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Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution

 | 
Michel Taillefer

Portraits

La jeunesse toulousaine de Barère (1772-1788)

Texte intégral

  • 1 Mémoires de B. Barère, membre de la Constituante, de la Convention, du Comité de salut public, et d (...)
  • 2 Leo Gershoy, Bertrand Barère. A Reluctant Terrorist, Princeton, Princeton University Press, 1962, p (...)

1D’octobre 1772 à mars 1788, soit de 17 à près de 33 ans, Bertrand Barère a vécu à Toulouse, d’abord comme étudiant en droit, puis comme avocat au parlement. Cette période de sa vie, au cours de laquelle il acquit l’essentiel de sa formation intellectuelle, et qui est la seule pendant laquelle il exerça une activité professionnelle, est déjà relativement bien connue. Barère lui-même lui a consacré vingt-cinq pages dans le premier volume de ses Mémoires1, et ses plus récents et plus sûrs biographes, Leo Gershoy et Jean-Pierre Thomas, n’ont pas manqué de l’évoquer assez longuement2. Mais les souvenirs de Barère, rédigés plusieurs dizaines d’années plus tard, présentent des lacunes, des imprécisions, voire des inexactitudes, dues aux aléas de la mémoire ou au désir plus ou moins conscient de se donner en toute circonstance le beau rôle, par exemple lorsqu’il insiste sur une précocité intellectuelle largement imaginaire. Quant aux travaux de ses biographes, en dépit du sérieux de leur documentation, ils appellent quelques compléments ou corrections. L’objet de cette communication est donc de faire le point des connaissances actuelles sur la jeunesse toulousaine de Barère, d’apporter un certain nombre de précisions nouvelles, de rectifier quelques erreurs et de proposer quelques pistes de recherche encore insuffisamment explorées.

L’étudiant

  • 3 Leo Gershoy, op. cit., p. 8-9 ; J.-P. Thomas, op. cit., p. 25.
  • 4 Que nous remercions d’avoir bien voulu nous en communiquer les résultats.
  • 5 Maïté Bouyssy, « Vincenzo Cuoco et Bertrand Barère. Regards croisés pour révolutions perdues », dan (...)
  • 6 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 204-205.

2L’entrée du jeune Barère à l’université a été préparée par une solide éducation secondaire. Selon une tradition familiale, acceptée par Leo Gershoy mais mise en doute par Jean-Pierre Thomas3, il l’aurait reçue au collège des bénédictins de Sorèze ; mais les recherches de Patrick Ferté4 permettent d’affirmer qu’il n’a jamais fréquenté ce prestigieux établissement. C’est donc très certainement au collège des doctrinaires de Tarbes, comme le pense Maïté Bouyssy5, qu’il fit les brillantes études, couronnées à l’issue de son année de rhétorique par la soutenance d’une thèse d’éloquence et d’histoire en latin, qui incitèrent son père à l’envoyer « à la fameuse université de droit de Toulouse »6.

  • 7 Ibid., p. 205.
  • 8 Leo Gershoy, op. cit., p. 10 ; J.-P. Thomas, op. cit., p. 25
  • 9 Rappelons qu’il est né le 10 septembre 1755.
  • 10 Patrick Ferté, Répertoire géographique des étudiants du Midi de la France (1561-1793). Pour une pro (...)

3À quelle date ? Il affirme dans ses Mémoires que c’était « à l’âge de quinze ans », et qu’il eut « besoin d’une dispense d’âge pour y entrer, les lois exigeant seize ans accomplis7 ». Leo Gershoy et Jean-Pierre Thomas proposent donc 1770 ou 17718. Mais les archives de la faculté de droit, consultées par Patrick Ferté, démentent formellement cette prétendue précocité : Barère s’est inscrit pour la première fois au trimestre d’octobre 1772, par conséquent à dix-sept ans révolus9 et sans bénéficier d’aucune dispense, puis réinscrit régulièrement tous les trimestres ; il a obtenu le baccalauréat in utroque jure (en droit civil et canonique) le 13 juillet 1774, et la licence le 8 juillet 177510. Il a donc effectué, à l’âge normal, un cursus normal, qui lui a non moins normalement ouvert les portes du barreau toulousain.

L’avocat

  • 11 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 209. Titulaire de la charge de conseiller doyen au sénéchal (...)

4Barère y insiste fortement dans ses Mémoires : le choix de « la noble profession d’avocat » fut pour lui le résultat d’une véritable vocation, qui le conduisit à rejeter la carrière de magistrat à laquelle le destinait son père. Ayant « une aversion naturelle pour les fonctions de juge, que tant d’hommes ont de l’orgueil et de l’intérêt à exercer », et préférant « les travaux longs et pénibles de l’avocat, parce que ses fonctions sont libres, nobles, courageuses, et qu’elles peuvent servir à attaquer le despotisme et l’injustice », il refusa en effet d’« aller exercer, dans la sénéchaussée de Bigorre, une charge de magistrature que mon père avait achetée pour moi »11.

  • 12 Sur ces avocats toulousains – Jérôme Taverne, Alexandre-Gaspard Gary, Jean-Florent Monier (ou Monye (...)

5La vocation de Barère pour le métier d’avocat est née très tôt, sur les bancs de la faculté, de l’émulation que lui inspirèrent les maîtres du barreau local. « Étudiant la législation romaine, les décrétales et le droit français sous les professeurs les plus célèbres », il assistait « en même temps, aux audiences des Parlements [ sic], où j’entendais avec délices les Taverne, les Gary, les Monier, les Duroux12 et autres avocats justement célèbres ». Ses lectures, parmi lesquelles figuraient en bonne place les œuvres des orateurs de l’Antiquité – Cicéron, Démosthène – et des juristes de son siècle – d’Aguesseau, Cochin –, ainsi que les plaidoyers et mémoires des meilleurs avocats de son temps – Loiseau de Mauléon, Élie de Beaumont, Gerbier, Target –, contribuèrent également à l’orienter vers « l’adoption de ces fonctions courageuses qui consistent à défendre le faible contre le fort, l’homme obscur contre le puissant, l’opprimé contre l’oppresseur ». Cette conception militante de l’engagement de l’avocat, envisagé comme un combat contre les injustices et les inégalités, s’explique aussi par le climat politique qui régnait alors à Toulouse, où la plupart des gens de robe, magistrats et avocats confondus, s’opposaient violemment à la réforme judiciaire du chancelier Maupeou et se réjouirent bruyamment de son retrait :

  • 13 Réformé en août 1771, le parlement de Toulouse fut rétabli dans sa forme traditionnelle en février (...)
  • 14 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 205-209.

