URL originale : https://books.openedition.org/pumi/14818

La franc-maçonnerie à Tarbes et en Bigorre au XVIIIe siècle
p. 213-231
Texte intégral
1Au XVIIIe siècle, Tarbes triple sa population, s’anime, s’embellit, s’affirme dans son rôle de métropole religieuse, administrative et intellectuelle de la province, bref, de simple bourg, se « mue en ville »1. Parmi bien d’autres indices de cette promotion, l’un des plus significatifs est sans doute l’apparition, dans la deuxième moitié du siècle, d’une forme nouvelle de vie associative caractéristique de la sociabilité des élites urbaines à l’époque des Lumières, la franc-maçonnerie. Celle-ci s’implanta aussi dans des localités de moindre importance, Bagnères, Barèges et Vic, témoignant ainsi du rayonnement régional de la capitale de la Bigorre.
2L’existence d’une loge à Tarbes avant et après la Révolution a été signalée à partir de 1935 par l’abbé Jean Francez, qui a publié plusieurs documents la concernant2. La mise à la disposition des chercheurs des archives du Grand Orient de France, aujourd’hui déposées au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale3, permet de donner une vision plus complète et plus synthétique des débuts de la maçonnerie tarbaise et bigourdane, même si les lacunes d’une documentation très fragmentaire laissent dans l’ombre certains de ses aspects4.
Les loges de Tarbes
La Paix
3Née en Angleterre, avec la formation de la Grande Loge de Londres le 24 juin 1717, la franc-maçonnerie moderne, dite « spéculative » pour la distinguer de la maçonnerie « opérative » des ouvriers du bâtiment médiévaux, ne tarda pas à se répandre en France. Les premières loges se créent à Paris vers 1725, à Bordeaux en 1732, à Toulouse en 1741, à Auch en 1746. Dans les Pyrénées centrales, on trouve des traces fugitives d’activité rituelle à Bagnères dès 17445, à Barèges6, Saint-Gaudens et Pau en 17487. Mais Tarbes dut semble-t-il patienter encore une vingtaine d’années avant d’être touchée par la « lumière » maçonnique, puisque l’atelier qui portera le « titre distinctif » de la Paix (dont nous ignorons si c’était son titre originel) y fut « constitué » par la Grande Loge de France, que présidait le comte de Clermont, le 10 novembre 1764 seulement.
4La Grande Loge ayant suspendu ses travaux en 1767 à la suite d’une scission et les ayant repris en 1771 sous la direction d’un nouveau grand maître, le duc de Chartres, les maçons tarbais lui demandèrent de nouvelles constitutions qu’ils obtinrent le 9 octobre 1772 de l’administrateur général de l’ordre, le duc de Montmorency-Luxembourg. Ils avaient alors à leur tête les frères Dominique de Vergez, écuyer, syndic des états de Bigorre et subdélégué de l’intendant, « vénérable », Dominique-Antoine Perrey, avocat en parlement, « premier surveillant », et Jacques Vidal, écuyer, « deuxième surveillant ».
5En juin 1773 la Grande Loge se transforma en Grand Orient de France, qui exigea de toute les loges existantes qu’elles fassent renouveler leurs constitutions sous peine d’être considérées comme « irrégulières ». Tel fut d’abord le cas de la Paix, qui attendit plus de deux ans pour faire régulariser sa situation par l’obédience parisienne. Ce n’est en effet que le 17 novembre 1775 qu’elle lui transmit, par l’intermédiaire du « député » qu’elle avait désigné le 24 juin précédent, l’abbé de Montmorency-Bouteville, sa demande officielle de reconstitution, accompagnée de l’original des constitutions de 1772, du « tableau » de ses adhérents, de la liste des loges avec lesquelles elle était en relation, et d’un « don gratuit » (contribution financière annuelle) de 24 livres.
6Pourquoi ce retard ? Le frère Perrey, « ex-vénérable », s’en explique dans une lettre à un correspondant inconnu, sans doute un officier du Grand Orient : « Il nous est arrivé tant de malheurs, tant de désastres qu’a peine avons nous eu le temps de respirer. » La loge a « perdu » un de ses principaux membres, le frère de Mérens, « réduit à se cacher parce qu’il a voulu généreusement réparer l’épée à la main l’honneur qu’on avait voulu lui ravir »8. À cause de ce scandale sans doute, la plupart de ses confrères ont cessé d’assister aux « tenues », si bien que « le temple est désert depuis plus de six mois » ; on constate en effet que la majorité d’entre eux (dix-neuf sur trente-sept) n’ont pu signer la liste envoyée au Grand Orient, étant « absents ». Enfin le vénérable en exercice, Jacques Duco, chirurgien-major de l’hôpital royal et militaire de Barèges9, est malade, et doit être suppléé par un vénérable pro tempore, le procureur au sénéchal Jean-Louis Depène.
7Ces vicissitudes n’empêchèrent pas la chambre des provinces du Grand Orient d’accorder le 29 février 1776, sur le rapport du frère Leblanc, le renouvellement demandé, et d’inscrire la Paix de Tarbes sur « le tableau des loges régulières de France » pour prendre rang au 9 octobre 1772.
8Sa « réinstallation » solennelle eut lieu le 27 mai suivant, au cours d’une cérémonie dont le procès-verbal, imprimé par le frère Roquemaurel, a été publié intégralement par l’abbé Francez10. Les pouvoirs du Grand Orient avaient été adressés à Perrey, vénérable pro tempore en l’absence de Duco toujours malade. Mais la loge préféra les confier à un grand personnage de passage dans la ville qu’elle affilia pour la circonstance, le marquis de Chabrillan, colonel du régiment de Barrois-Infanterie11. Il s’avéra par la suite que ce « frère aussi respectable par ses qualités civiles qu’estimable par ses qualités maçonniques » appartenait à un atelier parisien, Saint-Antoine, non reconnu par le Grand Orient ; mais les maçons tarbais l’ignoraient et le Grand Orient ne leur en tint pas rigueur, persuadé que « s’ils eussent connu son irrégularité ils ne l’auraient pas laissé présider sans du moins exiger de ce frère son obligation de se faire régulariser ». Toutes les formalités d’usage avaient d’ailleurs été respectées : lecture des constitutions de la loge et des statuts du Grand Orient ; prestation et signature (en cinq exemplaires !), par les vingt et un frères présents, de leur « obligation » envers l’obédience : « Je promets d’honneur, en vrai maçon, d’être constamment et fidèlement attaché au Grand Orient de France, et de me conformer aux statuts et règlements faits et à faire par lui » ; proclamation de l’installation par le commissaire installateur ; discours du vénérable et de l’orateur ; le tout entrecoupé de « vivats » rituels.
