation à instruire les filles. Visitandines, Bénédictines, Augustines ou d’autres congrégations dont le principal objectif n’est pas l’enseignement, se consacrent chacune à leur manière à cet effort d’instruction. Les sœurs de l’Annonciade ou Minorettes accueillent des pensionnaires à Rodez, depuis le début du xvie siècle ; les Visitandines, les religieuses de la Visitation fondées, au début du xviie siècle, par Jeanne de Chantal et François de Sales, ont profité d’une donation de 10 000 livres pour s’installer à Saint-Céré, en 167980. En 1682, l’intendant Foucault envisage d’établir à Montauban, une maison de cette congrégation « où l’on pût retirer des jeunes filles nouvellement converties »81 ; mais les Visitandines ne viennent pas à Montauban et si la requête de l’intendant est entendue, elle aboutit à l’installation des dames de Saint-Maur comme cela sera évoqué ci-dessous. Pour répondre à la demande des parents, ces religieuses se sont progressivement spécialisées dans l’enseignement même si comme les Visitandines, il s’agissait à l’origine d’un ordre charitable et contemplatif.
B. L’éclosion de nouvelles congrégations
- 82 Bref aperçu de l’histoire des congrégations religieuses enseignantes dans L’éducation en France, o (...)
59Le besoin d’instruction des jeunes filles a fortement contribué, dès la fin du xvie siècle, au foisonnement de congrégations religieuses essentiellement vouées à des tâches éducatives. La fondation d’écoles par les Ursulines en Italie, puis en France dans le Comtat Venaissin, sert de modèle à d’autres congrégations enseignantes nées, dès le début du xviie siècle, comme c’est le cas à Bordeaux, pour les Filles de la congrégation Notre-Dame. L’établissement des Ursulines se généralise dans les grandes villes, d’abord à Paris, en 1610, puis à Toulouse, en 1614, et à Bordeaux, en 161882. Elles essaiment ensuite en Haute-Guyenne, dans des villes comme dans de petites bourgades telle Montpezat-de-Quercy, où, dès 1631, un généreux donateur leur accorde des revenus équivalents à plus de 30 000 livres. Selon un état du couvent des religieuses de Sainte-Ursule de cette ville, rédigé en 1668, il fut fondé par la veuve du marquis de Montpezat, dame Suzanne de Gramond :
- 83 Louis Greil, « États des monastères des filles religieuses du diocèse de Cahors en 1668 », bsel , (...)
« par acte passé par devant Belmontet, notaire royal de Piquecos, du troisième octobre 1631, par lequel acte la d. dame déclaire qu’elle fait la d. fondation pour satisfaire aux volontés du d. feu seigneur marquis son mari, conteneus à son testament et pour le salut de son âme… Pour dottation des d. religieuses au nombre de six, la d. dame leur donne tant en propriété qu’usufruit, une mettairie. »83
60Cette propriété leur assure des revenus immuables qui permettent aux sœurs de Montpezat d’envisager sereinement leur avenir et d’en faire un des établissements féminins les mieux dotés de la Haute-Guyenne.
- 84 Bernard Paumès « Les écoles de Cahors avant la Révolution », bsel , t. 30, 1905 et t 31, 1906.
- 85 Louis Greil, « États des monastères… » cité ci-dessus.
61Les Ursulines se sont par la suite établies dans les villes de Cahors, de Montauban, de Castelsarrasin. À Cahors l’institution a été fondée à l’initiative de la supérieure de Bordeaux et grâce à deux donations, Tune de 6 000 livres de François de Salignac, seigneur de Lamothe-Fénelon et l’autre, pour le même montant, de dame Anne d’Avauson, veuve de Christophe d’Hébrard de Saint-Sulpice, seigneur du Vigan. L’acte de fondation est passé à Bordeaux, le 3 février 1632 et il engage l’évêque, Pierre Habert, mais aussi les consuls de la ville84. Dans l’état de cette institution, en 1668, est présentée la liste de l’ensemble des religieuses. Sur les 25 noms cités, se trouvent mentionnées : « La prefete des classes, la maistresse des pensionnaires » avec son aide et seulement deux régentes85. L’enseignement semble présenter pour les filles un caractère beaucoup plus superficiel que pour les garçons, au-delà des apprentissages sommaires à la lecture et à l’écriture.
- 86 Henry Le Bret, Histoire de Montauban, Montauban, 1668, tome I, p. 153.
- 87 adtg, G 67.
- 88 Jean Boutonnet, Castelsarrasin, 1000 ans d’histoire, Montauban, 1989, p. 60.
- 89 A. Ginisty, Histoire d’Entraygues-sur-Truyère, 1933, pp. 178-179.
