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Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution

 | 
Michel Taillefer

Histoire de la presse régionale pendant la révolution française

Le journalisme de province pendant la Révolution française : l’exemple du Midi toulousain

Texte intégral

  • 1 Les historiens de la presse révolutionnaire commencent à s’intéresser davantage à la presse de pro (...)
  • 2 Les pratiques politiques en province à l’époque de la Révolution française. Actes du colloque tenu (...)

1En province comme à Paris, la Révolution a vu naître la presse moderne, d’information et d’opinion, et apparaître sur la scène publique un acteur nouveau, le journaliste. Mais si le journalisme parisien, intimement lié à la vie politique nationale dans la personne d’un Mirabeau, d’un Brissot, d’un Desmoulins, d’un Marat ou d’un Babeuf, occupe depuis longtemps la place qui lui revient dans l’historiographie révolutionnaire, le journalisme de province n’a jusqu’à une date récente guère retenu l’attention des chercheurs1. Il constitue pourtant un des éléments essentiels de la vie politique locale2, et ses conditions d’exercice, bien différentes de celles qui prévalaient dans la capitale, méritent une étude particulière.

  • 3 Ne sont pas comprises dans ce chiffre les rééditions de journaux parisiens, tels que Les Actes des (...)
  • 4 C’est-à-dire dans les départements de l’Aveyron, de la Haute-Garonne, du Gers, du Lot, des Hautes- (...)

2Dans le Midi toulousain, où n’existait à la veille de la Révolution qu’une modeste feuille périodique, les Affiches de Toulouse, trente-quatre journaux au moins furent publiés de 1789 à 17993. Qui étaient leurs auteurs ? D’où provenaient les informations qu’ils contenaient ? Comment étaient-ils composés, fabriqués et diffusés ? Quelles difficultés d’ordre économique ou politique devaient-ils affronter ? Telles sont les questions auxquelles nous voudrions apporter ici un début de réponse, à partir d’une enquête menée dans les limites de l’actuelle région Midi-Pyrénées4.

Les journalistes

  • 5 Nous entendons ici par « journalistes » les rédacteurs principaux des journaux, qu’ils en aient ét (...)

3De nombreux journaux de cette époque sont anonymes, l’obligation d’y faire figurer, outre le nom et l’adresse de l’imprimeur, le nom de leur auteur n’ayant été imposée qu’en avril 1796 et imparfaitement respectée. Quand ce nom est mentionné, il ne renvoie pas toujours à un personnage identifié avec précision. Nous n’avons trouvé aucun renseignement sur François Rémond, qui publiait à Toulouse, pendant l’été de 1793, les Annales politiques et militaires de l’Espagne, ni sur Bertrand Larue, le dernier rédacteur de L’Anti-Terroriste de Toulouse en 1797. De Pierre-Joseph-Spiridion Dufey, auteur de L’Observateur républicain de Toulouse à partir de janvier 1799, on sait seulement qu’il était originaire d’Auxerre et l’un des animateurs du Cercle constitutionnel, ultime avatar du club des Jacobins. Quant au mystérieux « Camille », rédacteur du Journal révolutionnaire de Toulouse entre mars et septembre 1794, il demeure obstinément caché derrière ce pseudonyme, choisi sans doute en hommage à Camille Desmoulins. Mais on connaît l’identité et le statut socio-professionnel de vingt-cinq autres journalistes5, ce qui permet d’esquisser une sociologie du journalisme régional de la période révolutionnaire.

  • 6 Archives départementales du Gers, L 457.

4Plus de la moitié d’entre eux (treize, soit 52 %) étaient des imprimeurs-libraires, qui rédigeaient eux-mêmes la feuille qu’ils imprimaient et dont ils étaient les propriétaires : la presse périodique n’avait pas encore acquis son autonomie par rapport au monde de l’imprimerie. À Toulouse, nous avons Jean-Baptiste Broulhiet (Affiches de Toulouse et du Haut-Languedoc, devenues en 1790 Journal du département de la Haute-Garonne, 1789-1793, et L’Anti-Terroriste, 1795-1797), son associé depuis 1794 Martial Meilhac (L’Anti-Terroriste) et J. -J. Despax (Le Toulousain, 1797) ; à Montauban, Jean-Vincent Teulières puis son fondé de pouvoir Jean Sagnes (Journal national, 1789-1791), Jean-Pierre Fontanel (Nouvelles intéressantes, 1790-1793) et Charles Crosilhes (Journal du Lot, 1796-1797) ; à Auch, Joseph Lacaze (Journal du département du Gers, 1793-1795) et Pourquiès-Armagnac (L’Éveil des Républicains, devenu en 1799 Le Démocrate constitutionnel, puis Le Républicain démocrate, 1797-1800) ; à Rodez, Pierre Chanson puis Louis-Blaise Carrère (Journal de l’Aveiron, 1796-1797) ; à Tarbes, Louis-Henri Delaroy (Journal des Hautes-Pyrénées, 1792-1798) et Jean-François Lavigne (La Feuille villageoise des Pyrénées, 1798). Pour ces professionnels du livre libérés des contraintes juridiques que leur imposaient, sous l’Ancien Régime, le système des privilèges et la censure royale, le lancement d’une feuille périodique se situait dans le prolongement naturel de leur production traditionnelle. Il leur permettait aussi de maintenir ou de développer l’activité de leur atelier : quand il fonda Le Nouvelliste national en novembre 1789, l’imprimeur toulousain Noël-Étienne Sens, dont les presses se trouvaient alors « dans une inaction presque totale », songeait avant tout « à occuper par tous les moyens possibles une partie de [ses] ouvriers ». Mais il en confia la rédaction à un de ses parents, Auguste Gaude. Il était en effet difficile de mener de front la direction d’une entreprise d’imprimerie et de librairie et celle d’un journal, et on peut se demander si tous les artisans qui prétendaient assurer seuls la composition de la feuille qu’ils éditaient en avaient réellement la possibilité matérielle, voire la capacité intellectuelle : le 29 pluviôse an VIII (18 février 1800), l’administration centrale du département du Gers informa le ministre de la Police générale que Pourquiès-Armagnac, propriétaire du Républicain démocrate, se donnait « la qualité d’auteur et de rédacteur », mais qu’il était « trop illettré pour qu’il le soit effectivement, et pour que le public le croie6 ». C’est néanmoins parmi les imprimeurs que se rencontrent les rares journalistes jouissant en la matière d’une expérience antérieure à la Révolution : Broulhiet, qui dirigeait les Affiches de Toulouse depuis 1785, Teulières, qui avait publié de 1777 à 1780 la Feuille hebdomadaire de la ville et généralité de Montauban, et son associé pour cette publication, Crosilhes.

5Six autres journalistes (24 %) avaient appartenu, ou appartenaient encore, au clergé catholique. La plupart étaient d’anciens membres du clergé constitutionnel, ayant abdiqué sous la Terreur et reconvertis dans l’enseignement. Ancien moine augustin, ancien curé constitutionnel d’Auriac-sur-Vendinelle (Haute-Garonne) devenu répétiteur de mathématiques à Toulouse, puis professeur de mathématiques à l’école centrale de l’Ariège, Pierre Dardenne succéda à « Camille » à la tête du Journal révolutionnaire de Toulouse (1794-1795) avant de prendre la direction de L’Observateur républicain (1795-1798). La responsabilité du Courrier du département du Gers fut brièvement confiée en septembre 1796 à l’ancien curé constitutionnel de Cologne (Gers), abdicataire en 1793, Saint-Martin. L’Observateur du département du Lot (1796-1797) était rédigé par Pierre Brunies, ancien professeur au collège de Cahors, ancien vicaire épiscopal, déprêtrisé, marié et divorcé, devenu professeur de belles-lettres à l’école centrale du Lot ; L’Ami des campagnes de Revel (1796-1797) par Marc-Antoine Durand, ancien doctrinaire, nommé en mars 1796 professeur d’histoire naturelle à l’école centrale de l’Ariège, mais qui n’occupa pas son poste ; L’Ami de la Constitution de l’an 3 d’Auch (1799) par Vidaloque, ancien religieux dominicain, ancien vicaire épiscopal, déprêtrisé et marié en 1793, devenu directeur d’une institution privée. À tous ces ecclésiastiques ayant renoncé à leur état et adhéré, au moins provisoirement, au nouveau régime, s’oppose avec éclat l’abbé Philippe Du Bourg, auteur en 1796 de La Feuille villageoise catholique et du Philosophe catholique de Toulouse ; cet ancien chanoine de Saint-Étienne, vicaire général clandestin de l’archevêque « légitime », fut tout au long de la Révolution le véritable chef de l’Église réfractaire toulousaine.