J’arrivai dans cette ville des Tectosages à l’époque où un despotique ministre [...] venait de détruire les derniers vestiges de la liberté publique, le droit de remontrances et le droit d’enregistrer les lois d’impôts, droits que le hasard bien plus que le mandat de la nation avait donnés aux Parlements. [...]. C’est au milieu de ce concert de haines contre le despotisme des ministres et d’admiration pour le courage des magistrats, défenseurs des droits du peuple, que se passèrent mes trois premières années à Toulouse. [...] Les fêtes du rétablissement du Parlement furent très brillantes et très longues13 dans cette ville toulousaine, dont les habitants, d’un esprit si gai et si ardent, étaient extrêmement attachés à leur antique institution parlementaire. C’est au milieu de ces fêtes et de l’enivrement de joie qu’elles causaient que je prêtai le serment d’avocat, le 8 juillet 1775. Tous les jeunes avocats de cette époque reçurent, comme par une tradition sacrée, la haine du despotisme et le sentiment de la nécessité où l’on était de trouver les moyens d’arrêter les actes arbitraires et les excès des ministres14.

6S’il est exact que Barère a prêté serment le jour même où il obtint sa licence, cette précipitation confirme son impatience d’entrer dans une carrière où, à l’en croire, il ne tarda pas à se distinguer.

Pour éviter d’être rappelé à Tarbes en qualité de conseiller à la sénéchaussée, j’accélérai mes études, et je me hâtai d’instruire quelques petits procès. Après ces premiers essais, il s’offrit à moi une occasion précieuse de défendre en appel une jeune fille nommée Ribes, accusée d’infanticide, et déjà condamnée, par le sénéchal de Limoux en Languedoc, à la peine de mort.

7Le jeune avocat fit imprimer un mémoire auquel il joignit une « consultation médico-légale », rédigée par un professeur de chirurgie, prouvant que l’enfant était mort-né :

  • 15 Ibid., p. 209-212.

Le mémoire et la consultation parurent dans le public, et eurent un tel succès d’opinion auprès du barreau, que le Parlement, quelques jours après [...], relaxa de l’accusation cette malheureuse fille et la rendit à la liberté. [...] Je la vis, au sortir de la prison, accourant pour me remercier. [...] Jamais je n’eus de ma vie un plaisir aussi vif et aussi pur. C’en est fait : me voici avocat pour la vie15.

  • 16 Ibid., p. 214-219.

8L’étape suivante fut le passage du statut d’avocat écrivant et consultant à celui, plus prestigieux, d’avocat plaidant : « Occupé pendant toute l’année parlementaire à faire des mémoires et à rédiger des consultations, je me préparais à l’art plus difficile de la plaidoirie. » Dissuadé par le premier président de la cour de plaider, pour l’audience de son début, une affaire de mariage cassé pour différence de religion, Barère attendit une cause « capable d’inspirer au public un intérêt piquant, ou de présenter de grands intérêts à la discussion judiciaire ». Il la trouva dans le procès qui opposait la fille d’un négociant de Beaucaire, séduite, enlevée et épousée sans le consentement de ses parents par un gentilhomme, le chevalier de Malte Desroys, à ce dernier, qui souhaitait faire annuler son mariage pour pouvoir recevoir la succession d’un oncle opposé à cette mésalliance, et qui était soutenu par « tous les fils de capitouls, magistrats et anciens nobles entichés de leurs armoiries ». Si bien que « c’était devenu la cause de la noblesse contre la roture, de l’aristocratie contre le Tiers-État, et des préjugés de l’orgueil contre les professions utiles ». Barère plaida pour la « jeune, aimable et malheureuse » épouse devant la grand-chambre et la tournelle réunies, en présence de l’archevêque Brienne qui avait voulu « assister à la plaidoirie de cette cause qui, avant d’être portée à l’audience du Parlement, avait occupé toutes les sociétés, et fait le sujet de toutes les conversations ». Parallèlement, il publia « un mémoire qui contenait toute la correspondance des deux amants », dont l’édition « fut bientôt épuisée par la curiosité publique, surtout celle des femmes, que cette affaire intéressait beaucoup ». Le mariage litigieux fut certes cassé, mais le mari indélicat condamné à de lourds dommages-intérêts et poursuivi pour rapt. « Ce succès fut pour moi un grand encouragement »16.

  • 17 Ibid., p. 219 et 225.

9Barère cite encore deux autres causes, plaidées avec le « succès le plus complet » : dans une affaire d’« appel comme d’abus interjeté contre une bulle du pape qui avait réuni une riche abbaye de Bénédictins du Vivarais à la mense épiscopale du Puy-en-Velay », il défendit les droits des moines contre les prétentions de l’évêque ; et il fit restituer au petit-fils d’un camisard, persécuté et ruiné au temps de Louis XIV, les biens de famille qui avaient été confisqués au profit de parents catholiques17.

De nouvelles occasions de défendre des opprimés et des innocents accusés se présentèrent à moi ; elles m’inspirèrent l’idée d’un établissement qui manque essentiellement auprès des grands tribunaux ou cours supérieures, qui disposent de la vie, de la propriété et de l’honneur des citoyens. Cet établissement consistait (dans ma pensée) à défendre, auprès des diverses chambres du Parlement, la cause trop souvent abandonnée ou dédaignée du pauvre, de l’opprimé, de l’innocent, de la veuve et de l’orphelin. Je rédigeai les plans et les statuts d’une conférence de charité, qui devait être composée de vingt-cinq avocats anciens, les plus célèbres dans la consultation parmi les écrivains et parmi les avocats plaidants, et de trente avocats jeunes, suivant le barreau depuis six ans. Cette réunion d’avocats, de tout âge et de tous les genres judiciaires, devait s’assembler une fois par mois, pour distribuer les causes, mémoires et consultations aux cinquante-cinq membres qui la composaient, et pour entendre les résultats obtenus dans la défense publique des pauvres et des malheureux.

  • 18 Un autre avocat, Jean-Joseph-Nicolas Gez, semble y avoir été activement impliqué (Lenard R. Berlans (...)
  • 19 Barère cite dix-sept d’entre eux : Pierre Albaret, Théodore Sudre, Jean-Pierre Ricard, Pierre Delor (...)
  • 20 Ses activités sont attestées de 1783 à 1788.
  • 21 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 223-226.

10Barère n’est sans doute pas l’unique initiateur de ce projet18 ; mais, les « plus célèbres avocats » de la ville ayant accepté d’en faire partie et de contribuer financièrement à son action19, la « Conférence de charité de Messieurs les avocats au Parlement de Toulouse » fonctionna effectivement pendant plusieurs années20 et « produisit beaucoup de bien », en assurant gratuitement la défense des justiciables indigents (parmi lesquels le descendant de camisards évoqué plus haut)21.