62Les Ursulines fondent une institution à Montauban, en 1639, à la demande de l’évêque Anne de Murviel86. En 1670, l’assemblée du clergé leur accorde une aide financière modeste de 100 livres afin d’agrandir leurs bâtiments pour faire des classes87. Trois ans après, en 1642, elles s’établissent à Castelsarrasin où elles font édifier un bâtiment près de l’hôpital, grâce aux revenus de la première supérieure, veuve d’un magistrat de la ville88. On trouve aussi des Ursulines dans le Rouergue à Villefranche-de-Rouergue, à Espalion où elles s’installent, en 1734, et à Entraygues où les consuls de la ville font appel, en octobre 1678, aux Ursulines d’Espalion pour créer une école de filles. La réponse a été favorable puisqu’un an après, une lettre patente du roi approuve cet établissement et, dès le mois de septembre, trois religieuses s’installent dans la ville89.
- 90 adtg, H 225.
63Outre les Ursulines, d’autres congrégations religieuses sont aussi créées, au temps de la reconquête catholique, pour développer l’éducation des jeunes filles. Deux d’entre elles ont joué un rôle primordial en Haute-Guyenne : les Mirepoises et les sœurs de l’Union chrétienne. Mais d’autres ont marqué de leur influence certaines villes où elles ont élu domicile. Par exemple, les sœurs de Sainte-Agnès s’installent à Laguiole. Les Filles de l’enfant Jésus, aussi nommées dames de Saint-Maur ou Dames noires, ouvrent une maison à Montauban, en 1682, avec pour principal objectif d’assurer l’éducation des jeunes filles de familles protestantes90.
- 91 Jacques Prévot, La première institutrice de France. Madame de Maintenon, Paris, 1981 p. 79. Ce liv (...)
- 92 Yves Poutet, Le xviie siècle et les origines lasalliennes, Rennes, 1969, tome 1, p. 506.
64C’est surtout à partir de 1680 que les écoles de filles se multiplient. C’est aussi au cours des deux dernières décennies du xviie siècle que de nouvelles conceptions de l’enseignement féminin sont exprimées dans des ouvrages appelés à un grand retentissement. Le Traité sur le choix et la méthode des études de Fleury est publié en 1685 et s’intéresse, dans l’un de ses chapitres, aux études des femmes. L’instruction qu’il leur conseille reste rudimentaire, mais elle comprend les apprentissages de la lecture et de l’écriture à côté de celui d’une arithmétique pratique. Plus complet et entièrement consacré aux études féminines, l’œuvre de Fénelon, De l’éducation des filles paraît, en 1687. Il propose d’élargir leur programme d’enseignement aux exercices latins et à des lectures de réflexion à côté de disciplines plus artistiques. Ces principes d’éducation de Fénelon ont été repris par Mme de Maintenon dans sa maison royale de Saint-Cyr où elle s’engage à faire instruire des « pauvres demoiselles », filles de familles nobles désargentées. Dans son Avis aux Dames dans lequel, le 1er août 1686, elle précise ses projets, elle fixe pour objectif à l’éducation des enfants et par conséquent de ces jeunes filles de « former leur raison, d’élever leur esprit et de leur faire connaître et aimer la vertu »91. Certes ces avancées ne concernent qu’une minorité d’entre elles ayant la chance d’être bien nées mais il est manifeste que la nécessité d’instruire la gent féminine apparaît aussi nécessaire à la fin du xviie siècle que d’instruire les garçons. Cela explique l’essor des institutions religieuses destinées à l’éducation des filles et la prospérité des nouvelles congrégations92.
- 93 B.N., Imprimés, F 23613 (828), pp. 3-4, cité dans L’histoire de l’éducation, op. cit., p. 238.
- 94 adl, H 52.
65Dans le Quercy, Jeanne de Boissy, une dévote née à Montpezat-de-Quercy et qui se destinait à entrer au Carmel, décide de se consacrer à l’éducation des jeunes filles. Elle bénéficie des largesses du marquis de Mirepoix, gouverneur du Quercy qui a légué, en 1665, par son testament, un bâtiment pour fonder une institution religieuse destinée à former des maîtresses d’école permettant développer l’instruction des jeunes filles. Madame de Mirepoix, veuve du marquis, entreprend de se consacrer à cette œuvre puis elle confie la direction de son établissement à Mademoiselle de Boissy. Celle-ci constitue une communauté de « filles et veuves de piété » avec l’approbation de l’évêque de Cahors qui, dans une ordonnance de 1673, l’encourage à former « des maîtresses d’école pour les répandre après dans les bourgs de la campagne, afin d’y donner les mêmes instructions aux filles qui s’y trouveront, et principalement aux pauvres »93. Elle décide ensuite de fonder la Congrégation des écoles chrétiennes dont elle prend la direction. Portant le nom de leur donateur, les Mirepoises appelées aussi les Filles des écoles chrétiennes, créent une école à Cahors et à Figeac puis sont approuvées par lettre patente du roi94, en mars 1679.