9La Paix n’apparaît plus ensuite que par intermittence dans les documents conservés. Le 14 décembre 1777, son vénérable Depène écrit au Grand Orient pour demander le remplacement de son député, l’abbé de Montmorency-Bouteville, « qui depuis longtemps n’en remplit plus les fonctions et qui même n’assiste plus aux assemblées du Grand Orient », par un maçon parisien plus zélé, Charles-Claude Leblanc de Virly. Puis sa correspondance s’interrompt jusqu’au 18 février 1782, date d’une « planche » où elle annonce qu’elle vient de surmonter une nouvelle crise :
Des circonstances particulières, et totalement étrangères à l’union intime qui a toujours régné entre les frères de cette loge, nous ayant privés de notre temple, nos assemblées étaient devenues très rares, à cause de la difficulté de trouver dans une petite ville un lieu propre à célébrer nos mystères. L’heureuse circonstance de la naissance de Mgr le Dauphin a ranimé notre ferveur maçonnique en même temps que notre patriotisme ; nos travaux ont repris leur première vigueur, et nous avons pris les mesures les plus efficaces et les plus promptes pour élever un autre temple.
10C’est en effet pour « signaler [leur] zèle civil et maçonnique en donnant une fête à l’occasion de la naissance de Mgr le Dauphin » (le premier fils de Louis XVI, Louis-Joseph-Xavier, venu au monde le 22 octobre 1781), comme le Grand Orient les y avait invités dans sa circulaire du 16 novembre, que les maçons tarbais se retrouvèrent le 24 décembre 1781 dans le nouveau local qu’ils s’étaient procuré au cœur du Bourg-Vieux, place Saint-Jean. Le 27, réunis en assemblée générale sous la présidence de leur vénérable Pierre de Mérens, ils convinrent avec lui « que leur double qualité de bons Français et de vrais maçons les obligeait de faire éclater dans une occasion aussi importante leur respectueux attachement pour [leur] bon roi et leur amour pour la patrie », décidèrent de « rendre des actions de grâce solennelles au Grand Architecte de l’Univers pour la faveur qu’il venait de [leur] faire en [leur] donnant un Dauphin », et arrêtèrent le programme des « réjouissances publiques » destinées à « faire éclater au dehors » leur joie, sans toutefois « compromettre [leurs] mystères ». Ces réjouissances se déroulèrent le dimanche 30 décembre, selon une ordonnance minutieusement détaillée dans le procès-verbal imprimé par le frère Roquemaurel et publié en 1970 par l’abbé Francez12.
11Après s’être assemblés à dix heures du matin dans le temple, et avoir distribué du pain à « tous les pauvres qui se sont présentés »13, les maçons, « vêtus de noir », se rendirent en corps à l’église des Cordeliers pour y entendre, dans le chœur « d’où le peuple avait été écarté par les frères servants », une messe et un Te Deum ; « Le vénérable était au centre, formant la pointe de l’angle dont les frères premier et second surveillant occupaient les deux extrémités. M. le comte de Gontaut, commandant pour le roi dans la province de Bigorre, [...] était placé au côté du vénérable. [...] L’introït, l’élévation, ainsi que l’intonation du Te Deum ont été annoncés par des salves de boîtes », et la sonnerie des cloches. À quatre heures de l’après-midi commença un grand banquet, au cours duquel on porta la santé du dauphin et on chanta un cantique composé par le frère Joseph Cartes, avocat en parlement, secrétaire de la loge, sur l’air du Carillon de Dunkerque. Les frères revinrent ensuite au temple « pour présider à l’illumination des différentes pièces d’architecture élevées sur la place. Cette illumination a produit un brillant effet, et a attiré toute la ville ».
12Il faut dire que l’ingénieux décor conçu par le frère Carles et réalisé par le frère Henri Pujol, négociant, « architecte » de la loge, avait de quoi piquer la curiosité et susciter l’admiration du public. Il formait un triangle dont les sommets étaient constitués par la façade du temple, dont la grande porte était surmontée d’un tableau « où étaient peintes les armes de notre souverain grand maître Mgr le duc de Chartres » et le fronton orné d’une inscription lumineuse, Temple de la Paix, et par deux portiques composés de pilastres couronnés par un fronton décoré d’emblèmes maçonniques, portant les inscriptions Temple de la Liberté dédié aux États-Unis et Temple de la Tendresse. Près de ce dernier se trouvait « un vaste ormeau qui se partage en deux grandes branches qui sont depuis longtemps tronquées à longueurs inégales. L’état de cet arbre donna l’idée de le faire servir à représenter l’Angleterre et ses possessions dans l’Amérique et dans l’Inde ». Le tronc était illuminé de lampions, d’écuelles lumineuses et de pots à feu qui
figuraient les trois pouvoirs de la constitution anglaise. La branche du côté du Temple de la Liberté n’était point illuminée ; elle représentait les États de l’Angleterre en Amérique, et leur séparation de la mère patrie. L’autre branche n’était illuminée qu’à moitié, pour figurer l’ébranlement qu’ont éprouvé les possessions anglaises de l’Inde. Au haut de l’arbre [...] pendait un génie qui, faisant face à la principale entrée de la place, tenait de sa main gauche une hache appuyée sur la branche représentant les États Anglais en Amérique, qu’il séparait du tronc, et présentait de sa droite une guirlande de branches d’olivier, qui partait du Temple de la Paix, comme offrant la paix aux Anglais.
13À dix heures du soir, « dans une grande salle du temple décorée avec art et très bien illuminée », débuta un grand bal auquel assistèrent « la plus grande partie des dames de la ville et beaucoup d’étrangers », ainsi que le comte de Gontaut. « On y a servi toute sorte de rafraîchissements » et il se prolongea « jusque bien avant dans la nuit ». Bref, « rien n’a manqué à l’agrément de cette fête, grâce à la prévoyance du frère Decamps, trésorier, et au goût du frère Dintrans, maître d’hôtel14 ».