6Les professions juridiques ont fourni trois rédacteurs de journaux (12 %) : l’ancien avocat Alexandre Ladrix à Auch (Journal constitutionnel du département du Gers, 1792), l’ancien procureur Jean-Jacques Decamps à Tarbes (Le Cri des Pyrénées, 1797), et le praticien Pierre-Pascal Galounié à Toulouse (Journal du département de Haute-Garonne, 1799).

  • 7 Né à Paris en 1741, Pierre-Nicolas Chantreau avait enseigné le français à l’école royale militaire (...)
  • 8 François-Alphonse Aulard, Le culte de la Raison et le culte de l’Être suprême (1793-1794). Essai h (...)

7Trois journalistes enfin (12 %) peuvent être considérés, à des titres divers, comme des « intellectuels » : Auguste Gaude, rédacteur du Nouvelliste national (1789-1791), qui s’était fait connaître par quelques poèmes insérés dans l’Almanach des Muses ; Jean-Jacques Chastanet, maître d’écriture et de calcul à Toulouse, qui publia L’Orateur français en 1797 ; et surtout Pierre-Nicolas Chantreau, incontestablement la figure la plus originale du journalisme révolutionnaire en Midi toulousain7, auteur d’une sorte de « moniteur officiel du culte de la Raison » dans le Gers8, Les Documens de la Raison (1794), et des premiers numéros du Courrier du département du Gers (1796).

8Compte tenu de leurs dimensions réduites, la composition de la plupart des feuilles provinciales pouvait être assurée par un rédacteur unique, faisant éventuellement appel à quelques collaborateurs ou correspondants épisodiques. Par contre, la confection des journaux les plus ambitieux tels que les grands titres de la presse toulousaine – le Journal du département de la Haute-Garonne, L’Anti-Terroriste, L’Observateur républicain – exigeait la coopération de collaborateurs réguliers et parfois spécialisés, formant de véritables équipes éditoriales. Leurs noms n’apparaissent pas au bas des articles, qui ne sont habituellement pas signés ; mais ils sont quelquefois annoncés dans les prospectus, ou cités à l’occasion des polémiques qu’entretenaient les organes de partis opposés, comme L’Anti-Terroriste et L’Observateur républicain. Nous avons donc pu identifier une trentaine de ces journalistes occasionnels, dont le recrutement, toujours limité pour l’essentiel à la bourgeoisie cultivée, était cependant plus diversifié que celui des auteurs principaux des journaux.

9Les plus nombreux (47 %) sont des « intellectuels », enseignants en exercice ou anciens enseignants surtout, dont un tiers environ d’anciens ecclésiastiques. Dans ce groupe se détachent les personnalités de Pierre-Laurent Carré, le poète officiel du Directoire à Toulouse, collaborateur de L’Observateur républicain comme ses anciens collègues du collège royal Jean Maynard et Bernard-Étienne Saurine et l’acteur dramatique Hippolyte Desbarreaux ; du célèbre naturaliste toulousain Philippe Picot de Lapeyrouse, collaborateur de L’Anti-Terroriste dont Jean-Dominique Romiguières, le futur pair de France, tenait la rubrique des spectacles ; du mathématicien Pierre Tédenat, associé non résidant de l’Institut national, collaborateur du Journal de l’Aveiron en même temps que son collègue de l’école centrale de Rodez, le naturaliste Pierre-Joseph Bonnaterre ; du professeur de belles-lettres à l’école centrale des Hautes-Pyrénées Courtade, rédacteur de La Feuille villageoise des Pyrénées. Mais on y trouve aussi de simples instituteurs comme Guillaume Benaben, qui donnait au Journal révolutionnaire de Toulouse une chronique intitulée « Le Père Duchêne toulousain ».

10Viennent ensuite, avec 20 % de notre échantillon, les hommes de loi et les fonctionnaires, tels que l’accusateur public du tribunal criminel de la Haute-Garonne Jean-Joseph Janole (L’Anti-Terroriste) ou le secrétaire général de l’administration centrale du département de l’Aveyron Jean-Pierre Merlin (Journal de l’Aveiron) ; les médecins (10 %) ; les membres du clergé, constitutionnel à L’Observateur républicain, réfractaire à La Feuille villageoise catholique (10 %) ; les négociants, parmi lesquels Jacques-Antoine Caussé, qui passait parfois pour le véritable auteur de L’Anti-Terroriste (7 %), et les ouvriers imprimeurs (6 %).

11Le journalisme n’était donc pas encore entré dans l’ère de la professionnalisation. Mais c’est au talent et à la conviction des « amateurs » qui lui consacraient leurs loisirs que les feuilles provinciales de l’époque révolutionnaire doivent une bonne part de leur intérêt.

La collecte de l’information

  • 9 Michel Taillefer, « Les journaux toulousains au début de la Révolution (1788-1793 », dans Les prat (...)

12Certaines de ces feuilles ne contiennent pas d’informations proprement dites, mais uniquement des commentaires politiques, des réflexions idéologiques ou des prises de position polémiques. Plutôt que de véritables « journaux » au sens où nous l’entendons couramment aujourd’hui, Les Quatre Évangélistes de Toulouse (1790) peuvent ainsi être définis comme un pamphlet périodique, héritier direct de ceux qu’avait suscités à la veille de la Révolution la révolte parlementaire contre la réforme judiciaire de mai 17889, catégorie à laquelle appartient aussi Le Censeur de Figeac (1794), tandis que L’Homé franc (1791), La Feuille villageoise catholique et Le Philosophe catholique de Toulouse, ainsi que Les Documens de la Raison d’Auch, se présentent comme des revues doctrinales, au service de la pensée révolutionnaire ou de la religion catholique. Mais la très grands majorité des journaux du Midi toulousain (75 %), même s’ils ne se privent pas de donner leur point de vue sur les problèmes de l’heure, dans ce que nous appellerions des « éditoriaux », sont avant tout des organes d’information, presque entièrement consacrés à l’actualité politique. Le souci primordial de leurs rédacteurs était donc de se procurer les informations qu’ils souhaitaient communiquer à leurs lecteurs. Ils les puisaient à des sources différentes selon qu’il s’agissait d’informations nationales et internationales ou d’informations locales.

13La première manifestation de l’émancipation politique de la presse régionale au début de la Révolution fut la publication à partir du 10 juin 1789, par les Affiches de Toulouse, des « résultats » des États généraux. À la fin du mois de juillet fut créé le Journal national de Montauban, et à la mi-novembre Le Nouvelliste national de Toulouse, dont l’objet principal était de donner dans ces villes « les nouvelles des séances de l’Assemblée nationale ». Jusqu’au coup d’État du 18 Brumaire, le compte rendu des travaux des assemblées parisiennes – l’Assemblée constituante, l’Assemblée législative et la Convention surtout, dans une moindre mesure le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens – figurera en bonne place, souvent en première page, dans la plupart des journaux ; il occupe en 1789-1791 les deux tiers de la surface du Nouvelliste national, et de 1790 à 1793 entre le tiers et la moitié de celle du Journal du département de la Haute-Garonne.

  • 10 Daniel Ligou, La première année de la Révolution vue par un témoin (1789-1790). Les « Bulletins » (...)

14Pour confectionner cette rubrique essentielle, où l’on trouve généralement, outre le résumé des débats, des citations des discours les plus marquants et le texte des décrets les plus importants, les journalistes bénéficiaient parfois de renseignements de première main. Le Journal national fut d’abord composé sur les bulletins manuscrits envoyés chaque semaine à Montauban par le député de la ville Jean-Baptiste Poncet-Delpech10. Le prospectus du Journal constitutionnel du département du Gers annonce que « des notes manuscrites de [ses] correspondants » lui permettront « de devancer quelquefois les feuilles imprimées ». Au début de 1793, le député girondin Jacques-Marie Rouzet semble avoir été pour le Journal du département de la Haute-Garonne un informateur privilégié. Mais dans la plupart des cas les rédacteurs se contentaient de mettre à contribution les feuilles parisiennes spécialisées dans la publication des débats parlementaires, telles que le Moniteur universel, le Journal des débats et des décrets, le Journal de l’Assemblée nationale, ou les organes officiels comme le Bulletin de la Convention.

