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Les imprimeurs-libraires toulousains et leur production au XVIIIe siècle (1739-1788)

 | 
Claudine Adam

Deuxième partie. La production imprimée toulousaine

Chapitre sept. Les plaquettes

Texte intégral

  • 1 LABARRE Albert, « Sur l’éminente dignité des “pièces” », Revue française d’histoire du livre, 1994 (...)
  • 2 Ibid., p. 336.

1Nous allons nous pencher à présent Sur l’éminente dignité des « pièces », pour reprendre le titre, quelque peu provocateur, employé par Albert Labarre pour traiter des impressions inférieures à 48 pages, qui font souvent figure de parents pauvres dans l’histoire du livre1. Il est vrai que leur conservation reste problématique et qu’un bon nombre a disparu en raison, notamment, de « la modestie de leur aspect et leur faible valeur marchande2 ». La classification que nous avons adoptée, nous amènera à étudier ces « pièces » – plaquettes, placards, factums et périodiques – dans deux chapitres.

  • 3 SÉGUIN Jean-Pierre, « Les feuilles d’information non périodiques ou “canards” en France », Revue d (...)
  • 4 SÉGUIN Jean-Pierre, L’information en France avant le périodique, 517 canards imprimés entre 1529 e (...)
  • 5 LEVER Maurice, Les canards sanglants : naissance du fait divers, Paris Fayard, 1993, 517 p.
  • 6 PETIT Nicolas, L’éphémère, l’occasionnel et le non livre (XVe-XVIIIe siècles). Corpus iconographiq (...)
  • 7 MARTIN Henri-Jean, Histoire et pouvoir de l’écrit, Paris, Albin Michel, 1996, p. 281.

2Le « non livre », en opposition au « livre », a suscité peu d’études, malgré les travaux précurseurs de Jean-Pierre Séguin sur les canards3 et les occasionnels du XVIe et du début du XVIIe siècle4, ou ceux, plus récents, de Maurice Lever sur Les Canards sanglants : naissance du fait divers, qui intéressent la même période5. En 1997, Nicolas Petit, dans une étude du fonds de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, a regroupé et étudié tous les grands types de production de « non livres », entre le XVe et le XVIIIe siècles : occasionnels et pièces de circonstances, livrets de littérature populaire, almanachs et calendriers, éphémères, travaux de ville6. Ce qui donne une étude très riche qui ne demande qu’à être généralisée. Henri-Jean Martin, dans une partie d’Histoire et pouvoir de l’écrit, intitulée « De l’affiche au journal », présente les différentes formes d’impression de « non livres » ; il y cite le Short Title Catalogue britannique du XVIIIe siècle, qui recense un impressionnant total de 250 000 pièces de ce genre de production7.

  • 8 MELLOT Jean-Dominique, L’édition rouennaise et ses marchés (vers 1600-vers 1730)..., op. cit.

3Il n’existe pas en France d’études sur les plaquettes du XVIIIe siècle en tant que telles. Dominique Mellot n’en étudie qu’une partie, ne considérant que les impressions de plus de 30 pages, pour la période 1600-17308.

  • 9 CHARTIER Roger, « La circulation de l’écrit dans les villes françaises, 1500-1700 », Livre et lect (...)
  • 10 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 376.

4Nous avons montré que, à Toulouse, la production de livres était minoritaire chez les imprimeurs puisqu’elle ne représentait que 15,8 % de la production de titres, et ce n’est pas une exception : dès 1700, pour sept villes de province comptant plus de dix imprimeurs, Roger Chartier rappelle que « l’essentiel de l’activité des ateliers est consacrée, non à la production de livres, mais aux travaux de ville9 ». Michel Taillefer précise que ces travaux « exécutés pour les juridictions et établissements d’enseignement (édits, arrêts, ordonnances, factums, thèses) » s’ajoutaient aux « pièces de circonstance (relation d’événements remarquables ou de fait divers, poèmes couronnés aux Jeux floraux), [aux] brochures populaires10 ». Les travaux de ville étaient exécutés soit sous forme de plaquettes, soit sous forme de placards qui seront l’objet du chapitre suivant.

  • 11 Article 102 de l’Arrest du Roy, Livre de la communauté des imprimeurs libraires, BMT, microfilm 28 (...)
  • 12 Privilèges généraux des évêques, Chapitre premier.

5Cet ensemble d’imprimés divers est qualifié de « pièces » par Albert Labarre. Produites en quantité, elles échappaient aux registres des privilèges et de permissions et relevaient de la permission locale du juge mage11 ; s’y ajoutaient les opuscules religieux qui, eux, relevaient des privilèges généraux accordés à l’archevêque et aux évêques12.

  • 13 LABARRE Albert, « Sur l’éminente dignité des “pièces” », Revue française d’histoire du livre..., o (...)

6On ne peut qu’effleurer le problème de leur conservation, déjà évoqué au chapitre 5 ; Albert Labarre, au sujet de ces « pièces » de moins de 48 pages, rappelle que leur disparition est difficile à quantifier, mais qu’elle a sans doute été massive13. La plupart des plaquettes sont conservées dans des boîtes ; quelques recueils factices existent mais, pour cette catégorie, ils ne sont pas majoritaires.

  • 14 Définition au chapitre cinq.

7Dans ce chapitre, nous ne considérerons que les plaquettes dont le nombre de pages est inférieur à 4814. Le corpus est composé de 1 257 plaquettes qui rassemblent des travaux de ville : actes officiels et administratifs émanant du roi et de juridictions locales – arrêts du Conseil d’État, arrêts du Parlement, ordonnances de capitouls – des pièces de circonstances, des livrets religieux et des pièces de théâtre.

8Après avoir présenté le corpus dans son hétérogénéité, dont dépendent les mises en page, nous analyserons son évolution de 1739 à 1788, l’évolution de quelques catégories et la place que les plaquettes occupent dans les ateliers toulousains.

I- Description matérielle

9La présentation des plaquettes est plus variée que celle des livres pour lesquels de grandes lignes de lecture ont été dégagées. Pour les plaquettes, la distinction entre celles qui ont des pages de titre et les autres est importante. Le format et le type de plaquette sont d’autres éléments qui influent sur la mise en page.

1- La page de titre

10À la différence des livres, les plaquettes ne comportent pas toujours de page de titre et débutent directement à la page 1 ; cependant nous en avons relevé 243 possédant une page de titre, soit 19,2 % du corpus. Elles concernent des œuvres littéraires, discours académiques, comme celui de Bécane prononcé aux écoles de chirurgie en 1764, l’Oraison funèbre du dauphin Louis, prononcée en 1766, des Noëls et cantiques, des pièces de théâtre et quelques actes officiels.

11Les actes officiels marquent un cas particulier, arrêts du Parlement ou actes royaux, tous n’ont pas de pages de titre et l’on constate au cours du siècle une nette tendance à la disparition de cette page. Y a-t-il une signification à trouver ?

Années

Arrêts du Parlement avec page de titre

Actes royaux avec page de titre

1739-1748

20

13

1749-1758

10

10

1759-1768

8

3

1769-1778

2

4

1779-1788

0

5

Tableau 42. Évolution du nombre de pages de titre dans les arrêts du Parlement et les actes royaux, 1739-1788

12Les pages de titre des plaquettes, quand il y en a, sont semblables à celles des livres avec, selon les cas, titre, nom et qualité de l’auteur, marque au titre, nom et adresse de l’imprimeur, date et mention de la permission. Selon le sujet et vraisemblablement le lecteur visé, la qualité de la présentation varie. L’Extrait des statuts des brassiers présente comme marque au titre une vierge à l’enfant en bois gravé, assez fruste, qui fait penser aux livres populaires de la bibliothèque bleue. Les Noëls ont tous une page de titre, qui dans un quart des cas ne comporte pas de noms d’auteur. Les pièces de théâtre sont toutes brochées, les pages de titre, surtout celles des pièces éditées chez Broulhiet, comportent des indications sur la première représentation quand il s’agit de pièces récentes, et parfois le prix de la brochure.

13Dans les pages suivantes on trouvera la reproduction de quelques pages de titre de plaquettes.

2-La page 1

14Plus de 80 % des plaquettes n’ont pas de page de titre. Elles débutent par la page 1.

15Le nom et l’adresse de l’imprimeur se trouvent alors à la fin du texte imprimé ; si la plaquette n’a que trois pages de texte, il peut figurer sur une page seule.

16La première page débute par une frise ou un bandeau. Les frises sont plus ou moins larges selon l’imprimé, comme nous le voyons dans l’exemple ci-dessous (source : Rodez SLA).

17Les bandeaux couramment utilisés dans les arrêts du Parlement ou dans les actes royaux ont une présentation tripartite, avec les armes royales au centre. Une évolution s’observe dans le décor. Ainsi, en 1768, des motifs floraux apparaissent ; la même année, un semis de fleurs de lis se rencontre également ; en 1774, J.-A.-H.-M.-B. Pijon emploie fréquemment des bandeaux avec des trèfles comme nous le constatons ci-après.

18Ces bandeaux « fins », non signés, sont majoritairement employés par la veuve de Bernard Pijon (1761-1770) et par son fils J.-A.-H.-M.-B. Pijon (1770-1794). Nous en avons ci-après des exemples.

19Il y a enfin les bandeaux signés, systématiquement relevés, avec lesquels nous avons élaboré le tableau ci-après qui permet de connaître les principaux graveurs qui travaillaient avec les imprimeurs toulousains.

Graveurs

Années d’exercice

Nombre de bandeaux recensés

Principaux imprimeurs et nombre de bandeaux

Peyrane

1745-1783

125

Lecamus C.-G. (34)
Pijon B. (47)
Pijon Vve B. (28)

Duchesne

1741-1764

45

Lecamus C.-G. (34)

Roche

1748-1785

37

Pijon Vve B. (26)

Gritner

24

Broulhiet J.-B. (11)
Desclassan D. (5)

Raynaud

1757-1788

19

Baour J.-F. (11)

Tableau 43. Graveurs travaillant pour les éditeurs de plaquettes, 1739-1788.

Bandeaux de Duchesne et de Peyrane

20D’autre part, sept plaquettes sont illustrées par des planches gravées.

21Les planches, qui sont gravées sur cuivre, fournissent des compléments d’information dans les pièces de circonstance. La Relation de la bataille de Fontenoy est accompagnée d’un plan de la bataille (voir illustration ci-après). La Relation des réjouissances à l’occasion de la convalescence du Roi s’accompagne d’une gravure de Louis Baour montrant les « 4 façades de la décoration du feu d’artifice tiré le 24 septembre 1744 sur la place de l’Hôtel de ville de Toulouse, à l’occasion de la convalescence du Roy ».

22Claude-Gilles Lecamus a imprimé une petite plaquette de 22 pages, intitulée Dissertation sur la Cigale ; sur une planche de format in-2, une cigale est gravée sous toutes ses faces par Segonne.

23En 1774, la messe pour les défunts imprimée par Dalles et Vitrac possède une planche gravée sur cuivre représentant le Christ sur la croix. En 1782, l’Ordonnance de Monseigneur l’Archevêque de Toulouse, Qui règle le Cérémonial à observer dans le Synode, imprimée par J.A.H.M.B. Pijon, contient une « planche que l’on tiendra au Choeur à la célébration de la messe ».

24Il y eut donc quelques plaquettes illustrées, mais elles demeurent exceptionnelles ; le décor des plaquettes repose essentiellement sur les bandeaux et les lettres ornées.

3- Les formats

25Afin de traiter les plaquettes comme les livres et d’établir des comparaisons, nous passons maintenant à l’étude des formats

Graphique 38. Répartition des plaquettes par format, 1739-1788

26Dans ce découpage en secteurs, on constate l’écrasante domination de l’in-4°, avec 958 plaquettes, soit 78,58 % du total. Le format in-8°, avec 176 plaquettes, soit 14,5 %, vient ensuite. Les formats in-12 et in-2 sont faiblement représentés ; quant aux petits formats in-16 et in-18, ils sont rarement utilisés : nous ne les avons rencontrés que dans six impressions.

27Concernant les livres, nous avons établi une relation entre le format et la catégorie des livres ; existe-t-il une relation semblable entre format et « catégorie » des plaquettes ? Le terme « catégorie » est entre guillemets, car nous établirons dans la partie suivante, des sous-catégories. Par exemple les actes royaux qui figurent dans la catégorie générale « Droit » seront ensuite traités séparément, en tant que tels.

Thèmes

Nombre de plaquettes

Pourcentage

Religion

97

7,77 %

Droit

889

70,7 %

Histoire

4

0,32 %

Sciences et Arts

50

4 %

Belles Lettres

217

17,26 %

Tableau 44. Répartition des plaquettes par thème, 1739-1788

28Les plaquettes relatives au Droit, aux lois et aux règlements dominent l’ensemble, avec 70,7 % des titres. Les Belles-Lettres occupent 17,26 % des plaquettes, pourcentage comparable à celui qu’elles ont parmi les livres. Les plaquettes sur les Sciences et Arts sont toujours faiblement représentées avec 4 % des impressions ainsi que celles sur l’Histoire (quatre unités seulement). En revanche, à la différence des livres, la catégorie Religion est peu présente dans les plaquettes, avec 7,77 %, bien qu’une quarantaine de chants religieux y soient inclus.

29Ce classement des plaquettes en grandes « catégories » constitue une première approche thématique des 1257 plaquettes et permet de s’interroger sur l’existence ou non d’un lien avec le format.

30Le tableau ci-dessous ne porte que sur 1234 plaquettes « renseignées ».

Tableau 45. Formats et catégories thématiques des plaquettes, 1739-1788

31Nous observons que les trois quarts des plaquettes de format in-4° appartiennent à la catégorie Droit, parmi lesquelles les actes royaux, les arrêts du Parlement et les ordonnances des Capitouls occupent près de 70 % de l’ensemble. Le format in-8° est employé essentiellement pour les Belles-Lettres, et nous verrons que les pièces de théâtre y occupent 54,5 % du format. Quant au format in-12, il est majoritairement employé dans les productions religieuses, notamment les Noëls. Les autres formats, plus petits ou plus grands, sont sous-représentés. Le format in-2 n’apparaît que dans sept plaquettes avec quatre messes pour les défunts. Quant aux formats in-16 et in-18, ils ne sont employés qu’exceptionnellement.

32Pour achever la description matérielle des plaquettes, il convient à présent de considérer leur nombre de pages.

4- Le nombre de pages

33Le graphique ci-dessous montre la ventilation des plaquettes selon le nombre de pages (nous n’avons pas d’information sur 36 d’entre-elles).

Graphique 39. Répartition des plaquettes en nombre de pages, 1739-1788

34Ce sont les « minces » plaquettes qui dominent le corpus ; 61,7 % d’entre elles n’ont pas plus de huit pages, et 30,5 % ne dépassent pas quatre pages. Ensuite, le pourcentage décroît rapidement en fonction du nombre de pages : 15,5 % des plaquettes ont entre 9 et 16 pages ; 11,6 % entre 17 et 32 pages et 9,8 % entre 33 et 47 pages.

35De 1 à 8 pages, plus de 70 % des plaquettes sont des actes officiels et administratifs, émanant du roi et des administrations centrales, du Parlement de Toulouse ou des capitouls

36De 9 à 16 pages, les actes royaux dominent toujours avec près d’un tiers des impressions ; les arrêts du Parlement diminuent sensiblement. Des changements apparaissent entre 17 et 32 pages : les actes royaux occupent encore un peu plus du sixième des impressions, mais on note que plus d’un quart d’entre-elles concerne les pièces de théâtre, qui prennent de plus en plus d’importance, puisque elles occupent près de 52 % des titres entre 33 et 47 pages. La production littéraire domine alors, à près de 70 %. Il n’y a plus que deux actes royaux et seulement quatre arrêts du Parlement. Une spécialisation se dessine donc en fonction du nombre de pages. On passe d’une grande masse de plaquettes au nombre de pages réduit et concernant essentiellement les actes officiels et administratifs, à des plaquettes consacrées aux Belles-Lettres ayant plus de 32 pages.