66À l’initiative de l’évêque de Cahors, Louis de Noailles, elles reçoivent, quelques temps après, les constitutions qui fixent leurs fonctions et précisent dans le détail leur rôle et l’organisation de leur travail. Ce règlement épiscopal édicté, le 1er août 1680, définit clairement, dès le préambule, les objectifs assignés à ces religieuses :
- 95 adl, H 51, fol. 1. Ce document de 27 feuillets édicte le règlement de l’institution.
« Leurs principaux employs seront d’enseigner gratuitement la doctrine chrétienne aux jeunes filles, et principalement aux pauvres, les disposer à se confesser et à faire leur première communion, leur montrer à lire et à escrire, à travailler pour gaigner leur vie, et autres choses convenables à leur sexe et condition. »95
67L’évêque précise, en outre, que les Mirepoises doivent « rester séculières, vivant toujours dans leur habit séculier ». Dans l’emploi du temps prévu pour les élèves, il va de soi que l’évêque accorde une grande place à l’instruction religieuse et aux exercices de piété. Dès le matin, de 5 heures 45 à 6 heures 15, doit avoir lieu une méditation. « À sept heures un quart on commencera l’escole », à 9 heures, est prévue la messe suivie, de 10 heures 30 à 11 heures, d’une lecture spirituelle. L’école reprend en début d’après-midi jusqu’à 16 heures. À 17 heures a lieu une nouvelle méditation et la journée se termine par une prière avant le coucher. Même si cet emploi du temps n’était pas respecté à la lettre, il indique clairement les objectifs donnés à l’enseignement féminin : il s’agit en priorité de former des bonnes chrétiennes.
- 96 Jean Calvet, « L’éducation des jeunes filles à Castelnau, au xviiie s. », bsel , 74, 1953.
- 97 Bernard Paumés, « Les écoles de Cahors avant la Révolution. Écoles de jeunes filles », dans bsel ,(...)
68Sous l’impulsion d’une supérieure dynamique, les Mirepoises se recrutent dans la bourgeoisie et la petite noblesse dévotes96 ; elles obtiennent, de préférence dans les villes, l’ouverture de plusieurs écoles pour les jeunes filles97. Dès la fin du xviie siècle, leur succès est grandissant et, suivant les directives de l’Église comme celles de la monarchie, elles sont vivement encouragées à s’implanter dans les fiefs huguenots. Cet encouragement est confirmé lors de la création d’une école à Caussade, en 1687, lorsque mademoiselle de Boissy rencontre l’intendant de la généralité de Montauban, Urbain Le Goux de la Berchère. Ce dernier lui aurait dit :
- 98 Firmin Galabert et Louis Boscus, La ville de Caussade, ses vicomtes et ses barons, Montauban, 1908 (...)
« Je suis icy, mademoiselle, pour autoriser de la part du roy les écoles que vous voulez y établir. Choisissez dans toute la ville la maison qui conviendra le mieux pour vos fonctions ; elle vous sera donnée. »98
- 99 Arch. mun. de Saint-Antonin, reg. délib. cons., BB 13, fol. 246 vo à 249.
69Outre ce soutien inconditionnel, l’intendant impose aux consuls de Caussade d’inscrire 150 livres dans les dépenses communautaires afin de rémunérer les maîtresses. Les Mirepoises s’installent dans d’autres villes qui s’étaient distinguées par la présence de communautés protestantes fortes, comme à Saint-Antonin, en 1702. Sur proposition de l’intendant, l’assemblée des habitants approuve « l’establissement des dames de Mirepoix en cette ville pour l’instruction et éducation des filles… à l’esgard des gages, la communauté y contribuera pour la somme de 200 livres outre le d. logement et les gros meubles »99. De fait cette dernière disposition est respectée par la communauté puisqu’en 1703, une délibération consulaire mentionne les 19 bancs qui ont été fabriqués pour les écoles de filles.
- 100 Dans cette ville, la délibération consulaire du 10 novembre 1700 mentionne que : « Mr le curé leur (...)
- 101 Firmin Galabert, « Les écoles autrefois », article déjà cité, no 33-1905, p. 155.
70À la fin du siècle, les Mirepoises ont aussi créé d’autres écoles, à Lauzerte, à Cajarc, à Caylus à Gourdon, ou à Saint-Céré100. L’enthousiasme du clergé à l’égard des écoles de filles est manifeste dans cet engagement pris par le curé de Saint-Céré. On le retrouve aussi de la part des autorités consulaires à Lauzerte où l’établissement des Mirepoises installé depuis juin 1690, se trouve conforté, en 1695, lorsque les consuls exigent la collaboration d’une troisième religieuse pour les deux maîtresses déjà en place101.