  • 11 Archives départementales de la Haute-Garonne, B 1874.
  • 12 Plaidoyer prononcé au parlement de Toulouse, le 27 janvier 1790, par Me Roques, avocat, sur la lib (...)

15C’est également à la presse parisienne, mais aussi provinciale et parfois même étrangère, qu’ils demandaient la matière de leurs informations nationales et internationales. Leurs rubriques Nouvelles de Paris, Nouvelles des départements, Nouvelles des armées, Nouvelles étrangères ne sont en fait que des montages d’extraits d’articles déjà parus ailleurs, empruntés aux nombreux journaux auxquels ils étaient eux-mêmes abonnés ou qu’ils recevaient en échange de leur propre feuille. L’origine de ces emprunts n’est normalement pas indiquée, mais il arrivait qu’elle soit révélée à l’occasion de certaines procédures judiciaires. Accusé en janvier 1790 par le parlement de Toulouse d’avoir inséré dans ses Affiches des articles « contenant des expressions contraires au respect dû à la personne du roi et à la majesté du trône » et « tendant à porter le peuple à la révolte »11, Broulhiet fit valoir pour sa défense qu’il les avait tirés des Révolutions de France et de Brabant (de Camille Desmoulins), de la Chronique de Paris (de Millin et Noël) et des Annales patriotiques et littéraires de la France (de Louis-Sébastien Mercier), où « toute la France » avait pu les lire sans qu’ils attirent les foudres des autorités12. De même, en octobre 1795, après l’échec de l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV, Broulhiet et son associé à la direction de L’Anti-Terroriste Meilhac furent accusés d’avoir « prêché l’avilissement et la destruction de la Convention nationale », alors qu’ils n’avaient fait que reproduire des fragments de L’Accusateur public (de Richer-Serizy) et du Courrier français (de Poncelin), « qui ont toujours circulé librement et qui se sont vendus publiquement ». De janvier à mai 1792 cependant, le Journal du département de la Haute-Garonne mentionna régulièrement les sources de ses informations politiques, diplomatiques et militaires : pas moins d’une soixantaine de journaux différents, parisiens en très grande majorité, plus rarement provinciaux (le Courrier de Villeneuve-les-Avignon, le Courrier de la Gironde, La Feuille de Strasbourg, le Journal de Marseille) ou étrangers (le Mercure britannique).

16Avoué ou non, le recours massif et systématique aux productions de leurs confrères, qui pourrait paraître choquant aujourd’hui, était pour les journalistes de province une nécessité, qu’imposaient l’absence d’agences de presse et l’impossibilité matérielle où ils se trouvaient d’entretenir un coûteux réseau de correspondants. Bien que certains d’entre eux, comme le rédacteur du Journal constitutionnel du département du Gers, aient paru regretter d’être ainsi « réduits à copier d’autres journaux », ils ne dissimulaient donc pas une pratique largement admise par leurs lecteurs, et dont ils faisaient au contraire un argument publicitaire dans la lutte commerciale qui les opposait à leurs concurrents parisiens.

17Annonçant le 9 janvier 1790 que les Affiches de Toulouse paraîtraient désormais deux fois par semaine, Broulhiet souligna qu’elles contenaient

l’extrait et la nervure des meilleurs journaux, dans lesquels le rédacteur de ce journal se propose de glaner [...] tout ce qui paraîtra de plus intéressant, de manière que nos abonnés de la ville, et encore plus ceux de la campagne [...] auront les nouveautés dans leur primeur, et peut-être plus tôt que s’ils les recevaient eux-mêmes directement et sans intermédiaire ;

18le 31 décembre 1791, dans un avis aux souscripteurs du Journal du département de la Haute-Garonne, il n’hésita pas à affirmer que

le présent journal est celui, des mille et un journaux dont la France est inondée, qui remplit davantage les vues du plus grand nombre des citoyens [...]. Indépendamment de plusieurs avantages locaux, MM. les souscripteurs auront celui de pouvoir se passer, avec cette feuille, de toutes les autres. Cette feuille continuera d’être le dépôt et le choix de ce qu’il y a de mieux, pour et contre, dans les autres feuilles.

19La réalité était moins brillante. Contrairement à ce que prétendait Broulhiet, les lecteurs avides de nouvelles fraîches avaient intérêt à s’abonner à un journal parisien, plutôt que d’attendre un ou deux jours pour les retrouver telles quelles dans le journal local. Mais il y avait plus grave. Dépendant entièrement des journaux qu’ils recevaient par la poste pour composer la majeure partie de leur propre feuille, les journalistes de la région se trouvaient à la merci des trop fréquentes défaillances du courrier. Déjà pénalisés par sa lenteur ordinaire, qui se traduisait par un décalage de près d’une semaine entre Paris et les villes du Midi toulousain, ils vivaient dans la hantise des retards exceptionnels qu’entraînaient en hiver les intempéries, et sous le Directoire les attaques de voitures de poste par des bandits de grand chemin ou des « brigands royaux » ; retards qui les obligeaient à reporter la publication de leur feuille ou à modifier son jour de parution, à supprimer des rubriques, à bouleverser l’ordre logique et chronologique des informations. On imagine la perplexité des lecteurs du Nouvelliste national devant un avis comme celui du 31 décembre 1790 : « Nous donnerons la suite de ces décrets [de l’Assemblée constituante] dans un de nos prochains numéros ; les articles qui précèdent ceux-ci, et qui ont été renvoyés de la feuille d’hier, se trouveront dans celle de demain. » Cet assujettissement à des sources d’information lointaines, rendues aléatoires par la difficulté et l’irrégularité des communications, constituait une des principales différences entre la presse parisienne, qui en était affranchie, et la presse de province, et un lourd handicap pour cette dernière.

  • 13 Jacques Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, Privat, 1986. p. 181- (...)

20Mais elle prenait sa revanche dans le domaine où elle était, il y a deux siècles comme de nos jours, irremplaçable : celui de l’information régionale et locale, qui intéressait sans doute ses lecteurs tout autant, sinon plus, que les informations générales. Dans sa ville de résidence, le journaliste fréquente les lieux où il peut glaner des renseignements – les promenades, les cafés, les spectacles –, assiste aux séances des clubs et des administrations, aux cérémonies officielles, aux événements importants, et en ramène quelquefois de véritables reportages pris sur le vif, dont la spontanéité contraste avec le ton convenu des articles qu’il n’a pas écrits lui-même. En juin 1793 par exemple, au plus fort de la crise fédéraliste, les comptes rendus des délibérations des corps constitués toulousains publiés par Broulhiet dans le Journal du département de la Haute-Garonne restituent fidèlement l’atmosphère passionnée de ces réunions houleuses, au cours desquelles furent prises des décisions capitales pour l’avenir de la Révolution13. S’il est entouré d’une équipe de collaborateurs, le directeur du journal leur confie parfois des rubriques spécialisées ; les copieuses critiques théâtrales insérées au printemps de 1797 dans L’Anti-Terroriste sont de la plume du jeune Romiguières, bien éloigné alors de professer les idées libérales qu’il défendra sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Il peut compter sur les contributions d’informateurs bénévoles, témoins de faits qu’ils veulent faire connaître à leurs concitoyens, et sur un abondant courrier des abonnés et des lecteurs, qui occupe dans la plupart des feuilles une place considérable. C’est par le même canal que lui parviennent les nouvelles des contrées voisines, où il dispose de correspondants plus ou moins réguliers, comme cet « Hermite du canton de Sorèze » qui fournit en 1797 à L’Observateur républicain plusieurs chroniques sur l’actualité de cette partie de la région. Par contre, il a souvent à se plaindre du manque de coopération des autorités administratives locales, qui négligent de lui transmettre les documents officiels dont la connaissance serait pourtant indispensable à ses lecteurs.

