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Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution

 | 
Michel Taillefer

Académies et activités académiques

Les conférences académiques de Toulouse au XVIIe siècle

Texte intégral

Les premières conférences (1640-1685)

  • 1 Tibulle Desbarreaux-Bernard, Les Lanternistes. Essai sur les réunions littéraires et scientifiques (...)
  • 2 Bibliothèque municipale de Toulouse, ms. 1840-1841.
  • 3 Alexandre du Mège, Histoire des institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires d (...)

1Faute d’une documentation suffisamment abondante, l’histoire des « réunions littéraires et scientifiques qui ont précédé à Toulouse l’établissement de l’Académie des Sciences1 » comporte encore beaucoup d’incertitudes. Les textes qui s’y rapportent ne concernent en effet que la brève période où la vie académique toulousaine fut la plus intense, de 1688 à 1704. La plupart ont été compilées à la fin du XVIIIe siècle par l’érudit du Mège, dont les Mémoriaux des Lanternistes2 ont été largement utilisés, mais souvent sans discernement, par les historiens de la vie intellectuelle à Toulouse sous l’Ancien Régime3.

2Nous n’avons guère recueilli, sur les sociétés savantes et littéraires qui apparurent à Toulouse dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, d’informations inédites. Mais nous nous sommes efforcé, par une lecture attentive des documents contemporains, de distinguer plus nettement qu’on ne l’a fait jusqu’ici les différentes institutions, en précisant pour chacune d’elles ce que nous savons de son organisation, de son recrutement et de ses activités. Nous avons surtout voulu établir dans quelle mesure elles ont préparé la création de la future académie des sciences, inscriptions et belles-lettres.

3Les premières « conférences académiques », tenues épisodiquement pendant une cinquantaine d’années, n’ont donné lieu à aucune publication imprimée et ne semblent pas avoir laissé de traces dans les dépôts d’archives. Elles nous sont connues cependant par les documents de la période suivante ; mais ces textes, de caractère polémique, ne permettent guère que de dresser une chronologie sommaire et de citer quelques-uns des « Messieurs » qui participaient à ces réunions.

Chronologie

  • 4 L’Académie française, fondée en 1635.
  • 5 Adrien Martel, Réponse à des Mémoires qui ont paru contre l’établissement d’une Académie de belles (...)

4« Le Grand Cardinal de Richelieu, le Mécène de tous les Sçavans, n’eut pas plutôt formé une Académie des plus beaux génies de la France4, que Toulouse fut une des premières à faire paroître l’inclination singulière que ses Citoyens ont toujours eue pour les belles Lettres5 ».

  • 6 Fondateur de l’académie de Castres (1648), Paul Pellisson entra à l’Académie française après en av (...)
  • 7 Jules Marsan, « Éloge de Pellisson », Mémoires de l’académie, 12e série, t. III, 1925, p. 533-543.
  • 8 Rue du Canard (aujourd’hui au numéro 8). Paul Mesplé, Vieux hôtels de Toulouse, Toulouse, Éditions (...)

5C’est en 1640 en effet que « plusieurs beaux esprits » de la ville formèrent deux « Sociétés de gens de Lettres » qui ne tardèrent pas à fusionner. L’initiative en revint à M. de Malapeire, conseiller au présidial, et aux frères Pellisson, fils d’un conseiller à la chambre de l’édit de Castres. Le cadet, Paul, alors étudiant à la faculté de droit de Toulouse, inaugurait ainsi une brillante carrière académique6 dont les débuts furent pourtant bien modestes7. Sans doute, les assemblées qui se tenaient à l’hôtel de Malapeire8 « furent continuées pendant cinq ans avec beaucoup d’éclat » mais elles ne survécurent pas au retour de Pellisson à Castres.

  • 9 Rue Donne-Coraille (aujourd’hui 1, rue Espinasse). R. Mesuret, op. cit., p. 275.
  • 10 Et non 1689, comme l’écrivent du Mège, op. cit., t. I, p. 206, et T. Desbarreaux-Bernard, op. cit.(...)
  • 11 Rue des Augustins (aujourd’hui 7, rue des Arts). R. Mesuret, op. cit., p. 346.
  • 12 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 37.

6En 1667, Jean-Georges de Garaud-Duranti, seigneur de Donneville, président à mortier au parlement, reprit les conférences qu’il accueillait à l’hôtel de Mansencal9. M. de Masade les transporta en 166910 au collège de Foix ; puis on se réunit chez M. de Nolot, trésorier de France11, à partir de 1670. Ainsi les conférences purent-elles « se soutenir pendant plusieurs années avec éclat12 » ; mais elles se dispersèrent de nouveau en 1676.

  • 13 T. Desbarreaux-Bernard, op. cit., p. 71.

7L’abbé Maury les restaura en 1680. Il obtint des capitouls un logement dans une maison appartenant à la ville, place du Pont-Neuf, et put ainsi ouvrir les assemblées au public ; « premier exemple d’un encouragement pécuniaire donné à un corps savant par les édiles toulousains13 ». Malgré le succès de cette tentative, elle ne dura pas davantage que les précédentes et, une fois encore, le départ de leur animateur mit fin aux conférences (1685).

Recrutement

  • 14 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 31-46.
  • 15 T. Desbarreaux-Bernard, op. cit., p. 89.

8Nous ne possédons aucune indication précise sur le contenu de ces « exercices académiques ». Mais on peut en partie le déduire de la personnalité et des travaux des participants, dont Adrien Martel nous a conservé le nom14 et dont le docteur Desbarreaux-Bernard a dressé la liste15.

  • 16 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 33.
  • 17 Contrairement à une légende reprise par du Mège, Pierre de Fermat ne semble pas avoir participé lu (...)

9Ces « beaux esprits » n’étaient guère nombreux : une vingtaine en 166716. Pour la plupart, c’étaient des amateurs, gens du monde et gens de lettres à la fois : magistrats du parlement et du présidial, officiers de finances, avocats, ecclésiastiques, qui consacraient les loisirs de leur profession ou de leur ministère à la culture des lettres, des arts ou des sciences. Nous avons déjà cité M. de Malapeire, qui transmit à son fils, avec sa charge de conseiller au présidial, son goût des assemblées savantes ; le président de Donneville, qui légua sa bibliothèque « remplie de livres très rares » au couvent des cordeliers à condition qu’elle soit ouverte au public ; l’abbé Maury, fécond poète latin. Nommons encore Samuel de Fermat, fils de l’illustre mathématicien17, conseiller au parlement et poète lui aussi ; le conseiller-clerc de Lucas ; Gilbert de Choiseul du Plessis-Praslin, évêque de Comminges ; le père Jean d’Ardenne, docteur en théologie ; les avocats Martel, Massoc et Parisot.

  • 18 Gaston Astre, « Les sciences chez les Lanternistes », Mémoires de l’académie, vol. 132, 15e série, (...)
  • 19 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 40.

10Des savants, « vrais hommes de recherche18 », venus surtout du monde de l’enseignement, assistaient aussi aux conférences ; leur participation indique qu’il ne s’agissait pas seulement de réunions mondaines ou purement littéraires, mais également de foyers vivants de curiosité scientifique. Parmi ces « spécialistes », citons le philosophe Pierre-Sylvain Régis qui diffusait à Toulouse, où il séjourna de 1665 à 1671, la pensée et l’œuvre de Descartes ; le père Emmanuel Maignan, professeur au couvent des minimes, physicien et mathématicien ; et surtout François Bayle, professeur à la faculté des arts libéraux, auteur, selon Martel, d’un « Recueil de plusieurs expériences Phisiques & Mathématiques qui furent faites dans ces Assemblées19 ».

Activités

11On voit combien nous sommes peu renseigné sur ces premières conférences académiques. Nous ignorons tout de leur organisation, de leur fréquence, de leurs règlements. Nous ne pouvons que supposer les thèmes qui y étaient débattus – les questions de littérature et de morale revenaient sans doute plus fréquemment que les problèmes d’astronomie, de physique ou de médecine – et imaginer les motivations de leurs membres : goût mondain des réunions d’honnêtes gens, plaisir de la conversation érudite, curiosité littéraire ou scientifique, et sans doute volonté de travailler à la création d’une véritable académie.

  • 20 A. Martel, Factum pour l’établissement fixe d’une Académie de belles Lettres dans la Ville de Toul (...)
  • 21 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence présentées à Messieurs des Conférences Académiques de Toul (...)

12Nous avons vu que près d’un demi-siècle après la tenue des premières assemblées ce but était loin d’être atteint. Le sort des conférences fut toujours étroitement lié à la présence à Toulouse de quelques animateurs et elles s’interrompirent « toutes les fois que ceux qui [leur] ont voulu prêter azile sont venus à manquer20 » ; « les Muses furent dans les suites errantes chez divers particuliers, qui leur acquirent à la vérité quelque réputation, mais qui ne purent leur procurer un établissement solide & durable21 ».

La société des belles-lettres (1688-1699)

  • 22 Jean Raynal, Histoire de la Ville de Toulouse, à Toulouse, chez J.-F. Forest, 1759, p. 384.
  • 23 Eugène Lapierre, Histoire de l’académie, op. cit., p. 5-37.
  • 24 Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, La presse et l’information à Toulouse des origines à 1789, Toulouse (...)
  • 25 Mme Blanc-Rouquette a justement insisté sur « l’aide précieuse » que représente le Mercure galant (...)

13Tous les historiens qui, de Jean Raynal22 à Eugène Lapierre23 et Marie-Thérèse Blanc-Rouquette24, ont évoqué la vie intellectuelle à Toulouse dans les dernières années du XVIIe siècle, ne mentionnent que deux sociétés académiques : l’académie des jeux Floraux, née de la réforme de l’antique collège de la Gaie Science, qui reçut ses lettres patentes en septembre 1694, et son éphémère rivale la compagnie des Lanternistes, présentée comme l’héritière des conférences académiques inaugurées en 1640 et l’ancêtre direct de la société des sciences fondée en 1729. Pourtant, l’examen attentif des textes contemporains, et notamment le dépouillement des livraisons du Mercure galant de 1689 à 170425, montre que pendant quelques années ce n’étaient pas deux, mais trois sociétés littéraires qui coexistaient à Toulouse.

  • 26 C'est nous qui soulignons.
  • 27 Mercure galant, juin 1698.

Cette grande Ville est célèbre par divers endroits ; mais elle se distingue très particulièrement par la manière dont elle cultive les Sciences. Outre la Compagnie de Messieurs les Lanternistes [...], Toulouse a chez elle, comme vous sçavez, l’illustre Académie des Jeux Floraux [...]. Il y a encore dans la même Ville Mrs de la Société des Belles-Lettres, qui cherchent à perfectionner l’Éloquence, & qui donnent des Prix à ceux qui l’employent le mieux dans des Discours dont ils prescrivent les sujets. Rien n’est plus louable que de voir dans une seule Ville trois Compagnies26 appliquées à faire briller les Sciences & les Belles-Lettres27.

  • 28 Ainsi Mme Blanc-Rouquette écrit, à propos du texte que nous venons de citer : « De cette troisième (...)

14Il convient donc de distinguer la part de cette « Société des Belles-Lettres » et celle des « Lanternistes » proprement dits, jusqu’ici confondues – au prix de quelques incohérences ou d’aveux d’ignorance28 – par les historiens. Il importe surtout de préciser leur rôle respectif dans l’évolution qui aboutira un demi-siècle plus tard à la création de l’académie des sciences.

  • 29 Le long article consacré par le Mercure galant d’octobre 1689 à l’établissement de « l’Académie de (...)

15Constatons tout d’abord que c’est improprement que le nom de « Lanternistes » a été attribué aux gens de lettres qui assistaient aux premières conférences académiques. Ce nom, dont la bizarrerie explique sans doute l’excessive fortune, n’apparaît en effet dans les documents contemporains qu’en 1693, au moment où fut organisé le concours de bouts-rimés, et ne semble pas avoir été utilisé auparavant29. Or, à cette date, les conférences avaient déjà repris leurs activités.

Le rétablissement des conférences académiques

  • 30 Mercure galant, juillet 1694. Voir aussi son portrait dans le numéro d’octobre 1689.
  • 31 T. Desbarreaux-Bernard, « Les petites illustrations lanternistes », Bulletin du bibliophile, 10e s (...)
  • 32 Mercure galant, octobre 1689.
  • 33 Ibid. ; Adrien Martel, Réponse..., op. cit., p. 35.
  • 34 Ibid., p. 46.

16Le mérite de cette renaissance revient à Gabriel de Vendages de Malapeire. Ce magistrat, « l’un des plus sçavans hommes, & l’un des plus beaux esprits de ce siècle30 », est resté célèbre dans les annales toulousaines par l’exceptionnelle ferveur de sa piété pour la Vierge31. Mais son œuvre académique n’est pas moins digne de retenir l’attention de la postérité. Très jeune, il avait assisté aux doctes assemblées animées par son père et par Pellisson32. En 1667, nous le retrouvons dans le cénacle du président de Donneville33. Et c’est lui qui, en 1688, prit l’initiative d’inviter « plusieurs Personnes sçavantes qui en divers tems avaient été les membres de ces anciennes Compagnies de gens de Lettres » à se réunir de nouveau34. Beaucoup répondirent à son appel, en particulier l’avocat Martel dont les pamphlets constituent, pour cette période, notre principale source d’information.

Le projet de création d’une académie de belles-lettres

  • 35 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 1.
  • 36 Recueil de divers Discours et autres pièces d’Éloquence, de Prose et de Vers, prononcez dans les C (...)

17Il y a donc une incontestable continuité entre ces nouvelles conférences et les précédentes : « L’Académie que Mr Pelisson forma dans ses premiéres années a subsisté toujours, quoy qu’elle ait eu quelque interruption de tems en tems ; [...] et c’est la même que Mr de Malepeyre a renouvellée depuis trois ans35. » Mais son entreprise était cette fois plus ambitieuse. Tirant la leçon des échecs passés, il ne voulait pas seulement « redonner à ces anciennes Conférences leur premier lustre », mais leur « procurer un établissement solide36 » ; en d’autres termes, travailler à « l’établissement fixe d’une Académie de Belles-Lettres dans la Ville de Toulouse ».

  • 37 Daniel Roche, Le Siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789(...)
  • 38 Mercure galant, octobre 1689.
  • 39 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 30-35.

18Le nouvel intendant du Languedoc, dont Daniel Roche a souligné le rôle décisif dans la création des académies méridionales37, nourrissait de son côté les mêmes intentions : « Mr de Bâville [...] ayant fait réflexion que dans cette Capitale du Languedoc il y avoit un grand nombre d’esprits nez pour toute sorte de Littérature fit un projet d’Académie au commencement de cette année, où il proposa d’unir l’Éloquence & la Poésie aux plus curieuses recherches de l’Histoire, de la Phisique & des Mathématiques38. » Le moment semblait donc favorable à la naissance d’une institution durable, dont M. de Malapeire et ses amis se préoccupérent de dresser les statuts. Martel nous a conservé les « articles fondamentaux » de leur projet39.

19La nouvelle académie ne pouvait réussir sans la protection d’un grand personnage, influent à la Cour. On songea au duc du Maine, gouverneur du Languedoc depuis 1682 : « Il est Fils du Roy, il est un des plus beaux Princes de son siècle, il a l’esprit grand & élevé & qui aime les belles Lettres. » Il importait aussi de se concilier la plus haute autorité toulousaine, le parlement ; la place de chancelier serait donc réservée au premier président, « s’il avoit la bonté de l’agréer ». La direction des travaux académiques appartiendrait à un vice-chancelier, pris tous les trois mois parmi ses confrères « suivant l’ordre du tableau » : « c’est un moyen seur d’éviter les brigues ». Outre les conférences ordinaires, la compagnie se réunirait une fois par an pour entendre « un discours à la louange du Roy », et elle distribuerait un prix d’éloquence doté d’une médaille d’or « à l’image du Roy d’un côté & [de] la Pallas Tolosaine de l’autre ». Quant au logement et aux ressources de l’académie, on comptait que la générosité des capitouls y pourvoierait, « de sorte que [cet] établissement seroit aisé, si la Ville [lui] fournissait un apartement fixe, & un très petit fonds pour le feu & les autres fraix ». Son budget annuel ne devait pas dépasser 200 livres.

La polémique avec les jeux Floraux

  • 40 Ibid., p. 38.
  • 41 Bartolomé Bennassar, dans Philippe Wolff (dir.), Histoire de Toulouse, Toulouse, Privat, coll. « U (...)
  • 42 Guerre dite de la Ligue d’Augsbourg.
  • 43 Mercure galant, octobre 1689.
  • 44 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 18.

20Ce plan paraissait, comme le souligne Martel, « d’une très facile exécution40 ». Pourtant, trois ans plus tard, il n’avait pas encore abouti. La grave crise financière et économique que traversait alors Toulouse41 ainsi que la guerre qui avait repris au début de 168942 fournissent une première explication de ce retard : comme « la situation des affaires de l’État ne permet pas de penser encore à l’institution de l’Académie dont je vous parle, ceux qui formèrent ces Assemblées se contentent de continuer leurs Conférences & de donner au Public des marques de leur attachement aux belles Lettres, en attendant une occasion plus favorable qui autorise leur établissement43 ». Mais le principal obstacle était ailleurs, dans l’opposition résolue d’une institution à qui son ancienneté, son prestige et ses liens étroits avec le parlement conféraient une grande autorité : le collège de rhétorique. L’hostilité de « Messieurs des Jeux Floraux » s’était déjà manifestée efficacement. Martel lui impute en particulier l’échec de l’abbé Maury : « C’est une maxime politique chez eux d’empêcher le succès des Académies44. » Mais ce n’est qu’après le rétablissement des conférences que la querelle éclata au grand jour, sous la forme d’une petite guerre de pamphlets.