14En organisant cette manifestation publique de loyalisme monarchique, les membres de la loge souhaitaient aussi « dissiper les nuages que la prévention avait élevés contre les maçons », et convaincre le « vulgaire » de « ne considérer qu’avec respect ceux qui n’avaient été l’objet de sa critique que parce qu’il méconnaissait la sublimité de leurs principes ». La fête du 30 décembre contribua effectivement à améliorer leur réputation auprès de la population tarbaise :
Nous avons eu la satisfaction de voir que la manière décente dont nous nous sommes conduits dans les cérémonies publiques a dissipé la prévention de certains esprits contre notre ordre royal, et nous a procuré l’acquisition d’un digne frère, qui après avoir été témoin de notre fête a voulu entrer dans une société composée de bons citoyens et d’amis bienfaisants.
15Qui était ce « digne frère » ? On peut penser à Bertrand Barère de Vieuzac, avocat au parlement de Toulouse et conseiller au sénéchal de Bigorre, dont le nom apparaît en dernière position sur le tableau de 1781 ; ou plus vraisemblablement au chevalier Pierre de Saint-Tray, capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, qui sera premier surveillant en 1782 et vénérable en 1783.
16De 1782 à 1789 la Paix correspondit assez régulièrement avec le Grand Orient, auprès duquel elle était désormais représentée par le frère Bernard Peyrilhe, qui était « lié d’une ancienne et constante amitié » avec un de ses membres. Mais elle connut encore des difficultés internes, sur lesquelles nous sommes mal renseignés ; une lettre du 15 mars 1786 évoque « un enchaînement de malheureuses circonstances » qui ont « troublé ses opérations ». Pendant cette période, au cours de laquelle elle fut présidée par Antoine-François Péré, avocat en parlement (1782), le chevalier de Saint-Tray (1783), le prince de Rohan-Rochefort (1784), Pierre de Mérens, avocat en parlement (1785), Jean-François de Coture, maître particulier des Eaux et Forêts (1786 et 1787), et Pierre Clair de Fondeville, vicomte de Labatut (1789), elle soutint la demande de constitution des loges de Saint-Gaudens et de Vic, mais s’opposa vigoureusement, comme nous le verrons plus bas, à la reconnaissance officielle d’une deuxième loge à Tarbes. Les dernières traces de son existence au début de la Révolution sont le tableau qu’elle envoya au Grand Orient le 24 juillet 1789, et le discours « sur les malheurs du temps » prononcé le 4 août par son « orateur », l’avocat Jacques Barère15. Elle reprendra ses travaux en 1804, sous la présidence de Pierre de Mérens devenu juge au tribunal de la ville, qui écrivait le 6 mars au Grand Orient : « Dispersés pendant les orages politiques, nous nous sommes réunis avec transport dès que le calme a reparu, et notre temple est sorti plus brillant que jamais du sein de la tempête. »
La Parfaite Union
17Ni Jean Francez ni Alain Le Bihan ne citent la deuxième loge de Tarbes, qui fonctionna pourtant pendant plusieurs années aux côtés de la Paix mais ne fut pas reconnue par le Grand Orient. Elle apparaît dans les documents en 1784, mais existait déjà depuis « six ou sept ans [...] sans avoir jamais été constituée ». « Très nombreuse » et active à ses débuts, elle se serait endettée « par les frais des banquets ou des buvettes trop multipliés ou autrement, et fut obligée de se dissoudre et de vendre tout ce qu’elle pouvait avoir de vendable [« toutes ses décorations et ses moindres ustensiles »] pour satisfaire une partie de ses créanciers », ce qui causa « une espèce de scandale public ». Réveillée en 1784, elle demanda le 6 juin au Grand Orient des constitutions sous le titre distinctif de la Parfaite Union. Bien que la fortune de ses membres ait été, de l’aveu même de son vénérable, le graveur Louis Crépin, « des plus médiocres », elle s’engagea à
élever un temple dont le zèle des ouvriers ne cédera en rien à celui des membres de la très respectable loge de la Paix sur ce même orient, dont nous tâcherons d’imiter la ferveur et la régularité dans nos travaux. [...] Nous ne doutons point que les membres de cette respectable loge seront satisfaits de ce qu’ils verront dans notre temple, et qu’ils ne vous rendent de bons témoignages de nous.
18Cette espérance fut rapidement déçue. Consultée par le Grand Orient, la Paix se prononça à l’unanimité, le 24 juillet, pour « un refus absolu des constitutions demandées ». La Candeur de Saint-Gaudens ayant pris la même position le 4 septembre, et un « profane », également consulté, ayant assuré que les facultés des impétrants étaient « autant bornées que peuvent l’être celles de journaliers », le rapporteur de la chambre des provinces, le frère Doisy de Villargennes, conclut le 16 septembre qu’« il n’y a lieu d’accorder les constitutions demandées ».
19La Parfaite Union ne se découragea pas. Elle continua à assaillir le Grand Orient de réclamations et, sans attendre d’avoir obtenu gain de cause, multiplia les réceptions. Son obstination provoqua deux nouvelles délibérations hostiles de la Paix, les 28 janvier et 6 mars 1785 ; le 10 mars, elle prévint le Grand Orient que, même s’il constituait sa rivale, elle « ne fraternisera jamais avec elle ».
20La Parfaite Union, toujours présidée par le frère Crépin, fit une dernière tentative le 28 avril. Elle envoya au Grand Orient une nouvelle liste de ses adhérents, au nombre de vingt-deux, et le pria de faire prendre de nouveaux renseignements sur leurs « qualités, capacités et probité » par les loges d’Auch et de Pau, supposées moins aveuglées par la « jalousie » que celle de Tarbes. C’est la dernière manifestation connue de cette loge irrégulière, victime, comme nous allons le voir, des préjugés sociaux des francs-maçons officiels de la Paix.
Le recrutement des francs-maçons tarbais
21Les tableaux annuels de leurs membres adressés par les loges de Tarbes au Grand Orient à partir de 1775 ont fourni les noms de 129 initiés (107 pour la Paix, 22 pour la Parfaite Union)16. Bien que loin de constituer la totalité des maçons reçus depuis 1764, ils forment un ensemble suffisamment nombreux pour se prêter à une analyse sociologique pertinente. 24 % d’entre eux appartiennent à la noblesse, 1,5 % au clergé et 74,5 % au tiers état, ou plus précisément à la bourgeoisie, haute et moyenne surtout. Ces proportions sont très proches de celles qui ont été trouvées à Paris (respectivement 22,5 %, 3,9 % et 73,6 %)17 ou à Toulouse (20,5 %, 5,2 %, 74,3 %)18 : à Tarbes comme ailleurs, la franc-maçonnerie est donc un mouvement essentiellement bourgeois, mais où la noblesse joue un rôle non négligeable. La seule anomalie réside dans la maigre participation du clergé, alors que celui-ci fournit habituellement 4 ou 5 % du recrutement maçonnique ; il faudrait expliquer pourquoi, à deux ou trois exceptions près, les chanoines du chapitre, les professeurs du collège et les moines des couvents – milieux généralement très attirés par « l’art royal » – se sont tenus à l’écart des temples.
