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Partir en croisade à la fin du Moyen Âge

 | 
Daniel Baloup
, 
Manuel Sánchez Martínez

Itinéraires, transport et logement des armées dans les projets de croisade de Philippe le Bon (1454-1464)

Franck Viltart

Texte intégral

  • 1 Sur le banquet du vœu du Faisan voir : Marie-Thérèse Caron, « 17 février 1454 : le Banquet du Vœu (...)

1Le célèbre banquet du vœu du Faisan, qui se tint à Lille le 17 février 1454, officialisait le lancement du « voyage de Turquie » projeté par Philippe le Bon, lequel devait prendre la tête d’une armée destinée à secourir Constantinople, prise l’année précédente par le sultan Mehmet II1. À côté du faste et du décorum qui entourèrent la prononciation des vœux par le duc de Bourgogne et les plus hauts représentants de la noblesse des territoires sous sa domination, les préparatifs d’une gigantesque opération militaire commençaient en coulisse. L’éventualité de mener la guerre en terre lointaine impliquait pour le duc de Bourgogne la capacité de projeter sa puissance et celle de ses alliés à une très longue distance. Grâce à l’intense activité qu’ils engendrent, les projets bourguignons montrent le degré de préparation d’une campagne de grande envergure au milieu du XVe siècle, d’autant que celle-ci ne fut avortée qu’à un stade avancé ; la seule concrétisation de ces projets fut l’expédition maritime sous le commandement d’Antoine, bâtard de Bourgogne, en 1464.

  • 2 L’essentiel de ces documents est réuni sous la cote B 3537 aux Archives départementales du Nord à (...)
  • 3 Il faut ici souligner la richesse de ce corpus non seulement pour l’histoire politique, diplomatiq (...)

2Les préparatifs de la croisade bourguignonne nous sont connus par une riche documentation aujourd’hui conservée aux Archives départementales du Nord à Lille, lieu de l’ancienne chambre des comptes des ducs Valois de Bourgogne depuis 13862. Nous disposons là d’un riche corpus de sources constitué d’avis, de mémoires, de contrats et de pièces comptables attenants à ces projets de croisade et rédigés entre 1454 et 1463. Tous ces documents révèlent un certain nombre de problèmes logistiques spécifiques à une telle campagne militaire auxquelles divers personnel de l’administration et conseillers du duc de Bourgogne ont été confrontés de manière anticipatoire3.

  • 4 Un terme qu’il convient de manier avec précaution pour le Moyen Âge tant il revêt des aspects dive (...)
  • 5 Il faudrait encore ajouter la question du ravitaillement pour être le plus complet possible.

3Je me suis borné à étudier ici uniquement les questions des itinéraires, du transport et du logement des armées. Ces questions et les multiples problèmes qui en découlent prennent une place particulière, récurrente et sont indissociables dans la logistique militaire à la fin du Moyen Âge4. Il s’agit, dans le cas de la croisade bourguignonne, à la fois de prévoir l’acheminement des hommes, des animaux et d’un matériel varié, dont l’artillerie et le matériel de camp, mais aussi d’assurer leur entretien5. Je traiterai premièrement, de la question des itinéraires et de leur répercussion sur l’équilibre financier de la croisade bourguignonne. À la lumière des éléments recueillis et dans une seconde partie, j’étudierai l’utilisation et de la répartition des moyens de transport envisagés pour les hommes et le matériel. Ceci m’amènera enfin à livrer quelques observations sur les moyens mis en œuvre pour loger les gens de guerre.

Le choix des itinéraires : un enjeu logistique

  • 6 Voir Werner Paravicini, « Philippe le Bon en Allemagne (1454) », Revue Belge de Philologie et d’Hi (...)
  • 7 Il faut attendre 1471 et le duc Charles le Téméraire pour voir la création des compagnies d’ordonn (...)
  • 8 Le texte semble plutôt avoir été composé en janvier 1456 contrairement à l’avis de Jules Finot, Pr (...)

4Quand le projet d’une croisade fut annoncé en 1454, la question des itinéraires qu’emprunteraient les armées mobilisées par le duc Bourgogne restait largement ouverte. Pour le pouvoir ducal, il demeurait essentiel de savoir s’il fallait emprunter la voix terrestre ou la voie maritime pour acheminer combattants et charroi vers le Levant. Cette même année, le duc Philippe le Bon n’hésite pas à se rendre en personne auprès de l’empereur Frédéric III pour traiter, entre autres, de la manière dont l’expédition pourrait traverser les terres d’Empire6. Un problème se posait d’emblée pour Philippe le Bon : l’éclatement des territoires bourguignons, à la fois au sud, autour du duché et du comté de Bourgogne, mais aussi au nord, autour de la Flandre et des Pays-Bas bourguignons, rendait doublement compliquée la question du déplacement des hommes de guerre provenant de ces deux ensembles géographiques. Rappelons qu’il s’agissait là encore essentiellement d’hommes provenant de levées féodales, puisque hormis les quelques troupes de l’hôtel ducal, la Bourgogne ne possédait pas encore d’armée permanente en 14547. Deux itinéraires sont donc proposés dans un avis rédigé pour le « voyage de Turquie » daté de janvier 14568. L’un passait par le sud de la France puis l’Italie avant une traversée de la mer Méditerranée, l’autre par les terres d’Empire et le Danube.

  • 9 Voir Richard Vaughan, Philip the Bold, Woodbridge, 2002, pp. 59-78 ; Bertrand Schnerb, Jean sans P (...)