  • 45 Et non 1693, comme l’indiquent du Mège et T. Desbarreaux-Bernard.

21Dès 1689 parurent des Mémoires anonymes, « qui sont à proprement parler un Factum pour les Jeux Floraux », contre le projet de création d’une académie. Un des membres des conférences, Claude-Charles Guyonnet de Vertron, leur répondit en 1691 par une Lettre à M. le Président de Rességuier, l’un des mainteneurs les plus influents. Ces deux pièces n’ont pu être retrouvées, mais nous possédons le Factum pour l’établissement fixe d’une Académie de belles Lettres dans la Ville de Toulouse et la Réponse à des Mémoires qui ont paru contre l’établissement d’une Académie de belles Lettres dans la Ville de Toulouse, publiés par Adrien Martel en 169145 et 1692.

  • 46 François de Gélis, Histoire critique des jeux Floraux depuis leur origine jusqu’à leur transformat (...)

22La virulence de la polémique s’explique si l’on songe que les deux sociétés littéraires ne se disputaient pas seulement l’attention du public toulousain, mais poursuivaient le même but : obtenir les lettres patentes qui les érigeraient en académie royale. Depuis le milieu du XVIIe siècle en effet la décadence profonde de l’ancien collège du Gai Savoir, due à son recrutement par hérédité ou résignation dans le monde parlementaire et à la médiocrité de ses choix poétiques, ne pouvait plus être dissimulée. C’est même à cette décadence que doit être attribué le succès des conférences académiques : à partir de 1640, « tous les hommes d’esprit et de bon sens ont déserté l’un après l’autre le vieux collège de rhétorique, devenu le temple du pédantisme, pour aller s’inscrire aux Lanternistes46 ».

  • 47 Notamment à Arles (1668), Soissons (1674), Villefranche-sur-Saône (1677), Nîmes (1682) et Angers ( (...)
  • 48 F. de Gélis, « Autour de Palaprat », Revue des Pyrénées, t. 21, 1909, p. 180-204, 357-379, 589-607 (...)

23L’idée d’une réforme des jeux Floraux s’imposa donc peu à peu, et l’on songea tout naturellement à les organiser sur le modèle des académies provinciales qui se multipliaient depuis peu47. Un des plus actifs partisans de ce projet fut le poète Jean de Palaprat, maître ès jeux depuis 1674, capitoul et chef du consistoire en 168448. Il s’attacha en cette qualité à « prévenir les gens en faveur de l’établissement de cette Académie » et développa ainsi ses arguments devant ses collègues de la municipalité :

  • 49 Palaprat cite en particulier le premier président Gaspard de Fieubet, le président de Donneville, (...)
  • 50 Conseil des Seize, séance du 4 mai 1684. Cité par F. de Gélis, Histoire critique des jeux Floraux, (...)

Nous voyons quel effet a été l’exemple de ce grand Cardinal de Richelieu qui institua à Paris la célébre Académie qui fait l’admiration de tous les pays étrangers. Arles le suivit de bien près. Nismes et plusieurs autres Villes de ce Royaume en ont fait autant. Il ne faut pas douter que Toulouse n’eût précédé toutes ces Villes si elle n’avoit cru que ses Jeux Floraux lui tenoient lieu d’Académie. [...] Cependant il ne serait pas juste que Toulouse demeurât seule oisive pendant que partout ailleurs on s’occupe si dextrement de la belle matière que donne cet heureux Règne pour exercer l’esprit. Plusieurs personnes ont formé le dessein d’une Académie49 [...]. On pourroit établir une Académie pour toutes sortes d’ouvrages de prose et de vers. Ce seroit aisé pour peu qu’on ajoutât aux Jeux Floraux mêmes, sans en augmenter la dépense, tâchant seulement à la convertir à de meilleurs ouvrages50.

  • 51 Jean de Palaprat, Préface des Empiriques, dans Les Œuvres de M. de Palaprat. Nouvelle édition augm (...)

24Mais les esprits n’étaient pas mûrs, et Palaprat termina son année de capitoulat avec le regret « de n’avoir qu’ébauché, sans l’avoir pu suivre, un projet [...] qui ne fut exécuté que dix ans après »51.

  • 52 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 5.

25L’idée cependant faisait son chemin, officiellement encouragée par l’intendant de Basville « toujours occupé aux moyens [...] de perfectionner les Sciences & les Arts dans cette Province52 ». On comprend dès lors que les mainteneurs se soient opposés avec force au projet de M. de Malapeire de faire de ses conférences le noyau de la future académie ; projet qui, s’il avait abouti, aurait signifié la disparition des jeux Floraux après plus de trois siècles d’existence.

Les pamphlets d’Adrien Martel

26Martel partageait avec Palaprat la conviction que la création d’une académie à Toulouse était à la fois possible et nécessaire.

27Possible, car

  • 53 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 15.

Tolose est remplie de très beaux génies, qui ayment les Lettres pour elles-mêmes & qui attendent l’occasion de paroître dans une Compagnie de gens sçavans & polis, lorsque son établissement sera conclu. [...] On pourroit nommer ici plus de soixante-quinze personnes de toute sorte de condition, qui ayment les belles Lettres & qui ont des talens merveilleux pour être d’une Académie53.

28Nécessaire, pour des raisons de patriotisme local d’abord :

  • 54 Ibid., p. 13.

Il y a des Académies royales à Arles, à Nismes, à Soissons, à Caen, à Angers & à Villefranche, pendant qu’il n’y en a point de fixe dans notre grande Ville. [...] Les plus petites Villes qui ont l’honneur d’avoir de ces sortes de Compagnies se sont rendues considérables, & Tolose, cette Ville si florissante par l’amour de la Justice & par le zèle de la Religion, se verra ravir la gloire des belles Lettres & de la politesse, pour être entêtée de ses Jeux Floraux54 ?

29Nécessaire encore pour des raisons qui tiennent davantage à la mission même des académies de province telle qu’on la concevait alors. Il règne encore à Toulouse « une espèce de barbarie dans le Langage de ses Habitans » ; il faut donc leur permettre de se perfectionner dans « l’éloquence françoise ». Or seule une véritable académie peut leur en donner les moyens.

  • 55 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 24.

Quelque génie que les Tolosains ayent pour les belles Lettres, ils doivent les cultiver par ces sortes de Conférences, [...] dans ces Académies où l’on entretient un commerce d’esprit avec les Personnes qui ont le plus de politesse & d’érudition. [...] Ce sont les voyes asseurées dont l’on se sert dans les Académies pour polir le Langage & pour perfectionner les Sciences, par les Loix sévères d’une juste critique55.

  • 56 D. Roche, op. cit., p. 15.

30Ce souci de purger la langue et la littérature toulousaines de la « barbarie » qui les infectait est caractéristique d’une des orientations majeures des premières académies méridionales, ainsi définie par Daniel Roche : « adhésion à une culture commune, proclamation d’un ralliement aux usages de la capitale, engagement de participer à la diffusion du français, langue des élites, langue du pouvoir56 ». Les constantes références à l’œuvre du « grand cardinal de Richelieu » et aux prestiges du règne de Louis XIV soulignent la fascination qu’exerçait sur les élites languedociennes l’entreprise de centralisation politique et culturelle menée par la monarchie – fascination habilement exploitée par des intendants comme Lamoignon de Basville. Mais il s’agissait en même temps de restaurer les traditions intellectuelles qui avaient fait dans le passé la « gloire » de Toulouse, la ville « palladienne » par excellence.

31Dès l’origine, la conscience académique toulousaine paraît donc déchirée entre le désir de rester fidèle aux valeurs provinciales et la volonté de s’intégrer à l’espace culturel national, celle-ci l’emportant d’ailleurs sur celui-là.

  • 57 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 4.
  • 58 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 12.
  • 59 Ibid., p. 29. Allusion à l’hérédité des places de mainteneur, qui se transmettaient comme des offi (...)

32Palaprat estimait que l’ancien collège de rhétorique pouvait se transformer en académie. C’est ce que conteste Martel, qui trouve, pour démontrer « qu’il n’y a rien de plus inutile que les Jeux Floraux57 », de vigoureux accents de polémiste. Les critiques exprimées dans son premier Factum sont encore modérées ; les jeux Floraux, écrit-il, « ne répondent pas tout à fait au goût du siècle où nous vivons58 » ; « pour être Maître aux Jeux Floraux, il ne faut pas avoir un génie fort étendu, un Esprit joliment tourné suffit pour cela ; un homme sans Lettres & sans Études le peut aisément hériter59 ».

  • 60 F. de Gélis, op. cit.
  • 61 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 9-11.
  • 62 Ibid., p. 17. Allusion aux coûteux festins oferts par la ville aux mainteneurs.
  • 63 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 8.

33La Réponse de 1692 est beaucoup plus violente, mais les abus qu’elle dénonce correspondent bien à la réalité des jeux Floraux au XVIIe siècle60. Les anciens statuts ne sont plus respectés, « depuis que la brigue & la faveur ont eu plus de part, dans la distribution des Fleurs, que le mérite ». Les mainteneurs sont des magistrats « qui achètent ces dignitez », et « le véritable mérite n’est pas une voye fort asseuréé » pour en faire partie61. Les œuvres couronnées sont « tout à fait contraires à la belle Poësie », et « la Fête que l’on fait aux Jeux Floraux » n’est pas « moins inutile que leur Poësie » ; elle occasionne de plus des dépenses aussi excessives qu’injustifiées : « Les Muses, sobres comme elles le sont, ont-elles besoin de ces dépenses superflues62 ? ». Bref, les Toulousains, qui ont meilleur goût que les mainteneurs, « ne prennent ces Jeux que comme des Spectacles, qui servent au divertissement du bas peuple », des écoliers et des enfants63.

  • 64 Ibid., p. 69.
  • 65 Ibid., p. 46-57.
  • 66 Ibid., p. 59. Ce Recueil parut en effet quelques mois plus tard.

34« Pendant que ces Messieurs ne s’assembleront que deux jours de l’année, pendant que tous leurs Exercices consisteront à ouïr réciter de méchans Vers, & que leurs Compositions ne verront pas le jour, auront-ils le droit d’empêcher l’établissement d’une Compagnie où les Exercices doivent être continuels, où la perfection de l’Éloquence & l’étude profonde de toutes sortes de Sciences font les applications des Académiciens64 ? » Prétention d’autant plus insoutenable que cette compagnie existait déjà sous la forme des conférences académiques, « continuées depuis plus de quatre ans avec beaucoup de succès ». Martel peut citer une longue liste de « personnes sçavantes » et de « personnes illustres par leur naissance & recommandables par leurs Ouvrages », qui consacrent « une partie de leur loisir à ces Exercices »65 ; il peut aussi énumérer leurs activités et annoncer la parution prochaine d’un « Recueil de ces différentes Pièces pour les donner au public66 ».

  • 67 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 60.
  • 68 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 19.

35Voulait-il donc « la destruction des Jeux Floraux ? On est bien éloigné d’avoir ces sentimens67 ». Martel et ses amis ne souhaitaient pas, en effet, leur disparition totale, mais la fusion du collège de rhétorique et des conférences académiques au sein de la future académie de Toulouse, où l’on aurait cultivé concurremment la poésie, les belles-lettres et les sciences. C’était le sens de la Lettre à M. le Président de Rességuier de Guyonnet de Vertron, qui proposait d’« allier notre Académie renaissante avec les Jeux Floraux, à la gloire de notre grand Roy68 » ; c’était aussi, nous l’avons vu, l’intention première de l’intendant de Basville.

L’érection des jeux Floraux en académie

  • 69 Jules de Lahondès, « Simon de Laloubère », Revue des Pyrénées, t. 1895, p. 233-263.
  • 70 Cité par F. de Gélis, op. cit., p. 154.
  • 71 J. de Palaprat, op. cit.
  • 72 Alexandre du Mège, Histoire des institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires d (...)

36Pourtant, c’est en faveur des jeux Floraux seuls que Louis XIV, conseillé en cette affaire par le diplomate toulousain Simon de Laloubère69, allait trancher. Les lettres patentes du 26 septembre 1694, « ayant égard à l’utilité et à l’ancienneté d’un établissement si honorable aux Belles-Lettres, dont la réputation s’est étendue depuis près de trois siècles chez les étrangers », rétablissent en effet « les assemblées ordinaires desdits Chancelier et Mainteneurs en forme d’Académie »70. Il y eut des Toulousains pour regretter « la poésie en langue romane » et déplorer la « froideur » et le « sérieux » de la nouvelle académie71 qui n’était plus en effet, selon l’expression d’Alexandre du Mège, que « la copie décolorée de l’institution dont Richelieu avait jeté les bases72 ». Mais cette réforme où triomphait le modèle parisien assura la pérennité des jeux Floraux, alors qu’elle condamnait à terme les conférences de M. de Malapeire.

  • 73 Mercure galant, mai 1699.

37Celles-ci, cependant, ne disparurent pas immédiatement. Sous le nom de « Conférences académiques » ou de « Société des Belles-Lettres de Toulouse », elles se réunirent au moins jusqu’en 169973. La polémique qui les avait opposées aux jeux Floraux ne semble pas avoir altéré leurs relations pendant les quelques années où les deux institutions coexistèrent : une dizaine de membres de la société figurent en effet sur la liste des mainteneurs nommés par le roi en 1694, et parmi eux M. de Malapeire.

  • 74 J. de Lahondès, art. cité, p. 249-254.

38La querelle avec les jeux Floraux n’est que l’épisode le plus connu de la brève histoire des conférences académiques74. Elle ne doit pas faire oublier leurs activités ordinaires, sur lesquelles nous possédons une documentation assez abondante.

Le recrutement de la société des belles-lettres

  • 75 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 58.
  • 76 C’était le frère de l’auteur dramatique Jean-Galbert de Campistron, qui ne semble pas avoir partic (...)

39Nous connaissons les noms de la plupart de ses membres. Le Mercure galant d’octobre 1689 en fournit une première liste, complétée dans la Réponse de Martel. Plusieurs « avoient donné déjà des preuves signalées de leur Éloquence dans la Chaire & dans le Barreau75 » : le P. Gabriel de Blandinière, provincial de l’ordre de la Merci, prédicateur du roi ; Louis de Campistron, professeur de rhétorique au collège des jésuites, auteur d’oraisons funèbres et de poésies76 ; le chanoine Compaing, qui concourut plusieurs fois pour le prix d’éloquence de l’Académie française ; l’abbé Guillemot, ancien collaborateur du P. Maignan ; le chanoine de Rocoles, historiographe du roi, auteur de nombreux ouvrages d’histoire et de controverse ; l’abbé de Saint-Ussans, qui procura en 1689 un Supplément au Grand Dictionnaire historique de Moréri ; les avocats Martel, de Montaudier et de Richebourg.

  • 77 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 58.
  • 78 Simon de Laloubère, Du royaume de Siam, Paris, J.-B. Coignard, 1691, 2 vol. in-8°.

40D’autres « avoient montré leur pénétration dans l’Histoire & dans les Antiquités, dans la Phisique & dans les Mathématiques », et « par différens voyages dans les Païs étrangers avoient acquis la connoissance de plusieurs langues & lié un commerce étroit avec des sçavans »77 : François Bayle, auteur de nombreux ouvrages de physique et de médecine ; Simon de Laloubère, que sa récente ambassade auprès du roi de Siam (1687-1688) venait de rendre célèbre78 ; Guillaume Marcel, ancien consul auprès du dey d’Alger, auteur de chronologies estimées ; Jean de Palaprat et Nicolas de Péchantré, dont les pièces se jouaient alors sur la scène du Théâtre-français.

41Sur une quarantaine de membres de la société, neuf étaient des nobles sans profession et huit des officiers de justice ou de finances.

  • 79 Selon D. Roche, op. cit., t. II, p. 54, la bourgeoisie occupait au sein des « Lanternistes » une p (...)
  • 80 Leur nombre fut porté à quarante par les lettres patentes de mai 1725.

42L’aristocratie toulousaine, symbolisée par le parlement, était donc moins représentée que les « talents » issus de la bourgeoisies : huit ecclésiastiques, surtout réguliers, dix avocats et trois médecins79. La liste des jeux Floraux fait apparaître à la même époque un recrutement beaucoup plus étroit et toujours dominé par les parlementaires : en 1694, vingt et un des trente-cinq mainteneurs80 sont des officiers de justice ou de finances, dont plusieurs présidents au parlement ; sur quatre ecclésiastiques, il y a deux évêques ; on ne compte que trois avocats et un médecin. Il semble donc que l’existence des deux sociétés ait correspondu à un certain clivage au sein de l’élite toulousaine, l’académie des jeux Floraux se recrutant au sommet de la hiérarchie sociale et celle des belles-lettres dans un milieu plus large, plus varié, et sans doute plus ouvert aux innovations littéraires et scientifiques.

L’organisation matérielle

  • 81 Mercure galant, novembre 1689.