  • 22 Ibid., p. 212 et 219.
  • 23 Trois volumes reliés de Mémoires de B. Barère annotés de sa main, à la bibliothèque municipale de T (...)
  • 24 Leo Gershoy, op. cit., p. 18-21.

11Barère se présente donc dans ses Mémoires comme un avocat militant, un de ces « chevaliers ès lois, qui combattent aussi à leur manière », plaidant « toujours pour les opprimés contre les puissants »22. S’il n’y a pas lieu de mettre en doute la sincérité de son engagement social, ni la véracité de ses affirmations sur les succès remportés dans quelques procès exceptionnels, il faut convenir que la vision qu’il donne de son activité d’avocat n’offre pas un reflet fidèle de sa pratique quotidienne. Pour reconstituer celle-ci, il faudrait recenser et dépouiller systématiquement les plaidoyers et factums qu’il a rédigés, dont beaucoup ont été conservés23. Ce travail, que jusqu’ici seul Leo Gershoy a esquissé24, permettrait de préciser le déroulement de sa carrière, la nature des affaires qui lui étaient confiées, la composition de sa clientèle, le style et les méthodes d’argumentation qu’il utilisait dans ses mémoires écrits et ses plaidoiries, bref de déterminer dans quelles conditions et selon quelles modalités il a exercé sa profession. Sans attendre les résultats d’une recherche qui reste à mener, quelques remarques peuvent être proposées.

  • 25 Ibid., p. 17.
  • 26 Ibid., p. 18 ; archives départementales de la Haute-Garonne, 8° 1282, 22.
  • 27 Calendrier de la cour de Parlement..., Toulouse, Pijon, 1781 ; Almanach historique de la ville de T (...)
  • 28 Éloge de Jean-Baptiste Furgole, avocat au Parlement de Toulouse. Discours prononcé à la clôture de (...)
  • 29 Lenard R. Berlanstein, op. cit., p. 71.
  • 30 Ibid., p. 15.

12Il est certain qu’il a commencé à pratiquer dès 1775, et non en 1777 comme le pensait Leo Gershoy25 ; mais il semble que pendant plusieurs années il ne s’occupa que de procès civils peu susceptibles d’attirer l’attention sur lui. Dans son plus ancien mémoire connu, il défend un charpentier accusé d’être le père de l’enfant d’une prostituée26. Par la suite, il continua à se charger d’une majorité de causes banales et sans éclat, affaires de vol, de filiation, d’héritage, de droits seigneuriaux ou communaux, de statuts corporatifs. Mais sa carrière prit son essor en 1781, quand il aborda les procès criminels, comme celui de la jeune femme accusée d’infanticide : c’est à partir de cette date seulement qu’il figure sur les listes des « noms et demeures de Messieurs les avocats au Parlement » publiées chaque année par les calendriers et les almanachs toulousains27. Deux ans plus tard, il prononça, devant la Conférence de charité, un Éloge de Jean-Baptiste Furgole dont elle ordonna l’impression28. Une dernière étape vers la notoriété fut franchie en 1786, lorsqu’il commença à plaider oralement devant la grand-chambre ou la tournelle du parlement et sut transformer certaines affaires, comme celle du chevalier Desroys, en « causes célèbres » excitant la curiosité de l’opinion. À la veille de quitter Toulouse, alors qu’il exerce depuis une douzaine d’années et qu’il a depuis peu dépassé la trentaine, Barère n’est certes pas encore un ténor du barreau, ni un de ses membres les plus prospères29, mais il fait incontestablement partie du groupe des jeunes avocats prometteurs30 et ses talents sont publiquement reconnus. Lors de sa réception à l’académie des jeux Floraux, le 11 mars 1788, le conseiller de Montégut, modérateur de la compagnie, n’hésite pas à lui déclarer :

  • 31 Cité par Koichi Yamazaki, « Un discours de Barère prononcé avant la Révolution », Annales historiqu (...)

À cet âge où la plupart des hommes ne montrent que du zèle et n’offrent que des espérances, vous avez fait éclater dans la carrière des lettres et dans celle du barreau ces connaissances profondes, cette éloquence mâle et persuasive, le style noble et brillant qui caractérisent les grands orateurs31.

  • 32 J.-B.-Auguste d’Aldéguier, Histoire de la ville de Toulouse, depuis la conquête des Romains jusqu’à (...)
  • 33 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 218.

13« Avocat distingué du barreau de Toulouse, homme de lettres spirituel et aimable, de mœurs fort douces », Barère « vivait alors dans une assez grande intimité avec plusieurs membres de Parlement32 » ; séduit par sa plaidoirie dans l’affaire Desroys, l’archevêque Brienne lui accorda sa protection33. Mais s’il était bien accueilli par la meilleure société de la ville, il semble qu’il ne faisait pas l’unanimité dans son propre milieu professionnel. Il y comptait un véritable ami, dont il se souvenait encore avec émotion à la fin de sa vie :

  • 34 Ibid., p. 226-227.

J’avais un ami précieux, plein de vertus et d’instruction, qui me conduisait dans la carrière que j’avais prise, comme lui, par choix et par enthousiasme ; il se nommait Taverne, fils d’un avocat célèbre et célèbre lui-même ; il ne s’occupait que de littérature et de législation. C’est lui qui me dirigea dans l’étude plus élevée du droit public. Nous faisions tous les soirs des extraits de Tacite et de Montesquieu, de Beccaria et de Machiavel, de Gravina et de Bacon34.

  • 35 Jean Bourdette, Notice sur les seigneurs de Biéouzac (ancien village du Labéda, aujourd’hui simple (...)

14L’étroitesse de ses liens avec Étienne-Dominique Taverne est confirmée par le fait que ce dernier fut le seul de ses collègues toulousains à assister à son mariage, célébré à Vic-en-Bigorre le 14 mai 178535. Par contre, il entretenait de mauvaises relations avec Jean-Baptiste Mailhe, pourtant d’origine bigourdane comme lui ; c’est ce qui ressort de la lettre de réconciliation qu’il lui adressa le 24 janvier 1791, pour le remercier de lui avoir envoyé un « ouvrage civique », alors qu’il était député à l’Assemblée constituante et que Mailhe occupait les fonctions de procureur général syndic de la Haute-Garonne :

  • 36 Jean Adher, « Lettres de Barère et de Mailhe », La Révolution française, juillet-décembre 1904, p.  (...)