22Les pourcentages globaux que nous venons de citer ne reflètent qu’imparfaitement la réalité sociale de la maçonnerie tarbaise, dans la mesure où les deux loges présentaient une composition très différente.
23Les membres de la Parfaite Union provenaient tous de la petite bourgeoisie. C’étaient des marchands et des artisans (deux orfèvres, un graveur, deux maçons, un tailleur de pierre, un plâtrier, un serrurier, un tapissier, deux tailleurs, deux perruquiers, deux traiteurs-aubergistes, un pâtissier), de petits hommes de loi (deux « praticiens »), de petits employés (un garde de la connétablie), voire des domestiques (un « officier d’office »). Ils représentaient donc le monde modeste et laborieux de la boutique et de l’échoppe, à peine rehaussé par la présence d’un maître écrivain et d’un bachelier en droit ; monde particulièrement nombreux à Tarbes19, mais d’un faible niveau économique et culturel, et très inférieur socialement aux élites nobiliaires et bourgeoises qui se retrouvaient sur les « colonnes » de la Paix.
24Celle-ci comprenait 29 % de nobles, 2 % d’ecclésiastiques et 69 % de bourgeois. On y trouvait des nobles sans profession, titrés ou non ; des officiers de l’armée royale ; deux prêtres (le prébendier Charles Périès et le franciscain Jean de Claverie)20 ; des négociants (12 % du total) ; des « bourgeois », c’est-à-dire des propriétaires vivant de leurs rentes, dont quelques « américains » propriétaires aux colonies ; des avocats en parlement (14 %) et des procureurs au sénéchal ; des médecins, chirurgiens et apothicaires ; des artistes ; des officiers du sénéchal et de la maîtrise des Eaux et Forêts ; des employés des services publics (notamment des Fermes du roi) ; l’unique imprimeur de la ville, et quelques hôteliers.
25La vocation de la Paix à accueillir les privilégiés de la naissance, de la fortune et des talents s’accentua avec le temps. La comparaison de ses tableaux annuels révèle qu’elle subit en 1784 une véritable « réaction nobiliaire ». La part de la noblesse dans son recrutement s’élève de 18 à 46 %, alors que celle de la bourgeoisie tombe de 79 à 54 % ; la petite bourgeoisie, déjà très minoritaire, disparaît totalement, tandis qu’apparaît la noblesse titrée absente jusque-là. Le symbole le plus éclatant de ce tournant aristocratique fut l’élection au vénéralat, en juin 1784, du prince Charles-Jules-Armand de Rohan-Rochefort, lieutenant général des armées du roi, gouverneur des villes et citadelles de Mimes et de Saint-Hippolyte, premier baron des états de Bigorre, nommé en 1785 vénérable honoraire et perpétuel21.
26Il faut cependant relativiser cette apparente mainmise de l’aristocratie sur la loge. La plupart des nobles reçus à partir de 1784, et notamment les officiers de l’armée qui en constituent près de la moitié, ne résident pas durablement à Tarbes, et passent rapidement dans la catégorie des « associés libres » ou des « affiliés honoraires », c’est-à-dire des membres absents. L’atelier reste donc contrôlé par la haute et la moyenne bourgeoisie, comme le montre le statut socioprofessionnel de ses principaux animateurs qui monopolisent durablement les postes d’officiers. Ce sont des nobles, mais de noblesse souvent récente (Pierre-Paul Dubois, chevalier de Belleroche ; Jean-Charles, baron d’Espalais, lieutenant des maréchaux de France ; Joseph de Salles, baron de Hiis ; Pierre Clair de Fondeville, vicomte de Labatut ; Pierre, chevalier de Saint-Tray, capitaine de cavalerie) ; des officiers civils (Raymond Davezac de Castéra, greffier en chef du sénéchal de Bigorre ; Jean-François de Coture, maître particulier des Eaux et Forêts ; Guillaume Dutilh, greffier en chef de la maîtrise) ; d’autres administrateurs (Louis de Mérens, contrôleur des Fermes et receveur des décimes ; Dominique de Vergez, syndic général des états et subdélégué de l’intendant) ; des négociants (Jean-Antoine Francez, Henri Pujol) ; l’imprimeur Jacques Roquemaurel ; l’organiste de la cathédrale Paul-Bernard Gardey ; et surtout des hommes de loi : procureurs au sénéchal (Jacques Darroy, Jean-Jacques Decamps, Jean-Louis Depène, Pierre-Martin Desbets) et avocats en parlement (Jacques Barère, Joseph Carles, Jacques et Jean-Baptiste Decamps, Dominique Dintrans, Pierre de Mérens – qui devient lieutenant principal du sénéchal en 1786 –, Dominique-Antoine Perrey, Jean de Rulleau). Ce groupe restreint, stable et fidèle, dirigea les travaux de la loge jusqu’en 1789, et de nouveau à partir de 1804 après l’intermède révolutionnaire22.
27Les membres les plus actifs de la Paix sont donc très représentatifs de ces notables ambitieux, avides de promotion sociale, de charges et d’honneurs, cherchant à s’anoblir par l’achat d’offices ou de seigneuries et par des mariages avantageux, avant tout soucieux de se distinguer du « commun », qu’a si bien décrits Jean-François Soulet23. Dans une demande de certificat maçonnique présentée au Grand Orient, les frères de Vergez, de Perrey et Vidal insistent pour « faire mettre toutes [leurs] qualités, quand ce ne serait pas l’usage, car on en est furieusement jaloux en Gascogne ». On imagine aisément combien la vanité de ces parvenus devait se trouver flattée quand ils pouvaient côtoyer, dans leurs tenues, un marquis de Chabrillan, un prince de Rohan-Rochefort, ou même un Dumoret, « fourrier-major des gardes du corps du roi et capitaine des levrettes de la chambre de Monsieur, frère du roi »... S’adressant au marquis de Chabrillan lors de la réinstallation de la loge, l’avocat Caries lui déclara :
Dans un temple consacré à l’égalité et à la sagesse, on ne brûle guère d’encens pour la grandeur et les dignités ; mais lorsque ces distinctions, respectables dans l’ordre des sociétés civiles, se trouvent réunies parmi nous aux qualités et aux dignités maçonniques, nous joignons les sentiments de vénération à ceux de l’amitié en faveur d’un frère qui réunit tant d’avantages. [...] Nous ne comptons pas, ainsi que vous, une longue suite d’aïeux qui aient rendu des services éclatants à l’État ; mais nos ancêtres ont été utiles par leurs lumières au pays où la providence les avait placés. Les frères au nom de qui je parle en ce moment sont des citoyens vertueux et tranquilles, aisés de leurs fortunes, libres de leurs professions, estimés dans la patrie par leurs talents. [...] Ils sont dans cet heureux état de médiocrité, tant célébré par les poètes, tant estimé des sages, et qui offre moins d’obstacles à la sagesse et au bonheur.