43Nous ignorons si les statuts projetés en 1688 furent effectivement appliqués. La société des belles-lettres ne semble pas avoir eu de chancelier ni de directeur ; sans doute son « principal membre » et « doyen », M. de Malapeire, jouait-il ce rôle. Mais sa cheville ouvrière fut sans conteste son « digne secrétaire », Adrien Martel81. Quant aux ressources financières qu’exigeait en particulier la dotation des concours, elles provenaient vraisemblablement de la générosité de quelques associés fortunés.

  • 82 Ibid., octobre 1689.
  • 83 Près du collège de Périgord, rue du Taur (Robert Mesuret, Évocation du vieux Toulouse, op. cit., p (...)
  • 84 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 48.
  • 85 Mercure galant, juin 1694.
  • 86 Ibid., juillet 1696. L’hôtel de Mondran était situé Grande-Rue des Carmes, actuellement 11, place (...)
  • 87 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence présentées à Messieurs des Conférences académiques de Toul (...)

44La compagnie n’ayant pu obtenir que la ville lui fournisse un logement, elle se réunissait d’ordinaire chez un de ses membres. En 1689, les frères de Carrière – un écuyer, un prêtre, un avocat82 – lui offrirent « l’appartement le plus propre & le plus commode de leur belle maison »83. C’était une salle lambrissée, décorée de tableaux et de miniatures « de la main de plusieurs fameux peintres de France & d’Italie », ayant vue « sur un très beau jardin rempli d’un très grand nombre d’arbres fruitiers & de très rares fleurs, bordé de caisses d’orangers, de citronniers & de limonniers », et orné d’un bassin « avec un trython qui vomit une grande quantité d’eau »84. Ce « musée » abritait encore les assemblées ordinaires en 169485 ; mais en 1696 elles se déroulaient chez Guillaume de Mondran, trésorier de France86. Quant aux assemblées publiques et aux distributions des prix, elles avaient lieu à l’hôtel de Malapeire, « dans une sale vaste & magnifique où les anciennes Conférences avoient commencé & où Mr Pelisson avait porté son premier Discours87 ».

Les conférences ordinaires

  • 88 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. XII, et Mercure galant, octobre 1689.

45Les séances ordinaires se tenaient pendant neuf mois de l’année, « régulièrement une fois chaque semaine », et duraient « trois heures »88.

  • 89 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. XIII.

On les commence par la lecture de petits Ouvrages en Prose & en Vers, dont la plus part sont à la gloire de notre invincible Monarque, & par des remarques que l’on fait sur la Langue Françoise ; ensuite chacun y prononce à son tour une Pièce d’Éloquence, autant qu’il se peut sur une question problématique, où il fait le rapport & l’analise du discours soumis à la critique, qui est l’âme de ces exercices ; l’on termine ces Conférences par l’examen des traductions que l’on y fait en notre Langue, ou par des Dissertations fort curieuses sur la Phisique & sur l’Histoire89.

  • 90 Ibid., p. XV.

46Le Recueil de divers Discours et autres pièces d’Éloquence, de Prose et de Vers, prononcez dans les Conférences académiques de Toulouse, publié en 1692 pour « prévenir le public en faveur de ceux qui composent l’Académie renaissante, par des écrits où l’on donne quelques preuves de leur politesse & de leur érudition90 », permet de préciser les thèmes qui retenaient l’attention des participants. On y trouve d’abord plusieurs pièces de circonstances : l’Éloge du duc du Maine prononcé le 8 février 1691 par Jean de Montaudier pour remercier le gouverneur du Languedoc de la « protection puissante » qu’il accordait à la société ; une Fable où ses démêlés avec les jeux Floraux sont poétiquement évoqués ; l’Éloge du Roy, prononcé par Montaudier le 14 mai 1692 ; une Épître à M. de Malapeire.

47Les autres textes représentent chacun un des principaux domaines cultivés par la compagnie, éloquence, morale, religion, histoire et physique : Discours académique sur ces Paroles prescrites par l’Académie Françoise pour le Prix de l’Éloquence : Zelus domus tuæ comedit me ; Dissertation morale : Quels philosophes ont fait profession d’une vertu plus solide, ou les Stoïciens, ou les Épicuriens ; Discours académique sur ces paroles du Cantique de la Vierge : Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes, quia fecit mihi magna qui potens est ; Dissertation historique : Si Dom Sébastien roy de Portugal mourut à la bataille d’Alcazar, ou s’il survécut à sa défaite ; Dissertation phisique sur la nature de l’Air & ses propriétez.

  • 91 Adrien Salvan, Histoire générale de l’Église de Toulouse, depuis les temps les plus reculés jusqu’ (...)
  • 92 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 59.

48M. de Malapeire prononça devant les conférences un Discours sur l’Immaculée Conception, un Discours sur l’assomption de la Vierge, une Dissertation sur la nature de la dévotion, un Discours sur la nature de l’ode91. Martel nous apprend qu’elles ont aussi « examiné plusieurs Expériences touchant l’Optique, & sur la Pesanteur de l’Air92 ». Le Mercure galant d’octobre 1689 précise qu’« on y a fait des dissections anatomiques. On y a examiné le sens de la veue et son objet, qui est la lumière ; on y a fait des dissertations sur les endroits les plus difficiles de l’Histoire & de la Chronologie touchant les premières époques, & enfin on s’est attaché à des questions fort utiles, la plupart tirées de la Morale ». Le même article donne la liste des sujets « les plus curieux » abordés en 1689 ; les problémes de morale y dominent en effet largement :

  • 93 On remarquera la formulation « problématique » de ces sujets.

Si les femmes sont aussi propres que les hommes pour réussir dans les Sciences ; Laquelle de toutes les Sciences est la plus utile & la plus nécessaire dans un Estat ; Si l’on peut plus facilement résister au plaisir qu’à la douleur ; Lequel est le plus à souhaiter, de posséder les richesses ou d’estre Sçavant ; Lequel est le plus utile, ou de bien écrire, ou de parler juste ; Si celuy qui peut pousser sa fortune fait mieux de vivre dans une condition médiocre que de s’élever au-dessus de son estat ; Lesquels sont les plus propres pour réussir dans les Sciences, ou les Mélancholiques ou les Enjouez ; Laquelle de ces deux Disciplines a de plus grands avantages, ou l’Éloquence ou la Poësie93.

  • 94 Mercure galant, juin 1694.
  • 95 Ibid., octobre 1689.
  • 96 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. 113.
  • 97 Léon Dutil, « Le bicentenaire de l’académie », Mémoires de l’académie, 13e série, t. VII, 1945-194 (...)
  • 98 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. 21.
  • 99 Mercure galant, mai 1699.

49On voit que les partisans des conférences académiques avaient raison de souligner, face au registre limité des jeux Floraux, la variété et l’étendue de leurs curiosités. Sans doute l’« éloquence » – prose, poésie, critique littéraire – était-elle « leur principale occupation94 », et « la pureté de la langue Françoise [...] le but principal de ces exercices95 » ; sans doute le médecin Bayle devait-il assortir la lecture de sa dissertation sur la nature de l’air de ces précautions oratoires : « J’avoue, Messieurs, que mon discours ressemble mal à tous ceux qu’on a accoutumé d’entendre en ces lieux, & qu’il n’a pas cette éloquence qu’on admire tous les jours dans vos sçavantes productions96 ». Il n’en reste pas moins que la société des belles-lettres, inaugurant à Toulouse une tradition qui s’épanouira à l’époque des Lumières, faisait une large place à la philosophie, à l’histoire et aux sciences, et ne se limitait pas comme on l’a cru longtemps à de simples « réunions littéraires97 ». C’était son originalité, et elle ne manquait pas d’y insister. Ainsi l’auteur de la dissertation morale citée plus haut : « C’est avec beaucoup de sagesse & de discernement que vous avez établi que la Phisique, l’Histoire & la Morale serviront de matière à ces Conférences98 ». Ainsi encore le programme du concours de 1699 : « La Société des Belles-Lettres continue à s’appliquer depuis 1688 à l’Éloquence & à la critique des anciens. Mais elle ne se borne pas à ces seules connaissances, quoy que également utiles & agréables ; elle s’attache aussi aux découvertes de la Phisique99. »

Les séances publiques

  • 100 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. XII.
  • 101 Mercure galant, octobre 1689.
  • 102 Ibid., juin 1692.
  • 103 Ibid., juillet 1694.
  • 104 Ibid., juillet 1696. Au cours d’un voyage en Italie, Adrien Martel avait assisté aux travaux de pl (...)
  • 105 En septembre 1692 le prince héritier de Danemark, de passage à Toulouse où il fut reçu « par ceux (...)

50La société tenait deux assemblées publiques chaque année, « à l’ouverture & à la clôture des Conférences ». « L’on y prononce les Panégyriques de la Mère de Dieu & du Roy, qui sont suivis des vers qu’on a composez sur l’un & l’autre sujet ; & l’on y invite les personnes les plus distinguées pour rendre ces actions plus solennelles100 ». C’est au cours d’une séance publique de 1689 que Jean-Baptiste de Rocoles prononça l’éloge funèbre de la reine Christine de Suède, « devant une Compagnie de cent personnes, tous gens choisis, Jésuites, Abbez, Conseillers du Parlement & autres » ; il y fit encore « un fort beau Discours sur les avantages qu’on peut retirer de l’établissement des Académies », et un éloge latin de M. de Malapeire101. Le 14 mai 1692, pour l’anniversaire de l’avènement de Louis XIV, Jean de Montaudier lut le panégyrique publié dans le Recueil, « en présence de plusieurs personnes d’un rare mérite », dont un membre de l’académie de Nîmes102. L’année suivante, Adrien Martel fit « l’Éloge de Mr Pelisson [...] avec qui il entretenoit commerce de lettres103 », et en 1696 il prononça un discours « à la gloire des Académies d’Italie » reproduit par le Mercure galant104. C’est aussi en séance publique qu’étaient couronnés les lauréats des concours organisés par la société105.

Les concours

  • 106 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. VII.
  • 107 Proposé par Jean de Palaprat, selon F. de Gélis, art. cité.
  • 108 Le choix de ce sujet traduit sans doute aussi la lassitude des élites toulousaines devant la pours (...)
  • 109 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. VIII.
  • 110 C’était le frère du chanoine Compaing, membre de la société.

51En 1694, pour affirmer la vitalité de la société au moment où les jeux Floraux s’appêtaient à recevoir leurs lettres patentes, « ceux qui avoient rétabli ces Conférences concertèrent de donner un Prix d’Éloquence à celui qui feroit le meilleur Discours sur le sujet qu’ils avoient marqué106 ». Ce sujet107 était très proche par son esprit du concours de bouts-rimés des Lanternistes, qui suscitait alors un vif intérêt ; l’éloge de Louis XIV, de ses vertus morales et de sa politique extérieure en fournissait la matiere : « Sur la Modération du Roy, qui est prêt à sacrifier sa propre gloire au repos de l’Europe par les offres de Paix qu’il fait à ses Ennemis, dans le tems où ses Conquêtes & ses Victoires promettent à ses Armes des progres encore plus glorieux »108. Le Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence présentées à Messieurs des Conférences Académiques de Toulouse nous apprend que les concurrents furent nombreux, et que « les Dames même se sont fait honneur d’entrer dans une lyce si glorieuse109 ». Il contient les cinq meilleurs envois, dont ceux de l’abbé Compaing, prébendier de l’Église métropolitaine de Toulouse, qui reçut le prix110, du R. P. Cléric, professeur de philosophie au collège des jésuites de Montpellier, et d’Élie Cheiron, avocat au présidial de Nîmes et membre de l’académie de cette ville.

  • 111 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. X.
  • 112 Mercure galant, juillet 1694.
  • 113 Allusion transparente à l’ambition de la société des belles-lettres de supplanter les jeux Floraux
  • 114 Cette médaille est reproduite dans T. Desbarreaux Bernard, op. cit., p. 80.

52La cérémonie de distribution du prix eut lieu le 1er juillet 1694 à l’hôel de Malapeire « en présence d’une très nombreuse assemblée composée de ce qu’il y avoit à Toulouse de l’un & de l’autre sexe de plus poli & de plus distingué111 ». Le secrétaire Martel prononça « un fort beau Discours sur l’Éloquence » qui était aussi un éloge des académies de province ; « il ajouta que c’estoit dans ces Académies que l’Éloquence se purifioit & se conservoit112 ». Puis l’abbé de Tournier fit la lecture du discours victorieux. « L’Auteur qui en avoit esté averti la veille par le bruit public estoit présent à l’Assemblée. » Il reçut donc son prix, constitué par une médaille d’or d’un valeur de douze louis, représentant au droit l’effigie en buste de Louis XIV avec la légende Ludovico Magno Semper Invicto Europæ Pacem Pie Offerenti, et au revers la Pallas toulousaine avec une corne d’abondance et ces mots : Olim Flores nunc Fructus113 ; on y lisait encore : Restauratores Cæterum Academicorum Dederunt Tolosæ Kalendas Julii MDCXCIV114.

  • 115 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. XII.
  • 116 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence et de Poésie Présentées à l’Académie des Jeux Floraux de T (...)

53Le Recueil de 1694 avertissait le public que « l’on continuera de donner les années suivantes un semblable prix d’Éloquence115 ». Mais depuis leur érection en académie les jeux Floraux distribuaient, outre les prix de l’ode, du poéme et de l’idylle, un prix d’éloquence doté de l’églantine d’argent116. La société des belles-lettres ne crut pas devoir empiéter sur le monopole littéraire et poétique reconnu à sa rivale par ses lettres patentes, et elle renonça à son projet. Mais elle pouvait proposer au public des sujets d’histoire ou de physique, disciplines qu’elle était seule à cultiver à Toulouse. Nous connaissons en effet l’existence de trois de ces concours, dont les programmes furent publiés par le Mercure galant mais qu’aucun historien des « Lanternistes » n’a, semble-t-il, mentionnés.

  • 117 Mercure galant, janvier 1696.
  • 118 Ibid., mai 1699.

54En 1696, la société fait annoncer qu’elle distribuera « deux médailles d’argent. [...] La première sera adjugée à celuy qui fera avec le plus de justesse le Récit Historique de la conjuration de Pazzi de Florence. La deuxième sera donnée à celuy qui montrera avec le plus de solidité quelle est la véritable cause de la chute des corps pesans117 ». En 1698, un prix de physique dont nous ignorons le sujet fut décerné au P. Charles Saguens, « éléve de l’illustre Père Maignan ». En 1699 enfin, le programme rappelait d’abord l’intérêt des Toulousains pour le progrès des sciences : « Lors donc que tout semble aller de concert pour perfectionner la Phisique, la Société des Belles-Lettres se trouve plus engagée que jamais à proposer un prix en faveur de celui qui traittera le mieux ce problème, Pourquoi l’air est quelquefois aussi froid dans le fort de l’été qu’il pourroit l’être dans le fort de l’hiver118. »

  • 119 Ibid.
  • 120 C’est ainsi qu’Aurélien Vivié écrit que « l’académie de Bordeaux a fondé en 1714 le premier prix d (...)

55Ce prix était constitué par une médaille d’argent, représentant toujours d’un côté la Pallas de Toulouse, et de l’autre « une Ruche d’abeilles renversée à travers laquelle paraissent les rayons de miel, avec ces paroles : Condita Labore, qui en sont l’âme119 ». Il est probable que ces concours ne rencontrèrent dans le monde savant qu’un faible écho. Ils n’en demeurent pas moins à notre connaissance les premiers concours académiques consacrés en France à des sujets scientifiques, celui de l’académie de Bordeaux, généralement considérée comme pionnière dans ce domaine, n’ayant été organisé qu’à partir de 1714120. Innovation qui souligne la place éminente reconnue aux sciences dans les activités de la société toulousaine.

Les activités scientifiques des conférences académiques

  • 121 G. Astre, « Les Sciences chez les Lanternistes », art. cité.

56À l’exception d’un bref article de Gaston Astre121, les activités proprement scientifiques des conférences académiques n’ont gère retenu l’attention des historiens. Il est vrai que le seul document permettant de les appréhender directement, la Dissertation phisique insérée dans le Recueil de 1692, ne suffirait pas à fonder une telle étude. Mais à défaut de pouvoir reconstituer les communications, les débats et les expériences qui occupaient certaines conférences, nous pouvons analyser les ouvrages de quelques-uns de leurs membres ; cette approche indirecte nous permettra de déterminer l’orientation et d’évaluer le niveau des travaux scientifiques de la compagnie. Parmi les associés qui se sont particulièrement intéressés aux sciences, nous avons choisi un « amateur », Gabriel de Vendages de Malapeire, et un « spécialiste », François Bayle.

Le traité De la nature des Comètes de Gabriel de Vendages de Malapeire

  • 122 T. Desbarreaux-Bernard, « Note bibliographique concernant les ouvrages de M. Vendages de Malapeire (...)
  • 123 À Tolose, par Arnaud Colomiez, 1665, in-8°, VIII-230 p.

57L’œuvre de M. de Malapeire est presque exclusivement d’inspiration religieuse122. Mais il publia aussi en 1665 un traité De la nature des Comètes123 qui témoigne de solides connaissances astronomiques et révéle un esprit entièrement acquis au rationalisme scientifique.

  • 124 Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, 1680-1715, Paris, Gallimard, coll. « Idées », n(...)

58On sait que l’apparition des comètes, en cette deuxième moitié du XVIIe siècle, était encore généralement interprétée comme l’annonce de calamités publiques envoyées par Dieu pour châtier les hommes124.

  • 125 Malapeire, De la nature des Comètes, p. 218.

