Les imprimeurs-libraires toulousains et leur production au XVIIIe siècle (1739-1788)
|Deuxième partie. La production imprimée toulousaine
Chapitre six. Les livres
Texte intégral
- 1 DESBARREAUX-BERNARD Tibulle, L’imprimerie à Toulouse aux XVe, XVIe et XVIIe siècles..., op. cit. V (...)
- 2 BLANC-ROUQUETTE Marie-Thérèse, La presse et l’information à Toulouse…, op. cit.
- 3 VENTRE Madeleine, L’imprimerie et la librairie en Languedoc..., op. cit.
- 4 BRANCOLINI Julien et BOUYSSY Marie-Thérèse, « La vie provinciale du livre… », op. cit., p. 31.
- 5 Ibid.
- 6 QUÉNIART Jean, « L’anémie provinciale », Histoire de l’édition française..., op. cit., p. 367.
1Si, sur les débuts de l’imprimerie à Toulouse aux XVe et XVIe siècles, des catalogues d’incunables et de livres ont vu le jour avec des études, dont notamment les travaux de Tibulle Desbarreaux-Bernard1, l’étude des livres au XVIIIe siècle, a attiré peu de publications en dehors des écrits de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette2 et de Madeleine Ventre3. La production de livres a été rarement abordée en tant que telle, si ce n’est par Julien Brancolini et Marie Thérèse Bouyssy à travers l’étude du manuscrit 22019 de la BnF concernant les permissions simples. Nous en avons montré les limites au chapitre second, cependant reconnaissons-lui le mérite de mettre en exergue « l’anomalie toulousaine, centre d’une réimpression active, éclairée et profane dans un Midi désert de livres4 ». Ne considérant que les réimpressions, les auteurs annoncent même que « Toulouse a détrôné l’ancienne capitale de l’édition, Lyon pour la réédition de livres tombés dans le domaine public5 ». De tels propos ne peuvent que flatter les Toulousains mais ils ne concernent que les impressions accordées par permissions simples, après les arrêts de 1777. Jean Quéniart ne nie pas la production abondante de la Province mais il déplore sa perte qualitative : « le rôle de l’imprimerie provinciale n’est plus sauf exception […] de contribuer directement au dynamisme intellectuel du siècle ; il est de produire en grande quantité des livres courants », et il parle alors d’« anémie provinciale6 ».
2Devant de telles affirmations, nous nous sommes interrogée sur la quantité de livres imprimés à Toulouse entre 1739 et 1788, et sur leur qualité. N’y avait-il, comme l’affirme Jean Quéniart, que des « livres courants » imprimés à Toulouse ?
3Il convenait pour répondre à cette question d’étudier le corpus des livres, composé d’imprimés de 48 pages au moins, constitué de 585 titres, et d’en déceler les particularités.
4Après avoir défini le « livre toulousain », nous en ferons une description matérielle, puis nous aborderons l’évolution de sa production de 1739 à 1788. Ensuite, la ventilation des livres en grandes catégories bibliographiques sera analysée et nous tenterons enfin de cerner la production des principaux imprimeurs.
I- Définir le « livre toulousain »
5Notre sélection des « livres toulousains » s’est opérée d’une part selon le nombre de pages, (mais il ne suffit pas puisque des factums ont plus de 47 pages) et d’autre part selon les informations sur l’origine géographique de l’ouvrage contenues dans la page de titre, qui porte habituellement l’adresse de l’imprimeur ou le plus souvent du « libraire-éditeur ». Elle s’est révélée plus difficile qu’on n’aurait pu croire.
1- Les adresses portant les noms d’imprimeurs toulousains
a) Des noms d’imprimeurs
6Dans plus 80 % des cas, au bas de la page de titre, on peut lire le nom de l’imprimeur-libraire avec son adresse, par exemple « A Toulouse, De l’imprimerie de Claude-Gilles Lecamus, Seul Imprimeur du Roi & de la Cour », ou « A Toulouse, Chez Me. J. H. Guillemette, Avocat, & Imprimeur-Libraire Juré de l’Université, à l’Enseigne de la Pallas, vis-à-vis S. Rome ».
b) Des noms d’imprimeurs et de libraires
7L’imprimeur ajoutait parfois le nom du libraire qui vendait l’ouvrage. Ainsi lit-on, en page de titre, que les Prières et cantiques spirituels à l’usage des missions des Pères de la Doctrine Chrétienne ont été imprimés, en 1751, par « Nicolas Caranove, à la Bible d’Or. Et se vendent chez Pierre Laurans [sic], Libraire, rüe de la Porterie ». Nous pouvons supposer qu’il existait des accords entre l’imprimeur et le libraire, car ce n’est pas un cas de figure isolé. Pierre Laurens avait obtenu le privilège et avait participé au financement d’une partie de l’impression.
8Entre 1739 et 1788, les pages de titres témoignent de cinq autres « associations ». Gaspard Hénault, imprimeur-libraire, et Jean-François Forest, libraire, éditent des ouvrages en commun en 1740, 1743, 1751 et 1757. Jean-Pierre Robert, imprimeur, est associé à Jean-François Robert, libraire, pour l’impression de la Dissertation sur la nature et la cause de la rage en 1749. De 1769 à 1787, l’association de Joseph Dalles, imprimeur-libraire, et de Frix Vitrac, libraire, est mentionnée en page de titre de plusieurs ouvrages. De même, en 1782, en 1784 et en 1788, Dominique Desclassan, imprimeur, est lié au libraire toulousain Manavit et au libraire parisien Cellot pour la publication de l’Histoire et Mémoires de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse. Enfin, Dominique Desclassan, imprimeur-libraire figure avec Joseph Douladoure aîné, libraire, sur la page de titre des Méditations sur les principaux dogmes et mystères de la religion de l’abbé Frayssé, en 1788.
9Les ouvrages portant le nom d’un imprimeur toulousain ont été systématiquement enregistrés dans le corpus ; en revanche, ceux qui ne portaient que le nom du libraire ont engendré des hésitations.
2- Les adresses portant les noms de libraires toulousains
a) Des noms de libraires
- 7 GILMONT Jean-François, Une introduction à l’histoire du livre, Du manuscrit à l’ère électronique, (...)
10Les libraires qui demandaient les privilèges et les permissions simples étaient les principaux commanditaires des impressions ; l’imprimeur n’était qu’un « exécutant », ce qui a fait dire à Jean-François Gilmont que, « à part quelques exceptions, il y a prééminence du libraire sur l’imprimeur7 » dans l’édition d’un livre ; il est donc normal de voir figurer son nom en page de titre, comme une volonté de reconnaissance. Un seul libraire peut indiquer son nom précédé de « Se trouve à Toulouse chez… », ou « Se vend chez… », ou « Chez… » ; c’est le cas sur 97 pages de titre, soit dans 17,2 % des livres. Parfois, deux libraires « s’associent », ce terme est un peu abusif puisque nous n’avons pas d’actes notariés qui le prouvent, mais par commodité nous l’emploierons pour traduire la volonté commune d’impression de deux ou plusieurs libraires ; on lit alors, par exemple, « Chez Dupleix & Laporte, Libraires, acquéreurs du fonds de feu M. Birosse, rue S. Rome, à la Bible d’or », en 1772. Ces libraires éditeurs sont dans le corpus, puisqu’ils contrôlaient la fabrication, faisaient imprimer, le plus souvent dans la ville, et assuraient la distribution de l’ouvrage.
- 8 DAWSON R. L., The French Booktrade and the “permission simple” of 1777 : Copyright and Public Doma (...)
11De prime abord il nous a paru difficile de considérer comme toulousain un ouvrage vendu chez un libraire toulousain, en l’occurrence chez Noël-Etienne Sens et chez le libraire Gaude à Nîmes, dont nous n’en connaissions pas l’imprimeur. Les travaux de R. L. Dawson sur les registres des permissions simples ont révélé que Noël-Etienne Sens avait demandé nombreuses permissions simples dont une pour la Bible de dom Calmet avec les notes de l’abbé de Vence et autres, qui lui fut octroyée le 20 mai 1779, pour l’impression de 1500 copies des 17 volumes en in-8°8. Cette demande de permission simple confirmait donc que le livre avait été demandé par un libraire toulousain, et même si l’imprimeur était inconnu, nous la considérions donc comme une impression toulousaine.
12Sans source complémentaire, il a été plus délicat de classer parmi les ouvrages toulousains la réédition, en 1787, des Exercices du pénitent avec des règles et des maximes sur la pénitence par les libraires Joseph Robert de Toulouse et François Heirisson de Carcassonne, nous ne connaissons pas l’imprimeur et R. L. Dawson n’a pas relevé de demande d’impression ; cependant, parce que Joseph Robert avait demandé de nombreuses permissions pour rééditer des ouvrages religieux nous avons admis que c’était une réédition toulousaine.
b) Des noms de libraires et d’imprimeurs toulousains
13Lorsqu’un libraire fait imprimer l’ouvrage par un imprimeur, son nom n’apparaît que rarement en page de titre, comme dans la réédition du Traité des droits seigneuriaux de Boutaric, en 1758 : « Chez Jean-François Forest, près Saint Rome et Sébastien Hénault, Imprimeur libraire aux Changes ». Généralement, le nom de l’imprimeur figure à la fin de l’ouvrage, et c’est sous ce nom que nous avons enregistré l’ouvrage.
14L’exemple de Jean-François Forest est significatif. Dans le chapitre second, nous avons montré qu’il était à Toulouse l’un des principaux demandeurs de privilèges ou de permissions simples. Il s’est associé à plusieurs imprimeurs. En 1743, 1751, 1757, Forest et Gaspard Hénault rééditent des ouvrages de droit, comme l’Explication de l’ordonnance de Louis XIV sur les affaires criminelles ou les Institutes de l’empereur Justinien. En 1743, se vendent « chez Jean-François Forest » les Méditations pour la retraite à l’usage de la congrégation du R. P. Delmas, mises sous presse par Jean Rellier. À partir de 1758, le Journal du Palais, imprimé par Jean-François Desclassan, « se vend, à Toulouse, aux dépens du sieur Jean-François Forest ». Enfin, Forest est un des « Libraires associés pour les Usages de Toulouse » avec Antoine Birosse et Joseph Dalles, pour l’édition d’ouvrages importants, comme le Breviarium Electense, entre 1770 et 1774, dont Joseph Dalles était l’imprimeur. Ces exemples montrent que Jean-François Forest travailla avec au moins cinq imprimeurs toulousains différents : Antoine Rellier, Gaspard Hénault, Sébastien Hénault, Jean-François Desclassan et Joseph Dalles, et que les ouvrages qu’il vendait étaient bien toulousains.
15Noël-Étienne Sens et Jean-Baptiste Broulhiet constituent eux aussi des cas particuliers.
16Libraire de 1766 à 1785, Noël-Etienne Sens demande de nombreuses permissions simples comme en attestent les travaux de R. L. Dawson et son nom figure souvent associé à celui de Gaude de Nimes sur les pages de titre. À partir de 1785, il imprime ses ouvrages et indique qu’il est imprimeur-libraire. Pour la Sainte Bible en latin et en françois qu’il imprime en 1788, on peut lire sur la page de titre « A Toulouse, Chez Noël-Etienne Sens, Libraire & imprimeur » et in fine « A Toulouse, De l’imprimerie Noel-Etienne Sens ». Il conviendra de distinguer la production demandée et vendue par le libraire Noël-Étienne Sens et celle imprimée par l’imprimeur Noël-Étienne Sens.
- 9 In fine est indiqué « De l’Imprimerie de la Veuve Douladoure ».
17Jean-Baptiste Broulhiet succède en septembre 1785 à Jean-François Baour à la direction des Affiches de Toulouse que l’on trouve désormais « Au bureau, Chez Broulhiet, rue St Rome, près du Mai ». À la fin de chaque exemplaire, il est bien précisé que le journal est imprimé par « P. B. A. Robert, rue Sainte-Ursule, à Saint-Thomas d’Aquin ». Broulhiet était donc libraire et non imprimeur. Dans les pages de titre des pièces de théâtre qu’il publie, il indique, « Et se trouve à Toulouse, Au Magasin général des Pièces de Théâtre, Chez J. B. Broulhiet, Libraire ». Vingt pièces de théâtre de plus de 48 pages, ont été recensées entre 1779 et 1788. S’agit-il d’impressions réellement toulousaines ou pas ? Nous savons qu’en 1786 la veuve Douladoure imprima pour Broulhiet le drame en cinq actes et en prose Les deux amis, ou le négociant de Lyon de Beaumarchais9. Réalisa-t-elle d’autres impressions pour lui ? On ne peut que le supposer, et considérer que les impressions vendues par Broulhiet, étaient bien toulousaines.
c) Des noms de libraires et d’imprimeurs étrangers.
18Les libraires toulousains travaillaient parfois avec des imprimeurs de villes voisines. Dès 1741, nous relevons un ouvrage impliquant un imprimeur extérieur et trois libraires de villes différentes, c’est un cas rare : les Instructions spirituelles en forme de dialogues sur les divers états d’oraison suivant la doctrine de M. Bossuet, Par le P. de la Compagnie de Jésus, est imprimé à Perpignan chez Jean-Baptiste Reynier. Il est vendu à Toulouse, chez Forest ; à Lyon chez les frères Deville ; à Nancy chez la veuve Balthazar.
- 10 BLANC-ROUQUETTE Marie-Thérèse, « L’imprimerie à Toulouse et à Montauban sous l’Ancien Régime. Écha (...)
19Quelques années plus tard, en 1764, nous remarquons une association d’Antoine Birosse avec Jean-Louis Chambeau, d’Avignon, pour l’impression et la diffusion de la Dissertation sur les origines de Toulouse. La même année, Antoine Birosse fait imprimer par Jean-Pierre Fontanel, de Montauban, les Droits de la religion chrétienne et catholique sur le coeur de l’homme. La page de titre indique : « A Montauban, Chez Jean-Pierre Fontanel, Imprimeur-Libraire, au coin du greffe. Et à Toulouse, Chez Antoine Birosse, Libraire juré de l’Université, rue S. Rome ». Sur la dernière page l’imprimerie Fontanel est à nouveau mentionnée. Marie-Thérèse Blanc-Rouquette a d’ailleurs montré que les liens commerciaux entre les deux villes se sont intensifiés au XVIIIe siècle, avec la publication de périodiques comme les Recueils de la Société littéraire de Montauban par le libraire toulousain Jean-François Forest et la publication d’ouvrages religieux comme les Droits de la Religion chrétienne10.
20En 1779, le libraire Jean Dupleix fait imprimer par André Larroire, à Pamiers quatre ouvrages dont le Dictionnaire de droit et de pratique de Claude Joseph de Ferrière, et, 1783, l’Abrégé du dictionnaire des cas de conscience de M. Pontas, en association avec Noël-Étienne Sens à Toulouse et Gaude à Nîmes. Etait-ce à cause de la proximité de Pamiers, ou parce qu’André Larroire y était le successeur de Jean-Florent Baour ?
- 11 BARBIER Frédéric, « L’économie éditoriale », Histoire de l’édition française..., op. cit., tome 2, (...)
21« Une association de ce type peut éviter d’avoir à avancer des sommes en liquide par trop importantes », explique Frédéric Barbier, « le libraire-éditeur se tournant alors vers un imprimeur extérieur, dont les investissements (notamment pour le papier) et le travail constituent la participation, selon telle ou telle formule, à l’exploitation du manuscrit11 ». De telles impressions devaient-elles figurer dans notre corpus ? Nous avons longtemps hésité, mais nous les avons acceptées le commanditaire et la diffusion étant toulousains.
22Les exemples considérés montrent notre cheminement, et le sens large que nous accordons au terme « impressions toulousaines », c’est-à-dire, imprimées ou vendues à Toulouse, ou dont les permissions ont été demandées par des toulousains. À nous de bien distinguer en cours d’étude ce qui est imprimé à Toulouse, de ce qui est édité et diffusé dans la ville.
II- Le livre-objet : description matérielle
23Le privilège d’impression était octroyé le plus souvent à des libraires, rarement à des auteurs. À Toulouse, on ne peut – à de rares exceptions près – imaginer un auteur venant lui-même proposer à un imprimeur un texte à publier dont il payait les frais. On remarque cependant qu’un maître de pension, nommé Sirven, fit imprimer en 1778 un Abrégé de mythologie et des Fragments d’histoire sacrée, profane et fabuleuse, chez Rayet, les exemplaires étant vendus chez l’« Auteur de l’Ouvrage, rue Malbec, derrière le Collège Royal ».
24Souhaité par un libraire ou par un auteur, le livre devenait alors un objet matériel ; il revenait à l’imprimeur d’en déterminer le format, d’où découlerait le nombre de pages et d’en composer la page de titre et ses illustrations, dans les limites des moyens techniques de l’époque et surtout des ressources financières disponibles.
1- Les pages de titre
25Le livre s’ouvre sur la page de titre. Elle est née de manière empirique ; Matthieu Desachy et Alexandrine Ramos rapportent que :
- 12 DESACHY Matthieu, RAMOS Alexandrine, « L’état civil du livre », dans Villefranche-de-Rouergue, la (...)
Les premiers typographes constatant que le recto du premier feuillet se salissait immanquablement – il faut rappeler que les livres étaient commercialisés sans reliure – eurent l’idée, pour éviter que le début du texte apparaisse maculé, de commencer l’impression au verso du premier feuillet et de laisser le recto vierge. Ils furent alors tout naturellement amenés à faire figurer sur cette page restée blanche, un titre restreint permettant d’identifier rapidement l’ouvrage12.
- 13 BARBIER Frédéric, Histoire du livre..., op. cit., p. 159.
26Construite progressivement, à partir des années 1475-1480, la page de titre a d’abord pour but d’indiquer le contenu du livre et de porter la marque du libraire ou de l’imprimeur. Puis, à partir de 1510, un encadrement ou une illustration agrémentent la page13. Certains imprimeurs y placent une figure gravée sur bois ou leur marque. Ainsi, dès le début du XVIe siècle, la page de titre a pris son aspect moderne avec indication du titre de l’ouvrage, du nom de l’auteur, de l’adresse et de la date, et souvent la marque typographique.
- 14 PARGUEZ Guy, « À propos des pages de titres des livres anciens », Revue française d’histoire du li (...)
27Guy Parguez donne de cette page de titre une description vivante en en rappelant les différents acteurs et les enjeux : elle « sert d’intermédiaire, on serait tenté de dire d’entremetteuse, entre le livre et le client [qui remarque d’abord] le nom du libraire et son adresse, label de qualité, la date, [lui] permettant de choisir des produits frais ». Il poursuit : « le reste de la page […] nous apprend en premier lieu ce que les clients recherchent, le sujet traité, tandis qu’il faut parfois chercher ailleurs les intentions véritables de l’auteur14 ».
