Partir en croisade à la fin du Moyen Âge
| ,Le rôle du cardinal-légat Jean Cholet dans la croisade d’Aragon (1285)
Texte intégral
- 1 John France, The Crusades and the Expansion of catholic Christendom, 1000-1714, New York, 2005. Je (...)
- 2 Nancy Bisaha, « Pope Pius II and the Crusade », dans Norman Housley (éd.), Crusading in the Fiftee (...)
- 3 Parmi de nombreuses études de Roberto Figueira : « Legatus apostolice sedis : the pope’s alter ego(...)
- 4 William C. Jordan, Louis IX and the Challenge of the Crusade : a Study in Rulership, Princeton, 19 (...)
- 5 James M. Powell, Anatomy of a Crusade : 1213-1221, Philadelphie, 1986. Christian Grasso, « Il card (...)
- 6 La première attestation du bellator rex se trouve dans le Liber de fine de Ramon Lull, adressé à J (...)
1À partir de 1095, la croisade, comme l’historiographie moderne la dénomme, offrit à la papauté un formidable moyen pour étendre son hégémonie politique et construire la Chrétienté latine1. En théorie, elle était décidée et dirigée par le pape, vicaire du Christ sur terre. Pourtant, aucun pontife romain ne mena en personne une armée croisée, même Pie II que la mort empêcha de quitter le port d’Ancône en 14642. Dans les faits, il se faisait représenter par un légat, qui constituait son alter ego avec de larges délégations de pouvoirs, surtout lorsque ce dernier était issu des rangs du Sacré Collège (légat a latere)3. Pourtant, les études sur les croisades prêtent peu ou prou attention aux légats4, sinon pour la Cinquième croisade où le cardinal-légat Pélage reste au cœur des polémiques historiographiques5. Certes, les chroniques anciennes ne mettent guère en valeur ceux qui, au nom du pape, comptaient en théorie parmi les chefs principaux de l’expédition, préférant se focaliser sur les princes, tels les rois de France Louis IX puis Philippe III. D’ailleurs, ce modèle du roi guerrier menant l’expédition demeurait encore celui qui dominait les nombreux projets de croisade qui fleurirent au début du XIVe siècle6. D’autre part, l’absence de sources sérielles et la dispersion des actes dans les archives locales de la Chrétienté rendent difficile la reconstitution de l’activité des légats.
- 7 Christoph T. Maier, « Crusades against Christians », dans The Crusades : an Encyclopedia…, I, pp. (...)
- 8 Les registres de Martin IV, Paris, 1901-1935, no 587 [abrégé Reg. Martin IV]. Charles-Victor Langl (...)
2La reprise de Jérusalem par les musulmans en 1244 demeurait au cœur des préoccupations religieuses et politiques de la papauté et du royaume de France, entre autres, durant toute la seconde moitié du XIIIe siècle et encore au-delà. Cependant, dès la fin du XIe siècle, le champ d’application de la croisade s’était étendu à la lutte contre les musulmans dans diverses parties du bassin méditerranéen, puis aussi à celle contre les païens d’Europe orientale. À partir d’Innocent III (1198-1216), en fonction des besoins de l’ecclésiologie post-grégorienne et des intérêts de la monarchie pontificale, artisane d’une réforme qui voulait conduire l’humanité vers le salut chrétien, la guerre sainte fut en outre employée contre les ennemis politiques et/ou dogmatiques de l’Église romaine7. Ainsi, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, la papauté envisageait des croisades dans différentes directions : vers Jérusalem toujours (1270, projet de Lyon II en 1274), contre les musulmans en Espagne, au Maghreb, en Anatolie, contre les païens de la Baltique, contre les Grecs qui avaient repris Constantinople en 1261, contre les Staufen et les Gibelins d’Italie (1265-1268, de nouveau à partir de 1282), et par ricoché contre le roi d’Aragon (1285), etc. Pour le Saint-Siège, ces opérations étaient globalement liées entre elles. Martin IV justifiait la croisade contre Pierre III d’Aragon par le fait qu’en s’emparant de la Sicile (fief de l’Église romaine) et en s’alliant à des musulmans, ce souverain entravait les projets de croisade d’Outremer et celle que Charles d’Anjou préparait pour récupérer l’Empire latin d’Orient8.
- 9 Rappelons pour mémoire que les légats, agents polyvalents, s’occupaient aussi d’administration ecc (...)
3Afin de mieux comprendre le rôle du légat en charge d’une croisade, cet article analysera l’action du cardinal Jean Cholet, qui fut envoyé en France en 1283 pour mener des négociations diplomatiques et qui, légat a latere à partir de mai 1284, supervisa la croisade de Philippe III de France contre Pierre III d’Aragon en 1285. Projet de la papauté, la croisade impliquait d’associer des compétences variées, de déployer une activité tous azimuts pour persuader les catholiques de faire la paix entre eux afin de concentrer leurs forces contre les ennemis définis par le pape, et de mettre sur pied la logistique financière, matérielle et militaire d’une armée. Le légat n’intervenait pas directement dans tous ces aspects, mais rien en théorie ne pouvait se faire sans son accord9.
Jean Cholet dans les négociations diplomatiques liées à l’affaire de Sicile
- 10 Peter Herde, Karl I. von Anjou, Stuttgart, 1979. Jean Dundabin, Charles I of Anjou. Power, Kingshi (...)
4Charles, comte d’Anjou et du Maine, frère du roi Louis IX de France, reçut la couronne de Sicile de la part du Saint-Siège et conquit effectivement son royaume après s’être débarrassé des descendants Staufen : Manfred (1266) puis Conradin (1268). Cependant, la monarchie angevine, expansionniste en Méditerranée, était mal supportée par la population dont une partie s’insurgea le 29 mars 1282 (Vêpres siciliennes). Le 7 mai, le pape d’origine française Martin IV lança l’anathème contre les révoltés, leurs complices et ceux qui envahiraient ce territoire, et le 5 juin, il y dépêcha le cardinal Gerardo da Parma comme légat pour y rétablir l’autorité du vassal choisi par l’Église romaine10.
5L’affaire se compliqua fin août 1282 : après avoir fait croire qu’il voulait attaquer les musulmans du Maghreb, Pierre III d’Aragon s’empara de l’île de Sicile et s’en fit reconnaître roi, en vertu des droits de son épouse Constance Staufen, fille de Manfred. Martin IV le condamna le 18 novembre 1282 et, le 13 janvier 1283, chargea son légat Gerardo d’accorder des indulgences à ceux qui attaqueraient le roi d’Aragon et ses complices, ce qui n’était autre que le lancement d’une croisade, mais dans le cadre pour l’heure circonscrit au seul royaume de Sicile.
- 11 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 141. Paris, Arch. nat., J 512 no 27 (Bernard Barbic (...)
6Dans ce contexte belliqueux, Charles d’Anjou proposa une solution chevaleresque de règlement du conflit ; les conditions furent fixées à Messine au bout de longues négociations le 30 décembre 1282. Les deux protagonistes, Charles et Pierre III, se rendraient à Bordeaux le 1er juin 1283 pour s’affronter en champ clos avec chacun cent chevaliers, sous l’arbitrage du roi Édouard Ier d’Angleterre ; le vainqueur du combat, élu de Dieu, conserverait le royaume de Sicile11. Entretemps, Pierre III, puis son amiral Roger de Loria, poursuivirent néanmoins la conquête des parties méridionales du royaume.
- 12 Reg. Martin IV no 310. August Potthast, Regesta pontificum inde ab anno post Christum natum MCXCVI (...)
- 13 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 169-172, § 77-78 (en revanche, la proclamation publique de la crois (...)
- 14 Cette ambassade est évoquée vaguement par Martin IV dans une bulle du 9 janvier 1284 : Paris, Arch (...)
7Au cours de son voyage vers le nord, Charles d’Anjou s’arrêta autour du 9 mars 1283 à la curie romaine, alors à Orvieto, et réclama une aide substantielle au pape. Devant les progrès de ses ennemis, Martin IV déclara priver Pierre III de son royaume d’Aragon et de ses autres terres qui furent donc exposées en proie le 21 mars 128312. C’est lors de cette rencontre que fut vraisemblablement envisagé le plan d’une expédition en Aragon contre Pierre III et l’attribution de son royaume à un fils du roi de France, c’est-à-dire à un petit-neveu de Charles d’Anjou13. De son côté, Philippe III s’était dit prêt à soutenir son oncle Charles, mais il réclamait un financement de la part du clergé. Ses envoyés auprès de Martin IV, Raoul d’Estrée, maréchal de France (1269-1283), et Thibaud de Pouancé, évêque de Dol (1280-1301), transmirent sa demande de se voir concéder une décime des revenus des bénéfices du royaume de France pour trois ans, à une date que l’on peut situer entre avril 1282 (Vêpres siciliennes) et avril 1283 (envoi de Jean Cholet)14.
La prima commissio in Francia15
- 15 Expression inscrite en marge du registre de la chancellerie apostolique de Martin IV (Archivio Seg (...)
- 16 Reg. Martin IV no 302. A. Potthast, Regesta Pontificum…, no 21981. Interdiction au roi Édouard Ier(...)
- 17 Reg. Martin IV no 453-454. « Cum te ad partes regni Francie pro urgentibus et arduis negotiis dest (...)
- 18 Selon une chronique anonyme, Jean « se parti de la court de Romme […], toz garnis de ce qu’il deva (...)
8Soucieux de conserver le contrôle sur l’attribution de son royaume vassal, Martin IV interdit le duel le 6 février 128316. Dans ses bulles du 5 avril17, il confia officiellement à Jean Cholet la mission d’empêcher ce combat et de publier cette décision. Ce cardinal était envoyé en France pour surveiller le trop indépendant Charles d’Anjou, qui venait de quitter la curie romaine, et pour traiter avec le roi Philippe III de France, mais la teneur des intentions pontificales n’est alors pas explicitées : elles firent sans doute l’objet d’instructions orales pour cadrer la marge de manœuvre des démarches secrètes et de lettres confidentielles du pape que le cardinal devait produire sous les yeux du roi de France pour attester la véracité de ses propositions, ces dernières lui étant remises dès son départ de la curie ou expédiées peu après avant qu’il n’arrive à Bordeaux le 1er juin 128318.
- 19 Bulle de Martin IV à Philippe III le 9 janvier 1284, rappelant les tractations de 1283 : Paris, Ar (...)
- 20 Vincent Tabbagh (dir.), Fasti Ecclesiae Gallicanae, II : Diocèse de Rouen, Turnhout, 1998, p. 265, (...)
- 21 Simonetta Cerrini, « Martino IV », dans Enciclopedia dei papi, II, Rome, 2000, pp. 446-449. V. Tab (...)
- 22 Elmar Fleuchaus, Die Briefsammlung des Berard von Neapel, Munich, 1998, no 749.
9Jean Cholet fut choisi par le pape en personne, mais avec l’accord sollicité des cardinaux. Il était nécessaire aussi que la personnalité désignée agrée aux souverains vers lesquels on la destinait, en l’occurrence Charles d’Anjou (qui venait de quitter la curie romaine) et Philippe III, qui n’était pas non plus étranger à cette désignation concertée19. De fait, à l’intérieur du Sacré Collège, Jean Cholet de Nointel20 constituait le candidat idéal pour les différentes parties. Originaire du Beauvaisis, il apparaît d’abord dans l’entourage d’Eudes Rigaud, archevêque de Rouen (1248-1275), très proche du roi Louis IX. Chanoine de Rouen à partir de 1259, il participa activement à l’administration diocésaine comme archidiacre de 1264 à 1281 ; il fut aussi chanoine de Beauvais, dès 1267. Sa carrière ecclésiastique se développa dans le sillage de Simon de Brie21, qui l’avait côtoyé à la cathédrale de Rouen, l’avait employé dans sa suite lors de ses légations en France dans les années 1270 et qui, devenu pape sous le nom de Martin IV, lui donna son propre titre de cardinal-prêtre de Sainte-Cécile le 12 avril 128122. Il avait donc toute la confiance du pape français, de Philippe III et de Charles d’Anjou qui le connaissaient et le savaient partisan de l’alliance étroite qui unissait le Saint-Siège et les Capétiens depuis les années 1260 dans une stratégie au cœur de laquelle se trouvaient la croisade en Terre sainte, la reprise de Constantinople aux Grecs et la fidélité du royaume de Sicile pour garantir la sécurité de l’Église romaine en Italie.
- 23 Par exemple dans une lettre que le chapitre de Lyon lui adresse le 22 octobre 1283 (Cartulaire lyo (...)
- 24 La différenciation canonique se précise au milieu du XIIIe siècle : R. Figueira, « The Classificat (...)
- 25 Reg. Martin IV no 451a-451s (facultates). Le 10 février 1286, Honorius IV rappelle le privilège de (...)
- 26 Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 97. Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 172-176, § 79-80, p. 206, § 91 (...)
10On notera à ce stade que Jean Cholet ne portait que son titre cardinalice habituel dans les actes23 ; il n’était pas encore légat a latere ni même nonce24, signe que les négociations restaient encore très ouvertes entre Rome et la France. Toutefois, Martin IV le gratifia de nombreuses prérogatives (facultates) énumérées dans des bulles écrites du 5 au 13 avril, cet étalement traduisant à la fois les délais pour rédiger les nombreux parchemins et une certaine précipitation. Le cardinal Cholet jouissait ainsi déjà de privilèges habituellement attribués aux légats a latere (droit d’accorder des dispenses, d’attribuer des bénéfices, des indulgences pour des visites d’églises, perception de procurations, pouvoir d’excommunier, privilèges pour sa suite, etc.)25. L’ambiguïté entre la réalité institutionnelle et la titulature officielle explique que des chroniqueurs contemporains l’appellent déjà légat26.
- 27 D’autres versions font partir Jean Cholet avec Charles d’Anjou : Guillaume de Nangis (ibid., p. 52 (...)
- 28 Cette assertion de Guillaume de Nangis (Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 522) et de Ramon Muntaner, (...)
- 29 Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 97. Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 522.
- 30 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III …, pp. 143-145. Fulvio Delle Donne, « Le armi, l’onore e (...)
- 31 TH. Rymer, Foedera, conventiones, litterae et cujuscunque acta publica inter reges Angliae…, I, Lo (...)
11Vers la mi-avril 1283 sans doute, Jean Cholet quitta la curie romaine (Orvieto), c’est-à-dire un mois après Charles d’Anjou27, mais on ne sait s’il accompagna vraiment le roi de Sicile à la cour de France en mai28. Il est plus vraisemblable qu’il ait retrouvé Charles et Philippe III directement à Bordeaux le 1er juin29, pour constater, chose qui ne pouvait que satisfaire le Saint-Siège, que le duel n’avait pas lieu30 : le roi d’Angleterre avait décliné la charge d’arbitre le 25 mars 1283 et ne se déplaça pas, d’autant que Martin IV lui avait interdit le 5 avril de permettre le duel et que le cardinal Cholet était envoyé pour faire appliquer la mesure sous peine des censures ecclésiastiques31 ; Pierre d’Aragon se présenta clandestinement tôt le matin au sénéchal de Gascogne avant de s’enfuir vers son pays. En revanche, Jean Cholet mit à profit sa rencontre avec le roi de France pour discuter du projet expliqué dans les lettres du pape qu’il lui remit : la possibilité pour Philippe III de choisir un de ses fils comme roi d’Aragon et comte de Barcelone, à qui le cardinal attribuerait ces terres.
- 32 A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, I, p. 453 : « pro conquisicione regni Aragonie e (...)
12Tout laisse penser que cette option politique avait déjà fait l’objet de tractations entre Charles d’Anjou et Martin IV à la curie en mars, et entre Charles d’Anjou et Philippe III en France en avril-mai, sans oublier les courriers qu’ils avaient dû s’échanger entre eux ; le choix concerté de Jean Cholet pour la mener à bien confirme l’hypothèse. Il est certain que l’attribution du royaume d’Aragon à l’un de ses fils plut à Philippe III, qui lança une petite armée contre l’Aragon en passant par la Navarre, fit une tournée dans le Midi toulousain et le Languedoc durant l’été et l’automne 1283, pacifiant les relations avec la noblesse locale, repérant les lieux et concluant surtout un traité d’alliance avec Jacques Ier, roi de Majorque, le 17 août 1283, dont la teneur montre explicitement que le roi de France envisageait de conquérir le royaume d’Aragon pour l’un de ses fils en vertu de la proposition papale32.
- 33 Lettre de G. de Maumont à l’abbé de Moissac (juin 1283), éditée par Ch.-V. Langlois, Le règne de P (...)
- 34 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. A (...)
- 35 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 206-207, § 91, pp. 226-228, § 103. Ce même chroniqueur (ibid., I, (...)
- 36 Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 524. Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 98.