Il y a très peu de personnes dans le monde qui ne soient persuadées que les Comètes présagent de grandes infortunes, et que ces apparitions funestes sont les marques visibles de la colère de Dieu. [...] N’avons-nous pas veu nous-mêmes qu’en l’an 1656 ces Prédictions épouvantables qu’on avoit publiées sur cette grande Éclipse du mois d’aoust, obligèrent presque toutes les personnes d’une conscience timorée d’avoir recours au Sacrement de la Pénitence125 ?

59Une comète qui parut dans le ciel de Toulouse de décembre 1664 à février 1665 donna lieu à de nouvelles manifestations de crédulité qui incitèrent Malapeire à faire paraître son ouvrage.

L’« Avis au lecteur »

  • 126 Ibid., p. XIV.
  • 127 Ibid., p. 8. Malapeire emploie le mot « comète », ainsi que « planète », au masculin.
  • 128 Ibid., p. 84.

60Dès l’« Avis au lecteur », le ton est donné : « Les esprits vulgaires qui se persuaderont, dès qu’ils entendront parler de Comètes, que c’est un ouvrage remply de figures, de secrets & de prédictions où l’on doit montrer tout ce qui doit arriver de plus merveilleux jusques à la fin des Siècles, n’y voyant rien de pareil, se mettront fort en colère contre l’Autheur126. » Celui-ci, en effet, n’entend parler ni en « astrologue » ni en « faiseur d’almanach », mais en « philosophe », c’est-à-dire en véritable savant : « J’ay donc mieux aimé paroistre icy comme un Phisicien, & par les accidens qu’on a remarqués dans ce Comète & qui sont inséparables de tous ceux qu’on a veus jusques icy, tâcher de découvrir quelque chose en général de la Nature de ces Astres, qui auprès de ceux que nous voyons errer régulièrement, ne peuvent passer que pour fort extravagants127. » Lutter contre les superstitions populaires suscitées par les comètes, réfuter les opinions erronées émises à leur sujet tant par les Anciens que par les Modernes, déterminer leur nature exacte : tels sont ses objectifs. L’entreprise, reconnaît-il, peut paraître présomptueuse, mais y renoncer serait douter de la toute-puissance de la raison : « Je vous ennuyerois sans doute, si je m’amusois à combattre toutes les différentes opinions qui ont été proposées sur cette matière. [...] Si je prétens m’y opposer, tout foible que je suis, ce n’est qu’avec des armes toujours victorieuses, qui sont celles de la raison128. »

61Malapeire ne s’attarde guère sur les croyances superstitieuses répandues dans le peuple ; la « philosophie » – entendons la science – en a définitivement montré l’inanité, et les esprits éclairés se sont libérés des vaines terreurs qui agitent encore les ignorants.

  • 129 Ibid., p. 1-3.

C’estoit une opinion établie depuis plusieurs Siècles dans l’esprit des hommes que les Comètes menaçoient les Princes & les Roys ; & tout le monde avoit cru jusques icy que la naissance imprévue de ces Astres bizarres estoit toujours fatale aux testes couronnées. [...] Cette frayeur ayant dans la suitte du tems jetté de plus fortes racines avoit facilement passé dans les Âmes vulgaires, & les Peuples ne croyoient pas estre en seureté, quand leurs Souverains estoient dans l’épouvante. [...] Mais enfin par les secours de la Philosophie ces terreurs publiques sont entièrement dissipées. [...] Les Lumières éclatantes dont cette noble Science remplit nos esprits ont enfin éclipsé ces sombres clartés, & dissipant les ténèbres de notre imagination, ont chassé de notre cœur des passions si pernicieuses. Ce sont les seuls Philosophes qui ont fait comprendre à tout le monde qu’on s’estoit alarmé vainement, & qu’au lieu de ces tristes pensées nous ne devions avoir pour ces nouvelles apparitions que de l’admiration & de la curiosité129.

  • 130 Pierre Bayle, Lettre à M. L. A. D. C., docteur de Sorbonne, où il est prouvé par plusieurs raisons (...)
  • 131 Malapeire, op. cit., p. 4.

62Sans doute ce beau texte pèche-t-il par excès d’optimisme : une quinzaine d’années plus tard, à l’occasion de la comète de 1680, la grande voix de Pierre Bayle devra encore s’élever pour prouver « que les Comètes ne sont point le présage d’aucun malheur130 ». De même était-il excessif d’affirmer, en 1665, qu’une « véritable & solide Science » (l’astronomie) avait démontré « la fausseté de la Judiciaire » et fait tomber les astrologues « dans le dernier mépris »131. Mais comment ne pas reconnaître ici l’esprit et le vocabulaire même qui caractériseront un siècle plus tard les Lumières triomphantes ?

Les différents chapitres

63La plus grande partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse et à la réfutation des principales doctrines concernant les comètes. Après avoir situé ces météores dans l’univers et décrit « les accidens & les propriétés des Comètes », Malapeire évoque ainsi « l’opinion d’Aristote & de ses Partisans », « le sentiment de Galilée », « les opinions de ceux qui ont mis les Comètes dans les Cieux, par une véritable production », et celles « de ceux qui ont dit que les Comètes estoient des Corps aussi anciens que le monde ».

64Le chapitre suivant expose « l’opinion la plus vray-semblable de la Nature des Comètes ». Pour Malapeire, « ces Astres si funestes ou si bizarres ne sont autre chose que des Planètes qui rouloient autour de quelque Estoile, & qui se détachant de leur Sistème & passant dans le nostre, s’approchant de nous & se faisant voir à la Terre, deviennent les sujets de nos craintes, de nos discours & de notre admiration ».

  • 132 Ibid., p. 170.
  • 133 Ibid., p. 192.

65Théorie simple et claire, qui a encore l’avantage, selon lui, de fournir « une explication aisée de toutes les propriétés & de toutes les circonstances que nous avons remarquées dans les Comètes132 », et en particulier de la plus déroutante, leur course irrégulière et imprévisible à travers le firmament. Un dernier chapitre traite enfin du « faux rayon des Comètes », « ces queues, ces barbes & ces chevelures » qui leur ont donné leur nom. Pour Malapeire, la queue des comètes n’en fait pas partie ; elle n’est « qu’une apparence », formée par les rayons du soleil « réfléchis et rompus par la diversité des petits Corps dont la teste est composée »133.

  • 134 Bien fragmentaires et incertaines encore, comme l’ont montré les débats suscités par l’apparition (...)
  • 135 Encyclopédie, article « Comète », t. III, 1753, p. 672-678.

66Par rapport aux connaissances actuelles134, ces idées peuvent paraître simplistes et en plusieurs points erronées. Mais il en allait autrement au regard de la science de l’époque. Il est significatif par exemple que le développement consacré par d’Alembert, dans l’Encyclopédie, à la nature des comètes, suive la même démarche et aboutisse aux mêmes conclusions que le traité toulousain paru près d’un siècle auparavant, réfutation des « opinions étranges que les anciens avoient de ces astres » et des « foibles conjectures de la plupart des auteurs modernes », exposé de la doctrine de Newton, selon laquelle « les Comètes sont des corps solides, fixes & durables, en un mot une espèce particulière de planètes, qui se meuvent librement & vers toutes les parties du ciel dans des orbites très excentriques135 ». Seul point notable de divergence, la composition de la chevelure : pour Newton, il ne s’agit pas d’apparence, mais de « vapeurs » formant autour du noyau une véritable « atmosphère ».

La conclusion

  • 136 Malapeire, op. cit., p. 221.
  • 137 P. Hazard, op. cit., p. 207-238.
  • 138 Ibid., p. 213.

67La conclusion de Malapeire s’intitule Réflexions chrestiennes. Il y exprime l’espoir que son ouvrage pourra servir à « désabuser beaucoup de gens » de leurs croyances irraisonnées à l’égard des comètes : « puisque ces Astres sont des Corps aussi anciens que le Monde & très peu différens de nos Planètes ordinaires, l’on peut avoir appris que leur apparition ne vous doit pas épouvanter davantage que tous les autres effets qui sont purement naturels136 ». Il s’inscrit donc nettement dans le mouvement de « négation du miracle » qui culminera avec les œuvres de Pierre Bayle et de Fontenelle137. Mais si l’auteur des Pensées diverses sur la Comète passe insensiblement de la condamnation de la superstition à la « glorification de l’athéisme138 », Malapeire, dont le traité est dédié à « la Très-sainte et Très-immaculée Mère de Dieu », n’entend pas opposer la science à la théologie, la foi à la raison : « Un Chrestien & un Philosophe sont obligés également de dire toujours la vérité » ; la morale « est si fort jointe à la Phisique qu’il seroit aussi malaisé de les séparer que d’empêcher la communication de notre esprit avec notre cœur ». Mais il y a plus : les vérités que la science seule peut nous découvrir sur l’organisation et le fonctionnement de la Création, bien loin de contredire les enseignements de la foi, ne peuvent que les renforcer – aux yeux des personnes cultivées tout au moins :

  • 139 Malapeire, op. cit., p. 221 et 223.

Que la Foudre, les tremblemens de Terre, que les Éclipses, que les Comètes si vous voulez touchent l’esprit du peuple grossier & ignorant ; les personnes intelligentes ne considèrent que l’immense étendue de l’Univers, que le nombre innombrable des Corps qui le composent, que la grandeur inconcevable de ces Globes lumineux & opaques, & que les mouvemens admirables de ces merveilleuses machines. [...] Rien ne peut mieux vous faire connoistre la grandeur de Dieu, & vous donner pour luy des sentimens de respect & d’adoration plus solides & plus profonds, que la grandeur prodigieuse de l’Univers ; & vous aurez sans doute remarqué que rien ne sçauroit établir plus fortement l’étendue immense de cet Ouvrage incomparable que les Comètes139.

  • 140 Ibid., p. 226.

68Argument en faveur de l’athéisme chez Bayle, celles-ci constituent pour Malapeire une des preuves les plus éclatantes de l’existence de Dieu. Et comment ne pas songer, en lisant les dernieres lignes de son livre, aux plus fortes pages de Pascal ? « Voyant que la Terre n’est qu’un point dans notre Sistéme, apprenons à la mépriser ; enfin si tout notre Sistème est si peu de chose à l’égard de l’Univers, admirons un Ouvrage si magnifique ; & puisque ce grand Tout n’est qu’un néant auprès de Dieu, adorons & bénissons à jamais sa Puissance infinie & sa Grandeur incomparable140. »

L’œuvre de François Bayle

  • 141 Institut de France. Index biographioue des membres et correspondants de l’Académie des sciences, d (...)
  • 142 Œuvres diverses de Monsieur Bayle, Toulouse, chez Fouchac et Bely, 1688, 2 vol. in-12 ; Francisci (...)

69Si le traité De la nature des Comètes est la seule publication à caractère scientifique de M. de Malapeire, l’œuvre de François Bayle est tout entière consacrée aux sciences physiques, naturelles et médicales. Médecin de l’hôtel-Dieu Saint-Jacques, il fut nommé en 1679 professeur à la faculté des arts libéraux aprés avoir échoué deux fois dans la dispute d’une chaire de médecine, mais la valeur de ses travaux fut reconnue par l’Académie des sciences de Paris qui le nomma en 1699 correspondant de Denis Dodart et de Pierre-Sylvain Régis141. Ses nombreux ouvrages, issus de sa pratique, de ses recherches personnelles, de son enseignement et sans doute de ses communications aux conférences académiques, ont été réunis dans plusieurs recueils142. La plupart sont rapidement tombés dans l’oubli ; mais un certain nombre ont retenu l’attention des historiens des sciences, des idées et des mentalités, ce qui permet de situer leur auteur dans le mouvement intellectuel de son temps.

Le botaniste

  • 143 Dominique Clos, « Notice sur les écrits botaniques de François Bayle », Mémoires de l’académie, 4e(...)
  • 144 D. Clos, « Notice sur les écrits botaniques de François Bayle », art. cité, p. 337.

70Étudiant ses écrits botaniques, Dominique Clos a montré que Bayle doit être compté au nombre des fondateurs de l’anatomie et de la physiologie végétales143 : « à toutes les questions les plus importantes et les plus ardues » que ces disciplines posaient alors, il a donné « une solution, sinon toujours exacte, du moins constamment rationnelle »144.

  • 145 F. Bayle, « Dissertatio secunda de forma plantarum », dans Dissertationes physicae sex, in quibus (...)
  • 146 D. Clos, art. cité, p. 332.
  • 147 F. Bayle, Problemata physica et medica, in quibus varii veterum et recentiorum errores deteguntur, (...)

71Les plantes ont-elles une âme ? Bayle refuse cette notion née de l’incompréhension du mode de développement des végétaux. « Parce que le vulgaire ne pouvait connaître la cause de ces effets, il pensa qu’il y avait dans les plantes quelque chose qui les dirigeait, et qu’il appela leur âme145. ». Les plantes peuvent-elles se reproduire en l’absence de graines ? Il n’admet pas la génération spontanée ; à défaut de graines semées ou portées par le vent, de fines particules de plantes douées de « force séminale » peuvent en faire naître de nouvelles. Quelle est la cause de la circulation de la sève ? Pour répondre à cette question, « nœud gordien des botanistes du XVIIIe siècle146 », il fait uniquement appel à des mécanismes physiques : la capillarité, la pression de l’air, l’action du vent. De même, l’explication que donne Bayle de la fermeture des pétales des fleurs pendant la nuit est « toute mécanique » : l’humidité et la fraîcheur de l’air, en agissant sur les fibres végétales, suffisent à rendre compte de ce phénomène147.

72Les notions aristotéliciennes de « forme », d’« âme » et de « facultés » des plantes sont donc rejetées au profit de l’analyse de leurs structures et de la mise en évidence des mécanismes de leur fonctionnement.

  • 148 Ibid., p. 337.

Cette forme de la plante n’est rien d’autre que l’extension et l’entrelacement des fibres ; [...] l’âme de la plante et ses facultés ne comprennent que cette disposition des parties, ou du moins les fonctions de la plante n’exigent pour leur accomplissement que cette seule disposition, en vertu de laquelle les sucs propres à nourrir la plante pénètrent dans son écorce, s’y élaborent et se répandent dans toutes les parties148.

  • 149 Publié dans les Institutiones physicæ ad usum scholarum accomodatæ, Tolosæ, apud J.-P. Douladoure, (...)
  • 150 D. Clos, « Du Tractatus de plantis de François Bayle », art. cité, p. 164.

73Refus du respect aveugle d’une tradition souvent fondée sur l’ignorance, critique des explications que contredisent l’expérience et la raison, primauté constante accordée aux causes physiques : ces traits dominants de la pensée botanique de Bayle se retrouvent dans son Tractatus de plantis149, « ouvrage de physique végétale aussi complet qu’il pouvait l’être à l’époque où il parut150 ». Ils caractérisent aussi son œuvre médicale.

Le médecin

  • 151 Adrien-Joseph Gaussail, « Examen analytique de trois dissertations de François Bayle », Mémoires d (...)
  • 152 Cité par A.-J. Gaussail, Fragment d’une étude sur François Bayle, op. cit., p. 5.

74Le docteur Gaussail, qui lui a consacré plusieurs études151, s’est surtout intéressé aux deux tentatives de Bayle pour briguer une chaire à la faculté de médecine de Toulouse. Le parlement et l’université, qui proposaient les sujets de thèse, exigeaient que les candidats ne s’écartent en rien de la doctrine des autorités, Aristote, Hippocrate et Galien. C’est parce que Bayle, en partisan déclaré du progrès des sciences, ne put s’y astreindre qu’il échoua. Il s’en explique lui-même dans la « Préface apologétique » de son Traité de l’apoplexie : « Je m’étais affranchi de ces prescriptions dans mes dissertations publiques et dans mes autres ouvrages ; mais j’avais fécondé les inventions de ces illustres savants, j’avais signalé et corrigé quelques-unes de leurs erreurs, et tout en conservant à leur mémoire la vénération qu’elle mérite, je n’avais pas cru devoir rester servilement attaché à leurs doctrines152. »

  • 153 F. Bayle, Dissertationes medicæ tres. I De causis fluxus menstrui mulierum ; II De sympathia varia (...)
  • 154 Cité par A.-J. Gaussail, Fragment d’une étude sur François Bayle, op. cit., p. 3.

75Les Trois dissertations médicales et le Traité de l’apoplexie153, qui reprennent l’argumentation des thèses soutenues par Bayle, contiennent en effet de nombreuses innovations. Ses théories de la menstruation, de la sympathie, de la nutrition du fœtus, de l’apoplexie surtout, s’écartent de la doctrine de Galien et témoignent de solides connaissances anatomiques, physiologiques et thérapeutiques, fondées sur l’observation rigoureuse des faits et sur le raisonnement. « Dans les sciences physiques et naturelles, écrit-il encore dans sa Préface apologétique, l’observation et le raisonnement doivent toujours marcher ensemble et se prêter mutuellement leur appui154. » Ainsi la cause immédiate de l’apoplexie ne doit pas être recherchée dans la « mélancolie », comme le voulait Galien, mais attribuée à la coagulation du sang dans le cerveau.

76Les autres opuscules médicaux de Bayle traitent de sujets très variés, mais traduisent toujours sa volonté de faire progresser la médecine et de la défendre contre le mépris où elle était parfois tenue.