28Les différentes parties indiquées le long de la page de titre de la Vie de Jean-Jacques Daumond, serviront de plan à l’étude
a) L’adresse de l’imprimeur et la date
29Suivant les propos de Guy Parguez, le client regarde d’abord le nom de l’imprimeur « label de qualité ». Il est toujours placé au bas de la page de titre, ici « Pierre Robert », avec sa qualité et son adresse « Imprimeur-Libraire, près les RR. PP. Jésuites ». Ces adresses nous ont permis d’ailleurs de dresser la carte de la localisation des imprimeurs et des libraires au chapitre 4. Pierre Robert a ajouté l’enseigne de sa boutique « au Saint Nom de Jésus » qui constitue une « publicité » avant l’heure. En dessous, la date d’édition est le plus souvent en majuscules et en chiffres romains, mais, dans 4,4 % des pages, elle est à côté de l’adresse et mentionnée en chiffres arabes, comme dans l’exemple, où la date est manuscrite.
30En dessous, au milieu du bas de page la mention « avec approbation et privilège », « avec privilège », ou « avec permission » est mise en évidence. C’est la condition essentielle pour la diffusion, comme nous l’avons montré au chapitre 2.
b) Le titre
- 15 Catalogue des impressions toulousaines, en ligne Framespa – BMT.
31Dans un livre religieux banal comme la Vie de Jean-Jacques Daumond, le client et lecteur retrouve effectivement le titre en gros, en majuscules sur plusieurs lignes avec une indication en minuscules sur la personnalité de Jean-Jacques Daumond. Dans le catalogue des impressions toulousaines15, nous avons relevé ces variations typographiques en conservant majuscules, minuscules, italiques et en utilisant une barre oblique pour le renvoi à la ligne.
32Comme au XVIe siècle, les titres peuvent être très longs car ils essayent d’annoncer tout ce que contient l’ouvrage et font presque office de table des matières Dans l’exemple suivant, qui concerne un ouvrage de grammaire et de stylistique, Regia Parnassi seu palatium musarum in quo synonyma, imprimé par Sébastien Hénault en 1755, vingt-trois lignes sont consacrées à la description du contenu de cet ouvrage de 775 pages.
- 16 BARBIER Frédéric, Histoire du livre..., op. cit., p. 159.
33Il existe plusieurs éditions de cet ouvrage ; en 1757, Sébastien Hénault réimprime Regia Parnassi en version de « luxe », avec un titre en noir et rouge qui suppose deux passages successifs sous la presse16. Ces éditions de luxe d’ouvrages réputés complètent une version plus ordinaire (comme celle de 1755). Cependant, nous n’avons trouvé que trois autres pages de titres en rouge et noir dans le corpus : celle des Notables et singulières questions de droit écrit, jugées au Parlement de Toulouse par Géraud de Maynard, publiées chez François Hénault en 1751, de l’Ordonnance de Louis XV de Furgole, vendue chez Antoine Birosse en 1761, et de Las Obros de Pierre Goudelin, imprimées par Bernard Pijon en 1769.
34Pour accrocher le lecteur, la nouveauté est mise en avant par l’utilisation assez fréquente de l’adjectif « nouveau », qui figure dans une vingtaine de titres : ainsi, en 1775, paraît chez Joseph Dalles un Livre d’église, Latin-Français, suivant le nouveau Bréviaire de Toulouse, contenant l’office du matin ; en 1779, Jean-François Desclassan imprime le Nouveau recueil d’ostéologie et de myologie, dessiné d’après nature par Gamelin, et, en 1782, Jean-Baptiste Resplandy vend le Nouveau Recueil de poésies du chevalier de Bernardy.
35On remarque une insistance certaine sur les nouvelles éditions, il fallait vendre les ouvrages. Vingt-cinq pages de titres comprennent l’expression « Nouvelle édition » ; onze « Édition revue et corrigée » ; deux indiquent « Dernière édition, plus exacte que toutes les précédentes », comme pour la Grammaire générale contenant les rudimens, l’abrégé de la Grammaire raisonnée, publiée chez Jean Guillemette en 1743.
36Les pages de titres reproduites ci-avant cherchent à montrer la variété des mises en pages mêlant livres de droit, réservés à une élite, et livres plus populaires.
c) Le nom de l’auteur
37Généralement placé sous le titre, le nom de l’auteur, est souvent en gros caractères et agrémenté de ses qualifications sociales ou professionnelles. Concernant La vie de Jean-Jacques Daumod qui était écolier du Collège de la Compagnie de Jésus nous savons que l’auteur anonyme est « un père de la même compagnie ». Remarquons que le nom de « Bonaffos de la Tour » est manuscrit et a été rajouté. Dans plusieurs ouvrages de droit, on rappelle que François Boutaric est « professeur de droit françois en l’université de Toulouse, et avocat en Parlement ». Guillaume de Ponsan, auteur de l’Histoire de l’Académie des Jeux floraux en 1767, indique qu’il est « Trésorier de France de la Généralité de Toulouse, l’un des Quarante de l’Académie des Jeux Floraux ». Mazars de Cazèles, auteur en 1780 d’un Mémoire sur l’électricité médicale, rappelle qu’il est « Docteur en l’Université de Médecine de Montpellier, Aggrégé à la Faculté de Toulouse, Associé de l’Académie Royale des Sciences & Belles-Lettres de Béziers, &c., Correspondant de la Société Royale de Médecine de Paris, Médecin à Toulouse ». Tout en leur rendant hommage, ces dernières indications ont pour but d’attirer le client en invitant à acheter des ouvrages d’auteurs compétents.
d) La marque au titre
- 17 FEBVRE Lucien, MARTIN Henri-Jean, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1999, p. 122.
- 18 Ibid., p. 123-124.
38« L’état civil du livre », selon l’expression de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin17, ne saurait être complet sans l’évocation de la marque au titre. Apparue dès le XVe siècle, ce fut d’abord un simple signe que les libraires et les imprimeurs traçaient sur les balles de livres qu’ils expédiaient ; puis elle ne tarda pas « à devenir une véritable illustration publicitaire destinée, non seulement à indiquer les origines du livre, mais aussi à orner celui-ci et à affirmer sa qualité18 ».
39La « marque au titre », ainsi désignée dans les catalogages, n’est pas toujours la marque typographique ; c’est souvent une ornementation sans rapport avec le sujet de l’ouvrage. Un classement s’imposait donc.
40La marque typographique est reprise régulièrement par l’imprimeur et sert à l’identifier aisément. Elle peut être constituée par une vignette, ainsi Jean et Jean-Henri Guillemette ont repris sur 45 pages de titres du corpus la vignette de la Pallas toulousaine, rappelant le passé de Toulouse surnommée « cité palladienne » ; titre que le poète latin Martial lui avait décerné au premier siècle et qu’il disait vouée à Pallas Athéna, déesse de la raison et de l’intelligence, protectrice des lettres, des sciences et des arts, soulignant par là sa vocation intellectuelle et artistique.
41La marque typographique pouvait être occasionnelle. Dominique Desclassan sur les Sermons, panégyriques et discours du R. P. Barutel, en 1788, appose sa marque avec ses initiales, deux D entrecroisés, et une équerre et un compas, qui rappellent son appartenance à la franc-maçonnerie.
42La marque au titre est souvent celle du commanditaire symbolisé par son armoirie ou par la marque de son ordre.
43Dans La vie de Jean-Jacques Daumond, l’auteur est un jésuite qui fait apposer leur marque IHS. Dans le corpus, dix-neuf pages de titres sont ainsi marquées.
44Quand le commanditaire est un évêque ou un archevêque, ses armoiries sont systématiquement reproduites en page de titre. Les exemples sont très nombreux : catéchismes, bréviaires, missels, offices des saints, offices de la quinzaine de Pâques, processions, actes des synodes, imprimés « par ordre » de l’évêque ou d’un archevêque, en sont ornés. Suivant la qualité de l’impression elles seront plus ou moins belles. Nous reproduisons ci-dessous les armoiries de Charles d’Osmond, évêque de Comminges qui commanda le Missale Convenarum en 1774.
45Enfin, les marques au titre sont souvent des ornementations dans le bas de la page. On trouve généralement de petits culs de lampes anodins ou de petits motifs floraux ; cependant, nous avons remarqué de beaux fleurons ou des culs de lampes décoratifs dans des ouvrages de droit en in-4°, notamment dans ceux de Boutaric, comme dans l’Explication de l’Ordonnance de Louis XIV, imprimée par Gaspard Hénault en 1743.
46Les pages de titres des livres toulousains se veulent généralement soignées, composées sur un modèle identique, cependant le rendu de la page de titre dépend de la qualité du papier, de celle des caractères utilisés et de leur état de conservation.
2- L’illustration
47Venant de traiter de l’ornementation de la page de titre, il nous a paru logique d’évoquer le décor du livre que le lecteur remarque généralement en le feuilletant, après avoir regardé la page de titre.
- 19 BLONDEAU Chrystèle, « Illustration », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., p. 509.
- 20 PASTOUREAU Michel, « L’illustration du livre : comprendre ou rêver ? », Histoire de l’édition..., (...)
48Selon Chrystèle Blondeau, « la nécessité et l’intérêt de l’illustration cumulant fonctions esthétiques, pédagogiques et politiques ne s’est imposée qu’au XIXe siècle19 ». Auparavant, le langage de la vue et le langage de l’écriture étaient dissociés ; aussi nous ne serons pas surpris de ne trouver que relativement peu d’illustrations dans les livres toulousains du XVIIIe siècle. Cependant il faut s’entendre sur les termes « d’illustration » et de « livre à figures ». Nous adopterons une définition large du « livre à figures » ou du livre illustré, qui considère toutes les illustrations, celles des ouvrages de luxe comme celles des livres populaires20. Si nous n’avons repéré que peu de gravures ou de planches gravées, le livre toulousain a des figures qui l’ornent (frontispices, bandeaux, fleurons, vignettes, culs-de-lampes, etc.). Il présente des exemples variés de figures, que ce soit dans des éditions de luxe comme dans les plus populaires.
a) Les frontispices
49Sur 585 livres toulousains, nous n’avons repéré que vingt-deux frontispices ; considérons les comme des ornements rares qui complètent la page de titre et apportent une information complémentaire. Feuilletant les livres toulousains, nous avons d’ailleurs constaté que le frontispice ne figure pas dans toutes les éditions d’un même ouvrage : un frontispice gravé pouvant avoir été ajouté dans une édition luxueuse pour éclairer la page de titre, ou enlevé aisément ce qui amoindrissait le coût de l’ouvrage.
50Dans les livres populaires de la Bibliothèque bleue, le frontispice a été pendant longtemps la seule gravure figurant face à la page de titre. À la fin du XVIIIe siècle, des frontispices gravés sur bois ne sont pas rares comme dans Le manuel de la dévote confrairie des pénitents noirs imprimé par Jean-Florent Baour en 1786, ou dans les Prières de la procession des pénitents gris imprimé par Jean-Henri Guillemette en1774 dont nous donnons une reproduction ci-après.
51Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle toulousain, on rencontre quelques frontispices gravés sur cuivre. Dans les ouvrages religieux, le frontispice fait office de belle illustration comme celle nous pouvons voir dans celui du Breviarium San-Papulense de 1772, qui cherche à donner une image apaisante de la Vierge et l’enfant. Des frontispices gravés sur cuivre présentent des portraits du commanditaire ou des auteurs, tel celui de Peire Godolin dans Las obros de Goudelin de 1769 (page suivante) ; une relation plus étroite se crée alors entre l’auteur représenté et le lecteur.
- 21 Voir le passage concernant les graveurs, chapitre 3.
52Voici le frontispice de l’Histoire de la ville de Toulouse de Raynal dont on appréciera le travail du graveur en taille-douce Louis François Baour21 et les armoiries.
b) Les planches
53En dehors des frontispices, nous n’avons pas trouvé d’autres gravures, si ce n’est des planches gravées dans une quinzaine de livres. Il s’agit d’abord de livres religieux, comme le Missale Convenarum de 1774 qui offre une planche avec un Christ en croix et une inscription « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi ». La Sainte Bible en français et en latin de Dom Calmet, en 17 volumes, vendue chez Noël-Étienne Sens en 1779, contient quinze planches qui illustrent des épisodes bibliques : le tome 12 consacre sept planches à la Monarchie des Hébreux sous Salomon ou le Royaume d’Israël. Page suivante le lecteur verra un plan de l’Ancienne Jérusalem et du Temple de Salomon.
54Trois ouvrages médicaux proposent des coupes « scientifiques » ; ainsi l’Histoire des maladies internes de Vieussens, imprimée chez Jean-Jacques Robert en 1774, est illustrée par une coupe de rein reproduite ci-après.
55Le Nouveau recueil d’Ostéologie et de myologie, dessiné d’après nature par Gamelin et imprimé par Jean-François Desclassan en 1779, est un ouvrage constitué de 100 planches inspirées par de nombreuses séances de dissection, qui n’excluent pas l’humour, comme le montrent les « Squelettes à la taverne ». Cet ouvrage est un des livres les plus réputés des productions toulousaines au XVIIIe siècle.
56Quelques planches se veulent techniques dans le Traité sur les mines de fer et les forges de Picot de Lapeyrouse imprimé chez Dominique Desclassan en 1786. Une planche donne le « Plan géométral de la Forge de Guille » et une autre la « coupe du creuset et du tambour prise sur la ligne AB ».
3- Les ornements
- 22 PASTOUREAU Michel, « L’illustration du livre… », op. cit., p. 613.
57Les ornements servent à structurer le texte imprimé, « à signaler les débuts de partie, de chapitre, de paragraphe, à aider le lecteur à retrouver tel ou tel passage et en ce sens aident, bien plus que de véritables illustrations, à sa lecture et à sa compréhension22 ».
a) les bandeaux
- 23 CORSINI Silvio, « Bandeau », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., p. 210.
58Ce sont des « éléments décoratifs placés en général en tête d’un chapitre de livre, ils forment généralement une bande horizontale dont les extrémités sont le plus souvent alignés sur la justification du texte » telle est la définition qu’en donne Silvio Corsini23.
59Il faut d’abord distinguer les bandeaux signés des autres, les bandeaux simples de plus recherchés. Les petits bandeaux et en-têtes se retrouvent dans les livres les plus « populaires ». Le bandeau simple est le bandeau à « figures géométriques » comme celui que nous reproduisons ci-dessous.
- 24 Voir, au chapitre 3, la présentation approfondie de ces graveurs.
60Les ouvrages plus luxueux ont des bandeaux plus chargés, avec des feuillages ou des volutes. Ils sont signés le plus souvent par des graveurs tels Peyrane, Raynaud ou Gritner24. Deux de leurs bandeaux sont reproduits ci-après.
b) Les culs de lampe
- 25 CORSINI Silvio, « Cul de lampe », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., p. 706.
61C’est à l’origine « une composition typographique formant un triangle la pointe en bas ». De nos jours, par extension, c’est un « petit ornement, quel que soit sa forme, placé à la fin d’un chapitre25 ». Ces ornements ont rarement un rapport avec le contenu de l’ouvrage ainsi dans La Henriade de Voltaire, épopée à la gloire d’Henri IV, deux culs de lampe décorent des espaces vides ; un en forme de petite maison, et un autre en forme de vasque fleurie.
- 26 COHEN Henri, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, sixième édition, revue, cor (...)
62Le nombre important de reproductions destiné à faire mieux connaître les illustrations toulousaines ne doit pas nous faire oublier la rareté des planches et des illustrations. Bandeaux, lettres ornées, frises, fleurons et culs de lampes constituent les principaux éléments du décor des livres toulousains. Réalisés soit par des graveurs toulousains, ignorés des grands spécialistes26, que nous avons présentés au chapitre trois, soit par des graveurs « étrangers » comme Gritner, la gravure toulousaine, essentiellement sur bois, offre cependant quelques beaux exemples de gravure sur cuivre, notamment dans les frontispice et les planches, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
63Abordons à présent un autre élément matériel dans cette description du livre : les formats.
4- Les formats
64Le choix du format est déterminant pour la mise en forme du texte.
- 27 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 150.
65Alors que l’étude de la production globale a montré que le format in-quarto est utilisé dans 48,3 % des productions toulousaines, concernant les livres la situation est fort différente : 43 % d’entre eux sont des in-12 et 27,8 % des in-8°, auxquels s’ajoutent 6,7 % de très petits formats (in-16, in-18, in-24 ou in-32). 77,5 % des livres toulousains sont de petits formats. À Strasbourg, Frédéric Barbier obtient des résultats différents, puisqu’il indique que « les in-quarto regroupent 44 % du total des livres et que les petits formats (in 8° et en dessous) ne regroupent que 30,5 % des impressions27 ».
66L’évolution des formats par tranche décennale confirme cette première observation, en valeur absolue comme en valeur proportionnelle.
67Le nombre de livres in-octavo progresse régulièrement à partir de la décennie 1759-1768. En valeur proportionnelle, ce format concerne alors 29,4 % des impressions, puis le taux reste à 29,1 % de 1769 à 1778, et s’élève brusquement à 41,5 % de 1779 à 1788.
68Le format in-12 est le plus employé dans les livres toulousains, sa place dans la production varie peu à partir de 1760 et avoisine les 42 % des impressions jusqu’en 1788. Il est employé majoritairement dans les ouvrages religieux (à 58,9 %), nous les étudierons par la suite.
1739-1748 |
47,0 % |
1749-1758 |
31,0 % |
1759-1768 |
42,3 % |
1769-1778 |
41,8 % |
1779-1788 |
42,6 % |
Tableau 22. Le poids de l’in-12 dans la production décennale de livres, 1739-1788.
69Dans la décennie 1779-1788, on observe une augmentation relative des « autres » formats, plus petits – in-16, in-18, in-24, in-32 – ; vingt-quatre d’entre eux ont été recensés. Alors qu’ils ne représentaient que 1,3 % des livres en 1739-1748, ils passent à 6,1 % en 1769-1778 puis régressent à 5,2 % dans la dernière décennie.
- 28 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 149-150.
70Le corpus révèle une évolution surprenante du livre in-folio. Traditionnellement employé pour les ouvrages religieux, il est en fait, rare à Toulouse : huit livres seulement ont été recensés. La part de l’in-2 diminue, en valeur proportionnelle, passant de 5,2 % dans la décennie 1749-1758, à 0,5 % de 1779 à 1788. Ces résultats surprennent d’autant plus qu’ils différent totalement des recherches menées à Strasbourg par Frédéric Barbier, à partir des archives de la famille Levrault. Là, les in-2 représentent 13 % du total des livres de 1676 à 1785, et l’auteur parle même d’une nette reprise à partir de 1765 (indices de 209 pour 1766-75 et de 118 pour 1776-85)28.