5- Les langues

37Comme pour les livres, nous avons considéré les langues utilisées dans les plaquettes (bien que ne faisant pas partie de la description matérielle du corpus) ; leur connaissance mous aidera à mieux appréhender le contenu.

38L’écrasante majorité des plaquettes est rédigée en français, la langue des actes officiels. Seules 36 d’entre-elles sont en latin ou en gascon soit 2,8 % du total.

39Douze sont rédigées en latin. À l’exception d’une thèse de médecine et d’une de philosophie, elles concernent la religion, notamment quatre messes pour les défunts, une liturgie pour la fête du Sacré Cœur, une autre pour l’office de Joanna Valesia – autrement dit Jeanne de France, fondatrice de l’Annonciade – un ouvrage de théologie morale concernant les cas de pénitence réservés, une apologie de la déclaration gallicane de 1682.

40Vingt-quatre brochures sont en gascon, ce qui ne représente que 1,9 % de l’ensemble, pourcentage cependant supérieur à celui que l’on trouve dans les livres (0,88 %) qui s’explique par le caractère populaire de certains livrets.

  • 15 CAMPROUX Charles, Histoire de la littérature occitane, Paris, Payot, 1971, p. 110.

41Six Noëls sont rédigés entièrement en gascon. C’est « un genre fort populaire15 », déclare Charles Camproux qui rappelle que « les plus anciens noëls occitans connus remontent au XIVe siècle ». Quatorze autres associent Noëls gascons et Noëls français. La répartition dans les livrets entre Noëls français et Noëls gascons est variable ; dans l’ensemble, sur les 14 considérés, on relève 28 Noëls français et 27 gascons.

  • 16 LAFONT Robert et ANATOLE Christian, Nouvelle Histoire de la littérature occitane, Paris, PUF, 1970 (...)

42Une seule pièce de théâtre en gascon est conservée : La laytayro de Naubernad, coumediou lyriquo, Dé la Traductiou de M. Bxxx. Sé bén A Toulouso, chés l’Autou, al Bureu d’Abis. M.DCC.LXXXIII. Il s’agit de l’adaptation en langue d’oc des Deux chasseurs et la laitière d’Anseaune, par Jean-Florent Baour. Le théâtre occitan avait connu un succès continu pendant tout le XVIe et tout le XVIIe siècle ; au XVIIIe siècle, il est toujours vivace, mais Robert Lafont souligne que « la situation sociologique de l’occitan s’aggravant, un type particulier de théâtre apparaît16 » : les auteurs occitans imitent surtout Molière. Y a-t-il eu d’autres pièces imprimées à Toulouse ? Nous n’en avons rencontré aucune.

43Deux pièces de circonstance complètent les textes en gascon. Il s’agit d’un Alleluya royal, composé pour la nomination de Monseigneur François de Bastard comme premier président à Toulouse en 1761, et du Catounet gascoun d’Ader, petit recueil de poésies dédié à Monseigneur de Fontarailles, en 1774, dont on relève une édition par J. Boude en 1611. Des œuvres patoises imprimées par Jean-Florent Baour sont mentionnées dans le catalogue de vente du docteur Noulet, mais nous n’en avons pas retrouvé trace.

44Face au faible nombre d’impressions gasconnes conservées, on peut dire que Toulouse n’est pas un grand centre d’édition de livres ou de plaquettes en gascon, peut-être par l’absence, alors, de grands auteurs occitans.

45Étudions à présent l’évolution globale des plaquettes, entre 1739 et 1788, avant de revenir sur l’évolution des différentes catégories thématiques.

II- L’évolution de la production de plaquettes, de 1739 à 1788

46Comme nous l’avons fait pour les livres, après la description matérielle des plaquettes nous étudierons leur évolution en nombre de titres, que nous confronterons ensuite à l’évolution en nombre de pages.

1- Évolution du nombre de titres par décennie

47La production de plaquettes par décennie et en titres double entre 1739 et 1788.

48Cette augmentation est constante ; cependant les variations du rythme de croissance font apparaître trois phases. Entre les décennies 1739-1748 et 1749-1758, l’augmentation de la production est de 19,2 %. Puis le rythme s’accélère entre 1749-1758 et 1759-1768 avec une forte augmentation de 50,5 % ; nous pouvons parler alors de « décollage » de la production des plaquettes. Ensuite, de 1759-1768 à 1779-1788, la croissance de la production, certes élevée, se ralentit et se stabilise à un niveau modéré, autour de 12 %. Ces variations du rythme de croissance trouvent une explication à la lecture de l’histogramme de la production annuelle.

  • 17 Les chiffres ne prennent pas en compte les 52 plaquettes « sans date », parmi lesquelles figurent (...)

Graphique 40. Évolution de la production de plaquettes en titres et par décennie, 1739-178817

Années

Nombre de titres de plaquettes par décennie

Variations entre deux décennies

1739-1748

146

1749-1758

174

+ 19,2 %

1759-1768

262

+ 50,5 %

1769-1778

294

+ 12,2 %

1779-1788

329

+ 11,9 %

Tableau 46. Variations de l’augmentation décennale des plaquettes en titres, 1739-1788

2- La production annuelle en titres

49La production annuelle de plaquettes en nombre de titres est très irrégulière, comme l’indique le graphique ci-après. On distingue deux grandes phases inégales, qui différent de celles qui caractérisent les livres et possèdent un caractère spécifique.

50La première phase, entre 1739 et 1761, s’organise autour de deux pics, en 1745 et 1754. En effet, alors que la moyenne de production des plaquettes de la période s’élève à 15,5 titres, l’année 1745 est marquée par une forte croissance, avec 38 titres ; l’année 1754 par une croissance moins élevée, avec 29 titres. La production s’élève lentement, puisque de 1739 à 1747 le nombre moyen de titres est de 14,7 ; de 1748 à 1761, il est de 16,1.

51La deuxième phase, de 1762 à 1788, irrégulière, connaît un niveau de production plus élevé, avec en moyenne 31,4 titres, soit le double que précédemment. Quatre années y ont une production égale ou supérieure à 40 titres : 1764, 1775, 1779, 1780 ; par contre, l’année 1773 se distingue par sa faible production (14 titres).

Graphique 41. Production annuelle de plaquettes en titres, 1739-1788

52Comment expliquer ces variations dans la production des plaquettes ? Les réponses sont d’autant plus difficiles à apporter que nous ne pouvons raisonner que sur la production conservée. Durant la période considérée, les changements de la règlementation de la librairie n’interfèrent pas, comme ils l’ont fait pour les livres en 1743 et 1744 ; ici, ce sont les circonstances du moment qui commandent le plus ou moins d’impressions. En 1744, six plaquettes concernent l’état de santé du Roi et sa convalescence ; en 1745, la publication de quinze pièces de circonstance relatives à la guerre de Succession d’Autriche, et notamment à la victoire de Fontenoy, expliquent en partie l’augmentation brutale de la production ; l’ouverture du Jubilé entraîne également l’impression de plaquettes religieuses.

  • 18 Condamnations d’écrits par le Parlement de Toulouse en Annexe 5, On sait que la bulle Unigenitus c (...)

53Trois autres années sont concernées par un clocher de production : 1 754 (29 titres) : 1 753 (20 titres), 1 755 (18 titres). Le Parlement de Toulouse édite vingt-cinq arrêts, dont sept condamnent des écrits religieux, en particulier ceux d’« un évêque du Languedoc », soupçonné être celui de Saint-Pons, Mgr de Guénet, ardent défenseur de la bulle Unigenitus, et celui relatif au récit de troubles provoqués à Montpellier par des refus de sacrements18.

54Dans cette première phase, l’augmentation du nombre de pièces de circonstance, ou l’augmentation du nombre d’arrêts du Parlement, détermine les deux pics de production.

55De 1761 à 1788, l’explication des quatre années de forte production (en 1764, 1775, 1779 et 1780) paraît plus complexe. Le tableau ci-dessous met en relation les Belles-Lettres et des actes officiels qui sont les plus représentés ces années-là.

Années

Nombre de plaquettes

Nombre de titres de Belles-Lettres

Nombre d’arrêts du Parlement

Nombre d’actes royaux

1764

44

0

12

21

1775

44

11

9

7

1779

40

4

4

17

1780

41

9

4

16

Tableau 47. Eléments d’explication des pics de production, 1761-1788

56Pour 1764, 1779 et 1780, les pics se caractérisent par la domination de la production d’actes officiels ; les arrêts du parlement et les actes royaux se conjuguent en 1764 ; l’impression de nombreux actes royaux prédomine en 1779 et 1780.

57En 1775, les arrêts de Parlement et l’essor des pièces de théâtre provoquent la forte augmentation des impressions. À partir de cette date, la production des Belles-Lettres connaît une augmentation régulière et finit par supplanter celle des actes officiels.

58Comparons à présent l’évolution du nombre de titres de plaquettes et l’évolution du nombre de pages, afin de cerner les modifications de l’épaisseur des plaquettes qui s’opèrent dans le siècle.

3- La production décennale en nombre de pages

59Une augmentation régulière du nombre de pages, entre les décennies 1739-1748 et 1779-1788, apparaît sur l’histogramme ci-dessous, passant d’une production décennale de 1 430 pages à 5 759 pages, soit un quadruplement alors que la production en titres a seulement doublé.

Graphique 42. Évolution de la production décennale du nombre de pages des plaquettes, 1739-1788

60L’augmentation se fait selon des rythmes de croissance inégaux, comme le traduit le tableau ci-dessous :

Années

Nombre de titres

Variations entre deux décennies

Nombre de pages

Variations entre deux décennies

1739-1748

146

1 430

1749-1758

174

+ 19,2 %

1 729

+ 21 %

1759-1768

262

+ 50,5 %

2 378

+ 37,5 %

1769-1778

294

+ 12,2 %

3 275

+ 37,7 %

1779-1788

329

+ 11,9 %

5 759

+ 75,8 %

Tableau 48. Evolution décennale des plaquettes en titres et en pages, 1739-1788

61L’histogramme montre une croissance modérée de la production en nombre de pages, entre 1739-1748 et 1749-1758, comparable au rythme de progression des titres (tableau). Elle s’accentue dans les deux décennies suivantes (+ 37,5 %) alors que la progression en titres décolle, de 1759-1768 (+ 50,5 %) puis se ralentit (+ 12,2 %).

62Entre les décennies 1769-1778 et 1779-1788, la production en nombre de pages décolle, avec une augmentation remarquable de 75,8 %, alors que l’augmentation de la production par titres est beaucoup plus faible (+ 11,9 %).

63L’étude de l’évolution annuelle du nombre de pages de plaquettes devrait confirmer ces observations.

4- Évolution annuelle du nombre de pages

64L’histogramme ci-dessous montre l’augmentation progressive du nombre de pages qui est multiplié par 6,6 entre 1739 et 1788.

65Comme dans l’évolution du nombre de titres, deux grandes phases se distinguent. De 1739 à 1761, la moyenne de la production s’élève à 149,2 pages ; on note que de 1739 à 1747, elle est de 146,1 pages et qu’elle augmente un peu de 1748 à 1761 avec 151,2 pages. On remarque deux pics de production, déjà signalés pour les titres : en 1745, un pic de 365 pages, et en 1754, un pic de 252 pages.

66De 1762 à 1788, la production moyenne augmente nettement et s’élève à 415,1 pages ; cependant, elle varie considérablement. Excepté les années 1762-63-64, où la production oscille entre 409 à 478 pages et coïncide avec une forte production de titres, il faut attendre les années 1774 et 1775 pour connaître un fort décollage de la production en nombre de pages.

Graphique 43. Production annuelle de plaquettes en nombre de pages, 1739-1788

67De 1778 à 1788, la hausse est quasi constante. Elle trouve sa source dans la diffusion de nombreuses pièces de théâtre. Sur 368 plaquettes imprimées alors, on relève 86 pièces de théâtre dont 31 ont de 17 à 32 pages, 54 de 33 à 47 pages, ce qui représente pour ces dernières un total de 3 042 pages, soit 50 % de la production totale.

68Pour conclure, observons le tableau ci-dessous, qui met en relation le nombre de titres et le nombre de pages par décennie et permet d’expliquer l’épaisseur des plaquettes :

Années

Nombre de titres

Nombre de pages

Rapport titres/pages

1739-1748

146

1 430

9,8

1749-1758

174

1 729

9,9

1759-1768

262

2 378

9

1769-1778

294

3 275

11,1

1779-1788

320

5 759

18

Tableau 49. Rapport titres / pages par décennie, 1739-1788

69De 1739 à 1748, un titre correspondait en moyenne à 9,93 pages ; de 1779 à 1788, à 17,90 pages. Donc, en cinquante ans, l’épaisseur moyenne des plaquettes a presque doublé (elle est multipliée par 1,8) ; et c’est durant cette dernière décennie que se produit la plus grande transformation matérielle des plaquettes.

70Nous poursuivrons notre analyse des plaquettes du corpus par l’étude des différents types d’imprimés, que nous regrouperons d’abord par grandes catégories bibliographiques puis nous étudierons les sous-ensembles séparément.

III- La composition du corpus des plaquettes

71Pour classer les différentes plaquettes, nous avions la possibilité d’adopter une typologie distinguant les travaux de ville, les pièces de circonstance, et les brochures populaires, mais il nous a paru plus pertinent d’utiliser, d’abord, les grandes catégories bibliographiques employées pour les livres – Religion, Droit, Histoire, Sciences et Arts, Belles-Lettres – pour faire émerger les grandes tendances et établir des comparaisons.

1- Le Droit

7271,1 % des plaquettes sont composées d’imprimés relatifs au « Droit » c’est, de loin, la catégorie la plus importante. Il faut cependant distinguer les 682 actes officiels et administratifs émanant du roi, du Parlement de Toulouse ou des capitouls, qui représentent 54,2 % des 1 257 plaquettes, des 108 devis et des 104 autres plaquettes diverses.

a) Les actes royaux

73La grande masse des actes officiels est constituée par 326 actes émanant du roi et des administrations centrales (soit 25,9 % des actes), qui ont été enregistrés par la Grand’Chambre du parlement de Toulouse puis imprimées par les imprimeurs du roi toulousains.

  • 19 LABARRE Albert, « Imprimerie et commerce du livre à Lille… », op. cit., p. 655.
  • 20 Production conservée d’arrêts du parlement / production d’après les Recueils, exemples : 1756, 7/3 (...)

74La première question qui se pose est de savoir si ces 326 actes royaux sont représentatifs ou non de la période, l’estimation de la production conservée par rapport à la production réelle étant toujours difficile. Guidée par les recherches d’Albert Labarre à Lille qui évoque l’existence de recueils regroupant les actes royaux et permettant leur étude19, nous avons consulté le Recueil des édits, déclarations, et ordonnances du roi, arrêts du Conseil et du Parlement de Toulouse, concernant l’ordre judicaires et les autres matières publiques les plus importantes, en 7 tomes, imprimés par J.-A.-H.-M.-B. Pijon, entre 1782 et 1785 ; nous avions espéré y trouver un recensement fidèle des actes officiels. Si lettres patentes, édits, déclarations, arrêts du Conseil, arrêt du Parlement y figurent, chronologiquement par année, la consultation des tomes quatre, cinq, six, et sept nous a fait déchanter : J.-A.-H.-M.-B. Pijon y a sélectionné des actes dans un ensemble sans doute trop volumineux. Le nombre d’arrêts du Parlement recensés est nettement supérieur à celui annoncé dans les Recueils des édits, déclarations de J.-A.-H.-M.-B. Pijon, sur une dizaine d’années20. Il ne nous permettrait donc pas d’estimer la production réelle.