- 37 L’itinéraire du roi peut être reconstitué à partir des tablettes de cire de Pierre de Condé : RHF,(...)
- 38 Ibid., p. 344.
13Pourtant, depuis l’entrevue de Bordeaux avec Jean Cholet, Philippe III n’avait pas officiellement accepté l’offre de Martin IV et dès juin 1283, il avait envoyé une ambassade à la curie « pro periculosis tollendis et ambiguis declarandis »33. Les négociations entre la cour de France et le Saint-Siège de juin 1283 jusqu’en février 1284 n’avaient pour objet de la part du roi que d’obtenir du pape le maximum d’avantages (financement et conditions d’une croisade contre Pierre III) et de rallier l’opinion des grands du royaume à cet objectif insolite ; Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis et conseiller du roi, y était peu favorable. La cour de France souhaitait aussi que le royaume de Valence fût attribué avec celui d’Aragon34. Le cardinal Cholet n’avait pas de pouvoir décisionnel pour faire des concessions à Philippe III, chose qui relevait des tractations directes avec le pape, et il n’était donc pas nécessaire qu’il le suivît au quotidien. En revanche, Jean Cholet avait intérêt à trouver des appuis auprès des barons et des évêques pour favoriser l’entreprise papale. Mais nous ne savons pas ce qu’il fit exactement, ni où il se trouvait, entre Bordeaux, le 1er juin 1283, et le parlement à Paris, le 20 février 1284. La documentation fait défaut et les chroniqueurs offrent des pistes contradictoires et erronées. Rien ne corrobore le récit fantaisiste du chroniqueur catalan Ramon Muntaner qui, après Bordeaux, place le cardinal Cholet à Toulouse, où Philippe III et Charles d’Anjou l’auraient rejoint, puis évoque un voyage de Charles d’Anjou, Jean Cholet et du jeune Charles [de Valois] jusqu’à la curie où Martin IV aurait couronné le nouveau roi d’Aragon35 ! Selon Guillaume de Nangis, Jean suivit depuis Bordeaux le roi de France et Charles d’Anjou à Paris36 ; il ne peut s’agir que d’un grand raccourci chronologique, car Philippe III fit une tournée dans le Midi et ne regagna pas la région parisienne avant janvier 128437. Il est plus probable que le cardinal Cholet ait quitté le roi de France après Bordeaux. Les adjonctions à la Chronique de Rouen indiquent au 11 juillet 1283 qu’il fut reçu avec solennité, sans doute à Paris ou à Rouen compte tenu du contexte, et que Charles d’Anjou arriva à Paris le 8 août 128338.
14Quoiqu’il en soit, il importait de maintenir un contact régulier, rapide et réactif entre la curie désormais lointaine et le quasi-légat, afin d’harmoniser leurs politiques au plus près des aspirations du pontife romain. Environ trois semaines étaient nécessaires pour transmettre les nouvelles entre Paris et l’Italie centrale ; le service des cursores papae se montrait performant pour acheminer les bulles, mais ces délais laissaient de fait au légat une certaine latitude d’action dans les prises de décisions urgentes et stratégiques. Parfois, le pape recourait à un chargé de missions plus important, tel Gilles de Castelet au début 1284.
- 39 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1729).
- 40 Reg. Martin IV, no 455 (A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22061 ; B. Barbiche, Les actes pontif (...)
- 41 Reg. Martin IV, no 457-458.
15Devant les efforts de Pierre III pour conquérir l’ensemble du royaume de Sicile et après les négociations de l’été avec l’ambassade du roi de France (Gérard, abbé de Saint-Étienne de Dijon et Pierre, archidiacre de Sologne dans l’église d’Orléans)39, Martin IV précisa au cardinal Cholet la ligne à suivre désormais, par une série de lettres à partir du 27 août 1283. Il rappelait que Pierre III avait été privé du royaume d’Aragon, du comté de Barcelone et du royaume de Valence, fiefs du Saint-Siège, et annonçait ouvertement que ces territoires devaient revenir à un des fils du roi de France que ce dernier choisirait, à la condition qu’ils jurassent tous les deux de respecter les conventions fixées par l’Église romaine : ainsi, le royaume et le comté devaient être préservés dans leur intégralité ; la succession reviendrait à des fils légitimes ou à défaut à des filles ; il était interdit de cumuler avec un autre royaume ; les droits des églises et les coutumes du royaume devaient être respectés ; il fallait verser le cens annuel ; le roi pouvait être exceptionnellement couronné par Jean Cholet et sacré par un évêque de son choix (en effet, Jean Cholet était prêtre et non évêque) ; le pape fournissait le modèle du serment de fidélité que le nouveau roi devait prêter au cardinal au nom du pape et il cadrait dans de longues instructions les négociations que le cardinal devait mener, mais aucun accord ne pouvait se conclure sans autorisation du pontife40. Le projet de croisade conduite par Philippe III se précisait dans la mesure où, à partir du 2 septembre 1283, Jean Cholet était chargé de superviser la collecte des décimes à affecter pour trois ans au roi de France41.
- 42 Th. Rymer, Foedera…, I, pp. 227-228 (lettre du roi d’Angleterre à l’abbé de Saint-Denis, 12 janvier (...)
16Pour le cardinal, le travail diplomatique de l’automne-hiver 1283-1284 consistait donc à faire admettre au roi de France toutes les conditions pontificales pour l’attribution de la Couronne d’Aragon à un de ses fils, mais aussi rallier la noblesse et le clergé de France à la ligne pontificale, d’autant qu’elle impliquait de lever une armée croisée et de la financer par des décimes. Il s’ingéniait aussi à faire échouer les tentatives de médiation du roi Édouard Ier d’Angleterre42. L’intense va-et-vient des messagers continua entre la cour capétienne, le cardinal et le pape.
- 43 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 146-147, 448-449, no XXVIII.
17À l’assemblée qu’il avait convoquée à Bourges vers les 10-14 novembre 1283, le roi de France traita avec Charles d’Anjou et les grands de l’opportunité de faire la guerre à Pierre III pour s’emparer de son royaume. Mais la cour de France voulut éclaircir certains points et obtenir plus d’avantages encore. Dans ce but, Philippe III dépêcha maître Étienne, archidiacre de Bayeux, et maître Pierre de Mornay, archidiacre de Sologne dans l’église d’Orléans, tous les deux chapelains du pape, auprès de Martin IV43.
- 44 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. A (...)
- 45 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 396-403.
- 46 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1733-1734 ; copies insérées à la fin de la lettre Reg. (...)
- 47 Réticences exposées dans une autre bulle de Martin IV adressée à Philippe III le 9 janvier 1284 : (...)
18Le résultat des négociations en curie est expliqué dans une bulle de Martin IV adressée au roi de France le 9 janvier 128444 et dans les dernières instructions datées des 9-11 janvier 1284 que le pape envoya à Jean Cholet45. Point par point, le pontife répondit aux demandes (petitiones) du roi présentées par son ambassade et qui montraient combien la cour capétienne avait des idées précises sur ce qu’elle escomptait obtenir du Saint-Siège pour assimiler l’expédition d’Aragon à une croisade : indulgences comme pour la Terre sainte en faveur des combattants et des financeurs, pouvoirs de légat attribués à Jean Cholet, extension de la décime à quatre ans et perceptions d’autres taxes, etc. Dans trois lettres du 10 janvier 128446, Martin IV détaillait au cardinal les réticences du roi de France47 vis-à-vis de certaines conditions posées par le Saint-Siège et l’instruisait de la ligne à suivre dans les négociations à venir. Au sujet de la promesse que le roi de France devait faire par écrit de respecter les conditions de l’Église romaine, le cardinal pouvait se contenter d’un serment oral solennel du roi. En ce qui concernait l’interprétation de la contradiction éventuelle de certaines coutumes du royaume d’Aragon avec la législation ecclésiastique, il fallait restreindre le champ d’application aux coutumes qu’on ne pourrait observer sans péché mortel. Enfin, Jean Cholet devait exiger du roi qu’il s’engageât en personne si le fils qu’il choisissait n’était pas encore en âge de prêter serment.
- 48 Ibid. ; Paris, Arch. Nat., J 699 no 65 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1730) ; J 594 (...)
- 49 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III …, p. 448-449, no XXVIII (lettre du 10 mars 1284 de Maur (...)
- 50 Le rapport est vidimé dans une bulle du 5 mai 1284 : Reg. Martin IV, no 580-581. Ce parlement fait (...)
19Les propositions du pape furent acheminées au cardinal et au roi par un envoyé solennel, le notaire pontifical Gilles de Castelet, prévôt de Bruges48, qu’accompagnaient les deux archidiacres ambassadeurs de retour de la curie, Étienne et Pierre. Ils participèrent au parlement les 20-22 février à Paris49, dont le déroulement fit l’objet d’un rapport du cardinal Cholet adressé le 1er mars 1284 à Martin IV50.
20Philippe III avait convoqué les barons et les prélats à Paris pour traiter de l’attribution des royaumes d’Aragon et de Valence et du comté de Barcelone à son second fils. L’assemblée se réunit le 20 février 1284. Les lettres du pape furent lues ; les deux archidiacres ambassadeurs du roi présentèrent au cardinal les suppliques du roi et les réponses du pape, détaillées dans une lettre patente incluse dans les bulles apportées par Gilles de Castelet et adressées au roi et au cardinal ; ces informations furent expliquées en langue vulgaire. Le roi demanda conseil à l’assemblée sur l’opportunité d’accepter un accord avec le pape en tenant compte des nouveaux amendements transmis par le notaire.
21Les prélats et les barons décidèrent de délibérer le 21 février pour rendre une réponse le 23. Ils se réunirent le 21 tôt le matin au palais royal (de la Cité), prirent de nouveau connaissance des bulles et eurent des explications en langue vulgaire ; ensuite ils se séparèrent en deux groupes. Sans concertations, ils arrivèrent à la même conclusion : accepter. Comme Simon, sire de Nesle, allait annoncer la décision des barons aux prélats, le cardinal Jean et le notaire Gilles firent savoir au roi de venir à son palais afin d’entendre le conseil des prélats et des barons sans attendre le lendemain. En présence du roi, de ses deux fils, du grand conseil, des prélats et des barons, l’archevêque de Bourges annonça que les prélats étaient favorables à ce que le roi approuvât l’accord dans les termes apportés par le notaire papal ; puis Simon de Nesle informa de l’avis concordant des barons. Le roi fit alors part de son acceptation et sollicita celle du cardinal. Il donna rendez-vous à l’assemblée pour le lendemain afin de le conseiller sur le choix d’un de ses fils, à l’exception de l’aîné. Le 22, on préféra le second des fils, Charles.
- 51 Toujours dans le rapport du cardinal, vidimé dans Reg. Martin IV, no 580-581.
22Le 27 février51, Jean Cholet et le notaire papal se rendirent auprès du roi. En présence du souverain, de ses deux fils et du conseil qui avait été convoqué, le cardinal expliqua en langue vulgaire les conditions des lettres papales, article par article. Philippe III et son fils Charles approuvèrent l’ensemble des clauses. Interrogé sur chacun des articles, Charles affirma les avoir compris. Son père et lui jurèrent solennellement de les respecter et de mener, eux et leurs successeurs, cette affaire à son terme. Jean Cholet les chargea alors de s’emparer des royaumes d’Aragon et de Valence et du comté de Barcelone. Le jeune Philippe (futur le Bel) se réjouissait tout comme son cadet Charles, dont le cardinal reçut l’hommage dans la mesure où il était désormais en âge de le faire.
- 52 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 448-449, no XXVIII.
- 53 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1733-1734 ; copies insérées à la fin de la lettre Reg. (...)
23Les négociations menées depuis des mois avaient enfin abouti grâce à l’entremise de Jean Cholet en France, mais aussi aux négociations menées à la curie sous le contrôle direct du pape. Martin IV fut prévenu par les messagers de Philippe III52 et par Gilles de Castelet qui rapportait la lettre patente du cardinal, scellée de son sceau le 1er mars 1284, consignant par écrit les serments prêtés par les Capétiens, à défaut de leur promesse écrite, conformément aux instructions pontificales du 10 janvier 128453.
Le légat a latere
- 54 Reg. Martin IV, no 580-581.
- 55 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1744 (5 mai 1284). Reg. Martin IV, no 582.
- 56 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. A (...)
- 57 Reg. Martin IV, no 576. A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22130.
- 58 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 420-425, 430, 431, 434-436, 438-440, 443, 445, 447, 449, 450.
24Le 5 mai 1284, Martin IV et les cardinaux présents à Orvieto confirmèrent solennellement l’attribution des royaumes d’Aragon, de Valence et du comté de Barcelone à Charles de France54 et le pape précisa un passage des accords55. Il pouvait alors mettre en œuvre la demande des ambassadeurs français de début janvier 1284 : confier le plene legationis officium à Jean Cholet56. Ce même 5 mai, Martin IV renforçait donc les pouvoirs du cardinal et élargissait le champ géographique de ses compétences pour organiser la croisade contre Pierre III, en le désignant légat (a latere puisqu’il s’agissait d’un membre du Sacré Collège) dans les royaume de France, de Navarre, d’Aragon, de Valence et de Majorque, ainsi que dans les provinces ecclésiastiques d’Embrun, Tarentaise (avec même les parties situées en dehors des comtés de Provence et de Forcalquier), Vienne, Lyon, Besançon, et les diocèses de Metz, Toul, Verdun et Liège, soit des régions romanophones situées dans l’Empire, mais limitrophes du royaume capétien qui y développait son influence57. La liste des facultates du nouveau légat est détaillée dans des bulles allant du 18 au 26 mai 1284 et apparaît classique : privilèges pour sa suite et ses auxiliaires, droit de conférer des bénéfices ecclésiastiques et le tabellionat, droit de dispense, etc.58.
- 59 Christopher Cheney, « The Deaths of Popes and the Expiry of Legations in the Twelth-Century Englan (...)
25Le pape rappelait les principaux points de la mission : prêcher la croisade et lever les décimes portées à quatre ans afin de prendre possession de l’Aragon pour Charles, aspects que nous développons plus loin. Un légat pouvait être révoqué ad nutum par le pape, mais d’un autre côté, la réflexion canonique avait abouti sous Clément IV (1265-1268) à permettre la poursuite de la légation jusqu’à l’accomplissement de l’objectif de la mission, en dépit de la mort du pape59. Martin IV décéda le 28 mars 1285, avant même que l’armée croisée ne s’ébranle vers les Pyrénées, et son successeur, Honorius IV, fut élu dès le 2 avril. Par conséquent, la nouvelle des deux événements dut parvenir à peu près en même temps à Jean Cholet et ne posa pas de problème au sujet de la validité de ses actes durant la courte vacance du Siège apostolique. Bien qu’on n’en conserve pas la trace, il est certain que le nouveau pape le confirma dans sa légation.
La mobilisation des consciences60
- 60 Norman Daniel, « Crusade propaganda », dans Kenneth M. Setton, A History of the Crusades, VI, Wisc (...)
26Le déclenchement de la croisade relevait officiellement de la seule initiative du pontife romain, qui notifiait son appel par une bulle encyclique expédiée généralement à toute la Chrétienté. Par une habile rhétorique propre à la chancellerie apostolique, il expliquait les dangers et les motifs qui conduisaient à inciter les chrétiens à prendre les armes contre les ennemis qu’il désignait. Il revenait au légat, dans l’étendue de sa circonscription, de relayer le discours pontifical, d’impliquer les souverains et de mobiliser les fidèles, en prêchant lui-même la croisade et en organisant des équipes de prédicateurs pour démultiplier l’appel et convaincre au plus près les chrétiens.
- 61 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 416, 426 ; autres bulles concernant la prédication de la croi (...)
- 62 Chronographia regum francorum, éd. par H. Morainvillé, I., Paris 1891, p. 24.
- 63 E. Fleuchaus, Die Formularsammlung…, no 442.
- 64 Reg. Martin IV, no 570, 591 (A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22150). Ibid., no 22149 et 22153
27Le 26 mai 1284, Martin IV chargea Jean Cholet d’appeler à la croisade contre Pierre III dans l’ensemble du territoire de sa légation, avec en plus le diocèse de Cambrai61, par ailleurs exempt de la levée de la décime. La Chronographia regnum francorum évoque le succès de la prédication dans le Hainaut, la Lorraine et les « aliis terris circumvicinis »62. Le cardinal pouvait accorder l’indulgence à ceux qui, même s’ils étaient étrangers aux territoires de sa légation, s’associeraient à cette croisade ou participeraient à son financement63. Plus largement, le pape articula cette campagne de prédication à celles menées en Italie. Le 4 juin 1284, il confiait une mission analogue à Gerardo da Parma dans le royaume de Sicile (il s’agissait d’un renouvellement car elle y était prêchée depuis le 13 janvier 1283), à Bernard de Languissel, cardinal-évêque de Porto, en Italie du Nord, ainsi qu’au ministre franciscain et au prieur dominicain des provinces de Sardaigne et de Corse64.