28Mais la fausse modestie de cet épicurisme bourgeois dissimule mal le sentiment de supériorité sociale qui leur fit catégoriquement refuser de voir reconnaître auprès d’eux une loge de simples artisans, que les principes de l’ordre maçonnique les auraient obligés à fréquenter et à considérer comme leurs frères et leurs égaux au moment précis où un prince authentique leur faisait l’honneur de se mêler à eux...
29Leur correspondance avec le Grand Orient à propos de la demande de constitution de la Parfaite Union témoigne avec éloquence de la force des préjugés sociaux au sein d’une association qui faisait pourtant profession de les ignorer. Le 3 août 1784, la Paix écrit que les adhérents de la Parfaite Union,
pris dans la classe des artisans, n’ont ni l’éducation, ni la faculté nécessaire pour travailler avec quelque fruit ; le temps qu’ils emploieraient aux travaux maçonniques, ils le déroberaient la plupart aux besoins d’une famille indigente ; nos secrets pourraient être compromis ou par eux, ou par d’autres à qui ils communiqueraient la lumière, et nous aurions peut-être à rougir un jour d’avoir de pareils individus pour frères.
30Le 30 janvier 1785, elle exige du Grand Orient, enclin à considérer « qu’il est généralement un bien que l’art royal s’étende à toutes les classes de citoyens », qu’il n’expose pas
les ouvriers de cette loge à l’humiliation de partager le nom de maçons avec des gens peu faits pour l’apprécier, et qui après avoir commencé à le compromettre, ne tarderaient pas à le faire décrier et finiraient par le prostituer. [...] Dans les grandes villes il est des loges d’artisans, mais ces artisans connaissent mieux les règles de l’art royal, se conduisent mieux, et s’il en résulte quelques inconvénients ils sont confondus et ignorés. Il n’en est pas de même dans cet orient : les fautes que pourrait commettre ce nouvel atelier ne pourraient être ignorées, ils jetteraient le plus grand décri sur l’art royal et compromettraient les frères ouvriers de l’atelier déjà établi, au point qu’ils seraient obligés d’abandonner les travaux.
31Or le Grand Orient se doit de
conserver un atelier respectable par son ancienneté, par la régularité de ses travaux, par le nombre des ouvriers qui le composent et par leurs qualités maçonniques et civiles. [...] Ce qui doit déterminer davantage à refuser les constitutions, c’est que ceux qui les demandent ne sont que des gens sans fortune dont le travail suffit à peine à leur subsistance, et parmi lesquels il n’en est aucun qui professe un art libéral.
32Le 10 mars 1785, la Paix revient à la charge :
Pas un garçon cordonnier, perruquier, tailleur ou autre n’y est refusé pourvu qu’il ait pu se procurer la pièce d’or ; les fils de famille âgés de 16 ou 18 ans seulement y sont admis ; les uns et les autres ne peuvent selon toute apparence payer les frais de leur réception que par des infidélités envers leurs maîtres ou leurs parents.
33Constituer la Parfaite Union, ce serait donc
porter un coup mortel à la maçonnerie qui ne serait plus dans cet orient qu’un objet de dérision et de mépris, si cet art sublime était livré à des âmes viles et mercenaires, en un mot à ce que nous connaissons de plus bas et de plus abject autour de nous. [...] Qui de nous aurait pensé [...] qu’au moment où notre atelier vient d’acquérir un nouveau lustre par le bonheur d’être dirigé par un prince plus recommandable encore par ses vertus que par son rang, qu’au moment où cette loge a l’avantage de réunir dans son sein presque tout ce que la province nous offre de personnages vertueux et distingués, nous aurions à craindre de voir prostituer l’art sublime qui fait notre bonheur, et de nous voir exposés [...] à rougir d’être maçons ? [...] La loge en instance n’est composée que de gens qui n’ont ni l’éducation, ni l’honnêteté, ni les ressources nécessaires pour travailler avec succès. [...] La plupart d’entre eux sont non seulement artisans, mais encore garçons d’artisans ; ils forment en un mot ce qu’on appelle la lie du peuple.
34Or les règlements du Grand Orient n’admettent « que ceux qui peuvent sacrifier le superflu de leur fortune pour aider l’indigence et donner à l’ordre une partie de leur temps sans nuire à leurs occupations journalières », et les règlements qu’un « roi philosophe », « le Salomon du Nord »24, a donnés à la maçonnerie de son pays, « que de gens d’une naissance distinguée, d’un état et d’une profession recommandables ». Si dans les grandes villes existent
des artisans aisés et quelquefois riches [...], dans une petite ville comme Tarbes chacun aura les yeux sur cet assemblage singulier de maîtres et de garçons perruquiers, forgerons, tailleurs, bouchers, etc. Une bonne police ne sera peut-être pas tranquille sur cet attroupement. Quel désagrément ! Quel malheur pour nous de compter de telles gens pour nos frères !
35On retrouve dans ces diatribes les arguments habituellement avancés par les maçons aisés pour exclure des temples les pauvres et les travailleurs manuels. Leur propre intérêt d’abord : la fréquentation des tenues, le paiement des droits de réception et des cotisations ruineraient des gens qui n’ont que leur travail pour faire vivre leur famille. L’intérêt de l’ordre ensuite : les artisans n’ont pas les moyens intellectuels et financiers nécessaires pour accomplir les travaux rituels et pratiquer la bienfaisance ; de plus, leur présence dans les loges risquerait de les compromettre aux yeux du public et des autorités. Mais ces arguments rationnels et bien intentionnés cachent mal la véritable raison de l’hostilité des notables maçons à l’égard de leurs « frères » d’origine modeste : l’orgueil de caste, le refus de frayer avec les classes inférieures, le mépris du petit peuple, qui éclatent dans la violence du ton et l’emploi d’expressions comme « la lie du peuple » ou « âmes viles et mercenaires ».