  • 155 Faut-il rappeler que Molière, du Médecin volant (1659) au Malade imaginaire (1673), ne cessa de br (...)
  • 156 Cité par A.-J. Gaussail, « Étude sur François Bayle... », art. cité, p. 378.

J’ai voulu, écrit-il dans la Préface de ses Problèmes de physique et de médecine, venger les vrais physiciens et les vrais médecins des calomnies dont ils sont l’objet. En effet les erreurs des ignorants sont communément imputées à ces sciences elles-mêmes, et l’opprobre en rejaillit sur les hommes distingués qui ont mission de les enseigner. [...] L’art médical est devenu un sujet de comédie155, et les hommes les plus remarquables par leur caractère et leur savoir ont été exposés aux railleries et aux sarcasmes. [...] Ces Problèmes prouvent que les causes des phénomènes, celles même qui semblent les plus obscures, peuvent être facilement déduites des principes fondamentaux de la physique ; ils démontrent en même temps que la médecine est une science réelle156.

77Plus que tout autre à Toulouse, Bayle contribua en effet à constituer l’anatomie et la physiologie humaines en sciences. Le recours systématique à la dissection et à la vivisection lui permit de résoudre de nombreux problèmes ayant trait à la structure du cerveau, à l’appareil de l’innervation, aux mécanismes des mouvements du cœur, à la circulation du sang. Par des expériences sur des chiens vivants, il démontra que contrairement à ce que l’on croyait l’estomac reste passif dans l’acte du vomissement, dû aux contractions des muscles abdominaux.

  • 157 A.-J. Gaussail, « Examen analytique de trois dissertations de François Bayle », art. cité, p. 452.
  • 158 Joseph Bertrand, L’Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793, Paris, Hetzel, 1969, (...)

78Tous ces éléments permettent au docteur Gaussail de conclure que François Bayle « était parfaitement au courant de la science de son époque157 ». Ses recherches correspondent en effet au plan d’études pour l’anatomie et la botanique proposé à Colbert par Claude Perrault lors de la fondation de l’Académie des sciences de Paris en 1666158.

Le philosophe

  • 159 F. Bayle, Discours sur l’expérience et la raison, dans lequel on montre la nécessité de les joindr (...)
  • 160 Raymond Naves, « Un médecin philosophe au XVIIe siècle, François Bayle », Revue d’histoire littéra (...)
  • 161 F. Bayle, op. cit., édition de 1684, p. 6.

79Les travaux de François Bayle étaient conduits selon les principes d’une méthode rigoureuse, exposée dans un Discours sur l’expérience et la raison159 qui annonce le scepticisme de Pierre Bayle, le rationalisme de Fontenelle et le sensualisme de Condillac160. Il y dénonce dans le mépris de l’observation et la défiance à l’égard du témoignage des sens le principal obstacle au progrès des sciences : « C’est par le seul ministère des Sens que notre esprit acquiert cette première connoissance de l’existence des corps, et c’est aussi par ce seul moyen qu’il peut connoître les propriétés de chacun en particulier161. » Mais sans le secours de la raison l’expérience serait impuissante et trompeuse :

  • 162 Ibid., p. 67-68.

L’Expérience présente à la Raison tout ce qui s’offre à elle ; la Raison non seulement considère et examine ce qu’elle aperçoit, mais encore [...] elle règle la méthode de faire des observations, elle prescrit des règles pour les faire avec profit et sans danger de se méprendre. L’Expérience ne peut plus passer pour aveugle, puisque la Raison lui prête toutes ses lumières et qu’elle voit pour elle ; la Raison n’est plus vague et indéterminée, puisque [...] l’Expérience la détermine à un certain objet sur lequel elle arrête toute son attention162.

  • 163 Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle. Une analyse de psychologie histo (...)
  • 164 Toulouse, chez B. Guillemette, 1678, in-12, 72 p.
  • 165 R. Mandrou, op. cit., p. 475.
  • 166 François Bayle et Henri Grangeron, Relation de l’état de quelques personnes prétendues possédées, (...)

80« Médecin philosophe », Bayle ne pouvait se tenir à l’écart de la véritable « révolution mentale » qui s’opérait alors dans les milieux cultivés à l’égard de la sorcellerie163. Dans son Histoire anatomique d’une grossesse de vingt-cinq ans164, il avait démontré qu’un tel événement, si singulier qu’il paraisse, pouvait s’expliquer par une minutieuse étude anatomique sans qu’il faille recourir aux sortilèges d’une sage-femme qui passait pour sorcière. Au début de 1682, avec son collègue Henri Grangeron, il fut commis par le parlement de Toulouse à l’examen de quatre jeunes filles qui manifestaient depuis quelques mois « tous les signes de la possession diabolique : agitation, convulsions, vomissements d’épingles, hoquets et étirements165 ». Après avoir visité ces « possédées » et assisté aux séances d’exorcisme, ils publièrent une Relation de l’état de quelques personnes prétendues possédées, faite d’autorité du Parlement de Toulouse, dont le sous-titre indique qu’ils rejetaient les croyances sataniques au profit d’explications purement scientifiques : « Où ces docteurs expliquent clairement par les véritables principes de la Phisique des effets que l’on regarde ordinairement comme prodigieux & surnaturels »166.

  • 167 F. Bayle et H. Grangeron, op. cit., p. 32-36.
  • 168 Ibid., p. 40-52.
  • 169 Ibid., p. 77.
  • 170 R. Mandrou, op. cit., p. 482. L’édit est daté de juillet 1682.

81Sans doute « l’opinion extrême » de ceux « qui croient que le Diable n’a aucun pouvoir sur nos Corps » n’est-elle pas admissible, comme « formellement contraire à l’Écriture sainte » qui affirme que « Dieu permet quelquefois au Diable d’afliger les gens de bien pour les sanctifier davantage en exerçant leur patience, comme il exerça celle de Job, ou pour d’autres motifs secrets de sa Providence, si bien que l’on ne sçauroit douter de ces véritez sans détruire l’autorité des saintes Écritures & de l’Église » : pas plus que Malapeire, Bayle n’entend saper les fondements de la foi chrétienne. Mais l’opinion opposée, infiniment plus répandue, « de ceux qui attribuent au Démon tout ce qu’on voit d’extraordinaire, de violent & d’incurable dans les maladies » n’est pas moins fausse ; « c’est un effet de l’ignorance [...] de prendre pour un accident surnaturel l’agitation d’un épileptique, parce qu’on n’en a jamais remarqué de pareille »167. Or des causes naturelles suffisent à expliquer tous les symptômes observés chez les « possédées » toulousaines : les maux de tête et d’estomac ne sauraient passer « pour une maladie extraordinaire » chez des filles « d’un tempérament fort mélancolique & en quelques-unes un peu bilieux » ; le hoquet provient de « l’exaltation des humeurs », normale à la fin d’un été particulièrement chaud ; « la chute subite, les roulemens sur les côtez, les autres mouvemens convulsifs & l’oubli sont des accidens purement épileptiques » ; quant à l’aspect épidémique du phénomène, il s’explique aisément par « la force de l’imagination », si puissante chez les mélancoliques et les ignorants168. La conclusion des deux médecins est donc sans équivoque : « Après avoir bien pesé & considéré toutes ces choses, n’ayant rien trouvé dans les divers accidens & afections desdites filles qui ne puisse être produit par les mauvaises dispositions tant des humeurs que du cerveau & des autres parties ci-dessus mentionnées, nous jugeons qu’aucun des susdits accidens ou afections en particulier, ni tous ensemble, ne peuvent être pris pour une preuve de sortilège, possession ou obsession169. » Notons que cette décision se situe quelques mois seulement avant la publication de l’« Édit du roi pour la punition de différens crimes qui sont devins, magiciens, sorciers, empoisonneurs », qui proclamait la négation officielle du pacte diabolique et des pratiques sataniques170 : médecins et magistrats toulousains étaient donc, dans ce domaine, au diapason de l’élite parisienne.

La Dissertation sur la nature de l’Air

  • 171 Recueil de divers Discours et autres Pièces d’Éloquence, de Prose et de Vers, prononcez dans les C (...)

82Dans ses communications aux conférences académiques, Bayle apportait vraisemblablement le même esprit critique, la même volonté de dénoncer les erreurs de ses prédécesseurs, le même goût de l’expérimentation que dans ses publications scientifiques. Malgré ses dimensions modestes, sa Dissertation phisique sur la nature de l’Air & ses propriétez, insérée dans le Recueil de 1692171, en témoigne. Il s’agit en effet de la réfutation systématique de l’opinion de « quelques anciens Philosophes des plus célèbres » qui ont cru

  • 172 F. Bayle, op. cit., p. 78-80.

que l’Air est un des quatre Élémens, qu’il est Chaud & Humide, & qu’il est Léger. [...] Je veux faire voir aujourd’hui qu’il est tout différent de ce qu’on l’a cru, qu’il est pesant, qu’il est capable de faire ressort, qu’il reçoit des évaporations de tous les corps sublunaires, qu’il sert à la végétation des Plantes & à la respiration des Animaux, que celui qui est prez de la Terre est bien différent de celui qui est plus éloigné, & qu’il n’est pas le même dans toutes sortes d’endroits, ce qui donne occasion à une variété de Phénomènes presque infinie172.

83S’appuyant sur de nombreuses expériences réalisées grâce à la machine pneumatique et sur les travaux de Malpighi, Boyle ou Gassendi, Bayle démontre tour à tour tous les points évoqués dans son introduction. Nous ne retiendrons de ses analyses que le passage consacré à la composition des couches inférieures de l’atmosphère, où il s’affirme comme un adversaire de la génération spontanées : l’air, écrit-il,

  • 173 Ibid., p. 111.

contient un nombre infini de semences de toutes les espèces de Végétaux, même de certains Animaux. Il faut bien que cela soit ainsi, puisque nous voyons croître bien souvent certaines espèces de Végétaux en des lieux où il n’y en a jamais eu, & sans que personne ait pris le soin d’y porter la semence. La génération même des Insectes en certains endroits ne peut s’expliquer que par là ; d’autant que les Vers qui s’engendrent au milieu d’un Fromage entier [...] ne peuvent venir que de quelque semence de ces Vers qui s’est trouvée par hazard dans le lait dont on a fait le Fromage173.

  • 174 R. Naves, art. cité, p. 209.
  • 175 J. Bertrand, op. cit., p. 1-46.

84« Admirable témoin de la fermentation rationaliste et scientifique » de la fin du XVIIe siècle174, François Bayle trouva dans les conférences académiques le milieu favorable que l’université lui avait longtemps refusé. Après avoir évoqué ses travaux et ceux de M. de Malapeire, nous croyons pouvoir affirmer que leur niveau scientifique était comparable à celui des autres sociétés savantes, provinciales ou parisiennes175. L’esprit de recherche et d’objectivité, la critique de la tradition et des autorités, le recours à l’expérience et au raisonnement y annonçaient sans nul doute l’avènement des Lumières.

La compagnie des Lanternistes (1693-1704)

  • 176 Registre des Lanternistes, Bibliothèque municipale de Toulouse, ms. no 1071, p. 14.

85Aprés avoir rendu à la société des belles-lettres la part qui était la sienne dans la vie intellectuelle toulousaine, il nous reste à évoquer celle des Lanternistes. C’est en 1693 que parut « une manière de lettre circulaire aux Beaux Esprits176 » qui présentait ainsi la nouvelle compagnie et ses activités :

  • 177 Allusion aux conférences académiques.
  • 178 Registre des Lanternistes, p. 14-15.

Il n’y a presque point de Ville en France qui ne se pique de faire des Académies, des exercices d’Éloquence et de Poésie. Toulouse entr’autres est recommandable par le nombre de ces sortes d’assemblées177 ; celle des Lanternistes, dont l’établissement est déjà ancien, a toujours conservé la rigueur de son origine : il y a peu de gens de goût qui n’ayent souhaité d’en être, ce qui nous a déterminés, pour éviter la confusion, d’en fixer le nombre à dix, à l’exemple d’Apollon et des neuf Muses. On a voulu encore, pour l’intérêt du Public, qu’il en receut quelque utilité, et l’on a fait battre une médaille d’argent pour la donner à celuy qui aura le mieux rempli des Bouts Rimés. Ce prix se donnera dès cette année et à l’avenir, le jour de la S. Jean Baptiste. [...] On attend incessamment des sonnets pour exécuter notre projet178.

86Placés sous l’invocation d’Apollon et des Muses, les Lanternistes apparaissent donc d’emblée comme une société exclusivement littéraire, dont le principal objet était l’organisation d’un concours de bouts-rimés. Elle a, semble-t-il, toujours conservé ce caractére, le Registre, continué jusqu’en 1698, ne concerne que ce concours, de même que les nombreux articles que le Mercure galant consacra aux Lanternistes.

Les assemblées

87Nous ignorons la date exacte de leurs premières réunions, tenues sans doute quelques années avant le lancement du concours qui attira sur eux l’attention du public éclairé. C’est en avril 1694 en effet que le Mercure galant les mentionne pour la première fois :

  • 179 Allusion aux concours des jeux Floraux.

Je vous ay souvent parlé des Ouvrages d’esprit qui se font à Toulouse. Vous sçavez que les Habitans de cette célèbre Ville aiment la gloire & les belles Lettres, & se plaisent même à donner des Prix à ceux qui y réussissent le mieux179. Mais je ne vous ay encore rien dit d’une Assemblée de dix Personnes appelées Lanternistes, qui donne tous les ans une Médaille à celuy qui remplit le mieux des Bouts-rimez.

  • 180 Registre des Lanternistes, p. 16.
  • 181 Ibid., p. 15.
  • 182 Mercure galant, juin 1698.

88Nous sommes également mal renseignés sur la vie intérieure de la compagnie. Les Lanternistes se réunissaient « de tems en tems » dans la maison de l’un d’entre eux pour « cultiver les belles Lettres »180. Ces réunions avaient lieu à la tombée de la nuit ; soit parce que le moment où « les étoiles commencent à briller, quand le silence règne sur notre hémisphère, quand le ciel et la terre sont paisibles », paraissait particuliérement favorable au « rendez-vous des Muses »181 ; soit plus vraisemblablement parce que cette heure tardive assurait la tranquillité des assemblées qu’auraient dérangées pendant la journée les obligations mondaines ou professionnelles des participants182.

  • 183 Ibid.
  • 184 Ibid.

89« Pour conserver l’entier secret à ces Assemblées, on ne se faisoit point porter le flambeau pour y aller, on se contentoit de s’éclairer soy-même avec une petite lanterne183. » Il ne semble guère douteux que cette pratique ait été à l’origine du nom étrange dont on affubla bientôt les « Lanternistes », et qu’ils conservèrent. « À cause de leurs petites lanternes, quelques Sçavans enjouez leur donnèrent le nom des Lanternistes. Ils l’acceptèrent agréablement, à l’imitation des doctes Académies d’Italie, qui toutes ont des noms badins, comme chacun sçait ; & pour conserver le souvenir de leur origine, ils prirent pour Devise une Étoile avec ces mots : Lucerna in nocte184. » Dès 1694 en effet les Lanternistes revendiquaient le nom qui commençait à les rendre célébres en invoquant les prestigieux précédents italiens :

  • 185 Registre des Lanternistes, p. 19.

On nous raille peu finement et mal à propos sur le mot de Lanternistes. C’est un nom de hazard et de fortune ; c’est un titre que nous nous faisons gloire de porter ; il est autorisé de grands exemples. Les Académies d’Italie, si belles et si florissantes, ont presque toutes des noms de cette espèce : les Innominati, les Assorditi, les Ostinati, les Catenati, les Humoristi, les Oscuri, les Insensati, les Intronati, etc. Ces noms sont-ils plus beaux que celui de Lanternistes185 ?

  • 186 Remarquant que l’appartement où l’abbé Maury tenait ses conférences en 1680 donnait sur la rue Lan (...)

90C’est donc sans fondement, croyons-nous, que certains auteurs ont cherché à ce nom une étymologie plus prosaïque186.

91Malgré leur caractère nocturne, les réunions des Lanternistes ne tardèrent pas à s’ébruiter :

  • 187 Mercure galant, juin 1698.

Ces Messieurs continuèrent quelque tems ces conversations secrettes & sçavantes avec beaucoup de plaisir & de fruit ; mais enfin il n’y a rien qui ne se découvre. On fut informé de leurs Assemblées, & tous les honnêtes gens louèrent extrêmement leur projet. Quand il fut connu, ils le poussèrent encore plus loin. Ils augmentèrent leur Société & firent une Compagnie en forme187.

92Une telle expression, de même que celle d’« Académie des Lanternistes » fréquemment utilisée par le Mercure galant, suppose une institution organisée, des statuts, des règlements ; nous ne possédons malheureusement aucune indication à leur sujet.

Le recrutement

93Les Lanternistes se recrutaient dans la même élite, sociale et culturelle à la fois, que la société des belles-lettres. C’étaient, écrit le Mercure galant en juin 1698, « quelques Conseillers du Parlement de Toulouse, quelques Cavaliers, quelques Abbez, & enfin des Sçavans de tous étages ». La liste de membres qui ouvre le Registre de 1693 confirme cette impression ; nous y retrouvons en effet plusieurs des participants aux conférences académiques depuis 1667 : les magistrats de Malapeire fils, de Nolet fils, de Lucas ; l’avocat Martel ; le médecin Bayle.

  • 188 Jean-Galbert de Campistron et son œuvre (1656-1723), catalogue d’exposition, Toulouse, Archives dé (...)