Le traitement de l’information

21Devant la masse considérable d’informations que lui procuraient les diverses sources que nous venons d’évoquer, le journaliste de province se trouvait confronté à deux problèmes difficiles à résoudre. Il devait d’abord tenter de vérifier l’authenticité et l’exactitude de ces informations, lorsqu’elles concernaient des faits dont lui-même ou une personne de confiance n’avait pas été le témoin. Mais il manquait généralement des moyens nécessaires à ce contrôle, et s’exposait à publier de fausses nouvelles qui lui attiraient protestations, démentis et procès. Ayant rapporté d’après de simples « bruits publics » l’incident qui opposa le 8 janvier 1791 la municipalité et la garde nationale patriotes de Buzet-sur-Tarn (Haute-Garonne) à leur ancien seigneur, le comte de Clarac, incident au cours duquel le château du comte fut incendié et un de ses occupants tué, Le Spectateur du Sud de la France de Toulouse donna le 19 janvier une version corrigée des événements, fondée sur les minutes du procès. Il ne put cependant éviter d’être publiquement désavoué par le directoire du département, dont le communiqué du 15 janvier fut inséré dans le Journal du département de la Haute-Garonne et dans Le Nouvelliste national, et par la Société des amis de la Constitution de Toulouse, qui dénonça le 17 janvier cet « ouvrage rempli d’erreurs et de faux faits » ; il ne semble pas avoir survécu à cette mésaventure, qu’explique sans doute l’inexpérience de son auteur. Mais un journaliste chevronné comme Broulhiet fut souvent obligé de publier des rectificatifs, ou même traîné devant les tribunaux, par des citoyens qu’il avait imprudemment mis en cause.

  • 14 Généralement deux fois par semaine, ou deux, trois ou cinq fois par décade ; le Moniteur du Midi d (...)
  • 15 Les Quatre Évangélistes comptent douze pages, Les Documens de la Raison seize, Le Philosophe catho (...)

22Les rédacteurs étaient également très gênés par le manque d’espace disponible. La plupart des journaux de l’époque révolutionnaire bénéficient d’un rythme de parution plus soutenu que les anciennes Affiches hebdomadaires, les deux tiers d’entre eux étant proposés au public plus d’une fois par semaine14 ; mais ils sont restés fidèles aux formats traditionnels de la presse d’Ancien Régime. Sauf exceptions, qui concernent surtout les pamphlets périodiques et les revues doctrinales, dont la pagination était plus abondante15, ils ne comprennent que huit pages in-octavo (environ 21 x 14 cm) à une colonne (c’est le format le plus répandu), ou quatre pages in-quarto (environ 26 x 21 cm) à deux colonnes. Dans les deux cas, la surface utile (une fois déduit l’espace occupé par le titre, le nom et l’adresse de l’imprimeur et les éléments de décor) est très limitée. Invoquant constamment, pour prévenir la déception de leurs lecteurs, les « bornes » de leur feuille qui ne leur permettaient pas de faire face à « l’abondance des matières », les journalistes étaient donc contraints de renoncer à des rubriques promises dans leur prospectus, d’annoncer en quelques lignes des événements qui auraient mérité de longs développements, d’étaler sur plusieurs numéros les articles trop importants pour tenir dans un seul (certains textes législatifs et administratifs notamment). D’où le sentiment de frustration que l’on ressent nécessairement à la lecture de ces modestes journaux, dont les dimensions réduites paraissent hors de proportion avec l’actualité exceptionnellement riche et dramatique qu’ils tentaient de refléter.

La fabrication des journaux

  • 16 Archives municipales de Toulouse, 2 I 30.
  • 17 Hugh Gough, art. cité, p. 249.
  • 18 Ibid.

23La Révolution a radicalement transformé les conditions juridiques et politiques de la presse périodique, et donc son contenu ; elle n’a en rien modifié ses conditions techniques de fabrication. Comme les livres et les brochures dont ils reprenaient le format, les journaux étaient toujours composés et imprimés à la main, dans de petits ateliers sommairement équipés. Situé au troisième étage de la maison de la rue Saint-Rome (devenue rue de la Liberté) dont sa boutique de libraire occupait le rez-de-chaussée, celui de Broulhiet ne comprenait en 1797 que deux presses16, alors que L’Anti-Terroriste qui en sortait était probablement le titre le plus largement diffusé du Midi toulousain. Une presse manœuvrée par deux ouvriers pouvant produire cent cinquante feuilles imprimées recto-verso à l’heure17, quelques heures suffisaient pour « sortir » l’édition complète d’un journal à faible tirage, ce qui était le cas, nous le verrons, de tous les journaux de la région. Le caractère artisanal des techniques d’impression, qui n’avaient pas sensiblement évolué depuis Gutenberg et n’impliquaient qu’un investissement minime (le matériel nécessaire à la fabrication d’un journal ne coûtait guère plus de 2 000 livres18), explique, tout autant que l’abolition de la réglementation d’Ancien Régime limitant strictement leur nombre, la prolifération des imprimeries à partir de 1789 et leur apparition dans de petites villes qui en étaient dépourvues. Simple chef-lieu de district de la Haute-Garonne, Revel put ainsi posséder sous le Directoire son périodique, L’Ami des campagnes, qu’imprimait, semble-t-il, un ancien ouvrier de l’atelier toulousain de Broulhiet, Pierre-Raymond Brumas.

  • 19 Deux quotidiens ont paru à Toulouse sous la Révolution, l’éphémère Journal de l’Assemblée électora (...)
  • 20 C’est-à-dire que les caractères préparés pour l’impression d’une feuille se sont défaits et mélang (...)

24S’il était donc relativement aisé de lancer un journal, sans mise de fonds importante ni gros moyens techniques, il était plus difficile d’assurer sa parution régulière, une ou plusieurs fois par semaine, voire tous les jours19. La précipitation dans laquelle travaillaient les compagnons imprimeurs retentissait souvent sur la qualité de leur production, qu’entachent de nombreuses coquilles typographiques, erreurs de pagination, inversions de paragraphes... Le 15 juin 1791, Broulhiet prévint les abonnés du Journal du département de la Haute-Garonne « que lors de l’impression du numéro précédent, la composition se mit en pâté par accident20 ; il fallut recomposer à la hâte, le temps pressait ; de là une foule de fautes... Cet événement ne se reproduira plus ».

La diffusion des journaux

25Les journaux de la période révolutionnaire mentionnent habituellement le prix et les conditions d’abonnement, mais jamais le prix du numéro ; leur distribution s’effectuait en effet presque exclusivement par abonnements. La vente au numéro n’était cependant pas inconnue. À Toulouse, où nous sommes le mieux renseignés sur cet aspect de la vie de la presse, les personnes désireuses de lire un journal auquel elles n’étaient pas abonnées avaient la possibilité de se le procurer au « bureau », c’est-à-dire chez l’imprimeur, où l’on recevait également les souscriptions, les petites annonces et la correspondance. Toutefois, le libraire Sens fit savoir en mars 1793 que ses occupations

ne lui permettaient pas de distribuer ni vendre dans sa maison le Journal révolutionnaire ; mais pour le prompt service des abonnés et autres citoyens de Toulouse, il a soin de remettre ce journal à divers colporteurs, qui font cette distribution avec tout le zèle possible, soit aux abonnés, soit en le criant dans les rues.

26On pouvait donc s’adresser à ces colporteurs qui parcouraient la ville, un paquet d’exemplaires sous le bras, en criant par exemple : « L’Anti-Terroriste d’aujourd’hui ! Le journal des principes ! » C’étaient des enfants, des femmes et surtout des aveugles, qui exerçaient un petit métier pittoresque mais dangereux en période de passions politiques exacerbées. En 1796 et 1797, L’Anti-Terroriste dénonce sans relâche les mauvais traitements dont ses distributeurs étaient victimes de la part des « exclusifs », qui profitaient de leur infirmité pour les menacer, les insulter, les frapper, les dépouiller de leurs exemplaires – jetés à terre, déchirés ou brûlés –, voire pour substituer, sans qu’ils s’en aperçoivent, des numéros de L’Observateur républicain à ceux de L’Anti-Terroriste... Il est probable que les colporteurs des feuilles jacobines subissaient, de part des « muscadins », les mêmes avanies. Il existait enfin des « marchands de papiers-nouvelles », comme Étienne Sénac qui proposait, dans une « baraque de planches » du quartier des Carmes – ancêtre de nos kiosques à journaux –, la presse parisienne mais aussi, sans doute, la presse toulousaine.

27Apparemment limitée à la ville d’édition, la vente au numéro ne concernait qu’un petit nombre d’exemplaires. Le mode normal de diffusion des journaux était l’abonnement, le plus souvent annuel ou semestriel, plus rarement trimestriel ou mensuel. Les abonnés de la ville les recevaient à domicile, par porteurs ; mais les éditeurs, pour réduire leurs frais, les incitaient à venir les prendre eux-mêmes à l’imprimerie, en faisant valoir qu’ils les auraient plus tôt – avant midi pour Le Nouvelliste national –, et surtout en leur consentant des réductions de tarifs : l’abonnement annuel au Journal décadaire du département du Gers, fondé à Auch en avril 1795, coûtait 25 livres, mais seulement 20 livres « pour ceux qui le feront retirer au bureau » ; de même, l’abonnement au Courrier du département du Gers était de 24 livres « pour ceux qui se chargeront de le faire prendre », contre 27 livres pour les autres.