C’était à la liberté à réconcilier deux hommes nés dans le même pays et que les lettres avaient éloignés au lieu de les rapprocher. Telle était la destinée malheureuse de ceux qui couraient cette stérile carrière de n’y recueillir que des haines et des rivalités. Ces temps ne sont plus, et votre amitié m’est rendue36.

15Leur brouille paraît donc avoir été provoquée par une rivalité littéraire, sans doute exacerbée par la compétition académique.

L’académicien

  • 37 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 212 et 223. Barère cite également un autre genre de « délass (...)
  • 38 Toulouse possédait à la fin de l’Ancien Régime trois académies royales – l’académie des jeux Florau (...)
  • 39 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 213.

16« Heureux temps de la jeunesse, je le passai entre l’étude de la législation et la culture des lettres ! » : comme beaucoup d’avocats de l’époque des Lumières, Barère menait de front ses activités juridiques et divers travaux de l’esprit, même si, précise-t-il, « le barreau était cependant mon but unique ; les lettres et les sciences n’étaient qu’un délassement »37. Dans une ville où les institutions de sociabilité culturelle connaissaient un développement exceptionnel38 et encadraient fortement la vie intellectuelle, il se lança avec une ardeur et une persévérance peu communes dans ce qu’il appelle lui-même « la carrière académique39 », en participant assidûment aux concours qu’organisaient les académies de la région et en briguant des places en leur sein.

17Ce tableau des participations de Barère aux concours académiques, qui complète et corrige les indications souvent imprécises, erronées ou contradictoires données par l’intéressé et par ses biographes, appelle plusieurs commentaires.

  • 40 Barère concourut une troisième fois à l’académie de Bordeaux en 1789, après avoir quitté Toulouse ( (...)

18Barère s’est montré un compétiteur particulièrement acharné, puisque de 1781 à 1788 il a concouru chaque année, deux fois en 1786 et trois fois en 1787. En huit ans, il a donc tenté sa chance à onze reprises, auprès de trois compagnies différentes : l’académie des jeux Floraux de Toulouse (cinq fois), l’académie des belles-lettres de Montauban (quatre fois) et l’académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux (deux fois)40. Cependant, il n’a traité que sept sujets différents, les éloges de Louis XII, de Rousseau, de Lefranc de Pompignan et de Montesquieu ayant été remis au concours faute de réponses satisfaisantes.

  • 41 A. d’Aldéguier, op. cit., p. 390.
  • 42 Michel Taillefer, « Les avocats dans les sociétés savantes et les loges maçonniques de l’époque des (...)
  • 43 K. Yamazaki, « Un discours de Barère... », art. cité, p. 505-506.

19Tous ces sujets, sans exception, sont des sujets d’« éloquence », c’est-à-dire de prose. Contrairement à ce qu’affirme Auguste d’Aldéguier, selon qui « il s’était fait un nom parmi les littérateurs toulousains, par quelques jolis vers qu’il avait su composer à propos41 », et à la différence de la plupart de ses collègues qui taquinaient volontiers les muses42, il ne semble pas s’être adonné à la poésie. Dans son discours de réception à l’académie des jeux Floraux, il soutient d’ailleurs l’idée que la poésie, incompatible avec la « philosophie » de son temps, devait céder la place à l’éloquence : « Oui, Messieurs, il semble que les siècles philosophiques ne conviennent point au génie poétique, et que les Muses ne sauraient avoir des grâces en devenant raisonnables. [...] Mais autant les siècles philosophiques nuisent à la poésie, autant sont-ils favorables à l’éloquence43. »

  • 44 K. Yamazaki, « Les éloges de Montesquieu... », art. cité.
  • 45 « Éloge de Louis XII, roi de France, surnommé le Père du peuple », Recueil des ouvrages de poésie e (...)
  • 46 « Éloge de Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, par M. Barrère de Vieuzac, avocat », Recueil d (...)
  • 47 Émerand Forestié, La Société littéraire et l’ancienne Académie de Montauban. Histoire de ces sociét (...)
  • 48 Éloge de Louis XII, roi de France, surnommé le Père du peuple. Discours présenté à l’Académie des J (...)
  • 49 M. Bouyssy, op. cit., p. 72.

20Le plus frappant néanmoins est que les efforts soutenus déployés par Barère pour conquérir des couronnes académiques n’ont guère été récompensés. L’académie de Bordeaux n’a pas reconnu les mérites de ses éloges successifs de Montesquieu, dont il était pourtant un fin connaisseur et un fervent admirateur44. Aux jeux Floraux, il n’a obtenu que l’insertion au Recueil de son Éloge de Louis XII (de façon anonyme)45 et de son Éloge de Jean-Jacques Rousseau46. Seule l’académie de Montauban s’est montrée plus généreuse, en donnant le prix à son Éloge du chancelier Séguier et un second prix, « offert par un particulier », à son Éloge de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan47. Même si plusieurs des ouvrages qu’il présenta aux concours académiques, primés ou non, ont été diffusés par la voie de l’impression48, on ne doit donc pas surestimer la « notoriété initiale49 » qu’ils lui auraient procurée à l’aube de sa carrière politique.

  • 50 De 1777 à 1784, Mailhe participa à huit concours de l’académie des jeux Floraux et fut couronné qua (...)
  • 51 Musée de Toulouse, à Toulouse, de l’imprimerie de J.-J. Robert, 1784, p. 4.
  • 52 Registre des délibérations de l’académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, (...)
  • 53 É. Forestié, op. cit., p. 296. Barère avait alors 32 ans, et non « vingt-cinq » comme il le prétend (...)
  • 54 Axel Duboul, Les deux siècles de l’académie des jeux Floraux, Toulouse, Privat, 1901, t. 1, p. 55.
  • 55 Il n’est pas intervenu lors des assemblées publiques dont on connaît le programme ou le compte rend (...)
  • 56 K. Yamazaki, « Un discours de Barère... », art. cité. À l’issue de la cérémonie, le premier préside (...)
  • 57 Ibid.., p. 226.

21La modestie de son palmarès, sensiblement moins flatteur que celui de Mailhe par exemple50, n’empêcha pas Barère de se faire recevoir dans quatre sociétés savantes : le musée de Toulouse, où il figure, dès sa création en 1784, parmi les membres de la classe des lettres51 ; l’académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, où il fut nommé associé ordinaire de la classe des inscriptions le 24 mai 178752 ; l’académie des belles-lettres de Montauban, qui en fit un de ses correspondants après la distribution des prix du 25 août 178753 ; et l’académie des jeux Floraux, où il fut élu mainteneur le 22 février 178854. On ignore s’il a réellement contribué aux activités du musée, sur lesquelles la documentation est très lacunaire55, mais il est certain qu’il n’a jamais paru à l’académie de Montauban, et qu’il n’assista qu’à une seule séance de l’académie des jeux Floraux, celle de sa réception, le 11 mars 1788, au cours de laquelle il prononça un discours remarqué56. Lorsqu’il écrit, dans ses Mémoires, « Je partageais mon temps entre l’Académie et le barreau57 », il fait donc allusion à sa participation aux travaux de l’académie des sciences, que confirme le registre des délibérations de celle-ci.