5Ces propositions d’itinéraires avaient essentiellement pour arrière-plan des enjeux logistiques et financiers. La croisade franco-bourguignonne qui avait conduit à la défaite de Nicopolis en 1396 s’était révélée un échec, tant sur le plan militaire que financier pour le duc de Bourgogne Philippe le Hardi9. Les documents rédigés à la demande de Philippe le Bon à partir de 1454 sont dans leur majorité des documents comptables, et donc expressément réalisés pour estimer ou régler des dépenses liées à l’expédition, et non des ordonnances militaires disposant les troupes ou ordonnant la conduite des opérations. Il apparaît à travers eux que du choix des itinéraires dépendait aussi un certain nombre d’options aux conséquences lourdes pour le budget de la croisade : le choix des moyens de transport, ceux de se ravitailler, de se loger en cours de route, mais aussi la durée des trajets — des temps propres aux armées médiévales en mouvement, composées d’hommes à cheval et à pied, mais également de chariots attelés, le but étant de perdre le moins de temps possible. Il fallait donc dans chacun des cas reconnaître les chemins qu’emprunteraient les contingents regroupés sous la bannière du duc de Bourgogne.

Reconnaître les chemins

  • 10 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 30.
  • 11 Ibid., p. 38.

6Le problème des routes et des chemins praticables pour le déplacement des armées reste important en ce milieu du XVe siècle, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en marche des contingents nombreux et accompagnés d’un charroi conséquent. À ce sujet, indiquons que notre corpus de sources ne mentionne pas de recours à des cartes (hormis un plan de Constantinople)10. En revanche, les avis bourguignons précisent l’envoi de gens du conseil ducal plus en avant, précédant de deux à trois semaines le reste de l’armée, pour « ordonner les passaiges »11. Le choix de guides pour conduire les colonnes est également évoqué. Nous savons que ceux-ci étaient recrutés pour leurs connaissances géographiques, mais aussi pour leurs capacités linguistiques.

7En ce qui concerne les routes, bien que les droits de péage permettent en partie d’entretenir les grands axes de communication, la possibilité d’emprunter des voies bien entretenues reste sujette à caution dans la pensée des conseillers bourguignons. Un problème que l’on retrouve dans de nombreuses sources à caractère militaire de l’époque et qui rappelle qu’au milieu du XVe siècle, cette question continue de poser de nombreux problèmes. Pour y remédier, il apparaît absolument primordial que les chemins soient suffisamment larges. Un souci manifeste dans la documention bourguignonne car en effet, si une troupe réduite peut se mettre à la file facilement, une armée telle que nécessitait la croisade, devait marcher sur plusieurs rangs de front. Voici en quels termes ces problèmes sont posés dans l’un des documents prévisionnels :

  • 12 Ibid., p. 26.

Item, quant desloigerons pour aller d’un lieu à autre, pensés quel traing et combien long sera le charroy qu’il conviendra avoir pour mener nos vivres, nostre artillerie, nos tentes et pavillons et autres choses neccessaires et quelle confusion se sera. Et que quant trouverons ung estroit passaige desquelz on y a assez, quelle perte y pourrons recepvoir. Car en ce temps devons savoir que serons bien environnez de nos ennemis. Et se pour garder nostre charroy nous séparons nostre puissance en les mectant devant, derrein et ou milieu, comme faire le conviendra, ou les perdre, ymaginez quel avantaige nous donrons à nos ennemis12.

8Le nombre d’hommes, d’animaux et de charrettes dans une colonne et l’espace qu’elle occupe en cheminant jouent un rôle fondamental pour estimer son temps de déplacement. Des armées réparties sur une large distance se déplacent beaucoup moins vite que de petites unités, plus légères et dépourvues de charroi. En effet, les chevaux et les hommes ne commencent pas à marcher ni à s’arrêter au même moment, mais les uns après les autres. La longueur de la colonne, entre l’avant-garde, la bataille (le corps central de l’armée), le charroi au centre et les derniers rangs de l’arrière-garde, détermine l’installation à l’étape, c'est-à-dire le logis, qui doit être établi avec ordre. Le délai entre les premiers arrivants et les derniers est donc proportionnel à la taille de la colonne, à son rythme et à sa discipline. Par exemple, une armée de 5 000 hommes de pied — ce qui est assez proche des chiffres évoqués dans les projets bourguignons — répartie en rangs de 5 hommes marchant de front et une distance de 2 mètres entre chacun de ces rangs, peut aisément s’étaler sur plus de 2 kilomètres de longueur, rien que pour une colonne de piétons. À une moyenne de 4,5 kilomètres par heure (moyenne couramment observée pour l’époque), et un délai de 3 secondes entre chaque rang, il peut se passer 50 minutes entre le départ du premier rang et celui du dernier, à une étape donnée. Il s’agit là de problèmes qui s’amplifient naturellement plus l’armée est grande. Il faut donc réduire les temps de parcours pour éviter l’étalement des opérations et leurs coûts.

  • 13 Ibid., p. 37.

9Pour la marche des croisés, l’emploi d’un personnel dédié au dégagement des chemins est préconisé dans les sources. On propose donc de faire appel à des pionniers qui doivent agrandir les chemins en amont du passage de l’armée. Une pratique que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans les expéditions militaires de l’époque, ces hommes pouvant servir également pour les travaux de siège. Armés de serpettes, de pelles et de pioches, dont les sources comptables fournissent le décompte, les pionniers peuvent ouvrir les chemins et surtout, élargir à certains endroits des routes pour faciliter la marche de front. On note ici que bien qu’engager en tant qu’auxiliaires, ces hommes doivent être armés et rangés si besoin est dans les lignes de batailles ; il est prévu qu’ils reçoivent alors le même gage qu’un archer à pied13. Un personnel qui devait également être utile lors du franchissement des cours d’eau et des reliefs montagneux, comme l’indiquent les sources.