- 29 Ibid.
71Un cinquième des ouvrages (20,3 %) est de format in-quarto dont, notamment, des livres de droit. Leur nombre est en légère augmentation au fil des décennies : on compte 21 titres de 1759 à 1768, 24 de 1769 à 1778 et 25 de 1779 à 1788 ; mais, en valeur proportionnelle, l’in-quarto perd de l’importance. Alors qu’il était employé pour 33,3 % des ouvrages dans la décennie 1749-1758, il ne l’est plus que pour 18,3 % de 1769-1778 et pour 14,5 % dans la décennie suivante. C’est là une situation originale, du moins par rapport à celle de Strasbourg, où « le poids, en valeur absolue comme en valeur proportionnelle, des in-quarto tend à s’accroître à partir de 1750 » (37,6 % en 1766-75, 54,1 % pour la décennie 1776-1785)29.
- 30 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 374.
72Ce développement des petits formats (in-8°, in-12, autres) est à mettre en parallèle avec les progrès de l’alphabétisation, qui a entraîné la diffusion de l’imprimé dans toutes les couches de la population, bien que la « majorité des Toulousains soient encore illettrés quand éclate la Révolution30 ».
- 31 BARBIER Frédéric, Histoire du livre…, op. cit. p. 158.
73Toulouse n’est pas un exemple unique ; Frédéric Barbier note que « le XVIIIe siècle voit le triomphe des petits formats dans la librairie occidentale avec en tête l’inoctavo et l’in-douze, voire l’in-seize ou plus rarement l’in-vingt-quatre31 ». Il l’associe non seulement à l’élargissement du public, mais aussi à la mutation en cours de l’imprimé qui amène les libraires à multiplier les éditions d’un texte sous des formats différents ; c’est le cas pour l’Encyclopédie. Mais nous n’avons pas d’exemples toulousains de cette pratique.
5- Le nombre de pages
74L’aspect des livres varie également selon leur grosseur.
- 32 BARBIER Frédéric, Histoire du livre…, op. cit. p. 150.
75La répartition des 533 livres au nombre de pages connu traduit un certain équilibre. En effet, 30 % d’entre eux ont entre 49 et 99 pages, 26 % entre 100 et 299 pages et 19,3 % entre 300 et 499 pages, les gros ouvrages, en un ou plusieurs volumes, de plus de 499 pages, représentant le quart du corpus. Ces chiffres diffèrent de ceux de Strasbourg où les petits livres de moins de 100 pages rassemblent 78,3 % du total des imprimés, entre 1676-1685 et 1775-1785 ; ensuite il décroît en fin de période à 69,7 %, souligne Frédéric Barbier, qui note un développement des 100-299 pages à partir de 1746-55 et, des plus de 300 pages à partir de 1766-7532.
76Parmi les ouvrages en plusieurs volumes, les plus fréquents sont ceux en deux tomes ; nous en avons dénombré vingt-deux dans notre catalogue de livres conservés. Dès 1743, Antoine Rellier imprime un ouvrage en six volumes, le Caractère du chrétien du R. P. Gabriel Martel. Cependant il faut attendre les années 1770 et le décollage de la production imprimée pour trouver une augmentation nette du nombre de tomes et même de l’épaisseur des livres, notamment dans les ouvrages religieux. Le Missale Tolosanum, chez les Libraires associés, est un gros in-4° de plus de 1 000 pages ; il en est de même pour les missels de Saint-Papoul, d’Elne ou du Comminges, parus la même année. En même temps, des bréviaires et des diurnaux s’impriment en quatre tomes. En 1782, les Sermons du Père de la Rue, vendus chez le libraire Noël-Etienne Sens, sont en quatre tomes in-12 ; en 1783, Le Dictionnaire historique, critique, chronologique, de la Bible par le Père Dom Augustin de Calmet est imprimé par Dominique Desclassan en 6 tomes in-8°. En 1787, l ‘ imprimeur-libraire Nöel-Etienne Sens réédite Les Sermons du Père Bourdaloue de la Compagnie de Jésus, en 15 tomes in-12. Les impressions religieuses les plus importantes en nombre de volumes sont, en 1779, la Sainte Bible en latin et en françois du Père Dom Augustin de Calmet en 17 volumes in-8 et, en 1788, celle traduite en français par le R. P. Carrière, en 10 volumes in-12.
77Si les livres en plusieurs volumes sont essentiellement des ouvrages religieux, il ne faut pas oublier dans les Belles-Lettres les Délassemens de l’homme sensible ou anecdotes diverse par M. d’Arnaud paru en 7 tomes in-12. Ainsi la publication d’ouvrages en plusieurs tomes est logiquement liée à l’affirmation des formats in-12 et in-8°.
Nombre de volumes |
Nombre de livres concernés |
1 |
13 |
2 |
22 |
3 |
8 |
4 |
6 |
5 |
3 |
6 |
2 |
7 |
1 |
10 |
1 |
17 |
1 |
Tableau 23. Le nombre de volumes dans les livres de plus de 300 pages, 1739-1788.
6- La langue
78Étudiant les caractères matériels du livre, il peut paraître surprenant que nous y abordions les langues d’impression, mais dans la mesure où, comme la qualité de présentation, le format, la maniabilité, la langue peut être un motif d’attrait ou de refus, nous avons cru pouvoir les examiner ici, d’autant que, dans une région où l’occitan était majoritairement parlé, il nous a paru important de nous y intéresser. Le tableau ci-après classe les différentes langues d’impression par importance décroissante et souligne le succès du français, présent dans 83 % des livres. Les livres en latin ne représentent que 15 % des impressions, il est utilisé pour les nombreux livres liturgiques, les offices étant en latin, et pour quelques livres de littérature.
Langue |
Nombre de livres |
% sur l’ensemble des livres |
Français |
484 |
83,3 % |
Latin |
87 |
15 % |
Français et Latin |
5 |
0,8 % |
Gascon |
5 |
0,8 % |
Basque |
1 |
0,17 % |
Tableau 24. Le nombre de livres selon la langue, 1739-1788.
- 33 PIC François, « Approche bibliographique de la littérature religieuse en occitan imprimée aux XVe- (...)
- 34 Ibid., p. 562.
79La présence dans le corpus de seulement cinq livres en « gascon » nous a intriguée. Comment parler de l’absence quasiment de l’occitan dans les livres, alors que les travaux de François Pic sur la littérature religieuse en occitan indiquent une production de 146 unités bibliographiques pour Toulouse entre 1739 et1788, essentiellement dues à la veuve de J.-P. Robert et de Guillemette33 ? En fait, la confusion vient du fait que nous n’avons pas adopté les mêmes les critères catégoriels. Nous parlons d’ouvrages de plus de 48 pages, François Pic recense, lui, toute la production sous forme de livres mais aussi de plaquettes, les classant en quatre catégories : les Noëls ; les catéchismes primitivement appelés Doctrine chrétienne ou abrégé de la doctrine chrétienne ; les recueils de cantiques ou Cantiques spirituels et les chants de pèlerinages34.
80Nos recherches soulignent donc bien la rareté du livre occitan. Il convient cependant d’indiquer, parmi les ouvrages conservés, l’ouvrage de Pierre Goudelin Las Obras, réimprimé quatre fois au XVIIIe siècle, en 1713 et en 1716 par Claude-Gilles Lecamus, en 1769 par la veuve de Bernard Pijon et en 1774 par J.-A.-H.-M.-B. Pijon. La parution d’un ouvrage rédigé en basque, imprimé par Jean-Jacques Robert, en 1768, tient de l’anecdote. La permission écrite étant rédigée en basque, il nous est difficile de connaître les raisons de ce type d’impression.
81Majoritairement rédigé en français, le livre toulousain perd en taille ; le petit format in-8° progresse avant le Révolution, mais le nombre de pages moyen, entre 48 et 100 pages à tendance à s’allonger.
III- La production annuelle en nombre de titres
82Les pages de titres que nous avons décrites servent de base à l’étude quantitative des titres que nous entreprenons maintenant.
1- La part des livres dans la production totale
83Les livres ne représentent que 15,8 % de la production totale des imprimeurs toulousains, les « sans date » inclus (17,8 %, si on les exclut). Cette proportion est donc modeste et n’est pas soumise à de grandes variations, dans le temps, comme le montre le tableau ci-dessous :
Décennies |
% de livres dans la production totale datée |
1739-1748 |
18,43 % |
1749-1758 |
13,38 % |
1759-1768 |
15,32 % |
1769-1778 |
20,78 % |
1779-1788 |
19,14 % |
Tableau 25. Évolution du poids des livres dans la production totale, 1739-1788.
2- Évolution annuelle de la production de livres
84Au chapitre cinq, nous avons constaté un triplement de la production globale de 1739 à 1788. L’augmentation est plus forte pour la production de livres, puisque on passe de cinq unités bibliographiques en début de période à vingt-deux à la veille de la Révolution, soit plus de quatre fois plus.
- 35 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 123.
85On distingue trois grandes phases dans cette évolution. Hormis le pic de 1743, la première va de 1739 à 1757, et montre une production relativement faible de 117 ouvrages, avec en moyenne 6,1 titres par an ; ces chiffres sont inférieurs à ceux de l’évolution de la production globale. La seconde phase s’étend de 1758 à 1773 et révèle une augmentation sensible du nombre de titres – 147 – soit une moyenne de 9,1 titres par an. Remarquons qu’il n’y a pas de pic de production en 1754 et 1764, comme dans l’évolution de la production globale. Enfin la dernière phase, qui va de 1774 à 1788, voit un net accroissement du nombre de titres – 278 – avec une moyenne annuelle de 18,5 titres. La production toulousaine est donc plus forte qu’à Rouen, où Jean Quéniart constate « une hausse de la production moyenne qui, à partir de 1778, s’établit à 15,6 ouvrages par an35 ».
86La croissance étant très irrégulière, nous avons identifié les pics de production supérieurs à vingt ouvrages. Plusieurs apparaissent, en 1743 et dans les deux dernières décennies, en 1774, 1775, 1782, 1785, 1786, 1787 et 1788.
87Nous avons déjà expliqué la forte croissance de l’année 1743 par la précipitation des imprimeurs toulousains à publier des ouvrages avant la mise en place du Code de la Librairie. Vingt et un livres sortent alors de leurs presses, dont onze livres religieux et six ouvrages de droit, parmi lesquels l’Explication de l’ordonnance de Louis XIV de François Boutaric en trois tomes. Notons que ce pic est nettement plus marqué dans la courbe de titres de livres que dans la courbe de la production globale.
- 36 GUÉRANGER Prosper, Institutions liturgiques, tome II, ch. XXIII, p. 508, http://www.abbaye-saint-b (...)
- 37 Ibid., p. 509.
88Comment interpréter celui de l’année 1774, où l’on compte 28 publications d’ouvrages de plus de 48 pages, dont quatorze livres religieux, soit la moitié des livres imprimés dans l’année ? En fait, entre 1770 et 1775, on remarque une forte production d’ouvrages religieux : six bréviaires, quatre missels et quatre diurnaux ont été conservés. C’est la conséquence de la réforme liturgique amorcée dans la décennie précédente par Loménie de Brienne, que Prosper Guéranger présente ainsi : « L’Église de Toulouse, en 1761, vint abjurer les traditions romaines36 » et s’est rapprochée de l’Église gallicane. Un janséniste, faisant l’éloge de cette réforme dans les Nouvelles ecclésiastiques, en avril 1772, ajoutait : « On sait, que M. l’archevêque de Toulouse et MM. Les évêques de Montauban, Lombez, Saint Papoul, Aleth, Bazas et Comminges, ont donné l’année dernière à leurs diocèses respectifs un nouveau bréviaire qui est le même que celui de Paris ; à quelques changements près, qui n’intéressent point le fond de cet ouvrage immortel37 ». La réforme liturgique n’explique cependant, qu’en partie le pic de production de 1774, puisque figurent aussi, dans la liste des livres conservés, six ouvrages littéraires.
89Le pic de production de 1782 s’explique également par le contexte religieux. Un important synode diocésain s’est tenu à Toulouse au mois de novembre 1782 dont les Actes ont été rapidement imprimés. Dix autres ouvrages religieux sont aussi édités ou réédités, dont les Instructions générales en forme de catéchisme imprimées par ordre de l’évêque de Montpellier ; l’Extrait du rituel de Toulouse ou Manuel contenant les Rites & les Cérémonies, et des biographies exemplaires comme La vie du R. P. Amboise de Lombez.
90Les années 1785-1788 enfin connaissent une forte production, notamment de livres religieux toujours majoritaires, et une progression des ouvrages de belles-lettres sur laquelle nous reviendrons.
3- Évolution par tranche décennale
91L’histogramme ci-après montre une croissance soutenue du nombre de titres de livres, vers la fin des années 1760. Entre les décennies 1759-1768 et 1769-1778 l’augmentation de la production en titres est de 55,8 %, elle fléchit légèrement entre les décennies 1769-1778 et 1779-1788 avec un taux de + 36,2 %.
- 38 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 123.
- 39 BRANCOLINI Julien, BOUYSSY Marie-Thérèse, « La vie provinciale du livre à la fin de l’Ancien Régim (...)
92Dans les dix dernières années de l’étude il n’y a pas de décollage de la production de livres consécutif aux arrêts de 1777, alors qu’à Rouen on constate un net accroissement de la production en 1778 et 177938. La production conservée oscille entre 17 titres en 1778 et 22 en 1782, sans connaître de réel pic. Le corpus est alors constitué de livres ayant obtenu des privilèges (29 titres) et des permissions simples (36 titres). Il est logique que nous arrivions à des conclusions différentes de celles de Julien Brancolini et Marie-Thérèse Bouyssy39 qui n’étudiaient que les permissions simples or les livres ayant obtenu un privilège constituent 44,6 % de l’ensemble conservé.
IV- La production annuelle en nombre de pages
93Les publications toulousaines, plus nombreuses au cours du XVIIIe siècle, sont également plus volumineuses, comme le montre l’histogramme de la production en nombre de pages :
94L’évolution de la production en nombre de pages se montre très contrastée. Globalement deux phases se distinguent ; une première de 1739 à 1769, où la production annuelle moyenne est de 2 811 pages, et une seconde, plus irrégulière, de 1770 à 1788, avec une moyenne de 6 885 pages. Les pics observables correspondent, comme nous l’avons vu à propos de la production globale, soit à un accroissement exceptionnel du nombre de titres, comme en 1774, avec la réforme liturgique, soit à la publication d’ouvrages en plusieurs tomes, telle la Sainte Bible parue en 1779, en 17 volumes et 14 962 pages, en 1783 le Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de Dom Augustin Calmet en six tomes (soit 4 062 pages), ou la Sainte Bible en latin et en français du R.P. de Carrières, rééditée en 1788 en dix tomes (soit 5 461 pages).
95Les grandes phases de la production de livres étant définies, il convient à présent d’étudier leur ventilation selon les différentes catégories bibliographiques.
V- Les catégories bibliographiques de livres
96La répartition des livres entre les différentes catégories bibliographiques permet de mettre en lumière les rapports que les imprimeurs et les libraires toulousains ont pu avoir avec la culture de leurs contemporains.
- 40 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 14-15.
97Nous avons largement utilisé la classification des livres établie par François Furet lorsqu’il réalisa, à partir des registres des privilèges, la première grande enquête sur la « Librairie » du XVIIIe siècle40 ; elle a également été employée par Julien Brancolini et Marie-Thérèse Bouyssy dans leur étude sur « La vie provinciale du livre à la fin de l’Ancien Régime ». Quelques années plus tard, cette classification a été reprise et quelque peu complétée, par Jean Quéniart dans son travail sur L’imprimerie et la librairie à Rouen au XVIIIe siècle. Néanmoins, les cinq grandes catégories déterminées – théologie et religion, droit et jurisprudence, histoire, sciences et arts et belles-lettres – demandaient quelques adaptations aux réalités du corpus toulousain, notamment pour le traitement des « périodiques » comme une catégorie à part.
1- Religion
98La catégorie « Religion » est la plus importante, avec 242 ouvrages répertoriés, ce qui représente 41,3 % du corpus. Pour mieux l’appréhender, nous la diviserons en sous-parties d’importance très inégales, établies à partir des classements existants.
99Six ouvrages relatifs aux « Ecritures saintes » figurent dans le corpus, dont la Sainte Bible en 17 volumes de 1779, le volumineux Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible du Père Dom Calmet, en six tomes, et la Sainte Bible, en latin et en français, contenant l’ancien et le nouveau testament du R. P. de Carrières, en dix volumes, parus respectivement en 1783 et 1788.
100Aucun ouvrage des « Pères de l’Église » n’ayant été, semble-t-il, imprimé à Toulouse, nous avons remplacé cette rubrique par celle des « Vie des saints et vies exemplaires », qui comporte dix livres concernant des saints locaux, comme sainte Germaine de Pibrac, des fondateurs d’ordres religieux, comme Jeanne de Lestonac fondatrice de l’ordre des religieuses de Notre-Dame, ou des figures de la chrétienté, tel le Caractère de la sainteté du bienheureux pape Benoît XI.
101Vingt et un ouvrages, allant de l’Explication de l’ouvrage des six jours à des Actes des synodes ou à l’Avertissement du clergé de France et à des ordonnances épiscopales, ont été classés, abusivement peut-être, à « Théologie et apologétique », car ces textes peuvent contenir des rappels à l’orthodoxie de la foi. En outre, rappelons, si cela est nécessaire, qu’il n’y a pas de « Théologie non catholique » dans le corpus toulousain.
102L’essentiel des livres religieux est regroupé dans l’ensemble « Liturgie et dévotion » où 204 ouvrages ont été classés, soit 84,3 % de la catégorie. Nous avons déjà mentionné la publication de missels, de bréviaires, de diurnaux, de vespéraux, de rituels, d’offices pour la semaine, de livres d’église, imprimés sur ordre de l’archevêque Loménie de Brienne ou d’autres évêques, dans les années 1770, suite à la réforme liturgique précédemment signalée Les évêques de Bazas, de Comminges, de Lombez, de Saint-Papoul commandent des Bréviaires. Des Extraits de rituels, « pour la commodité de ceux qui ont charge d’âmes », imprimés sur ordre des évêques, sortes d’aide-mémoire destinés au clergé, tiennent leur place dans le corpus, ainsi que les ultimes instructions de Melchior Gélabert et Simon Salamo dont on trouve une Preparatio proxima ad mortem, ad usum clericorum, populo etiam perutilis, en 1785. De même inspiration, mais destiné aux laïcs « que la retraite inspire », on note l’Exercice de la préparation à la mort d’une vie chrétienne du R. P. Martel, en 1743.