- 65 Les grandes chroniques de France, VIII, p. 97, § 36. Chronique anonyme des rois de France finissan (...)
- 66 La Chronographia regum francorum…, I, p. 24 évoque juste la prédication « ab adjuvatoribus ejusdem (...)
- 67 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 152 et note 3.
- 68 Ch. Maier, Preaching the crusades...
- 69 René Blanchart, Cartulaire des sires de Rays, Poitiers, 1898, pp. 4-5, no 5.
28Jean Cholet s’activa pour enrôler les croisés jusqu’à ce que l’armée s’ébranle en mars 1285, et ensuite pour soutenir le moral des troupes durant la campagne jusqu’en octobre 1285. Les chroniques font référence à la prédication de la croisade par le cardinal en personne65. Mais cette propagande était diffusée par des équipes de prédicateurs recrutés par le légat. On ne connaît guère leur identité66. Simon de Beaulieu, archevêque de Bourges, la prêcha à Poitiers, Saintes, Agen67. Les frères franciscains et dominicains étaient généralement requis depuis leurs débuts68 ; par la pauvreté placée au cœur de leur vocation évangélique, ils donnaient l’exemple du dépouillement aux laïcs et ils étaient entraînés aux techniques de la prédication populaire. Mais pour la croisade de 1285, on ne conserve pas de trace explicite de leur participation en France, peut-être pour ménager les susceptibilités du clergé séculier face aux mendiants. Le légat se reposa plutôt sur les ordinaires diocésains. Son entourage avait recopié en plusieurs exemplaires et authentifié de son sceau cardinalice la bulle d’appel à la croisade de Martin IV, ce qui impliquait une solide chancellerie itinérante. Il l’avait expédiée sans doute à chaque évêque du royaume de France, comme en témoigne un acte de l’évêque Durand de Nantes le 23 mars 1285, attestant du départ de plusieurs chevaliers de son diocèse pour une année de croisade en Aragon, après les avoir confessés et pardonnés69.
- 70 Élie-Benjamin-Joseph Brun-Lavainne, Roisin. Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille, Par (...)
29Le légat détenait la juridiction éminente sur tout ce qui concernait cette prédication. À Lille, des prédicateurs qui œuvraient dans le cimetière et au monastère Saint-Étienne furent perturbés par certains habitants, si bien que le 17 février 1285, après enquête sur place et jugement à Paris, Jean Cholet condamna la commune à verser une amende de 4 000 livres parisis pour le negocium Aragonie ac Valencie, parce que les échevins n’avaient rien tenté pour arrêter ou punir les émeutiers70.
- 71 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 427-429, 437, 441.
- 72 Ibid., no 444 (26 mai 1284).
- 73 Ibid., no 446 (23 mai 1284).
- 74 Ibid., no 426 (26 mai 1284).
30Pour stimuler les équipes de prédicateurs et les fidèles, le légat recevait du pape des prérogatives particulières71. Les prédicateurs, à condition d’avoir travaillé deux ans, recevaient en récompense la même indulgence que s’ils avaient participé à l’expédition armée72. Leurs auditeurs étaient, quant à eux, susceptibles d’être attirés par les cent jours d’indulgences que les prédicateurs pouvaient leur distribuer73. Ces prédicateurs avaient aussi le pouvoir d’absoudre d’une excommunication ceux qui prendraient part à la croisade et d’accorder certaines dispenses dans les affaires d’ordre spirituel74.
- 75 Ch. Maier, Preaching the crusades..., pp. 111-122.
- 76 Instructions du légat Brenda Castiglione dans la prédication contre les Hussites en Bohème : Frant (...)
31Il reste difficile de connaître la teneur concrète de ces prêches75. Les quelques textes conservés du XIIIe siècle sont écrits en latin et respectent de manière scolastique la structure de la prédication savante d’alors ; ils ne contiennent que les arguments principaux sans fournir les exempla, les citations bibliques ou profanes qui illustraient les propos de l’orateur et tenaient l’auditoire en éveil. Pour éviter les déformations, le pape avait transmis son message par écrit et l’avait démultiplié par les lettres encycliques, qui étaient recopiées, traduites en langue vernaculaire. Le légat devait de son côté donner des instructions à ses prédicateurs, mais on ne les conserve pas pour Jean Cholet76.
- 77 Norman Housley, « Jerusalem and the Development of the Crusade Idea, 1099-1128 », dans B. Z. Kedar (...)
- 78 Reg. Martin IV, no 455, 457.
- 79 James A. Brundage, Medieval canon Law and the Crusader, Madison, 1969, pp. 139-158. Maureen Purcel (...)
- 80 RHF, XXII, p. 212 : vers 12322-12331.
32La stratégie du discours consistait à susciter la haine des ennemis du Christ et de l’Église, en insistant ici sur la félonie impie de Pierre III. Dans les croisades réalisées en Occident contre d’autres chrétiens, Norman Housley77 a montré combien la valorisation de la Jérusalem Céleste, dès le XIIe siècle, a permis à la papauté de justifier la guerre pour la défense de l’Église romaine ; et Martin IV soulignait dans son argumentation combien l’attaque du roi d’Aragon en Sicile compromettait la reconquête de Jérusalem78. Il s’agissait en particulier de vanter les mérites de l’indulgence79, qui était la seule rétribution a priori des soldats qui s’engageaient. Certes, les combattants enrôlés selon les règles féodales de l’ost ou ceux qui étaient engagés comme mercenaires, ainsi pour la campagne d’Aragon, recevaient aussi des rétributions financières et matérielles. Par la prédication, le légat et ses auxiliaires incitaient par des avantages spirituels leur auditoire à faire un sacrifice pour la cause de la croisade. En effet, depuis Urbain II, l’engagement complet dans la croisade correspondait à l’accomplissement d’une pénitence (tel un pèlerinage) qui manifestait sa contrition, après la confession de ses péchés afin d’obtenir le pardon. Vers 1306, Guillaume Guiart le résume ainsi dans La branche des royaux lignages : « I cardinal Jehan Cholet, / Veant que leur voie iert périe, / Préescha lors la croizerie, / Disant qui la croiz saisiroit / Et sur ceux d’Aragon iroit / Il seroit, sans autres mérites, / De ses péchiez assouls et quittes »80.
33Rappelons pour mémoire que la vente des indulgences n’apparaît qu’à partir du début du XIVe siècle et ne devint une grande activité des légats qu’aux XVe-XVIe siècles. En revanche, il était déjà possible d’acquérir une indulgence en finançant l’entretien d’un soldat destiné à partir à la croisade. En effet, si l’expédition armée était réservée aux milites aptes à combattre avec efficacité, la prédication de la croisade s’adressait à tous les fidèles, même ceux qui n’étaient d’aucune utilité militaire : femmes, clercs, vieillards, etc. Depuis Innocent III (1198-1216), le clergé avait développé le système de rachat des vœux qui permettait de toucher toutes les catégories de populations non combattantes. Cette forme de commutation permettait ainsi d’accumuler du numéraire pour acquérir des armes, du ravitaillement, des chevaux, des navires, etc. et payer des troupes.
- 81 Continuation de la chronique de Rouen, RHF, XXIII, p. 345. Mention simple du concile de Paris : Ch (...)
- 82 Chronographia regum francorum…, I, p. 24.
- 83 RHF, XXI, p. 771 ; XXII, p. 831.
- 84 Chronique de Geoffroy de Collone, RHF, XXII, p. 4.
- 85 Chronique de Saint-Martial de Limoges, RHF, XXI, p. 805.
34Une prédication efficace aboutissait à la remise des croix aux candidats à l’expédition. En 1275, dans le sillage du second concile de Lyon (1274), le légat Simon de Brie avait remis la croix au roi Philippe III, aux membres de sa famille et à de nombreux seigneurs de la cour désireux de délivrer Jérusalem. À l’assemblée de Paris du 17 août 1284, après avoir prêché la croisade contre Pierre III, Jean Cholet fixa la croix sur le vêtement de Philippe III, ainsi que sur ceux de ses deux fils Philippe et Charles81. Selon la Chronographia regum Francorum, cette croix était moitié blanche, moitié rouge82. Un insigne semblable avait été donné à Charles d’Anjou pour aller combattre Manfred83. Cette croix bicolore caractérisait les croisades proches, alors que la croix pour Jérusalem était entièrement rouge84. Au départ de l’ost de France, Philippe III prit aussi l’oriflamme à l’abbaye de Saint-Denis, le 5 mars 1285, sans doute en présence du légat. En chemin vers les Pyrénées, Jean Cholet continua à prêcher et à remettre des croix à des seigneurs, tel le vicomte de Turenne et son épouse85.
L’organisation financière de la croisade
- 86 Giuseppe Martini, « Innocenzo III ed il finanziamento delle crociate », Nuova rivista storica, 65 (...)
- 87 Total de l’Abrègement des despens faiz en la voye d’Aragon : Élisabeth Lalou (éd.), Les comptes su (...)
- 88 J. Strayer, « The crusade… », pp. 114-115.
35L’entretien du légat et de sa suite était traditionnellement assumé par les églises locales qui lui versaient des indemnités (procurationes) ou lui devaient le droit de gîte. Mais une expédition militaire rassemblant des milliers d’hommes armés ne s’improvisait pas. Elle nécessitait une large préparation pour financer l’armement, le transport, l’approvisionnement en vivres, etc. Le pape, pas plus que d’autres souverains en Occident, n’avait de revenus suffisants pour couvrir ces frais86. Nous n’avons pas de chiffres exacts sur le coût d’une croisade et les capacités du budget d’un royaume au XIIIe siècle, mais la monarchie française aurait dépensé 1 228 666 livres tournois pour la croisade d’Aragon de 128587, et auparavant 1 537 570 l. t. pour la croisade de Louis IX en Égypte et Palestine88.
- 89 William E. Lunt, Financial Relations of the Papacy with England to 1327, Cambridge (Mass.), 1939, (...)
- 90 M. Purcell, Papal Crusading Policy…, pp. 27-28.
36À partir de la fin du XIIe siècle, on chercha de nouvelles sources de financement pour aider les laïcs qui s’engageaient, mais qui n’avaient plus l’abnégation de ceux des deux premières croisades. Philippe II Auguste exigea la dîme saladine en 1188, correspondant au dixième du revenu annuel des clercs et des laïcs qui ne prenaient pas la croix. Mais la papauté, défendant l’exemption fiscale de l’Église, revendiqua son droit exclusif à autoriser les contributions financières du clergé en faveur des princes laïcs. Il lui fallut donc trouver des solutions. Clément III en 1187-1191 et Innocent III en 1199 développèrent un système de prélèvement fiscal sur les revenus du clergé (qui ne versait pas le prix du sang dans les combats) selon des taux qui varièrent : décimes, vingtième, centième, etc. Les juifs étaient mis à contribution depuis Innocent III, au motif qu’ils percevaient les produits de l’usure. On essaya aussi de taxer les fidèles qui ne prenaient pas part à l’expédition : Grégoire IX essuya un échec en 122989, mais le concile de Lyon II décida en 1274 que chaque chrétien donnerait un denier tournois par an, ce qui fut vivement critiqué90. Dans une société encore peu habituée à une fiscalité régulière, il fallait déployer une rhétorique persuasive pour faire admettre la taxation pontificale et organiser un vaste système administratif pour estimer l’assiette de l’impôt (en évaluant les revenus des bénéfices ecclésiastiques), pour collecter les taxes, pour rassembler le produit récolté et transférer les fonds.
- 91 Bernard Causse, Église, finance et royauté. La floraison des décimes dans la France du Moyen Âge, (...)
37Pour la croisade d’Aragon, Martin IV octroya des financements ecclésiastiques à Philippe III, selon une habitude désormais établie en France depuis Louis IX, qui conduisit à des abus quand Philippe IV le Bel leva une taxe sur le clergé pour financer ses guerres sans demander l’autorisation à Boniface VIII91.
- 92 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. A (...)
- 93 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1722. A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22014. Ramo (...)
38Lorsque Philippe III fut sollicité pour aider son oncle en difficulté en Sicile, il afficha sa bonne volonté, mais réclama une aide financière au Saint-Siège. Déjà avant avril 1283, ses envoyés à la curie, le maréchal Raoul d’Estrée et l’évêque de Dol Thibaud de Pouancé transmettaient sa demande de se voir concéder une décime des revenus des bénéfices du royaume de France pour trois ans92. Dans ce contexte, le 23 avril 1283, le roi obtint de Martin IV une avance de 20 000 livres prélevées sur la décime décrétée en 1274 pour la Terre sainte et conservée au Temple de Paris93.
- 94 Reg. Martin IV, no 457.
- 95 Ibid., no 458.
- 96 Paris, Arch. Nat., J 446 no 36 (édité par Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 444-447, (...)
39Mais les exigences françaises ne faiblirent pas au cours des négociations diplomatiques du second semestre 1283 et amenèrent le pape à faire des concessions pour voir aboutir son projet d’attribution de l’Aragon à un Capétien, sans doute aussi en raison d’une évaluation plus réaliste du coût attendu de l’expédition projetée. Le 2 septembre 1283, il finissait par accorder le produit d’une décime durant trois ans sur tous les revenus du clergé du royaume de France94 et donnait mandat au cardinal Cholet d’en surveiller la collecte95. Le 21 octobre 1283, Martin IV, ancien légat et collecteur de taxes ecclésiastiques, établissait un compromis avec les envoyés du souverain Capétien au sujet des comptes des taxes concédées au roi de France depuis Louis IX jusqu’en 128396, principalement au titre du centième pour la Terre sainte en 1263, de la décime de trois ans pour la croisade en 1268 et de la décime de six ans imposée par le concile de Lyon en 1274.
- 97 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. A (...)
40Les besoins financiers français, calculés en prévision de la guerre qui se précisait contre l’Aragon, augmentèrent encore et furent soumis au pape par l’ambassade de décembre 1283. La lettre de réponse de Martin IV du 9 janvier 1284 en donne la teneur97 : il s’agissait d’une extension de la décime dans le temps (quatre ans), de la base territoriale (ajout des provinces de Besançon, Lyon, Vienne, Aix et des diocèses de Cambrai, Liège, Metz, Toul, Verdun) et de l’assiette fiscale (versement au roi des annates des bénéfices et des legs indistincts). Le pontife délimita ses nouvelles concessions. Il acceptait une année supplémentaire par rapport à la décime de trois ans déjà actée, mais refusait la collecte dans le diocèse de Cambrai (en raison du retard de perception de celle en 1274), ainsi que dans les provinces d’Aix et d’Arles (déjà sollicitées pour le royaume de Sicile) ; en contrepartie, il autoriserait la levée dans les provinces de Tarentaise et d’Embrun, même pour les parties hors des comtés de Provence et de Forcalquier, et laisserait aussi au roi les legs indistincts dans les mêmes territoires que ceux de la décime, pour quatre ans. En revanche, il refusait catégoriquement la cession des annates.
- 98 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1740 (5 mai 1284). Reg. Martin IV, no 583 (B. Barbiche(...)
- 99 Ibid., no 419.
- 100 Reg. Martin IV, no 585 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1742-1743), 586. Reg. Nicolas (...)
- 101 Fritz Kern, Die Anfänge der französischen Ausdehnungspolitik, Tübingen, 1910, pp. 83-85.
- 102 Fr. Du Chesne, Histoire des cardinaux…, II, p. 222.
- 103 Jean-Daniel Morérod, « Taxation décimale et frontières politiques en France aux XIIIe et XIVe sièc (...)
- 104 Reg. Honorius IV, no 395. Martin IV avait répondu favorablement sur ce point à une demande formulé (...)
- 105 Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 (c).
41L’aboutissement concluant des négociations à Paris à la fin février 1284 conduisit Martin IV à mettre en pratique les accords. Le 5 mai 1284, il chargea Jean Cholet désormais légat a latere de la collecte de la décime portée à quatre ans98, ainsi que de celle des legs indistincts99. L’assiette territoriale s’étendait aux territoires de la légation, même ceux qui relevaient de l’Empire : les provinces de Besançon, Lyon, Vienne, Tarentaise, Embrun (y compris les zones hors des comtés de Forcalquier et de Provence) et les diocèses de Metz, Toul, Verdun et Liège100, dont Rodolphe de Habsbourg réclama en vain l’exonération fiscale à Martin IV, puis à Honorius IV101. Certains clercs refusèrent de verser les décimes au prétexte que leur diocèse se situait en partie en terre d’Empire et ne relevait pas entièrement du royaume de France, mais le 30 octobre 1284, le pape autorisait le légat à les contraindre au paiement102. La papauté favorisait ici l’influence capétienne dans les zones romanophones à l’est du royaume de France jusque-là limité aux frontières de 843103. Pour accélérer les versements, Martin IV accorda l’indulgence aux clercs qui paieraient les quatre ans de la décime dès la première année104. Le 1er novembre 1284, à la demande du roi, le pape concédait aussi que les legs encore non versés pour la Terre sainte soient affectés à l’affaire d’Aragon en attendant le passage général105. De son côté, le 7 février 1285, Jacques, roi de Majorque, obtint du pontife de lever une décime pour trois ans sur les églises de son royaume à condition de se joindre à l’expédition capétienne contre son frère Pierre III d’Aragon.