36De tels conflits sociaux n’étaient pas rares à la fin de l’Ancien Régime dans les petites villes où coexistaient loges aristocratiques et bourgeoises et loges populaires ; à Auch, à Castelnaudary25, à Albi, à Castres26, les premières s’opposèrent comme à Tarbes à la constitution des secondes. C’est dans ce contexte concret qu’il convient de replacer la notion abstraite d’égalité, chère aux francs-maçons. Bien que le niveau soit un des éléments les plus significatifs de leur symbolisme, et l’égalité une des références obligées de leurs discours, elle ne s’exerce qu’à l’intérieur des temples, au sein de groupes restreints et socialement homogènes. Pour qu’elle règne entre les membres des loges, il faut qu’elle soit absente de leur recrutement, et ne doit pas s’appliquer à « toutes les classes de citoyens ».
Les francs-maçons et la politique
37Les statuts des loges du XVIIIe siècle interdisaient aux frères assemblés de parler « des affaires profanes, ou de la religion, ou de l’État ». Mais la neutralité qu’ils observaient au cours de leurs réunions privées ne les empêchait pas de s’exprimer publiquement, dans des circonstances exceptionnelles comme la naissance du dauphin en 1781. Le compte rendu de la fête organisée à cette occasion par la Paix de Tarbes contient donc quelques indications sur les idées politiques de ses membres.
38Les discours de ses officiers sont imprégnés d’un indéfectible loyalisme monarchique :
La naissance d’un prince, héritier du trône et l’objet des vœux de toute la France, en ranimant dans tous les cœurs l’enthousiasme du patriotisme, vient de réveiller chez vous votre premier zèle. Qui d’entre vous, mes frères, ne souhaitait depuis longtemps de voir naître un rejeton de cette illustre race, la plus ancienne de toutes celles qui occupent les trônes du monde ? Qui d’entre vous ne désirait de voir un fils et un successeur à ce bon roi, dont la sagesse et l’économie procurent à l’État un bonheur dont il n’a pas joui depuis des siècles ? Qui d’entre vous enfin ne désirait que cette auguste princesse, qui fait notre admiration par ses charmes et nos délices par sa bienfaisance, ne fût fixée à jamais sur le trône français ? Partageons, mes frères, ce noble élan de tous les cœurs français !
39s’écrie le vénérable de Mérens ; tandis que l’orateur Péré, après avoir lui aussi évoqué « une reine également adorée de son époux et de son peuple, qui, par ses charmes et ses vertus, fait les délices de l’un et le bonheur de l’autre », affirme que « la première et la principale qualité des maçons, celle dont ils sont le plus jaloux, est la soumission et l’attachement le plus inviolable à la personne du roi ; ils se sont toujours fait un devoir de surpasser en amour et en fidélité les autres sujets qui n’ont jamais vu la lumière ».
40« Sujets fidèles », les maçons sont aussi de « bons citoyens » dont l’amour pour le roi est inséparable de « leur amour pour la patrie ». Deux mois après la victoire décisive de Yorktown27, leur patriotisme s’exprime par un soutien enthousiaste à l’indépendance des États-Unis d’Amérique. Nous avons vu que le décor symbolique dressé devant le temple sur la place Saint-Jean évoquait de façon très précise la perte par l’Angleterre de ses colonies américaines et « l’ébranlement » de ses possessions des Indes. Il semble en effet que l’anglophobie des auteurs de cet « ouvrage d’architecture » ait été plus prononcée que leur sympathie pour les idéaux de la révolution américaine, même si l’un des deux temples factices qui le composaient était celui « de la Liberté dédié aux États-Unis ».
41Le génie qui tenait de sa main gauche une hache pour séparer les États-Unis de l’Angleterre présentait de sa main droite « une guirlande de branches d’olivier [...] comme offrant la paix aux Anglais ». L’exaltation des victoires militaires des Insurgents et des « généreux Français » n’était pas incompatible avec le souhait d’un retour rapide de la paix, qu’évoque le « cantique » composé par le frère Carles :
Mais j’entends le tonnerre
Grondant dans le lointain ;
J’entends des cris de guerre
Chez l’ Américain.
L’alliance a combattu :
L’Anglais est abattu.
Paix divine, pardonne
Si cette seule fois
Tes enfants, de Bellone,
Exaltent les exploits.
42Enfants de la « paix divine » à laquelle leur temple était dédié, les maçons tarbais apparaissent donc partagés entre une patriotisme nourri d’exploits guerriers, et un pacifisme plus conforme aux principes généraux de leur ordre28.
Les francs-maçons et la préparation de la Révolution
43En dépit de toutes leurs protestations de loyauté envers Louis XVI, les francs-maçons ont-ils contribué à préparer la chute de la monarchie et le triomphe de la Révolution ? De ce vieux débat, presque aussi ancien que la Révolution elle-même, mais que ranime aujourd’hui l’approche du bicentenaire de 1789, nous ne retiendrons ici qu’un aspect, celui de la participation des maçons au mouvement révolutionnaire.
44Des divers arguments invoqués en faveur de l’hypothèse d’une action subversive de la maçonnerie, le moins contestable en apparence est en effet celui de la présence, parmi les acteurs de la Révolution, et plus particulièrement parmi les Jacobins et les terroristes, d’initiés, au premier rang desquels on ne manque pas de citer « l’Anacréon de la guillotine », le Tarbais Bertrand Barère. Mais peut-on établir un lien automatique entre l’adhésion à la franc-maçonnerie sous l’Ancien Régime et l’engagement révolutionnaire à partir de 1789 ? Ce serait souvent forcer une réalité plus complexe et plus nuancée, comme le montre précisément l’exemple de Barère.
45Celui-ci a bien été maçon, mais un maçon singulièrement peu zélé, qui n’a guère fréquenté les temples et n’a accordé à « l’art royal » qu’une place très modeste dans sa vie. « Bertrand Barère de Vieuzac, conseiller au sénéchal », fut reçu à la Paix en 1781, peut-être à l’occasion de la fête donnée en l’honneur de la naissance du dauphin ; mais on sait qu’il n’occupait pas la charge que son père lui avait achetée en 1776, et qu’il préférait exercer le métier d’avocat à Toulouse, où il avait prêté serment le 8 juillet 1775. Ne résidant pas à Tarbes, il ne pouvait être assidu aux tenues de la Paix, ne fut jamais élu officier et passa dès 1785 dans la catégorie des « associés libres ».