Le franchissement des cours d’eau et des reliefs

  • 14 Lille, ADN, B 3537 (125 763) : « Il est necessaire a monseigneur pour le fait de son armée d'avoir (...)
  • 15 Lille, ADN, B 3519 (124 348).

10Les obstacles géographiques sont évoqués à plusieurs reprises par les conseillers bourguignons. Le nécessaire franchissement de cours d’eau, en particulier, fait l’objet d’achats de matériel particulier. L’absence de ponts ou de gués incite les auteurs anonymes d’un avis à recommander à Philippe le Bon de faire fabriquer des bateaux de cuir pour faire passer une petite troupe d’avant-garde qui doit sécuriser l’autre rive. Un pont flottant, reposant sur trois embarcations maintenues par des cordes, devait également permettre aux troupes de traverser les cours d’eau rencontrés14. Un autre avis, datant probablement de 1463, propose d’emporter 200 ou 300 planches de 6 à 7 pieds de long (soit 2 bons mètres et demi), des clous et des anneaux pour les attacher à des tonneaux de bois, qui formeront ce pont flottant. Ces équipements nécessitent cependant un charroi supplémentaire. Nous savons que Charles le Téméraire, fils de Philippe le Bon, fera construire en 1473 un pont flottant nécessitant près de 920 chevaux pour son transport15.

11Le franchissement de reliefs montagneux est particulièrement problématique pour une armée médiévale. Le mémoire bourguignon de 1456 prévoit le passage des Alpes par les troupes montées qui seront divisées en deux corps, l’un passant par le col du Mont-Saint-Bernard et l’autre par le Mont Cenis. Il s’agit à la fois de faciliter le passage des cols, mais aussi de trouver un ravitaillement suffisant, rapporte explicitement le texte. En terrain accidenté, les moyennes kilométriques que nous avons évoquées doivent être revues à la baisse. Ainsi pour la cavalerie, les colonnes doivent s’allonger et ainsi accroître les temps de départ et d’arrivée des troupes. Notons enfin que rien ou presque n’évoque des aménagements en rapport avec des conditions climatiques particulières ; seules des sortes de clayettes pourront être transportées pour permettre le passage des chemins boueux et des marécages selon les cas. Mais pour maintenir des moyennes de déplacement acceptables et éviter des pertes de temps, un élément apparaît indispensable dans les sources bourguignonnes : l’ordre de la marche.

Maintenir l’ordre

  • 16 Philippe de Mézières, Une épistre lamentable et consolatoire adressée en 1397 à Philippe le Hardi, (...)
  • 17 On peut en conclure que l’œuvre de Philippe de Mézières, conservée dans la bibliothèque ducale, fu (...)
  • 18 Voir Bertrand Schnerb, L’honneur de la maréchaussée. Maréchalat et maréchaux en Bourgogne des orig (...)
  • 19 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 38.

12Dans ce domaine, les projets de Philippe le Bon font écho une nouvelle fois à l’expédition de son père, Jean sans Peur, alors comte de Nevers et futur duc de Bourgogne, jusqu’à Nicopolis. Pour Philippe de Mézières, auteur de l’épitre lamentable et consolatoire, adressée en 1397 à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, sur la défaite de Nicopolis, l’indiscipline et le manque d’organisation de l’armée croisée auraient été les principales causes de cet échec retentissant16. Selon cette idée, il développe dans son texte un modèle idéalisé d’une armée croisée qu’il appelle Cité de Dieu portative. Cette expression, ouvertement empruntée à saint Augustin, permet à l’auteur de comparer la chevalerie chrétienne à une armée idéale qui se porterait avec son camp en « bon ordre et justice » et « beauté de logis » vers les ennemis de la foi catholique. L’auteur met à plusieurs reprises en garde en particulier le duc de Bourgogne contre toutes formes de luxure et de laisser-aller parmi la soldatesque. Il est intéressant de voir que les projets écrits concernant la croisade bourguignonne de Philippe le Bon insistent avec force sur le maintien de l’ordre nécessaire dans les rangs des croisés17. Pour cela, les troupes doivent être encadrées par trois maréchaux : pour les troupes de l’hôtel ducal, pour les troupes de langue allemande et pour le reste de l’ost, mais également par trois prévôts des maréchaux. En charge de la police militaire, ces derniers devaient rechercher et punir les délinquants et les criminels au sein de l’armée ; accompagnés d’archers, nous savons qu’ils avaient aussi la charge de surveiller les marchands qui suivaient l’ost18. Dans les avis bourguignons, les prévôts des maréchaux doivent se répartir également au sein de la troupe ; il est précisément écrit que leur présence à l’arrière de l’armée est nécessaire pour rechercher les retardataires, empêcher les pillages, et le cas échéant, noter les plaintes des habitants spoliés19.

  • 20 Voir Philippe Contamine, « Rançons et butins dans la Normandie anglaise (1424-1444) », dans La gue (...)
  • 21 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 32.
  • 22 Ibid., p. 43.