- 106 Richard Kay, « The Albigensian Twentieth of 1221-3 : an early Chapter in the History of papal Taxa (...)
- 107 Pierre-Vincent Claverie, « Quelques éléments biographiques sur l’archevêque Gilles de Tyr (1254-12 (...)
42Le Saint-Siège avait expérimenté plusieurs organisations successives pour collecter les taxes. Clément III (1187-1191) et Innocent III (1198-1216) eurent recours aux évêques dans leur diocèse. Pour le vingtième en 1221-1223 afin de lutter contre les Albigeois106, Honorius III confia la levée aux archevêques de Reims, Sens et Bourges, trois prélats français auxquels il donna la fonction de légats (ce qui constituait une forme de centralisation administrative), tandis que le cardinal-légat Conrad s’occupait des taxes sur les monastères clunisiens, cisterciens et prémontrés. Mais en 1225, la collecte du vingtième passa au cardinal-légat Romano. Désormais, le système centralisé de collecteurs désignés par le pape, développé par Grégoire IX à partir de 1228, apparaissait plus efficace et le concile de Lyon II de 1274 mit en place les collectories qui s’épanouirent sous les papes d’Avignon. Mais les pontifes nommaient aussi des délégués spécialisés dans la prédication et la collecte des subsides pour les croisades, ainsi Gilles de Saumur, archevêque de Tyr, en 1263-1266107, mais aussi des légats a latere comme Simon de Brie (1266-1268, 1274-1279) et Raoul Grosparmi (1268-1270).
- 108 Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 (1er et 12 mars 1286). Reg. Honorius IV, no 395 (30 avril 1286), 39 (...)
- 109 Reg. Martin IV, no 458 (3 septembre 1283), 584 (5 mai 1284).
- 110 Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 (a) : nomination de Michel de Louvres, chanoine de Notre-Dame de Hu (...)
43C’est donc dans cette tradition administrative que plusieurs documents attestent de l’implication de Jean Cholet comme responsable de la collecte de la décime en 1283-1285 et encore après l’expédition d’Aragon108. Le cardinal envoya de nombreuses lettres aux contribuables de sa légation109 et à son équipe de collecteurs110.
- 111 V. Tabbagh (dir.), Fasti…, II, p. 238, no 4061. Le 12 mars 1286, le délégué général du légat pour (...)
- 112 Collecteurs pour le diocèse de Coutances, le 27 février 1285 : P. Le Cacheux, Thomas-Lacroix, Lego (...)
- 113 O. Guyotjeannin …, Diplomatique médiévale…, p. 195.
- 114 En 1285, Lanfrancus Anselmi, citoyen de Pistoia et « mercator reverendi patris domini Johannis mis (...)
44La perception des taxes relevait d’une organisation hiérarchisée permettant de couvrir tout le territoire de l’assiette fiscale. Un acte de 1290 décrit le système déjà en vigueur les années antérieures. Au sommet se trouvait le légat qui assumait la responsabilité de l’intégralité des opérations. Jean Cholet avait délégué le suivi général de ces tâches à Jean de Bulles, comme lui originaire du Beauvaisis et titulaire d’un bénéfice dans l’église de Rouen (archidiacre du Grand Caux)111. Le légat avait désigné des officiers chargés de la collecte à l’échelle de chaque province ecclésiastique : ainsi Pierre de Trocha, chanoine de Saint-Quentin-en-Vermandois (diocèse de Noyon), pour celle de Reims. D’autres collecteurs œuvraient à l’échelon de chaque diocèse : en l’occurrence Jean de Saint-Amand et Jean de Mur, chanoines de Tournai, dans le diocèse de Tournai112. Renaud le Ventrier, vraisemblablement un marchand de Noyon, collectait à Tournai l’argent du diocèse pour le donner sans doute à Pierre de Trocha. Les espèces récoltées étaient des deniers tournois, des florins d’or de Florence, des gros tournois d’argent113. Jean Cholet recourait au service de banquiers italiens pour conserver et transférer les fonds114.
- 115 Reg. Martin IV, no 586 (5 mai 1284).
- 116 24 septembre 1290. Paris, Arch. Nat., L 276 no 47 (= Reg. Nicolas IV, no 3264).
- 117 Louis-Victor Pécheur, Annales du diocèse de Soissons, III, Soissons, 1875, pp. 447-448. Le 1er mar (...)
- 118 Paris, BNF, Coll. Doat, vol. XI, fol. 105. La teneur de ces délimitations est reprise dans la bull (...)
- 119 P. Le Cacheux…, Inventaire sommaire... Manche, série H, t. IV (2e fasc.), pp. 51 (H 8194 fol. 12-1 (...)
- 120 Arch. dép. Yonne, G 660, éd. par Maximilien Quantin, Recueil de pièces pour faire suite au cartula (...)
45Le légat avait en charge le contrôle de la bonne application des exigences fiscales. Il devait user des censures ecclésiastiques contre les mauvais payeurs115 et les collecteurs qui, tels ceux du diocèse de Bâle après la fin de sa légation, refusaient de rendre leurs comptes116. Les opérations entraînaient des litiges. Ainsi, les moines de Saint-Crépin de Soissons se plaignirent en 1288 que les collecteurs avaient exigé une somme plus importante que ne le prévoyait l’estimation réalisée par les clercs du cardinal-légat Simon de Brie (vers 1275 sans doute) ; Jean Cholet ordonna une enquête sur place à ses collecteurs117. Le 12 février 1284, Martin IV avait maintenu l’exonération habituelle de paiement pour les hôpitaux et léproseries, les maisons régulières pauvres, les bénéfices au revenu inférieur à quinze livres tournois dans le royaume et à huit hors du royaume, etc.118. Il revenait au légat de respecter cette réglementation. Le 17 février 1285, le cardinal Cholet envisageait une exemption du paiement de la décime s’il s’avérait après enquête que les revenus de l’aumônerie de l’abbaye de Montebourg étaient effectivement réservés à l’entretien des pauvres119. Le 29 mai 1285, il dispensait du versement Guillaume de Saint-Amand, clerc du roi de France120.
- 121 Paris, Arch. Nat., L 264 no 36 : bulle de Grégoire X (31 juillet 1274) qui ordonne de faire garder (...)
- 122 J.-B. Kervyn de Lettenhove, Codex Dunensis, Bruxelles, 1875, pp. 114-116 no 79. Ferdinand Van de P (...)
- 123 RHF, XXI, pp. 531-532.
46Le traitement des cisterciens relevait d’un cas particulier ; déjà en 1274, Grégoire X avait réservé à la papauté le contrôle de la décime versée par les cisterciens et les prémontrés121. Par négociation entre Jean Cholet et l’abbé de Cîteaux peu avant ou le 4 décembre 1284 à Saint-Germain-des-Prés de Paris, le versement de la décime des cisterciens fut estimé de manière forfaitaire pour l’ordre, afin d’éviter des tracas pour chaque maison, à charge pour les cisterciens de répartir le fardeau entre chaque monastère (et ses filles) et de centraliser la collecte à l’abbaye Saint-Bernard de Paris, les collecteurs délégués par le cardinal ne devant par conséquent rien exiger directement d’eux122. Le compte de la décime versée par les cisterciens du royaume de France pour le negotium Aragoniae et Valentiae123 rappelle en effet qu’une première taxatio (75 000 livres de petits tournois), fut réalisée à Saint-Germain-de-Prés de Paris en présence du légat. Il y eut ensuite une seconde taxatio (4 000 l. p. t.) à Senlis pour les monastères cisterciens des diocèses de Cambrai et de Liège, puis une troisième (2 000 l. p. t.), toujours à Senlis, pour les monastères des moniales du royaume de France. Le montant de 81 000 l. p. t. fut versé par l’abbé de Cîteaux au Temple de Paris. Cet exemple montre comment le légat intervenait dans le contrôle du montant à payer, mais les opérations financières s’effectuaient directement entre l’ordre cistercien et l’administration royale, par l’intermédiaire de clercs du roi, de banquiers italiens et du Temple.
- 124 Tablettes de cire de Pierre de Condé, RHF, XXII, p. 485 B : « De VIIIC l. tourn. quas Marcellus re (...)
- 125 Ch.-V. Langlois, Inventaire d’anciens comptes royaux dressés par Robert Mignon sous le règne de Ph (...)
- 126 Tablettes de cire de Pierre de Condé, RHF, XXII, pp. 430-501, passim.
47Lorsque les sommes concernant les autres églises étaient rassemblées par les équipes hiérarchisées de collecteurs du légat, ce dernier les transférait aux agents du roi124. Les archives de la Chambre des comptes royale conservaient les récapitulatifs des comptes des collecteurs, classés par provinces ecclésiastiques, qui avaient été rendus pour la plupart au cours de la quinzaine d’années qui suivit le lancement de la décime en 1284 (synthèse des comptes de décimes, comptes pour les arriérés, pour les legs indistincts, etc.)125. L’entourage du roi s’occupa des opérations financières pour préparer l’expédition d’Aragon et les comptables royaux accompagnèrent l’armée croisée126.
- 127 Paris, Arch. Nat., J 938, no 13-16, 20, 24-27, 35.
- 128 Un document fournit des comptes : Abregement des depens faiz en la voye d’Arragon, dans É. Lalou ( (...)
- 129 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 356-357. J. Strayer, « The crusade… », pp. 112-113
48Sous l’autorité du légat, la préparation de l’expédition d’Aragon fut donc réalisée avec minutie sur le plan financier. L’argent ne fit pas défaut, même si les décimes furent perçues de manière imparfaite et avec des retards ; le 15 novembre 1289, Jean Cholet, qui ne portait plus le titre de légat et s’apprêtait à regagner la curie, confiait à l’archevêque de Rouen la tâche de percevoir les arrérages de la décime concédée pour quatre ans en 1284127. Mais ces taxes ne fournirent qu’une aide complémentaire et l’essentiel des dépenses reposa sur le budget du roi capétien128. Philippe III dut trouver d’autres solutions pour étoffer ses recettes129 : aide féodale pour l’adoubement de son fils aîné Philippe (le Bel), taille sur les clercs pratiquant une activité professionnelle, gros emprunts contractés auprès des villes, des baillages, de certains particuliers, etc.
Les implications politiques du légat
- 130 Reg. Martin IV, no 582 (14 mai 1284), 584 et 586 (18 mai 1284).
49Prédication et opérations financières s’articulaient à la poursuite de l’activité diplomatique et politique du cardinal-légat chargé de négocier avec les princes et de veiller aux intérêts du Saint-Siège dans le royaume vassal d’Aragon. Le 13 mai 1284, le pape lui ordonnait de faire respecter les bonnes lois du royaume de Valence, mais de supprimer les lois et coutumes néfastes130.
- 131 Reg. Nicolas IV, no 7187.
- 132 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 569.
- 133 Isidoro Carini, Gli archivi e le biblioteche di Spagna, II, Palerme, 1884, pp. 87-88.
- 134 Ibid., II, pp. 104-108, 128.
- 135 Reg. Honorius IV, no 443. Reg. Nicolas IV, no 4859. Gallia Christiana, VI, Paris, 1739, col. 683.
50Jean Cholet publia l’excommunication de ceux qui soutenaient le parti de Pierre III131 et l’interdiction de l’appeler roi d’Aragon132. Son action fut déterminante pour rallier le clergé à la cause pontificale. Pierre III en était conscient : dès le 6 juin 1285, depuis le Col de Panissar, il interdisait à ses officiers et au clergé de son royaume de publier les lettres du légat133. Après la retraite de Philippe III, Pierre III expulsa dès octobre 1285 de son royaume les clercs qui avaient collaboré avec l’envahisseur et confisqua leurs biens134. Ainsi, l’évêque Pons de Majorque dut s’exiler et les papes demandèrent par la suite à Jean Cholet de lui trouver des subsides135.
- 136 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 526, § 136.
- 137 Ibid., p. 531, § 138. A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, p. 453.
51Durant la campagne de 1285, le légat demeura un interlocuteur politique incontournable dans la mesure où il représentait le pape en personne. Il participa aux négociations avec Jacques Ier de Majorque. Vers le 27 avril 1285, c’est auprès du légat et de Philippe III que les messagers de ce roi, chassé de Perpignan par son frère Pierre III, présentèrent leurs doléances136. Vers le 10 mai, Jacques avait eu une entrevue en personne avec le roi de France, le duc de Brabant, le comte de Foix, etc., mais c’est le cardinal Cholet qui parla au nom des Français et définit les conditions qu’il devait remplir pour aider le souverain capétien : lui ouvrir ses châteaux, envoyer ses vassaux dans l’ost de France, faciliter la liberté de ravitaillement des croisés, etc., c'est-à-dire appliquer les clauses du traité conclu avec Philippe III le 17 août 1283137.
- 138 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 543, § 144.
- 139 Ibid., p. 557, § 155.
- 140 I. Carini, Gli archivi…, II, pp. 59, 93, 180.
52Peu après, début juin 1285, les messagers de Philippe III, mais aussi du légat, rejoignirent Pierre III au col de Panissar pour lui demander, en vain, de céder son royaume138. À Lers tout juste conquise, Jean Cholet mit le jeune Charles en possession de la Catalogne et le couronna au nom de l’Église romaine139. Le roi d’Aragon avait auparavant cherché de son côté à traiter avec Martin IV durant l’hiver, en vain en raison de la mort du pontife. En juillet 1285, il faisait une nouvelle tentative et demandait au légat et au roi de France de laisser circuler ses ambassadeurs140.
Les implications militaires du légat
- 141 D. Chambers, Popes, Cardinals and War. The military Church in Renaissance and early modern Europe,(...)
53Le droit canonique interdisait strictement aux clercs de verser le sang ; papes et légats ne pouvaient donc être a priori des hommes de guerre. Toutefois, il n’est pas rare à l’époque de voir des prélats accompagner les armées sur le champ de bataille. En Italie, dès le XIIIe siècle et jusqu’aux condottieres de la Renaissance, certains prélats acquirent une bonne connaissance de l’art militaire pour défendre l’État de l’Église141. Aucun pape à l’époque de Jean Cholet ne prit toutefois la tête d’une armée de croisade. Innocent III en avait émis le souhait (bulle Ad liberandam de 1215), mais il mourut avant le départ de la Cinquième croisade ; de même, Grégoire X avait annoncé partir soixante jours après le couronnement impérial de Rodolphe de Habsbourg, qui n’eut jamais lieu…
54Si Jean Cholet fut au cœur du processus de préparation de la croisade d’Aragon, rien ne montre en revanche son implication directe dans l’organisation militaire de l’expédition, sinon par le biais du financement et des rallonges financières réclamées. Le Saint-Siège n’avait ni armée, ni flotte permanentes ; il lui fallait recourir à l’aide des puissances laïques : rois et princes, républiques maritimes, etc. La levée des armées, l’armement des troupes et de la flotte, l’accumulation des provisions et les modalités du ravitaillement étaient laissés par la curie romaine aux bons soins du souverain qui prenait en charge la croisade. Cette répartition des tâches se révèle très nette dans la préparation de la croisade d’Aragon qui dépendit entièrement de l’administration capétienne, centrale et locale (sénéchaussées du Midi), qui s’en acquitta rapidement : en une année à partir de l’assemblée de Paris de février 1284.
- 142 J. Strayer, « The crusade… », pp. 115-116. X. Hélary, La croisade d’Aragon…
- 143 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 565, § 28 : « Fiebat insuper magnum forum indulgentiae per leg (...)
- 144 Sur les transformations de l’ost royal sous Philippe III : X. Hélary, L’armée du roi de France. La (...)
55L’armée de 1285 était essentiellement constituée par l’ost royal parti conquérir un royaume étranger et ne paraît pas être un rassemblement spécifique d’hommes armés pour une croisade142. Les Gesta comitum Barcinonensium et le chroniqueur catalan Ramon Muntaner évoquent, contrairement aux chroniques françaises, l’afflux important de gens accourus pour gagner des indulgences143, mais Xavier Hélary doute que beaucoup de gens du peuple se soient joints à cette armée très professionnelle, au contraire. Le service d’ost touchait les barons et les hommes du roi dans une limite de quarante jours par an selon la coutume du XIIIe siècle ; au-delà, ils pouvaient repartir chez eux ou ils restaient combattre en étant stipendiés par le souverain, mais sans aucune obligation de leur part hors du royaume144.