  • 21 BOISSE Emmanuelle, « L’activité du parlement de Toulouse en 1750 », dans Jacques POUMARÈDE et Jack (...)

75Seul un article sur « l’activité du parlement de Toulouse en 1750 » d’Emmanuelle Boisse nous a donné quelques informations sur l’activité réglementaire du parlement de Toulouse : la cour rendit une quarantaine d’arrêts en 1750 et elle enregistra huit actes royaux d’intérêt général21. Dans le corpus, nous n’avons conservé que quatre actes royaux et quatre arrêts du parlement, ce qui traduit une forte déperdition, du moins pour cette année-là : la moitié seulement des actes royaux aurait été recensée et 10 % des arrêts du Parlement ou moins. Ainsi nous sommes-nous posé la question de la pertinence de notre analyse. Les 326 actes conservés étaient-ils significatifs de la production réelle ? Cette réflexion devrait permettre d’observer les grandes tendances de l’évolution de la production.

76Considérons d’abord la ventilation globale avant de nous pencher sur quelques actes.

77L’histogramme indique également, en trait plus léger, la production totale de plaquettes. La superposition des deux courbes permet de voir des concordances entre pics de production des actes royaux et pics de production de l’ensemble des plaquettes

78Les imprimeurs du roi diffusent en moyenne, entre 1739 et 1788, 6,7 actes par an, chiffre faible et peu significatif puisque le graphique ci-après fait apparaître douze années avec une production inférieure à 4 plaquettes et six années avec des pics de production compris entre 15 et 20 actes, en 1763, 1764, 1776, 1778, 1779 et 1780.

Graphique 44. Production annuelle des actes royaux, 1739-1788.

  • 22 CONLON Pierre M., Le siècle des Lumières, Bibliographie chronologique, tome XIII, 1761-1763, Genèv (...)

79Les années 1763 et 1764 sont difficiles pour la monarchie qui multiplie les actes officiels. Ceux conservés traduisent la triple préoccupation de la monarchie, au sortir de la Guerre de Sept Ans : elle est en butte à l’opposition des Parlements qui contestent la politique financière du roi ; elle pourchasse les Jésuites et se préoccupe de la situation économique du pays. L’affaire des Jésuites a éclaté brutalement, au sujet de dettes trop élevées de la Compagnie de Jésus en Martinique. Le Parlement de Paris commença alors à examiner les constitutions de la Compagnie de Jésus et l’enseignement dispensé par ses théologiens ; ils furent attaqués de toute part et leurs biens confisqués22. Huit actes royaux les concernant, en plus de dix-huit arrêts du Parlement de Toulouse ont été conservés en 1763 et 1764.

80De plus, la situation économique du royaume difficile à la fin de la Guerre de Sept Ans était aggravée par les intempéries de l’été 1763, la menace d’une famine était réelle et le roi fit une déclaration en mai 1763 « Portant permission de faire circuler les Grains, Farines & Légumes dans toute l’étendue du Royaume, en exemption de tous droits, même ceux des Péages ». Par lettres patentes du 5 mars 1764, il renouvelle l’autorisation de libre circulation des grains, que confirme l’édit de juillet 1764. Pour mater manu militari la résistance du Parlement de Toulouse à de nouvelles mesures fiscales imposées par la situation, le pouvoir royal avait envoyé les troupes du duc de Fitz-James, contre lequel nous retrouvons, en réplique, trois arrêts du même Parlement.

81À partir 1776, la France entre dans la guerre d’indépendance américaine (1776-1783) et se trouve confrontée à une situation financière délicate dont pourtant nous ne percevons pas grand écho dans nos plaquettes pourtant en augmentation

82Par ailleurs nous constatons que la forte augmentation de la production de plaquettes en 1764, 1776, 1778 et 1779 s’explique partiellement par l’augmentation du nombre d’actes royaux qui sont figurés en noir sur le graphique. On peut s’interroger pour savoir si cette augmentation concerne tous les actes ou certains types seulement.

83Dans le tableau ci-dessous, nous avons classé les différents actes royaux selon leur nature et le public visé. Il servira de base à l’étude.

Typologie des actes royaux

Nombre d’actes recensés

concernant le royaume

concernant Toulouse

Lettres patentes

106

91

15

Édits

80

71

9

Déclarations

79

75

4

Arrêts du Conseil d’Etat

42

26

16

Ordonnances

10

5

5

Divers

9

8

1

Tableau 50. Typologie des actes royaux, 1739-1788

84Considérons d’abord les lettres patentes, dont nous avons répertorié 106 exemplaires.

- Les lettres patentes

  • 23 BARBICHE Bernard, « Actes royaux », dans BÉLY Lucien (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime..., o (...)

85Les lettres patentes, c’est-à-dire lisibles par tous, sont un type d’acte très ancien, elles relèvent de la seule volonté du roi et se terminent, assez souvent, par la formule « car tel est notre bon plaisir ». Elles sont validées par un sceau pendant, auquel s’ajoute depuis la fin du Moyen Âge la signature du roi ou celle d’un secrétaire d’État23. Elles peuvent être de portée générale (chartes) ou particulières ; applicables dans tout le royaume (scellées du grand sceau) ou dans certaines juridictions (petit sceau).

8691 lettres patentes s’appliquent à l’ensemble du royaume, comme les Lettres Patentes du Roi, Concernant la Poursuite des Biens vacans de la Société & Compagnie des Jésuites, Données à Versailles le 14 Juin 1763, ou les Lettres patentes du Roi, Données à Versailles, le 27 février 1780, Concernant le Droit annuel des Offices. Seules, 15 autres intéressent la ville de Toulouse. Elles concernent les académies, celle des Jeux floraux, telle l’Augmentation du Prix d’Eloquence de l’Académie des Jeux Floraux en 1746, ou celle qui institue l’Académie royale de Peinture, Sculpture et Architecture en 1751, et certains établissements comme l’Ecole Royale de Chirurgie en 1762 ; elles réglementent le Collège des Maîtres en Chirurgie en 1765. Le collège de Toulouse est confirmé en 1764 par lettre patente. Par leur intermédiaire, le roi statue sur les communautés professionnelles, telle celle des Barbiers Perruquiers de Toulouse, en 1787. C’est par lettre patente également que le siège de la Maîtrise des eaux et forêts est rétabli en la ville de Toulouse, en 1776, et que l’on crée une troisième foire franche en 1787. Elles concernent également le clergé toulousain, puisque celle donnée en août 1783, d’une part porte sur l’augmentation des portions congrues en faveur des curés et vicaires du diocèse de Toulouse, et d’autre part autorise l’archevêque de Toulouse à supprimer certains prieurés et bénéfices.

Graphique 45. Production annuelle de lettres patentes, 1739-1788

87La moyenne de production des lettres patentes est faible, autour de 2,2 titres par an, mais c’est la distribution globale de ces plaquettes qui est intéressante. De 1739 à 1759, le graphique montre que la production est faible (14 plaquettes), voire inexistante durant 10 années. De 1760 à 1788, la production, bien qu’irrégulière, est plus abondante, avec 92 lettres patentes. Six années se distinguent par une production supérieure à six actes. En 1764, les huit lettres patentes ont une portée générale ; le pouvoir royal est préoccupé par les suites à donner à l’expulsion de la Compagnie de Jésus, en 1763. Quatre lettres patentes sont consacrées à ce problème. Elles règlementent l’administration des collèges et les biens dépendant des collèges et établissements qui étaient desservis par la Compagnie et Société des Jésuites. En 1765, dix lettres patentes sont imprimées à Toulouse ; quatre concernent la province et confirment la transformation de collèges anciennement dirigés par les Jésuites en collèges royaux, comme les collèges de Cahors, de Béziers, de Montpellier et de Rodez. Une lettre patente édicte le règlement de l’École de chirurgie de Toulouse. Ainsi, en 1765, la moitié des lettres patentes conservées ont une portée locale et leur augmentation est liée à la conjoncture politique.

88En 1776 et 1780, on remarque deux pics de huit et neufs titres. Lors de ces deux années, les lettres patentes imprimées ont une portée générale, sans thème dominant ; sur les 17 impressions, seules deux lettres intéressent Toulouse. Nous avons déjà évoqué celle sur le rétablissement du siège de la Maîtrise des eaux & forêts à Toulouse ; en 1779, la veuve Robert imprime une lettre patente portant réunion du corps des maîtres tailleurs et chaussetiers de la ville de Toulouse. Nous ne voyons pas de raisons particulières pour expliquer ces pics de production.

- Les édits

  • 24 CABOURDIN Guy, VIARD Georges, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin (...)

89L’édit est un « acte rendu par le roi sur une seule matière ». Il peut être pris lorsqu’« il s’agit d’une mesure concernant une catégorie particulière de sujets ou une partie seulement du royaume24 ». Le corpus comporte 83 édits, dont deux relatifs à Toulouse : l’Edit du Roi, Donné à Compiègne au mois d’Août 1773, Contenant Statuts pour l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, qui est publié en deux éditions, en in-4° et in-8°, et l’Édit du Roi, Donné à Versailles au mois de février 1775, Portant ordonnance pour le Parlement de Toulouse.

90La production moyenne annuelle en titres est faible ; elle avoisine 1,7. Nous n’avons pas de production conservée pendant treize ans ; un seul édit a été imprimé dans seize autres années, et rares sont les années où l’on répertorie plus de quatre titres : ce sont les années 1775, 1776, 1779. Remarquons que 42 % de la production d’édits se situe entre 1771 et 1780. Ceci s’explique par le contexte politique difficile marqué par l’opposition parlementaire à Louis XV et à l’attitude du roi qui cherche à imposer son pouvoir par une multiplication de mesures législatives.

Graphique 46. Production annuelle d’édits royaux, 1739-1788

- Les déclarations

  • 25 Ibid., p. 99.

91Les déclarations royales sont des actes qui modifient, complètent ou interprètent une ordonnance ou un édit publié antérieurement25. Dans le cas présent, nous n’avons relevé que sept déclarations faisant expressément référence à un texte antérieur. Si références il y a, elles sont implicites. Ces déclarations concernent aussi bien la condition des esclaves que celle des mendiants ou des « gens sans aveu », les maisons religieuses, la suppression d’offices, la subsistance des « soi-disant » jésuites, l’assèchement des marais, la vente des biens des « nouveaux convertis », l’augmentation du droit sur les cartes à jouer, la liberté de circulation des grains, et autres mesures très diverses d’intérêt général ou particulier.

92Nous n’avons pas recensé de déclarations au cours de onze années diverses ; en revanche, en 1754, 1763, 1764 et 1778, il y a plus de quatre déclarations, comme le montre le graphique ci-dessous :

Graphique 47. Production annuelle de déclarations royales, 1739-1788.

93Le contexte politico-religieux évoqué précédemment avec notamment le bannissement des Jésuites en 1763, explique les pics.

- Les autres actes royaux

94Les arrêts du Conseil d’État du roi sont des décisions du roi prises en son Conseil. Ils sont deux fois moins nombreux que les précédents actes, mais la moitié intéresse Toulouse. Quatre d’entre eux sont relatifs à l’administration de la ville à partir de 1778, tel l’Arrest du Conseil d’Etat du Roi, Portant nouveau Règlement, Pour l’administration Municipale de la Ville de Toulouse,imprimé par Rayet en 1780. Selon nos relevés, la production d’arrêts du Conseil d’État est très irrégulière, avec 26 années sans impression et très peu d’arrêts certaines années : 3 en 1765 et 1772, 4 en 1744 et 1788.

95Encore moins nombreuses, les ordonnances du roi sont des textes règlementaires émanant du roi portant sur une question particulière ; ainsi, quatre ordonnances datées de 1748, 1749, 1763 et 1780, concernent le Règlement pour la Compagnie du Guet. Deux sont relatives aux milices, en 1743 et 1748, et une autre s’adresse aux « nouveaux convertis » du Languedoc, en 1750.

96Ces différents actes se conjuguent parfois la même année et expliquent certains pics de production, tels ceux de 1764, 1765, 1776, 1778 et 1779, comme on le voit ci-dessous :

Tableau 50 bis. Pics de production des actes royaux, 1739-1788

- Les imprimeurs du roi

97Quels étaient les principaux imprimeurs des actes royaux ? La famille Lecamus-Pijon domine cette part de marché. Claude-Gilles Lecamus (1739-1751), son gendre Bernard Pijon (1752-1760), sa fille, la veuve de Bernard Pijon (1761-1770) et son petit-fils, J.-A.-H.-M.-B. Pijon (1770-1788), indiquent tous dans leurs adresses « seul imprimeur du Roi ». Claude-Gilles Lecamus a imprimé 68 actes royaux, soit 5,6 titres en moyenne par an. Bernard Pijon n’en a imprimé que 36, soit 4,5 par an ; sa veuve 78, soit 8,6 par an. J.-A.-H.-M.-B. Pijon, bien qu’ayant produit 122 arrêts, ne dépasse pas le rythme de production annuel de sa mère, soit 6,7 titres par an.

Graphique 48. Production d’actes royaux par imprimeur

  • 26 LABARRE Albert, « Sur l’éminente dignité des "pièces" », Revue française d’histoire du livre..., o (...)

98On lit habituellement que les actes royaux étaient « répercutés dans les grandes villes du royaume, avec attache de l’intendant, par les imprimeurs du Roi, qui y exerçaient26 ». Mais nos statistiques montrent que d’autres imprimeurs qui n’avaient pas le titre d’imprimeur du Roi, tels que Joseph Dalles, Jean-Joseph Desclassan, Jean-Henri Guillemette ou Jean-Florent Baour pouvaient imprimer des actes royaux. Était-ce à la suite d’un arrangement avec les imprimeurs du roi, alors que ceux-ci avaient trop de travail ? Nous ne pouvons apporter de réponse sûre.

  • 27 LABARRE Albert, « Imprimerie et commerce du livre à Lille… », Le livre et l’historien..., op. cit. (...)

99Quelle était l’importance de ces tirages pour les imprimeurs toulousains ? Nous n’avons pas de chiffres concernant Toulouse mais ceux fournis par Albert Labarre pour Lille donnent une idée précise de la quantité des impressions. Avant la Révolution, une des spécialités des six imprimeurs lillois était la publication des actes administratifs : « le tirage de chacun était faible, probablement entre 50 et 500 exemplaires et leur volume fort mince27 », écrit l’auteur.

100Considérons à présent une autre catégorie d’actes officiels : les arrêts du Parlement de Toulouse.

b) Les arrêts du Parlement de Toulouse

  • 28 BARBICHE Bernard, Les institutions de la monarchie française..., op. cit., p. 346.

101Créé en 1420 et confirmé en 1443, le Parlement était plus qu’un simple organe d’enregistrement des actes royaux ou qu’une simple cour d’appel jugeant en dernier ressort au nom du roi. Il avait des compétences politiques, judiciaires et administratives qui s’étendaient à l’ordre public. Il avait des attributions de police générale et rendait des arrêts de règlement, qui adaptaient les principes généraux du droit aux nécessités locales. « Les arrêts de règlement étaient une forme de participation à la législation et à la règlementation royales28 » ; c’est la raison pour laquelle nous les avons regroupés dans la même rubrique que les actes royaux.

102Au XVIIIe siècle, ces arrêts étaient généralement imprimés, et nous conservons 210 arrêts de la « souveraine cour du Parlement de Toulouse ». Ces arrêts de règlement n’étaient applicables que dans le ressort du parlement et portaient sur de nombreux aspects de la vie locale (comme d’ailleurs les ordonnances des capitouls).

103Les arrêts de règlement recensés concernent peu le maintien de l’ordre et de la moralité, à quelques exceptions près, comme l’Arrest de la Cour de Parlement de Toulouse du 6 mars 1776 concernant les Femmes et Filles de Joye, ou celui du 20 décembre 1776 qui fait défenses aux écoliers étudiants dans l’université de Toulouse de s’assembler et de s’attrouper dans les rues, places publiques ou ailleurs. En revanche, ils règlementent les jeux, tel celui 20 mars 1769, qui défend de faire et permettre des loteries, et ils statuent sur le port d’armes et la chasse, comme le 16 mars 1768.