103Pour l’édification des fidèles, on réédite les Sermons du père Giroust, du père de La Rue et du père Bourdaloue de la Compagnie de Jésus, entre 1771 et 1788. Les Sermons, panégyriques et discours du R. P. Barutel, de l’ordre des Frères prêcheurs, obtiennent un privilège en 1788.
104Côté dévotion, outre des Recueils de prières, on relève la présence de vingt et un Cantiques, parmi lesquels les Cantiques ou opuscules lyriques, sur divers sujets de piété, réédités cinq fois entre 1755 et 1784. On dénombre également six ouvrages de dévotion particulière, dont la Dévotion du Rosaire de la Sainte Vierge publiée par Jean-Pierre Robert, par sa veuve, puis par Sébastien Hénault.
105Enfin, pour régler la conduite des fidèles, paraissent en 1750, chez François Hénault, les Devoirs des chrétiens, ouvrage où l’on explique les obligations que la Religion nous prescrit, à l’égard de Dieu, du Prochain et de nous-mêmes.
106Les diocèses imprimaient des Catéchismes, des Instructions destinés à l’éducation religieuse des fidèles. C’est ainsi qu’on relève le Catéchisme à l’usage du diocèse de Rieux en 1763, ou le Catéchisme du Diocèse de Lombez en 1777, les Instructions générales en forme de catéchisme de l’évêque Georges-Lazare Berger de Charancy, souvent rééditées, ou l’Instruction de la jeunesse en la piété chrétienne de Charles Gobinet, qui les complétait.
107Le tableau ci-après présente une synthèse de la composition de cette première catégorie :
« Religion » |
242 titres |
% dans la catégorie |
Écritures saintes |
6 |
2,4 % |
Vie des saints et vies exemplaires |
10 |
4,1 % |
Théologie et apologétique |
22 |
9 % |
Liturgie et dévotion |
204 |
84,3 % |
Tableau 26. Livres, composition de la catégorie « Religion ».
2- Droit et Jurisprudence
108La catégorie « Droit et Jurisprudence » comprend 136 livres, soit 23,2 % du corpus. 26 ouvrages ont été regroupés dans le « Droit canon ». Les statuts de divers chapitres, communautés ou confréries, comme les Statuts de la dévote confrérie du Trez-Saint Sacrement de l’autel ou le Traité des droits et obligations des chapitres des églises cathédrales sont intégrés dans cette catégorie avec ceux des synodes tels les Statuts synodaux du diocèse de Comenges, en 1752. Avec beaucoup d’hésitations, deux traités sur l’usure y ont été admis, dont L’usure expliquée et condamnée par l’écriture, par la Tradition et par le Droit naturel, du R. P. Carpuac, imprimé en 1782. Le Traité des matières bénéficiales de François de Boutaric, contenant l’Explication du Concordat et les institutions du droit canonique, a semblé relever du « Droit canon pratique », mais aucune sous-partie spécifique n’a été créée.
109En « Droit civil », il a fallu distinguer ce qui relève des lois et règlements généraux, de leurs commentaires ou explications à partir de cas particuliers. En conséquence, les Statuts et règlements pour les chirurgiens de province de 1753 ont été inclus dans le « Droit civil », comme aussi Les Institutes de l’empereur Justinien conférés avec le droit français de François de Boutaric. Les Traités comme le Traité des droits seigneuriaux et des matières féodales du même auteur sont également comptés dans cette rubrique. Nous n’avons pas établi de rubrique concernant le « droit civil ancien », n’ayant rencontré qu’un ouvrage daté de 1786, l’Epitome juris et legum romanorum, frequentioris usus, juxta seriem digestorum. Au total, 38 livres sont regroupés en « Droit civil », soit 28 % de la catégorie « Droit et Jurisprudence ». Sept volumes de Recueil des édits, déclarations, et ordonnances du roi, arrêts du conseil et du parlement de Toulouse parus entre 1782 et 1785 figurent en bonne place dans cet ensemble, ainsi que treize ouvrages de François de Boutaric.
110Par contre, nous avons placé ses Explications de l’ordonnance de Louis XIV, ou ses Explications de l’ordonnance de Blois, sous la bannière de la « Jurisprudence et pratique ». Il n’est pas évident, on le voit bien, d’établir un classement sans équivoque, tant des critères divers s’appliquent à un même ouvrage. Ainsi, les Recueils des Edits, déclarations et ordonnances du roi semblent relever du droit en général, mais les mêmes volumes contiennent aussi les arrêts du Parlement qui pourraient les faire classer dans la jurisprudence. Nous les avons maintenus en « Droit civil ». Enfin un Epitome juris et legum romanorum représente le droit romain.
- 41 POUMARÈDE Jacques, « Les arrêtistes toulousains », Les Parlements de Province. Pouvoirs, justice e (...)
111Soixante-douze ouvrages ont été regroupés en « Jurisprudence et pratique », soit 53 % des ouvrages de droit. On y trouve les œuvres des célèbres arrêtistes toulousains du XVIIe siècle, comme les Notables et singulières questions de droit par Géraud de Maynard, rééditées en 1751, ou les Arrêts notables du parlement de Toulouse de Bernard de La Roche-Flavin, réédités en 1745. Les Observations de Gabriel de Vedel sur les Arrêts de Catellan ont été publiées en 1733, 1747 et 1758. En fait, même si « au XVIIIe siècle, l’activité des arrêtistes est moins féconde41 », les nombreuses rééditions, complétées par des juristes contemporains, maintiennent dans ce domaine une activité éditoriale importante dans la cité. Jean-Antoine Soulatges ainsi enrichit les Observations sur les questions notables du droit recueillies par Simon d’Olive en 1638, que Joseph Robert réédite en 1784.
- 42 Ibid., p. 378.
112Les œuvres d’avocats au parlement de Toulouse sont diffusées, comme l’Ordonnance de Louis XV accompagnée d’observations de Jean-Baptiste Furgole, en 1761, le Traité des Tutelles de Jean-Antoine Ferrière, en 1766, ou les Questions sur l’ordonnance de Louis XIV de Marc-Antoine Rodier, en 1769. Huit ouvrages de droit de Jean-Antoine Soulatges sont publiés entre 1757 et 1784, parmi lesquels le Style universel de toutes les cours et juridictions du royaume, concernant les saisies et exécutions tant des meubles que des immeubles, très demandé puisque réédité quatre fois durant la période. Pour être complet, il faut ajouter qu’à l’imitation de son homonyme parisien, Toulouse a son Journal du Palais à partir de 1758, dont la rédaction est attribuée à un certain de Juin, conseiller du parlement42.
113Les ouvrages de « Jurisprudence » imprimés à Toulouse concernent également le droit local, telle la Coutume de Barèges, conférée avec les usages, ou coutume non-écrite du pays du Lavedan, de la ville de Lourde, mise sous presse chez Jean-François Desclassan en 1760.
114Le tableau ci-dessous résume la composition de la catégorie « Droit et Jurisprudence ».
« Droit et Jurisprudence » |
136 titres |
% dans la catégorie |
Droit canon et ecclésiastique |
26 |
19 % |
Droit civil |
38 |
28 % |
Jurisprudence et pratique |
72 |
53 % |
Tableau 27. Livres, composition de la catégorie « Droit ».
3- Histoire
115Les ouvrages historiques sont moins nombreux ; on n’en compte que 42 sur l’ensemble de la période, soit 7,2 % des livres. Le classement dans cette catégorie présente les mêmes problèmes de critères multiples ou polyvalents que dans les deux rubriques précédentes. C’est ainsi que la sous-rubrique « Histoire ecclésiastique », qui regroupe six livres, inclut aussi bien l’Histoire de Notre Dame du Montserrat du R. P. Montégut, imprimée en 1739, 1747 et une fois sans date, que le Cours élémentaire concernant les époques de l’histoire sainte de Mir. Il n’y a pas de sous-catégorie relative à l’enseignement.
116Même difficulté dans la rubrique « Histoire profane » : l’Instruction sur l’histoire de France et sur l’histoire romaine de Le Ragois est à cheval sur deux sous-catégories, « Histoire profane ancienne » et « Histoire profane moderne » : où faudrait-il la classer ?
117En « Histoire profane ancienne » sont regroupées les œuvres des historiens romains et les ouvrages sur l’Antiquité romaine. Sur les treize livres sélectionnés, neuf sont des rééditions d’œuvres de Salluste, de Tacite, de Suétone, et de Quinte-Curce ; on y rencontre également les Histoires de Justin. L’Abrégé de mythologie de Sirven, édité par Jean Rayet en 1778, et l’ouvrage de Nieupoort, Explication abrégée des coutumes et des cérémonies chez les Romains, imprimé par Dominique Desclassan en 1782, se voulaient didactiques « pour faciliter l’intelligence des anciens Auteurs ».
118Dix-sept ouvrages ont été rassemblés dans l’« Histoire profane moderne ». Deux sont à part : l’Histoire générale à l’usage des collèges, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, de Joseph Audra, parue en 1770, et l’Histoire de Théodose le Grand, pour Monseigneur le Dauphin par l’abbé Fléchier, réimprimée en 1782, qui relève vraisemblablement aussi de l’apologétique chrétienne.
119Quatorze titres concernent l’histoire de Toulouse, tels que l’Histoire de la ville de Toulouse de Jean Raynal, imprimée par Jean-François Desclassan en 1759, l’Histoire de l’Académie des Jeux Floraux de Ponsan, chez la Veuve de Bernard Pijon, en 1764, ou encore le Tableau chronologique des noms de Messieurs les Capitouls de la ville de Toulouse, édité par Jean-Florent Baour en 1786.
120Un seul titre figure sous la bannière de l’« Histoire profane, Sciences auxiliaires », à savoir la Généalogie de la maison de Durfort de l’abbé Vedel.
- 43 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 128.
121La dernière sous-rubrique concerne la « Géographie, voyages et cartographie ». Quelle que soit la période, nous n’avons pas trouvé de récits de voyages, alors qu’à Rouen il y eut une « flambée passagère de vingt ans dans l’édition » de relations de voyages, jusqu’à la fin des années 173043.
122Un seul titre de géographie est conservé : le Traité de la géographie moderne, à l’usage des collèges et des pensions par le Père Gibrat ; les rééditions de 1768, 1774 et 1784 figurent dans le corpus.
123Le classement, dans la catégorie « Histoire » met en évidence l’importance de l’histoire locale et le goût des contemporains pour l’histoire profane ancienne. Le tableau ci-dessous établit une synthèse.
« Histoire » |
42 titres |
% dans la catégorie |
Histoire ecclésiastique |
6 |
14,3 % |
Histoire profane ancienne |
13 |
31 % |
Histoire profane moderne |
2 |
4,7 % |
Histoire profane moderne |
17 |
40,5 % |
Histoire profane moderne |
1 |
2,4 % |
Géographie |
3 |
7,1 % |
Tableau 28. Livres, composition de la catégorie « Histoire ».
4- Sciences et Arts
124La catégorie « Sciences et Arts » est extrêmement variée avec huit sous-rubriques subdivisées, elles aussi, en sous-parties. Avec seulement 49 titres – soit 8,3 % de l’ensemble – on aurait pu craindre de ne pas avoir de types d’ouvrages qui se détachent ; il n’en est rien, puisque 26 titres concernent les « Sciences », où plus précisément se distingue la série « Médecine, Chirurgie, pharmacie », qui représente 53 % des titres de la catégorie.
125La Dissertation sur la nature et la cause de la rage par François Boissier de Sauvages, parue en 1749, est chronologiquement le premier ouvrage conservé. Deux ouvrages de Bertrand Bécane, dont les Observations sur les effets du virus cancéreux datées de 1778, figurent dans cette rubrique, ainsi que trois livres de François Masars de Cazèles dont le Mémoire sur l’électricité médicale, et histoire du traitement de vingt malades traités et la plupart guéris par l’électricité, imprimé en 1780. En 1774 et 1775, Jean-Jacques Robert imprime les trois tomes de l’Histoire des maladies internes par Raymond Vieussens, et en 1779 Jean-François Desclassan publie Le Nouveau recueil d’ostéologie et de myologie, célèbre pour les dessins d’après nature de Jacques Gamelin.
126Aux côtés d’ouvrages d’auteurs renommés figurent d’autres mémoires de médecine, comme la Dissertation sur les bonnes qualités de l’eau de la Barraquette, pour l’usage des bains, imprimée par Jean-Florent Baour en 1769.
127Toujours dans la rubrique « Sciences », si nous n’avons pas rencontré d’ouvrages relevant de la « Physique » ou des « Sciences naturelles », en revanche nous avons relevé six ouvrages de « Mathématiques », dont les Traités élémentaires de mathématiques imprimés par Pierre Robert en 1759, ou le Livre des comptes-faits par François de Barrême, vendu chez Dupleix en 1788.
128Six ouvrages seulement semblent relever de la « Philosophie », dont quatre en latin : un résumé d’œuvres de philosophie morale de Cicéron, une sélection de textes d’Érasme, un recueil de récits édifiants d’écrivains profanes, et un ouvrage de logique élémentaire à l’usage de collèges de Toulouse. Ils voisinent avec l’Examen du système anticartésien sur l’âme des bêtes par un vieux cartésien. Enfin, c’est parce que nous l’avons apparentée, peut-être abusivement, à la Lettre à d’Alembert sur les spectacles de Rousseau, que la Lettre à Eugénie sur les spectacles du prince de Ligne a trouvé place dans cette partie.
129Un seul titre semble entrer dans la partie « Économie » : Projet pour le commerce et pour les embellissements de Toulouse de Louis de Mondran, publié en 1754.
130En « Agriculture », Le grand mareschal expert et françois où il est traité de la connoissance des Chevaux, de leurs maladies, & de leur guérison, imprimé par Jean Guillemette en 1748, voisine avec l’Art de la multiplication des grains de Berdoulat, imprimé en 1765, et avec le Nouveau traité de la vigne de Beguillet, daté de 1773.
131Un seul titre se réfère aux « Arts libéraux », à savoir la Nouvelle méthode pour apprendre l’art de la danse, sans maître de Brives. Quant aux « Arts mécaniques », trois ouvrages se remarquent : en 1753, paraissent Les us et coutumes de Toulouse, avec des instructions pour connaître les matériaux et généralement tout ce qui concerne la bâtisse, de Lebrun ; en 1786, le Traité sur les mines de fer et les forges du comté de Foix par Picot de la Peyrouse, et en 1788, l’Horlogerie pratique, à l’usage des apprentis et des amateurs de Vignaux.
- 44 FURET François, « La librairie du royaume de France… », op. cit., p. 31, note 27.
132Au lieu de suivre le classement de François Furet, qui explique avoir mis les ouvrages pédagogique à « Philosophie / Morale »44, nous avons préféré les ranger à « Divers » : il s’agit de l’Alphabet ingénieux ou méthode très facile pour apprendre à lire en peu de jours, imprimé par Desclassan en 1743, et d’une Théorie de J.-J. Rousseau sur l’éducation, corrigée et réduite en pratique par M. Sérane, avec un Essai sur la Philosophie, sur la Géométrie, sur la Géographie & sur la Technique des langues Latine & Françoise par noble P. André Desmoles.
133Le tableau ci-dessous résume la diversité de la catégorie « Sciences et Arts » :
« Sciences et Arts » |
49 titres |
% dans la catégorie |
Philosophie |
6 |
12,2 % |
Sciences / Mathématiques |
6 |
12,2 % |
Sciences / Médecine |
26 |
53, % |
Economie |
1 |
2 % |
Agriculture |
4 |
8,2 % |
Arts libéraux |
1 |
2 % |
Arts mécaniques |
3 |
6,1 % |
Divers |
2 |
4, 1 % |
Tableau 29. Livres, composition de la catégorie « Sciences et Arts ».
5- Belles-Lettres
- 45 Catégorie Belles-lettres : A- Dictionnaires ; B- Grammaire et philologie ; C- Poésie ; D- Orateurs (...)
134Tout aussi variée, la dernière catégorie, consacrée aux « Belles-Lettres », réunit 116 ouvrages, soit 19,8 % de l’ensemble des livres ; c’est la catégorie qui nous a demandé le plus d’aménagements par rapport à la classification proposée par François Furet et Jean Quéniart, devenue traditionnelle. En effet, nous avons souhaité classer les publications régulières, comme les « Almanachs » et les « Journaux et périodiques », dans une catégorie spécifique : les « Périodiques » ; de ce fait, les huit sous-catégories proposées par François Furet pour ventiler les titres en Belles-Lettres45 n’ont pas été systématiquement respectées. Par ailleurs, une sous-rubrique « Rhétorique », comportant des ouvrages sur l’art du discours ou de la poésie, a paru souhaitable dans les Belles-Lettres, quoiqu’elle ait pu être placée dans les « Sciences et Arts ». Enfin, une rubrique s’est imposée : « Divers », qui contient les Recueils d’auteurs, littéraires à l’évidence, mais dont on ne sait s’il s’agit de poésies, de prose ou des deux à la fois.
135Les ouvrages regroupés sous la bannière « Poésie » sont les plus nombreux. 21 pièces de poésies composent un premier sous-ensemble « Poésie » dans « Belles-Lettres ». La Henriade de Voltaire, imprimée par Joseph Dalles en 1787 y figure, tout comme les Fables de Phèdre, traduites en français et éditées par Sébastien Hénault en 1759. Trois célèbres recueils en gascon se remarquent : Lou trimfe de la lengouo gascouo de d’Astros, en octosyllabes, vendu chez Antoine Birosse en 1762, Las Obras de Goudelin, rééditées en 1769 et 1774, par la famille Pijon, et le Miral Moundi, pouemo en bint et un libré, sorti des presses de Dominique Desclassan en 1781. Toujours sous la bannière « Poésie », la sous-rubrique « Art dramatique » est bien fournie avec 64 pièces de théâtre, soit 55,2 % des « Belles-lettres ».
- 46 GOZARD Laurence, La vie théâtrale à Toulouse au XVIIIe siècle. Le Capitole de 1737 à 1789, mémoire (...)
- 47 Ibid., p. 162.