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- 146 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 565, § 28. J. Strayer, « The crusade… », pp. 114. X. Hélary, L (...)
56Quelques comptes et chroniques permettent de connaître la composition de cette armée et d’en mesurer une partie du coût. Philippe Contamine évoque le chiffre plausible de 19 000 hommes145. Tous les grands seigneurs du royaume participèrent, même le duc de Bourgogne qui, en lutte contre le dauphin de Viennois, ne rejoint l’ost qu’en septembre 1285. Parmi les chevaliers du roi (plus de 300 noms dans les comptes de Jean d’Ays), beaucoup avaient participé à la croisade de 1270 et se retrouvent encore par la suite dans les campagnes de Philippe le Bel ; pour eux, le service habituel du roi de France a sans doute primé plus que l’attrait des indulgences de la croisade. D’ailleurs, le roi versait des rétributions à ses chevaliers146, phénomène qui traduit moins un manque d’attrait pour la croisade que l’évolution de l’ost féodal vers un nouveau type d’armée royale.
- 147 Bernard Desclot, Llibre del rei…, pp. 529-530, § 137. Autre allusion aux 6 000 hommes du légat : p (...)
- 148 La bannière du légat est placée à côté de celle du roi de France sur les châteaux conquis, ainsi à (...)
- 149 La Complainte de Sainte Église, attribuée sans certitude à Rutebeuf et rédigée peu après 1285 : « (...)
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57Le chroniqueur catalan Bernard Desclot décrit l’ordre de marche de l’armée croisée au printemps 1285147 : 1) d’abord les compagnies de ribauds ; 2) puis les chevaliers commandés par les sénéchaux de Toulouse, Carcassonne, Beaucaire et par le comte de Foix ; 3) l’infanterie de ces sénéchaussées méridionales ; 4) les gens de pied venus de Normandie, Île-de-France, Picardie, Flandre ; 5) les 6 000 cavaliers payés et conduits par le légat, précédé par la bannière ornée des clés [de saint Pierre]148 ; 6) le roi, ses fils, les grands seigneurs de la cour ; 7) les bagages et les serviteurs. On ne connaît pas la nature précise de ce contingent de Jean Cholet et on ne sait qui en assurait effectivement le commandement militaire, mais le cardinal paradait à sa tête lors des déplacements ; il semble douteux qu’il ait revêtu une armure comme plus tard certains cardinaux à la Renaissance149. Conformément à la mission explicite que Martin IV lui avait confiée, le légat accompagna constamment l’armée croisée durant la campagne militaire, du 25 mai 1285, date de la convocation de l’ost royal, jusqu’à la retraite de septembre 1285. Les chroniques françaises soulignent la présence du représentant du pape dans l’armée de Philippe III car c’est une manière d’authentifier l’expédition comme véritable croisade et non comme simple initiative capétienne150. Du côté des chroniqueurs catalans, il s’agit en revanche de se moquer de l’expédition papale qui, malgré la promesse des indulgences, se solde par un échec traduisant l’immanente justice divine.
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- 152 La Chronique de Saint-Martial (RHF, XXI, p. 805) parle d’un séjour du roi pendant huit jours, mais (...)
- 153 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 526, § 136 (entre Toulouse et Narbonne, vers le 27 avril 1285 (...)
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- 155 Ibid., p. 538, § 141.
- 156 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 283-286, § 126. Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 158
- 157 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 556, § 154.
- 158 Gesta comitum Barcinonensium, col. 568, § 28 (le légat réside avec le roi au couvent franciscain s (...)
58L’itinéraire du légat se confond avec celui de l’armée croisée, et il semble pour ainsi dire toujours avec Philippe III151. Depuis Paris (quitté le 6 mars 1285), il accompagna le roi et ses deux fils. Ils arrivèrent à Saint-Martial de Limoges le 24 mars152, passèrent à Toulouse (9-20 avril ?), puis à Carcassonne (24-26 ?) où la reine et les dames de la cour s’installèrent, tandis que l’armée poursuivit jusqu’à Narbonne (28 avril-2 mai) car la concentration des différents contingents croisés y était fixée au 1er mai153 ; Jacques de Majorque les y rejoignit. L’invasion de l’Aragon était programmée pour être conduite parallèlement par voie de terre et par voie maritime. Avançant en Roussillon, Jean Cholet était près de Perpignan vers le 10 mai154 et assista au siège d’Elne les 22-25 mai 1225155. Après avoir forcé les Pyrénées au col de la Maçana, les 10-11 juin, l’armée croisée assiégea Péralade les 14-20 juin (le roi y arrivant le 17, sans doute avec le légat). Castello d’Ampurias se rendit peu après par l’entremise de Jean Cholet qui, sollicité par les abbés de Roses et de Saint-Pierre, émissaires de la municipalité, négocia avec Philippe III156. Après la prise du château de Lers, le légat y investit Charles de la Catalogne157. Le 27 juin 1285 débuta le siège de Gérone, qui ne se livra que le 7 septembre 1285 et empêcha la progression vers Barcelone ; Jean Cholet semble y avoir été présent sans discontinuer158. Mais en raison de la pestilence estivale, de la tactique de guérilla de Pierre III, des difficultés de ravitaillement et surtout de la perte de la flotte croisée à Rosas et Las Formiguas qui laissait la maîtrise des routes maritimes à l’amiral Roger de Loria, l’armée croisée opéra un repli stratégique à partir du 13 septembre pour se ressaisir au nord des Pyrénées, franchies vers le 30 ; mais elle fut harcelée par les partisans de Pierre III, des maladies et des pluies diluviennes. Philippe III, gravement malade, décéda à Perpignan le 5 octobre, tandis que la garnison française qui tenait Gérone finit par se rendre le 12.
- 159 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 535, § 140.
- 160 Ibid., pp. 543-544, § 145-146.
- 161 Ibid., p. 557, § 155.
- 162 Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 536 ; le légat donne son accord à l’ouverture (...)
- 163 Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 528.
59Il est difficile de déterminer à quel point le légat participait à la définition des stratégies, car les sources montrent toujours Philippe III comme le chef de l’armée. Mais en théorie, tout choix stratégique devait être validé par le représentant du pape qui rappelait les objectifs fixés par le Saint-Siège. D’ailleurs les chroniqueurs le mentionnent avec les barons et le roi formant le conseil de guerre élaborant les décisions pour l’action de l’armée croisée. Ainsi, selon Bernard Desclot159, au pied des cols des Pyrénées puis dans les environs de Perpignan (fin mai 1285), le légat persuada de prendre Perpignan par la ruse (en investissant progressivement la cité en faisant croire que l’on venait y commercer) et soulagea la conscience du roi capétien en arguant de ses pouvoirs d’absolution comme vicaire de Dieu, alors que Philippe III était lié par le serment fait aux habitants de Perpignan de ne pas occuper leur ville. Lorsqu’une délégation de ladite cité vint au camp croisé, Jean Cholet força les négociations pour ouvrir Perpignan aux croisés. Le chroniqueur catalan évoque aussi un entretien aigre (peu avant le 10 juin 1285) entre le souverain français et le légat qui le sommait de prendre dans les trois jours les cols pyrénéens tenus par Pierre III160. Peu avant le 27 juin 1285, le cardinal délibéra au conseil qui décida de diriger les croisés contre Gérone161. D’après Guillaume de Nangis, il discuta aussi avec le roi et les barons au sujet de l’opportunité de négocier avec la ville de Gérone qui résistait encore vers le 16 août 1285162. Selon ce même chroniqueur163, Philippe III aurait voulu poursuivre la conquête en Castille après s’être emparé de l’Aragon. C’est hautement improbable, en tout cas dans le cadre de la croisade et le cardinal-légat n’aurait pu que dissuader le roi. Si la papauté avait des griefs contre le roi d’Aragon qui s’était emparé de la Sicile, elle n’avait aucune intention d’attaquer le roi de Castille (l’affaire des infants de la Cerda ne conduisit pas à la proclamation d’une croisade).
- 164 Bernard Desclot, Llibre del rei…, pp. 528-529 (prédication en plein air devant les barons croisés (...)
60Rien ne permet de penser que Jean Cholet prit directement part aux combats, les armes à la main, mais le légat avait pour rôle d’entretenir la ferveur des croisés, même au cœur des opérations guerrières. Faute de sources, il faut supposer qu’il accomplissait des messes, voire exposait des reliques pour le succès de l’entreprise. En revanche, il est attesté que, par des sermons se rapprochant de harangues martiales, il chauffait à blanc les esprits en leur rappelant la sainteté de la croisade et les bénéfices spirituels qu’ils pouvaient en attendre164.
- 165 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 207, 300, 312, 315-318.
- 166 Bernard Desclot, Llibre del rei…, pp. 527-528, § 136.
- 167 Exemple Reg. Martin IV, no 455 et 457 (17 août et 2 septembre 1283).
- 168 N. Housley, The Italian Crusades…, p. 39. Joseph Strayer, « France, the Holy Land, the Chosen Peop (...)
61Alors que Ramon Muntaner (1265-1332), qui fut contemporain de la croisade d’Aragon mais rédigea tardivement sa chronique (vers 1328-1331), se montre très partisan et souvent fantaisiste dans son récit, ridiculise à plusieurs reprises le légat et le transforme en trouillard craignant pour sa vie lors de la retraite de l’automne 1285, allant jusqu’à le faire mourir de peur à Perpignan165, Bernard Desclot (v. 1240-v. 1288), bien renseigné et contemporain des faits qu’il retranscrit peu après, déploie sa sensibilité littéraire en mettant en scène ses personnages, en développant dans leurs bouches des dialogues et des discours. Ainsi, son récit donne une vie autonome au cardinal Cholet aux côtés de Philippe III. Un morceau de bravoure du lettré catalan se trouve dans le discours prêté au légat (fin avril 1285) devant le roi et les barons afin de les encourager à combattre Pierre III166. On y retrouve des thèmes présents dans les bulles de Martin IV167, tel que le rappel des guerres siciliennes contre Manfred et la trahison de Pierre III qui s’est emparé d’une partie du royaume vassal du Saint-Siège, mais aussi de longues considérations (traditionnelles depuis les années 1260)168 sur l’alliance ancienne (depuis les Pippinides-Carolingiens) entre le royaume de France et l’Église romaine, qui s’est plus récemment manifestée dans la lutte contre les Hohenstaufen et qui doit rejouer face à la trahison de Pierre III en Sicile.
- 169 A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, pp. 222-230.
- 170 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 557, § 156. Selon Jean d’Ypres (Chronique de Saint-Bertin, p. (...)
- 171 Cronica, I, p. 315, chap. CXXXVIII : « tous ceux qui périront ici iront droit au paradis ».
- 172 Efforts d’E. Muller (« Jean Cholet », pp. 802-805) pour disculper le légat, en prétendant à tort q (...)
- 173 Jacques Berlioz, « Exemplum et histoire : Césaire de Heisterbach (v. 1180-1240) et la croisade alb (...)
62Plusieurs chroniques concordent pour assurer que le massacre des habitants (même les femmes, les enfants, les vieillards réfugiés dans les églises) de la cité d’Elne en Roussillon a été réalisé par les croisés avec le consentement de Jean Cholet. La ville avait résisté (siège des 22-25 mai 1285)169 et avait négocié une trêve de trois jours ; mais elle ne l’avait pas respectée et pouvait donc subir ce châtiment selon les coutumes de la guerre en vigueur alors. D’autre part, il était fréquent de commencer une campagne militaire par un acte d’éclat propre à terroriser les résistants ultérieurs. En outre, une glose au Décret de Gratien stipulait qu’« une ville entière peut être brûlée pour le seul fait qu’elle contient des hérétiques ». Plus tard, lors des négociations pour la reddition de Gérone, Jean Cholet aurait réclamé de n’épargner personne170. Et jusqu’au bout, lors de la retraite de septembre 1285, le légat encouragea les soldats à se battre, en leur promettant le paradis, aux dires de Ramon Muntaner171. Ces encouragements intransigeants de Jean Cholet172 à détruire les hérétiques semblent tout à fait plausibles dans le contexte d’une croisade et sont à associer aux paroles prêtées par Césaire d’Heisterbach au légat cistercien Arnaud Amalric lors du siège de Béziers en 1209 (« Massacrez-les, car Dieu connaît les siens »), paroles que Jacques Berlioz estimait vraisemblables173, tout comme nous à la lumière de ce parallèle.
63On ne saurait conclure que l’expédition de 1285 fut un désastre militaire. Sans la mort de Philippe III, elle aurait sans doute repassé au sud des Pyrénées après l’hiver. Contrairement à ce qu’ont pu écrire Albert Lecoy de la Marche ou Ferdinand Lot, les pertes ne semblent pas avoir été lourdes, en tout cas pour les chevaliers, car il est plus difficile d’estimer ce qu’il est advenu à la piétaille. Pour Xavier Hélary, les croisades de Louis IX ou les guerres de Philippe le Bel furent beaucoup plus meurtrières.
La légation après 1285174
- 174 Georges Digard, Philippe le Bel et le Saint-Siège de 1285 à 1304, Paris, 1936. N. Housley, The Ita (...)
- 175 Jean Cholet présida aux funérailles royales à Saint-Denis le 3 décembre 1285 : Brève chronique de (...)
- 176 Le cardinal Cholet perd sa qualité de légat dès le 7 septembre 1289 dans les lettres papales (Reg. (...)
- 177 Paris, Arch. Nat., J 940, no 112, éd. par G. Digard, Philippe le Bel…, II, pp. 218-223, no II.
- 178 Paris, Arch. Nat., J 716, no 2 (= Reg Nicolas IV, no 991). Reg Nicolas IV, no 613, 615. G. Digard,(...)
- 179 Paris, Arch. Nat., J 398, no 12-36.
- 180 Lettre au légat le 15 mars 1288 expliquant l’accord et le rejet par le Saint-Siège (Reg. Nicolas I (...)
- 181 G. Digard, Philippe le Bel…, II, pp. 237-245, no VI.
64Le décès de plusieurs protagonistes au cours de l’année 1285 — Charles d’Anjou (7 janvier), Martin IV (28 mars), Philippe III (5 octobre)175, Pierre III (10 novembre) — ne mit en rien fin à la crise. Les papes Honorius IV et Nicolas IV restèrent sur la même ligne ferme, afin de récupérer le royaume de Sicile pour Charles II d’Anjou et d’attribuer le royaume d’Aragon à Charles (de Valois), en évinçant ainsi les fils de Pierre III : Alphonse III d’Aragon et Frédéric de Sicile. Cela impliquait de poursuivre les croisades en Aragon et en Sicile. Les événements malheureux de l’automne 1285 n’avaient pas jeté le discrédit sur le cardinal Cholet qui conserva sa légation dans le royaume de France jusqu’à l’été 1289176, ce qui témoignait de la confiance conservée en lui par Honorius IV (1285-1287), Nicolas IV (1288-1292), mais aussi le jeune roi Philippe IV le Bel, dont les ambassadeurs expédiés à la curie pour féliciter Honorius IV de son élection furent chargés de demander l’augmentation des pouvoirs du légat en tout ce qui pourrait être favorable à l’affaire d’Aragon177, démentant ainsi la sympathie pour son oncle Pierre III, il est vrai défunt, que lui prêtent certains chroniqueurs. Par conséquent, Jean Cholet continua à préparer une nouvelle expédition contre l’Aragon, en prêchant la croisade et en supervisant son financement. Il participa aux négociations sur le devenir du royaume d’Aragon, oblitérées par la captivité jusqu’en 1288 de l’héritier angevin du royaume de Sicile, Charles II, alors prince de Salerne, et par l’occupation de la Sicile par Frédéric d’Aragon. La trêve conclue par Philippe IV avec Alphonse III d’Aragon le 26 juillet 1286 jusqu’au 29 septembre 1287 ne remettait pas fondamentalement en cause la poursuite de la croisade. Et le roi de France obtint d’ailleurs dans ce but de nouvelles décimes pour trois ans de la part de Nicolas IV, le 31 mai 1289, certes après des hésitations et sous condition178. Leur perception fut encore placée sous le contrôle de Jean Cholet179. De même, tout comme le pape Nicolas IV180, le légat dénonça l’accord d’Oléron entre Alphonse d’Aragon et Charles II (juillet 1287), qui impliquait de trop lourdes concessions. Il parvint aussi à mettre fin à la crise des infants de La Cerda en réconciliant le roi Sanche IV de Castille et Philippe le Bel, par le traité de Lyon du 13 juillet 1288181 ; le roi de Castille s’engageait à apporter une aide militaire dans la guerre contre l’Aragon.