  • 58 Registre des délibérations..., XIV, p. 125.
  • 59 Barère n’a jamais publié son Discours sur cette question, si l’art de la navigation a été plus nuis (...)
  • 60 Registre des délibérations..., XIV, 2 août, 23 août, 30 août 1787 et 7 février 1788.
  • 61 Ibid., XIV, 2, p. 121 et 124.
  • 62 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 221-222. Barère précise que « depuis la Révolution, cet aute (...)

22Barère s’était fait connaître de ses futurs confrères en leur présentant, le 8 juin 1786, une communication « Sur les progrès de l’esprit humain par la navigation »58 où il reprenait vraisemblablement les idées qu’il avait développées trois ans plus tôt à l’intention de l’académie des jeux Floraux59. Après son élection, il se montra relativement assidu, fut chargé de plusieurs rapports et fit partie de la commission qui invita les capitouls à l’assemblée publique du 25 août 178760. En septembre 1790, la compagnie le chargea de transmettre à l’Assemblée nationale l’adresse qu’elle avait rédigée « pour répondre à son invitation aux académies de présenter leurs idées sur les moyens de leur donner une nouvelle constitution qui s’adapterait à la nouvelle constitution politique », ainsi qu’un exemplaire de ses Mémoires61. Par contre, ses archives ne gardent aucune trace de la « petite dissertation » que Barère affirme avoir lue devant elle sur une trouvaille archéologique dont il tirait une grande fierté : cet autel votif romain, découvert au château de Baudéan, portait en effet une inscription – MONTIBUS / DICAVIT / CÆSAR – prouvant, selon lui, que César avait « visité les montagnes du pays de Bigorre » ; il l’aurait fait transporter à Toulouse et offert à l’académie, qui l’aurait placé dans son cabinet d’antiques62.

  • 63 À propos des jeux Floraux, Barère écrit : « Dans ses rapports avec moi, cette Académie a suivi les (...)
  • 64 Giuseppe Compagnoni, Les veillées du Tasse, avec le texte italien en regard, précédées de mémoires (...)
  • 65 M. Bouyssy, op. cit., p. 72.
  • 66 Éloges académiques, par M. Bertrand Barère..., Paris, A.-A. Renouard, 1806, 329 p. L’ouvrage regrou (...)

23Barère n’a donc été académicien que quelques mois, le temps de participer à quelques séances de l’académie des sciences et à une assemblée publique de l’académie des jeux Floraux. Son départ de Toulouse et la Révolution mirent définitivement fin à son expérience académique, puisque les deux compagnies toulousaines, lorsqu’elles se reconstituèrent sous l’Empire, se gardèrent de le réinscrire parmi leurs membres63, et qu’il n’appartint à aucune autre académie. Pourtant, sur toutes ses publications post-révolutionnaires, de sa traduction des Veillées du Tasse de Giuseppe Compagnoni en 1804 à celle du Voyage pittoresque et descriptif dans les Hautes-Pyrénées de Joseph Hardy en 183964, il ne manque pas de s’intituler « membre de plusieurs académies » ; en 1806, alors qu’il cherchait à « se réintégrer dans le monde de l’élite des lettres65 », il réunit en volume, sous le titre d’Éloges académiques, l’essentiel de sa production toulousaine66. Certes, il feint de s’en excuser auprès des lecteurs parisiens de ses Mémoires :

  • 67 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 223.

Que les modestes habitants de Paris, qui n’estiment que les savants qui habitent leur ville et leur banlieue, et qui croient qu’il n’y a d’autre Académie dans le monde que celles qui sont sur les bords de la Seine, me pardonnent d’avoir été membre de plusieurs académies savantes dans les premières années de ma jeunesse. Ils seront indulgents pour cette partie de mes mémoires, en pensant que ce ne sont là que des Académies de province et de petits succès d’écoliers67.

24Mais on sent bien qu’il garda toute sa vie la nostalgie de cette forme particulière de sociabilité, mondaine et intellectuelle à la fois, qu’il avait brièvement goûtée à Toulouse.

Le franc-maçon

  • 68 Michel Taillefer, « Barère de Vieuzac, Bertrand », dans Éric Saunier (dir.), Encyclopédie de la fra (...)
  • 69 Michel Taillefer, « La franc-maçonnerie à Tarbes et en Bigorre au XVIIIe siècle », Lavedan et Pays (...)
  • 70 Livre d’architecture de la loge Encyclopédique, p. 68 (archives privées).
  • 71 Michel Taillefer, « Un exemple de “tentation académique” dans la franc-maçonnerie des Lumières : la (...)
  • 72 Livre d’architecture..., p. 74.
  • 73 Ibid., p. 197.
  • 74 Ibid., p. 78.

25Si la carrière académique de Barère n’a pas été aussi brillante qu’il s’est plu à le laisser croire, sa carrière maçonnique, dont il ne dit mot dans ses Mémoires, fut plus modeste encore68. Elle a vraisemblablement débuté à Tarbes, où « Bertrand Barère de Vieuzac, conseiller au Sénéchal » figure sur la liste des membres de la loge de la Paix en 1781 ; mais, à la différence de certains de ses parents, comme son cousin Jacques Barère, il ne put participer régulièrement à ses tenues, puisqu’il ne résidait pas sur place, et passa dès 1785 dans la catégorie des « associés libres »69. Plus remarquable est le fait que pendant la plus grande partie de son séjour à Toulouse il ne se soit pas soucié de s’affilier à une des nombreuses loges de la ville, dont il n’ignorait pas l’existence (le 31 juillet 1782, il visita la loge des Vrais Amis réunis pour lui présenter le tableau de la Paix de Tarbes), et que fréquentaient beaucoup de ses collègues avocats, comme son ami Taverne ou son rival Mailhe. Il attendit le 23 janvier 1788 pour s’affilier à la loge Encyclopédique70, choix qui confirme qu’il n’éprouvait guère d’attrait pour la franc-maçonnerie traditionnelle. Il s’agissait en effet d’un atelier atypique, fondé en 1787 pour joindre « aux travaux de l’art maçonnique ceux des différents arts et sciences »71, et il n’est pas douteux que ce sont les orientations intellectuelles de la « Société encyclopédique », davantage que les occupations rituelles de la loge proprement dite, qui l’ont incité à la rejoindre : le 23 février, il fut nommé président de son comité des sciences72, et en mars 1790, devenu député à l’Assemblée nationale, il adressa à ses anciens confrères, « en réponse à certaines demandes analogues pour un nouveau lustre de la Société encyclopédique », une lettre « aussi flatteuse que capable de faire redoubler de zèle les membres qui composent cette Société » les encourageant à poursuivre leurs activités73. En tout état de cause, le registre de l’Encyclopédique montre qu’il n’y fut ni assidu ni actif ; désigné en mars 1788 pour prononcer le 1er mai suivant l’éloge funèbre de l’astronome François Garipuy74, il ne put le faire, ayant déjà quitté Toulouse. Même si Barère, avant d’entrer dans l’arène politique, était indiscutablement franc-maçon, son engagement dans la fraternité fut donc des plus réduits, et ne saurait être retenu comme argument en faveur de la thèse selon laquelle la Révolution française résulterait d’un complot maçonnique !