104Le Parlement réglemente la vie économique de son ressort et prend des mesures sur le commerce de grains, la circulation des farines, les glanages, la vente de la paille ou le transport du bois à brûler ou du charbon. Face à la maladie épizootique des bestiaux, un Arrest du Parlement, Du 12 décembre 1774, défend d’en tuer, à moins qu’ils n’ayent été jugés n’être pas propres à la culture des terres. Il s’occupe de la santé publique et de la gestion des hôpitaux ; deux arrêts portent sur l’administration de l’hôpital général Saint-Joseph de la Grave, un troisième sur celle de l’Hôtel-Dieu. Plusieurs autres arrêts concernent la subsistance des pauvres.

105La gestion des collèges du ressort relève également de ses compétences : le collège de Foix est réglementé par un arrêt du 30 mai 1775 ; le collège de Pélegri, réuni à celui de Saint Martial le 12 septembre 1776.

106Enfin, avec les capitouls, le Parlement statue sur l’administration municipale. Deux exemples le prouvent en 1783 et en 1785, où il homologue des ordonnances de police rendues par les capitouls.

107Les attributions réglementaires et administratives qui transparaissent dans les actes du Parlement ne doivent pas occulter ses attributions judiciaires. Le parlement exerçait la justice ordinaire en dernière instance. Dix arrêts sur 210 le rappellent, dont celui du 17 juin 1741, Rendu à la Requête de Me. Jean-Baptiste Vignau, Tuteur du Sieur Jean-Paul Carlès, contre Me. Abadie, Prêtre, ou celui du 3 juillet 1753, condamnant « la nommée Plaindous, dite Coutine, à être penduë, pour avoir recélé sa grossesse & étouffé son Port ».

  • 29 Chapitre 2.
  • 30 Condamnations du Parlement en Annexe 15.

108Enfin, le Parlement jouait un rôle majeur dans la police du livre, que nous avons présentée au chapitre 2. Il avait le pouvoir de supprimer ou de condamner au feu tout écrit contraire à la « norme » : ouvrages protestants, jésuites ou hostiles au gallicanisme. 42 arrêts ordonnent la suppression ou la condamnation d’un écrit, soit 20 % des plaquettes parlementaires, l’apogée de ces condamnations se situant entre 1750 et 1760, au moment des mesures contre les jansénistes et contre les jésuites, comme nous l’avons montré précédemment29. Entre 1739 et 1788, seize arrêts du parlement ont condamné au feu des ouvrages, dont, entre autres, le 1er mars 1776, une brochure intitulée Mémoire prouvé par les faits sur la mauvaise administration du Corps de Ville de Toulouse qui critiquait l’administration de la ville. La condamnation d’ouvrages n’est pas régulière ; en temps de crise, elle suscite la publication de nombreux arrêts, et cette augmentation est visible sur l’histogramme de l’évolution de la production d’arrêts du Parlement ci-dessous30.

109La production annuelle moyenne d’arrêts du Parlement s’élève à 4,2 mais elle est irrégulière, comme celle des actes royaux. Il n’y a pas eu de production conservée durant six années et trois clochers se distinguent, avec une production avoisinant ou dépassant dix arrêts annuels.

110En premier, le tiers de la production annuelle de 1753 et, les quatre dixièmes en 1754, sont des arrêts condamnant des ouvrages. En second, dix condamnations d’ouvrages se conjuguent aux sept arrêts contre les Jésuites pour expliquer la hausse de la production parlementaire entre 1762 et 1764. Enfin, l’augmentation du nombre d’arrêts en 1775 trouve son explication dans une conjoncture nouvelle, liée d’une part, au retour du Parlement, et d’autre part à l’apparition d’une maladie épizootique des bestiaux. Il n’y a cette année-là qu’une condamnation d’un libelle, intitulé Observations sur la situation actuelle de M. de Niquet, Premier Président du Parlement de Toulouse. Entre 1775 et 1788, le reflet éditorial de l’activité réglementaire du Parlement diminue très rapidement, surtout dans les années qui précèdent la Révolution. Est-ce une diminution de la production conservée ou une baisse réelle de l’activité parlementaire ?

Graphique 49. Production annuelle des arrêts du Parlement de Toulouse, 1739-1788

111Quels étaient les principaux imprimeurs du Parlement ? La famille Lecamus-Pijon a pratiquement le monopole de ce secteur, comme le montre le graphique ci-dessous.

112Nous avons retrouvé 32 plaquettes imprimées par Claude-Gilles Lecamus (1739-1751), ce qui représente une production annuelle moyenne de 2,6 arrêts. Son gendre Bernard Pijon (1752-1760), en lui succédant, poursuivit les impressions pour le Parlement, dont le nombre augmenta : 40 arrêts répertoriés, soit une production annuelle de 5 titres. Sa veuve, Pétronille Lecamus (1761-1770), continua à travailler pour le Parlement ; elle imprima, outre le Calendrier de la Cour de Parlement, 54 arrêts, soit une production annuelle de 6 plaquettes. Son fils, J.-A.-H.-M.-B. Pijon (1770-1788), imprima 54 arrêts, soit 3 titres par an, mais alors la production parlementaire déclinait.

Graphique 50. Production d’arrêts du Parlement par imprimeur

c) Les textes officiels municipaux

- Les ordonnances des capitouls

• Diversité des ordonnances
  • 31 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 67.
  • 32 LAFFONT Jean-Luc, Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, thèse d (...)
  • 33 LAFFONT Jean-Luc, « La production réglementaire des capitouls de Toulouse, sous l’Ancien Régime »,(...)
  • 34 Ibid., p. 496.

113L’administration de la ville incombait aux Capitouls : « En vertu de leur pouvoir de police ils étaient habilités à réglementer tous les aspects de la vie commune des Toulousains31 ». Pour ce faire, ils prenaient des « actes réglementaires ayant force exécutoire32 » : les ordonnances. Leur structure est simple : « outre le protocole initial, trois grandes et inégales parties : l’exposé, le dispositif et la clause exécutoire33 ». Sous le vocable d’ordonnances de police « les capitouls faisaient entrer trois types d’actes : l’ordonnance de police proprement dite (qui est introduite par des réquisitions du syndic ou des gens du roi), l’ordonnance faite de l’autorité des capitouls et l’ordonnance portant condamnation contre un ou plusieurs particuliers (elle prend le nom de sentence)34 ».

114Elles pouvaient se présenter sous forme de placards ou sous forme de plaquettes in-4° ; ce sont ces dernières, au nombre de 132, commandées le jour même ou dans les jours qui suivent la publication de l’ordonnance en placard que nous étudierons dans cette partie.

  • 35 LAFFONT Jean-Luc, Policer la ville..., op. cit., p. 899-900.

115Pour cerner la diversité de ce corpus, nous avons utilisé la typologie établie par Jean-Luc Laffont, qui classe les ordonnances selon quatre grands thèmes : encadrement économique, encadrement administratif, encadrement idéologique et social et encadrement policier35. 54 ordonnances réglementent la vie économique : elles concernent la vente du foin, le transport du bois à brûler, la circulation des grains ou la qualité de la viande de boucherie, et fixent les prix, comme l’Ordonnance de Messieurs les Capitouls de Toulouse, Du 12 Mars 1772, Portant fixation du Prix de l’Affenage des Chevaux, de la Livre de Foin, et du Louage des Chevaux et qui renouvelle les Règlemens concernant les Rateliers des Aubergistes et Affeneurs.

116Cinquante deux autres ordonnances concernent l’encadrement policier de la population. Trois sentences judiciaires des Capitouls de 1768, 1772 et 1781, figurent dans le corpus, nous avons relevé celle 4 Juin 1768, « qui condamne Pierre Dayde, Porteur de Chaise, accusé du Vol des Tuteurs et Buissons des Arbres de la Promenade du Quai, à tenir Prison close durant quinze jours, avec défenses de récidive sous des peines corporelles ». Les « fauteurs de troubles » sont surveillés, comme « les étrangères de mauvaise vie, ou les Mendians étrangers, valides ou invalides, de l’un et l’autre Sexe », les « Vagabonds » et « Gens sans aveu ». Les spectacles, les jeux sont étroitement contrôlés. La circulation, notamment des porteurs de chaises, donne lieu à plusieurs ordonnances. La propreté des rues est une préoccupation constante des capitouls. Dix-sept ordonnances concernent l’encadrement idéologique et social. Les capitouls invitent les Toulousains aux fêtes et funérailles qui sont alors facteurs de cohésion sociale. Le 29 août 1774, ils convoquent les « Nobles Habitans de la Ville, possédans Fiefs ou Arrière-Fiefs, pour assister aux Obsèques du Roi Louis XV » ; le 9 juin 1777, ils organisent les « Réjouissances, pour l’Arrivée, dans cette Ville, de Monsieur », frère du roi Louis XVI. Sept ordonnances seulement concernent l’encadrement administratif.

• L’évolution des ordonnances
  • 36 Dans notre DEA, nous avons étudié « la production de Claude-Gilles Lecamus pour les Capitouls » (1 (...)
  • 37 Les États des impressions faites par ordre de Messieurs les Capitouls de Toulouse, par le sieur Le (...)
  • 38 État des impressions pour les Capitouls, en 1759, AMT, CC 2787, fol. 91.

117Dans notre étude, la production des capitouls primant sur le contenu, nous étudierons à présent la fréquence des ordonnances en cahier in-4° entre 1739 et 1788. L’histogramme met en évidence l’absence, quasiment, de production d’ordonnances en format in-4° jusqu’en 1759 ; elle est attestée dans les États des impressions pour les Capitouls36 qui mentionnent uniquement des « copies d’ordonnance de Messieurs les Capitouls du… en grand placard37 ». En 1759, deux ordonnances des capitouls, en « deux cahiers in-quarto », sont commandées pour être distribuées avec les placards correspondants : le 21 février 1759, « 400 exemplaires d’ordonnances concernant la voierie, en double placard, 2 feuilles papier lombard collées » sont commandées, suivis de « 500 exemplaires d’ordonnances no 7 (concernant la voirie) en trois cayers in-4°38 ». Ce tirage était exceptionnel ; cependant, nous retrouvons une nouvelle demande, datée du 29 avril, pour « 100 exemplaires d’ordonnances concernant la voierie en une feuille ou deux cayers in-4° ».

Graphique 51. Production annuelle d’ordonnances in-4° pour les capitouls.

  • 39 Ibid., en 1771 et 1772, AMT, CC 2803, fol. 165, fol. 257 ; en 1773, AMT, CC 2807 fol. 39 ; en 1777 (...)

118Progressivement, dans les années qui suivent, les demandes d’ordonnances en cahiers se multiplient pour une meilleure diffusion de l’information. Quelques sondages dans les Pièces à l’appui des comptes montrent, d’une part, que le tirage d’ordonnances en cahiers in-4° n’est pas systématique, et que, d’autre part, leur conservation est assez bonne, quoique variable selon les années : en 1771, sur les 13 ordonnances en placard imprimées, 9 ont été retirées en in-4° et sont conservées ; en 1772, sur 15 placards, 13 ont été imprimées en cahiers et 12 sont conservées ; en 1773, sur 10 placards imprimés, cinq ont été tirés en in-4° et ont été conservés ; en 1777, sur 8 placards, quatre ont été réimprimés en plaquettes et ont été retrouvés ; en revanche, en 1781, sur 29 commandes d’ordonnances, 15 ont également été commandées en plaquettes in-4°, nous n’en avons retrouvé que cinq39.

  • 40 BARTHÉS Pierre, « Les Heures perdues », dans LAMOUZÉLE Edmond, Toulouse au XVIIIe siècle..., op. c (...)

119De 1762 à 1788, la production annuelle conservée est généralement inférieure à 5 plaquettes. Quelques pics se repèrent néanmoins. Le premier en 1766 : sur les dix ordonnances imprimées cette année-là, huit concernent l’encadrement économique, telles celles du 13 juin et 3 juillet sur les mesureurs de grains, du 11 septembre sur les courtiers en grains. Pierre Barthès, dans ses Heures perdues, explique à propos du texte du 13 juin que « l’ordonnance des Capitouls supprime une quantité indéfinie de mesureurs de blé de cette ville, et cela pour essayer de détruire les fraudes qui se commettent dans ce métier, tant contre l’acheteur que contre le vendeur40 ».

  • 41 Ibid., p. 331.
  • 42 Ibid., p. 325.
  • 43 Ibid., p. 322.

120En 1771 les Capitouls prennent neuf ordonnances dont six concernent l’encadrement économique, mais rien qui laisse voir « l’excessive cherté des choses, même les plus viles, depuis le blé jusqu’au persil41 » décrite par Pierre Barthès ; les autres sont relatives à la police des étrangers, aux divers Droits payables au Directeur du Bureau d’Adresse des Domestiques et à la translation du buste et des Reliques de Saint Orens dans l’église Saint-Sernin, enfin à l’ordre des pavillons aux processions du 17 mai en l’honneur de la « délivrance de Toulouse de la fureur des huguenots en 157242 », et de la Pentecôte. On en trouve l’écho chez Pierre Barthès qui décrit la procession de « la translation du buste et de reliques de St-Orens43 ». En 1772, douze ordonnances capitulaires sont imprimées : sept concernent le vie économique, une intéresse les maîtres tourneurs qui doivent porter un pavillon lors de processions. Le nombre d’ordonnances de police (trois) – dont une enjoint à tous les habitants de la ville de ne circuler nuitamment qu’en portant de la lumière, ou du feu – est plus élevé qu’habituellement, ce qui, ajouté à une sentence des capitouls, peut expliquer ce pic de production. Le détail de cette sentence aide à cerner les pouvoirs des Capitouls : le 16 mars 1772, ils condamnent deux femmes qui avaient fait scandale dans l’église Saint-Étienne, à assister à une messe dans cette église et à verser chacune cent sols d’aumône pour les pauvres de la paroisse.

121L’absence de production d’ordonnances en plaquettes en 1780 peut-elle s’expliquer par les modifications dans la composition et le fonctionnement des divers conseils de la municipalité en 1778 et 1780 ?

  • 44 LAFFONT Jean-Luc, « La production réglementaire des capitouls… », op. cit., p. 510.

122Comment expliquer la baisse brutale à partir de 1784 ? Les États des impressions pour les Capitouls pour la veuve Guillemette, en 1784, n’apportent pas de réponse car ils ne précisent pas si les 25 ordonnances imprimées étaient en placard ou en in-4°. Cependant Jean-Luc Laffont met en évidence, au contraire, « une vigoureuse poussée du nombre d’ordonnances pendant la décennie qui précède la Révolution », et il ajoute « jamais l’activité réglementaire de l’Hôtel de ville ne fut aussi intense que dans les années 1780-178944 ».

- Les imprimeurs de la ville

  • 45 En 1707 et 1708, les impressions pour les capitouls ont été réalisées par l’imprimeur Calvet, sur (...)

123Quels ont été les principaux imprimeurs des capitouls, entre 1739 et 1788 ? Depuis 1710, les capitouls avaient pris l’habitude de recourir pour leurs impressions à l’imprimeur du roi, en l’occurrence à Claude-Gilles Lecamus45, et jusqu’à la Révolution ils continuèrent de s’adresser à la dynastie Lecamus-Pijon.

124En 1762, la veuve de Bernard Pijon portait le titre d’« imprimeur de la ville » ; elle a imprimé 48 ordonnances des Capitouls sous forme de brochure in-4°, soit une production annuelle de 5,3 titres. Son fils, J.-A.-H.-M.-B. Pijon, nommé imprimeur du roi en juillet 1771, devint alors « imprimeur de la ville », et il accéda au capitoulat de 1775 à 1778. Il édita 41 ordonnances, soit 2,2 titres en moyenne par année.