94Y figurent également un certain nombre de personnalités qui ne semblent pas avoir partagé les travaux de la compagnie dont elles formaient en quelque sorte les membres honoraires : Paul Pellisson, mort à Versailles le 7 février 1693 ; le philosophe Régis, revenu à Paris dès 1680 ; les auteurs dramatiques Jean de Palaprat et Jean-Galbert de Campistron188 ; le diplomate Simon de Laloubère, gouverneur du fils du contrôleur général Pontchartrain ; l’intendant de Basville enfin.

  • 189 Mercure galant, août 1703.
  • 190 Ibid., juillet 1698.
  • 191 Ibid., mai 1698 ; J. Chalande, « Les lettres de réception décernées en 1696 par les Lanternistes à (...)
  • 192 Mercure galant, juin 1701.

95Au contraire, M. de Lucas, doyen des conseillers-clercs du parlement, paraît avoir joué tout au long de l’histoire des Lanternistes un rôle décisif, que son éloge funèbre prononcé lors de la distribution du prix de l’année 1703 permet d’entrevoir. Ce « sçavant homme », qui « excelloit également dans les Sciences & dans les Arts, & passait pour un Juge d’une parfaite intégrité189 », était considéré comme le fondateur de la compagnie. C’est chez lui que se tenaient les assemblées ordinaires190, et surtout c’est lui qui faisait tous les ans la dépense de la médaille attribuée au lauréat du concours. Citons encore, parmi les Lanternistes actifs, l’abbé Pierre de Tournier, également conseiller-clerc au parlement ; l’abbé Arnaud Laborie, qui occupait les fonctions de secrétaire ; le chanoine Compaing ; les avocats de Lagny et de Montaudier. Indiquons enfin que deux femmes furent « agrégées » à la compagnie : Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon en 1696191 et Marie Chalvet de Malenfant vers 1700192.

Le concours de bouts-rimés

  • 193 Eugène Lapierre, « Les bouts-rimés des Lanternistes », Mémoires de l’académie, 8e série, t. IX, 18 (...)
  • 194 Publication du Sonnet qui a remporté le Prix des Lanternistes cette année 1698, Toulouse, chez la (...)
  • 195 Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon, Bigarrures ingénieuses, ou Recueil de diverses pièces galant (...)

96Si beaucoup d’ombres subsistent sur les activités internes des Lanternistes, il n’en va pas de même du concours de bouts-rimés qu’ils organisèrent chaque année de 1693 à 1704193. C’est qu’ici la documentation se fait abondante et précise : les programmes diffusés par la compagnie toulousaine, reproduits jusqu’en 1698 dans le Registre manuscrit, étaient régulièrement publiés par le Mercure galant qui insérait également les sonnets ayant concouru. D’autres ont été imprimés, soit séparément194, soit à l’intérieur de divers recueils195.

  • 196 Registre des Lanternistes, p. 14.
  • 197 Figurée dans le Registre des Lanternistes, p. 14, et reproduite dans le Mercure galant d’avril 169 (...)

97Le prix du concours était constitué par une médaille d’argent représentant au droit une étoile dans le ciel avec la devise Lucerna In Nocte, et au revers Apollon trônant sur le Parnasse, la lyre à la main, avec la devise Apollini Tolosano qui était « comme la dédicace de l’Académie196 ». Cette médaille197 devait revenir à l’auteur du meilleur sonnet composé sur les rimes proposées par les Lanternistes.

  • 198 Registre des Lanternistes, p. 20.
  • 199 Ibid., p. 26.
  • 200 F. de Gélis, Histoire critique des jeux Floraux, op. cit., p. 145.
  • 201 La paix de Ryswick (1697).
  • 202 Registre des Lanternistes, p. 29.

98Le programme de 1694 indique que « les Auteurs prendront le sujet qu’ils trouveront à propos, on leur laisse cette liberté. Nous recevons pourtant avec plus d’inclination les vers qui sont faits à la louange du Roy, pourveu qu’ils soient dignes [...] d’un Prince qui ne se distingue pas moins par la finesse et l’étendue de son esprit, que par l’heureuse pénétration de sa politique et la puissance de ses armes198 ». De fait un thème obligatoire s’imposa très vite : l’éloge de Louis XIV ; le programme de 1697 précise en effet que « les merveilleuses actions de Louis-le-Grand en sont l’unique matière199 ». Ces textes donnent le ton des ouvrages suscités par le concours. De façon souvent naïve, ils traduisent, par une débauche de flatteries pour le Roi-Soleil, l’intensité du culte royal tel qu’il s’imposait à la société française dans les difficiles années de la guerre de la Ligue d’Augsbourg et de la guerre de Succession d’Espagne. Ce culte n’avait pas à Toulouse de ministres plus zélés que les Lanternistes, dont la compagnie apparaît comme un actif foyer de propagande en faveur de la politique extérieure de Louis XIV200. Ils proclamaient eux-mêmes que le service du roi était, davantage peut-être que « d’exciter l’émulation des poètes », leur mission essentielle : « Pendant que toute l’Europe se réjouit de la paix que notre généreux Monarque vient de lui donner201, il seroit honteux aux Lanternistes de ne pas se joindre aux acclamations publiques, eux qui font uniquement profession de célébrer la gloire de Louis le Grand202. »

  • 203 Mercure galant, février 1700.
  • 204 Ibid., mars 1701.

99Les bouts-rimés proposés étaient d’ailleurs choisis de telle sorte qu’ils conduisent les concurrents à évoquer certains aspects précis de la politique royale. Ainsi, après cette même paix de Ryswick : « On a pris soin qu’ils eussent quelque rapport à la situation des choses présentes ; & comme il n’y a rien de plus agéable que la Paix, il estoit mal avisé de ne pas l’avoir eu en veu dans le choix qu’on a fait de ces Rimes203. » Ou encore, après la proclamation du duc d’Anjou comme roi d’Espagne : « L’élévation de ce jeune Prince qui est appelé à tant de Royaumes fait aujourd’huy l’attention de tout l’Univers. Les Muses ont icy une nouvelle occasion de briller ; on les incite à redoubler leur émulation pour répondre en quelque sorte, par leurs expressions les plus vives, à la dignité du sujet qui leur est proposé204. » Et l’année suivante, quand la guerre menaça de nouveau :

  • 205 Ibid., mars 1702.

Nos Bouts-Rimez ont toujours en veue l’éloge de Louis le Grand. L’unique application de ce généreux Monarque est de maintenir le repos qu’il a procuré à toute l’Europe, pendant que des Puissances jalouses de sa grandeur ne cherchent qu’à traverser de si beaux desseins. C’est ce qui nous a déterminez à choisir des Rimes qui fussent également propres & pour la Paix & pour la Guerre205.

  • 206 Ibid., août 1702.
  • 207 Ibid., mars 1703.

100Le concours des Lanternistes reflétait donc fidèlement les fluctuations de la politique étrangère de Louis XIV. Les concurrents semblent d’ailleurs s’y être prêtés de bonne grâce, évoquant par exemple en 1702 « la retraite des troupes impériales » ou « les plaintes des Hollandois »206. La forme même de leurs poèmes devait se plier aux exigences de leur fonction politique : « On avertit que les Sonnets qui seront en petits Vers ou à Rimes composées ne pourront prétendre au Prix ; on veut des Vers Alexandrins héroïques, comme plus propres à la dignité du sujet207. »

  • 208 Registre des Lanternistes, p. 18.

101Les envois, anonymes mais accompagnée d’une Prière pour le Roy en quatre vers et d’une sentence en latin destinée à permettre l’identification du lauréat, étaient examinés « avec beaucoup de précaution et de rigueur. Les juges, qui se sont fixez au nombre de dix, ne se fient pas à leur propres jugemens ; on y appelle des personnes recommandables par leur génie et par leur qualité208 ».

  • 209 Ibid., p. 28. Il s’agissait de Thomas-Alexandre de Morant.
  • 210 Mercure galant, juillet et août 1703.

102La cérémonie de distribution du prix avait lieu le jour de la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin. En 1697, elle se fit « chez Monsieur le Premier Président du Parlement de Toulouse, qui a bien voulu honorer [les Lanternistes] de sa protection209 ». En 1703, elle s’ouvrit sur un discours de M. de Nolet qui défendit les bouts-rimés et fit le panégyrique de la compagnie ; le secrétaire Arnaud Laborie y prononça l’éloge funèbre de son « illustre Doyen », M. de Lucas, qui venait de mourir210.

  • 211 Registre des Lanternistes, p. 24, et Mercure galant, juillet 1699.
  • 212 « Ce fut en lui adjugeant le second prix que cette célébre Académie l’admit dans son corps, honneu (...)

103Outre la médaille d’argent, les Lanternistes accordaient parfois des distinctions honorifiques. Ils décidèrent en 1696 que « des Tableaux où seroient représentez, couronnez de laurier, ceux qui auront remporté le Prix » seraient désormais exposés dans la salle de leurs assemblées211. La même année, ils distinguèrent Mlle L’Héritier de Villandon, lauréate pour la deuxième fois consécutive, en la recevant dans leur compagnie212.

Le retentissement du concours

  • 213 Registre des Lanternistes, p. 19.
  • 214 Ibid., p. 21.
  • 215 Ibid., p. 26.
  • 216 Mercure galant, mars 1703.
  • 217 Ibid., août 1694.

104L’initiative des Lanternistes éveilla dans le public des « honnêtes gens », et « particulièrement de ceux qui font profession de belles Lettres », un très vif intérêt. Dès 1694, ils pouvaient se féliciter d’avoir reçu « une multitude de sonnets213 ». Leur succès ne devait pas se démentir : « On auroit peine à s’imaginer combien les Bouts-Rimez des Lanternistes ont fait fortune dans la République des Lettres. Le grand nombre de bons sonnets que nous avons receus de presque tous les endroits du Royaume en est une preuve convaincante214. » « Notre Compagnie ne cessera point de proposer des Bouts-Rimez ; les gens de bon goût s’en accommodent, & le Public ne se lasse point d’en redemander215. » En 1703 encore, « le Public attend avec impatience les Bouts-Rimez que nous avons accoutumé de donner toutes les années216 ». Le Mercure galant confirme l’empressement des gens de lettres à remplir les bouts-rimés, « les ouvrages de cette nature n’ayant pas esté si-tost proposés que l’on en est inondé. Il m’en reste plus de cent sur les Bouts-Rimez de Mrs de l’Académie des Lanternistes, parmy lesquels il y en a un grand nombre de très bons217 ». De fait, jusqu’en 1704, le Mercure ne publia pas moins de soixante-deux sonnets ayant concouru pour le prix. Pendant cette période, ni l’académie des jeux Floraux ni aucune autre académie de province ne fournirent autant de matière au journal de Donneau de Visé.

  • 218 De la Févrerie, « La Défense des Bouts-Rimez, ou Réponse à la lettre de Mr de Bellocq qui est dans (...)
  • 219 Ibid., septembre 1694.
  • 220 Ibid.
  • 221 De la Févrerie, op. cit.
  • 222 Mercure galant, janvier 1697.

105La vogue des bouts-rimés ne manqua pas de provoquer une querelle littéraire : « Ils font déjà secte & party à la Cour & à la Ville, & je prévoy qu’ils vont exciter une grosse guerre sur le Parnasse218. » En 1694, les Lanternistes avouent que leur projet donne lieu « à quelque légère critique », et le Mercure note que « les gousts sont différens sur les Bouts-Rimez ; les uns les approuvent, & les autres les condamnent219 ». En vers ou en prose, on prend Apollon à témoin, pour ou contre les bouts-rimés220. Mais il semble que leurs partisans aient eu bientôt le dessus. Dès 1695, le Mercure publie cet éloge de l’académie des Lanternistes : « L’honneur d’avoir rétabli les Bouts-Rimez est le moindre avantage qu’elle doit s’en promettre ; elle peut encore se vanter d’avoir fait mettre au jour les plus beaux Sonnets qui ayent paru depuis ceux de Job et d’Uranie221. » L’année suivante, les hostilités terminées à leur avantage, ils pouvaient remercier publiquement leurs alliés : « Les Lanternistes ont une grande délicatesse de reconnoissance à l’égard des personnes qui se sont déclarées pour eux. Ils ne seront pas contens que le Mercure n’en ait instruit toutes les Nations. » Reconnaissance qui s’adressait particulièrement, parmi « cent autres personnes officieuses », à M. de la Févrerie, à M. Guyonnet de Vertron, et surtout à Mlle de Scudéry, « illustre Fille, l’ornement de son Siècle & l’admiration d’un Siècle aussi poli que sçavant222 ».

  • 223 E. Lapierre, Histoire de l’académie, op. cit., p. 33.

106Le concours des Lanternistes, efficacement soutenu par les articles du Mercure galant qui était en quelque sorte leur « organe officiel223 », eut donc une audience nationale. Les sonnets qu’il suscita provenaient surtout de villes dotées comme Toulouse d’une cour souveraine ou d’une académie – Paris, Dijon, Villefranche, Aix, Arles, Nimes – et leurs auteurs appartenaient sans doute à un milieu socio-culturel très proche de celui des Lanternistes eux-mêmes. Certains envois, moins nombreux, provenaient de villes plus modestes mais géographiquement plus proches de Toulouse : Saint-Laurent-de-Mucidan en Périgord, Mansonville et Lectoure en Gascogne. Mais il semble que la majorité des concurrents aient été des Toulousains. C’est le cas de six au moins des onze lauréats couronnés de 1693 à 1704 : Jean-Louis de Campistron, professeur de rhétorique au collège des jésuites (1693) ; François Lamy, professeur de belles-lettres au collège de l’Esquille (1697) ; M. de Bélebat, fils de M. de Lucas (1699) ; le P. Courties, professeur de rhétorique au collège de l’Esquille (1701) ; les médecins Grangeron (1698) et Barrère (1704). Ainsi s’affirme, sous-jacent à un incontestable rayonnement régional et national, un solide enracinement local.

Les rapports des Lanternistes et de la société des belles-lettres

  • 224 Aux trois institutions savantes ou littéraires qui font l’objet de ce chapitre s’ajoutait l’école (...)
  • 225 L’abbé Salvan mentionne en effet plusieurs discours de M. de Malapeire « prononcés à l’ouverture d (...)
  • 226 Simon de Laloubère, Traité de l’origine des Jeux Floraux de Toulouse, à Toulouse, de l’Imprimerie (...)
  • 227 Recueil des Jeux Floraux, 1696, p. IV.

107On peut dès lors s’interroger sur les relations entretenues par les Lanternistes avec les deux autres sociétés littéraires qui leur disputaient l’attention du public cultivé. La multiplicité des académies et des concours, caractéristique de la vie intellectuelle toulousaine à la fin du XVIIe siècle, ne pouvait manquer d’entraîner des confusions et des rivalités224. Ainsi, dès 1693, parut un sonnet satirique dirigé contre le concours de bouts-rimés et la médaille qui en était le prix ; les Lanternistes l’imputèrent à « certains Esprits qu’on appelle icy Académie de Saint-Orens », et qui n’étaient autres que les membres des conférences académiques225. En 1696, l’Avertissement qui ouvre le premier Recueil de l’Académie des Jeux Floraux comporte cette mise en garde : « On donnera bientôt au public l’origine des Jeux Floraux, avec les Actes de leur rétablissement226 ; ce qui ôtera entièrement l’équivoque qui fait qu’ailleurs qu’à Toulouse des personnes confondent l’Académie des Jeux Floraux avec une assemblée particulière de quelques gens de Lettres de cette Ville qui se sont donné le nom de Lanternistes227. » Mais ceux-ci s’étaient par avance justifiés de ce reproche implicite de concurrence déloyale :

  • 228 Registre des Lanternistes, p. 22.

L’illustre Académie des Jeux Floraux, qui vient d’être autorisée par des Patentes, ne désapprouvera pas sans doute la continuation de nos exercices. Ce n’est pas notre intention de rien entreprendre sur ce qui regarde cette ancienne & célèbre Compagnie. Elle a pris pour son partage les Odes, les Élégies, les Églogues & les Poèmes, & nous nous retranchons toujours à nos Bouts-Rimez. On auroit tort de les abandonner228.

  • 229 Annexes, liste no 1 [non reproduite ici]. Seuls, parmi les Lanternistes, M. de Lucas, l’abbé Labor (...)

108Il semble que ces frictions se soient rapidement apaisées et que les trois sociétés toulousaines aient par la suite coexisté pacifiquement. L’explication de cette harmonie réside dans le fait qu’elles étaient complémentaires plus que rivales, mais surtout qu’elles se composaient souvent des mêmes membres. Parmi les Lanternistes en effet, nombreux étaient ceux qui, tout en fréquentant les conférences académiques, faisaient aussi partie de l’académie des jeux Floraux : François Bayle, le chanoine Compaing, MM. de Malapeire, de Nolet, de Palaprat, de Tournier, de Laloubère, de Montaudier. C’est que le petit monde académique toulousain était trop étroit, quoi qu’en ait dit Martel, pour permettre un cloisonnement rigoureux des institutions qui se le partageaient. La comparaison de la liste des Lanternistes et de celle de la société des belles-lettres est éloquente : la quasi-totalité des noms qui figurent sur la première se retrouvent sur la seconde229.

  • 230 Mercure galant, passim.
  • 231 L’Histoire de la Ville de Toulouse de l’académicien Raynal, parue en 1759, est le premier ouvrage (...)