- 182 Sylvia Schein, « Philipp IV and the Crusade : a Reconsideration », dans P. W. Edbury (éd.), Crusad (...)
- 183 Fr. Duchesne, Histoire de tous les cardinaux…, II, p. 224 (1ère version du testament). Agostino Par (...)
- 184 Élisabeth Rabut, « Les Cholets. Étude historique et topographique d’un collège parisien », Paris e (...)
65Pourtant, cette croisade au sud des Pyrénées apparaissait de moins en moins d’actualité, tant à la curie romaine, concentrée sur l’Italie méridionale et soucieuse de recouvrer la Terre sainte qui était en train d’être entièrement perdue, qu’à la cour de France où Philippe IV privilégiait de nouveaux objectifs182. Le cardinal Cholet perdit sa fonction de légat fin août ou début septembre 1289. Demeurant encore quelques mois dans le royaume de France, il établit son testament à l’abbaye de Moustier-la-Celle, près de Troyes, le 27 novembre 1289. La suspension de la croisade d’Aragon troublait encore sa conscience, car il prévoyait d’y consacrer la somme importante 6 000 livres de petits tournois183. Il mourut sans avoir réalisé son projet le 1er août 1292, à Rome. Et nul ne l’acheva à sa place. En août 1290, pour Gaète, et en mai 1291, pour tout le royaume de Sicile, Nicolas IV avait renouvelé la prédication de la croisade contre les Aragonais, mais en décembre 1291, il refusait à Philippe IV de faire prêcher en France une croisade contre le nouveau roi d’Aragon et d’imposer une décime de six ans au clergé du royaume. Des marchandages complexes et des traités s’entremêlèrent aux opérations militaires dans le royaume de Sicile durant les années 1290. Par le traité d’Anagni du 21 juin 1295, Charles de Valois renonçait au royaume d’Aragon. Par celui de Caltabellota en août 1302, reconnu par Boniface VIII en mai 1303, Frédéric d’Aragon conservait à titre viager l’île de Sicile (Trinacrie). En conséquence, le legs testamentaire de Jean Cholet destiné à la croisade d’Aragon fut consacré à la fondation d’un collège à Paris pour les pauvres étudiants en théologie originaires du diocèse de Beauvais184.
66Le modèle de la croisade guidée par un souverain, dominant à partir du milieu du XIIe siècle, a occulté chez les contemporains, mais aussi chez les historiens modernes, la place essentielle que le légat, représentant du pape, occupait dans la codirection de l’entreprise. La croisade d’Aragon de 1285 fut préparée avec beaucoup de soin, conjointement par le Saint-Siège et par la monarchie capétienne. Le cardinal Cholet, comme envoyé du pape en avril 1283 puis comme légat a latere à partir de mai 1284, en fut un des principaux artisans sur le plan diplomatique, dans la mobilisation spirituelle, l’organisation financière, la définition des objectifs, sinon dans le rassemblement et la direction militaire de l’armée qui relevaient du prince.
67Jean Cholet constitue cependant le dernier cardinal-légat envoyé pour conduire une croisade en connivence avec le roi de France, après Romano (1224-1229), Eudes de Châteauroux (1245-1254), Simon de Brie (1266-1268, 1274-1279), Raoul Grosparmi (1268-1270), quand la papauté considérait la dynastie capétienne comme son bras armé contre les ennemis de l’Église, et que le souverain français incluait la croisade dans sa mission providentielle de rex christianissimus.
68Les années 1282-1285 marquent le début du déclin de la puissance francoangevine en Méditerranée, que les papes avaient encouragée depuis le milieu du XIIIe siècle pour assurer leur indépendance en Italie et préparer la reconquête de Jérusalem. Les décennies suivantes ne permettent plus l’envoi d’un légat en France dans la durée, en raison des divergences d’intérêts entre la monarchie pontificale post-grégorienne et impériale de Boniface VIII et la montée en puissance de la monarchie nationale de Philippe IV le Bel qui ne s’intéresse plus prioritairement à la Méditerranée, tandis que la thalassocratie aragonaise s’avère hors de la portée des derniers Capétiens. La croisade vers Jérusalem restait au cœur des préoccupations, mais sans dépasser l’état de projets chez la plupart des princes. Forte toutefois de l’expérience acquise au cours du XIIIe siècle, la papauté continua à utiliser le système du légat à la tête d’une croisade, sans nécessairement compter sur un prince laïc aux XIVe-XVIe siècles.
Notes
1 John France, The Crusades and the Expansion of catholic Christendom, 1000-1714, New York, 2005. Je remercie mon collègue Xavier Hélary pour les nombreuses informations qu’il m’a communiquées.
2 Nancy Bisaha, « Pope Pius II and the Crusade », dans Norman Housley (éd.), Crusading in the Fifteenth Century. Message and impact, Londres, 2004, pp. 39-52.
3 Parmi de nombreuses études de Roberto Figueira : « Legatus apostolice sedis : the pope’s alter ego according to Thirteenth-Century Canon Law », Studi medievali, 27 (1986), pp. 527-574.
4 William C. Jordan, Louis IX and the Challenge of the Crusade : a Study in Rulership, Princeton, 1979. Le millier de pages sous la direction d’Alan Murray, The Crusades : an Encyclopedia, 4 vol., Santa Barbara-Oxford, 2006 ne cite pas une fois Jean Cholet. Cette lacune historiographique commence néanmoins à être comblée ; par exemple : Maria Pia Alberzoni, Pascal Montaubin (dir.), Legati, delegate e l’impresa d’Oltremare (secoli XII-XIII). Papal legates, Delegates and the Crusades (12th-13th Century), Atti del Convegno internazionale di Studi (Milano, Università cattolica del Sacro Cuore, 9-11 marzo 2011), Turnhout, 2014.
5 James M. Powell, Anatomy of a Crusade : 1213-1221, Philadelphie, 1986. Christian Grasso, « Il cardinale Pelagio d’Albano legato papale e predicatore della Quinta Crociata », Revue d’Histoire Ecclésiastique, 108 (2013), pp. 98-143.
6 La première attestation du bellator rex se trouve dans le Liber de fine de Ramon Lull, adressé à Jacques II d’Aragon en 1305 : Sylvia Schein, Fideles Crucis. The Papacy, the West and the Recovery of the Holy Land, 1274-1314, Oxford, 1991, pp. 109-110. Antony Leopold, How to recover the Holy Land. The Crusade Proposals of the late Thirteenth and early Fourteenth-Centuries, Cambridge, 2000, p. 27. Xavier Hélary, « Les rois de France et la Terre Sainte de la croisade de Tunis à la chute d’Acre (1270-1291) », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 2005, pp. 1-104.
7 Christoph T. Maier, « Crusades against Christians », dans The Crusades : an Encyclopedia…, I, pp. 325-329. Norman Housley, The Italian Crusades. The Papal-Angevin Alliance and the Crusades against lay Powers, 1254-1343, Oxford, 1982.
8 Les registres de Martin IV, Paris, 1901-1935, no 587 [abrégé Reg. Martin IV]. Charles-Victor Langlois, Le règne de Philippe III le Hardi, Paris, 1887. Albert Lecoy de la Marche, « L’expédition de Philippe le Hardi en Catalogne », Revue des questions historiques, 49 (1891), pp. 62-127 (repris dans Les relations politiques de la France avec le royaume de Majorque, Paris, 1892, I, pp. 207-279). Joseph Strayer, « The Crusade against Aragon », Speculum, 28 (1953), pp. 102-133 (repris dans Medieval Statecraft and the perspective of History, Princeton, 1971, no 9, pp. 107-122), qui n’évoque Jean Cholet qu’une seule fois, dans les négociations diplomatiques avant la croisade. X. Hélary, La croisade d’Aragon de Philippe III le Hardi (1285), mémoire de maîtrise, Université de Paris IV, 1998 (dactyl.).
9 Rappelons pour mémoire que les légats, agents polyvalents, s’occupaient aussi d’administration ecclésiastique, de justice, de réforme religieuse, etc., aspects de l’activité de Jean Cholet que nous traitons dans un mémoire d’habilitation à diriger des recherches.
10 Peter Herde, Karl I. von Anjou, Stuttgart, 1979. Jean Dundabin, Charles I of Anjou. Power, Kingship and State-Making in Thirteenth-Century Europe, Londres, 1998. Steven Runciman, The Sicilian Vespers. A History of the Mediterranean World in the later Thirteenth-Century, Cambridge, 1958.
11 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 141. Paris, Arch. nat., J 512 no 27 (Bernard Barbiche, Les actes pontificaux originaux des Archives nationales de Paris, Paris, 1978, II, no 1721). Ramon Muntaner, Cronica, éd. par Vicent Josep Escarti, Valence, 1999, I, pp. 155-164, § 72-73, pp. 191-207, § 87-91.
12 Reg. Martin IV no 310. August Potthast, Regesta pontificum inde ab anno post Christum natum MCXCVIII ad annum MCCCIV, Berlin, 1875, II, no 21998.
13 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 169-172, § 77-78 (en revanche, la proclamation publique de la croisade n’intervient que l’année suivante, après négociations avec la cour de France).
14 Cette ambassade est évoquée vaguement par Martin IV dans une bulle du 9 janvier 1284 : Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (Bernard Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), éditée par Michele Amari, La guerra del vespro siciliano, Capolago, 1845, II, pp. 392-398, no XIV, ici p. 392. La logique de la lettre veut que cette demande de décime concerne l’affaire d’Aragon, ce qui laisse supposer que la cour de France envisageait dès 1282-début 1283 une croisade au sud des Pyrénées ou plus probablement une aide militaire directe à la croisade prononcée contre Pierre III dans le royaume de Sicile le 13 janvier 1283. Autre hypothèse, si les envoyés du roi de France étaient à la curie en mars 1283 en même temps que Charles d’Anjou, ils auraient pu discuter avec le pape de l’éventualité d’une croisade en Aragon même. Malheureusement, la date de l’ambassade capétienne en curie n’est pas connue avec précision ; les épisodes de la vie de Raoul d’Estrées montrent qu’il a pu se rendre en Italie après avril 1282 (Cartulaire de l’abbaye Saint-Corneille de Compiègne, éd. par E. Morel et L. Carolus-Barré, Paris, 1977, III, no 771) et avant juin 1283 (ibid., no 776) ; Louis Carolus-Barré, « Raoul d’Estrées, maréchal de France (1269-†1283) », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1985, pp. 224-241 (p. 235, contrairement à ce qu’avance l’auteur, l’accord familial de janvier 1283 ne concerne pas directement Raoul et ne saurait donc permettre de dater son voyage).
15 Expression inscrite en marge du registre de la chancellerie apostolique de Martin IV (Archivio Segreto Vaticano, Reg. Vat. 41, fol. 159) pour qualifier la mission s’apparentant à une légation confiée au cardinal Cholet en avril 1283.
16 Reg. Martin IV no 302. A. Potthast, Regesta Pontificum…, no 21981. Interdiction au roi Édouard Ier d’Angleterre de laisser tenir le duel (Reg. Martin IV no 452, 5 avril 1283) et au roi Philippe III de France (Paris, Arch. nat., J 714 no 3054, 3053 = B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1720, 20 avril 1283).
17 Reg. Martin IV no 453-454. « Cum te ad partes regni Francie pro urgentibus et arduis negotiis destinemus » (Reg. Martin IV no 451a ; après vérification sur le texte manuscrit du registre, je confirme que l’analyse dans l’édition qui parle de légation est fautive. Selon Primat, Martin IV aurait donné au cardinal Cholet les pleins pouvoirs pour excommunier Pierre III d’Aragon s’il ne faisait pas réparation à l’Église romaine (Les grandes chroniques de France, éd. par J. Viard, Paris, 1934, VIII, p. 94, § 35) ; même genre d’assertion dans Jean d’Ypres, Chronique de Saint-Bertin, MGH SS, XXV, Hanovre, 1880, p. 862, chap. 53, pars 3 ; cette proposition était sans doute valable pour les négociations secrètes avec le roi de France, mais Jean Cholet ne partit officiellement pas de la curie avec cette mission. Pour Ramon Muntaner, Cronica, § 79, le légat prêcha la croisade contre Pierre III dès l’épisode du duel, mais il s’agit là encore d’une anticipation sur ce qui ne fut officiellement demandé par Martin IV que dans les mois qui suivirent. Il y a sans doute confusion avec la croisade déjà prêchée en Sicile sous la direction du cardinal-légat Gerardo da Parma depuis le 13 janvier 1283.
18 Selon une chronique anonyme, Jean « se parti de la court de Romme […], toz garnis de ce qu’il devait faire » (Recueil des Historiens des Gaules et de la France, XXI, Paris, 1869, p. 97 [abrégé RHF]).
19 Bulle de Martin IV à Philippe III le 9 janvier 1284, rappelant les tractations de 1283 : Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), éditée par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV, ici p. 393 : « J. […] de fratrum nostrorum consilio, ad regalem presenciam, non absque tua connivencia ».
20 Vincent Tabbagh (dir.), Fasti Ecclesiae Gallicanae, II : Diocèse de Rouen, Turnhout, 1998, p. 265, no 4209. François Du Chesne, Histoire des cardinaux françois de naissance, Paris, 1660, I, pp. 291-301, II, pp. 222-224. Eugène Muller, « Jean Cholet », Mémoires de la Société académique de l’Oise, 11 (1880), pp. 790-835. Félix Lajard, « Jean Cholet », dans Histoire littéraire de la France, XX, Paris, 1842, pp. 113-122, 788-789 (plusieurs erreurs). E. Hitier, « Jean Cholet », dans Dictionnaire de biographie française, VIII, Paris, 1959, col. 1234-1235 (plusieurs erreurs).
21 Simonetta Cerrini, « Martino IV », dans Enciclopedia dei papi, II, Rome, 2000, pp. 446-449. V. Tabbagh (dir.), Fasti…, II, p. 368, no 4307.
22 Elmar Fleuchaus, Die Briefsammlung des Berard von Neapel, Munich, 1998, no 749.
23 Par exemple dans une lettre que le chapitre de Lyon lui adresse le 22 octobre 1283 (Cartulaire lyonnais, éd. par M. C. Guigue, Lyon, 1893, II, p. 485-486, no 788), dans une bulle que Martin IV lui expédie le 7 mars 1284 (Reg. Martin IV no 426 : le titre cardinalice est suivi de « in regno Francie commoranti »). Le 3 juin 1284 (ibid. no 587), Martin IV fait bien la différence entre le moment ou Jean agissait comme simple cardinal et désormais comme légat (« nunc dicte sedis legati »). La bulle du 5 mai 1284 (ibid. no 580) emploie seulement le titre de cardinal car elle évoque des évènements antérieurs à la nomination comme légat.
24 La différenciation canonique se précise au milieu du XIIIe siècle : R. Figueira, « The Classification of medieval papal Legates in the Liber Extra », Archivum Historiae Pontificae, 21 (1983), pp. 211-228.
25 Reg. Martin IV no 451a-451s (facultates). Le 10 février 1286, Honorius IV rappelle le privilège de pourvoir dix clercs dans le royaume de France que Martin IV avait accordé à Jean « antequam legationis officium ei fuisset ab Apostolica Sede commissum » (Les registres de Honorius IV, éd. par M. Prou, Paris, 1886-1888, no 269).
26 Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 97. Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 172-176, § 79-80, p. 206, § 91. Giovanni Villani, Nuova Cronica, éd. par G. Porta, I, Parme, 1990, p. 546, chap. LXXXVII. Mais Primat (Les grandes chroniques…, VIII, pp. 93-94, § 35), tout comme Guillaume de Nangis (Gesta Philippi III, RHF, XX, pp. 522, 524, 528) se montrent précis en n’appelant pas le cardinal Cholet légat pour les événements de 1283-début 1284.
27 D’autres versions font partir Jean Cholet avec Charles d’Anjou : Guillaume de Nangis (ibid., p. 522), Chronique anonyme (RHF, XXI, p. 97).
28 Cette assertion de Guillaume de Nangis (Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 522) et de Ramon Muntaner, (Cronica, I, pp. 172-176, § 79-80) a été remise en cause sans preuve indubitable par Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 145. On ne connaît pas l’itinéraire de Jean Cholet, ni les dates de son voyage d’Orvieto à Bordeaux.
29 Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 97. Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 522.
30 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III …, pp. 143-145. Fulvio Delle Donne, « Le armi, l’onore e la propaganda : il mancato duello tra Carlo d’Angio e Pietro d’Aragona », Studi Storici, 44 (2003), pp. 95-109.
31 TH. Rymer, Foedera, conventiones, litterae et cujuscunque acta publica inter reges Angliae…, I, Londres, 1726, pp. 218-219. Reg. Martin IV, no 452.