  • 21 Archives municipales de Toulouse, 1 I 1.

28Hors de la ville où ils étaient publiés, les journaux parvenaient à leurs abonnés par la poste, dont le fonctionnement paraît avoir laissé beaucoup à désirer si l’on en juge par les multiples récriminations de leurs propriétaires et de leurs lecteurs. Les retards, très fréquents, étaient imputables aux difficultés des communications. Mais que dire des erreurs commises par les employés des postes qui, selon l’éditeur du Journal révolutionnaire de Toulouse, plaçaient les journaux pour Foix dans la case de Pamiers, ou qui délivraient à un habitant de Revel, au lieu de L’Observateur républicain, L’Anti-Terroriste attendu par un de ses concitoyens ? Les journalistes soupçonnaient ces « bévues » de n’être pas toujours innocentes. Affirmant qu’il arrivait aux commis des postes de jeter « les papiers qui ne leur conviennent pas », Meilhac s’en indignait : « Jusques à quand le public sera-t-il le jouet de ses employés ? » De son côté, Dardenne prévint en février 1797 ses « abonnés des campagnes [...] que le journal leur parviendra désormais sous une double bande, pour ôter tout moyen aux directeurs des postes d’en mettre deux sous la même adresse et de les soustraire à leur destination ». Aux accusations d’incompétence et de fraude s’ajoutaient celle, tout aussi grave, de partialité politique : au début du Directoire, le bureau des postes de Toulouse passait pour n’être « presque composé que de chouans et de royalistes », qui favorisaient ouvertement la distribution des journaux réactionnaires au détriment de celle des journaux républicains21.

29Il n’est donc pas surprenant que la zone de diffusion des feuilles périodiques ait été généralement très restreinte. Quelques-unes n’étaient lues que dans leur ville de parution, et la plupart des autres ne dépassaient pas les limites du département : la presse provinciale de l’époque révolutionnaire est avant tout une presse départementale. Seuls les grands journaux toulousains – le Journal du département de la Haute-Garonne, Le Nouvelliste national, le Journal révolutionnaire de Toulouse, L’Observateur républicain – atteignaient les départements voisins (Gers, Lot, Tarn, Aude, Ariège). Le record semble appartenir à L’Anti-Terroriste, dont on retrouve la trace jusque dans les Basses-Pyrénées, l’Aveyron et l’Hérault ; il parvenait aussi à Paris, ce qui lui valut d’être prohibé dès le lendemain du coup d’État du 18 Fructidor.

Les difficultés financières

  • 22 Hugh Gough, art. cité, p. 249.

30Bien que, faute de documentation, les aspects économiques et financiers des entreprises de presse de la période révolutionnaire demeurent mal connus, on admet aujourd’hui qu’elles étaient souvent rentables. Selon Hugh Gough, « un journal pouvait espérer rentrer dans ses frais par un tirage de 300 numéros ; avec un tirage de 400, on pouvait tirer un profit de 1 000 livres par an, et le profit devenait de plus en plus important dès que le tirage dépassait ce chiffre22 ». Mais combien de journaux de la région étaient-ils dans ce cas ? De leur lecture se dégage l’impression qu’ils se débattaient au milieu de difficultés financières permanentes, qui eurent raison de plusieurs d’entre eux.

31Leurs dépenses n’étaient certes pas très élevées, mais elles se sont notablement accrues pendant la Révolution. Davantage sans doute que l’augmentation des salaires versés aux ouvriers imprimeurs et aux colporteurs et des traitements accordés aux rédacteurs, c’est la hausse du prix du papier, dont la bureaucratie révolutionnaire faisait une si grande consommation, qui pesa le plus sur les coûts de fabrication, tandis que la hausse des tarifs postaux grevait les coûts de diffusion, puisque les abonnés recevaient leur exemplaire « franc de port ». Le droit de timbre de trois centimes par feuille, imposé en 1797 par le gouvernement du second Directoire qui cherchait à brider la liberté de la presse sans l’attaquer ouvertement, contribua encore à alourdir les charges des journaux.

32Alors que les dépenses croissaient, certaines recettes diminuaient. Les petites annonces et les publicités commerciales, qui couvraient au début de 1789 30 % de la surface utile des Affiches de Toulouse – soit la première page et souvent la seconde – n’en représentent plus que 2,5 % en 1793 : de feuilles d’annonces commerciales, la Révolution a fait de vrais journaux politiques, mais cette mutation capitale les a privés d’une partie non négligeable de leurs ressources traditionnelles. La vente au numéro ne portant que sur un petit nombre d’exemplaires et des sommes minimes (en juillet 1796, un numéro de L’Anti-Terroriste acheté à un colporteur valait quatre sols), les éditeurs ne pouvaient guère compter que sur le produit des abonnements. D’où leur insistance à supplier leurs abonnés parvenus au terme de leur souscription de bien vouloir la renouveler au plus vite ; d’où aussi leur tendance à augmenter leurs tarifs. À pagination et périodicité constantes, l’abonnement annuel au Journal du département de la Haute-Garonne passa ainsi « pour la ville » de 10 livres 4 sols en 1790 (autant que Le Spectateur du Sud de la France en 1791) à 15 livres en 1792 (autant que le Journal constitutionnel de département du Gers et le Journal du département des Hautes-Pyrénées à la même date), puis à 20 livres en juillet 1793, l’abonnement « pour le dehors » coûtant de 20 à 30 % de plus ; à la fin de la période, l’abonnement trimestriel à L’Observateur républicain s’éleva graduellement de 5 francs « pour la ville » et 6 francs « pour la campagne » en septembre 1796 à 8 francs pour la ville et 9 francs pour la campagne en juillet 1799. Mais ces chiffres pouvaient difficilement être dépassés, sous peine de décourager les souscripteurs déjà trop peu nombreux.

  • 23 Jacques Godechot, op. cit., p. 107.
  • 24 Archives départementales du Tarn, L 1521.
  • 25 Émerand Forestié, Histoire de l’imprimerie et de la librairie à Montauban, Montauban, Forestié, 18 (...)

33Aucune liste d’abonnés n’a été retrouvée, mais quelques indications éparses permettent de se faire une idée des tirages, qui étaient très modestes. Si le Journal du département du Gers et Les Documens de la Raison d’Auch frôlaient le millier d’exemplaires, c’est qu’ils étaient activement soutenus par l’administration du département. D’après Jacques Godechot, au début de la Révolution, « les journaux toulousains tiraient chacun à 600 exemplaires, ceux de Montauban sans doute à moitié moins23 ». D’un « avis aux abonnés » publié en octobre 1797, selon lequel « la nouvelle loi du timbre augmenterait les frais du Journal de l’Aveiron de plus de 350 livres par an », on peut déduire que son tirage n’était guère supérieur à 200 exemplaires. Quant à L’Ami des campagnes de Revel, L’Observateur républicain (il est vrai mal disposé à son égard) prétendait qu’il « avait à peine 20 abonnés » et « ne tirait pas à 60 exemplaires » ! Si cette affirmation doit être accueillie avec prudence, il est certain que plusieurs des journaux du Midi toulousain n’atteignaient pas le seuil de rentabilité que l’on peut situer, nous l’avons vu, aux environs de 300 exemplaires. Fondé le 2 juin 1790 par la Société des amis de la Constitution de Castres, le Journal du département du Tarn cessa de paraître dès le 7 novembre, « le nombre de souscripteurs étant insuffisant24 » ; son rédacteur, qui imputait ce fait à la concurrence des « autres ouvrages périodiques » que recevaient ses concitoyens, s’en expliqua ainsi à ses abonnés : « Adieu, mes lecteurs, adieu. Trop peu nombreux, vous ne pouvez, par vos souscriptions, dédommager la Société des dépenses que lui occasionnent son journal, et elle ne peut y suffire [...]. Que votre nombre s’augmente, que la Société ne perde pas en vous servant, et le rédacteur reprendra sa tâche. » De même, le propriétaire des Nouvelles intéressantes de Montauban, Fontanel, en arrêta la publication le 2 mars 1793 « parce que le montant des abonnements ne [suffisait] pas au paiement des frais25 ».