136Vingt-trois tragédies y ont été répertoriées, elles restaient au XVIIIe siècle le « genre noble », se caractérisant par « un sujet historique, des personnages illustres, des évènements provoquant des émotions fortes telles la crainte ou le pitié et par une fin funeste46 ». Le genre a évolué au cours du siècle même si l’on réimprime des tragédies classiques de Corneille comme Les Horaces (sic) en 1778, ou de Crébillon Electre en 1778. Voltaire donne le Pérou pour cadre à Alzire (1782), Constantinople à Irène (1784) ; Adélaïde Du Guesclin de Voltaire (1785) est de l’histoire nationale. Progressivement « la tragédie se fait également le porte parole des idées nouvelles avec l’impression de “Mahomet ou le fanatisme” de Voltaire en 178547 », précise Laurence Gozard.
13729 comédies sont conservées (dont une de Térence en latin) ; les comédies de Molière paraissent dépassées, nous n’en avons retrouvé aucune.
- 48 Ibid., p. 163.
138Douze drames figurent dans le corpus. En fait il s’agit de comédies « larmoyantes » écrites en prose, représentant des gens ordinaires, entre le ridicule de la comédie et la passion de la tragédie. Le drame n’a eu qu’un succès relatif et limité à Paris dans les années 1760, il s’est déplacé en province et s’est imprimé à Toulouse à partir de 1774 avec Mercier comme auteur principal48.
139Vingt-deux pièces ont des auteurs que nous qualifions de « classiques » : Beaumarchais, Corneille, Crébillon, Diderot, Racine, Regnard et Voltaire, cité neuf fois. La comédie de Beaumarchais, Le Barbier de Séville, ou la précaution inutile a été rééditée cinq fois à Toulouse entre 1775 et 1786. En fait, les pièces étaient vendues chez Jean-Florent Baour, puis Chez Broulhiet, et le nom de l’imprimeur n’était généralement pas indiqué, excepté en 1786, dans Les deux amis ou le négociant de Lyon de Beaumarchais, où on lit in fine : « De l’Imprimerie de la Veuve Douladoure ».
140Si de nombreuses pièces de théâtre sont lues à Toulouse, seulement cinq « Romans » figurent dans le corpus des années 1780 parce qu’étant vendus à Toulouse ; par exemple La vie de Marianne de Marivaux de 1778 se vend chez Sacarau et Moulas. En 1784, Broulhiet vend les Délassements de l’homme sensible, ou anecdotes diverses par de Baculard d’Arnaud ; en 1787 Caroline de Lichtfield, s’achète chez le libraire Manavit, et en 1788 les six volumes de l’Histoire de Gil Blas de Santillane sont vendus chez Simon Sacarau. Les Lettres de Sophie et du chevalier de ***, Supplément aux Lettres du Marquis de Roselle, que l’on trouvait chez Laporte en 1776, relèvent du roman épistolaire et non de la « Correspondance », sous-partie dans laquelle les lettres de Pline ont été classées, à défaut de l’être dans la littérature latine.
141À côté de la rubrique « Poésie », celle relative aux « Dictionnaires » est peu fournie avec uniquement deux titres (mais rappelons que certains ont été classés dans la rubrique « Religion » à « Écritures Saintes »). Le Dictionnaire françois et latin, enrichi des meilleures façons de parler en l’une et l’autre langue ; de plusieurs definitions latines de droit, et de termes de pratique, où l’on a inseré quantité de noms propres de villes et rivières du monde a été réédité par Gaspard Hénault en 1754 ; c’était sa quatrième édition : il y avait eu une édition antérieure en 1743.
142Les trois siècles de la littérature française, ou tableau de l’esprit de nos écrivains, en forme de dictionnaire, par l’abbé Sabatier de Castres, a été réimprimé à Amsterdam et vendu chez Laporte en 1775, d’après la page de titre.
143Six ouvrages concernant la « Grammaire » ont été relevés. On y trouve des ouvrages de grammaire française ou de grammaire latine destinés aux enfants ou à un plus large lectorat. En 1745, Jean Guillemette imprime la Grammaire latine réduite en jeu de cartes ou de dez, ou l’art d’en enseigner les principes dans un an aux Personnes de tout âge. En 1766 et 1768 paraissent Les Gasconismes corrigés de Desgrouais, rappelant ainsi que la population toulousaine parlait occitan et pouvait avoir des difficultés avec la langue française.
144Dans la rubrique « Orateurs », quatre discours ont été recensés tandis, que les Sermons ont été catalogués, rappelons-le, à « Religion : liturgie et dévotion ». Les Discours de Cicéron réédités par Joseph Dalles en 1769 jouxtent l’Oraison funèbre de Louis XV, prononcée à Toulouse le 7 septembre 1774, par l’abbé Antoine Brès de Vammale, chez le même imprimeur. En 1784, le Discours sur la paix de l’abbé Racine fut édité par Jean-Jacques Robert.
- 49 Nous ne souhaitions pas classer ces huit titres de rhétorique dans « Grammaire et Philologie » ave (...)
145Huit titres en latin ont été regroupés dans la rubrique « Rhétorique » que nous avons créée49. Entre 1748 et 1765, les imprimeurs Hénault père et fils impriment quatre fois le même ouvrage, Regia Parnassi, qui pouvait être considéré comme un outil précieux en classe de rhétorique pour composer des textes littéraires. Figurent également dans cette section, les Discours choisis de Quinte-Curce ou de Tite-Live ; il ne s’agit pas de discours réels mais de discours reconstitués, comme des exercices de rhétorique, qui donc, à notre avis, ne peuvent pas à être placés avec les « Orateurs ».
146Enfin, quatre ouvrages « inclassables » sont dans la rubrique « Divers ». Les Lettres aux Gascons de Mailhol que l’on trouve chez Dupleix et Laporte en 1771, sont d’après la préface une réponse aux Gasconismes corrigés de Desgrouais ; il était difficile de classer ce plaidoyer en faveur des Gascons, et pas seulement de leur langue, à « Grammaire » avec le livre dont il s’inspire. Il est donc à « Divers » par défaut.
147Deux catalogues de librairies sont également inclassables dans la mesure où toutes les catégories de livres s’y retrouvent ; ainsi le Catalogue des livres de théologie, jurisprudence, sciences et arts, belles-lettres et histoire de Noël-Étienne Sens, daté de 1785. Enfin, les Mélanges historiques, critiques, de physique, de littérature et de poésie du marquis d’Orbessan montrent combien les classements sont des exercices difficiles et formels : le tome 1 de cet ouvrage concerne le général romain Lucullus ; le tome 2 est une relation détaillée d’un voyage en Italie en 1749 ; le tome 3 présente différents mémoires sur des sujets d’histoire antique, de physique, et d’histoire naturelle ; quant au dernier, il rassemble des discours, des poésies et des morceaux littéraires du marquis d’Orbessan. Excepté en « Religion », nous aurions pu classer ce livre dans n’importe quelle autre catégorie.
148Le tableau ci-dessous résume la composition de la catégorie « Belles-Lettres » où dominent les pièces de théâtre :
« Belles-lettres » |
116 titres |
% dans la catégorie |
Dictionnaires |
3 |
2,6 % |
Grammaire |
6 |
5,2 % |
Poésie / Poésies |
21 |
18,1 % |
Poésie / Art dramatique |
64 |
55,2 % |
Poésie / Romans |
5 |
4,3 % |
Poésie / Correspondance |
1 |
0,8 % |
Orateurs |
4 |
3,5 % |
Rhétorique |
8 |
7 % |
Divers |
4 |
3,5 % |
Tableau 30. Livres, composition de la catégorie « Belles-Lettres ».
149Il convient à présent d’étudier l’évolution de chaque grande catégorie entre 1739 et 1788.
VI- L’évolution des catégories de livres
150Dans un corpus de 585 titres (dont 43 ne sont pas datés) la classification précédente a montré que le livre religieux domine la production (41,3 % l’ensemble), le livre de droit en représente presque un quart (23 %) et les belles-lettres en composent le cinquième (19,8 %), les ouvrages de Sciences et Arts sont peu nombreux (8,3 %) ainsi que ceux d’histoire (7,1 %). Ces données chiffrées étant rappelées, étudions à présent l’évolution de chaque catégorie.
1- Religion
151Sur les 242 ouvrages qui figurent dans cette catégorie, le tiers sont des rééditions ; ainsi, les Exercices spirituels avec un catéchisme et des cantiques du Père J.-B. Badou ont été réimprimés trois fois ; La dévotion des prédestinés ou les stations de Jérusalem pour servir d’entretien sur la passion de notre Seigneur Jésus-Christ crucifié, du R. P. Adrien Parvilliers, de la Compagnie de Jésus, a été éditée en 1754, en 1765 et en 1778.
152Près d’un tiers des livres religieux ont été imprimés « par ordre de l’archevêque ou de l’évêque » d’un diocèse ; ce sont des Rituels, des Bréviaires, des Vespéraux, des Missels, des Catéchismes, que nous avons déjà évoqués. Et 70 ouvrages sont anonymes.
153Voyons à présent l’évolution de cette production à travers les moyennes décennales, qui facilitent les comparaisons avec les autres catégories.
Décennie |
Nombre de livres par décennie |
Variations entre deux décennies |
1739-1748 |
38 |
|
1749-1758 |
19 |
- 50 % |
1759-1768 |
36 |
+ 89,5 % |
1769-1778 |
63 |
+ 75 % |
1779-1788 |
68 |
+ 8 % |
Tableau 31. Croissance de la production de livres religieux par décennie, 1739-1788.
154Trois phases caractérisent l’évolution de la production de livres religieux : après une décennie 1749-1758 marquée par une forte baisse (- 50 %), on observe une forte progression entre 1759 et 1778, puis une stabilisation à un niveau élevé à la veille de la Révolution. Cependant, cette progression ne prend de sens que si on mesure le poids décennal des livres religieux par rapport à la production totale (rappelons que 19 livres religieux ne sont pas datés).
Décennies |
Nombre de livres religieux |
Nombre de livres recensés |
% de la catégorie dans l’ensemble des livres |
1739-1748 |
37 |
68 |
54,4 % |
1749-1758 |
19 |
61 |
31,1 % |
1759-1768 |
36 |
85 |
42,3 % |
1769-1778 |
63 |
138 |
46 % |
1779-1788 |
68 |
188 |
36,2 % |
Tableau 32. Le poids du livre religieux dans la production totale par décennie, 1739-1788
155Alors qu’il représentait 54,4 % de l’ensemble des livres dans la décennie 1739-1748, le pourcentage de livres religieux baisse à 31,1 % en 1749-1758. Leur production est alors cantonnée à l’impression d’ouvrages de dévotion, comme la Vie de Jean-Jacques Daumond en 1755, ou le Catéchisme pour l’usage du diocèse de l’archevêque Colbert, réimprimé pour la dix-septième fois, en 1757. Le livre religieux semble en concurrence avec le livre de droit. En effet, alors que nous n’avons dénombré que dix-neuf livres religieux, 30 ouvrages de droit ont été imprimés ou réimprimés.
- 50 DARNTON Robert, Édition et sédition…, op. cit., p. 50.
156Entre la décennie 1749-1758 et celle de 1759-1768, l’augmentation de production est très forte (+ 90 %) elle se poursuit de 1759-68 à 1769-78 par une croissance toujours soutenue de 75 % (alors que la croissance globale n’était que de 42,6 % et 58,6 % aux mêmes dates, pour l’ensemble des imprimés). Après ces deux décennies de forte augmentation la croissance se stabilise à un niveau élevé mais le nombre de titres ne progresse que de 10 %. Ce sont des livres de liturgie et de dévotion qui sortent majoritairement des presses toulousaines ; sept en 1770, treize en 1774, sept en 1778 (61 pour la décennie 1768-1779) Cet essor a, d’ailleurs, fait dire à Robert Darnton qu’en 1778 Toulouse était un « centre de la bigoterie50 ».
- 51 MARTIN Philippe, Une religion des livres (1640-1850), Paris, Éditions du Cerf, 2003, p. 156.
157Philippe Martin constate que, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la littérature de dévotion subit « un glissement géographique vers la province51 ». Celle-ci continue à imprimer des ouvrages religieux en nombre, et Toulouse y figure en bonne place. Aussi pouvons-nous dire que l’effondrement du livre religieux, qui est apparu comme l’une des plus spectaculaire mutation de l’histoire du livre durant le XVIIIe siècle, n’est pas visible à Toulouse, entre 1759 et 1778, pas plus que dans la décennie suivante.
- 52 BRANCOLINI Julien, BOUYSSY Marie-Thérèse, « La vie provinciale du livre… », op. cit., p. 13.
- 53 DAWSON L. Robert, The French Booktrade and the “permission simple” of 1777..., op. cit., p. 354-60 (...)
158S’il n’y pas d’effondrement du livre religieux, il n’y a pas non plus d’augmentation consécutive à la réforme de 1777 autorisant les rééditions par permission simple, même si le livre religieux, à la veille de la Révolution est bien « le classique de la province52 ». D’après le catalogue des permissions simples établi par Robert L. Dawson53, à Toulouse, 100 demandes sur 174 concernent des ouvrages religieux, soit 57,4 %. Dans la dernière décennie de l’Ancien Régime, nous n’avons relevé que 23 permissions simples pour 68 livres religieux conservés, soit le tiers.
159Ces permissions simples traduisent le désir des éditeurs toulousains de publier des ouvrages réputés, apanage jusqu’alors des imprimeurs parisiens, et nous notons un changement dans le type de publication. Des ouvrages d’auteurs connus de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle sont réimprimés, comme, en 1780, l’Abrégé du dictionnaire des cas de conscience de Pierre Collet (1693-1770) ou l’Explication de l’ouvrage des six jours de Jacques Joseph Duguet (1649-1733) et de Jacques-Vincent Bidal d’Asfeld (1663-1745), deux religieux jansénistes. En 1781, on imprime la quatrième édition des Principes de la justice chrétienne, ou vie des justes de Jérôme Besoigne (1686-1763), et les Sermons pour le Carême du Père Giroust, de la Compagnie de Jésus (1660-1741). L’année suivante, on réédite les Sermons du Père Charles de La Rue (1643-1725), prédicateur jésuite de renom. Le Dictionnaire historique, chronologique, géographique et littéral de la Bible de Dom Augustin Calmet (1672-1757) est imprimé par permission simple en 1783. En 1787, c’est le cas d’ouvrages plus anciens comme les Sermons du Jésuite Louis Bourdaloue (1632-1704), ou les Instructions pour la jeunesse en la piété chrétienne de Charles Gobinet (1614-1690). Aux côtés de ces publications connues figurent des ouvrages anonymes, ainsi que dix livres imprimés « par ordre de » l’évêque ou l’archevêque.
160Ainsi, la réforme de 1777 a entraîné un changement dans la production religieuse au niveau des auteurs, mais n’a pas stimulé la production d’ensemble. Au contraire, le poids de celle-ci diminue légèrement entre 1779 et 1788, puisqu’elle passe à 39,1 % du total des livres. Peut-on y voir l’amorce d’un changement ?
2- Droit et Jurisprudence
- 54 POUMARÈDE Jacques, « Les arrêtistes toulousains… », op. cit., p. 369.
161La présence du Parlement à Toulouse a engendré très tôt une littérature juridique abondante ; au XVIIe siècle, les recueils d’arrêts notables et les dictionnaires de jurisprudence proliféraient54. Il paraît logique que le XVIIIe siècle hérite de ce passé glorieux et que le quart de la production toulousaine concerne les livres de droit : 136 ouvrages ont été recensés, soit 23,2 % de la production totale.
162Le graphique de l’évolution décennale fait apparaître une évolution en quatre phases. Il traduit d’abord une augmentation importante du nombre de livres juridiques, de 1739-1748 à 1749-1758, puis une remarquable stabilité de 1749 à 1768, avec 30 et 31 ouvrages par décennie, ensuite une diminution de la production de 29 %, entre la décennie 1759-1768 et celle de 1769-1778, et enfin une réaugmentation de 41 % dans les dernières années de l’Ancien Régime. En fait, Toulouse produit régulièrement des livres de droit tout au long du XVIIIe siècle, et les livres de « Jurisprudence » connaissent une croissance remarquable alors que, de 1739 à 1749, le pourcentage de livres de « Droit canon » et de « Jurisprudence » s’équilibre, comme le montre le tableau :
Décennies |
Nombre de livres de droit |
% de livres de Droit canon |
% de livres de Droit civil |
% de livres de Jurisprudence |
1739-1749 |
18 |
27,7 |
50 |
22,2 |
1749-1758 |
29 |
20,6 |
31 |
48,3 |
1759-1768 |
31 |
22,6 |
9,7 |
67,7 |
1769-1778 |
22 |
4,5 |
31,8 |
63,6 |
1779-1788 |
31 |
13 |
25,8 |
61,2 |
Tableau 33. Évolution des catégories de livres de droit, 1739-1788.
163Cette évolution des catégories de livres de droit s’accompagne d’une évolution nettement perceptible des auteurs de ces ouvrages.
164Certes, parmi les livres de droit toulousains, figurent toujours des compilations d’arrêts et d’ordonnances, mais les compilateurs sont aussi les auteurs d’Observations jointes. Ainsi en est-il du Recueil des édits, déclarations, arrêts du Conseil et du Parlement de Toulouse, depuis l’Année 1667 jusqu’en 1749, concernant l’ordre judiciaire où l’on trouvera les nouvelle ordonnances de Louis XV et plusieurs autres Edits, Déclarations et Arrêts sur les Matières publiques, qui fut imprimé par Claude-Gilles Lecamus en 1749 et réédité en 1756 puis en 1760. Le Recueil général des édits et déclarations, lettres Patentes du Roy, Arrêts du Conseil & de la Cour du Parlement en faveur des Prieur & Consuls de la Cour de la Bourse Commune des Marchands à Toulouse les compléta en 1753. Ces grandes compilations se poursuivent dans les années 1780, puisque le Recueil général des édits, déclarations et autres Matières publiques & intéressantes, en sept tomes, sera édité entre 1782 et 1785 par J.-A.-H.- M.-B. Pijon.
165Des compilations des arrêts du Parlement de Toulouse paraissent dans les années 1739-1748 avec trois ouvrages de Cambolas, de Catellan et de La Roche-Flavin, et dans la décennie 1749-1758 avec cinq ouvrages réédités, dont celui de Géraud de Maynard, Notables et singulières questions de droit écrit, jugées au Parlement de Toulouse, en 1751. À ces compilations s’ajoute la publication des ouvrages de François de Boutaric (1672-1733). Parmi les quatorze livres du corpus réimprimés entre 1740 et 1775, neuf sont publiés avant 1758, dont deux éditions du Traité des droits seigneuriaux et des matières féodales en 1745 et en 1758.