125Les autres imprimeurs travaillèrent peu pour les capitouls ; la production de Jean-Henri Guillemette, sur 25 années d’exercice, est inférieure à une impression par an (0,72). Celle de Jean Rayet, en 35 ans d’exercice, est encore plus dérisoire (un titre tous les cinq ans). Pendant la dernière décennie les capitouls n’ont pas eu recours à l’imprimeur du roi et de la ville. Leur choix se porta sur Jean Rayet (1781-1784), sur la veuve Guillemette (1781-1784) et sur Jean-Florent Baour.

Graphique 52. Production d’ordonnances capitulaires par imprimeur, 1739-1788

  • 46 LABARRE Albert, « Imprimerie et commerce du livre à Lille… », op. cit., p. 655.

126Peut-on connaître les tirages pour chaque imprimeur ? Tiraient-ils, comme à Lille, entre 50 et 500 exemplaires pour les brochures in-4°46 ? Les Pièces à l’appui des comptes donnent de précieuses indications quant aux tirages et aux tarifs demandés. Elles distinguent les impressions pour les capitouls en placard et en brochure. Le tirage habituel était une centaine d’exemplaires, et comme le dit Jean-Luc Laffont, « la centaine peut être considérée comme l’unité de mesure de la production éditoriale de l’administration capitulaire » ; les tirages supérieurs à 100 exemplaires suivent une lente évolution au cours du siècle.

  • 47 LAFFONT Jean-Luc, « La production réglementaire des capitouls… », op. cit., p. 522.

127Certaines ordonnances imprimées sous forme de brochures in-4° connaissent de forts tirages après 1770, qu’il faut mettre en relation avec le désir de diffuser la réglementation des capitouls, rendu possible par le développement de l’alphabétisation à Toulouse. Jean-Luc Laffont ajoute que l’inflation des tirages est liée au « développement de la pratique de fournir directement un exemplaire de l’ordonnance aux principaux intéressés, afin qu’ils ne puissent prétendre l’avoir ignorée47 ».

  • 48 AMT, CC 1582, fol. 448.

128D’après les Pièces à l’appui de comptes, les tirages habituels oscillent entre 100 et 200 exemplaires ; cependant, des ordonnances en cahiers in-4°, ont un très fort tirage dans les années 1780. Ainsi en 1781, 600 exemplaires d’une ordonnance sur les dizainiers sont demandés par les capitouls en cahiers in-4° (nous n’en avons pas retrouvé d’exemplaire) ; la même année, 2 000 exemplaires in-4° d’une ordonnance de 7 pages concernant les filles de joie sont commandés. Celle du 5 décembre 1781 Concernant les Filles ou Femmes étrangères de mauvaise Vie, les Hôteliers, les Cabaretiers et toutes Personnes qui logent des Etrangers a été tirée par la veuve de J.-H. Guillemette à 2 000 exemplaires48. Ces exemples existent mais restent exceptionnels.

129Le tarif des impressions diminue entre le milieu et la fin du siècle, comme le montre le tableau ci-dessous :

Années

Exemplaires d’ordonnances in-4°

Nombre de pages

tarifs

1759

100 ex. concernant la voirie

8

15 livres, « taxé » 8

1770

100 ex. portant sur l’établissement d’un bureau pour les nourrices

6

8 « prix fait »

1771

100 ex. concernant le bois à brûler

4

6 livres, « alloué » 5

1775

100 ex. concernant les assemblées de danse

3

6 livres, « alloué » 5

1777

100 ex. concernant les limonadiers

4

6 livres, « alloué » 5

1781

600 ex. concernant les dizainiers

7

28 livres

Sources : Pièces à l’appui des comptes, AMT
Tableau 51. Exemples de tarifs pratiqués par les capitouls pour les impressions in-4°

- Les devis pour les capitouls

  • 49 État des impressions pour les Capitouls, pour l’année 1746, AMT, CC 2770.
  • 50 État des impressions pour les Capitouls, pour l’année 1747, AMT, CC 2770.

130Les Archives municipales de Toulouse possèdent une importante série de devis de travaux qui aident à cerner les préoccupations de la municipalité. Entre 1739 et 1788, 108 devis ont été relevés. C’est un cahier des charges dressé par l’« Ingénieur et Directeur des travaux publics de la ville » qui décrit les travaux à faire et les conditions dans lesquels ils seront exécutés. « L’entrepreneur est tenu de… », « l’entrepreneur ne pourra demander aucune augmentation de prix » précisent les devis. Des affiches pour l’adjudication des travaux étaient placardées. Dans les États des impressions pour Claude Gilles Lecamus pour l’année 1746, les Capitouls demandent « 100 copies d’affiches pour l’adjudication des réparations de la classe de philosophie du collège de l’Esquille, en petit placard49 ». Le 6 avril 1747, ils commandent « 100 affiches pour l’adjudication des chemins qui sont autour de l’enceinte de la ville, en petit placard50 ». Les capitouls choisissaient l’entrepreneur qui signait un bail. « Les adjudications de la présente entreprise se feront sous la forme ordinaire dans le consistoire », lit-on.

  • 51 Cité par Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse…, op. cit., p. 48.

13139 s’intitulent « devis des réparations », 30 « devis instructif » et onze « devis pour ». Ils concernent d’abord les réparations d’édifices religieux, surabondants dans la ville selon le peintre espagnol Antoni Ponz, qui écrit qu’« il n’y a pas en France une autre ville qui contienne autant d’églises et de couvents que celle-ci51 » : l’église Saint-Michel, en 1754 et 1767, l’église Saint-Nicolas, en 1758 ; Notre-Dame du Taur, en 1768, ou l’église de Saint-Martin du Touch, en 1776. Les réparations portent également sur les presbytères, comme celui de l’église du Taur en 1778. Il faut également réparer les collèges, tel celui de l’Esquille, en 1764 et 1765, ou le collège de Maguelone, en 1779. Enfin, l’Hôtel de ville a été l’objet de travaux divers énumérés dans quatorze plaquettes : donjon, prisons, salle des Illustres, appartements, planchers et façade. La construction du « mur de face » a été réalisée entre 1750 et 1760, d’après les plans de Cammas. Dix ans après, de nouveaux travaux étaient envisagés selon le Devis instructif des Ouvrages à faire au grand avant-corps de l’Hôtel de Ville de Toulouse, qui fait la principale partie de la Façade de l’Edifice, et qui, par malheur, est orientée en plein mauvais temps, imprimé par J.-A.-H.-M.-B. Pijon en 1771.

  • 52 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 52

132On prévoit aussi la réfection de nombreux chemins : le chemin de Saint-Cyprien en 1754, le chemin de Peyriole en 1772, celui de Port-Garaud en 1787. Des promenades sont aménagées et plantées d’arbres, comme la Promenade du Quai, au Fauxbourgs Saint-Cyprien, depuis la descente du Pont-Neuf jusqu’à la Porte de Muret. Elles deviennent des lieux de détente pour les Toulousains, comme l’étaient déjà le Grand Rond et le cours Dillon52.

133Dès 1762 la municipalité envisage « des ouvrages à faire le long de la rivière Garonne, du côté du Port-Gareau et de la Bourdette » pour prévenir les inondations.

134La famille Lecamus-Pijon, « imprimeur de la ville », domine la production de devis comme celle des ordonnances pour les capitouls. Bernard Pijon a édité 17 devis (soit 2,1 impressions par année d’exercice). Sa veuve en imprime 36 (avec une moyenne de 4 impressions par année d’exercice). Son fils, J.-A.-H.-M.-B. Pijon, n’imprime que 19 devis en 18 années d’exercice, (soit à peine plus d’un devis par an).

135La production de Jean Rayet (1779-1781) et celle de la veuve de Jean-Henri Guillemette (1783-1784) sont quantitativement comparables (10), mais représentent une production moyenne par année d’exercice de 3,3 plaquettes pour le premier, de 5 pour la seconde.

  • 53 État des impressions pour les Capitouls, année 1773, AMT, CC 2807, fol. 39.

136Les Pièces à l’appui des comptes donnent les tirages et les tarifs : par exemple en 1773, pour « 100 exemplaires d’un devis pour le comblement d’un creux près de la Bourdette 1 cahier, in-4° St Augustin » la veuve de Jean-Henri Guillemette demande 6 livres, les capitouls lui en allouent 3. La même année, pour « 300 exemplaires de devis pour un prix proposé par la ville pour reconstruire son hôtel 1 cahier in-4° cicero », 15 livres sont demandées, 12 livres allouées53.

  • 54 Procès verbal de l’administration municipale pour l’année 1787, BMT, Fa B 45.
  • 55 Procès verbal de l’administration municipale pour l’année 1788, BMT, La B 57 (4).

137Ainsi, les imprimeurs de la ville cumulaient pour la municipalité des impressions diverses : ordonnance pour les capitouls et devis. Le Procès verbal de l’administration municipale pour l’année 1787 indique le coût des impressions de Baour pour la ville depuis le 1er janvier 1787 jusqu’au 30 juin suivant : 990 livres 5 sous 10 deniers54 ; du 1er juillet 1788 au 31 décembre suivant : « la commission des affaires économiques […] a reconnu que le prix est conforme au taux fixé par le traité fait entre l’administration et le dit Baour le 3 fev 1786… somme 1 227 livres 17 sous55 ».

d) Les autres plaquettes de la catégorie Droit

138Écrasées par la domination des actes officiels, 104 autres plaquettes ont été classées dans la catégorie « divers Droit ».

139Quinze « statuts » apparaissent dans le corpus. Ce sont les statuts professionnels des communautés des tourneurs, brodeurs, menuisiers, ou orfèvres, mais aussi les statuts de sociétés, tels les Statuts de la Société des Beaux-Arts de Toulouse, autorisez pour trois ans par le Corps de ladite Ville, le 20 juin 1749, ou les Statuts et Ordonnances du Moulin du Bazacle, corrigés en 1787.

140Treize « règlemens » ont été relevés : règlements relatifs aux académies, tel le Règlemens pour l’établissement d’une Société des Beaux Arts, & pour la Distribution des Prix que la Ville a accordé annuellement à la Peinture, à la Sculpture & à l’Architecture, imprimé en 1746 ; un autre relatif au Musée de Toulouse en 1785 ; un autre intéressant les droits de transport sur le canal de jonction des Mers, en 1763 ; d’autres, enfin, sont des réimpressions de règlements anciens comme celui concernant les enfants dans les hôpitaux, en 1777.

141On trouve également des « tarifs », comme le Tarif général des droits d’octroi et revenus patrimoniaux de la ville de Toulouse avec le bail général d’adjudication de la Ferme, pour les années 1751, 1758, 1781, 1782, 1783, ou le Tarif des droits de la Chatellenie de Canal de communication des mers en Languedoc, imprimé en 1764.

142Dans cet ensemble disparate relevant du « Droit », on remarque encore quatre baux, dont le Bail de la vente exclusive de la viande pour l’approvisionnement de la Ville, Fauxbourgs et Gardiage de Toulouse, imprimé par Jean Rayet en 1780.

143De par son hétérogénéité, nous n’avons pu nous livrer à une étude détaillée de cet ensemble.

144Abordons à présent la catégorie « Belles-Lettres », qui, au rayon des livres, représente, on l’a vu plus haut, 20 % de la production recensée.

2- Les Belles-Lettres

14517,2 % plaquettes appartiennent à la catégorie « Belles-Lettres ». On y distingue trois ensembles inégaux : des pièces de circonstance, des textes littéraires, surtout poétiques, et des brochures de théâtre.

a) Les pièces de circonstance

  • 56 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 272.

146Trente quatre pièces de circonstance relatant des événements d’actualité figurent dans le corpus. Huit concernent la famille royale et les événements heureux ou malheureux qui la touchent : deux d’entre elles relatent les fêtes organisées à Toulouse et à Muret, en 1744, pour la convalescence du Roi ; deux autres décrivent les pompes funèbres célébrées pour le décès du Dauphin Louis en 1766 et pour celui Marie Leszcynska, reine de France, en 1768. Ces événements donnaient lieu à des fêtes ou des cérémonies religieuses qui « soudaient la population autour du pouvoir royal, de l’Église catholique et de la municipalité56 », et les imprimés entretenaient cette cohésion.

147Il en est de même pour les victoires françaises relatées dans une quinzaine de plaquettes. Cinq évoquent des succès lors de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), comme la Relation exacte et détaillée de la Bataille de Fontenoy imprimée par Gaspard Hénault en 1745, une des huit plaquettes consacrées à cette victoire. Deux concernent la guerre de Sept Ans (1756-1763), telle la Relation historique de la prise de Minorque, des Port-Mahon et Fort Saint-Philippe, envoyée par un officier de l’armée qui raconte les premières victoires sur les Anglais. De 1779 à 1781, cinq brochures relatent les victoires françaises dans la guerre d’Amérique : la Relation de la prise de l’armée De Cornwalis, Des heureux succès de M. le Comte de Grasse près d’York-Town, publiée par Dominique Desclassan, évoque la défaite anglaise au cours de la bataille de la baie de Chesapeake et le blocus des côtes, jusqu’à la reddition de lord Cornwallis, qui allait permettre l’indépendance des États-Unis.

148Ces plaquettes ont donc diffusé des informations vantant le mérite des troupes françaises, en faisant office de gazettes et en donnant aux Toulousains des pages d’« histoire immédiate ». Les victoires des armées royales étaient ensuite célébrées dans la ville.

149En 1745-1746, trois brochures, imprimées par Claude-Gilles Lecamus, relatent la Proclamation de Jacques III, roi d’Ecosse et d’Irlande ainsi que la tentative de Charles-Édouard Stuart pour reconquérir le trône d’Écosse.

150Hormis les épisodes valeureux des troupes en guerre, quelques informations concernent les colonies quand un événement remarquable s’y produit, comme les tremblements de terre qui se sont fait ressentir avec toute la violence inimaginable, cette année 1751, dans toute l’Isle de St Domingue et leurs funestes effets.

151Les pièces de circonstance évoquent aussi des événements locaux, comme le Verbal Concernant l’Inondation arrivée à Toulouse le 17 septembre 1772, ou le Procès-Verbal de ce qui s’est passé à l’occasion de l’arrivée de Monsieur Frère du Roi, en 1777.

152À côté de ces pièces essentiellement informatives, 47 pièces littéraires ont été composées pour des occasions diverses. 23 d’entre elles sont des poésies, tels l’Epithalame sur le Mariage de Monseigneur le Dauphin et de la Sérénissime Infante Thérèse d’Espagne composé par le père Théodore Lombard en 1745, ou les Vers sur la Bataille de Fontenoy. On repère huit odes, parmi lesquelles l’Ode pour la réintégration du Parlement, en 1775. Une plaquette en gascon, l’Alleluya rouyal, par F. Duber, célèbre l’arrivée de François de Bastard comme premier président du Parlement en 1761. Des oraisons funèbres ont également été imprimées, pour, par l’écrit, immortaliser l’événement : ainsi, l’Oraison Funèbre de Monseigneur Louis, Dauphin, prononcée le 26 avril 1766, par l’abbé de Saint-Paulet.

153Ces textes de circonstance aident à la diffusion de l’information dans l’élite toulousaine.

b) Les pièces littéraires

154À côté des poèmes et des discours de circonstance, on compte une trentaine de pièces « littéraires » diverses, parmi lesquelles les Lettres de Cicéron, en latin, réimprimées pour la jeunesse en 1741. Lou Catounet gascoun. Boudat a Mousseigne de Fontarailles, de Guillaume Ader, est réimprimé chez Sébastien Hénault, en 1774. On trouve encore une fable anonyme, Les lionceaux et l’Ours, éditée par J.-F. Baour, et un Essai littéraire sur l’histoire romaine, depuis la fondation de Rome, jusqu’à la destruction de la République, par les écoliers de rhétorique du grand collège de la Compagnie de Jésus, imprimé en 1743.