46À Toulouse où il s’était installé au début des années 1770, il menait une vie sociale et culturelle très active. Étoile montante du barreau, membre de la Conférence de charité destinée à la défense gratuite des justiciables indigents, il participait assidûment aux concours académiques et devint membre des principales sociétés littéraires et savantes de la ville : le musée (1784), l’académie des sciences, inscriptions et belles-Lettres (1787) et l’académie des jeux Floraux (1788) ; c’était, selon le mot du jurisconsulte Romiguières, « l’homme de toutes les académies, de tous les salons ». On s’attendrait donc à ce qu’il ait également adhéré à l’une des nombreuses loges maçonniques qui fleurissaient alors à Toulouse ; mais il s’en abstint durablement, se contentant de présenter aux Vrais Amis réunis, le 31 juillet 1782, le tableau de la Paix de Tarbes. Et quand il s’y décida enfin, il choisit un atelier marginal, peu représentatif de la maçonnerie régulière qui le regardait avec méfiance : l’Encyclopédique, à laquelle il s’affilia le 23 janvier 1788, était à la fois une loge maçonnique, une société savante et une association de bienfaisance29. Son indifférence prolongée pour les autres loges, contrastant avec son empressement à rechercher les suffrages académiques, prouve que ce sont les activités scientifiques et philanthropiques de l’Encyclopédique, et non ses travaux rituels, qui l’ont attiré. Élu le 23 février président du comité des sciences, il n’eut d’ailleurs pas le temps de s’y consacrer, puisqu’il quitta Toulouse trois mois plus tard.
47L’adhésion à la Paix de Tarbes et à l’Encyclopédique de Toulouse n’a donc pu jouer qu’un rôle mineur dans sa formation intellectuelle et son itinéraire politique. Ce n’est pas sur leurs colonnes, qu’il n’a jamais réellement fréquentées, mais ailleurs, dans l’exercice de sa profession d’avocat, au sein du mouvement académique qui lui donna par exemple l’occasion de composer l’éloge de Jean-Jacques Rousseau (pour l’académie des jeux Floraux, 1787 et 1788) ou de Montesquieu (pour l’académie de Bordeaux, 1788), que Barère a puisé les convictions réformatrices et libérales qui allaient faire de lui, dès 1789, un des principaux protagonistes de la Révolution30.
48Sur le plan local, les élections de l’été 1790 portèrent à la tête des nouvelles institutions administratives de nombreux maçons actifs. Jacques Barère fut nommé administrateur du district, Joseph Carles maire de Tarbes, le baron de Hiis procureur syndic du district, le vicomte de Labatut président du département des Hautes-Pyrénées... Mais point n’est besoin, pour rendre compte de leur succès, d’invoquer une manœuvre occulte de la loge, qui d’ailleurs avait cessé de se réunir ; tous ces frères étaient des notables qui occupaient déjà le premier rang dans la société tarbaise sous l’Ancien Régime, le gardèrent pendant la Révolution, et le conservèrent souvent au-delà, se ralliant successivement à tous les régimes pour rester au pouvoir. La carrière de l’avocat Antoine-François Péré, vénérable de la loge en 1782, est édifiante à cet égard. Partisan de la Révolution, pendant laquelle il fut président du tribunal criminel, membre du conseil général du département et député au Conseil des Anciens, il se rallia à Napoléon, qui le fit sénateur, comte d’Empire et commandeur de la Légion d’honneur, puis à Louis XVIII, qui le nomma pair de France, puis à Louis-Philippe, qui lui conserva ses dignités. Et n’oublions pas que si la majorité des maçons tarbais accueillirent favorablement la Révolution et surent la traverser sans dommage, beaucoup d’autres furent inquiétés sous la Terreur à cause de leurs opinions fédéralistes ou royalistes31 ; l’avocat Dominique-Antoine Perrey, ancien vénérable de la Paix lui aussi, devenu substitut du procureur général du parlement de Toulouse, partagea le sort de nombreux magistrats et fut condamné à mort en 1794 par le tribunal révolutionnaire de Paris.
Les loges de Bagnères, de Barèges et de Vic
49Si la Paix ne put obtenir de procéder à l’installation officielle de la Sincère réunie de Pau, dont elle avait pourtant favorisé la constitution par le Grand Orient en lui délivrant le 23 avril 1775 un certificat élogieux32, ses députés se rendirent le 24 janvier 1785 à Saint-Gaudens pour y installer la Candeur33. Mais c’est bien entendu avec leurs confrères bigourdans, établis à Bagnères, Barèges et Vic, que les maçons tarbais entretenaient les relations les plus étroites.
Les loges de Bagnères-de-Bigorre
50Le plus ancien témoignage d’une activité maçonnique en Bigorre est fourni par un « franc-maçon inattendu », le magistrat poète Jean-Jacques Lefranc de Pompignan. Le futur champion de l’orthodoxie religieuse et monarchiste face à Voltaire et aux « philosophes », alors avocat général à la cour des aides de Montauban, composa en effet, « au nom des francs maçons assemblés à Bagnères », une épître au comte de Clermont, grand maître de l’ordre, datée d’octobre 1744. D’après ce texte, il s’agissait surtout d’officiers de l’armée royale, estropiés dans les combats de la guerre de Succession d’Autriche, venus demander aux eaux thermales la guérison de leurs blessures :
Mais du Français ressuscité,
L’amour, la tendresse énergique,
Nulle part n’ont plus éclaté
Que dans ce séjour aquatique34.
Ce fait ne te surprendra pas
Quand tu sauras que cet asile
Est aujourd’hui le domicile
De Maçons, presque tous soldats.
…………………………………
Que ne puis-je, peintre fidèle
De tant de vœux multipliés,
Dans ces vers, t’exprimer le zèle
De nos Frères estropiés !
Et qui, tout couverts de blessures,
Ne brûlent pourtant de guérir
Que pour pouvoir bientôt courir
À de nouvelles meurtrissures35.