166Le début des années 1760 est marqué par un changement dans la production juridique, car plusieurs ouvrages d’auteurs contemporains, avocats au Parlement de Toulouse, sont alors publiés. Ainsi, en 1761, la veuve de Jean-Pierre Robert fait paraître l’Ordonnance de Louis XV avec des observations de Jean-Baptiste Furgole, qui décéda cette année-là (1690-1761). Les Questions sur l’ordonnance du mois d’avril 1667 relative aux usages des cours de Parlement et principalement de celui de Toulouse, par Marc-Antoine Rodier (1711-1778), paraissent en 1761, 1769, 1777, et après sa mort en 1783. Jean-Antoine Soulatges (décédé en 1780) fournit l’exemple le plus significatif de cette génération d’auteurs avec huit ouvrages imprimés entre 1757 et 1784, parmi lesquels le Style universel de toutes les cours et juridictions du royaume.
167Cependant, malgré un renouvellement du livre du droit au cours du XVIIIe siècle – renouvellement des auteurs comme des types de productions –, prouvant un dynamisme certain du genre, il faut constater que son importance relative diminue au cours du siècle, comme le montre le tableau :
Décennies |
Nombre de livres de droit |
Nombre de livres recensés |
% de la catégorie dans l’ensemble des livres |
1739-1748 |
17 |
68 |
25 % |
1749-1758 |
29 |
61 |
47,5 % |
1759-1768 |
31 |
87 |
35,6 % |
1769-1778 |
22 |
138 |
16 % |
1779-1788 |
31 |
188 |
16,5 % |
Tableau 34. Le poids du livre de droit dans la production totale par décennie, 1739-1788
168Après deux décennies de forte production, entre 1749 et 1768, où elle constituait 49,2 % et 35,6 % de la production totale, la production toulousaine de livres de droit décline par rapport aux autres catégories, mais représente encore à la veille de la Révolution 16,5 %.
- 55 BRISSAUD Yves-Bernard, « Pistes pour une histoire de l’édition juridique française sous l’Ancien R (...)
- 56 Ibid., p. 70.
169Yves-Bernard Brissaud rappelle qu’« en nombre de publications, la part de la production juridique ne peut être que fort modeste par rapport à la totalité de la production éditoriale française » ; il souligne en effet, que « le nombre des auteurs de livres de droit reçus en France sous l’Ancien Régime peut être estimé raisonnablement à deux mille, ce chiffre est dérisoire par rapport à la foule des auteurs anciens et modernes des autres disciplines, […] qui se comptent eux en dizaine de milliers55 ». Ceci explique la diminution rapide du livre de droit à partir des années 1760, en raison de la concurrence des autres catégories de livres. Mais, tout en reconnaissant leur faible poids dans la production imprimée, l’auteur souligne l’importance des ouvrages juridiques ; c’est un « secteur étroit mais commercialement attractif », car « non seulement un même titre juridique bénéficie souvent d’un grand nombre d’éditions et de retirages, mais il peut continuer à être produit pendant des décennies, voire un siècle ou deux56 ». Et ce sont bien ces titres, imprimés pendant plus d’un siècle, qui ont fait la réputation des livres de droit toulousains.
3- Histoire
170Les livres d’histoire occupent une place mineure dans la production toulousaine avec 42 ouvrages, soit 7,2 % du total.
171Deux types de livres paraissent privilégiés, les livres d’histoire profane ancienne et les livres d’histoire profane locale. Il est difficile d’établir une évolution rigoureuse des livres de la première catégorie (32,5 % de l’ensemble), car huit sur les quatorze sont sans date. Néanmoins, un fut imprimé par Jean Guillemette, qui démissionna en faveur de son fils en 1752 ; cinq autres ont été imprimés par Pierre Robert qui démissionna en 1763 ; ces six ouvrages ont donc été publiés avant 1763. L’engouement pour les livres d’histoire profane anciens semble diminuer par la suite : on en trouve un en 1759-1758, deux en 1769-1778 et trois dans la décennie suivante.
172Les livres d’histoire profane moderne sur l’histoire de Toulouse apparaissent dans le corpus avec l’Histoire de la ville de Toulouse de Jean Raynal, imprimée par Jean-François Desclassan en 1759. Huit ouvrages d’histoire locale sur les dix parus sont d’ailleurs édités durant cette décennie 1759-1768. Quatre autres paraissent en 1769-1778, et cinq autres en 1779-1788.
173Il convient à présent de considérer le poids du livre d’histoire par décennie, pour pouvoir procéder à des comparaisons.
Décennies |
Nombre de livres d’histoire |
Nombre de livres recensés |
% de la catégorie dans l’ensemble des livres |
1739-1748 |
4 |
68 |
5,9 % |
1749-1758 |
1 |
61 |
1,6 % |
1759-1768 |
10 |
87 |
11,5 % |
1769-1778 |
8 |
138 |
5,8 % |
1779-1788 |
12 |
188 |
6,4 % |
Tableau 35. Le poids du livre d’histoire dans la production totale par décennie, 1739-1788
174En observant ce tableau, on peut dire que l’âge d’or des livres d’histoire toulousains se situe dans les années 1760, mais leur proportion étant faible, il est difficile d’apporter des conclusions définitives.
- 57 DESGRAVES Louis, Le livre en Aquitaine, XVe-XVIIIe siècles, Biarritz, Atlantica, Centre régional d (...)
175À la même période, on sait que l’Académie de Bordeaux portait un intérêt très marqué à l’histoire locale, et Louis Desgraves rappelle que Dom Devienne rédigea la première partie de l’Histoire de la ville de Bordeaux, contenant les Évenemens civils & la vie de plusieurs Hommes célèbres, en 177157.
- 58 ARTIER Jacqueline, « Étude sur la production imprimée… », op. cit., p. 15.
176Il est difficile de comparer les chiffres toulousains avec les résultats obtenus par Jacqueline Artier qui, avec un corpus de 1 548 livres pour l’année 1764, situe la part des livres d’histoire à 15 % de la production : « L’histoire ancienne (9,4 %) s’efface devant l’histoire médiévale et moderne (49 %) où triomphe l’histoire de France des XVIIe et XVIIIe siècles58 ». Rien n’est dit sur l’histoire locale. Elle insiste, d’autre part, sur « l’histoire des pays lointains » qui ressort de la géographie (18,7 %) ; or le seul ouvrage de géographie de notre corpus est le Traité de géographie moderne du père Gibrat, qui est en fait un manuel scolaire.
4- Sciences et Arts
177Avec 49 ouvrages, les Sciences et Arts sont également, à Toulouse, une catégorie minoritaire ; ils ne représentent que 8,4 % de la production totale. Leur distribution par décennie montre une nette progression à partir de 1769, et une stabilisation après 1778.
Graphique 27. Évolution de la production de livres de Sciences et Arts datés par décennie, 1739-1788.
178Ce qui surprend, c’est que la production de cette catégorie est faible et ponctuelle. Des livres de sciences n’ont été imprimés que durant seize années ; de plus, durant deux décennies, de 1739 à 1748 et de 1759 à 1758, on n’imprime que deux ouvrages. À partir de 1769, la production annuelle tend à augmenter, pour atteindre un sommet en 1775, avec six ouvrages.
- 59 DUBOURG Françoise, Les Livres anciens de Médecine et de Pharmacie, Catalogue de la Bibliothèque mu (...)
179En définissant les différentes catégories bibliographiques, nous avons déjà signalé le poids de la rubrique « Médecine, chirurgie, pharmacie », qui représente 53 % des titres de la catégorie. Avec 26 ouvrages, dont un sans-date, nous ne pouvons que proposer quelques constatations. De 1739 à 1788, on n’assiste pas à une production régulière des livres de médecine, signe d’une demande variable ; ceux-ci sont imprimés ponctuellement : trois sortent des presses toulousaines de 1749 à 1758 – 50 % de la production en Sciences et arts de la même période –, treize de 1769 à 1778 – 81,2 % de la production –, et neuf de 1779 à 1788 – 53 %. Il y avait cependant à Toulouse une tradition ancienne de production de livres de médecine, comme le montrent les travaux de Françoise Dubourg. Son catalogue des Livres anciens de Médecine et de Pharmacie, de 1501 à 1815, constitué à partir des collections des fonds anciens de Médecine et de Pharmacie de la Bibliothèque municipale de Toulouse, élargit la vision de la production toulousaine59. Utilisant 2 007 notices, elle dresse un tableau des éditions par ville et par siècle, qui permet de replacer la production recensée dans une évolution générale.
- 60 Ibid., p. 598.
À Toulouse60 : |
XVe siècle : 1 édition |
- 61 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse…, op. cit., p. 134.
180Il y eut donc un âge d’or du livre de médecine à Toulouse au XVIIIe siècle mais les chiffres ci-dessus montrent que la tradition vient du XVIIe siècle. La création de l’École royale de chirurgie en 1761 stimula la production de thèses, de livres médicaux. Composée rapidement de six professeurs pour les principes, l’anatomie, les maladies des os, les accouchements, les opérations et la matière médico-chirurgicale61 elle attira une centaine d’étudiants.
- 62 BOYER Anne, NETCHINE Ève, « Livres de médecine », Dictionnaire encyclopédique du Livre, op. cit., (...)
181Il est donc permis de relativiser l’affirmation d’Anne Boyer et d’Éve Netchine qui déclarent que « signe d’une demande régulière, le livre de médecine a toujours connu une production stable, sans déclin, ni âge d’or qui lui soit propre62 ».
182La médecine représente, certes, la moitié de la production des Sciences et Arts, mais il convient d’étudier le poids de l’ensemble de la catégorie dans la production globale.
Décennies |
Nombre de livres de Sciences et Arts |
Nombre de livres recensés |
% de livres de sciences |
1739-1748 |
2 |
68 |
2,9 % |
1749-1758 |
6 |
61 |
9,8 % |
1759-1768 |
2 |
87 |
2,3 % |
1769-1778 |
16 |
138 |
11,6 % |
1779-1788 |
17 |
188 |
9 % |
Tableau 36. Le poids des livres de Sciences et Arts dans la production totale par décennie, 1739-1788.
183Ce qui frappe, c’est l’irrégularité de ce poids des Sciences et Arts, faible ou fort suivant les décennies.
184La production des deux dernières décennies connaît une certaine évolution dans le traitement des questions médicales. Le Nouveau recueil d’ostéologie et de myologie, dessiné d’après nature par Jacques Gamelin et publié en 1779, montre des planches gravées du corps et du squelette à un public plus curieux. Avec L’avis au peuple sur sa santé, réédité à Toulouse en 1781, Tissot désire prévenir les maladies en proposant un régime de vie. Il semble que l’on veuille désormais une approche plus raisonnée de la maladie.
185S’il n’y a pas d’œuvres de philosophie ou de mathématiques remarquables, les Toulousains commencent à rechercher des ouvrages techniques ou pratiques. Trois de ceux-ci se distinguent : en agriculture, le Nouveau traité de la vigne de Béguillet, vendu à Toulouse en 1773 ; en « mécanique », le Traité sur les mines de fer et les forges de Picot de Lapeyrouse, daté de 1786 et l’Horlogerie pratique à l’usage des apprentis et des amateurs de Vignaux, paru en 1788. Ces nouveautés sont le signe d’un élargissement des préoccupations des lecteurs.
5- Belles-Lettres
186Dans le corpus, la catégorie Belles-Lettres représente 116 titres, soit 19,8 % de l’ensemble.
187L’évolution des Belles-lettres toulousaines est intéressante. Le graphique fait apparaître une forte augmentation de la production, après une stagnation certaine de 1739 à 1768. Elle est multipliée par 3,62 entre les décennies 1759-1768 et 1769-1778, puis par plus de 2 entre 1769-1778 et 1779-1788. Et c’est au cours de cette dernière décennie que 52 % des ouvrages de la catégorie sont publiés.
- 63 DE ROUGEMONT Martine, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Genève, Slatkine Reprints, 1996 (...)
- 64 Ibid., p. 296.
188Un type de livre domine alors la production des Belles-Lettres : les pièces de théâtre, qui représentent plus de la moitié de la production. Comment expliquer ce goût pour les pièces de théâtre ? Il faut d’abord rappeler l’engouement des Toulousains pour le théâtre, goût amplement partagé par l’ensemble des Français, comme le montre Martine de Rougemont dans La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle ; elle situe la grande diffusion du théâtre dans les provinces après la fin de la Guerre de Sept Ans, en 1763, et insiste sur la volonté des autorités d’encourager ce mouvement, jusqu’aux années 178063. Elle montre qu’à la veille de la Révolution le théâtre, en faisant « tourner tous les regards vers Paris, le grand dispensateur des plaisirs, le grand juge de la correction », avait « réduit les différences et renforcé l’allégeance à une culture nationale64 ».
- 65 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 249. L’auteur évoque le grand nombre de représ (...)
- 66 Ibid.
189Dans ce contexte, le développement du théâtre à Toulouse s’éclaire. Dès 1736, les Capitouls font construire la salle de spectacle du Capitole ; conçue aussi pour l’opéra, elle est le lieu de nombreuses représentations théâtrales65. Dans les années 1780, le théâtre est la distraction favorite de la population et un public large s’y pressait, toutes catégories sociales confondues. Michel Taillefer évoque ce public « attiré par les affiches […], par les annonces insérées dans les Affiches de Toulouse et par les brochures contenant le texte de “la pièce du jour” que vendent les colporteurs66 ». Un tel scénario était effectivement probable, notamment lorsqu’il s’agissait de pièces courtes, de moins de 48 pages, que nous avons classées parmi les « Plaquettes ». Sur la centaine de pièces qui y sont regroupées, un tiers des pièces à moins de 30 pages. Concernant la diffusion des pièces de théâtre de plus de 48 pages figurant dans la catégorie Belles-Lettres, leur développement est relativement tardif, puisqu’on ne les recense qu’à partir de 1774. Les élites toulousaines désirant lire ou relire des pièces de théâtre les achetaient chez Jean-Florent Baour, « seul Imprimeur Juré de l’Université, rue St. Rome », puis, à partir de 1780 chez Jean-Baptiste Broulhiet, « Libraire, Acquéreur du fonds de M. Baour, rue St. Rome, faisant coin de la rue Dumai ». En 1784, il indique comme adresse : « Chez Broulhiet, Libraire, rue Saint-Rome, Seul Magasin des pièces de Théâtre » ; en 1785, « Au Magasin général des Pièces de Théâtre, Chez Broulhiet, Libraire, rue St. Rome ».
- 67 KIRSOP Wallace, « Nouveautés : théâtre et roman », Histoire de l’édition..., op. cit., p. 274.
190En 1781, en page de couverture de À chacun sa folie ou le conciliateur, on peut lire « On trouve aussi chez lui [Broulhiet] les bonnes nouveautés sur toute sorte de matières, & il est le seul pour la partie des pièces de Théâtre, qu’il fait imprimer peu de tems après qu’elles ont eu du succès à Paris ». En effet, de très nombreuses pièces publiées à Toulouse ont été jouées à Paris, comme le mentionnent les pages de titre : « Représentée, pour la première fois, par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi, le… », « Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la Comédie Françoise à Paris, le… ». Sur 60 pièces, nous avons relevé de telles mentions 21 fois. On diffuse, non seulement les pièces parisiennes, mais aussi « des traductions, des adaptations, des imitations d’œuvre étrangères – spécialement anglaises et italiennes67 ». Tom Jones à Londres, de Desforges est imprimé à Paris en 1782, et se trouve chez Broulhiet, en 1783. Il est peu vraisemblable que l’édition toulousaine de six pièces ait été imprimée à Londres, comme semble l’indiquer l’adresse : La Brouette du vinaigrier, drame en trois actes par Mercier. A Londres. Et se trouve à Toulouse. Chez le Libraire qui vend les Nouveautés, en 1775. Il s’agit sans doute d’une fausse adresse pour cacher une impression locale non autorisée.
191La vente de pièces de théâtre semble si importante qu’à la fin de la tragédie Tibère et Sérénus Broulhiet dresse la liste des nouvelles pièces de théâtre qui sont vendues dans sa librairie le 25 février 1783 ; elle occupe deux pages, et il ajoute qu’on trouve, entre autres, dans son magasin, des « Collections complètes de Pièces de Théâtre détachées, […] dont il y a un catalogue particulier, avec supplémens ».
- 68 DESGRAVES Louis, Les livres imprimés à Bordeaux au XVIIIe siècle (1701-1789), Genève, Droz, 1975, (...)
- 69 DESGRAVES Louis, Le livre en Aquitaine…, op. cit., p. 138.
192L’engouement pour le théâtre et les pièces de théâtre s’observe également à Bordeaux : Louis Desgraves précise que « le goût très marqué des Bordelais pour le théâtre, comédie et tragédie, et pour l’opéra, est souligné par le nombre relativement important des pièces de théâtre imprimées à Bordeaux, surtout dans la seconde moitié du XVIIIe siècle68 ». À partir de 1778, il remarque que les éditeurs bordelais publient des pièces des auteurs à succès joués sur les théâtres parisiens ou bordelais ; il cite Le père de famille de Diderot, en 1780, Le barbier de Séville de Beaumarchais, en 1775 et 1780 et de nombreuses pièces de Voltaire69 qui ont été également publiées à Toulouse.
193Le tableau ci-dessous souligne l’évolution de la catégorie Belles-Lettres dans la production globale :
Décennies |
Nombre de livres de Belles-Lettres |
Nombre de livres recensés |
% de livres de Belles-Lettres |
1739-1748 |
8 |
68 |
11,7 % |
1749-1758 |
5 |
61 |
8,2 % |
1759-1768 |
8 |
87 |
9,2 % |
1769-1778 |
29 |
138 |
21 % |
1779-1788 |
60 |
188 |
31,9 % |
Tableau 38. Le poids des livres de Belles-Lettres dans la production totale par décennie, 1739-1788.
194Alors que les livres de Belles-Lettres représentent moins de 10 % de la production jusqu’aux années 1770, la production décolle ensuite ; multipliée par 3,5, elle constitue alors un cinquième des livres de 1769-1778. Dans la dernière décennie de l’Ancien Régime, le nombre de livres de Belles-Lettres double et atteint pratiquement le tiers de la production de livres.
195Nous avons insisté sur le développement des pièces de théâtre, phénomène très important certes, mais qui ne doit pas nous amener à occulter l’apparition du roman à Toulouse, même si nous ne relevons que cinq titres dont l’Histoire de Gil Blas de Santillane, La vie de Marianne de Marivaux, et trois romans à succès, vendus chez des libraires toulousains et montrant une évolution des goûts.
196L’étude des catégories de livres, imprimés ou vendus à Toulouse montre que les livres religieux, notamment les livres de dévotion, dominent la production de 1739 à 1788 ; cependant, les Belles-Lettres progressent très nettement dans la dernière décennie, avec une forte production de pièces de théâtre ; en revanche, le livre de droit connaît une production stable et tend à diminuer en valeur relative.