13Ces dispositions peuvent être expliquées grâce à trois facteurs : il fallait tout d’abord garantir la sécurité du convoi, ensuite la rapidité de la marche, mais surtout la cohésion des troupes en territoire étranger. Rappelons que dans ce cas particulier, en « pays d’ennemis » et en « terre de conquête », le droit de piller pouvait être accordé selon des règles précises, particulièrement en ce qui concernait la redistribution du butin20. Le pillage est d’ailleurs clairement évoqué dans les documents prévisionnels bourguignons dans l’éventualité où il faudrait traiter avec les Vénitiens pour la location de navires, ces derniers n’étant, selon l’auteur de l’avis, pas habitués à partager le butin et gardent « tout l’avoir d’amis et d’ennemis »21. Le butin est, ne l’oublions pas, une force motrice pour les hommes de guerre, laquelle est même renforcée dans le cadre de la croisade, qui évoque à elle seule l’aventure, la « bonne guerre » et les richesses d’habitants de terres lointaines. Mais ce butin devait aussi pouvoir être transporté, cela sans compter les gages des hommes de guerre, sur lesquels nous n’avons pas ou peu d’informations, hormis le fait que seuls plusieurs monnayeurs ou batteurs de monnaie devront être emmenés pour battre monnaie le cas échéant22. Par souci d’économie, les documents bourguignons se montrent également soucieux de la rapidité des moyens de transport à disposition.

Pour quels moyens de transport ?

14L’armement prescrit pour chaque homme de guerre, ainsi que les pièces d’artillerie à transporter pour cette campagne, nécessitent des moyens de transport qui font l’objet de propositions concrètes par les spécialistes bourguignons. Par voie de terre tout d’abord, un charroi devra suivre l’armée.

Le charroi

15L’emploi d’un charroi était devenu nécessaire à la fin du Moyen Âge lors de chaque grande expédition militaire ; il était composé essentiellement de chariots remplis de vivres, de tentes et pavillons, d’outils divers, de pièces d’armement, ou encore de forges mobiles. L’avis de 1456, qui prévoit l’acheminement des hommes jusque dans des ports méridionaux, estime à douze patars journaliers le prix de location d’un charreton, c'est-à-dire le conducteur d’un chariot avec ses propres chevaux, dont nous ne connaissons en revanche pas le nombre exact. On doit également nommer un « conducteur du charroi » pour le diriger et le mettre en ordre. Composé de 200 chariots dans le cas de l’itinéraire passant par l’Italie, ce charroi devra être revendu à Chalon-sur-Saône, pour ensuite transporter le matériel de camp et les vivres par voie fluviale jusqu’au port d’Aigues-Mortes — à l’exception des chariots de l’écurie ducale, des chariots de l’artillerie et des ribaudequins qui devront être embarqués jusqu’en terre ennemie. Les chariots de l’hôtel princier représentaient un charroi indépendant mais vital pour l’entretien du duc et de ses officiers domestiques. Car la croisade, comme toute campagne militaire, oblige le prince à se déplacer avec ses bagages particuliers, ses tentes, les ustensiles de son hôtel, ses tentures, etc. Le butin pris par les confédérés suisses sur Charles le Téméraire à Grandson et Morat en 1476 reste le plus bel exemple de ce que à quoi devait ressembler un tel faste déployé en campagne. Les chariots ne pouvaient en revanche pas passer aisément des montagnes comme les Alpes et l’itinéraire impliquant leur franchissement imposait d’acquérir assez de mules et de bêtes de somme pour l’ensemble des bagages. Les hommes d’armes montés devaient y aller à cheval et utiliser un seul cheval de bât pour leurs équipements personnels. Concernant le coût global du transport par ce charroi, et par comparaison, on notera que la flotte réquisitionnée en arrivant au port choisi ne devait pas coûter plus cher que les 200 chariots achetés pour y parvenir.

  • 23 Lille, ADN, B 3537 (125 761), cet avis de dépenses de l’artillerie reprend les achats de milliers (...)

16Il faut ajouter à ce charroi un autre équipage, devenu désormais indispensable à toute campagne militaire de grande envergure au milieu du XVe siècle et, a fortiori, dans l’expectative d’une guerre de siège : celui de l’artillerie. L’arrivée de l’artillerie à poudre engendre l’embarquement de toute une série de matériel comme de matériaux de rechange qui prennent une place particulière dans les convois au cours du XVe siècle. Un document prévisionnel prévoit pour la croisade bourguignonne l’acheminement de 8 à 10 bombardes, de plusieurs mortiers, de serpentines sur affûts, de ribaudequins et de couleuvrines à main. Le poids de certaines de ces pièces d’artillerie, telles que les bombardes, entraînait bien souvent la répartition sur plusieurs chariots des différentes parties d’une pièce, mais aussi de tout le matériel attenant à sa mise en batterie, comme une poulaine (sorte de grue de levage), les affûts et les manteaux de protection, les munitions, les forges et du petit matériel divers (lanternes, outils, clous, sceaux de cuirs)23. Deux à trois forges mobiles sont également requises dans les avis bourguignons, pour entretenir chariots et pièces. Enfin, on notera que le charroi de l’artillerie ne contient pas de chariots de protection ou des fortifications de campagne pour le camp et les hommes. Seul un avis tardif de 1463 propose de faire construire en Bourgogne, à proximité du cours de la Saône ou du Rhône, des éléments de charpenterie pour des bastilles, des taudis de bois et d’autres éléments de fortification et de protection réservés à l’artillerie pour la guerre de siège :

  • 24 Lille, ADN, B 3537 (125 789), fol. 7 r°.

Item, que l’en face charpenter en Bourgogne, sur la riviere de Soonne ou du Rosne, bastilles, manteaulx, treteaulx, pieces de bois, aisselles a faire taudis, ou plus grant nombre que l’en pourra pour mener jusques a la mer avecques les flotes et bateaux que l’en mettra sur ladite riviere. Desquelles flotes et bateaulx, quant ilz seront a Aiguemortes, l’en se pourra aidier pour faire bastilles, affustz de bombardes, eschelles longues, doublés et senglés24.