- 102 Henri Affre, Dictionnaire des institutions, coutumes et mœurs du Rouergue, Rodez, 1903, au mot « é (...)
- 103 Louis Mercadié, Saint-Geniez-d’Olt, Rodez, 1990.
- 104 Yves Poutet, Le xviie siècle et les origines lasalliennes, Rennes, 1969, tome 1, pp. 560-567. Ces (...)
- 105 Histoire du Rouergue, op. cit., contribution. de Jean Delmas ; « Vitalité contrariée sous l’Ancien (...)
71Une autre congrégation proche des Mirepoises dans ses engagements s’établit en Rouergue, à la même époque : il s’agit des Sœurs de l’Union Chrétienne. Elles ne se présentent pas comme des religieuses mais comme des « veuves ou des filles unies dans une maison pour l’éducation et l’instruction des jeunes filles »102. Ces Sœurs du Travail, comme on les a appelées, ont créé une première école à Saint-Geniez, en 1680, à l’inititative de Catherine Campels qui réunit dans sa maison 5 autres demoiselles de la ville. Elles s’engagent « à vivre en commun, à enseigner gratuitement les jeunes filles de la ville, à recevoir dans leur maison les personnes qui souhaitent faire des retraites »103. Elles s’associent aux Filles de la Sainte-Famille une congrégation religieuse fondée à Paris par madame Miramion104. Devant le succès de ces « Filles du Travail », l’évêque de Rodez, Gabriel Voyer de Paulmy approuve cette congrégation sous le nom de Sœurs de l’Union Chrétienne et leur accorde un règlement, le 8 juillet 1682. Ce n’est qu’en 1700 que ces religieuses enseignantes obtiennent les lettres patente du roi qui leur assure une reconnaissance officielle. Présentes dans les villes, dès les années 1680, elles ont, par la suite, essaimé dans tout le Rouergue en assurant une instruction sommaire aux jeunes filles. On les retrouve à Marcillac, à Conques, à Sainte-Geneviève, à Saint-Parthem, à Pomayrols, à Livinhac105.
- 106 Pierre Malrieu, Penne-en-Albigeois, Bruniquel-en-Quercy, La Duraulie, 1986.
72Les congrégations religieuses ne sont pas les seules à avoir encouragé l’instruction des jeunes filles. Les communautés y contribuent, aussi, en rémunérant des maîtresses d’école qui n’appartiennent pas à des congrégations. Les exemples abondent, mais là encore, c’est surtout à la fin du xviie siècle qu’on peut le constater. Comme à Caussade et à Saint-Antonin, des écoles ont été ouvertes pour l’éducation des jeunes filles de familles protestantes à Montauban. Si quatre régentes envoyées dans les écoles de quartier de la ville font partie des Dames Noires, les autres sont probablement des laïques. C’est la même chose à Millau où la création d’une école de filles apparaît bien tardive, puisqu’une délibération consulaire ne la mentionne qu’en 1700, avec le vote de 300 livres de gages pour trois régentes. En 1709, cette régence est confiée aux Dames noires qui se sont fait une spécialité dans l’évangélisation des nouvelles converties. On trouve encore la nomination de régentes dans des fiefs huguenots comme à Nègrepelisse, et, à Saint-Félix-de-Sorgues. Dans cette communauté, c’est l’évêque qui exige l’ouverture d’une école de filles, au lendemain de la révocation de l’édit de Nantes. Madeleine Railhac, la fille d’un notable catholique est embauchée jusqu’en 1692, date à laquelle les édiles de la communauté décident de supprimer ses gages. En 1705, à Réalville, 100 livres de gages sont accordés à la régente Antoinette Pons ; à Bruniquel, en 1723, la régente reçoit des gages identiques à condition de ne rien prendre des écolières106. C’est bien dans les paroisses où la reconquête religieuse est la plus nécessaire que le zèle, mis en œuvre pour développer l’instruction, a été poursuivi avec le plus de persévérance.
73Car l’objectif poursuivi est bien là. Constamment réaffirmé dans les actes de fondation aussi bien que dans les délibérations consulaires, il s’agit de montrer les chemins de la vraie foi tout autant que d’instruire à la lecture et à l’écriture. Cette exaltation éducative de la part du clergé a pour effet de toucher aussi bien l’enseignement des filles que celui des garçons quoique les disciplines enseignées ne soient pas les mêmes. La multiplication des écoles sous le règne de Louis XIV témoigne de l’importance accordée à l’instruction dans la reconquête des âmes des nouveaux convertis et notamment des enfants. Les initiatives des intendants ont encouragé le développement de l’instruction partout où les protestants sont nombreux. Elles apparaissent comme un stimulant d’une grande efficacité pour encourager l’instruction, d’abord dans les villes, mais aussi dans les campagnes où la désignation des maîtres d’école dans de petites paroisses permet d’affirmer que l’instruction fait d’indéniables progrès. L’incitation de l’administration royale, le zèle du clergé, la ferveur des dévots, tout se conjugue, dès la fin du xviie siècle, pour donner un élan décisif à l’enseignement au siècle des Lumières.