155Les discours sont nombreux. Les académies organisaient régulièrement des concours, comme en témoigne celui proposé par l’Académie des Jeux floraux, en 1770, sur l’Eloge historique de Jean-Etienne Duranti, Premier Président. On conserve trois éloges composés pour cette occasion : un de Garren, un autre de Ponsard, tous deux avocats au Parlement de Toulouse, mais c’est celui de Baragnon, avocat au parlement de Paris, qui remporta le prix. La Conférence de charité des avocats au Parlement s’acheva le samedi 6 septembre 1783 par l’Éloge de Jean-Baptiste Furgole, avocat au Parlement de Toulouse, prononcé par Barère de Vieuzac. Les imprimeurs toulousains éditaient même les discours prononcés à l’ouverture des États de Languedoc à Montpellier, comme en 1769. Sur les douze discours relevés, sept ont été prononcés entre 1780 et 1788, comme si ce genre devenait de plus en plus prisé. Le sujet du discours qui a remporté le prix de l’Académie des Jeux floraux en 1784 sur La grandeur et l’importance de la Révolution qui vient de s’opérer dans l’Amérique septentrionale, par M. Mailhe, avocat au Parlement, confirme l’intérêt des Toulousains pour ce qui se passait à l’extérieur de leur ville.

156Les plaquettes ne diffusent donc ni de grands textes, ni des textes de fond, mais essentiellement des pièces de circonstance et d’intérêt local. En 1771, un texte à vocation pédagogique apporte une touche de fantaisie : Amuseman agreable et utile, choisi dan les ouvrage des auteurs les plus celebres, anciens et modernes, d’une certaine veuve Solles. Mais c’est surtout dans les brochures de théâtre que l’on rencontre le divertissement et le rire.

c) Les pièces de théâtre

  • 57 GOZARD Laurence, La vie théâtrale..., op. cit., p. 165.

157Dans le chapitre six, nous avons rappelé l’importance du théâtre pour les Toulousains et l’abondante production de pièces de plus de 48 pages qui en découle. Cent autres pièces plus courtes, de moins de 48 pages, ont été cataloguées dans les plaquettes ; elles présentent quelques différences avec les précédentes, dans l’aspect et dans le genre. Moins épaisses, ce sont des brochures, souvent abîmées par les manipulations. 55 % d’entre elles sont des comédies, de purs divertissements, qui peuvent prendre des formes diverses ; on rencontre des « comédies-ballets », une « comédie-féerie », deux « comédies-proverbes » et une « comédie-lyrique ». 23 comédies sont « mêlées d’ariettes », c’est-à-dire de morceaux de musique ; elles progressent au cours du siècle ; on peut y adjoindre trois « divertissements » et une « pièce épisodi-comique » s’intitulant Les Caprices de Proserpine, ou les Enfers à la Moderne. Neuf opéras, dont quatre sont qualifiés d’« opéra-comique » et trois d’« opéra-bouffon », complètent la liste des divertissements ; il s’agit d’un spectacle, hérité des « comédies à ariettes », mêlant musique et paroles. L’auteur le plus célèbre en est Favart dont les opéras-comiques sont de véritables comédies chantées57. Rappelant les créations chères au siècle de Louis XIV, on remarque quatre ballets : « comédie-ballet », « ballet héroïque », « grand ballet », « ballet allégorique ».

158Dans les années 1780, deux parodies sont réimprimées à Toulouse, traduisant une évolution du registre comique : Les Rêveries renouvelées des Grecs, Parodie d’Iphigénie en Tauride, par Favart et Guérin, en 1784, et La Veuve de Cancale, Parodie de la Veuve du Malabar, en trois actes et en vers, par Parisau, en 1786.

  • 58 Ibid., p. 163.
  • 59 Ibid., p. 163.

159À partir de 1774, Jean-Florent Baour imprime des drames. Il s’agit en fait de comédies « larmoyantes » écrites en prose. Diderot en fit l’apologie dans ses Entretiens (1757) : entre le ridicule de la comédie et la passion de la tragédie, il voulait un genre nouveau, représentant des gens ordinaires58. Sept drames, dont cinq au moins ont été représentés à Paris, sont imprimés à Toulouse, tel Le Comte d’Albert, Drame en Prose et en vers, mis en musique. Représenté à Fontainebleau, le 13 novembre 1786 ; & à Paris, le 8 février 1787, par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi. Les paroles, par M. Sedaine ; la musique, par M. Gretry. Le drame bourgeois n’eut pas un succès durable à Paris, « ils se réfugia en province à partir de 1770, les pièces de Mercier, comme La Brouette du vinaigrier (1775) n’atteignirent la notoriété qu’en province59 » ajoute Laurence Gozard.

160Les tragédies n’occupent que 16 % du corpus, alors qu’elles représentent presque la moitié des pièces de plus de 48 pages. Il y a même parfois confusion des genres, comme dans La mort de Bucéphale, Tragédie pour rire, et Comédie pour pleurer, en un acte et en vers, Par feu M. P. Rousseau de Toulouse, imprimée en 1786. Cette tragédie burlesque est la seule de son auteur qui n’obtint pas qu’un succès éphémère.

161Si une différentiation dans le type de pièces imprimées s’observe selon qu’il s’agit de livres ou de plaquettes, une autre évolution est sensible dans les plaquettes, avec le recul des tragédies, l’apparition des drames et l’affirmation de la comédie.

162La description de cette évolution sera brève étant donné l’apparition tardive des pièces de théâtre dans les impressions toulousaines. Dans notre corpus, la première pièce de théâtre qui ait été imprimée chez Pierre Robert, en 1754, est une œuvre toulousaine composée par le R. P. Isaac-Jean Badon, de la Compagnie de Jésus, professeur de rhétorique : Pastorale héroïque, à l’honneur du Roi, ornée de ballets, Réprésentée le jour de la Distribution des Prix, Devant Messieurs les Capitouls, qui en sont les fondateurs. Cette pièce mettant en scène des bergers et « ornée de ballets » est en fait un texte de circonstance monté pour la distribution des prix du collège des Jésuites. Entre 1754 et 1758, quatre pièces seulement ont été conservées ; de 1754 à 1774, aucune ne figure dans le corpus. En 1774, Jean-Florent Baour réimprime quatre pièces, son répertoire est varié : une tragédie, Rhadamisthe et Zénobie, de Crébillon ; une comédie-ballet, mêlée de chants et de danses, Zémire et Azor, de Marmontel ; un opéra-comique, mêlé d’ariettes, Le Tonnelier, et un drame cinq actes et en vers libres, Le Vindicatif, représenté pour la première fois, par les Comédiens français ordinaires du roi le 2 juillet 1774. En 1777, Baour publie quatre autres pièces, trois comédies et une tragédie de Voltaire, Don Pedre, Roi de Castille. En 1780, Jean-Baptiste Broulhiet se porte « acquéreur du fonds de Baour » ; c’est véritablement le début de l’essor de pièces de théâtre, comme on le lit sur l’histogramme ci-dessous. Bien qu’irrégulière, la production passe de 3 pièces en 1780 à 13 en 1788. En 1780, Broulhiet, libraire, fait réimprimer deux comédies et une tragédie, Jephté, Tragédie, Tirée de l’Ecriture Sainte, Par M. Boyer, de l’Académie Française. En 1781, il maintient la diversité des genres, en proposant, une tragédie, trois comédies et deux divertissements. De 1782 à 1788, le nombre de tragédies devient proportionnellement moins important que celui des comédies, se conformant aux goûts des Toulousains : en 1787 six comédies et deux tragédies sont vendues chez Broulhiet ; en 1788, treize comédies et deux tragédies.

Graphique 53. Production annuelle de pièces de théâtre et nombre de plaquettes, 1739-1788

d) Les imprimeurs des plaquettes de Belles-Lettres

163Qui imprimait les plaquettes de Belles-Lettres ? Sur l’histogramme ci-après, la production des imprimeurs de pièces de théâtre, mais aussi de pièces de circonstance et de pièces littéraires, apparaît.

Graphique 54. Production des plaquettes Belles-Lettres par imprimeur ou éditeur, 1739-1788

  • 60 Nadir, ou Thamas-Kouli-Kan, Tragédie. Par M. Du Buisson. A Toulouse, Chez Broulhiet, Libraire, Acq (...)
  • 61 Procès verbal de la visite et état de l’imprimerie de Toulouse, ADH, C 2810 (2).

164Nous savions déjà que Jean-Baptiste Broulhiet était le libraire spécialisé dans la vente de pièces de théâtre, nous avions noté, au chapitre précédent, qu’il avait édité 40 pièces de théâtre de plus de 48 pages ; il en édite 76 en plaquettes. Dès 1781, il inclut des « réclames » en fin de texte (ce qui ne se constate qu’une fois dans les pièces de plus 48 pages), qui soulignent le caractère plus populaire de ces brochures : « On trouve chez le même Libraire toute sorte de Pièces de Théâtre, tant anciennes que nouvelles60 ». Nous nous sommes demandé qui étaient les imprimeurs qui travaillaient pour lui. Deux brochures, imprimées en 1786, nous ont permis de le découvrir, cette année-là : in fine de Chacun son métier, les champs sont bien gardés de Dorvigny et de La Belle Arsène de Favart, nous avons relevé le nom de la veuve Douladoure. Elle venait de succéder à son époux, Jean-Joseph Douladoure (en exercice de 1759 à 1785), qui avait, d’ailleurs, imprimé des « pièces de théâtre à compte » en décembre 178461. Mais rien n’indique qu’il avait l’habitude de travailler pour Broulhiet.

165En février 1786, d’après les Procès-verbaux de visite et de l’état de l’imprimerie à Toulouse, la veuve Douladoure imprime, pour son compte « le Nouveau Testament » et des « pièces de théâtre » « pour M. Broulhiet ». On retrouve la mention de « comédies » « pour Broulhiet » en octobre, novembre et décembre 1786.

166Pourquoi la veuve Douladoure a-t-elle indiqué son nom sur les pièces de théâtre en 1786 et y a-t-elle renoncé par la suite alors que selon les procès-verbaux elle poursuit ses « pièces de théâtre » « pour M. Broulhiet Libraire » en février, mars et avril 1787, tout en en imprimant, pour elle, Le nouveau secrétaire de la Cour et des alphabets. Elle n’en imprimera à nouveau qu’en octobre 1788 où le mot « comédie » pour le compte de « Broulhiet » est indiqué.

167L’étude des Procès-verbaux de visite et de l’état de l’imprimerie à Toulouse, permet d’affirmer que la veuve Douladoure imprimait les pièces de théâtre pour Jean-Baptiste Broulhiet, entre 1786 et 1788, à un rythme très irrégulier ; ses presses occupées ainsi partiellement pendant quelques semaines, elle continuait ses propres impressions ; d’autres part, les Procès verbaux donnent la certitude que les imprimeurs des pièces de théâtre vendues par Jean-Baptiste Broulhiet étaient des étrangers à la ville, de 1783 à 1785.

168Revenons à la production de Belles-Lettres par les imprimeurs.

169La production de Jean-Florent Baour est plus diversifiée que celle de Jean-Baptiste Broulhiet, acquéreur du fonds de librairie de ce dernier : il imprime 19 pièces de théâtre ; quatre poèmes, comme Le Nouveau règne, ode à la nation par Dorat, en 1774 ; des Œuvres patoises en 1769, et le Catalogue des livres légués à la Faculté de Medecine par feu M. Jean-François de Labroquère en 1771.

170Claude-Gilles Lecamus publie entre 1742 et 1748 des pièces de circonstance concernant la famille royale et la guerre de Succession d’Autriche. De plus, en tant qu’imprimeur de l’Académie des Jeux floraux, il édite les discours qui y ont été lus, comme le Panégyrique de Louis quinze, prononcé dans la Salle de l’Hôtel de Ville de Toulouse le 9 janvier 1746, Jour de la Séance publique de l’Académie des jeux Floraux. par Monsieur Duclos, avocat au Parlement. En 1749, il annonce le Prix que la Société des Beaux-Arts propose à l’École de dessin.

171Nicolas Caranove édite lui aussi des pièces de circonstance entre 1742 et 1762. Comme Claude-Gilles Lecamus, il imprime des plaquettes concernant la guerre, notamment la bataille de Fontenoy : il imprime le Récit de la victoire remportée par Sa Majesté Louis XV sur les alliés le 11 de May, dans la plaine de Fontenoy, mais aussi trois poèmes composés autour de cet évènement dont celui de Voltaire. Entre 1745 et 1761, nous n’avons pas relevé d’exemple de production littéraire. En 1761, il publie un Poème sur la translation des Reliques de Saint Vincent martyr, dans la Chapelle de Messieurs les Pénitens gris de Toulouse, et en 1762 une plaquette de quatre pages en gascon, Alleluya rouyal, a l’aunou de l’arribado de Mounseignou Francés de Bastard, prémié présidén de Toulouso.

172Joseph Dalles imprime douze textes de circonstance, entre 1765 et 1784. Comme Claude-Gilles Lecamus, en tant qu’imprimeur de l’Académie des Jeux floraux, il édite les poèmes qui y sont primés, telle l’ode Sur le rétablissement du Parlement, qui a obtenu l’accessit, au jugement de l’Académie des Jeux Floraux, par le Père Villar en 1775. Il publie également le Discours prononcé à l’ouverture des Etats du Languedoc en 1769.

173Concernant les autres imprimeurs toulousains, on note que Jean-Henri Guillemette publie en 1759 L’absence et le retour de Flore, cantate allégorique composée à l’occasion du retour de Madame d’Etigniy dans le généralité d’Auch, et de petits poèmes comme Eglogue sur la naissance de notre Seigneur, mise en musique par M. Levens, Maître de musique de l’Eglise Métropolitaine Saint Etienne de Toulouse, et chantée dans ladite Eglise, l’année 1766. La seule production originale est en 1760 l’Apologie des trois feuilles littéraires par une dame de la ville, qui commente un nouveau périodique, la Feuille littéraire sur les Sciences et les Beaux-Arts, publiée par Jean Rayet, puis par Jean Auridan et Joseph Rellier, entre janvier et juillet 1760.

174En dépit de ce dernier exemple, la production littéraire dans les plaquettes se résume presque exclusivement aux pièces de circonstance et aux pièces de théâtre.

175Considérons, à présent, la production de plaquettes concernant la Religion.

3- La Religion

176Alors que les ouvrages religieux représentent 41,2 % des livres, les 98 plaquettes sur ce thème ne forment que 7,7 % du corpus.

a) Instructions de l’archevêque ou d’évêques

177L’archevêque de Toulouse ou l’évêque d’un diocèse écrivaient à leurs fidèles pour leur donner des instructions ou des ordres relatifs à la religion. Deux Ordonnances, cinq lettres pour les Jubilés et neuf Mandements ont été imprimés entre 1739 et 1788, tel le Mandement de Monseigneur l’Archevêque de Toulouse. Pour l’Ouverture du Jubilé de l’Année Sainte imprimé par Claude-Gilles Lecamus en 1745, tel encore celui relatif à la publication de l’Avertissement du clergé de France sur les dangers de l’incrédulité, imprimé par la veuve de Bernard Pijon en 1770. En 1774, trois Missae pro defunctis, de format in-2, sont publiées à la demande de l’archevêque de Toulouse et des évêques d’Elne et de Montauban afin de fixer la liturgie de la messe pour les défunts. Ces publications accompagnent l’importante production de bréviaires imprimés au même moment.

b) Les chants religieux

  • 62 PIC François, « Approche bibliographique de la littérature religieuse en occitan imprimée aux XVe- (...)
  • 63 Ibid., p. 561.
  • 64 CAMPROUX Charles, Histoire de la littérature occitane, Paris, Payot, 1971, p. 110.
  • 65 LAFONT Robert et ANATOLE Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, PUF, 1970 (...)