  • 25 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 41.

17Les experts bourguignons se montrent attentifs à toute solution permettant de faire gagner du temps à l’armée croisée. L’emploi de bateaux sur le Danube, en cas de passage par l’Empire, leur permet ainsi de prétendre faire gagner plus de deux semaines entre Ratisbonne et Belgrade, sur n’importe quel convoi terrestre25.

Par voie d’eau

  • 26 Ibid., p. 31.

18L’intérêt des voies fluviales semblait donc tout naturel dans le cas du transport d’un tel arsenal. Le transport du matériel militaire par voie d’eau présentait un grand avantage au Moyen Âge ; il permettait, en effet, l’acheminement de manière plus aisée du matériel lourd comme les armes collectives ou les pièces d’artillerie que nous venons d’évoquer. L’un des mémoires bourguignons parle même de « grandes missions, peines et travaulx » quasiment « impossible » par terre26. Pour ces dernières, le transport terrestre à longue distance est plus problématique car beaucoup plus lent. Il en va de même pour les munitions : boulets de pierre et de fer représentent des tonnages extraordinaires qu’il faut répartir. Le poids devient moins problématique sur l’eau, alors que sur terre, on risque l’enfoncement des roues des chariots, ainsi que la division, voire l’acheminement au compte-goutte des pièces et de leurs munitions. Pour naviguer « contre l’amont » et remonter le cours d’un fleuve ou d’une rivière, on employait donc plus facilement la technique du halage. Si l’itinéraire choisi par l’armée croisée passait par les terres d’Empire, le point de ralliement des troupes devait être la ville de Ratisbonne ; là, une partie de l’armée — hommes, chevaux et bagages — aurait dû être embarquée pour suivre le cours du Danube. Enfin, une partie des croisés devait longer le fleuve en suivant les bateaux et former alors un camp à chaque étape. Car à la question des itinéraires et du transport, était liée celle du logement de milliers d’hommes accompagnés d’autant de chevaux.

Le logement de l’armée : camper ou réquisitionner le bâti ?

19La croisade nécessitait, nous l’avons vu, la mobilisation à grande échelle de moyens de transport qui possédaient leurs problématiques spécifiques ; à ceux-là s’ajoutait naturellement le problème du logement, à un endroit donné, d’une grande quantité d’hommes et de chevaux, dans des conditions sanitaires parfois extrêmes. Les contingents mobilisés par le duc de Bourgogne auraient dû être nombreux, peut-être 10 à 12 000 hommes selon les premiers projets concernant le corps levé dans les territoires bourguignons. Le déplacement de ces milliers d’hommes engendrait des besoins exponentiels de logements ; dans ce domaine, deux solutions s’offraient alors aux hommes : réquisitionner le bâti ou édifier un camp de toile.

« Ordonner les logis »

  • 27 Ibid., p. 31.

20Il faut constater que si les avis et les estimations bourguignonnes évoquent en détail la solde des hommes et le coût des moyens de transport, presque aucune disposition ne concerne le logement. Dans notre cas, ce sujet est très vite éludé et les textes préparatoires bourguignons rappellent d’emblée à quel point la voie maritime est remarquablement utile en bien des points. En mer, les hommes entassés sur différents navires n’ont pas besoin de chercher un logement pour la nuit. Ce choix leur évite « d’avoir disette de vivres, ne d’estre mal couchiés, ne avoir grant travail, lesquelles choses tous conquérans doivent éviter tant qu’ils puent pour entretenir leur ost en santé »27. Il demeure cependant difficile à croire que l’on mangeait mieux, dormait mieux et ne se fatiguait pas sur un navire.

21Dans l’éventualité d’un itinéraire terrestre, lequel prévoyait l’embarquement des troupes dans un port italien, aucun dispositif n’était prévu pour le campement jusque-là. Plusieurs éléments expliquent cependant cet avis : le convoi se faisant en « pays d’amis », l’emploi de l’artillerie n’est donc pas nécessaire jusqu’en Italie, car elle ne doit servir que contre les ennemis de la foi. Le camp et ses tentes montées en rase campagne ne sont pas jugés nécessaires. Cela veut dire que jusqu'à l’embarquement à Naples ou à Marseille, la réquisition du bâti aurait été la règle. En effet, il est prévu que des représentants du conseil ducal partent en avance pour préparer le logement des hommes de guerre. Ils devront rencontrer ainsi les autorités des villes traversées, et répartir les quartiers de l’armée chez l’habitant ou dans des hôtelleries, comme cela se pratiquait grâce à des billets ou des étiquettes, transmises par des officiers logeurs, des fourriers, aux capitaines ou aux chefs de compagnie. La référence au danger anglais, toujours présent sur mer, mérite d’être soulignée ici en ce qui concerne la voie maritime. L’éventualité d’un itinéraire passant par les terres d’Empire ne fait également aucun état de campements jusqu’au point de ralliement à Ratisbonne, mais plutôt, comme nous l’avons vu, des villes à traverser. Une fois l’armée réunie, il faudra embarquer sur le Danube une partie du matériel et ensuite faire longer le cours du fleuve par une partie de l’armée, qui installera dès lors son camp chaque soir.

22Ces dispositions révèlent des pratiques déjà connues pour les croisades antérieures ; aussi bien en ce qui concerne les itinéraires que le logement, elles font état de la manière de faire de l’époque, à un moment où le logis des gens d’armes était toujours prioritairement sujet à la réquisition du bâti et où le camp possédait des formes hétérogènes, qui pouvaient inclure également la réquisition ou le prêt d’éléments de construction : maison, étable, grange, selon les circonstances et les renseignements obtenus sur le terrain. Il faut comprendre qu’une telle campagne au XVe siècle mobilisait des armées dont les effectifs équivalaient à la population d’une ville moyenne à la même époque.