  • 75 Les extraits du manuscrit ayant pour titre « Le dernier jour de Paris sous l’Ancien Régime » publié (...)
  • 76 Ibid., p. 229.

26Envoyé par son père à Paris pour s’occuper d’un procès au Conseil d’État, Barère partit « quelques jours après [sa] réception publique » à l’académie des jeux Floraux, donc au cours du mois de mars 178875. Sans le savoir encore, il quittait définitivement une ville où il avait vécu pendant près de seize ans, et disait adieu à une jeunesse « remplie de succès judiciaires et littéraires, et de prospérités de tout genre76 ». Quelle appréciation porter sur ces années toulousaines ?

  • 77 F.-A. Aulard, « Barère (Bertrand) », dans La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des sciences, (...)
  • 78 Leo Gershoy, « Bertrand Barère de Vieuzac, un médiateur de la Révolution », Annales historiques de (...)

27Il est tentant de rechercher, dans cette période de formation, ce qui semble annoncer par avance les choix et les actes du futur révolutionnaire. Considérant Barère comme un rhéteur toujours prêt à déployer son éloquence sur n’importe quel sujet, Alphonse Aulard écrit par exemple : « S’il y a une tendance un peu fixe dans cette humeur mobile, c’est la préoccupation pédante de faire en toutes choses œuvre de bel esprit : constituant, juge au tribunal de cassation, rapporteur du Comité de salut public, publiciste aux ordres de Napoléon, il resta académicien de Toulouse77. » Pour Leo Gershoy, qui insiste sur la place intermédiaire qu’il occupait dans la société toulousaine entre la bourgeoisie des talents et l’aristocratie parlementaire, « il faisait déjà ce qu’il allait continuer de faire toute sa vie : s’accommoder de deux mondes78 ». Mais on peut aussi s’intéresser au « Barère toulousain » pour lui-même, en faisant abstraction du destin qui l’attendait à partir de 1789.

  • 79 Nous avons volontairement laissé de côté, dans cette communication, l’examen des conceptions politi (...)

28De ce point de vue, Barère apparaît comme très représentatif de son milieu socio-culturel, c’est-à-dire de ces jeunes avocats trentenaires, imbus des idées nouvelles mais soucieux de réussir leur carrière, qui commençaient à se faire un nom au barreau et dans la bonne société de Toulouse. Sa solide culture classique, son culte de Montesquieu et de Rousseau, ses idées libérales79, son goût de la sociabilité intellectuelle, son engagement humanitaire en font, par excellence, un homme des Lumières provinciales, comme il y en avait tant alors dans la bourgeoisie des talents des différentes villes du royaume.

  • 80 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 227.
  • 81 Lenard R. Berlanstein, op. cit., p. 103-104 et 107-109.

29Une chose, pourtant, le distinguait de ses confrères. Consacrant, selon ses propres dires, « la moitié de chaque semaine à l’étude de la politique80 », il semble avoir été, de tous les avocats toulousains de sa génération, celui qui a poussé le plus loin la réflexion critique sur la société et les institutions de son temps, et plus particulièrement sur le droit civil et le fonctionnement de la justice criminelle81. C’est sans doute la raison pour laquelle il était mieux préparé qu’eux, qu’un Mailhe par exemple, à jouer un rôle de premier plan sur la scène révolutionnaire.

Notes

1 Mémoires de B. Barère, membre de la Constituante, de la Convention, du Comité de salut public, et de la Chambre des représentants, publiés par MM. Hippolyte Carnot, membre de la Chambre des députés, et David (d’Angers), membre de l’Institut, précédés d’une Notice historique, par H. Carnot, Paris, Jules Labitte, 1842-1844, t. 1, p. 205-229.

2 Leo Gershoy, Bertrand Barère. A Reluctant Terrorist, Princeton, Princeton University Press, 1962, p. 10-43 ; Jean-Pierre Thomas, Bertrand Barère. La voix de la Révolution, Paris, Desjonquères, 1989, p. 25-45.

3 Leo Gershoy, op. cit., p. 8-9 ; J.-P. Thomas, op. cit., p. 25.

4 Que nous remercions d’avoir bien voulu nous en communiquer les résultats.

5 Maïté Bouyssy, « Vincenzo Cuoco et Bertrand Barère. Regards croisés pour révolutions perdues », dans Vincenzo Cuoco, Histoire de la révolution de Naples. Ristampa anastatica della traduzione di Bertrand Barère (1807), a cura di Anna Maria Rao e Maïté Bouyssy, Naples, Vivarium, 2001, p. 107.

6 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 204-205.

7 Ibid., p. 205.

8 Leo Gershoy, op. cit., p. 10 ; J.-P. Thomas, op. cit., p. 25

9 Rappelons qu’il est né le 10 septembre 1755.

10 Patrick Ferté, Répertoire géographique des étudiants du Midi de la France (1561-1793). Pour une prosopographie des élites, t. 4, Diocèses pyrénéens, Albi, Presses du centre universitaire de Champollion, 2008.

11 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 209. Titulaire de la charge de conseiller doyen au sénéchal de Bigorre, acquise par son père en 1776, il ne s’y fit installer qu’en 1785, et n’en remplit jamais les obligations.

12 Sur ces avocats toulousains – Jérôme Taverne, Alexandre-Gaspard Gary, Jean-Florent Monier (ou Monyer), Joseph-Marie Duroux –, voir Lenard R. Berlanstein, The Barristers of Toulouse in the Eighteenth Century (1740-1793), Baltimore et Londres, The Johns Hopkins University Press, 1975.