109Il est donc naturel qu’on ait si aisément confondu les deux compagnies. Nous avons établi qu’il s’agissait d’institutions distinctes, tant par leur organisation que par leur objet ; mais nous nous garderons de les opposer trop brutalement. Les conférences académiques regroupaient un public relativement nombreux, aux préoccupations variées ; nous savons que la place que l’on y réservait à la philosophie, à l’histoire et aux sciences n’était pas négligeable. Il est vraisemblable que quelques-uns de leurs membres, désireux de se consacrer plus particulièrement aux belles-lettres et de manifester avec plus d’éclat leur zèle pour Louis XIV, se regroupèrent autour de M. de Lucas pour mettre sur pied le concours de bouts-rimés. Avec leurs assemblées particulières, leur propre secrétaire, leur propre cérémonie de distribution du prix et leur propre dénomination, ils se distinguèrent rapidement des conférences auxquelles ils continuaient pourtant d’assister. Le succès de leur concours ne tarda pas à rejeter ces dernières dans l’ombre et bientôt dans l’oubli ; la « célèbre Compagnie des Lanternistes230 » éclipsa ainsi, dans la mémoire collective des Toulousains, les réunions savantes dont elle était issue, et cela dès le XVIIIe siècle et au sein même de l’Académie231.

L’interruption de la tradition académique

  • 232 G. Astre, « Les sciences chez les Lanternistes », Mémoires de l’académie, vol. 132 ; 15e série, t. (...)

110Les Lanternistes, uniquement voués à l’organisation d’un concours poétique dont la vogue passagère ne doit pas faire oublier le caractère marginal, ne semblent pas avoir eu de postérité dans la vie culturelle de Toulouse au XVIIIe siècle. Au contraire, dans leur modestie, les conférences académiques de Malapeire et Martel préparaient sans conteste la création de la société, puis de l’académie des sciences. Elles ont maintenu jusqu’à l’extrême fin du XVIIe siècle la tradition de curiosité scientifique et de recherche intellectuelle inaugurée soixante ans plus tôt. C’est cette tradition, restée vivante même en l’absence d’institutions capables de lui donner forme, qui est à l’origine de l’académie toulousaine. « Quand, en 1729, les hommes de sciences se regrouperont en une “Société des Sciences”, ils profiteront de l’expérience précédente. [...] Ils ne seront plus des précurseurs, mais des fondateurs232. »

  • 233 Alexandre du Mège, Histoire des institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires d (...)
  • 234 J. Raynal, op. cit., p. 384.
  • 235 T. Desbarreaux-Bernard, Les Lanternistes, op. cit., p. 87.

111Nous venons de répondre implicitement à une dernière question : les assemblées de la fin du XVIIe siècle se sont-elles poursuivies jusqu’à la création de la société des sciences, et celle-ci est-elle directement issue de celles-là ? Les historiens ne s’accordent pas sur ce point. Alexandre du Mège affirme que les fondateurs de la société des sciences étaient des « Lanternistes » : « En 1729, trois membres de cette association académique, voyant avec peine qu’elle allait cesser d’exister, voulurent profiter des connaissances profondes de quelques-uns de ses membres pour établir à Toulouse une Académie uniquement consacrée aux sciences233. » Pourtant, dès 1759, Jean Raynal avait établi que la mort des animateurs des conférences académiques « mit fin a leurs assemblées, & ce n’est qu’après un assoupissement de trente années qu’on a vu renaître ce goût pour le progrès des Sciences qui a formé l’Académie qui subsiste aujourd’hui avec éclat234 ». Pour le docteur Desbarreaux-Bernard, les premiers membres de la société des sciences « n’avaient pris aucune part » aux activités académiques du XVIIe siècle235.

  • 236 De Méja, Mémoriaux des Lanternistes, t. I, p. 2.
  • 237 Délibérations, I, p. 45.

112L’erreur d’Alexandre du Mège provient sans doute d’une lecture trop confiante des Mémoriaux des Lanternistes. Du Mège fixe en effet « la fin des sociétés lanternistes en 1742, à la mort de Guillaume de Mondran, qui fut le dernier qui leur fournit une salle d’assemblée236 » ; mais cela n’implique nullement que les conférences se soient maintenues jusqu’à cette date. Il cite encore, au nombre des « Lanternistes », un certain Dupuy, médecin à Puylaurens, qui aurait participé à leurs travaux vers 1730 ; or il s’agit d’un membre de la société des sciences, reçu le 3 mars 1733 seulement237.

113Le Mercure galant ne mentionne plus la société des belles-lettres après 1699, les Lanternistes aprés 1704. Il est très probable que s’ils avaient poursuivi leurs activités au-delà de ces dates, le journal de Donneau de Visé en aurait informé ses lecteurs comme par le passé. Il semble donc certain que ni la société des belles-lettres ni la compagnie des Lanternistes ne purent survivre à la disparition de leurs fondateurs respectifs, MM. de Malapeire (1702) et de Lucas (1703).

  • 238 Mémoires copiés, I, p. 3.

114Les circonstances de la création de la société des sciences confirment cette interruption de la tradition académique dans le domaine scientifique. Aucun des hommes de lettres ou de sciences que nous avons vus à l’œuvre à la fin du XVIIe siècle ne figure sur ses listes. Ses registres ne contiennent aucune allusion aux conférences académiques, ni bien sûr aux Lanternistes. Au contraire, c’est l’absence à Toulouse de toute institution propre à accueillir et à encourager la recherche scientifique qui est à l’origine de sa fondation. Dans la première dissertation lue le 19 mars 1729, le médecin Borrust insiste sur cette absence et sur la nouveauté de l’entreprise de ses confrères : « C’est le goût qui règne à Toulouse pour les Beaux-Arts qui vous porte, Messieurs, à y créer une Société des Sciences ; je dis créer, puisqu’on entreprend de la produire de rien238. »

  • 239 Ibid.
  • 240 Anne-Marie d’Orbessan, Mélanges historiques critiques, de Physique, de Littérature et de Poésie, T (...)

115De cette création ex nihilo, pouvons-nous conclure que la société ne devait rien aux assemblées qui l’avaient précédée ? C’est le cas sans doute pour la compagnie des Lanternistes : il n’y a aucun rapport entre l’étude « de la Géométrie et des diverses parties de la Phisique239 » et l’organisation d’un concours de bouts-rimés. Mais sa dette envers les conférences académiques ne paraît pas contestable, et ses membres l’ont eux-mêmes reconnue ; dans son Discours prononcé dans la première assemblée publique de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse en 1746, le président d’Orbessan rappela que les fondateurs de la société n’avaient voulu que « renouveler » les assemblées de M. de Malapeire « où l’on traitoit des différentes Sciences240 ». C’est donc à la suite d’une confusion, consacrée il est vrai par deux siècles d’usage, que l’académie des sciences de Toulouse se rattache aux Lanternistes ; mais c’est à juste titre qu’elle fait remonter sa première origine aux conférences académiques tenues dès 1640 en l’hôtel de Malapeire.

Notes

1 Tibulle Desbarreaux-Bernard, Les Lanternistes. Essai sur les réunions littéraires et scientifiques qui ont précédé, à Toulouse, l’établissement de l’académie des sciences, Paris, Techener, 1858, 110 p.

2 Bibliothèque municipale de Toulouse, ms. 1840-1841.

3 Alexandre du Mège, Histoire des institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires de la ville de Toulouse, Toulouse, Chapelle, 1844-1846, 4 vol. in-8° ; Auguste Silvy, « Histoire des académies de province. Les Lanternistes de Toulouse », Revue des sociétés savantes, t. 1, 1859, p. 332-347 ; Eugène Lapierre, Histoire de l’académie (1640-1793), Toulouse, Douladoure-Privat, 1908, 180 p.

4 L’Académie française, fondée en 1635.

5 Adrien Martel, Réponse à des Mémoires qui ont paru contre l’établissement d’une Académie de belles Lettres dans la Ville de Toulouse, à Montauban, chez Raymond Bro, 1692, p. 30.

6 Fondateur de l’académie de Castres (1648), Paul Pellisson entra à l’Académie française après en avoir écrit l’histoire (1653) et contribua à la naissance de l’académie de Soissons (1674).

7 Jules Marsan, « Éloge de Pellisson », Mémoires de l’académie, 12e série, t. III, 1925, p. 533-543.

8 Rue du Canard (aujourd’hui au numéro 8). Paul Mesplé, Vieux hôtels de Toulouse, Toulouse, Éditions du Pays d’oc, 1948, p. 169 ; Robert Mesuret, Évocation du vieux Toulouse, Paris, Éditions de Minuit, 1960, p. 196.

9 Rue Donne-Coraille (aujourd’hui 1, rue Espinasse). R. Mesuret, op. cit., p. 275.

10 Et non 1689, comme l’écrivent du Mège, op. cit., t. I, p. 206, et T. Desbarreaux-Bernard, op. cit., p. 73.

11 Rue des Augustins (aujourd’hui 7, rue des Arts). R. Mesuret, op. cit., p. 346.

12 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 37.

13 T. Desbarreaux-Bernard, op. cit., p. 71.

14 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 31-46.

15 T. Desbarreaux-Bernard, op. cit., p. 89.

16 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 33.

17 Contrairement à une légende reprise par du Mège, Pierre de Fermat ne semble pas avoir participé lui-même aux conférences académiques.

18 Gaston Astre, « Les sciences chez les Lanternistes », Mémoires de l’académie, vol. 132, 15e série, t. I, 1970, p. 29.

19 A. Martel, Réponse…, op. cit., p. 40.

20 A. Martel, Factum pour l’établissement fixe d’une Académie de belles Lettres dans la Ville de Toulouse, s. l. n. d. (Toulouse, 1691), p. 39.

21 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence présentées à Messieurs des Conférences Académiques de Toulouse, pour le Prix de l’année MDCXCIV, à Toulouse, chez Guillaume-Louis Colomyez, 1694, p. VI.

22 Jean Raynal, Histoire de la Ville de Toulouse, à Toulouse, chez J.-F. Forest, 1759, p. 384.

23 Eugène Lapierre, Histoire de l’académie, op. cit., p. 5-37.

24 Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, La presse et l’information à Toulouse des origines à 1789, Toulouse, Publications de la faculté des lettres et sciences humaines, 1967, p. 232-237.

25 Mme Blanc-Rouquette a justement insisté sur « l’aide précieuse » que représente le Mercure galant pour toute recherche sur les académies toulousaines au XVIIe siècle (op. cit., p. 121). Voir également Maud E. Storer, « Informations Furnished by the Mercure galant on the French Provincial Academies in the Seventeenth Century », Publications of the Modern Language Association, t. 50, 1935, p. 444-468. On trouve des articles consacrés à la société des belles-lettres de Toulouse dans les numéros d’octobre et novembre 1689, juin et octobre 1692, juin et juillet 1694, juillet 1696, janvier et juin 1698, mai 1699.

26 C'est nous qui soulignons.

27 Mercure galant, juin 1698.

28 Ainsi Mme Blanc-Rouquette écrit, à propos du texte que nous venons de citer : « De cette troisième assemblée [la société des belles-lettres], aucun souvenir ne paraît s’être perpétué jusqu’à nous » (op. cit., p. 124).

29 Le long article consacré par le Mercure galant d’octobre 1689 à l’établissement de « l’Académie des Belles-Lettres de Toulouse » ne le mentionne pas.

30 Mercure galant, juillet 1694. Voir aussi son portrait dans le numéro d’octobre 1689.

31 T. Desbarreaux-Bernard, « Les petites illustrations lanternistes », Bulletin du bibliophile, 10e série, mai 1851, p. 239-247 ; « Note bibliographique concernant les ouvrages de M. Vendages de Malapeire, l’un des fondateurs de l’académie des Lanternistes », Mémoires de l’académie, 8e série, t. II, 1880, premier semestre, p. 107-113 ; Marie-Louis Desazars de Montgailhard, « Vendages de Malapeire et la chapelle de Notre-Dame-du-Mont-Carmel », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, t. 15, années 1894-1896, p. 123-160.

32 Mercure galant, octobre 1689.

33 Ibid. ; Adrien Martel, Réponse..., op. cit., p. 35.

34 Ibid., p. 46.

35 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 1.

36 Recueil de divers Discours et autres pièces d’Éloquence, de Prose et de Vers, prononcez dans les Conférences académiques de Toulouse. Tome premier, à Toulouse, par J.-Paul Douladoure, 1692, p. XI.

37 Daniel Roche, Le Siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, thèse, Université de Paris-Sorbonne, 1973 [Paris-La Haye, Mouton, 1978], t. I, p. 38.

38 Mercure galant, octobre 1689.

39 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 30-35.

40 Ibid., p. 38.

41 Bartolomé Bennassar, dans Philippe Wolff (dir.), Histoire de Toulouse, Toulouse, Privat, coll. « Univers de la France et des pays francophones », 1974, p. 312-315.

42 Guerre dite de la Ligue d’Augsbourg.

43 Mercure galant, octobre 1689.

44 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 18.

45 Et non 1693, comme l’indiquent du Mège et T. Desbarreaux-Bernard.

46 François de Gélis, Histoire critique des jeux Floraux depuis leur origine jusqu’à leur transformation en académie (1323-1694), Toulouse, Privat, coll. « Bibliothèque méridionale », 1912, p. 144.

47 Notamment à Arles (1668), Soissons (1674), Villefranche-sur-Saône (1677), Nîmes (1682) et Angers (1685). D. Roche, op. cit., p. 10-40.

48 F. de Gélis, « Autour de Palaprat », Revue des Pyrénées, t. 21, 1909, p. 180-204, 357-379, 589-607, et t. 22, 1910, p. 75-94.

49 Palaprat cite en particulier le premier président Gaspard de Fieubet, le président de Donneville, Samuel de Fermat, Germain de Lafaille, l’abbé Maury.

50 Conseil des Seize, séance du 4 mai 1684. Cité par F. de Gélis, Histoire critique des jeux Floraux, op. cit., p. 148.

51 Jean de Palaprat, Préface des Empiriques, dans Les Œuvres de M. de Palaprat. Nouvelle édition augmentée de plusieurs Comédies qui n’ont pas encore été imprimées, Paris, P. Ribou, 1711, 2 vol. in-12.

52 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 5.

53 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 15.

54 Ibid., p. 13.

55 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 24.

56 D. Roche, op. cit., p. 15.

57 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 4.

58 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 12.

59 Ibid., p. 29. Allusion à l’hérédité des places de mainteneur, qui se transmettaient comme des offices.

60 F. de Gélis, op. cit.

61 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 9-11.

62 Ibid., p. 17. Allusion aux coûteux festins oferts par la ville aux mainteneurs.

63 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 8.

64 Ibid., p. 69.

65 Ibid., p. 46-57.

66 Ibid., p. 59. Ce Recueil parut en effet quelques mois plus tard.

67 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 60.

68 A. Martel, Factum..., op. cit., p. 19.

69 Jules de Lahondès, « Simon de Laloubère », Revue des Pyrénées, t. 1895, p. 233-263.

70 Cité par F. de Gélis, op. cit., p. 154.

71 J. de Palaprat, op. cit.

72 Alexandre du Mège, Histoire des institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires de la ville de Toulouse, op. cit., t. IV, p. 352.

73 Mercure galant, mai 1699.

74 J. de Lahondès, art. cité, p. 249-254.

75 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 58.

76 C’était le frère de l’auteur dramatique Jean-Galbert de Campistron, qui ne semble pas avoir participé lui-même aux conférences.

77 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 58.

78 Simon de Laloubère, Du royaume de Siam, Paris, J.-B. Coignard, 1691, 2 vol. in-8°.

79 Selon D. Roche, op. cit., t. II, p. 54, la bourgeoisie occupait au sein des « Lanternistes » une place sensiblement équivalente à celle de la noblesse (respectivement 39 % et 41 % du recrutement).

80 Leur nombre fut porté à quarante par les lettres patentes de mai 1725.

81 Mercure galant, novembre 1689.

82 Ibid., octobre 1689.

83 Près du collège de Périgord, rue du Taur (Robert Mesuret, Évocation du vieux Toulouse, op. cit., p. 509).

84 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 48.

85 Mercure galant, juin 1694.

86 Ibid., juillet 1696. L’hôtel de Mondran était situé Grande-Rue des Carmes, actuellement 11, place des Carmes (R. Mesuret, op. cit., p. 289).

87 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence présentées à Messieurs des Conférences académiques de Toulouse pour le prix de l’année MDCXCIV, op. cit., p. XI.

88 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. XII, et Mercure galant, octobre 1689.

89 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. XIII.

90 Ibid., p. XV.

91 Adrien Salvan, Histoire générale de l’Église de Toulouse, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, recueillie sur les monuments les plus authentiques, Toulouse, Delboy, 1856-1861, t. IV, p. 405.

92 A. Martel, Réponse..., op. cit., p. 59.

93 On remarquera la formulation « problématique » de ces sujets.

94 Mercure galant, juin 1694.

95 Ibid., octobre 1689.

96 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. 113.

97 Léon Dutil, « Le bicentenaire de l’académie », Mémoires de l’académie, 13e série, t. VII, 1945-1948, fasc. 1, 1945-1946, p. 5.

98 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. 21.