Les tentes et pavillons du camp

  • 28 Hervé Martin, Marc Russon, Vivre sous la tente au Moyen Âge, Rennes, 2010.

23Symboles privilégiés de l’itinérance militaire dans les enluminures médiévales évoquant les croisades, les tentes et pavillons formaient l’essentiel de l’infrastructure du camp de guerre28. Dans notre cas, l’acheminement de ceux-ci ne semble pas avoir été systématiquement envisagé, comme nous venons de le voir. Cependant, une fois au contact de l’ennemi, il fallait pouvoir implanter un campement suffisamment sûr pour l’armée. Pour cela, le chemin d’Italie prévoyait l’envoi des tentes sur le baleinier ducal :

  • 29 Jules Finot, « Projet d’expédition… », p. 44.

Item, et qui vouldra tout aller par terre à cheval on le peut faire et fauldroit envoyer ou ballenier de Monseigneur toute l’artillerie dont on n’a que faire entre cy et Naples, et pareillement les tantes dont on se peut passer et se on doubtoit des Anglois, on pourroit envoyer ledict ballenier venyr a Eques-Mortes et lesdicts artillerie et toutes par la Sone29.

  • 30 Lille, ADN, B (125 766) (125 795).
  • 31 Lille, ADN, B (125 766), remarquons ici que les 584 aunes de canevas proviennent de Vitry, c’est-à (...)
  • 32 Lille, ADN, B (125 767).

24Aucun document dans le cas de la croisade bourguignonne ne reprend le nombre exact de logis de toile requis pour les croisés. Il semble que ce document ait été perdu ou n’ait simplement jamais existé. Seuls deux documents comptables, insérés dans les pièces concernant la croisade, évoquent des commandes de tentes, l’un daté de 1457 et rédigé en flamand, l’autre dont la date reste inconnue, mais qui peut être comprise entre 1454 et 146330. Ces deux documents rassemblent la commande d’une trentaine de tentes et de pavillons aux dimensions assez vastes pour qu’elles puissent être attribuées aux seules troupes de l’hôtel princier, comme l’une de ces tentes commandées à « Marsilles ouvrier de tentes » qui « a receu pour faire une tente de l piedz de long par terre, de xviij piez de large et xxij de hault, vc iiijxx iiij aulnes de canevatz de Vitry, a xxiiij s. gros le cent, valent xlij £ »31. En effet, le duc devait fournir à son hôtel et à sa cour un nombre suffisant de tentes et de pavillons pour continuer à assurer la bonne marche de son hôtel en campagne : les documents de la croisade indiquent que l’effectif de l’hôtel ducal est estimé entre 600 et 1 000 combattants en 1463 (sans les serviteurs et domestiques)32. Pour le reste de l’armée, il semble qu’une partie des tentes provenait de réquisitions dans les villes. Pour avoir une estimation la plus proche possible des besoins en unités de toile, nous pouvons nous référer à l’exemple de l’armée de Charles le Téméraire, fils de Philippe le Bon. Un inventaire requis pour l’armée bourguignonne en 1474 indique que les hommes des compagnies d’ordonnance reçurent 272 pavillons carrés, soit une répartition pour chaque compagnie de 100 lances (environ 600 hommes) de 17 pavillons seulement. L’iconographie médiévale montre d’ailleurs que les capacités d’accueil d’un pavillon étaient poussées à l’extrême, chacun devant se serrer au sol pour le couchage.

  • 33 Lille, ADN, B 3537 (125 766), fol. 2 v°.
  • 34 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 26-27.

25Enfin si la question du transport était étroitement liée, nous l’avons vu, à celle du logement des hommes, elle l’était également aux innombrables chevaux de l’armée. Et l’on voit que les hommes n’étaient pas les seuls à bénéficier de construction de toile puisque nous retrouvons également la commande de tentes-écuries pour la croisade. Une tente-écurie apparaît ainsi dans l’un des documents comptables bourguignons33. Il nous informe qu’elle atteignait les 100 pieds de long, soit près de 32,50 mètres — une longueur témoignant de superficies assez vastes pour ce type de logement particulier permettant de loger au moins 30 chevaux. Elles rappellent la nécessité d’entretenir un parc équin en bonne santé, à l’abri des intempéries, mais aussi l’obligation pour les hommes de se trouver rapidement armés et montés pour le rassemblement ou en cas d’alarme. L’un des avis évoque cependant l’impossibilité d’emporter assez de tentes-écuries pour l’ensemble de l’armée34.

26Ainsi, tous les hommes et leurs montures ne possédaient pas de tels logis de toile et la plupart des gens de guerre et suiveurs de l’armée devaient s’abriter à leurs propres frais. Dans le camp, certains d’entre eux confectionnaient des abris faits de bois et recouverts de branchages ; tout était bon alors pour se fabriquer un abri lorsque le camp s’implantait durablement. À côté de ces différents logis, diverses toiles étaient également tendues par les marchands et cabaretiers du camp pour abriter leurs échoppes, même si on ne retrouve aucune trace de la présence de ces marchands, de femmes ou d’autres suiveurs de l’armée dans les documents prévisionnels bourguignons pour la croisade. Des auxiliaires qui, nous le savons, continuaient de peupler en nombre les armées au XVe siècle et qui étaient nécessaires à leur entretien quotidien.