178L’essentiel des plaquettes relevant de la religion est constitué par des chants religieux. Aux côtés de deux Idyles héroïques sur la naissance de notre Seigneur Jésus Christ, imprimées en 1753 et 1754, de deux Hymnes sur la naissance de notre Seigneur Jésus Christ, parus en 1757 et en 1758, nous relevons trois Cantiques sur la naissance de notre Seigneur Jésus Christ, mis en musique entre 1762 et 1769. « Ces poésies, composées sur un sujet de religion, ne sont pas destinées à un usage liturgique mais à compléter l’instruction des chrétiens, à devenir le répertoire courant de chants populaires », précise François Pic au sujet des cantiques, en français comme en occitan62. De plus, 33 recueils de Noëls ont été répertoriés entre 1750 et 1785. « Ces Noëls sont des chants, avec ou sans refrain, en l’honneur de la naissance de Jésus63 », mais le genre a évolué et, la naissance de Jésus se situant dans une pauvre étable, ce sont, d’après Charles Camproux, « beaucoup plus souvent un hymne aux mille variations à la gloire des pauvres gens plutôt que des poèmes d’inspiration proprement religieuse64 ». Cette production était répandue en Occitanie, comme ailleurs en France et en Europe occidentale65.

  • 66 EYGUN Jean, Au risque de Babel, Le texte religieux occitan de 1600 à 1850, Bordeaux, Association d (...)
  • 67 Ibid., p. 282.
  • 68 Ibid., p. 283.

179Les 40 recueils de chants religieux recensés représentent 40,8 % des plaquettes de Religion et la part des Noëls s’élève à 33,6 %. En 2002, Jean Eygun a montré l’importance de la « production noëlique » à Toulouse. Elle constitue 66 % de la production de textes religieux occitans entre 1600 et 185066 ; l’auteur précise qu’« au XVIIIe siècle, comme au siècle précédent, les imprimeurs toulousains continuent de publier de nombreux petits recueils de Noëls67 ». Jean-Henri Guillemette est le principal éditeur de Noëls, avec Jean-Pierre Robert et sa veuve. La plupart sont sans date, « étant remis en vente d’une année sur l’autre par les imprimeurs libraires68 ».

  • 69 PIC François, art. cit., p. 585.

180Cette production est originale : comme nous l’avons déjà noté en relevant les langues utilisées pour les plaquettes, un tiers des Noëls sont rédigés uniquement en français, mais sept recueils sont en gascon, et quatorze mixtes, composés de Noëls en français et en gascon, ce qui souligne le caractère populaire de ces impressions. Jean Eygun rapporte que « dans les manifestations officielles, l’occitan demeurait marginal », mais qu’il « survivait comme note locale et populaire ». Ainsi, la compagnie des Pénitents blancs fit-elle chanter dans sa chapelle, le premier janvier 1781, un « charmant Noël patois69 ».

  • 70 LAFONT Robert et ANATOLE Christian, Nouvelle histoire..., op. cit., p. 442.

181Selon Jean Eygun, à la fin du XVIIIe siècle, Toulouse constituait un véritable centre de production de Noëls. Pourtant, ils ne sont pas l’œuvre d’auteurs identifiés, la plupart étant anonymes, alors que Bordeaux avait l’abbé Girardeau et Claude Proust, religieux célestin ; la Gascogne, d’Andichou et de Bonnecaze ; Montpellier, l’abbé Plomet, et la Provence, Peyrol70.

182Il est difficile d’analyser l’évolution de la production annuelle de plaquettes religieuses car 35 d’entre-elles sont « sans date », soit 35,7 % (essentiellement des Noëls). 63 autres sont datées, ce qui permet de constater la faiblesse, voire l’inexistence, de cette production : durant 17 années, il n’y a eu aucune plaquette religieuse ; durant 15 années, une seule ; deux plaquettes pendant neuf ans et trois pendant sept ans. En 1752, il y a eu quatre plaquettes éditées et en 1762, cinq.

c) Les imprimeurs de plaquettes religieuses

183Si l’évolution des plaquettes religieuses est difficile à cerner en raison de la forte proportion de celles qui ne portent pas de date, on peut s’intéresser à leurs principaux imprimeurs.

184Avec 29 impressions religieuses, Jean-Henri Guillemette vient en tête, avec comme nous venons de le voir, une importante production de Noëls. S’y ajoute l’impression de discours comme le Discours de piété, prononcé dans l’Eglise métropolitaine, le 29. d’octobre 1758, Par le P. Feautrier, Prêtre de la Doctrine Chrêtienne, & Recteur du Collège de Narbonne, ou de prières comme les Antiennes et Oraisons à l’usage de ceux qui auront la dévotion de visiter les sacrées reliques qui reposent dans l’insigne abbatiale Saint-Sernin de Toulouse, en 1762.

185La veuve de Jean-Pierre Robert imprime également des Noëls (neuf impressions sur onze) et l’office de la bienheureuse Jeanne de Valois, en latin. En tant qu’« Imprimeur de la Compagnie de Messieurs les Confalons-Pénitens Blancs », elle édite la Relation du vœu […] à l’honneur de Saint Thomas d’Aquin, en 1762.

186Claude-Gilles Lecamus, imprimeur de l’archevêque, a produit 11 plaquettes religieuses ; en 1745, il publie le Jubilé accordé par notre Saint Père le Pape Benoît XIV, et le Mandement de Monseigneur l’Archevêque de Toulouse ; sur ce Jubilé en 1750, il imprime une Méthode facile pour faire une confession générale au temps du Jubilé et les Sujets des conférences ecclésiastiques du diocèse de Toulouse pour l’année M.DCC.L proposés par l’archevêque Charles-Antoine de la Roche-Aymon, (Sur la simonie et sur les Evangiles qu’on lit à la messe). Deux chants religieux sur la Naissance du Messie sont imprimés avec les publications pour l’archevêque, et les cas réservés d’absolution de péchés.

Graphique 55. Production de plaquettes de Religion par imprimeur, 1739-1788

4- Les Sciences et Arts

18750 plaquettes relèvent des Sciences et Arts, et représentent 4 % du corpus

a) Les mathématiques

188Quatre plaquettes concernent des essais de mathématiques, comme l’Essai sur les élémens de mathématiques, dédié à Messieurs de l’Académie Royale de Peinture, Sculpture et Architecture de Toulouse, par Mr. Libes, de Béziers, étudiant de la première année du cours de philosophie, au collège royal de Toulouse, en 1770. Une autre brochure est une thèse de philosophie, de 20 pages in-4°, datée de 1775.

b) La médecine et la chirurgie

189La création d’une École royale de chirurgie par lettres patentes d’août 1761 a stimulé la production médicale. Douze plaquettes traitent des maladies ou de la chirurgie et complètent ainsi les livres de médecine publiés dans la ville. Les thèmes sont variés : maladies des os traitées par le chirurgien Bécane en 1764, Exposé succinct des principales méthodes de traiter les maladies vénériennes en 1784, ou traitement par les eaux thermales plusieurs fois préconisé par M. Pilhes, qui a rédigé un Traité analytique et pratique des Eaux thermales d’Ax et d’Ussat avec la description des bains, des douches et des fontaines et la meilleure manière de les employer dans les différentes maladies. Dans la dernière décennie, on se préoccupe aussi de l’art des accouchements.

190Avec le développement de la maladie miliaire et épidémique répandue […] à Toulouse, & dans les principales Villes du Languedoc en 1782, fièvre provoquant des pustules semblables à des grains de mil, quatre plaquettes sont imprimées pour en décrire les symptômes et la manière de la traiter.

c) La botanique et l’agronomie

191L’intérêt pour la nature se retrouve dans des catalogues comme le Catalogue des plantes usuelles qui se trouvent dans les Jardins de botanique, de l’Académie Royale des Sciences, en 1782, ou le Catalogue des plantes potagères, pharmaceutiques, de grande culture, de prairies artificielles, d’arbustes & de plantes de fleurs les plus rares & les plus curieuses, en 1788. Les progrès agricoles sont diffusés grâce à des plaquettes comme celle de 38 pages imprimée par Jean Rayet : Mémoire sur la manière de fertiliser les terres, avec de la marne et sur quelques nouveaux instrumens d’agriculture. Peut-on deviner, à travers ces productions, une certaine curiosité ou une ouverture d’esprit des Toulousains ?

d) Divers

192À côté de leurs publications régulières, quelques plaquettes sont imprimées pour les académies de la ville : Académie des Sciences, Académie de Peinture, de Sculpture et d’Architecture qui publie l’Analyse des différens ouvrages de peinture, sculpture et architecture qui sont dans l’hôtel de Ville de Toulouse par Rivalz, en 1770.

193À ces publications nous ajouterons quelques brochures concernant le Musée de Toulouse, avec le Programme de l’assemblée publique du musée de Toulouse, du 11 août 1787.

194Enfin, nous signalerons deux documents fort intéressants pour notre étude : les Epreuves de Caractères de l’imprimerie de Noël-Etienne Sens, en seize pages, daté de 1786, et les Principes & modèles nouveaux d’écriture, faits et gravés par André Samary, sans date.

5- L’Histoire

195L’Histoire, qui ne représentait que 7,2 % des livres, est encore moins bien représentée dans le corpus des plaquettes, avec quatre unités seulement, soit 0,3 %. Deux relatent l’histoire de la Délivrance de la Ville de Toulouse. Du dix-septieme May 1562, ou Description des différens Combats des Catholiques contre les Hérétiques, lors de leur entrée en cette Ville. Elles ont été imprimées pour le bicentenaire de l’événement, en 1762, respectivement par Jean Rayet et par Jean-Henri Guillemette ; le fait que deux imprimeurs opèrent pour cette commémoration traduit une forte demande. Dans un autre ordre d’idée, le Saisimentum comitatus Tolosae est un document important pour la ville ; c’est le procès-verbal de l’annexion du comté de Toulouse au royaume de France, par devant le sénéchal de Carcassonne et de Béziers, après la mort du comte Alphonse et de sa femme Jeanne en 1270. Ces trois brochures conservées sont froissées et usées, signe, semble-t-il de fréquentes manipulations.

196Nous avons ajouté à ces trois impressions la réédition de l’Histoire de Richard sans peur, duc de Normandie, Fils de Robert le Diable, chez Sébastien Hénault, en 1777, qui par son titre s’apparente au livre d’histoire mais que nous aurions pu classer dans la catégorie Belles-Lettres comme ouvrage de littérature populaire. Le nombre d’impressions étant très faible, nous ne pouvons attribuer de spécialisation dans l’histoire à aucun imprimeur.

IV- Imprimeurs et plaquettes

197Au terme de cette étude sur les plaquettes, il convient de dresser un bilan des impressions par imprimeur, comme nous l’avons fait pour les livres.

1- Les principaux imprimeurs de plaquettes

198Le graphique ci-après indique la production en nombre de titres des principaux imprimeurs de plaquettes. C’est la famille Lecamus-Pijon qui domine la production de plaquettes où elle a une situation de quasi monopole. 149 plaquettes de Claude-Gilles Lecamus ont été conservées. Ce chiffre élevé s’explique par ses diverses fonctions, citées dans les pages de titre : il a été d’imprimeur du roi, du Parlement, de la ville, des États de Languedoc, de l’Université, du clergé, de l’archevêque, du chapitre de Saint-Sernin, de l’évêque de Comminges, de l’évêque de Mirepoix, de l’Académie des Jeux floraux, entre 1712 et 1751. Son gendre Bernard Pijon (1752-1760), lui succède et imprime 108 plaquettes en tant qu’imprimeur du roi, de la ville, de l’Académie des Jeux floraux, du clergé, de l’archevêque, de l’évêque de Comminges, de l’évêque de Mirepoix ; il y ajoute les impressions de l’évêque de Rieux, et des États de Foix. Son fils J.-A.-H.-M.-B Pijon a les mêmes commanditaires avec, en plus, l’évêque de Lavaur. Peut-on s’interroger sur la façon dont s’est constitué ce monopole ?

Graphique 56. Production de plaquettes par les principaux imprimeurs, 1739-1788

199Le calcul de la production en nombre de titres selon le nombre d’années d’exercice permet de nuancer ce premier classement :

Tableau 52. Production de plaquettes par imprimeur, en titres et en pages, par année d’exercice

200La plus forte production de plaquettes par année d’exercice revient à la veuve de Bernard Pijon, qui en publie en moyenne 25,1 par an, ce qui représente un accroissement spectaculaire par rapport à la production déjà importante de son mari, qui s’élevait à 13,5 plaquettes par an. La production de J.-A.-H.-M.-B. Pijon est ramenée au deuxième rang, avec une moyenne de 14,4 plaquettes par an, assez proche de celle de son grand-père, Claude-Gilles Lecamus, qui se situe à 12,4 plaquettes.

201En dehors de la dynastie Lecamus-Pijon, les autres imprimeurs éditent peu de plaquettes. Jean-Florent Baour, réputé pour ses impressions de pièces de théâtre, n’en imprime en moyenne que 3 par an. Il en est de même pour Jean-Henri Guillemette qui, en dépit de nombreuses impressions de Noëls, ne publie en moyenne que 2,2 plaquettes par an.

202Si la production en nombre de pages semble confirmer le classement en titres, les moyennes en fonction du nombre d’années d’exercice le modifient. La veuve de Bernard Pijon imprime le plus grand nombre de plaquettes en fonction du nombre d’années d’exerce et produit le plus de pages, en moyenne 192,3. Cependant, alors que Claude-Gilles Lecamus est au quatrième rang pour la production moyenne en titres (12,4 titres), il prend la seconde place pour la production en nombre de pages, ce qui signifie qu’il a imprimé des plaquettes plus épaisses que son gendre, Bernard Pijon, et même que J.-A.-H.-M.-B. Pijon qui n’imprime que 109,7 pages pour une moyenne de 13,5 titres. Jean-Florent Baour, qui n’imprime en moyenne que 3 titres par an, a une production moyenne de 56,9 pages, soit deux fois plus élevée que la production de Jean-Henri Guillemette qui n’est que de 24,6 pages. Ces deux imprimeurs ont des spécialités différentes : les pièces de théâtre ont plus de pages que les Noëls.

2- La place des plaquettes dans la production globale des imprimeurs

203La production de plaquettes représente les trois quarts de la production totale de la veuve Bernard Pijon et de J.-A.-H.-M.-B. Pijon ; la moitié de leur production chez Bernard Pijon et Claude-Gilles Lecamus, et 43 % chez Jean-Henri Guillemette. En revanche, elle n’occupe qu’un cinquième de la production de Jean-Florent Baour et encore moins chez Jean Rayet.

Production de plaquettes en nombre de titres

Production totale en nombre de titres

 % des plaquettes dans de la production totale

Pijon J.-A.-H.-M.-B.

260

348

74,71

Vve B. Pijon

226

315

71,74

Lecamus C.-G.

149

309

48,22

Pijon B

108

205

52,68

Guillemette J.-H

55

127

43,3

Baour J.-F.

48

214

22,42

Rayet J.

42

267

15,73

Tableau 53. La production de plaquettes en titres, par rapport à la production totale de quelques imprimeurs

204Le rapport entre nombre de titres et nombre de pages est significatif. En raison de la faible épaisseur de plaquettes, il existe chez tous les imprimeurs un décalage entre le pourcentage de titres et le pourcentage de pages. Alors que les trois quarts des titres chez J.-A.-H.-M.-B. Pijon correspondent à des impressions de plaquettes, la production en pages est faible, avec seulement 17,5 %, Nous avons vu au chapitre précédent qu’il imprimait des livres volumineux, plus rentables comme les Recueils des édits, déclarations et ordonnances. Ce n’est que chez la veuve de Bernard Pijon que la production en pages représente presque le tiers de la production.