197L’histoire et les Sciences et Arts sont les deux catégories minoritaires. L’Histoire ne prend de l’importance qu’avec les publications d’histoire locale et les ouvrages concernant les Sciences et des Arts, peu nombreux, connaissent une augmentation très nette en fin de période, grâce à des livres de médecine. Cependant, on ne recense aucun livre de philosophie ou de politique.
VII- Comparaison avec d’autres études
198Pour comparer nos résultats toulousains avec ceux d’autres études sur la production des différentes catégories de livres, notamment celles de François Furet et de Jean Quéniart, et afin d’avoir des corpus semblables, nous avons dû apporter quelques modifications à la composition de la catégorie Belles-Lettres et y ajouter deux types d’imprimés qui figurent dans notre corpus parmi les « Périodiques » : les almanachs et les recueils des académies. Nous y avons isolé 145 ouvrages de plus de 48 pages, qui portent le total des Belles-Lettres à 261 unités.
- 70 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 31, note 30.
199Une série de huit Ordo comme l’Ordo Divini Officii Recitandi juxta Ritum Breviarii Tolosani, Pro anno Bissext. M. DCC. LXXXIV, a été ajoutée à « Religion », tandis que quatorze ouvrages concernant l’administration, comme le Tableau de l’administration de la ville de Toulouse pour l’année…, ont été classés à Sciences et Arts, section « Economie politique », comme avait fait François Furet70.
200Avec ces nouvelles données qui portent le total des « livres » à 752 nous avons recalculé le poids de chaque catégorie. Elles amènent à modifier les résultats préalablement établis.
Catégories |
Regroupement des catégories Livres et Périodiques de plus de 47 pages |
% sur 752 titres |
Religion |
242 + 7 = 249 |
33,1 % |
Droit |
136 |
18,1 % |
Histoire |
42 |
5,6 % |
Sciences et Arts |
49 + 15 = 64 |
8,5 % |
Belles-lettres |
116 + 145 = 261 |
34,7 % |
Tableau 39. Poids des différentes catégories dans le corpus élargi de livres, 1739-1788.
201La ventilation, ici, des grandes catégories bibliographiques interpelle, dans la mesure où la production toulousaine, entre 1739 et 1788 paraît nettement contrastée : un tiers est consacré aux livres religieux, près d’un cinquième au droit, 35 % aux Belles-Lettres, l’Histoire et les Sciences et Arts n’étant que faiblement représentées. Observe-t-on la même répartition et les mêmes évolutions ailleurs ?
1- Religion
202Dans notre « corpus élargi », la production de livres religieux à Toulouse est de 40 % du total de 1739 à 1748 ; elle diminue dans les deux décennies suivantes à 22,6 % puis à 30,5 %, pour remonter à un taux de 39,6 % en 1769-1778. À la veille de la Révolution, elle demeure élevée, contrairement aux résultats des études menées par François Furet ou Jean Quéniart, puisqu’elle atteint encore 28,8 % de la production globale.
- 71 MELLOT Jean-Dominique, L’Édition rouennaise et ses marchés..., op. cit., p. 531.
- 72 Ibid, p. 133
203Au contraire, Jean Quéniart, montre qu’à Rouen la part des livres religieux représente quelque 30 % de la production au début du siècle – elle est de 38, 2 % de 1700 à 1729 selon Jean-Dominique Mellot71 – ; elle diminue brutalement ensuite à environ 14 % dans la décennie 1740-1750, pour remonter légèrement à 18 % entre 1770 et 1780. Elle n’est plus que de 11 % dans les dix dernières années de l’Ancien Régime72.
- 73 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 155.
204À Strasbourg, la diminution est plus forte encore ; Frédéric Barbier constate que le livre religieux représente moins de 4 % entre 1776 et 178573.
- 74 CHARTIER Roger, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Éditions du Seuil, 200 (...)
205De même, les travaux de François Furet sur les demandes de permissions et de privilèges mettent en avant une baisse de la production religieuse. Suite à ces travaux qui concernent Paris, Roger Chartier écrit : « Alors que les titres religieux constituaient la moitié de la production imprimée parisienne à la fin du XVIIe siècle, et encore un tiers dans la décennie 1720, ils ne comptent plus que pour le quart aux débuts des années 1750 et seulement un dixième dans la décennie 178074 ».
- 75 MARTIN Philippe, Une religion des livres..., op., cit, p. 155. L’auteur cite les travaux pour le m (...)
206D’ailleurs, ce mouvement ne serait pas uniquement français mais européen, puisque Philippe Martin rappelle qu’aux foires de Leipzig 38,6 % des titres vendus au début du siècle relevaient de la théologie catholique, et seulement 17,5 % en 176575.
207Les historiens ont vu dans cette baisse du livre religieux une accélération de la déchristianisation traditionnellement constatée dans les deux dernières décennies du XVIIIe siècle. À Toulouse, est-il possible de voir dans la légère diminution observée une amorce du phénomène ?
2- Belles-Lettres
208Les chiffres du « corpus élargi » montrent l’importance des Belles-Lettres. De 37 % de la production totale au début de la période, elles stagnent autour de 33 % dans les trois décennies suivantes, avant de remonter à 40,3 % à la veille de la Révolution.
209Dans son Étude sur la production imprimée de l’année 1764, Jacqueline Artier estime la production de Belles-lettres à 31 % de la production de l’année, pourcentage proche de ce que l’on constate à Toulouse.
- 76 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 133.
- 77 FURET François, « La Librairie du Royaume de France … », op. cit., p. 20.
210À Rouen, d’après Jean Quéniart, les Belles-Lettres gardent « un pourcentage étonnamment stable toujours compris depuis le début du siècle entre 42 et 44 %76 ». François Furet parle également de l’extraordinaire stabilité des livres de Belles-Lettres, et ce qui étonne, c’est qu’il insiste sur « l’équilibre interne qui distribue les ouvrages en grands genres littéraires : orateurs, poésie, théâtre, romans grammaire, etc. ». Rappelons que cinq romans seulement figurent dans notre Catalogue des impressions toulousaines, alors qu’il y a surabondance de pièces de théâtre. Sans doute peut-on remarquer « la quasi-disparition dans les années quatre-vingt des classiques latins qui sont encore très nombreux au milieu du siècle » ; mais trois œuvres en latin figurent encore parmi les 86 titres du « corpus élargi » dans la dernière décennie, comme les Discours de Quinte-Curce, imprimés en 1786. François Furet met l’accent sur la « multiplication des dictionnaires » ; avec trois dictionnaires seulement recensés à Toulouse, on ne peut guère percevoir cet aspect « du fanatisme encyclopédique des Lumières et de l’acharnement à classifier et à délimiter les champs du savoir77 ».
3- Droit
- 78 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 131-132.
- 79 ARTIER Jacqueline, « Étude sur la production imprimée… », op. cit., p. 15.
- 80 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 21, 23 (graphiques).
- 81 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 157.
211Concernant le Droit, le « corpus élargi » traduit d’importantes variations. Occupant 17 % de la production en 1739-1749, il culmine à 35,7 % de 1749 à 1758 puis connaît une lente diminution : 26,2 % de 1759 à 1768 ; 13,4 % dans la décennie suivante, et 12,7 % à la veille de la Révolution. Cette nette diminution se constate également à Rouen où Jean Quéniart montre qu’après une forte croissance, qui atteint 30,8 % de l’ensemble dans les années 1741-1750, la production de livres de droit connaît ensuite une nette régression et représente moins de 16 %, après 178078. De même, pour l’année 1764, Jacqueline Artier ne mentionne que 15 % de production juridique79. Cette proportion diminue rapidement dans les années 1780. À partir de l’étude des permissions simples, François Furet situe la part des livres de Droit entre 6 et 7 %, de 1784 à 1788, et, selon les registres des permissions tacites, entre 2 et 3 %80. Frédéric Barbier abonde dans ce sens, puisqu’il estime à 6,2 % la part des livres juridiques écrits en français à Strasbourg81.
4- Histoire
212L’étude du « corpus élargi » montre une fluctuation irrégulière de la production à Toulouse ; alors qu’elle atteignait 4 % entre 1739 et1748, elle diminue à 1,2 % entre 1749 et1758, pour s’élever à 8,5 % dans la décennie suivante, puis retomber à 4,9 % à partir de 1769.
- 82 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 128 à 132.
213Jean Quéniart montre une évolution très différente à Rouen. Il place la part des livres d’histoire à 14,1 % de la production rouennaise, au début du XVIIIe siècle ; de 1720 à 1730, elle atteint 25 %, c’est d’ailleurs son âge d’or, puis elle diminue fortement et tombe après 1750 au-dessous de 10 %. À partir de 1770, « l’histoire continue à perdre du terrain, et ne représente plus que 5 à 7 %82 », ce qui lui fait alors rejoindre la situation toulousaine.
5- Sciences et Arts
214Également, l’évolution des Sciences et Arts, à Toulouse, diffère de celle que révèlent les autres études. Partie de très bas, 2 % du total en 1739-1749, elles connaissent des dents de scie : 7,1 % en 1749-1758, 1,7 % en 1759-1768, 9,8 % en 1769-1778, puis 13,1 % en 1779-1788.
215À Rouen, l’augmentation à la fin de la période est plus brutale. De 1721 à 1730, la catégorie occupe 11 % de l’ensemble, puis elle diminue à 7,5 %, de 1731 à 1750, pour réaugmenter à 11 %, dans les années 1760 et atteindre plus de 23 % après 1780.
- 83 MARTIN Henri-Jean, « Une croissance séculaire », Histoire de l’édition française…, op. cit., p. 12 (...)
216L’écart est plus net encore si on compare les chiffres toulousains avec les résultats obtenus par Jacqueline Artier pour l’année 1764 ; elle situe le secteur « Sciences » à 28 %. De plus, « la philosophie, les sciences s’équilibrent à peu près (38 %, 34 %, 27 %) », commente Henri-Jean Martin83.
- 84 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 21.
- 85 Ibid., p. 24.
217François Furet montre que la catégorie Sciences et Arts passe de 25,6 % dans les années 1750 à plus de 40 % dans les années 1780, et qu’elle devient « à la fin du siècle, le secteur majoritaire de la production des livres84 ». Alors que la proportion des ouvrages de Sciences et des Arts est à peu près constante dans les années 1784-88, il remarque que le pourcentage interne des livres de politique, regroupés avec les ouvrages de philosophie, croît très rapidement85. Rappelons qu’à Toulouse, aucun livre politique n’a été recensé.
- 86 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 133, 134.
218Sans doute, en province, il faut mesurer les changements à d’autres signes ; comme l’observe Jean Quéniart : l’« essor [des Sciences et Arts] n’est nullement dû, comme on pourrait le croire, à la fermentation politique du temps ». Il s’intéresse par contre à la parution d’ouvrages techniques, qui témoignent « du même esprit de sérieux, de compétence et d’attention (technique plus que scientifique) aux progrès de l’homme sur la nature, qui, plus encore sans doute qu’à Paris où beaucoup se piquent de littérature et de philosophie, caractérise, dans la province du XVIIIe siècle, l’esprit des Lumières86 ». Les ouvrages de techniques sur l’agriculture et la mécanique publiés à Toulouse, tel l’Horlogerie pratique à l’usage des apprentis et des amateurs de Vigniaux, reflétaient donc un changement dans les mentalités.
219Au terme de ces comparaisons Toulouse apparaît comme une ville ancrée dans la tradition, avec une production toujours importante de livres religieux ; cependant les Belles-lettres sont en plein essor et font plus que jeu égal avec les livres religieux à la veille de la Révolution. Si la diminution du poids des livres de droit et l’effondrement des livres d’histoire se constatent ailleurs en France, on n’observe pas à Toulouse, de développement remarquable des Sciences et Arts.
VIII- Livres, imprimeurs et libraires
220Dans le chapitre cinq, l’étude de la production toulousaine globale nous a amenée à considérer la production globale des différents imprimeurs et à souligner les écarts qui existent entre eux. À présent considérons les imprimeurs et la production de livres.
1- L’édition de livres par des libraires
- 87 Éditions des libraires ; Crozat (2), Dupleix (4), Hénault F. (1), Laporte (2), Moulas (1), Manavit (...)
221Des libraires ayant obtenu un privilège faisaient imprimer des livres qu’ils vendaient à leur adresse. Les pages de titres l’indiquent. Sept d’entre eux ont édité moins de cinq ouvrages87. Nous ne ferons que rappeler la hiérarchie des « libraires-éditeurs » et nous nous pencherons plus longuement sur les impressions pour le libraire Jean-Baptiste Broulhiet.
222Antoine Birosse (1728-1770) est le libraire qui est en tête des demandes de privilèges, il fait imprimer quinze livres, outre les dix-huit publiés par les « Libraires associés ».
223Jean François Forest (1728-1773) arrive en second, avec quatorze livres vendus dix-sept ouvrages aux soins également des « Libraires associés ». Quant à Jean-François Robert (1745-1783) il en fait imprimer dix et son fils Robert, douze.
224Les thèmes de livres vendus par ces libraires sont variés comme, le montrent les choix d’Antoine Birosse (graphique ci-dessous) réparti entre des livres de religion, des livres de droit et de belles-lettres :
225Le cas de Jean-Baptiste Broulhiet, libraire en 1779, mérite l’attention et donne un exemple de spécialisation accrue avec un type d’édition presque exclusivement consacré aux belles-lettres.
226Dès 1783, il annonce qu’il détient dans son magasin des « Collections complettes [sic] de Pièces de théâtre détachées, montant à plus de huit cens sortes, dont il a un Catalogue particulier, avec supplémens ».
- 88 BMT, Fa D 1263 (4).
227À partir de 1784, apparaît dans l’adresse des pièces de théâtre « Chez Broulhiet, seul Magasin des Pièces de Théâtre » ou « Au Magasin général des Pièces de Théâtre », plus rarement, comme en 1786 dans la pièce Sémiramis de Voltaire on lit : « Chez Broulhiet, Magasin en gros de Pièces de Théâtre ». À la fin de la pièce Tibère et Sérénus88 en 1783, deux pages imprimées par ses soins permettent de confirmer cette spécialisation mais aussi de mieux cerner son activité de libraire, qui annoncent : « Les nouvelles pièces de théâtre, et autres, qui se trouvent en nombre chez Broulhiet, Libraire à Toulouse (25 février 1783) ». 67 pièces de théâtre, sans lieu d’édition, classables à « Livres » ou à « Plaquettes », sont citées à la vente dont 22 ont été recensées dans notre catalogue toulousain (soit le tiers) mais nous ne pouvons savoir la part réelle des éditions toulousaines dans ce catalogue de vente. Les pièces sont réparties en trois rubriques : 22 « Nouveautés » dont 13 ont été retrouvées (3 livres et 10 plaquettes toulousains) ; 9 « Pièces nouvellement réimprimées » parmi lesquelles on relève une édition toulousaine conservée, Le Déserteur, et deux brochures ; 36 « Autres pièces en nombre » dont cinq de plus de 48 pages, vendues à Toulouse.
228Le libraire poursuit sa « réclame » en indiquant ce que l’« on trouve dans le même magasin » : « Une collection de Livres Anglais & Italiens. Une collection de Poëtes Français, en petit format. Collection de Moralistes anciens, contenant Épicure, Confucius, Sénéque, &c. 8 vol. pet. In-24. Assortiment de Livres de Médecine, Chirurgie, & c. aussi avec un Catalogue particul. CABINET LITTÉRAIRE, pour la lecture de tous les papiers publics, Journaux & Gazettes ». Aucun élément des collections citées n’ayant été retrouvé, on peut s’interroger pour savoir combien d’ouvrages étaient vendus « à Toulouse, chez Jean-Baptiste Broulhiet ».
2- La production des imprimeurs de livres en nombre de titres
- 89 Impressions de moins de dix livres : Desclassan J.-J. (1), Vve Desclassan J. F (3), Douladoure J. (...)
229Onze imprimeurs ont imprimé moins de dix livres entre 1739 et 178889. On remarque parmi eux la présence de quatre veuves, et celle de Jean-Pierre Faye qui n’exerça à Toulouse que de 1759 à 1764. Les cas de Jean Guillemette, imprimeur de 1699 à 1752, et d’Antoine Rellier, de 1699 à 1744, sont particuliers puisque nous ne prenons en compte que quelques années de leur long exercice.
230L’histogramme ci-dessous établit un classement des 10 premiers imprimeurs en fonction de la production en nombre de titres.
231L’imprimeur Joseph Dalles se distingue par l’impression de 44 livres (qui ne représentent, cependant que 16,2 % de l’ensemble de ses 272 impressions). Pour compléter cette production il faudrait ajouter les quatorze livres imprimés par l’association « Dalles et Vitrac » et ceux des « Libraires associés », qui ont publié dix-huit ouvrages religieux, entre 1773 et 1775 ; le nom des associés est toujours indiqué, après la page de titre : « Nomina Bibliopolarum, J. Franciscus Forest, Antonius Birosse, Josephus Dalles ». Jean-Florent Baour, avec 38 titres, arrive en seconde position, suivi par Pierre Robert avec 25 titres.
232Pour certains imprimeurs, la production de livres est une spécialité ainsi pour Gaspard Hénault (1707-1752) classé en huitième position pour la production en titres : il imprime 21 livres entre 1739 à 1752, ce qui représente 77,7 % du total de ses impressions durant cette période. Cependant le contexte est un peu particulier dans la mesure où il exerce depuis 1707 et où nous ne nous occupons que de la production de ses treize dernières années. Dans ce laps de temps, il imprime essentiellement des livres religieux (9) et des livres de droit (10).
233La production de livres représente entre 20 et 30 % de la production de six imprimeurs :
Imprimeurs |
Nombre de livres, 1739-1788 |
% de la production totale de ces imprimeurs |
Caranove N. (1722-1764) |
22 |
26,5 % |
Desclassan D. (1780-1793) |
24 |
28,9 % |
Douladoure J.J. (1759-1785) |
12 |
25 % |
Hénault S. (1752-1791) |
15 |
23,8 % |
Robert P. (1714-1763) |
32 |
21,3 % |
Sens N.E. (1785-1812) |
11 |
28,9 % |
Tableau 40. Production de livres en titres des imprimeurs qui représente de 20 à 30 % de leur production totale.
23475 % des livres publiés par Jean-Joseph Douladoure sont des livres religieux, de même que 91 % de ceux imprimés par Noël-Étienne Sens (10 livres).
235Pierre Robert a une production de livres abondante, avec 32 ouvrages, mais elle ne représente que 21,3 % de sa production totale. 40,6 % sont des livres religieux.