Notes
1 Jean Dumoulin, Le consulat de Villeneuve en Rouergue, Toulouse, 1960 et Firmin Galabert, « L’instruction dans la seconde moitié du xve siècle à Caylus », bsatg , t. X, 1882. Selon Jean Dumoulin, en novembre 1469, lors de sa prise de fonction, Antoine Taraque reçoit 40 livres de torches de cire. Cela ne servait-il qu’à festoyer ?
2 Firmin Galabert, « Les écolehs autrefois dans les pays de Tarn-et-Garonne », bsatg , t. XXXIII, 1905 et t. XXXIV, 1906.
3 Citations d’André Mateu dans sa contribution à l’Histoire d’Agen, sous la dir. de Stéphane Baumont, Toulouse, Privat, 1991, p. 146 et de Paul Butel dans son étude « Alphabétisation et scolarisation en Aquitaine au xviiie et au début du xixe siècle », Lire et écrire…, op. cit., t. 2, p. 17.
4 Firmin Galabert, Histoire de Montpezat, Montauban, rééd. 1990.
5 adtg, G 780, extrait des registres du parlement de Toulouse.
6 adtg, G 787.
7 adhg B 396, fol 397.
8 adhg, B 282, fol. 70 et B 289, fol. 10.
9 ada G 117, le 27 septembre 1739.
10 Marie-Léone Alary, « Les petites écoles de Beaumont en Rouergue », rdr , 1986, pp. 279-296. Elle cite dans cette étude de nombreuses références de contrats passés chez les notaires dont les registres se trouvent aux ada, 3 E 16373 à 3 E 16386. Un tableau des régents aux pages 294 et 295, permet d’établir, entre 1614 et 1656, la liste des noms, la date des contrats, leur qualité et leur lieu d’origine.
11 La prébende est évoquée par le maire de Saint-Antonin, lors d’une délibération consulaire en 1788, comme un moyen de soulager les finances de la communauté. L’idée est reprise dans le cahier de doléances de la ville, en mars 1789. Voir Arch. mun. de Saint-Antonin, BB 26, fol. 61-62.
12 adtg, 5 E 2920, reg. notaire G. Valés, le 19 juin 1605.
13 Arch. mun. Montech, BB 3, délib. du 8 mai 1672, citée par A. Bastoul dans Les écoles à Montech et dans les paroisses voisines, Montauban, 1933.
14 Citation de Firmin Galabert d’après des Archives d’un notaire dans « Les écoles autrefois », article cité ci-dessus, p. 161.
15 Les monographies des défenseurs du système d’instruction contrôlé par l’Église catholique sous l’Ancien Régime s’escriment à répéter que l’école était gratuite ! Or, s’il arrive que soit mentionnée dans les contrats la gratuité pour quelques enfants pauvres, cela reste l’exception et, en revanche, l’absence de documents sur les écoles et la modicité des prises en charge des communautés tendraient à démontrer que les rémunérations des maîtres d’école étaient le plus souvent à la charge des parents.
16 Étienne Cabrol, Annales de Villefranche-de-Rouergue, Villefranche, 1860, 2 volumes, « Chronique très précise tirée des délibérations communales », pp. 103 et 207.
17 Ces documents des Arch. mun. de Montauban aujourd’hui déposés aux adtg, se trouvent intégralement reproduits par Édouard Rabaud dans L’école primaire dans la commune de Montauban, avant et après 1789, Paris, Montauban, 1897, pp. 10 à 14.
18 Arch. com. de Caylus, BB 1, délib. cons. du 17 septembre 1673.
19 adtg, 3 E 2432, délib. cons. du 1er novembre 1767 qui reprend l’acte de fondation.
20 adtg, notaire Dandrieu, 5 E 5683. Donation du bourgeois Barthélémy Laroque.
21 adtg, Délib. cons. du 15 septembre 1685, 3 E 2427.
22 adtg, les registres-5 E 3774 à 3795-du notaire, Pierre Isarn II, qui officie à Caylus de 1624 à 1667, contiennent un grand nombre de baux de régences qui sont généralement conclus au cours du mois de juin puisqu’ils commencent chaque année à la Saint-Jean-Baptiste.
23 Arch. mun. de Saint-Céré, Registre de la Boucle, un très beau registre bien relié et bien écrit, où se trouve consigné le compte rendu du procès, fol. 177 à 179.