27Pour conclure, il n’est pas inutile de rappeler que nous sommes, en ce milieu du XVe siècle, face à une lente mais profonde évolution de la guerre en Occident. À travers elle, les questions des itinéraires, du transport et du logement des armées, telles qu’elles apparaissent dans les projets de croisade de Philippe le Bon, peuvent être vues de deux façons : tout d’abord, en prenant en considération le caractère exceptionnel d’une campagne. Sous l’angle économique et financier, il est évident que le coût élevé des opérations de transport ne pouvait alors être supporté que par une entité politique suffisamment puissante, telle que les États bourguignons apparaissent dans la seconde moitié du principat de Philippe le Bon. Sous l’angle technologique également, les projets bourguignons attestent des progrès techniques opérés au milieu du XVe siècle et dont dispose désormais le duc de Bourgogne. L’augmentation du matériel embarqué dans un charroi toujours plus fourni, tels des ponts flottants, mais aussi l’emploi et le transport d’une artillerie à poudre diverse et nombreuse, en sont des exemples frappants.

28D’un autre côté, nous retrouvons dans les projets bourguignons les modalités classiques d’une campagne militaire à la fin du Moyen Âge et, à travers eux, une certaine continuité dans l’art de la guerre médiévale. Tout d’abord en ce qui concerne les itinéraires : ceux-ci reprennent les voies employées lors de croisades précédentes, en particulier celle suivant le cours du Danube. Ceci est tout aussi valable en ce qui concerne le logement, pour lequel la réquisition du bâti demeure une tendance forte et bien souvent laissée à la libre appréciation des chefs militaires. Ce constat est même accentué par le manque d’anticipation concernant le ravitaillement : seules des vivres transportées par mer sont envisagées, tandis qu’à terre les hommes de guerre devaient trouver et payer leur nourriture en « pays d’amis » et se munir de leurs propres vivres en « pays d’ennemis » (il est même recommandé aux capitaines d’être suffisamment riches pour pouvoir avancer les dépenses de leurs hommes en cas de manque de numéraire). Malgré cela, il est étonnant de ne trouver presque aucunes références aux croisades antérieures (seule une allusion à Godefroy de Bouillon peut être recensée), ni même à d’autres projets bourguignons comme l’expédition envisagée contre les Hussites.

  • 35 Ibid., p. 28.

29Malgré le souci manifeste de maîtriser le temps pour parvenir à Constantinople « qui est la racine de toute ladite conqueste »35, on doit retenir enfin que les documents restent muets en ce qui concerne le second volet des opérations, une fois la « terre de conquête » atteinte : on ne trouve pas de plan de bataille, ni de recommandations concernant l’emploi de l’artillerie, des dispositifs de siège (hormis le plan de Constantinople), et encore moins de dispositions pour le retour des combattants. Finalement, l’expédition lancée à la hâte en 1464 par le duc de Bourgogne ne prendra pas en compte ces différents travaux préparatoires et empruntera la voie maritime, avec des conséquences désastreuses pour les quelques survivants des combats devant la place forte de Ceuta et de la peste dans le port de Marseille, qui devront rejoindre leurs foyers, à cette occasion, par leurs propres moyens, achevant de manière peu glorieuse le rêve de croisade du duc de Bourgogne.

Notes

1 Sur le banquet du vœu du Faisan voir : Marie-Thérèse Caron, « 17 février 1454 : le Banquet du Vœu du Faisan, fête de cour et stratégies de pouvoir », Revue du Nord, 78 (1996), pp. 269-288 ; Id. et Denis Clauzel (éd.), Le banquet du Faisan, Arras, 1997 ; sur les projets de croisade bourguignons voir : Jacques Paviot, « Croisade bourguignonne et intérêts génois en Mer Noire au milieu du XVe siècle », Studi di storia medievale e di diplomatica, 12-13 (1992), pp. 135-162 ; Id. La politique navale des ducs de Bourgogne, Lille, 1995 ; Id., Les ducs de Bourgogne, la croisade et l’Orient, Paris, 2003 ; Id., « La croisade bourguignonne aux XIVe et XVe siècles : un idéal chevaleresque ? », Francia, 33/1, (2006), pp. 33-68 ; Heribert Müller, Kreuzzugspläne und Kreuzugspolitik des Herzogs Philipp des Guten von Burgund, Göttingen, 1993 ; Jean Devaux, « Le Saint Voyage de Turquie : croisade et propagande à la cour de Philippe le Bon (1463-1464) », dans Claude Thiry (éd.), À l’heure encore de mon escrire. Aspects de la littérature de Bourgogne sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, Louvain-la-Neuve, 1997, pp. 53-70 ; Kelly De Vries, « The Failure of Philip the Good to Fulfill His Crusade Promise of 1454 », dans Douglas L. Biggs, Sharon D. Michalove et A. Compton Reeves (éd.), The Medieval Crusade, Leyde, 2004, pp. 39-55.

2 L’essentiel de ces documents est réuni sous la cote B 3537 aux Archives départementales du Nord à Lille (désormais ADN) et s’intitule : « Avis, états et mémoires prévisionnels, avertissements, devis et marchés passés etc. relatifs à la croisade contre les Turcs projetée par le duc, 1453-1465 ». Voir pour l’édition de certaines pièces par Jacques Paviot, La politique navale…, pp. 126-133. Deux avis concernant les projets de croisade se trouvent dans le Trésor des chartes des ADN sous les cotes 15817 et 15908 ; ils ont été édités par Jules Finot, Projet d’expédition contre les Turcs, préparé par les conseillers du duc de Bourgogne Philippe le Bon (janvier 1457), Lille, 1890.