236Dominique Desclassan imprime 24 livres qui ont des thèmes variés : neuf livres religieux, six livres de Droit, deux livres d’Histoire, trois livres de Sciences et Arts et quatre de Belles-Lettres. Cette production équilibrée, diversifiée selon les grandes catégories bibliographiques semble montrer une légère baisse de la production de livres religieux, observée à la fin du siècle.
237Pour d’autres imprimeurs la production de livres est inférieure de 20 % de leur production globale ; c’est le cas pour neuf imprimeurs.
Imprimeurs |
Nombre de livres |
% de la production totale |
Baour J-F. (1772-1793) |
38 |
17,5 % |
Dalles J. (1765-…) |
43 |
15,7 % |
Guillemette J.-H. (1752-1777) |
16 |
11,8 % |
Lecamus C.-G. (1710-1751) |
11 |
3,5 % |
Pijon B. (1752-1760) |
11 |
5,2 % |
Pijon J.-A.-H.-M.-B. (1770-1794) |
24 |
9,7 % |
Rayet J. (1753-1788) |
12 |
4,4 % |
Robert J.-J. (1763-…) |
25 |
15, % |
Robert Vve J.-P. (1758-1779) |
18 |
15,5 % |
Tableau 41. La production de livres des imprimeurs inférieure à 20 % de leur production totale.
238Six imprimeurs ont une production de livres qui oscille entre 10 et 20 % de leur production d’ensemble et leurs types de production sont variés. Jean-Florent Baour qui a imprimé 38 livres, imprime surtout des ouvrages dans la catégorie Belles-Lettres (19).
239Nous avons déjà évoqué la production de Joseph Dalles, tournée vers les livres religieux.
240Sur onze ouvrages, Bernard Pijon en imprime sept en Droit. Quant aux productions de Jean-Henri. Guillemette, de Jean-Jacques Robert et de la veuve de J.-P. Robert, elles sont diversifiées et concernent toutes les catégories bibliographiques.
241Enfin pour trois imprimeurs ayant publié plus de dix livres, les chiffres semblent indiquer une production de livres secondaire. Ainsi, Claude-Gilles Lecamus a imprimé 317 titres parmi lesquels onze livres seulement, soit 3,5 % du total, (cependant le nombre de pages de ses livres s’élève à 2 196). De même, Jean Rayet a imprimé 274 titres mais seulement douze livres, répartis en trois catégories (quatre livres religieux, cinq livres de Droit et trois livres d’Histoire), soit 4,4 % de sa production totale (mais plus de 3 189 pages imprimées).
3- La production des imprimeurs de livres en nombre de pages
- 90 CHARTIER Roger, « Ancien Régime typographique », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit. (...)
- 91 DAWSON Robert L., The French Booktrade and the « permission simple » of 1777..., op. cit.
242Avoir un aperçu de la production en nombre de pages d’un imprimeur est important dans la mesure où le tirage en pages fait tourner les presses. Roger Chartier parle de l’« étroitesse des tirages90 », généralement entre 1 250 et 1 500 exemplaires, il l’explique par le fait qu’il ne faut pas mobiliser longtemps les caractères, les fontes possédées par les imprimeurs étant peu nombreuses, et par la peur de ne pouvoir écouler rapidement la production. À Toulouse, les sources manquent, excepté pour les tirages de permissions simples qui ont été relevées par R. L. Dawson dans les manuscrits 22 018 et 22 019 de la Bnf91. Les tirages des réimpressions conservées se situent entre 1 000 et 2 000 exemplaires. Quelques exceptions sont à noter : Dupleix a obtenu une permission de 6 000 exemplaires pour les Comptes faits de Barème en 1788. Noël-Étienne Sens pourra tirer les Sermons du père Giroust à 3 000 exemplaires.
243J.-A.-H.-M.-B. Pijon se distingue par sa forte production qui s’élève à 349 titres, quoique les 25 livres imprimés ne représentent que 7 % de sa production totale. Mais, alors que sa production totale s’élève à 12 191 pages, ses presses ont imprimé 9 566 pages pour les livres, soit 78,4 % de l’ensemble. Ces trois exemples montrent que l’impression de livres était primordiale pour les imprimeries toulousaines, même quand elle ne représente qu’une faible part de la production totale en titres.
244Face à la production de livres, la situation des imprimeurs toulousains était donc variable, et elle rappelle les écarts constatés dans leur fortune, au chapitre quatre. L’offre, et en réaction la demande, n’étaient pas égales. Pour chaque imprimeur elle dépendait du nombre de presses, du nombre de caractères et de la spécialisation de l’atelier.
245À la fin de la période moderne l’importance numérique du livre toulousain qui ne représente que 15,8 % de toute la production imprimée de la ville, tend à faire supputer sa rareté.
246Les 585 livres du corpus ne s’adressent pas aux mêmes publics. Il convient de distinguer les livres destinés à un public populaire, concerné par les livres de dévotion, de ceux destinés à l’élite toulousaine qui, familiarisée par une longue tradition avec les livres de droit et les œuvres des arrêtistes du XVIIe siècle, lisait aussi des livres de médecine. Elle souhaitait de belles éditions, souvent de format in-4°, imprimées sur un papier de qualité et comportant pour certaines de belles illustrations, quoique la présence de vingt-deux frontispices gravés seulement, pour l’ensemble du corpus, souligne leur rareté. Bandeaux et culs de lampes gravés sur bois ou exceptionnellement sur cuivre, par des artistes connus tels Peyrane, Raynaud ou Gritner, rendaient le livre plus esthétique. Mais, ce qui est apprécié de nos jours ne le fut pas forcément au XVIIIe siècle : le Nouveau recueil d’ostéologie et de myologie, dessiné par Gamelin en 1779, qui fait figure aujourd’hui d’ouvrage remarquablement illustré, n’a pas connu un franc succès, à l’époque.
247Le beau livre était un objet rare et cher, et certains libraires, comme Antoine Birosse, recherchaient ce type d’édition ; en 1761, il édita l’Ordonnance de Louis XV de Jean-Baptiste Furgole avec une page de titre en noir et en rouge, signe d’édition luxueuse.
248L’évolution de la production annuelle du livre a montré une multiplication de la production par quatre et demi, liée aux progrès de l’alphabétisation.
249Ainsi, le livre est devenu moins rare, les lecteurs plus nombreux et il se transforme : les petits formats (in-12 et in-8°) occupent près de 79 % des éditions à la veille de la Révolution. Il est moins illustré, avec de traditionnels bandeaux et quelques culs de lampe.
250Les centres d’intérêts du public se modifiant, on observe quelques évolutions dans la production des livres en catégories bibliographiques. On peut parler de banalité de la production dans la mesure où le livre religieux est omniprésent durant tout le siècle ; il représente encore 39,1 % du total dans la décennie 1778-1788. Cependant les ouvrages de belles-lettres progressent lentement et atteignent 26,9 % du total. Parmi eux, très peu de romans, mais beaucoup de pièces de théâtre, dont le classicisme de la mise en page, des illustrations, le choix du papier ne font pas de beaux livres.
251Le livre toulousain apparaît donc banal et à l’écart de la modernité, avec une faible production d’ouvrages de Sciences et Arts. Il ne traduit pas les aspirations du temps : aucun livre politique, peu d’ouvrages techniques.
252Le livre toulousain est ancré dans la tradition, cependant quelques productions en font un objet rare et précieux destiné à une élite.
Notes
1 DESBARREAUX-BERNARD Tibulle, L’imprimerie à Toulouse aux XVe, XVIe et XVIIe siècles..., op. cit. Voir l’introduction.
2 BLANC-ROUQUETTE Marie-Thérèse, La presse et l’information à Toulouse…, op. cit.
3 VENTRE Madeleine, L’imprimerie et la librairie en Languedoc..., op. cit.
4 BRANCOLINI Julien et BOUYSSY Marie-Thérèse, « La vie provinciale du livre… », op. cit., p. 31.
5 Ibid.
6 QUÉNIART Jean, « L’anémie provinciale », Histoire de l’édition française..., op. cit., p. 367.
7 GILMONT Jean-François, Une introduction à l’histoire du livre, Du manuscrit à l’ère électronique, Liège, Éditions du Céfal, 2000, p. 80.
8 DAWSON R. L., The French Booktrade and the “permission simple” of 1777 : Copyright and Public Domaine with an Edition of the Permit Registers, Oxford, The Voltaire Foundation, 1992, Bnf Ms 22019, f.9v. p. 438 no 321.
9 In fine est indiqué « De l’Imprimerie de la Veuve Douladoure ».
10 BLANC-ROUQUETTE Marie-Thérèse, « L’imprimerie à Toulouse et à Montauban sous l’Ancien Régime. Échanges et rapports commerciaux », Actes du XLIe congrès des Sociétés académiques et savantes de Languedoc-Pyrénées Gascogne, Montauban, 20-21-22 juin 1986, p. 363-364.
11 BARBIER Frédéric, « L’économie éditoriale », Histoire de l’édition française..., op. cit., tome 2, p. 74.
12 DESACHY Matthieu, RAMOS Alexandrine, « L’état civil du livre », dans Villefranche-de-Rouergue, la ville aux treize bibliothèques, Bibliothèque municipale de Villefranche, Service du livre ancien des universités de Toulouse, Toulouse, Douladoure, 2001, p. 2.
13 BARBIER Frédéric, Histoire du livre..., op. cit., p. 159.
14 PARGUEZ Guy, « À propos des pages de titres des livres anciens », Revue française d’histoire du livre, 1971, p. 55.
15 Catalogue des impressions toulousaines, en ligne Framespa – BMT.
16 BARBIER Frédéric, Histoire du livre..., op. cit., p. 159.
17 FEBVRE Lucien, MARTIN Henri-Jean, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1999, p. 122.
18 Ibid., p. 123-124.
19 BLONDEAU Chrystèle, « Illustration », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., p. 509.
20 PASTOUREAU Michel, « L’illustration du livre : comprendre ou rêver ? », Histoire de l’édition..., op. cit., tome 1, p. 602.
21 Voir le passage concernant les graveurs, chapitre 3.
22 PASTOUREAU Michel, « L’illustration du livre… », op. cit., p. 613.
23 CORSINI Silvio, « Bandeau », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., p. 210.
24 Voir, au chapitre 3, la présentation approfondie de ces graveurs.
25 CORSINI Silvio, « Cul de lampe », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., p. 706.
26 COHEN Henri, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, sixième édition, revue, corrigée et augmentée par Seymour de Ricci, Paris, A. Rouquette, 1912, XXVI, 1248 p. COURBOIN François, Histoire illustrée de la gravure en France, Deuxième partie 1660-1800, Paris, Maurice Le Garrec, 1924, 245 p. Aucun artiste toulousain n’est mentionné.
27 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 150.
28 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 149-150.
29 Ibid.
30 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 374.
31 BARBIER Frédéric, Histoire du livre…, op. cit. p. 158.
32 BARBIER Frédéric, Histoire du livre…, op. cit. p. 150.
33 PIC François, « Approche bibliographique de la littérature religieuse en occitan imprimée aux XVe-XIXe siècles », dans GASCA QUEIRAZZA Guiliano (dir.), Atti del Secondo Congresso Internazionale della "Association internationale d’études occitanes", Turin, Dipartimento di Scienze Letterarie e Filologiche Università di Torino, 1993, t. 1, p. 578.
34 Ibid., p. 562.
35 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 123.
36 GUÉRANGER Prosper, Institutions liturgiques, tome II, ch. XXIII, p. 508, http://www.abbaye-saint-benoit.ch/gueranger/institutions/
37 Ibid., p. 509.
38 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 123.
39 BRANCOLINI Julien, BOUYSSY Marie-Thérèse, « La vie provinciale du livre à la fin de l’Ancien Régime », FURET François (dir.), Livre et société dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Mouton, 1970, p. 31.
40 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 14-15.
41 POUMARÈDE Jacques, « Les arrêtistes toulousains », Les Parlements de Province. Pouvoirs, justice et société du XVe au XVIIIe siècle, Textes réunis et présentés par Jacques POUMARÈDE et Jack THOMAS, Toulouse, Framespa, 1996, p. 378.
42 Ibid., p. 378.
43 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 128.
44 FURET François, « La librairie du royaume de France… », op. cit., p. 31, note 27.
45 Catégorie Belles-lettres : A- Dictionnaires ; B- Grammaire et philologie ; C- Poésie ; D- Orateurs ; E- Facéties ; F- Journaux et périodiques ; G- Almanachs ; H- Mélanges.
46 GOZARD Laurence, La vie théâtrale à Toulouse au XVIIIe siècle. Le Capitole de 1737 à 1789, mémoire de maîtrise, université de Toulouse-Le Mirail, 1993, p. 160.
47 Ibid., p. 162.
48 Ibid., p. 163.
49 Nous ne souhaitions pas classer ces huit titres de rhétorique dans « Grammaire et Philologie » avec les essais, la critique. Voir F. Furet, « La librairie du royaume de France… », op. cit., p. 31, note p. 35.
50 DARNTON Robert, Édition et sédition…, op. cit., p. 50.
51 MARTIN Philippe, Une religion des livres (1640-1850), Paris, Éditions du Cerf, 2003, p. 156.
52 BRANCOLINI Julien, BOUYSSY Marie-Thérèse, « La vie provinciale du livre… », op. cit., p. 13.
53 DAWSON L. Robert, The French Booktrade and the “permission simple” of 1777..., op. cit., p. 354-607.
54 POUMARÈDE Jacques, « Les arrêtistes toulousains… », op. cit., p. 369.
55 BRISSAUD Yves-Bernard, « Pistes pour une histoire de l’édition juridique française sous l’Ancien Régime », Histoire et civilisation du livre, Genève, Droz, 2005, p. 69.
56 Ibid., p. 70.
57 DESGRAVES Louis, Le livre en Aquitaine, XVe-XVIIIe siècles, Biarritz, Atlantica, Centre régional des lettres d’Aquitaine, 1998, p. 145, 149.
58 ARTIER Jacqueline, « Étude sur la production imprimée… », op. cit., p. 15.
59 DUBOURG Françoise, Les Livres anciens de Médecine et de Pharmacie, Catalogue de la Bibliothèque municipale de Toulouse, Centre régional des Lettres de Midi-Pyrénées, Privat, 1988, p. 13-14.
60 Ibid., p. 598.
61 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse…, op. cit., p. 134.
62 BOYER Anne, NETCHINE Ève, « Livres de médecine », Dictionnaire encyclopédique du Livre, op. cit., p. 919.
63 DE ROUGEMONT Martine, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Genève, Slatkine Reprints, 1996, p. 282.
64 Ibid., p. 296.
65 TAILLEFER Michel, Vivre à Toulouse..., op. cit., p. 249. L’auteur évoque le grand nombre de représentations : pendant la saison 1786-1787, la troupe de Dalainville en donna 307, les rares jours de relâche se situant en août et septembre.
66 Ibid.
67 KIRSOP Wallace, « Nouveautés : théâtre et roman », Histoire de l’édition..., op. cit., p. 274.
68 DESGRAVES Louis, Les livres imprimés à Bordeaux au XVIIIe siècle (1701-1789), Genève, Droz, 1975, p. 6.
69 DESGRAVES Louis, Le livre en Aquitaine…, op. cit., p. 138.
70 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 31, note 30.
71 MELLOT Jean-Dominique, L’Édition rouennaise et ses marchés..., op. cit., p. 531.
72 Ibid, p. 133
73 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 155.
74 CHARTIER Roger, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 104.
75 MARTIN Philippe, Une religion des livres..., op., cit, p. 155. L’auteur cite les travaux pour le monde germanique de Gustav Schwetschke publiés à Hall en 1850.
76 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 133.
77 FURET François, « La Librairie du Royaume de France … », op. cit., p. 20.
78 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 131-132.
79 ARTIER Jacqueline, « Étude sur la production imprimée… », op. cit., p. 15.
80 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 21, 23 (graphiques).
81 BARBIER Frédéric, Trois cents ans de librairie..., op. cit., p. 157.
82 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 128 à 132.
83 MARTIN Henri-Jean, « Une croissance séculaire », Histoire de l’édition française…, op. cit., p. 124.
84 FURET François, « La Librairie du Royaume de France… », op. cit., p. 21.
85 Ibid., p. 24.
86 QUÉNIART Jean, L’imprimerie et la librairie..., op. cit., p. 133, 134.
87 Éditions des libraires ; Crozat (2), Dupleix (4), Hénault F. (1), Laporte (2), Moulas (1), Manavit (4), Sacarau (1) et association Dupeix-Laporte (1)
88 BMT, Fa D 1263 (4).
89 Impressions de moins de dix livres : Desclassan J.-J. (1), Vve Desclassan J. F (3), Douladoure J. (3) Vve Douladoure (5), Guillemette J. (8), Vve Guillemette (3), Faye (1) Vve Lecamus (1), Rellier (4), Robert P.-B-. A.(1), Resplandy (1) et association Dalles-Bellegarrigue (1).
90 CHARTIER Roger, « Ancien Régime typographique », Dictionnaire encyclopédique du livre..., op. cit., tome 2, p. 92.
91 DAWSON Robert L., The French Booktrade and the « permission simple » of 1777..., op. cit.
Table des illustrations
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Légende | Graphique 18. Nombre de livres par format, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 19. Nombre de livres par format par tranche décennale. |
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Légende | Graphique 20. Nombre de livres selon le nombre de pages, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 21. Évolution annuelle de la production de livres en nombre de titres, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 22. Évolution la production de titres, en tranches décennales, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 23. Production de livres en nombre de pages, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 24. Évolution de la production de livres religieux, par décennie, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 25. Évolution de la production de livres de droit par décennie, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 26. Évolution de la production de livres d’histoire datés par décennie, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 27. Évolution de la production de livres de Sciences et Arts datés par décennie, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 28. Évolution de la production de livres de Belles-Lettres, par décennie, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 29. Évolution décennale des catégories de livres, 1739-1788. |
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Légende | Graphique 30. Les livres imprimés pour Antoine Birosse (1739-1770). |
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Légende | Graphique 31. Les livres imprimés pour Jean-Baptiste Broulhiet. |
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Légende | Graphique 32. La production de livres en titres des principaux imprimeurs |
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Légende | Graphique 33. Les livres imprimés par Pierre Robert (1739-1763). |
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Légende | Graphique 34. Les livres imprimés par Dominique Desclassan (1780-1788). |
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Légende | Graphique 35. Les livres imprimés par Jean-Florent Baour (1772-1788). |
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Légende | Graphique 36. Les livres imprimés par Joseph Dalles, 1765-1788. |
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Légende | Graphique 37. Production en pages de livres par les principaux imprimeurs. |
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Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.