24 Notice historique : Creissels en Rouergue, Millau, 1946, p. 61.
25 J. Vanel, « Montfaucon et Séniergues au xviiie siècle » dans bsel , 4-1975, p. 171.
26 Cité par A. Bastoul dans Les écoles à Montech, op. cit., p. 80, d’après les Comptes consulaires de Bourret, 1644-1645.
27 adtg, 3 E 052-30 délib. cons. d’Escatalens, fol. 152.
28 Eugène Sol, « L’instruction en Quercy, à la veille de la Révolution », dans bsel , no 51-1930. Article où se trouvent cités en vrac des écoles et des collèges, entre 1270 et 1789 !
29 Notice historique : Creissels en Rouergue, op. cit., p. 61.
30 Joseph Lombard, Histoire de Parisot, Toulouse, 1902, p. 148.
31 Histoire du Rouergue, op. cit., contribution de Nicole Lemaître, « Sous le vent des réformes religieuses (xvie-xviiie siècles) », pp. 264-265. Communautés de prêtres étudiées dans sa thèse Le Rouergue flamboyant. Le clergé et les fidèles du diocèse de Rodez, 1417-1563, Paris éd. du Cerf, 1988.
32 adtg, 5 E 11217, notaire Ygon de Castelsarrasin.
33 adtg 3 E 36, cité par Victor Malrieu, Documents historiques sur Bourret, Montauban, Masson, 1919, pp. 58-59.
34 Arch. mun. Montech, BB 3, délib. du 6 mai 1668, citée par A. Bastoul, Les écoles à Montech, op. cit.
35 Citée par Marie-Madeleine Compère dans Du collège au lycée, op. cit., p. 39.
36 Ibidem, p. 41.
37 Jacques Baudel et Jacques Malinowski, Histoire de l’université de Cahors, Cahors, 1876. Citation reprise par Patrick Ferté, dans L’Université de Cahors au xviiie siècle (1700-1751), Toulouse, 1974.
38 B. Lunet, Histoire du collège de Rodez, Rodez, 1881.
39 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi, op. cit., notice très détaillée sur le collège de Rodez, pp. 569-574.
40 Jean Daymard, « Le vieux Cahors », dans bsel ., no 30-1905 et 31-1906.
41 François Cangardel, « Documents inédits concernant la ville de Cahors : Collège des Jésuites, fortifications de la ville (11 mai-18 mai 1605) », bsel, t. 15,1890, article repris dans une brochure aux adl, Br. 2/285.
42 adl, D 8, Lettres patentes du roi Henri IV autorisant la fondation d’un collège de Jésuites à Cahors (10 novembre 1604) et contrat des Jésuites avec le chapitre, le clergé et les consuls.
43 Mémoires de Nicolas Joseph Foucault, publiés et annotés par F. Baudry, Paris, 1882.
44 Arthur de Boislisle, Correspondance des contrôleurs des finances, op. cit., tome 1, pp. 62-63. Dans une longue note sont présentées dans le détail les différents courriers échangés au cours de ces trois années.
45 Raymond Chalumeau dans Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles. Répertoire topobiographique par Pierre Delattre, Paris, Hachette, 19 fascicules, 1940-1957.
46 Voir la carte no 2, Séminaires, collèges et régences latines.
47 Ordre étudié dans la thèse de Jean de Viguerie, Une Œuvre d’éducation sous l’Ancien Régime. Les pères de la doctrine chrétienne en France et en Italie, 1592-1795, Paris, 1976.
48 Mémoire du comte d’Eu, déjà cité, fol. 381.
49 E. Goudal, Histoire du collège de Villefranche-de-Rouergue, Villefranche, 1908, p. 15.
50 Étienne Cabrol, Les Annales de Villefranche, op. cit., p. 228.
51 adhg, 13 D 27, mentionné par Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 745.
52 Dans les registres BB 4 à BB 8. La plupart des délibérations concernant le collège sont reprises par A. Lagrèze-Fossat, Études historiques sur Moissac, Montauban, 1940 pp 75-77.
53 Arch. mun. de Moissac, délib. cons.du 12 janvier et du 10 août 1698 reprise par Jean de Vallon, Le collège de Moissac, Moissac, 1935.
54 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi op. cit., pp. 480-481.
55 adl, Fonds de Camy-Gozon, 2e partie, liasse 2, pièce de procédure citée par Jean Lartigaut, « Projet d’établissement des Doctrinaires au Vigan, en 1670 », dans bsel t. 88-1967.
56 Lucien Cavalié, Figeac. Monographie, op. cit., pp. 154-164.
57 Dans sa monographie sur Figeac, p. 165, Lucien Cavalié cite un contrat du 23 avril 1676, passé chez le notaire entre le Supérieur, l’économe du Séminaire et les maîtres maçons de la ville, contrat où sont précisés épaisseur des murailles (« 4 pans », soit 1 mètre, jusqu’au troisième étage) et matériaux utilisés.