  • 26 Archives départementales de la Haute-Garonne, L Sup 45, et archives municipales de Toulouse, 2 I 3 (...)
  • 27 Archives départementales du Gers, L 117.

34Pour éviter d’en arriver là, il était tentant de s’adresser aux pouvoirs publics ; les journaux subventionnés, directement ou indirectement, par les autorités locales ne sont donc pas rares. À la demande de la Société populaire de Toulouse, le représentant en mission Paganel fit accorder le 1er mars 1794 au rédacteur du Journal révolutionnaire de Toulouse la somme annuelle de 4 000 livres (3 600 livres d’appointements et 400 livres de frais de bureau), prélevée par la municipalité sur l’emprunt forcé établi le 23 septembre précédent, le produit net des abonnements devant être reversé au comité de surveillance ; limogé après le 9 Thermidor, « Camille » toucha effectivement 2 200 livres pour six mois de travail26. À la même époque, Les Documens de la Raison étaient publiés « aux frais de l’administration du département du Gers ». Depuis le 1er octobre 1793, celle-ci finançait indirectement le Journal du département du Gers en souscrivant 800 abonnements, représentant 6 240 livres, au profit des municipalités, des corps administratifs et des sociétés populaires du département27. Ces pratiques nées sous la dictature montagnarde se poursuivirent sous le Directoire : en janvier 1796, la municipalité de Toulouse souscrivit vingt-cinq abonnements à L’Observateur républicain, et l’administration centrale de la Haute-Garonne invita chaque municipalité de canton à souscrire deux exemplaires ; le Journal de l’Aveiron et L’Observateur du département du Lot recevaient également une aide discrète de la part des administrations de ces départements. Le recours à l’argent public permit donc à quelques feuilles de prolonger artificiellement leur existence, mais il compromit leur indépendance et leur crédibilité et, à l’exception de L’Observateur républicain, ne les empêcha pas de disparaître à brève échéance.

35La situation financière de la presse, délicate tout au long de la période, devint dramatique sous la Convention thermidorienne – qui avait pourtant rétabli la liberté de publication suspendue de facto sous la Convention montagnarde – et au début du Directoire, à cause de l’inflation galopante engendrée par l’abolition du Maximum et par la dépréciation brutale des assignats, puis des mandats territoriaux. Fondé trois mois plus tôt, L’Observateur républicain dut s’interrompre du 21 décembre 1795 au 2 février 1796 en raison de « l’effrayante augmentation du prix des marchandises de toute espèce ». Jusqu’au retour au numéraire, les propriétaires de journaux furent obligés de réévaluer sans cesse le montant de leurs abonnements et d’en limiter la durée, de demander des suppléments exceptionnels, de pratiquer un double prix, en papier et en monnaie métallique, et d’accepter, voire de solliciter, les paiements en nature. Fixée à 30 livres pour un an en février 1795, la souscription à L’Anti-Terroriste passa à 70 livres le 18 juillet, 80 livres le 29 juillet, 100 livres le 8 août, 120 livres le 9 septembre, atteignit 200 livres en assignats pour trois mois le 15 décembre (soit une hausse de près de 2 700 %), avant de revenir à 12 livres par an en numéraire le 2 janvier 1796, puis de remonter à 15 livres le 18 juin et à 18 livres le 20 août. En février 1796, le prix de l’abonnement à L’Observateur républicain était de 12 livres par an en monnaie métallique, ou de 150 livres par mois en assignats. À la même époque, le Journal des Hautes-Pyrénées coûtait pour trois mois 4 livres 10 sols en monnaie métallique ou en mandats territoriaux, ou 150 livres en assignats. Le 12 juillet, « cédant au désir que nous ont témoigné plusieurs abonnés des campagnes de voir nos feuilles fixées à un prix invariable en grains », son éditeur Delaroy annonça « qu’à dater de ce jour l’abonnement est invariablement fixé à un sac de froment ou 15 livres par an, si mieux on n’aime payer, de trois en trois mois, 4 livres 10 sols en numéraire et d’avance ». En août 1796 encore, on pouvait souscrire au Courrier du département du Gers moyennant 27 livres par an, « ou l’équivalent en blé ».

Les difficultés politiques

36Plus de la moitié des journaux créés entre 1789 et 1799 dans le Midi toulousain ont duré moins d’un an, près d’un sur cinq a paru pendant moins d’un mois. La brièveté de leur espérance de vie s’explique certes par les difficultés d’ordre économique que nous venons de décrire, mais plus fréquemment encore par des difficultés d’ordre politique. La liberté de la presse proclamée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, et garantie par les constitutions de 1791, de l’an I et de l’an III, eut en effet bien du mal à entrer dans les faits et à s’ancrer dans les comportements, même en dehors de la période de terreur montagnarde.

  • 28 Le rédacteur du Journal constitutionnel du département du Gers répondait ainsi, le 1er août 1792, (...)
  • 29 Archives départementales de Tarn-et-Garonne, L 402, et archives communales de Montauban, 4 I 9.
  • 30 Voir plus haut, note 12.

37Pendant les premières années de la Révolution, l’abolition de la censure royale et des privilèges d’édition permit l’éclosion de nombreux journaux – une douzaine – à Toulouse, Auch, Castres, Montauban et Tarbes ; mais le « despotisme censoral » de l’Ancien Régime, pour reprendre l’expression de Broulhiet qui avait eu maille à partir avec lui avant 1789, fut trop souvent relayé par l’arbitraire des nouveaux pouvoirs locaux. Alors que les journalistes se posent volontiers en porte-parole de la population et en « surveillants » de autorités, rappelant à tout propos qu’aux termes de la Constitution « la censure sur les actes des pouvoirs constitués est permise28 », les membres des administrations départementales et municipales et les militants des sociétés populaires tolèrent difficilement les critiques dont ils sont l’objet, ou même l’expression d’opinions divergentes des leurs. Pour intimider ou réduire au silence les journalistes non conformistes, ils ont recours à divers moyens de pression : dénonciations publiques, autodafés, saisies, poursuites judiciaires, violences physiques. À Montauban, le Journal national, de tendance aristocratique, est dénoncé par le club des Patriotes le 27 octobre 1790 et le 10 janvier 1791, saisi sur ordre de la municipalité en mars et en septembre 179129, et son imprimerie mise à sac le 15 juin ; le Journal du département du Tarn de Castres est brûlé publiquement par la Société populaire de Mazamet en juillet 1792 ; le mois suivant, c’est le Journal constitutionnel du département du Gers qui est brûlé par la Société des amis de la Constitution d’Auch. Pour Broulhiet, ardent patriote en 1789, victime du dernier procès de presse intenté par le parlement de Toulouse30, mais rallié aux Girondins, l’année 1793 fut celle de tous les dangers depuis juin 1792. Dénoncé en février au directoire du département pour avoir critiqué une loi favorisant l’arbitraire des communes, il fut convoqué par le procureur général syndic qui lui enjoignit de « modérer à l’avenir ses jugements et ses réflexions ». Le 10 avril, son journal fut « livré à l’exécration publique » et solennellement brûlé par la Société des amis de la Constitution, qui lui reprocha un peu plus tard d’avoir imprudemment donné des informations dangereuses pour la sécurité des troupes françaises engagées contre les Espagnols. Le 8 août, mandé au comité de surveillance par le représentant Baudot, il dut lui promettre de rétracter « toutes les erreurs politiques dont il avait infecté jusqu’ici les citoyens ». Le 14 septembre enfin, il fut arrêté par la municipalité, sous prétexte d’avoir rapporté sans précaution les déclarations d’un général espagnol, en réalité à cause de ses sympathies fédéralistes, et le Journal du département de la Haute-Garonne, privé de son directeur, cessa de paraître le 26 octobre, sans avoir été officiellement supprimé.

38Avec lui disparaissait le dernier journal indépendant du pouvoir montagnard. Jusqu’à la réaction thermidorienne du printemps 1795 ne subsistèrent, à Toulouse, Auch et Tarbes, que quatre organes officieux, étroitement contrôlés et, fait nouveau, partiellement financés par les autorités administratives ; le Journal révolutionnaire de Toulouse par exemple, dont le rédacteur « Camille » émargeait à la municipalité, était publié « par ordre des représentants en mission et du Comité de surveillance, qui en prépare les matériaux », et se présentait ouvertement comme « l’ouvrage de la Société populaire ».