32 A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, I, p. 453 : « pro conquisicione regni Aragonie et comitatus Barchinone […] racione donacionis a domino papa facte de predictis uni ex liberis prefati domini regis Francorum, quem ipse duxerit deputandum ».
33 Lettre de G. de Maumont à l’abbé de Moissac (juin 1283), éditée par Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 443-444, no XXV, pp. 448-449, no XXVIII. Ce document contredit la version du souvent peu crédible Ramon Muntaner (Cronica, I, pp. 172-176, § 79-80), pour qui le légat est présent avec Charles d’Anjou à Paris avant le duel de Bordeaux.
34 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. Amari, La guerra…, p. 392-398, no XIV.
35 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 206-207, § 91, pp. 226-228, § 103. Ce même chroniqueur (ibid., I, pp. 267-268, § 119) fait erreur en évoquant une mission du cardinal et du sénéchal de Toulouse, envoyés à Montpellier pour obtenir du roi de Majorque l’autorisation pour l’armée française de traverser ses terres afin d’attaquer l’Aragon ; il confond avec le traité de Carcassonne du 17 août 1283, comme l’avait remarqué A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, I, pp. 187-189.
36 Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 524. Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 98.
37 L’itinéraire du roi peut être reconstitué à partir des tablettes de cire de Pierre de Condé : RHF, XXIII, pp. 430-501.
38 Ibid., p. 344.
39 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1729).
40 Reg. Martin IV, no 455 (A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22061 ; B. Barbiche, Les actes pontificaux…, no 1728), 456 (29 août 1283), 459 (3 septembre 1283).
41 Reg. Martin IV, no 457-458.
42 Th. Rymer, Foedera…, I, pp. 227-228 (lettre du roi d’Angleterre à l’abbé de Saint-Denis, 12 janvier 1284).
43 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 146-147, 448-449, no XXVIII.
44 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV.
45 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 396-403.
46 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1733-1734 ; copies insérées à la fin de la lettre Reg. Martin IV, no 580. A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22092-22094.
47 Réticences exposées dans une autre bulle de Martin IV adressée à Philippe III le 9 janvier 1284 : Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), éditée par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV, ici pp. 396 et 397.
48 Ibid. ; Paris, Arch. Nat., J 699 no 65 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1730) ; J 594 no 2 quarter (ibid., II, no 1732) ; E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 400. Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 447-448, no XXVII (lettre de Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, adressée le 2 mars 1284 au roi d’Angleterre, qui indique que le notaire du pape est très connu du roi de France ; mais il n’évoque curieusement pas le cardinal Cholet). Gilles de Castelet est certes présent dans les rencontres diplomatiques, mais il semble être plus un porteur de lettres papales qu’un négociateur. Sur ce personnage qui finit sa carrière comme évêque de Nevers : Gerd Friedrich Nüske, « Untersuchungen über das Personal der päpstlichen Kanzlei, 1254-1304 », Archiv für Diplomatik, 20 (1974), pp. 103-104.
49 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III …, p. 448-449, no XXVIII (lettre du 10 mars 1284 de Maurice de Craon à Édouard Ier d’Angleterre).
50 Le rapport est vidimé dans une bulle du 5 mai 1284 : Reg. Martin IV, no 580-581. Ce parlement fait l’objet d’allusions rapides dans Primat (Les grandes chroniques de France, VIII, p. 97, § 36) et Guillaume de Nangis (Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 524).
51 Toujours dans le rapport du cardinal, vidimé dans Reg. Martin IV, no 580-581.
52 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 448-449, no XXVIII.
53 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1733-1734 ; copies insérées à la fin de la lettre Reg. Martin IV, no 580. A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22092-22094.
54 Reg. Martin IV, no 580-581.
55 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1744 (5 mai 1284). Reg. Martin IV, no 582.
56 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV : « Item quod committatur domino Johanni plene legationis officium, cum potestate obligandi decimam creditoribus ; et mutandi alia vota in votum crucis, si eam predicari contingat, excepto voto crucis transmarine ; et absolvendi etiam a voto crucis que predicabitur, si aliqui velint redimere vota sua » (p. 396) ; sur ce point, le pape répondit : « Fiet quod in ista petitione continetur, postquam negotium acceptum fuerit et assumptum » (p. 398).
57 Reg. Martin IV, no 576. A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22130.
58 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 420-425, 430, 431, 434-436, 438-440, 443, 445, 447, 449, 450.
59 Christopher Cheney, « The Deaths of Popes and the Expiry of Legations in the Twelth-Century England », Revue de Droit Canonique, 28 (1978), pp. 84-96.
60 Norman Daniel, « Crusade propaganda », dans Kenneth M. Setton, A History of the Crusades, VI, Wisconsin, 1975, pp. 39-97. Sophia Menache, The Vox Dei. Communication in the Middle Ages, Oxford, 1990 (surtout les chapitres V et VIII). Peeny J. Cole, The Preaching of the Crusades to the Holy Land, 1095-1270, Cambridge (Mass.), 1991. Ch. Maier, Preaching the Crusades. Mendicant Friars and the Preaching of the Cross in the Thirteenth-Century, Cambridge, 1997. Philippe Contamine, « Aperçus sur la propagande de guerre, de la fin du XIIe au début du XVe siècle ; les croisades, la guerre de Cent Ans », dans Idem, Pages d’histoire militaire médiévale (XIVe-XVe siècles), Paris, 2005, pp. 141-160. Ch. Grasso, « La delega papale alla predicazione crociata al tempo del IV Concilio Lateranense », Rivista di Storia della Chiesa in Italia, 67/1 (2013), pp. 37-54.
61 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 416, 426 ; autres bulles concernant la prédication de la croisade : no 442, 426-429, 437, 441, 444, 446. Les lettres papales pour appeler des chevaliers et soldats à combattre sont expédiées dans les territoires sous domination du roi et de France et une partie de l’Allemagne, comme le souligne avec exactitude les Gesta comitum Barcinonensium, éd. É. Baluze, dans P. de Marca, Marca hispanica, Paris, 1688, col. 565, § 28.
62 Chronographia regum francorum, éd. par H. Morainvillé, I., Paris 1891, p. 24.
63 E. Fleuchaus, Die Formularsammlung…, no 442.
64 Reg. Martin IV, no 570, 591 (A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22150). Ibid., no 22149 et 22153.
65 Les grandes chroniques de France, VIII, p. 97, § 36. Chronique anonyme des rois de France finissant en 1286, RHF, XXI, p. 98. Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 524. Bernard Gui, Chronique, RHF, XXI, p. 707. Guillaume Guillart, La branche des royaus lignages, RHF, XXII, p. 212 : vers 12322-12331. Jean d’Ypres, Chronique de Saint-Bertin…, p. 862, chap. 53, pars 3. Chronographia regum francorum…, I, p. 24. Bernard Desclot, Llibre del rei En Père, éd. par F. Soldevill, Les quatre grans chroniques, Barcelone, 1971, pp. 527-528 § 136. Barthélémy-Amédée Pocquet du Haut Jussé, Les papes et les ducs de Bretagne. Essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, I, Paris, 1928, pp. 171-172, fait erreur en évoquant la venue du légat en Bretagne, il confond avec des collecteurs de décimes (Reg. Honorius IV, no 234).
66 La Chronographia regum francorum…, I, p. 24 évoque juste la prédication « ab adjuvatoribus ejusdem cardinalis ».
67 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 152 et note 3.
68 Ch. Maier, Preaching the crusades...
69 René Blanchart, Cartulaire des sires de Rays, Poitiers, 1898, pp. 4-5, no 5.
70 Élie-Benjamin-Joseph Brun-Lavainne, Roisin. Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille, Paris, 1842, pp. 308-309, 310-311, 315-317. Ch. Maier, Preaching the crusades..., p. 87, note 319 remarque avec justesse que ces predicatores ou predicantes n’étaient pas nécessairement des dominicains, mais il se trompe (p. 86) lorsqu’il écrit que Martin IV avait ordonné aux franciscains et dominicains de prêcher la croisade contre Pierre III dans le royaume de France (ce n’est pas dans Reg. Martin IV, no 591).
71 E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 427-429, 437, 441.
72 Ibid., no 444 (26 mai 1284).
73 Ibid., no 446 (23 mai 1284).
74 Ibid., no 426 (26 mai 1284).
75 Ch. Maier, Preaching the crusades..., pp. 111-122.
76 Instructions du légat Brenda Castiglione dans la prédication contre les Hussites en Bohème : František Palacky, Urkundliche Beiträge zur Geschichte des Hüssitenkriegs, 2 vol., Prague, 1872-1874, I, ad 5 jul. 1421. Instructions en 1463 du cardinal Bessarion aux prédicateurs de la croisade contre les Turcs agissant en Vénétie : Ludwig Mohler, « Bessarions Instruktion für die Kreuzzugspredikt in Venedig (1463) », Römische Quartalschrift, 35 (1927), pp. 337-349.
77 Norman Housley, « Jerusalem and the Development of the Crusade Idea, 1099-1128 », dans B. Z. Kedar (éd.), The Horns of Hattin, Londres, 1992, pp. 27-40.
78 Reg. Martin IV, no 455, 457.
79 James A. Brundage, Medieval canon Law and the Crusader, Madison, 1969, pp. 139-158. Maureen Purcell, Papal Crusading Policy : the chief Instrument of papal Crusading Policy and Crusade to the Holy Land from the final Lost of Jerusalem to the Fall of Acre, Leyde, 1975, pp. 36-98. Jessalynn Bird, « Innocent III, Peter the Chanter’s Circle and the Crusade Indulgence : Theory, Implementation and Aftermath », dans A. Sommerlechner (éd.), Innocenzo III Urbs et orbis, I, Rome, 2003, pp. 503-524. Robert W. Schaffern, « The medieval Theology of Indulgences » et Norman Housley, « Indulgences for Crusading, 1417-1517 », dans R. N. Swanson (éd.), Promissory Notes on the Treasury of Merits. Indulgences in late medieval Europe, Leyde, 2006, pp. 11-36, 277-307. Sur le paiement pour les indulgences au XIVe siècle : Norman Housley, The Avignon Papacy and the Crusades, 1305-1378, Oxford, 1986, pp. 130-140.
80 RHF, XXII, p. 212 : vers 12322-12331.
81 Continuation de la chronique de Rouen, RHF, XXIII, p. 345. Mention simple du concile de Paris : Chronique anonyme de Saint-Martial, RHF, XXI, p. 805 (erreur sur le nom du légat). Brève chronique de Saint-Denis, RHF, XXIII, p. 145. Annales du monastère de Saint-Évroult, RHF, XXIII, p. 482 (erreur de millésime). Mention simple de prise de croix : Jean d’Ypres, Chronique de Saint-Bertin…, p. 862, chap. 53, pars 3.
82 Chronographia regum francorum…, I, p. 24.
83 RHF, XXI, p. 771 ; XXII, p. 831.
84 Chronique de Geoffroy de Collone, RHF, XXII, p. 4.
85 Chronique de Saint-Martial de Limoges, RHF, XXI, p. 805.
86 Giuseppe Martini, « Innocenzo III ed il finanziamento delle crociate », Nuova rivista storica, 65 (1981), pp. 191-208. Fred A. Cazel, « Financing the Crusades », dans K. M. Setton, A History of the crusades…, VI, pp. 116-139. N. Housley, The Avignon Papacy…, pp. 159-199. Idem, « Costing the Crusade : Budgeting for Crusade Activity in the Fourteenth Century », dans M. Bull et N. Housley (dir.), The Experience of Crusading. I. Western Approaches, Cambridge, 2003, pp. 44-59. Christian Grasso, « Ad Cromovendum Negocium Crucis : gestione finanziaria e promozione pubblica della crociata durante il pontificato di Onorio III (1216-1227) », dans C. Andenna, K. Herbers, G. Blennemann, G. Melville (éd.), Die Ordnung der Kommunikation und die Kommunikation der Ordnungen. 2. Zentralität : Pappstum und Orden im Europa des 12. und 13. Jahrhunderts, Stuttgart, 2013, pp. 99-132.
87 Total de l’Abrègement des despens faiz en la voye d’Aragon : Élisabeth Lalou (éd.), Les comptes sur tablettes de cire de la Chambre aux deniers de Philippe III et Philippe IV (1282-1309), Paris, 1994, pp. LIII-LIV.
88 J. Strayer, « The crusade… », pp. 114-115.
89 William E. Lunt, Financial Relations of the Papacy with England to 1327, Cambridge (Mass.), 1939, pp. 190-193.
90 M. Purcell, Papal Crusading Policy…, pp. 27-28.
91 Bernard Causse, Église, finance et royauté. La floraison des décimes dans la France du Moyen Âge, I., Paris, 1988, pp. 32, 40, 196-199, 224-230.
92 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV, ici p. 392.
93 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1722. A. Potthast, Regesta pontificum…, no 22014. Ramon Muntaner note avec dépit : « L’argent ne manquait pas, le pape fournissant, pour faire la guerre au roi d’Aragon, les trésors qu’il avait amassés pour aller attaquer les infidèles outremer » (Cronica, p. 268, § 119).
94 Reg. Martin IV, no 457.
95 Ibid., no 458.
96 Paris, Arch. Nat., J 446 no 36 (édité par Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 444-447, no XXVI). RHF, XXI, p. 530 (mémoire au roi sur les dîmes). X. Hélary, « Les rois de France et la Terre sainte… », pp. 83-85.
97 Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV, ici pp. 395 et 397. E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 399.
98 B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1740 (5 mai 1284). Reg. Martin IV, no 583 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1741), 584. E. Fleuchaus, Die Briefsammlung…, no 417, 432, 433, 448.
99 Ibid., no 419.
100 Reg. Martin IV, no 585 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1742-1743), 586. Reg. Nicolas IV, no 3264.
101 Fritz Kern, Die Anfänge der französischen Ausdehnungspolitik, Tübingen, 1910, pp. 83-85.
102 Fr. Du Chesne, Histoire des cardinaux…, II, p. 222.
103 Jean-Daniel Morérod, « Taxation décimale et frontières politiques en France aux XIIIe et XIVe siècles », dans Aux origines de l’État moderne. Le fonctionnement administratif de la papauté d’Avignon, Rome, 1990, pp. 329-350.
104 Reg. Honorius IV, no 395. Martin IV avait répondu favorablement sur ce point à une demande formulée par les envoyés du roi de France avant le 9 janvier 1284 : Paris, Arch. Nat., J 714 no 305 (B. Barbiche, Les actes pontificaux…, II, no 1731), édité par M. Amari, La guerra…, pp. 392-398, no XIV, ici pp. 396 et 397.
105 Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 (c).
106 Richard Kay, « The Albigensian Twentieth of 1221-3 : an early Chapter in the History of papal Taxation », Journal of Medieval History, 6 (1980), pp. 307-305.
107 Pierre-Vincent Claverie, « Quelques éléments biographiques sur l’archevêque Gilles de Tyr (1254-1266) », dans G. Brunel, La présence latine en Orient au Moyen Âge, Paris, 2000, pp. 57-66. Idem, « De l’entourage royal à l’entourage pontifical : l’exemple méconnu de l’archevêque Gilles de Tyr (†1266) », dans A. Marchandisse et J.-L. Kupper (éd.), À l’ombre du pouvoir. Les entourages princiers au Moyen Âge, Genève, 2003, pp. 55-76.
108 Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 (1er et 12 mars 1286). Reg. Honorius IV, no 395 (30 avril 1286), 399 (23 mai 1286). Reg. Nicolas IV, no 3264 (24 septembre 1290). Langres, Bibl. mun., ms 37 (cartulaire de l’évêché de Langres), fol. 161v, no 481 (30 janvier 1286). Tournai, Archives de la cathédrale, chartrier no A 695, édité par Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, Diplomatique médiévale, Turnhout, 1993, p. 195 (avec photo du document p. 194) (4 novembre 1290).
109 Reg. Martin IV, no 458 (3 septembre 1283), 584 (5 mai 1284).
110 Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 (a) : nomination de Michel de Louvres, chanoine de Notre-Dame de Huy (diocèse de Liège) comme collecteur dans les provinces de Bordeaux et d’Auch, avec vidimus de la bulle de Martin IV ordonnant au légat de percevoir les décimes (15 mai 1284) et modèle du serment que Michel devait prêter au légat (19 septembre 1284). Autres instructions au même collecteur en 1285-1286 (ibid., no 10 b, c, d, e).
111 V. Tabbagh (dir.), Fasti…, II, p. 238, no 4061. Le 12 mars 1286, le délégué général du légat pour superviser les collecteurs était Geoffroy, custode de Saint-Quentin-en-Vermandois, clerc du roi (Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 b).