58 Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 442.
59 Dominique Julia et Paul Pressly, « La population scolaire en 1789. Les extravagances statistiques du ministre Villemain », dans Annales esc novembre-décembre 1975, pp. 1533-1534.
60 Voir ci-dessus.
61 Pour Marie-Madeleine Compère, « une étape est indéniablement close vers 1675 quand s’achèvent l’expansion des congrégations enseignantes et, simultanément, l’ère des érections de collèges complets », dans Du collège au lycée, op. cit., p. 53.
62 François de Dainville, L’Éducation des jésuites, xvie-xviiie siècles, Paris, Éditions de Minuit, 1978. Recueil d’articles avec une contribution intitulée : « Livres de comptes et histoire de la culture » et une étude sur « Le collège de Rodez, sous Louis XIV, à travers les comptes de son libraire », pp. 279-283. Les comptes du libraire Leroux appartiennent à des Archives privées que l’auteur a pu consulter.
63 François de Dainville, L’Éducation des Jésuites, cité ci-dessus, pp. 119-125
64 La province de Toulouse comprenait le Languedoc, la Haute-Guyenne, la Gascogne et l’Auvergne.
65 Pour Rodez chiffre cité par Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia dans Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 570. Pour Villefranche-de-Rouergue, E. Goudal, Histoire du collège, op. cit., p. 25.
66 Arch. mun. de Moissac, BB 8, fol. 131 vo.
67 François de Dainville a établi dans L’Éducation des jésuites, op. cit., une corrélation entre l’évolution du prix du blé et l’effectif du collège de Saint-Omer entre 1680 et 1715.Il a constaté un fléchissement du nombre des élèves au cours de l’année qui suit une forte hausse du prix des grains. Son graphique no 3, p. 145 est très révélateur du lien qui existe alors entre les cours du blé et la fréquentation des écoles.
68 Bibl. mun. de Rodez, Ms 4, Catalogus scholasticorum collegii ruthenensis Societas Jesu, 1698-1731. Un tableau tiré de ce manuscrit est reproduit dans Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les collèges dans la France du Midi, op. cit., p. 570.
69 Mémoire du Comte d’Eu, déjà cité, fol. 338.
70 Arch. dio. Cahors, document 6-23 : registre manuscrit rédigé en latin et en français.
71 Arthur de Boislisle, Correspondance des contrôleurs des finances, op. cit., tome 1, pp. 62-63.
72 Le récit de cette cérémonie est paru dans les Annales de la Province de Toulouse de la Compagnie de Jésus, cité par Raymond Chalumeau dans Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles… op. cit.
73 François de Dainville, L’Éducation des Jésuites, op. cit., pp. 279-283.
74 Si l’on en croit les études faites par Jean de Viguerie, dans Une œuvre d’éducation op. cit., la répartition des pères des écoliers dans le collège des Doctrinaires de Brive, fait apparaître que la majorité des familles envoyant leurs enfants dans ce collège appartiennent à la noblesse ou à la bourgeoisie, celle des métiers de justice, celle des offices et celle du négoce. Sur 41 écoliers dont les origines sociales sont connues, 7 sont d’origine noble et 30 appartiennent au groupe des bourgeois, tandis que 4 collégiens seulement représentent les gens de métier. Voir le tableau no 16 dans cette thèse, p. 589.
75 Patrick Ferté, L’Université de Cahors au xviiie siècle, op. cit. Étude exhaustive sur cette université qui dépasse le cadre chronologique précisé dans le titre et aborde largement la vie de cette université aux siècles précédents. C’est donc en nous inspirant de ces recherches que nous évoquons la vie de cette institution au cours du xviie siècle.
76 Le financement est assuré grâce à l’adjudication des rentes des trois collèges, soit 5069 livres par an, d’après les indications fournies par Patrick Ferté, p. 37.
77 adtg, 3 E 2432, délib. cons. du 19 juillet 1751. La lettre du maire de Cahors se trouve collée dans le registre. 23 habitants de Lauzerte ont signé. Voir Annexe no 7.
78 Sur l’éducation des filles, quelques études permettent d’avoir un aperçu général : Jean Perrel, « Les écoles de filles dans la France d’Ancien Régime », dans The making of Frenchmen : current directions in the history of education in France, 1679-1979, sous la dir. de D. N. Blaker et P. J. Harrigan, Waterloo, Canada, Historical reflections press, cop., 1980, pp. 75-83 ; Martine Sonnet, L’éducation des filles au temps des Lumières, Paris, 1987, dont la premier chapitre rappelle les progrès antérieurs ; du même auteur, contribution à l’Histoire des femmes, sous la dir. de G. Duby et M. Perrot, Paris, 1991, tome III, chapitre intitulé : « Une fille à éduquer ».