39De la chute de Robespierre au coup d’État jacobin du 18 fructidor an V, la presse de la région retrouva sa liberté et connut un bref âge d’or, dont témoignent le nombre des créations de journaux (une douzaine), leur dispersion géographique (à Toulouse, Auch, Montauban et Tarbes s’ajoutent Cahors, Figeac, Revel et Rodez, qui voient se fonder leurs premiers périodiques), et surtout la diversité de leurs tendances politiques, gage d’un véritable pluralisme : à Toulouse, L’Anti-Terroriste et L’Observateur républicain polémiquent presque quotidiennement, tandis que La Feuille villageoise catholique et Le Philosophe catholique font entendre la voix du catholicisme renaissant ; dans le Lot, le Journal du Lot de Montauban s’oppose résolument à L’Observateur du département du Lot de Cahors ; à Tarbes, le Journal des Hautes-Pyrénées trouve un contradicteur dans Le Cri des Pyrénées. Il ne faudrait pourtant pas croire que les journaux d’opposition (au pouvoir en place localement, qui n’a pas nécessairement la même orientation que le pouvoir central) ne rencontraient plus d’obstacles politiques. À Toulouse notamment, à la fin de la réaction thermidorienne, un journal « qu’on disait être teint de principes terroristes » (probablement le Journal révolutionnaire de Toulouse, devenu Journal de Toulouse et des frontières d’Espagne) fut brûlé publiquement sur le théâtre de la maison commune ; inversement, après la reconquête de la municipalité par les Jacobins, L’Anti-Terroriste devint la cible d’une campagne permanente d’intimidation : procès à répétition, suspensions consécutives à l’arrestation sous divers prétextes de ses rédacteurs, violences exercées dans la rue sur ses distributeurs. De même, pour avoir publié Le Conciliateur (ex-Philosophe catholique) sans y avoir fait figurer le nom de l’auteur, l’imprimeur Pierre Bellegarrigue dut interrompre sa parution.

40Le coup d’État du 18 Fructidor entraîna la disparition immédiate des feuilles modérées ou crypto-royalistes, comme L’Anti-Terroriste, prohibé dès le 20 fructidor (6 septembre 1797) et dont le propriétaire Brouilhet dut se cacher pour éviter la déportation, le Journal du Lot de Montauban et sans doute Le Cri des Pyrénées de Tarbes. Par la suite le gouvernement du Directoire, prenant le relais des autorités locales, ordonna des poursuites contre Durand, l’auteur de L’Ami des campagnes de Revel, qui fut condamné à mort le 10 juillet 1798 par le tribunal criminel de la Haute-Garonne (par contumace il est vrai), interdit le 14 avril 1798 le Journal des Hautes-Pyrénées et le 13 avril 1799 le Journal du département de Haute-Garonne. Mais à la même époque Pourquiès-Armagnac, propriétaire de L’Éveil des Républicains, devenu Le Démocrate constitutionnel puis Le Républicain démocrate, était en butte aux tracasseries de la municipalité modérée d’Auch, qui soutenait son concurrent L’Ami de la Constitution de l’an 3.

41Progressivement étouffée sous le second Directoire, la presse de la région était moribonde lorsque le général Bonaparte – qu’elle encensait depuis ses victoires en Italie – s’empara du pouvoir par le coup d’État du 18 brumaire an VIII. Seuls paraissaient encore Le Républicain démocrate et L’Observateur républicain, organes des néo-Jacobins hostiles au Premier consul ; le premier fut supprimé par le ministre de l’Intérieur le 27 avril 1800, le second par le préfet de la Haute-Garonne le 11 août suivant.

42Pour la première fois depuis 1759 (date de la création des Affiches de Toulouse), le Midi toulousain se retrouvait entièrement privé de journaux. Mais il serait profondément erroné de conclure de cet effacement provisoire de la presse locale que la Révolution a tué le journalisme de province. Au contraire, en lui donnant ses lettres de noblesse dans l’euphorie de la liberté reconquise en 1789 – « La liberté de la presse existe, et des faisceaux de lumière s’élèvent de toutes parts pour dissiper les ténèbres qui nous environnaient », s’écrie Auguste Gaude dans le prospectus du Nouvelliste national –, puis en lui permettant de s’épanouir à peu près sans entrave pendant plusieurs années (de 1789 à 1793 et de 1795 à 1797), elle l’a véritablement et durablement fondé. C’est en effet dans le souvenir et l’exemple de leurs prédécesseurs de l’époque révolutionnaire que les journalistes du XIXe siècle, comme le rédacteur en chef de L’Émancipation toulousaine Armand Duportal, puiseront l’inspiration de leur combat obstiné et finalement victorieux pour l’instauration définitive de la liberté de la presse.

Bibliographie

Sources

Auch
Journal constitutionnel du département du Gers (1792), A. D. Gers, L 459 et Fonds Castarède, XLVIII, 1.
Journal du département du Gers (1793-1795), A. D. Gers, L 459 et Fonds Castarède, XLVIII, 2.
Les Documens de la Raison (1794), A. D. Gers, L 459 et Fonds Castarède, XXXVIII, 7.
Journal décadaire du département du Gers (1795), A. D. Gers, Fonds Castarède, XLIX, 1.
Courrier du département du Gers (devient Journal du département du Gers, puis Le Rédacteur impartial) (1796-1797), A. D. Gers, L 459 et Fonds Castarède, XLIX, 2, 3.
L’Éveil des Républicains (devient Le Démocrate constitutionnel, puis Le Républicain démocrate) (1797-1800), A. D. Gers, L 459 et Fonds Castarède, XLVII, 1 et L, 1, 2.
L’Ami de la Constitution de l’an 3 (1799), aucun exemplaire retrouvé.

Cahors
L’Observateur du département du Lot (1796-1797), aucun exemplaire retrouvé.

Castres
Journal du département du Tarn (1792), B. M. Castres, Rés. XVIII 2 Y ; Archives nationales, AdxxA 390.

Figeac
Le Censeur (1794), collection particulière.

Montauban
Journal national (1789-1791), B. M. Montauban, RF 44 162.
Nouvelles intéressantes (1790-1793), bibliothèque de la Sorbonne, HFr. 614 (8°).
Journal du Lot (1796-1797), B. M. Montauban, FL 1 769.

Revel
L’Ami des campagnes (1796-1797), aucun exemplaire retrouvé.

Rodez
Journal de l’Aveiron (1796-1797), B. M. Rodez, A 881 et 2 519 ; bibliothèque de la société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, 1 212 et 1 213 ; A. D. Aveyron, PER 877.

Tarbes
Journal du département des Hautes-Pyrénées (devient Journal des Hautes-Pyrénées) (1792-1798), B. M. Tarbes, Rés Y 2 ; A. D. Hautes-Pyrénées, L 648, 8, et 2J 136/2 ; Bibliothèque nationale, 4° Lc 10. 322 (9).
Moniteur du Midi (1793), A. D. Hautes-Pyrénées, L 648, 2-7 et 2 J 136/2 ; A. N., ADxxA 443.
Le Cri des Pyrénées (1797), A. N., F 1 BII, Hautes-Pyrénées.
La Feuille villageoise des Pyrénées (1798), A. D. Hautes-Pyrénées, J, non coté ; A. N., F 1 B11, Hautes-Pyrénées.