99 Mercure galant, mai 1699.

100 Recueil de divers Discours..., op. cit., p. XII.

101 Mercure galant, octobre 1689.

102 Ibid., juin 1692.

103 Ibid., juillet 1694.

104 Ibid., juillet 1696. Au cours d’un voyage en Italie, Adrien Martel avait assisté aux travaux de plusieurs académies : degli Infecondi et degli Humoristi à Rome, della Crusca à Florence ; il était agrégé à l’académie dei Ricovrati de Padoue (Mercure galant, juin 1692).

105 En septembre 1692 le prince héritier de Danemark, de passage à Toulouse où il fut reçu « par ceux qui tiennent le premier rang dans la Ville », fut complimenté au nom de la société par M. de Rocoles, qui s’en acquitta « avec beaucoup de succez » (Mercure galant, octobre 1692).

106 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. VII.

107 Proposé par Jean de Palaprat, selon F. de Gélis, art. cité.

108 Le choix de ce sujet traduit sans doute aussi la lassitude des élites toulousaines devant la poursuite de la guerre de la Ligue d’Augsbourg.

109 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. VIII.

110 C’était le frère du chanoine Compaing, membre de la société.

111 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. X.

112 Mercure galant, juillet 1694.

113 Allusion transparente à l’ambition de la société des belles-lettres de supplanter les jeux Floraux.

114 Cette médaille est reproduite dans T. Desbarreaux Bernard, op. cit., p. 80.

115 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence..., op. cit., p. XII.

116 Recueil de plusieurs pièces d’Éloquence et de Poésie Présentées à l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse pour le Prix de l’année MDCXCVI, à Toulouse, chez Guillaume-Louis Colomyez, 1696, p. VI.

117 Mercure galant, janvier 1696.

118 Ibid., mai 1699.

119 Ibid.

120 C’est ainsi qu’Aurélien Vivié écrit que « l’académie de Bordeaux a fondé en 1714 le premier prix de physique qui ait été établi en Europe », « Les lauréats de l’académie (1713-1893) », Actes de l’académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, 3e série, 55e année, 1893, p. 423. Voir aussi Pierre Barrière, L’académie de Bordeaux centre de culture internationale au XVIIIe siècle (1712-1792), Bordeaux, Bière, 1951, p. 120.

121 G. Astre, « Les Sciences chez les Lanternistes », art. cité.

122 T. Desbarreaux-Bernard, « Note bibliographique concernant les ouvrages de M. Vendages de Malapeire », art. cité.

123 À Tolose, par Arnaud Colomiez, 1665, in-8°, VIII-230 p.

124 Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, 1680-1715, Paris, Gallimard, coll. « Idées », nos 173-174, 1968, t. I, p. 207-215.

125 Malapeire, De la nature des Comètes, p. 218.

126 Ibid., p. XIV.

127 Ibid., p. 8. Malapeire emploie le mot « comète », ainsi que « planète », au masculin.

128 Ibid., p. 84.

129 Ibid., p. 1-3.

130 Pierre Bayle, Lettre à M. L. A. D. C., docteur de Sorbonne, où il est prouvé par plusieurs raisons tirées de la Philosophie et de la Théologie que les Comètes ne sont Point le Présage d’aucun malheur, Cologne, P. Marteau, l682, in-12 ; Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète qui parut au mois de décembre 1680, Rotterdam, R. Leers, 1683, 2 vol. in-12.

131 Malapeire, op. cit., p. 4.

132 Ibid., p. 170.

133 Ibid., p. 192.

134 Bien fragmentaires et incertaines encore, comme l’ont montré les débats suscités par l’apparition en 1973 de la comète « Kohoutek ».

135 Encyclopédie, article « Comète », t. III, 1753, p. 672-678.

136 Malapeire, op. cit., p. 221.

137 P. Hazard, op. cit., p. 207-238.

138 Ibid., p. 213.

139 Malapeire, op. cit., p. 221 et 223.

140 Ibid., p. 226.

141 Institut de France. Index biographioue des membres et correspondants de l’Académie des sciences, du 22 décembre 1666 au 15 décembre 1967, Paris, Gauthier-Villars, 1968, p. 31.

142 Œuvres diverses de Monsieur Bayle, Toulouse, chez Fouchac et Bely, 1688, 2 vol. in-12 ; Francisci Bayle… Opuscula, Tolosæ, apud G. Robert, 1701, in-4°, 416 p.

143 Dominique Clos, « Notice sur les écrits botaniques de François Bayle », Mémoires de l’académie, 4e série, t. V, 1855, p. 321-337 ; « Du Tractatus de plantis de François Bayle », ibid., 5e série, t. II, 1858, p. 159-165.

144 D. Clos, « Notice sur les écrits botaniques de François Bayle », art. cité, p. 337.

145 F. Bayle, « Dissertatio secunda de forma plantarum », dans Dissertationes physicae sex, in quibus principia proprietarum in mistis œconomia corporum, in plantis et animalibus… demonstrantur, Tolosæ, ex officina Guillelmi Ludov. Colomeri et Hieronimi Poysuel, 1677, in-12, 192 p. Cité par D. Clos, art. cité, p. 325.

146 D. Clos, art. cité, p. 332.

147 F. Bayle, Problemata physica et medica, in quibus varii veterum et recentiorum errores deteguntur, Tolosæ, apud B. Guillemette, 1677, in-12, 198 p. Cité par D. Clos, art. cité, p. 335.

148 Ibid., p. 337.

149 Publié dans les Institutiones physicæ ad usum scholarum accomodatæ, Tolosæ, apud J.-P. Douladoure, 1700, 3 vol. in-4°.

150 D. Clos, « Du Tractatus de plantis de François Bayle », art. cité, p. 164.

151 Adrien-Joseph Gaussail, « Examen analytique de trois dissertations de François Bayle », Mémoires de l’académie, 5e série, t. I, 1857, p. 452-454 ; Fragments d’une étude sur François Bayle. Discours prononcé à l’ouverture de la séance publique de la Société de Médecine de Toulouse le 20 mai 1860, Toulouse, Bonnal et Gibrac, 1860, 16 p. ; Fragment d’une étude sur François Bayle, docteur en médecine, pour servir à l’histoire de l’Université de Toulouse, Toulouse, Bonnal et Gibrac, 1863, 20 p. ; « Étude sur François Bayle, docteur en médecine, professeur à la Faculté des arts libéraux de l’Université de Toulouse », Mémoires de l’académie, 6e série, t. III, 1865, p. 372-379.

152 Cité par A.-J. Gaussail, Fragment d’une étude sur François Bayle, op. cit., p. 5.

153 F. Bayle, Dissertationes medicæ tres. I De causis fluxus menstrui mulierum ; II De sympathia variarum corporis partium cum utero ; III De usu lactis in tabidos reficiendos et de immediato corporis alimento, Tolosæ, apud J. Pech, 1670, in-8°, 128 p. ; Tractatus de apoplexia, in quo hujus affectionis causa penitus ex doctrina Hippocratis et vera curationis methodus traditur, Tolosæ, apud B. Guillemette, 1677, in-12, 126 p.

154 Cité par A.-J. Gaussail, Fragment d’une étude sur François Bayle, op. cit., p. 3.

155 Faut-il rappeler que Molière, du Médecin volant (1659) au Malade imaginaire (1673), ne cessa de brocarder les médecins ?

156 Cité par A.-J. Gaussail, « Étude sur François Bayle... », art. cité, p. 378.

157 A.-J. Gaussail, « Examen analytique de trois dissertations de François Bayle », art. cité, p. 452.

158 Joseph Bertrand, L’Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793, Paris, Hetzel, 1969, p. 6-8.

159 F. Bayle, Discours sur l’expérience et la raison, dans lequel on montre la nécessité de les joindre dans la phisique, dans la médecine et dans la chirurgie, Paris, Thomas Moette, 1675, in-12, 98 p. ; Seconde édition, revue et corrigée par l’auteur, Toulouse, chez Fouchac et Bely, 1684, in-12, X-88 p.

160 Raymond Naves, « Un médecin philosophe au XVIIe siècle, François Bayle », Revue d’histoire littéraire de la France, 46e année, 1939, p. 201-211 ; Jacques Roger, Les sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIe siècle. La génération des animaux de Descartes à l’Encyclopédie, Paris, Colin, 1971, p. 196-198.

161 F. Bayle, op. cit., édition de 1684, p. 6.

162 Ibid., p. 67-68.

163 Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle. Une analyse de psychologie historique, Paris, Plon, coll. « Civilisations et mentalités », 1968, 584 p.

164 Toulouse, chez B. Guillemette, 1678, in-12, 72 p.

165 R. Mandrou, op. cit., p. 475.

166 François Bayle et Henri Grangeron, Relation de l’état de quelques personnes prétendues possédées, faite d’autorité du Parlement de Toulouse, Toulouse, Veuve Fouchac et Bely, 1682, in-16, VI-118 p. Nous avons consulté l’édition procurée en 1693 par Guillaume-Louis Colomyez, in-12, 78 p. Cet ouvrage est analysé par R. Mandrou, op. cit., p. 475-478.

167 F. Bayle et H. Grangeron, op. cit., p. 32-36.

168 Ibid., p. 40-52.

169 Ibid., p. 77.

170 R. Mandrou, op. cit., p. 482. L’édit est daté de juillet 1682.

171 Recueil de divers Discours et autres Pièces d’Éloquence, de Prose et de Vers, prononcez dans les Conférences académiques de Toulouse, op. cit., p. 78-113. François Bayle est également l’auteur d’une Dissertation sur la cause de la suspension des vapeurs dans l’air, Toulouse, chez Fouchac et Bely, 1687, in-12, 36 p.

172 F. Bayle, op. cit., p. 78-80.

173 Ibid., p. 111.

174 R. Naves, art. cité, p. 209.

175 J. Bertrand, op. cit., p. 1-46.

176 Registre des Lanternistes, Bibliothèque municipale de Toulouse, ms. no 1071, p. 14.

177 Allusion aux conférences académiques.

178 Registre des Lanternistes, p. 14-15.

179 Allusion aux concours des jeux Floraux.

180 Registre des Lanternistes, p. 16.

181 Ibid., p. 15.

182 Mercure galant, juin 1698.

183 Ibid.

184 Ibid.

185 Registre des Lanternistes, p. 19.

186 Remarquant que l’appartement où l’abbé Maury tenait ses conférences en 1680 donnait sur la rue Lanternistes, Jules Chalande (Histoire des rues de Toulouse. Monuments, institutions, habitants. Première partie, Toulouse, Douladoure-Privat, 1919, p. 309) et Robert Mesuret (Évocation du vieux Toulouse, op. cit., p. 410) font dériver de cette rue le nom des Lanternistes. Mais nous savons que les gens de lettres qui se réunissaient autour de l’abbé Maury ne le portaient pas encore. De plus, la tradition ainsi contestée était universellement admise au XVIIIe siècle, comme en témoignent les articles « Lanternistes » du Dictionnaire de Trévoux (nouv. édition, 1771, t. V, p. 417) et de l’Encyclopédie (t. IX, 1765, p. 278).

187 Mercure galant, juin 1698.

188 Jean-Galbert de Campistron et son œuvre (1656-1723), catalogue d’exposition, Toulouse, Archives départementales de la Haute-Garonne, 1957, 20 p.

189 Mercure galant, août 1703.

190 Ibid., juillet 1698.

191 Ibid., mai 1698 ; J. Chalande, « Les lettres de réception décernées en 1696 par les Lanternistes à Mlle L’Héritier de Villandon », Mémoires de l’académie, 11e série, t. V, 1917, p. 612-613.

192 Mercure galant, juin 1701.

193 Eugène Lapierre, « Les bouts-rimés des Lanternistes », Mémoires de l’académie, 8e série, t. IX, 1887, p. 269-286.

194 Publication du Sonnet qui a remporté le Prix des Lanternistes cette année 1698, Toulouse, chez la veuve de J.-J. Boude, 1698, in-8°, 16 f. ; Publication du Sonnet qui a remporté le Prix des Lanternistes cette année 1704, Toulouse, de l’Imprimerie de G. Robert, 1704, in-4°, 20 p.

195 Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon, Bigarrures ingénieuses, ou Recueil de diverses pièces galantes en prose et en vers, Paris, J. Guignard, 1696, in-12 ; Marie Chalvet de Malenfant, Recueil de plusieurs pièces en vers, à Toulouse, chez Estienne Manavit, 1699, in-12 ; Anne-Marguerite du Noyer, Lettres historiques et galantes de deux dames de condition dont l’une étoit à Paris et l’autre en province, Cologne, P. Marteau, 1713, 6 vol. in-12 ; Œuvres mêlées de feu Monsieur Roubin, de l’Académie royale d’Arles, Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, 1716, in-12 ; Les Œuvres de Monsieur Palaprat. Nouvelle édition, Paris, Briasson, 1735, in-8°.

196 Registre des Lanternistes, p. 14.

197 Figurée dans le Registre des Lanternistes, p. 14, et reproduite dans le Mercure galant d’avril 1694.

198 Registre des Lanternistes, p. 20.

199 Ibid., p. 26.

200 F. de Gélis, Histoire critique des jeux Floraux, op. cit., p. 145.

201 La paix de Ryswick (1697).

202 Registre des Lanternistes, p. 29.

203 Mercure galant, février 1700.

204 Ibid., mars 1701.

205 Ibid., mars 1702.

206 Ibid., août 1702.

207 Ibid., mars 1703.

208 Registre des Lanternistes, p. 18.

209 Ibid., p. 28. Il s’agissait de Thomas-Alexandre de Morant.

210 Mercure galant, juillet et août 1703.

211 Registre des Lanternistes, p. 24, et Mercure galant, juillet 1699.

212 « Ce fut en lui adjugeant le second prix que cette célébre Académie l’admit dans son corps, honneur qu’elle n’avoit encore accordé à aucune dame » (Dictionnaire de Trévoux, article « Lanternistes », t. V, p. 417).

213 Registre des Lanternistes, p. 19.

214 Ibid., p. 21.

215 Ibid., p. 26.

216 Mercure galant, mars 1703.

217 Ibid., août 1694.

218 De la Févrerie, « La Défense des Bouts-Rimez, ou Réponse à la lettre de Mr de Bellocq qui est dans le Mercure galant du mois de juillet 1694 », Mercure galant, mai 1695, p. 36-50.

219 Ibid., septembre 1694.

220 Ibid.

221 De la Févrerie, op. cit.

222 Mercure galant, janvier 1697.

223 E. Lapierre, Histoire de l’académie, op. cit., p. 33.

224 Aux trois institutions savantes ou littéraires qui font l’objet de ce chapitre s’ajoutait l’école de dessin ouverte par l’avocat Dupuy du Grez, qui distribua de 1693 à 1697 une médaille d’or à l’effigie de Pallas destinée à récompenser l’auteur de la meilleure « académie ». Marie-Louis Desazars de Montgailhard, « L’art à Toulouse. Ses enseignements professionnels pendant l’ère moderne », Mémoires de l’académie, 10e série, t. IV, 1904, p. 296-297.

225 L’abbé Salvan mentionne en effet plusieurs discours de M. de Malapeire « prononcés à l’ouverture de l’Académie de Saint-Orens » (Histoire générale de l’Église de Toulouse, op. cit., t. IV, p. 405). Ce nom semble provenir du domicile d’Adrien Martel, qui logeait « dans la Paroisse Saint-Sernin derrière les religieuses de la Visitation » (Mercure galant, mai 1699), dont le couvent se trouvait rue Saint-Orens (rue de Rémusat ; R. Mesuret, op. cit., p. 502).

226 Simon de Laloubère, Traité de l’origine des Jeux Floraux de Toulouse, à Toulouse, de l’Imprimerie de Claude-Gilles Lecamus, 1715, in-12, 208 p.

227 Recueil des Jeux Floraux, 1696, p. IV.

228 Registre des Lanternistes, p. 22.

229 Annexes, liste no 1 [non reproduite ici]. Seuls, parmi les Lanternistes, M. de Lucas, l’abbé Laborie et l’avocat Lagny n’étaient pas membres de la société des belles-lettres.

230 Mercure galant, passim.

231 L’Histoire de la Ville de Toulouse de l’académicien Raynal, parue en 1759, est le premier ouvrage où soient confondues les activités des Lanternistes et celles de la société des belles-lettres (p. 384). Nous ignorons si Jean-Nicolas Gez, qui présenta à l’académie le 5 mai 1791 un « Essai historique sur quelques sociétés de gens de lettres & de savans qui se formèrent à Toulouse dans le siècle dernier » (Journal universel du Département de la Haute-Garonne et Affiches de Toulouse, 4 mai 1791), entretenait la même confusion, comme le fera quelques années plus tard de Méja.

232 G. Astre, « Les sciences chez les Lanternistes », Mémoires de l’académie, vol. 132 ; 15e série, t. I, 1970, p. 32.

233 Alexandre du Mège, Histoire des institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires de la ville de Toulouse, op. cit., t. IV, p. 529. Dans l’article « Martel » de la Biographie toulousaine (t. II, p. 25), il écrit encore que les conférences « cessèrent seulement à l’époque de l’établissement de la Société des Sciences ».

234 J. Raynal, op. cit., p. 384.

235 T. Desbarreaux-Bernard, Les Lanternistes, op. cit., p. 87.

236 De Méja, Mémoriaux des Lanternistes, t. I, p. 2.

237 Délibérations, I, p. 45.

238 Mémoires copiés, I, p. 3.

239 Ibid.

240 Anne-Marie d’Orbessan, Mélanges historiques critiques, de Physique, de Littérature et de Poésie, Toulouse, aux dépens de Birosse, 1768, t. II, p. 10.

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