112 Collecteurs pour le diocèse de Coutances, le 27 février 1285 : P. Le Cacheux, Thomas-Lacroix, Legoy, Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Manche, série H, t. IV (2e fasc.), Saint-Lô, 1942, pp. 51 (H 8194 fol. 12-13), 92 (H 8372) (analyses de documents détruits en 1944). Gilles Aycelin, alors prévôt de Clermont, fut collecteur en août 1284 : Gallia Christiana, II, Paris, 1873, col. 305.
113 O. Guyotjeannin …, Diplomatique médiévale…, p. 195.
114 En 1285, Lanfrancus Anselmi, citoyen de Pistoia et « mercator reverendi patris domini Johannis miseratione divina titulo sancte Cecilie presbiteri cardinalis apostolice sedis legati », et ses associés étaient chargés de récupérer l’amende de 4 000 livres parisis que la commune de Lille devait verser pour la croisade d’Aragon : E. Brun-Lavainne, Roisin…, pp. 316-317.
115 Reg. Martin IV, no 586 (5 mai 1284).
116 24 septembre 1290. Paris, Arch. Nat., L 276 no 47 (= Reg. Nicolas IV, no 3264).
117 Louis-Victor Pécheur, Annales du diocèse de Soissons, III, Soissons, 1875, pp. 447-448. Le 1er mars 1286, Jean Cholet demanda à Michel de Louvres, chanoine de Notre-Dame de Huy, une autre enquête sur la valeur des bénéfices et la taxation réalisée par le légat Simon de Brie dans la province de Narbonne et les parties des diocèses d’Avignon et d’Arles situées dans le royaume de France (Paris, Arch. Nat., J 938 no 10 e).
118 Paris, BNF, Coll. Doat, vol. XI, fol. 105. La teneur de ces délimitations est reprise dans la bulle de Nicolas IV du 7 juillet 1289 (Reg. Nicolas IV, no 1009). Rappel pour les diocèses de Bordeaux et de Bazas : Reg. Clément V, no 7009, 8334.
119 P. Le Cacheux…, Inventaire sommaire... Manche, série H, t. IV (2e fasc.), pp. 51 (H 8194 fol. 12-13), 92 (H 8372), et édité par Fr. Du Chesne, Histoire des cardinaux…, II, p. 222.
120 Arch. dép. Yonne, G 660, éd. par Maximilien Quantin, Recueil de pièces pour faire suite au cartulaire général de l’Yonne, XIIIe s., Auxerre, 1873, p. 382, no 729.
121 Paris, Arch. Nat., L 264 no 36 : bulle de Grégoire X (31 juillet 1274) qui ordonne de faire garder au Temple de Paris le produit des décimes des maisons cisterciennes et prémontrées du royaume de France.
122 J.-B. Kervyn de Lettenhove, Codex Dunensis, Bruxelles, 1875, pp. 114-116 no 79. Ferdinand Van de Putte, Chronica et cartularium monasterii de Dunis, Bruges, 1863, pp. 631-632, no 578.
123 RHF, XXI, pp. 531-532.
124 Tablettes de cire de Pierre de Condé, RHF, XXII, p. 485 B : « De VIIIC l. tourn. quas Marcellus recepit a Rich. Speciario Narbone, quas idem Rich. ceperat a legato » [semble concerner des dépenses à l’automne 1285].
125 Ch.-V. Langlois, Inventaire d’anciens comptes royaux dressés par Robert Mignon sous le règne de Philippe de Valois, Paris, 1899, pp. 93-95 (pour les comptes de la décime quadriennale de 1284) ; exemple pour la province de Reims : comptes de mag. P. de Trocha (pour les quatre ans de décime), mag. Stephanus de Valle (arriérés de la décime), mag. Johannes Clarisensus (pour la décime dans les parties impériales, compte rendus avant la Chandeleur 1289), Sylvester, curé d’Eva et dominus Johannes de Brueriis (arriérés).
126 Tablettes de cire de Pierre de Condé, RHF, XXII, pp. 430-501, passim.
127 Paris, Arch. Nat., J 938, no 13-16, 20, 24-27, 35.
128 Un document fournit des comptes : Abregement des depens faiz en la voye d’Arragon, dans É. Lalou (éd.), Les comptes sur tablettes…, pp. LIII-LIV.
129 Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 356-357. J. Strayer, « The crusade… », pp. 112-113.
130 Reg. Martin IV, no 582 (14 mai 1284), 584 et 586 (18 mai 1284).
131 Reg. Nicolas IV, no 7187.
132 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 569.
133 Isidoro Carini, Gli archivi e le biblioteche di Spagna, II, Palerme, 1884, pp. 87-88.
134 Ibid., II, pp. 104-108, 128.
135 Reg. Honorius IV, no 443. Reg. Nicolas IV, no 4859. Gallia Christiana, VI, Paris, 1739, col. 683.
136 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 526, § 136.
137 Ibid., p. 531, § 138. A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, p. 453.
138 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 543, § 144.
139 Ibid., p. 557, § 155.
140 I. Carini, Gli archivi…, II, pp. 59, 93, 180.
141 D. Chambers, Popes, Cardinals and War. The military Church in Renaissance and early modern Europe, Londres, 2006, passim, par exemple pp. 19-20 (légats guerriers dans l’Italie du XIIIe siècle : Gregorio da Montelongo, le cardinal Pietro Capocci), 48-50 (croisade contre les Turcs aux XVe-XVIe siècles). Dans une lettre à l’empereur grec, Frédéric II se plaint des prêtres qui revêtent la cuirasse, tiennent la lance et les flèches plutôt que les vêtements liturgiques, ainsi que des cardinaux et des prélats qui donnent des ordres aux troupes, exhortent les hommes à la guerre, conduisent les armées et portent les étendards (Jean-Louis-Alphonse Huillard-Breholles, Historia diplomatica Friderici secundi, VI, Paris, 1861, pp. 771-775).
142 J. Strayer, « The crusade… », pp. 115-116. X. Hélary, La croisade d’Aragon…
143 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 565, § 28 : « Fiebat insuper magnum forum indulgentiae per legatum. Dabat soldum militibus in Francia consuetum. In denariis dabant soldum equitibus, indulgentiam omnibus aequaliter offerebant » ; col. 566 : « Utriusque sexus turba maxima affluebat ad tubam indulgentiae cardinalis » ; col. 568-569 : « tanta enim erat devotio ad captandam indulgentiam quod… ‘contra Petrum de Arrao pro indulgentia lapidem istum mitto’ ». Ramon Muntaner, Cronica, chap. CXXIII.
144 Sur les transformations de l’ost royal sous Philippe III : X. Hélary, L’armée du roi de France. La guerre de Saint Louis à Philippe le Bel, Paris, 2012, pp. 111-146.
145 Ph. Contamine, La guerre au Moyen Âge, Paris, 1980, p. 161 : 4 000 hommes d’armes, 2 700 hommes de cheval, 12 000 hommes de pied.
146 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 565, § 28. J. Strayer, « The crusade… », pp. 114. X. Hélary, La croisade d’Aragon…
147 Bernard Desclot, Llibre del rei…, pp. 529-530, § 137. Autre allusion aux 6 000 hommes du légat : p. 529, § 136.
148 La bannière du légat est placée à côté de celle du roi de France sur les châteaux conquis, ainsi à Ampurias le 16 juin 1285 (ibid., p. 553, § 152). Selon Bernard Desclot, ibid., pp. 543-544, § 145-146, lors d’un entretien tendu (peu avant le 10 juin 1285), Philippe III aurait répondu à Jean Cholet qui lui aurait reproché de ne pas réussir à forcer les cols pyrénéens gardés par Pierre III, qu’il connaissait mieux la guerre que lui et qu’il le mettrait en tête de l’offensive avec ses 6 000 cavaliers !
149 La Complainte de Sainte Église, attribuée sans certitude à Rutebeuf et rédigée peu après 1285 : « Il n’i a chardenaul, tant haut l’espee saigne / qui l’alast querre la por estre rois d’Espaigne » (Rutebeuf, Œuvres complètes, éd. par M. Zinck, Paris, 2010, p. 452, § XI) suggère un cardinal qui se sert de ses armes pour aller chercher des décimes dans qu’autres pays que la France accablée par la fiscalité papale.
150 Les grandes chroniques de France, VIII, p. 103, no 39. Chronique de Gérard de Frachet, RHF, XXI, pp. 5-6. Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 98. Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 131. Bernard Gui, Chronique, RHF, XXI, p. 707. Chronique de Saint-Martial de Limoges, RHF, XXI, p. 805. Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 528. Chronique anonyme des rois de France, RHF, XXII, p. 16. Une variante des Anciennes chroniques de Flandre évoque à tord la présence de plusieurs cardinaux (RHF, XXII, p. 349, note 10). Jean D’Ypres, Chronique de Saint-Bertin…, p. 863, chap. 53, pars 4. Chronographia regum francorum…, I, p. 25. Ajoutons une chronique italienne : Giovanni Villani, Nuova Cronica, I, p. 564, chap. CII.
151 Jean Cholet semble souvent avec le roi Philippe III (Tablettes de cire de Pierre de Condé, RHF, XXII, pp. 435-436. X. Hélary, La croisade d’Aragon…, p. 137). Récit des événements militaires : ibid. ; Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, pp. 154-166. A. Lecoy de la Marche, « L’expédition de Philippe… », pp. 63-127. ID., Les relations politiques…, pp. 207-279. Ferdinand Lot, L’art militaire et les armées au Moyen Âge, Paris, 1946, pp. 240-247.
152 La Chronique de Saint-Martial (RHF, XXI, p. 805) parle d’un séjour du roi pendant huit jours, mais il n’excéda sans doute pas plus de deux ou trois jours, le roi étant à Uzerche dès le 27 mars.
153 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 526, § 136 (entre Toulouse et Narbonne, vers le 27 avril 1285).
154 Gesta comitum Barcinonensium…, col. 565, § 28. Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 531, § 138 ; en Roussillon (p. 533, § 139 ; pp. 543-544, § 145-146) ; au pied des cols Pyrénéens (p. 535, § 140).
155 Ibid., p. 538, § 141.
156 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 283-286, § 126. Ch.-V. Langlois, Le règne de Philippe III…, p. 158.
157 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 556, § 154.
158 Gesta comitum Barcinonensium, col. 568, § 28 (le légat réside avec le roi au couvent franciscain situé près d’une porte de la ville assiégée). Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 558, § 156 ; p. 574, § 166. Guillaume DE Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, pp. 524, 536. Jean d’Ypres, Chronique de Saint-Bertin, p. 864, chap. 53, pars 4.
159 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 535, § 140.
160 Ibid., pp. 543-544, § 145-146.
161 Ibid., p. 557, § 155.
162 Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 536 ; le légat donne son accord à l’ouverture de négociations menées par le comte de Foix et Raymond Roger de Pallars avec les assiégés de Gérone. En revanche, selon Jean d’Ypres (Chronique de Saint-Bertin…, p. 863, chap. 53, pars 4), le légat se serait montré intransigeant face à l’ambassade de l’archevêque de Saragosse venu négocier les conditions de reddition de Gérone, et aurait répondu au jeune prince Philippe le Bel qu’il fallait massacrer tous les habitants, même les enfants.
163 Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 528.
164 Bernard Desclot, Llibre del rei…, pp. 528-529 (prédication en plein air devant les barons croisés en Languedoc fin avril 1285). « Il prist tous les pechiez sus li qu’ils avoient oncques faiz en toutes leurs vies » et exhorta les croisés à ne pas épargner la vie des excommuniés (Les grandes chroniques de France, VIII, p. 106, § 40). Selon Guillaume de Nangis, Gesta Philippi III, RHF, XX, p. 530 : « Legatus etiam Romanae ecclesiae gentem absolvens Francigenam, ut nemini parcerent admonuit, sed eos tanquam hostes fidei christianae, utpote excommunicatos et contemptores praeceptorum sanctae matris ecclesiae, trucidarent ». « Le légat sermonna et prescha aux François et prinst tous les peschés sus luy qu’ilz avoient oncques fait en toutes leurs viez, mais que ilz allassent sus les ennemis de la crestienté » (ibid., dans la traduction du moine de Saint-Denis, chap. XL). « Qui de l’auctorité de Dieu et l’Apostole absolvoit tous ceulx qui les Arragonnoys occioient » (Chronique anonyme, RHF, XXI, p. 132).
165 Ramon Muntaner, Cronica, I, pp. 207, 300, 312, 315-318.
166 Bernard Desclot, Llibre del rei…, pp. 527-528, § 136.
167 Exemple Reg. Martin IV, no 455 et 457 (17 août et 2 septembre 1283).
168 N. Housley, The Italian Crusades…, p. 39. Joseph Strayer, « France, the Holy Land, the Chosen People and the Most Christian King », dans T. K Rabb et J. E. Seigeil (éd.), Actions and Conviction in early modern Europe, Princeton, 1969, pp. 3-16.
169 A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques…, pp. 222-230.
170 Bernard Desclot, Llibre del rei…, p. 557, § 156. Selon Jean d’Ypres (Chronique de Saint-Bertin, p. 863 chap. 53, pars 4), le roi de France fit détruire la ville d’Elne et massacrer les habitants « de praecepto legati […] trucidans omnes qui intus erant, iuvenes, senes, clericos, mulieres et parvulos ».
171 Cronica, I, p. 315, chap. CXXXVIII : « tous ceux qui périront ici iront droit au paradis ».
172 Efforts d’E. Muller (« Jean Cholet », pp. 802-805) pour disculper le légat, en prétendant à tort qu’il n’était pas à Elne alors, mais à Saint-Germain-en-Laye, et que c’était le cardinal Gervais des Saints Silvestre et Martin qui aurait poussé au crime à Elne.
173 Jacques Berlioz, « Exemplum et histoire : Césaire de Heisterbach (v. 1180-1240) et la croisade albigeoise », Bibliothèque de l’École des Chartes, 147/1 (1989), pp. 49-86.
174 Georges Digard, Philippe le Bel et le Saint-Siège de 1285 à 1304, Paris, 1936. N. Housley, The Italian Crusades…, pp. 21-23. Andreas Kiesewetter, Die Anfänge der Regierung Karls II. von Anjou (1278-1295), Husum, 1999.
175 Jean Cholet présida aux funérailles royales à Saint-Denis le 3 décembre 1285 : Brève chronique de Saint-Denis, RHF, XXIII, p. 145 ; « Chronicon Sancti Dyonisii recentius », éd. par É. Berger, Bibliothèque de l’École des Chartes, 40 (1879), p. 294. Juste après la mort de Philippe III, il intervint en tant que légat dans le litige entre les dominicains de Paris et le monastère de Saint-Denis qui se disputaient la garde du cœur du roi (RHF, XXI, p. 7).
176 Le cardinal Cholet perd sa qualité de légat dès le 7 septembre 1289 dans les lettres papales (Reg. Nicolas IV, no 1324 : « tunc » légat). Le fait que la nouvelle décime de trois ans concédée par Nicolas IV soit placée sous la responsabilité de l’archevêque de Rouen et de l’évêque d’Auxerre le 31 mai 1289 et qu’ils annoncent leur entrée en charge le 26 août 1289 semble indiquer que Jean Cholet était sur le départ (Paris, Arch. Nat., J 938 no 22, 31, 36). Mais il émet encore un acte comme légat le 31 octobre 1289, étant au Maysel dans l’Oise, sur le territoire de sa légation (Arch. Dép. Nord, 3 G 442, no 8675).
177 Paris, Arch. Nat., J 940, no 112, éd. par G. Digard, Philippe le Bel…, II, pp. 218-223, no II.
178 Paris, Arch. Nat., J 716, no 2 (= Reg Nicolas IV, no 991). Reg Nicolas IV, no 613, 615. G. Digard, Philippe le Bel…, I, pp. 58-59, 61. B. Causse, Église, finance…, I, pp. 226-230.
179 Paris, Arch. Nat., J 398, no 12-36.
180 Lettre au légat le 15 mars 1288 expliquant l’accord et le rejet par le Saint-Siège (Reg. Nicolas IV, no 561).
181 G. Digard, Philippe le Bel…, II, pp. 237-245, no VI.
182 Sylvia Schein, « Philipp IV and the Crusade : a Reconsideration », dans P. W. Edbury (éd.), Crusade and Settlement. Papers presented to R. C. Smail, Cardiff, 1985, pp. 121-126.
183 Fr. Duchesne, Histoire de tous les cardinaux…, II, p. 224 (1ère version du testament). Agostino Paravicini-Bagliani, I testamenti dei cardinali nel Duecento, Rome, 1980, pp. 50-53, 258-259, § 74 (2e version).
184 Élisabeth Rabut, « Les Cholets. Étude historique et topographique d’un collège parisien », Paris et Île-de-France. Mémoires, 21 (1970), pp. 7-95, 22 (1971), pp. 119-231.
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