Toulouse
Affiches de Toulouse et du Haut-Languedoc (devient Journal du département de la Haute-Garonne, avec plusieurs variantes) (1789-1793), B. M. Toulouse, Rés. B XVIII 130 ; A. M. Toulouse, 1 C 4 ; B. N., 4° Lc 11.976.
Le Nouvelliste national (1789-1791), B. M. Toulouse, Rés. C XVIII 66 et P 13 450 ; bibliothèque universitaire de Toulouse, 59 027 et 50 594 ; bibliothèque de l’institut catholique de Toulouse, ND 112 ; archives de la société des Toulousains de Toulouse, non coté ; B. N., 8° Lc 11.989 (33).
Les Quatre Évangélistes (1790), B. N., 8° Lc 2. 273 bis.
Journal de l’Assemblée électorale du département de la Haute-Garonne (1790), B. M. Toulouse, La C 341 ; A. D. Haute-Garonne, L 4 584, 34-35 ; A. D. Tarn-et-Garonne, Fonds Forestié, 502.
Le Spectateur du Sud de la France (1791), A. D. Gers, L 458 ; B. N., 8° Le 11.989 (58).
L’Homé franc (1791), B. N., 8° Le 11.989 (55).
Annales politiques et militaires de l’Espagne (1793), aucun exemplaire retrouvé.
Journal révolutionnaire de Toulouse (devient Journal révolutionnaire de Toulouse et des frontières d’Espagne, puis Journal de Toulouse et des frontières d’Espagne) (1793-1795), B. M. Toulouse, Rés. B XVIII 130 ; archives de la société des Toulousains de Toulouse, non coté ; B. N., 4° Le 11.989 (78).
L’Anti-Terroriste (1795-1797), B. M. Toulouse, Rés. B XVIII 130 ; B. U. Toulouse, Rés. GZP 1 048 ; A. D. Haute-Garonne, 1 J 1 145, L 4 094, 22, L 4 584, 48 ; A. D. Gers, Fonds Castarède, XLVII, 3 ; B. N., 4° Lc 11.976 (5).
Journal de Toulouse, ou l’Observateur (devient L’Observateur républicain) (1795-1800), B. M. Toulouse, Rés. B XVIII 130 ; B. U. Toulouse, Rés. GRP 1 057 ; A. D. Haute-Garonne, L 2 563, 32, L 4 094, 23, 24 ; A. D. Gers, Fonds Castarède, XLVII, 4 ; B. N., 4° Lc 11.989 (79).
La Feuille villageoise catholique (1796-1797), aucun exemplaire retrouvé.
Le Philosophe catholique (devient Le Conciliateur) (1796), B. N., 8° R 77 855.
L’Orateur français (1797), B. M. Toulouse, Fa C 912 (18).
Le Toulousain (1797), aucun exemplaire retrouvé.
Journal du département de Haute-Garonne (1799), B. M. Toulouse, B XVIII 130 ; A. N., F 7 3 677 (5).

Notes

1 Les historiens de la presse révolutionnaire commencent à s’intéresser davantage à la presse de province ; voir en particulier les ouvrages de Jean-Paul Renaud, C’était dans le journal pendant la Révolution française, Paris, Perrin, 1988, et de Hugh Gough, The Newspaper Press in the French Revolution, Londres, Routledge, 1988, ainsi que l’article du même auteur, « Continuité ou rupture ? Les transformations structurelles de la presse provinciale, 1789-1799 », Annales historiques de la Révolution française, no 273, juillet-septembre 1988, p. 247-253. Il n’existe pas de synthèse sur la presse de l’époque révolutionnaire dans le Midi toulousain, mais celle de l’Hérault vient d’être étudiée par Roland Andréani dans sa thèse, La presse quotidienne de Montpellier des origines à 1914, université de Toulouse-Le Mirail, 1989.

2 Les pratiques politiques en province à l’époque de la Révolution française. Actes du colloque tenu à Montpellier les 18, 19 et 20 septembre 1987, Montpellier, Université Paul-Valéry, 1989, p. 145-197.

3 Ne sont pas comprises dans ce chiffre les rééditions de journaux parisiens, tels que Les Actes des Apôtres (1789-1790) et le Bulletin et Réviseur impartial du pour et du contre (1789-1792) à Toulouse ou le Journal du Concile national de France (1797) à Tarbes, ni les réimpressions du Bulletin des lois effectuées dans plusieurs chefs-lieux de département.

4 C’est-à-dire dans les départements de l’Aveyron, de la Haute-Garonne, du Gers, du Lot, des Hautes-Pyrénées et du Tarn, le Tarn-et-Garonne n’ayant été créé qu’en 1808 et l’Ariège n’ayant pas eu de journal avant 1812.

5 Nous entendons ici par « journalistes » les rédacteurs principaux des journaux, qu’ils en aient été ou non les propriétaires, et qu’ils aient eu ou non des collaborateurs réguliers ou occasionnels.

6 Archives départementales du Gers, L 457.

7 Né à Paris en 1741, Pierre-Nicolas Chantreau avait enseigné le français à l’école royale militaire d’Avila (1767-1782) et composé un Arte de hablar bien francés (Madrid, 1781) qui fit longtemps autorité en Espagne. Au début de la Révolution, qu’il accueillit avec enthousiasme comme le prouve son Dictionnaire national et anecdotique pour servir à l’intelligence des mots dont la langue française s’est enrichie depuis la Révolution (Paris, 1790), il fut employé par le comité d’instruction publique de l’Assemblée constituante et envoyé en mission secrète en Catalogne, d’où il ramena d’intéressantes Lettres écrites de Barcelone (Paris, 1792). En 1793 il s’établit à Castéra-Vivent (aujourd’hui Castéra-Verduzan) et se consacra, à la demande de l’administration du département du Gers, à la propagande révolutionnaire auprès des habitants des campagnes. Nommé en février 1796 professeur d’histoire à l’école centrale d’Auch, il termina sa carrière comme professeur d’histoire à l’école spéciale militaire de Fontainebleau et publia notamment une Science de l’histoire en trois volumes (Paris, 1803-1806). Il mourut à Auch en 1808. Sur ce personnage exceptionnel, consulter Gilbert Brégail, Un apôtre jacobin. Pierre-Nicolas Chantreau, professeur, journaliste, agent secret (1741-1808), Auch, Cocharaux, 1925.

8 François-Alphonse Aulard, Le culte de la Raison et le culte de l’Être suprême (1793-1794). Essai historique, Paris, Alcan, 1892, p. 142.

9 Michel Taillefer, « Les journaux toulousains au début de la Révolution (1788-1793 », dans Les pratiques politiques en province à l’époque de la Révolution française, op. cit., p. 164 [voir infra p. 381-391].

10 Daniel Ligou, La première année de la Révolution vue par un témoin (1789-1790). Les « Bulletins » de Poncet-Delpech, député du Quercy aux états généraux de 1789, Paris, PUF, 1961, p. 7

11 Archives départementales de la Haute-Garonne, B 1874.

12 Plaidoyer prononcé au parlement de Toulouse, le 27 janvier 1790, par Me Roques, avocat, sur la liberté de la presse, s. l. n. d., p. 26. Sur cette affaire, consulter Edmond Lamouzèle, Le premier procès de presse à Toulouse sous la Révolution, Tarbes, Lesbordes, 1922.

13 Jacques Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, Privat, 1986. p. 181-183.

14 Généralement deux fois par semaine, ou deux, trois ou cinq fois par décade ; le Moniteur du Midi de Tarbes (1793) paraissait cinq fois par semaine, Le Nouvelliste national de Toulouse tous les jours sauf le dimanche. On trouve quelques journaux « décadaires » ne paraissant qu’une fois tous les dix jours, et un mensuel, La Feuille villageoise catholique.

15 Les Quatre Évangélistes comptent douze pages, Les Documens de la Raison seize, Le Philosophe catholique de seize à vingt.

16 Archives municipales de Toulouse, 2 I 30.

17 Hugh Gough, art. cité, p. 249.

18 Ibid.

19 Deux quotidiens ont paru à Toulouse sous la Révolution, l’éphémère Journal de l’Assemblée électorale du département de la Haute-Garonne, du 12 au 22 août 1790, et surtout Le Nouvelliste national, du 19 novembre 1789 au 10 mai 1791.

20 C’est-à-dire que les caractères préparés pour l’impression d’une feuille se sont défaits et mélangés.

21 Archives municipales de Toulouse, 1 I 1.

22 Hugh Gough, art. cité, p. 249.

23 Jacques Godechot, op. cit., p. 107.

24 Archives départementales du Tarn, L 1521.

25 Émerand Forestié, Histoire de l’imprimerie et de la librairie à Montauban, Montauban, Forestié, 1898, p. 308.

26 Archives départementales de la Haute-Garonne, L Sup 45, et archives municipales de Toulouse, 2 I 30.

27 Archives départementales du Gers, L 117.

28 Le rédacteur du Journal constitutionnel du département du Gers répondait ainsi, le 1er août 1792, à un administrateur du département qui lui avait reproché de critiquer son action : « Je me crois, Monsieur, le surveillant naturel de l’administration ; c’est le droit d’un journaliste honnête, je dis plus, c’est son devoir [...]. Par la constitution, la censure sur les actes des pouvoirs constitués est permise ; les ministres de cette censure, Monsieur, ce sont les journalistes. »

29 Archives départementales de Tarn-et-Garonne, L 402, et archives communales de Montauban, 4 I 9.

30 Voir plus haut, note 12.

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