3 Il faut ici souligner la richesse de ce corpus non seulement pour l’histoire politique, diplomatique et militaire, mais aussi pour de nombreux autres domaines, comme celui de l’histoire des techniques ou encore de la médecine, puisque par exemple vient d’être éditée la liste des denrées et des potions nécessaires aux médecins et chirurgiens qui devaient accompagner la croisade, cf. Rabah Ali Bacha et Laurie Baveye, « Le mauvais côté de la croisade ? À propos d’un document établi par les chirurgiens de Philippe le Bon », dans La Face noire de la splendeur : crimes, trahisons et scandales à la cour de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles, textes réunis par Werner Paravicini et Bertrand Schnerb, Revue du Nord, 91/380 (avril-juin 2009), pp. 491-506.

4 Un terme qu’il convient de manier avec précaution pour le Moyen Âge tant il revêt des aspects divers et variés.

5 Il faudrait encore ajouter la question du ravitaillement pour être le plus complet possible.

6 Voir Werner Paravicini, « Philippe le Bon en Allemagne (1454) », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, 75 (1997), pp. 967-1018.

7 Il faut attendre 1471 et le duc Charles le Téméraire pour voir la création des compagnies d’ordonnance bourguignonnes.

8 Le texte semble plutôt avoir été composé en janvier 1456 contrairement à l’avis de Jules Finot, Projet d’expédition….

9 Voir Richard Vaughan, Philip the Bold, Woodbridge, 2002, pp. 59-78 ; Bertrand Schnerb, Jean sans Peur, Le prince meurtrier, Paris, 2005, pp. 68-81.

10 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 30.

11 Ibid., p. 38.

12 Ibid., p. 26.

13 Ibid., p. 37.

14 Lille, ADN, B 3537 (125 763) : « Il est necessaire a monseigneur pour le fait de son armée d'avoir pour mener avecques lui pons pour passer son armée aussi son charoy et artillerie s'il venoit en aucuns pays ou il trouvast rivieres ou yl n'y eust ghez ou pons. Item, et aussi bateaux de cuir, tant pour passer gens comme chevaulx pour faire et garder le premier passaige. Et premiers, pour le pont qui sera de xl d'estrés de long tant pour fachon comme pour estoffes encore, iijc et l escuz. Item, pour les trois bateaux, assavoir le petit, le moyen et le grand, tant pour fachon comme pour estoffes encore, ijc lx escuz. Item, pour estuÿs, pour mettre les bateaux eschellemens et autres abillemens, affin qu'ilz ne se gastent et ne soyent veues encore xl a l escuz. Item, pour cordes et abillemens pour tendre le pont, xxx escuz. Item, se s'estoit pour passer rivieres commes ledit pont serviroit a en faire deux ou trois et sera le dessus pont si souffissant que pour passer toute l'armée de mondit seigneur, son charoy et artyllerie. Somme, viijc l escuz, saulve juste extimacion ».

15 Lille, ADN, B 3519 (124 348).

16 Philippe de Mézières, Une épistre lamentable et consolatoire adressée en 1397 à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, sur la défaite de Nicopolis (1397), publié par Philippe Contamine et Jacques Paviot, Paris, 2008.

17 On peut en conclure que l’œuvre de Philippe de Mézières, conservée dans la bibliothèque ducale, fut lue et surtout utilisée par les prescripteurs de la croisade de Philippe le Bon.

18 Voir Bertrand Schnerb, L’honneur de la maréchaussée. Maréchalat et maréchaux en Bourgogne des origines à la fin du XVe siècle, Turnhout, 2000, pp. 155-175 ; Franck Viltart, Le camp à la fin du Moyen Âge. Étude sur l’organisation, les fonctions et les représentations des campements militaires dans l’espace bourguignon (v. 1400-v. 1500), Thèse de doctorat, Université Charles de Gaulle – Lille III, 2010, pp. 442-450.

19 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 38.

20 Voir Philippe Contamine, « Rançons et butins dans la Normandie anglaise (1424-1444) », dans La guerre et la paix au Moyen Âge, Lille, 1976, pp. 241-270 ; Franck Viltart, « Exploitiez la guerre par tous les moyens ! Pillages et violences dans les campagnes militaires de Charles le Téméraire (1466-1476) », dans La Face noire de la splendeur…, pp. 473-490.

21 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 32.

22 Ibid., p. 43.

23 Lille, ADN, B 3537 (125 761), cet avis de dépenses de l’artillerie reprend les achats de milliers de flèches et de viretons d’arbalètes ainsi que de centaines de pelles, de pioches et de serpes commandées pour la croisade. Parmi ces achats, on relève par exemple 5 serpentines commandées pour un poids total de 5 460 livres de fer.

24 Lille, ADN, B 3537 (125 789), fol. 7 r°.

25 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 41.

26 Ibid., p. 31.

27 Ibid., p. 31.

28 Hervé Martin, Marc Russon, Vivre sous la tente au Moyen Âge, Rennes, 2010.

29 Jules Finot, « Projet d’expédition… », p. 44.

30 Lille, ADN, B (125 766) (125 795).

31 Lille, ADN, B (125 766), remarquons ici que les 584 aunes de canevas proviennent de Vitry, c’est-à-dire Vitré en Bretagne, ville connue pour son chanvre et le canevas fabriqué avec et qui fait la richesse de la ville au XVe siècle grâce à la vente de cette toile pour la fabrication des voiles de navire.

32 Lille, ADN, B (125 767).

33 Lille, ADN, B 3537 (125 766), fol. 2 v°.

34 Jules Finot, Projet d’expédition…, p. 26-27.

35 Ibid., p. 28.

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Université Lille III

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