Production de pages de plaquettes

Production totale

 % des plaquettes dans de la production totale

Pijon J.-A.-H.-M.-B.

2 072

12 008

17,26

Vve B. Pijon

1 731

5 959

29,05

Lecamus C.-G.

1 455

8 270

17,59

Pijon B.

878

8 427

10,42

Guillemette J.-H.

616

3 537

17,42

Baour J.-F.

911

15 779

5,77

Rayet J.

527

7 858

6,70

Tableau 54. La production de plaquettes en pages par rapport à la production totale de quelques imprimeurs

3- La spécialisation des imprimeurs

205L’étude de la production de plaquettes amène à constituer une typologie des imprimeurs. Dans les histogrammes par imprimeur ci-après, neuf types de production apparaissent, que nous avons évoqués dans ce chapitre.

206Les imprimeurs les moins productifs dans l’édition de plaquettes ont une production diversifiée, comme Jean Rayet qui imprime autant de devis que de pièces concernant le droit, et ne publie que de rares actes officiels.

Graphique 57. Production de Jean Rayet par thème

207Jean-François Baour privilégie l’impression de plaquettes littéraires et de pièces de théâtre, mais sa production reste assez faible, avec 13 et 16 impressions seulement dans ces deux catégories dominantes.

Graphique 58. Production de Jean-Florent Baour par thème

208La spécialisation apparaît davantage chez Jean-Henri Guillemette, qui imprime 29 plaquettes religieuses ; rappelons qu’il s’agit des Noëls.

Graphique 59. Production de Jean-Henri Guillemette par thème

209Enfin, la famille Lecamus-Pijon est spécialisée dans la production de travaux de ville : impressions pour le Parlement, chez Bernard Pijon ; impressions d’actes royaux, chez Claude-Gilles Lecamus (68), chez la veuve de Bernard Pijon (75), et chez J.-A.-H.-M.-B. Pijon (123).

Graphique 60. Production de Claude-Gilles Lecamus par thème

Graphique 61. Production de Bernard Pijon par thème

Graphique 62. Production de la veuve Bernard Pijon par thème

Graphique 63. Production de J.-A.-H.-M.-B. Pijon par thème

  • 71 CHARTIER Roger, « La circulation de l’écrit dans les villes… », Livre et lecture en Espagne et en (...)

210La production de la famille Lecamus-Pijon démontre bien que « l’essentiel de l’activité des ateliers est consacrée, non à la production de livres, mais aux travaux de ville71 », leur titre d’« imprimeur de roi, du Parlement ou de la ville » la favorisant. Cependant, les autres imprimeurs faisaient tourner leurs presses avec d’autres types de productions, comme nous le verrons dans le prochain chapitre.

211L’étude de l’important corpus de près de 1 260 plaquettes a révélé la grande diversité de ces plaquettes, dans leur aspect matériel comme dans leur contenu. Longtemps délaissées, souvent usées ou mal conservées, ces plaquettes présentent un intérêt certain pour l’étude des ornementations employées : bandeaux et lettres ornées. De par leur contenu, elles fourmillent de renseignements sur la vie locale ; à travers les arrêts de Parlement et les ordonnances de capitouls, maints événements de la vie toulousaine sont abordés. Les plaquettes à thème religieux permettent de mesurer la dévotion des Toulousains, et soulignent leur goût pour les Noëls. Les nombreuses pièces de théâtre diffusées dans la ville confirment l’engouement pour ce genre de divertissement à la fin du siècle. Quelques plaquettes sur les Sciences et les Arts montrent l’esprit curieux des Toulousains. Seule l’histoire semble absente de ce type d’impressions, mais ne négligeons pas les pièces de circonstance qui évoquent des épisodes des conflits en cours. Cette longue liste de thèmes abordés redonnera-t-elle, pour plagier Albert Labarre, « son éminente dignité aux pièces » ?

  • 72 VENTRE Madeleine, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 251.

212Non seulement les plaquettes ont un intérêt pour l’histoire locale, mais elles en ont un pour l’histoire du livre ; elles aident à connaître l’activité des imprimeurs toulousains. Certes, nous savions que la production de ces travaux faisait fonctionner les presses, mais peut-être a-t-on trop insisté sur la liste de commanditaires en oubliant les imprimeurs72. Si la dynastie familiale Lecamus-Pijon contrôle les impressions pour le roi, le Parlement et la ville, et se livre aux travaux de ville, d’autres imprimeurs toulousains se spécialisent dans l’impression de pièces de circonstances ou de pièces de théâtre. C’est de cette diversité que naît l’intérêt de l’étude.

Notes

1 LABARRE Albert, « Sur l’éminente dignité des “pièces” », Revue française d’histoire du livre, 1994, p. 335.

2 Ibid., p. 336.

3 SÉGUIN Jean-Pierre, « Les feuilles d’information non périodiques ou “canards” en France », Revue de synthèse, 1957, p. 391-420.

4 SÉGUIN Jean-Pierre, L’information en France avant le périodique, 517 canards imprimés entre 1529 et 1631, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964, 131 p.

5 LEVER Maurice, Les canards sanglants : naissance du fait divers, Paris Fayard, 1993, 517 p.

6 PETIT Nicolas, L’éphémère, l’occasionnel et le non livre (XVe-XVIIIe siècles). Corpus iconographique de l’histoire du livre, Paris, Klincksieck, 1997, 256p.

7 MARTIN Henri-Jean, Histoire et pouvoir de l’écrit, Paris, Albin Michel, 1996, p. 281.

8 MELLOT Jean-Dominique, L’édition rouennaise et ses marchés (vers 1600-vers 1730)..., op. cit.

9 CHARTIER Roger, « La circulation de l’écrit dans les villes françaises, 1500-1700 », Livre et lecture en Espagne et en France sous l’Ancien Régime..., op, cit., p. 153.

10 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 376.

11 Article 102 de l’Arrest du Roy, Livre de la communauté des imprimeurs libraires, BMT, microfilm 286.

12 Privilèges généraux des évêques, Chapitre premier.

13 LABARRE Albert, « Sur l’éminente dignité des “pièces” », Revue française d’histoire du livre..., op. cit., p. 336.

14 Définition au chapitre cinq.

15 CAMPROUX Charles, Histoire de la littérature occitane, Paris, Payot, 1971, p. 110.

16 LAFONT Robert et ANATOLE Christian, Nouvelle Histoire de la littérature occitane, Paris, PUF, 1970, p. 445.

17 Les chiffres ne prennent pas en compte les 52 plaquettes « sans date », parmi lesquelles figurent les 30 Noëls ainsi que sept actes royaux réimprimés par J.-A.-H.-M.-B. Pijon.

18 Condamnations d’écrits par le Parlement de Toulouse en Annexe 5, On sait que la bulle Unigenitus condamnait le jansénisme, et que le refus des sacrements visait les fidèles dont les confesseurs étaient jansénistes.

19 LABARRE Albert, « Imprimerie et commerce du livre à Lille… », op. cit., p. 655.

20 Production conservée d’arrêts du parlement / production d’après les Recueils, exemples : 1756, 7/3 ; 1762, 10/2 ; 1771, 3/0 ; 1775, 11/0.

21 BOISSE Emmanuelle, « L’activité du parlement de Toulouse en 1750 », dans Jacques POUMARÈDE et Jack THOMAS (dir.), Les Parlements de Province..., op. cit., p. 405-406.

22 CONLON Pierre M., Le siècle des Lumières, Bibliographie chronologique, tome XIII, 1761-1763, Genève, Droz, 1994, Introduction, p. i-xi. Et tome XIV, 1764-1766, Introduction, p. i-viii.

23 BARBICHE Bernard, « Actes royaux », dans BÉLY Lucien (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime..., op. cit., p. 23-24.

24 CABOURDIN Guy, VIARD Georges, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1990, p. 117.

25 Ibid., p. 99.

26 LABARRE Albert, « Sur l’éminente dignité des "pièces" », Revue française d’histoire du livre..., op. cit., p. 335.

27 LABARRE Albert, « Imprimerie et commerce du livre à Lille… », Le livre et l’historien..., op. cit., p. 655.

28 BARBICHE Bernard, Les institutions de la monarchie française..., op. cit., p. 346.

29 Chapitre 2.

30 Condamnations du Parlement en Annexe 15.

31 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 67.

32 LAFFONT Jean-Luc, Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, thèse de doctorat, Université de Toulouse-Le Mirail, 1997, p. 859.

33 LAFFONT Jean-Luc, « La production réglementaire des capitouls de Toulouse, sous l’Ancien Régime », Bibliothèque de l’École des Chartes, tome 156, Paris-Genève, Droz, 1998, p. 491.

34 Ibid., p. 496.

35 LAFFONT Jean-Luc, Policer la ville..., op. cit., p. 899-900.

36 Dans notre DEA, nous avons étudié « la production de Claude-Gilles Lecamus pour les Capitouls » (1710-1751) en comparant la production recensée à celle attestée dans les Etats des impressions pour les Capitouls de Claude-Gilles Lecamus, conservés aux Archives municipales de Toulouse, dans les Pièces à l’appui des comptes, série CC 2728 à CC 2777. L’imprimeur de la ville remettait tous les ans au trésorier des capitouls un état détaillé des travaux qu’il avait effectués pour leur compte. Le détail est donné par ordre chronologique : nature du travail, nature du document, généralement format, nombre d’exemplaires et coût. Une mention marginale d’un capitoul contrôleur « réduit » systématiquement le montant de chaque ligne. À la fin de l’état, une mention atteste du contrôle, rapporte la somme globale retenue après « réduction » avec la signature des capitouls.

37 Les États des impressions faites par ordre de Messieurs les Capitouls de Toulouse, par le sieur Lecamus, en 1746, mentionnent la copie de quatre ordonnances en « grand placard ». En 1747, 16 copies d’ordonnances en placard sont demandées par les capitouls : aucune en in-4°. AMT, CC 2770, fol. 59, fol. 313.

38 État des impressions pour les Capitouls, en 1759, AMT, CC 2787, fol. 91.

39 Ibid., en 1771 et 1772, AMT, CC 2803, fol. 165, fol. 257 ; en 1773, AMT, CC 2807 fol. 39 ; en 1777, AMT, CC 2810 fol. 93 ; en 1781, AMT, CC 1582 fol. 439.

40 BARTHÉS Pierre, « Les Heures perdues », dans LAMOUZÉLE Edmond, Toulouse au XVIIIe siècle..., op. cit., p. 275.

41 Ibid., p. 331.

42 Ibid., p. 325.

43 Ibid., p. 322.

44 LAFFONT Jean-Luc, « La production réglementaire des capitouls… », op. cit., p. 510.

45 En 1707 et 1708, les impressions pour les capitouls ont été réalisées par l’imprimeur Calvet, sur lequel nous n’avons pas d’information.

46 LABARRE Albert, « Imprimerie et commerce du livre à Lille… », op. cit., p. 655.

47 LAFFONT Jean-Luc, « La production réglementaire des capitouls… », op. cit., p. 522.

48 AMT, CC 1582, fol. 448.

49 État des impressions pour les Capitouls, pour l’année 1746, AMT, CC 2770.

50 État des impressions pour les Capitouls, pour l’année 1747, AMT, CC 2770.

51 Cité par Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse…, op. cit., p. 48.

52 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 52

53 État des impressions pour les Capitouls, année 1773, AMT, CC 2807, fol. 39.

54 Procès verbal de l’administration municipale pour l’année 1787, BMT, Fa B 45.

55 Procès verbal de l’administration municipale pour l’année 1788, BMT, La B 57 (4).

56 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 272.

57 GOZARD Laurence, La vie théâtrale..., op. cit., p. 165.

58 Ibid., p. 163.

59 Ibid., p. 163.

60 Nadir, ou Thamas-Kouli-Kan, Tragédie. Par M. Du Buisson. A Toulouse, Chez Broulhiet, Libraire, Acquéreur du fonds de M. Baour, rue Saint. Rome, faisant coin de la rue Dumai. M. DCC. LXXXI. Avec Approbation & Permission. In-8°, 46 p. Toulouse : BUT1, Resp Pf pl B 0348.

61 Procès verbal de la visite et état de l’imprimerie de Toulouse, ADH, C 2810 (2).

62 PIC François, « Approche bibliographique de la littérature religieuse en occitan imprimée aux XVe-XIXe siècles », Second congrès international de l’Association internationale d’Études occitanes, Turin, 1987, Université de Turin, 1993, p. 562.

63 Ibid., p. 561.

64 CAMPROUX Charles, Histoire de la littérature occitane, Paris, Payot, 1971, p. 110.

65 LAFONT Robert et ANATOLE Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, PUF, 1970, p. 438.

66 EYGUN Jean, Au risque de Babel, Le texte religieux occitan de 1600 à 1850, Bordeaux, Association d’Études du Texte Occitan, 2002, p. 524.

67 Ibid., p. 282.

68 Ibid., p. 283.

69 PIC François, art. cit., p. 585.

70 LAFONT Robert et ANATOLE Christian, Nouvelle histoire..., op. cit., p. 442.

71 CHARTIER Roger, « La circulation de l’écrit dans les villes… », Livre et lecture en Espagne et en France…, op. cit., p. 153.

72 VENTRE Madeleine, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 251.

Table des illustrations

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Légende Bandeaux de Duchesne et de Peyrane
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Légende Graphique 38. Répartition des plaquettes par format, 1739-1788
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Légende Tableau 45. Formats et catégories thématiques des plaquettes, 1739-1788
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Légende Graphique 39. Répartition des plaquettes en nombre de pages, 1739-1788
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Légende Graphique 40. Évolution de la production de plaquettes en titres et par décennie, 1739-178817
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Légende Graphique 41. Production annuelle de plaquettes en titres, 1739-1788
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Légende Graphique 42. Évolution de la production décennale du nombre de pages des plaquettes, 1739-1788
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Légende Graphique 43. Production annuelle de plaquettes en nombre de pages, 1739-1788
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Légende Graphique 44. Production annuelle des actes royaux, 1739-1788.
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Légende Graphique 45. Production annuelle de lettres patentes, 1739-1788
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Légende Graphique 46. Production annuelle d’édits royaux, 1739-1788
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Légende Graphique 47. Production annuelle de déclarations royales, 1739-1788.
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Légende Tableau 50 bis. Pics de production des actes royaux, 1739-1788
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Légende Graphique 48. Production d’actes royaux par imprimeur
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Légende Graphique 49. Production annuelle des arrêts du Parlement de Toulouse, 1739-1788
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Légende Graphique 50. Production d’arrêts du Parlement par imprimeur
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Légende Graphique 51. Production annuelle d’ordonnances in-4° pour les capitouls.
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Légende Graphique 52. Production d’ordonnances capitulaires par imprimeur, 1739-1788
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Légende Graphique 53. Production annuelle de pièces de théâtre et nombre de plaquettes, 1739-1788
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Légende Graphique 54. Production des plaquettes Belles-Lettres par imprimeur ou éditeur, 1739-1788
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Légende Graphique 55. Production de plaquettes de Religion par imprimeur, 1739-1788
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Légende Graphique 56. Production de plaquettes par les principaux imprimeurs, 1739-1788
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Légende Tableau 52. Production de plaquettes par imprimeur, en titres et en pages, par année d’exercice
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Légende Graphique 57. Production de Jean Rayet par thème
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Légende Graphique 58. Production de Jean-Florent Baour par thème
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Légende Graphique 59. Production de Jean-Henri Guillemette par thème
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Légende Graphique 60. Production de Claude-Gilles Lecamus par thème
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Légende Graphique 61. Production de Bernard Pijon par thème
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Légende Graphique 62. Production de la veuve Bernard Pijon par thème
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Légende Graphique 63. Production de J.-A.-H.-M.-B. Pijon par thème
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