79 Renseignement fourni par notre collègue, Henri Ricalens, d’après des archives privées.
80 Henri Bressac, La châtellenie de Saint-Céré et la vicomté de Turenne, 1927, réédit. 1984, pp. 285-287.
81 Mémoires de Nicolas Joseph Foucault, op. cit., p. 81.
82 Bref aperçu de l’histoire des congrégations religieuses enseignantes dans L’éducation en France, op. cit., pp. 232-247. L’histoire des Ursulines et de leur fondation par Angèle Mérici, à Brescia, en 1535, peut être mieux connue grâce à l’ouvrage de Marie de Chantal-Gueudre, Histoire de l’ordre des Ursulines en France, Paris, 1958.
83 Louis Greil, « États des monastères des filles religieuses du diocèse de Cahors en 1668 », bsel , no 24 et 25, 1899 et 1900. Il s’agit de la copie des 62 pages d’un manuscrit rédigé par le grand vicaire de l’évêché et qui décrit l’état des 20 monastères féminins du diocèse de Cahors.
84 Bernard Paumès « Les écoles de Cahors avant la Révolution », bsel , t. 30, 1905 et t 31, 1906.
85 Louis Greil, « États des monastères… » cité ci-dessus.
86 Henry Le Bret, Histoire de Montauban, Montauban, 1668, tome I, p. 153.
87 adtg, G 67.
88 Jean Boutonnet, Castelsarrasin, 1000 ans d’histoire, Montauban, 1989, p. 60.
89 A. Ginisty, Histoire d’Entraygues-sur-Truyère, 1933, pp. 178-179.
90 adtg, H 225.
91 Jacques Prévot, La première institutrice de France. Madame de Maintenon, Paris, 1981 p. 79. Ce livre contient un grand nombre de lettres et autres documents intégralement cités.
92 Yves Poutet, Le xviie siècle et les origines lasalliennes, Rennes, 1969, tome 1, p. 506.
93 B.N., Imprimés, F 23613 (828), pp. 3-4, cité dans L’histoire de l’éducation, op. cit., p. 238.
94 adl, H 52.
95 adl, H 51, fol. 1. Ce document de 27 feuillets édicte le règlement de l’institution.
96 Jean Calvet, « L’éducation des jeunes filles à Castelnau, au xviiie s. », bsel , 74, 1953.
97 Bernard Paumés, « Les écoles de Cahors avant la Révolution. Écoles de jeunes filles », dans bsel , no 32, pp. 159-161.
98 Firmin Galabert et Louis Boscus, La ville de Caussade, ses vicomtes et ses barons, Montauban, 1908, rééd. 1987, p. 200. B. Taillefer, « Les Mirepoises », 1665-1793, dans bsatg , t. 64-1936, pp. 59-69.
99 Arch. mun. de Saint-Antonin, reg. délib. cons., BB 13, fol. 246 vo à 249.
100 Dans cette ville, la délibération consulaire du 10 novembre 1700 mentionne que : « Mr le curé leur a représenté que l’éducation des filhes de la ville va être abandonné et qu’on ne peut pas ouvrir les escoles chrétiennes sans faire venir des demoiselles de la congrégation d’icelles qui font à Caors cette profession et dans le reste du dit diocèse et que comme il n’y a pas de fonds pour l’entretien des dites damoiselles dont il faut faire venir pour le moins 2 et peut-être 3, n’y en ayant icy qu’une qui puisse vacquer au dict employ, il est nécessaire que la ville contribue pour leur entretien pendant 3 années… On adopte à la pluralité des voix et vote 300 livres une fois payables, soit 100 livres par an ». Arch. com. de Saint-Céré, la délibération se trouve recopiée dans les documents Albe aux Arch. dio. de Cahors, 6-21.
101 Firmin Galabert, « Les écoles autrefois », article déjà cité, no 33-1905, p. 155.
102 Henri Affre, Dictionnaire des institutions, coutumes et mœurs du Rouergue, Rodez, 1903, au mot « écoles ».
103 Louis Mercadié, Saint-Geniez-d’Olt, Rodez, 1990.
104 Yves Poutet, Le xviie siècle et les origines lasalliennes, Rennes, 1969, tome 1, pp. 560-567. Ces religieuses sont plus connues alors sous le nom de Miramiones.
105 Histoire du Rouergue, op. cit., contribution. de Jean Delmas ; « Vitalité contrariée sous l’Ancien Régime (1562-1788) », p. 227.
106 Pierre Malrieu, Penne-en-Albigeois, Bruniquel-en-Quercy, La Duraulie, 1986.
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Légende | Carte 2. Séminaires, Collèges et Régences Latines en Haute-Guyenne. |
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© Presses universitaires du Midi, 1999