13 Réformé en août 1771, le parlement de Toulouse fut rétabli dans sa forme traditionnelle en février 1775, mais les fêtes données par presque tous les corps de la ville pour célébrer son « retour » durèrent jusqu’à l’automne.

14 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 205-209.

15 Ibid., p. 209-212.

16 Ibid., p. 214-219.

17 Ibid., p. 219 et 225.

18 Un autre avocat, Jean-Joseph-Nicolas Gez, semble y avoir été activement impliqué (Lenard R. Berlanstein, op. cit., p. 100).

19 Barère cite dix-sept d’entre eux : Pierre Albaret, Théodore Sudre, Jean-Pierre Ricard, Pierre Delort, Jean-Baptiste Lapomarède de Laviguerie, Pierre-Firmin Lacroix, Jean Mascart, Jean-Baptiste Viguier, Jérôme Taverne, Michel Malpel, Alexandre-Auguste Jamme, Alexandre-Gaspard Gary, Joseph-Marie Duroux, Philippe-Vincent Poitevin, Guillaume Veirieu, Jean-Joseph-Nicolas Gez, Blaise-Laurent Faure (Lenard R. Berlanstein, op. cit.).

20 Ses activités sont attestées de 1783 à 1788.

21 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 223-226.

22 Ibid., p. 212 et 219.

23 Trois volumes reliés de Mémoires de B. Barère annotés de sa main, à la bibliothèque municipale de Tarbes ; un certain nombre de factums aux archives départementales de la Haute-Garonne ; Le chevalier Desroys peint par ses lettres à la bibliothèque municipale de Bagnères-de-Bigorre. Plusieurs mémoires de Barère ont été par ailleurs publiés dans les Causes célèbres, curieuses et intéressantes de toutes les cours souveraines du royaume de Des Essarts.

24 Leo Gershoy, op. cit., p. 18-21.

25 Ibid., p. 17.

26 Ibid., p. 18 ; archives départementales de la Haute-Garonne, 8° 1282, 22.

27 Calendrier de la cour de Parlement..., Toulouse, Pijon, 1781 ; Almanach historique de la ville de Toulouse..., puis de la province de Languedoc..., Toulouse, Baour, 1781-1789. Domicilié en 1781 rue Nazareth, Barère s’installa en 1783 rue Vélane ; il habitait donc, comme la plupart des hommes de loi, dans le quartier noble de la ville, à proximité immédiate du palais du parlement.

28 Éloge de Jean-Baptiste Furgole, avocat au Parlement de Toulouse. Discours prononcé à la clôture de la Conférence de charité de Messieurs les avocats au Parlement de Toulouse, le samedi 6 septembre 1783. Par M. Barère de Vieuzac, avocat au Parlement, à Toulouse, de l’imprimerie de D. Desclassan, 1783, 40 p.

29 Lenard R. Berlanstein, op. cit., p. 71.

30 Ibid., p. 15.

31 Cité par Koichi Yamazaki, « Un discours de Barère prononcé avant la Révolution », Annales historiques de la Révolution française, no 262, octobre-décembre 1985, p. 508.

32 J.-B.-Auguste d’Aldéguier, Histoire de la ville de Toulouse, depuis la conquête des Romains jusqu’à nos jours, Toulouse, J.-B. Paya, 1833-1835, t. 4, p. 390.

33 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 218.

34 Ibid., p. 226-227.

35 Jean Bourdette, Notice sur les seigneurs de Biéouzac (ancien village du Labéda, aujourd’hui simple quartier d’Argelès), Toulouse, Argelès-en-Labéda, Privat, Faure, 1903, p. 171.

36 Jean Adher, « Lettres de Barère et de Mailhe », La Révolution française, juillet-décembre 1904, p. 79.

37 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 212 et 223. Barère cite également un autre genre de « délassement », qu’il découvrit à Toulouse et pratiqua toute sa vie : la musique.

38 Toulouse possédait à la fin de l’Ancien Régime trois académies royales – l’académie des jeux Floraux, l’académie des sciences, inscriptions et belles-lettres et l’académie de peinture, sculpture et architecture – et plusieurs sociétés de statut privé, comme le musée de Toulouse.

39 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 213.

40 Barère concourut une troisième fois à l’académie de Bordeaux en 1789, après avoir quitté Toulouse (K. Yamazaki, « Les éloges de Montesquieu par Barère », Dix-huitième Siècle, no 21, 1989, p. 97-99).

41 A. d’Aldéguier, op. cit., p. 390.

42 Michel Taillefer, « Les avocats dans les sociétés savantes et les loges maçonniques de l’époque des Lumières », dans Jean-Louis Gazzaniga (dir.), Histoire des avocats et du barreau de Toulouse du XVIIIe siècle à nos jours, Toulouse, Privat, 1992, p. 190-191 [voir supra p. 309-320]. Mailhe par exemple envoya à l’académie des jeux Floraux un poème, une idylle et quatre odes.

43 K. Yamazaki, « Un discours de Barère... », art. cité, p. 505-506.

44 K. Yamazaki, « Les éloges de Montesquieu... », art. cité.

45 « Éloge de Louis XII, roi de France, surnommé le Père du peuple », Recueil des ouvrages de poésie et d’éloquence, présentés à l’Académie des Jeux floraux, l’année 1782, à Toulouse, de l’imprimerie de J.-J. Robert, 1782, p. 71-104.

46 « Éloge de Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, par M. Barrère de Vieuzac, avocat », Recueil des ouvrages de poésie et d’éloquence, présentés à l’Académie des Jeux floraux, en 1784, 1785, 1786, 1787 et 1788, avec les discours prononcés dans les assemblées publiques de cette Académie, à Toulouse, chez D. Desclassan, 1788, p. 187-211.

47 Émerand Forestié, La Société littéraire et l’ancienne Académie de Montauban. Histoire de ces sociétés et biographie de tous les académiciens, Montauban, Forestié, 1888, p. 156-157, 161 et 296. C’est donc par erreur que Barère affirme avoir remporté trois prix à Montauban (Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 214 et 220).

48 Éloge de Louis XII, roi de France, surnommé le Père du peuple. Discours présenté à l’Académie des Jeux floraux en 1782, par M. Barère de Vieuzac, avocat au Parlement de Toulouse, s. l., s. n., 1782, 60 p. ; Éloge de Pierre Séguier, chancelier de France, duc de Villemor, comte de Gien, pair de France et garde des sceaux. Discours qui a remporté le prix de l’Académie des Belles-Lettres de Montauban en 1784, par Barère de Vieuzac, Toulouse, de l’imprimerie de D. Desclassan, 1784, 32 p. ; Éloge de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, ancien premier président de la Cour des Aides de Montauban, conseiller d’honneur au Parlement de Toulouse, de l’Académie française, etc. Discours couronné par l’Académie des Belles-Lettres de Montauban le 25 août 1787, par Barère de Vieuzac, avocat au Parlement, de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, à Toulouse, chez D. Desclassan, [1787], 38 p.

49 M. Bouyssy, op. cit., p. 72.

50 De 1777 à 1784, Mailhe participa à huit concours de l’académie des jeux Floraux et fut couronné quatre fois.

51 Musée de Toulouse, à Toulouse, de l’imprimerie de J.-J. Robert, 1784, p. 4.

52 Registre des délibérations de l’académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, XIV, p. 209 (archives de l’académie). Barère se vante d’y avoir été reçu « très jeune » (Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 223), et pour une fois il n’exagère pas sa précocité, puisque l’âge moyen des associés ordinaires au moment de leur recrutement s’élevait à 40 ans (M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières. L’académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse au XVIIIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 1984, p. 48).

53 É. Forestié, op. cit., p. 296. Barère avait alors 32 ans, et non « vingt-cinq » comme il le prétendra plus tard (Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 220).

54 Axel Duboul, Les deux siècles de l’académie des jeux Floraux, Toulouse, Privat, 1901, t. 1, p. 55.

55 Il n’est pas intervenu lors des assemblées publiques dont on connaît le programme ou le compte rendu.

56 K. Yamazaki, « Un discours de Barère... », art. cité. À l’issue de la cérémonie, le premier président du parlement Cambon aurait déclaré : « Ce jeune avocat ira loin. Quel dommage qu’il ait déjà sucé le lait impur de la philosophie moderne ! Croyez-le bien, cet avocat est un homme dangereux » (Hippolyte Carnot, « Notice historique sur Barère », Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 33).

57 Ibid.., p. 226.

58 Registre des délibérations..., XIV, p. 125.

59 Barère n’a jamais publié son Discours sur cette question, si l’art de la navigation a été plus nuisible qu’utile, dont une version manuscrite se trouve aux archives départementales des Hautes-Pyrénées.

60 Registre des délibérations..., XIV, 2 août, 23 août, 30 août 1787 et 7 février 1788.

61 Ibid., XIV, 2, p. 121 et 124.

62 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 221-222. Barère précise que « depuis la Révolution, cet autel votif a été emporté, avec plusieurs autres monuments antiques et objets de curiosité scientifique, dans le musée général établi au couvent des Petits Augustins » ; peut-être se trouve-t-il encore dans les réserves du musée des Augustins, ou du musée Saint-Raymond ?

63 À propos des jeux Floraux, Barère écrit : « Dans ses rapports avec moi, cette Académie a suivi les phases de la révolution : pendant que j’étais proscrit, en 1795, elle m’a rayé de son tableau ; quand j’ai été remis en liberté, en 1800, elle m’a rétabli dans le calendrier qui donne le nom des académiciens ; mais alors elle a mis pour restriction de ne pas imprimer mon nom, dans le recueil des Jeux floraux, à côté des nobles parlementaires qui y figurent » (Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 228). Cette version des faits est évidemment fantaisiste, l’académie ayant interrompu ses travaux en 1791 et ne les ayant repris qu’en 1806 ; mais il est exact que le fauteuil de Barère ne fut officiellement déclaré vacant qu’en 1816.

64 Giuseppe Compagnoni, Les veillées du Tasse, avec le texte italien en regard, précédées de mémoires historiques et de recherches littéraires sur sa vie, traduites par M. B. Barère, membre de plusieurs académies, Paris, imprimerie de Crapelet, an XIII-1804, XCIV-231 p. ; Voyage pittoresque et descriptif dans les Hautes-Pyrénées, contenant plusieurs détails sur les établissements thermaux de ce département, par J. Hardy, écuyer, traduit de l’anglais, avec vingt-quatre appendices ajoutés par B. Barère-de-Vieuzac, membre de plusieurs académies, Tarbes, imprimerie de F. Lavigne, 1839, 249 p.

65 M. Bouyssy, op. cit., p. 72.

66 Éloges académiques, par M. Bertrand Barère..., Paris, A.-A. Renouard, 1806, 329 p. L’ouvrage regroupe les éloges de Louis XII, du chancelier Séguier, du cardinal d’Amboise, de Lefranc de Pompignan, de Rousseau, de Montesquieu et de Furgole.

67 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 223.

68 Michel Taillefer, « Barère de Vieuzac, Bertrand », dans Éric Saunier (dir.), Encyclopédie de la franc-maçonnerie, Paris, Le Livre de poche, 2000, p. 64-65.

69 Michel Taillefer, « La franc-maçonnerie à Tarbes et en Bigorre au XVIIIe siècle », Lavedan et Pays toy, no 19, 1988, p. 63 [voir supra p. 213-231].

70 Livre d’architecture de la loge Encyclopédique, p. 68 (archives privées).

71 Michel Taillefer, « Un exemple de “tentation académique” dans la franc-maçonnerie des Lumières : la loge Encyclopédique de Toulouse (1787-1792) », Lendemains. Études comparées sur la France / Vergleichende Frankreichforschung, no 46, « Francs-maçons / Freimaurer », 1987, p. 73-78 [voir supra p. 105-111].

72 Livre d’architecture..., p. 74.

73 Ibid., p. 197.

74 Ibid., p. 78.

75 Les extraits du manuscrit ayant pour titre « Le dernier jour de Paris sous l’Ancien Régime » publiés dans le premier volume de ses Mémoires confirment qu’il se trouvait à Paris en avril (Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 341).

76 Ibid., p. 229.

77 F.-A. Aulard, « Barère (Bertrand) », dans La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Paris, Société anonyme de la Grande Encyclopédie, t. 5, 1888, p. 411.

78 Leo Gershoy, « Bertrand Barère de Vieuzac, un médiateur de la Révolution », Annales historiques de la Révolution française, no 163, janvier-mars 1961, p. 7.

79 Nous avons volontairement laissé de côté, dans cette communication, l’examen des conceptions politiques, sociales et économiques de Barère, telles qu’elles s’expriment dans ses mémoires judiciaires et ses travaux académiques ; on en trouvera une bonne analyse dans l’ouvrage de Leo Gershoy, Bertrand Barère..., op. cit., p. 22-32, 36-40 et 42-43.

80 Mémoires de B. Barère..., op. cit., p. 227.

81 Lenard R. Berlanstein, op. cit., p. 103-104 et 107-109.

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