51Le retour de la paix en 1748 entraîna sans doute la fermeture de cette première loge, restée anonyme, mais non la disparition définitive de l’art royal à Bagnères. Le 2 novembre 1786 en effet, une quinzaine de « maçons réguliers », dont beaucoup avaient reçu la lumière à la Paix de Tarbes, s’assemblèrent autour du médecin Gervais Crabère pour « jeter les fondements » du temple qui leur paraissait indispensable dans « un lieu aussi fréquenté », notamment par « les maçons étrangers attirés par la salubrité des eaux minérales » ; ils lui donnèrent le titre de loge des Pyrénées, la devise Sicut Pyrenaei stabiles, et écrivirent au Grand Orient pour lui demander des constitutions. Au cours des mois suivants, ils désignèrent le frère Peyrilhe pour les représenter et reçurent l’appui de la Paix de Tarbes, de la Candeur de Saint-Gaudens et de la Parfaite Amitié de Toulouse. Constituée le 10 mai 1787, la loge fut installée le 15 juillet suivant par une commission de la Paix, en présence de visiteurs appartenant à la Candeur et à la Parfaite Amitié, mais aussi aux Cœurs réunis de Toulouse, à Saint-Jean des arts d’Auch et aux Amis intimes de Paris36. Présidée successivement par les médecins Gervais Crabère (1786-1788), Étienne Salaignac (1789) et Jean-Marie Barreau (1790), puis par le négociant Blanc (1791), elle n’interrompit ses travaux qu’après le 20 juin 1792, date de sa dernière planche au Grand Orient, et les reprit en septembre 1807, toujours grâce aux soins du frère Crabère.
52Au moment de sa création, ses fondateurs avaient insisté sur sa vocation à recevoir les nombreux curistes qui fréquentaient la station thermale. Selon son orateur, l’abbé de Casebonne, prieur de Beaulieu,
le grand concours d’étrangers que les eaux minérales attirent dans cette ville nous mettra à portée de réunir les lumières de divers orients, je pourrais même dire de diverses nations. Ces étrangers mêmes que des considérations particulières auraient empêchés de rechercher dans leur patrie les connaissances maçonniques, débarrassés ici de tout soin et de tout obstacle, pourraient se livrer au désir de connaître nos mystères.
53Pourtant, trois étrangers seulement – trois Anglais, le négociant Brown et les gentilshommes Nathaniel et Samuel Sneyds – figurent parmi ses adhérents. Les autres se recrutent dans la bourgeoisie locale : sur vingt-quatre membres résidants identifiés, on compte cinq ecclésiastiques, quatre médecins, un chirurgien et deux apothicaires, un avocat, quatre négociants et sept « bourgeois », dont deux « américains ». Seul fait exception le frère Bessagnet, simple « traiteur et chef de maison », qui éprouva d’ailleurs quelque difficulté à se faire admettre. Initié à Saint-Jean des arts d’Auch, il assista à l’installation de la loge comme visiteur, lui fournit plusieurs banquets qui lui méritèrent « tout l’applaudissement possible », mais vit en mars 1788 sa demande d’affiliation rejetée. Il se plaignit au Grand Orient de cet « affront humiliant », qu’il expliquait ainsi : « C’est qu’une partie des frères qui composent cet atelier sont pétris d’amour propre, et croient avoir des qualités civiles au dessus de tout le monde », et dut attendre le début de la Révolution pour obtenir satisfaction.
54Les maçons bagnérais partageaient donc les préjugés sociaux de leurs confrères tarbais, mais leurs idées politiques et religieuses paraissent plus avancées. Nourris de l’esprit des Lumières, les discours prononcés lors de l’installation de leur atelier ont une tonalité franchement rationaliste et libérale. Le vénérable Crabère par exemple définit la maçonnerie comme « un lieu secret » où « le vrai philosophe » peut « déposer les gênes de l’inégalité, établir la liberté des sentiments sur la ruine des superstitions, ôter les entraves des bienséances, briser les idoles de la politique, développer son âme, et par tous ces moyens élargir la voie du bonheur » ; plus loin il s’en prend violemment à l’Inquisition espagnole :
Il est cependant des peuples [...], je le dis à leur honte, du sein desquels la Maçonnerie est proscrite par des lois qui tiennent de la superstition et de la barbarie. Le fanatisme, enfant de l’ignorance, se couvre parmi eux du manteau de la religion, et se sert de ce prétexte sacré pour persécuter nos frères : ils regardent des hommes qui se signalent tous les jours par des actes de justice et d’humanité comme des ennemis de l’État et de la religion37.
55À ces représentants attardés de l’obscurantisme, l’orateur Cyprien Pambrun, doctrinaire, ancien professeur d’éloquence au collège de Tarbes, oppose les philosophes triomphants :
N’avons-nous pas vu le vieillard de Ferney, le Dieu de la poésie, cet homme célèbre dont la fécondité de l’esprit et l’étendue des talents surpassent encore de beaucoup cette gloire qu’il s’est acquise ; ne l’avons-nous pas vu, dans cet âge qui ne respire que la sagesse et la prudence, quitter cette plume dont il écrivait autrefois Mérope et Zaïre, pour introduire dans nos ateliers les muses et les arts qui le suivirent partout38 ? Les d’Alembert, les Lalande, les Franklin, les Helvétius et tant d’autres personnages de cette trempe ont marché sur leurs traces. De tels hommes sont capables d’apprécier la valeur des choses ; et leur zèle et leur vénération pour la Maçonnerie prouvent son excellence.
56En bons disciples de Voltaire et de Franklin, les membres des Pyrénées accueillirent la Révolution avec enthousiasme. La plupart d’entre eux s’engagèrent dans la garde nationale, et mentionnèrent fièrement leur grade sur leur tableau de juin 1790. Ce tableau fut remis au Grand Orient par le docteur Crabère, « colonel au régiment de Montgaillard », à qui son « patriotisme » avait valu « l’honneur de nous représenter pour le pacte fédératif des gardes nationales de l’empire » (la fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à Paris). Au même moment, la loge envoya une « contribution volontaire » de 360 livres au Grand Orient, qui avait décidé d’offrir un « don patriotique » à la nation ; mais ce don n’ayant pas eu lieu, elle chargea le frère Barère, député à l’Assemblée constituante, puis son vénérable d’honneur, le ci-devant comte de Gontaut, de lui retourner l’argent. Ses dernières planches au Grand Orient sont consacrées à ces problèmes financiers, reflets de la crise qui la minait – en août 1791 elle n’avait plus « qu’un très petit nombre de membres » – et qui allait entraîner sa mise en sommeil au début de l’été de 1792.
Les loges de Barèges
57L’histoire de la franc-maçonnerie à Barèges présente un certain parallélisme avec celle de Bagnères, puisque deux loges s’y succédèrent à peu près aux mêmes époques. De la première, intitulée Saint-Jean de Jérusalem du secret, on ne connaît que le diplôme qu’elle délivra le 11 août 1748 à Jean-Baptiste de Podenas, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, capitaine au régiment de Bourbonnais, affilié et promu au « sublime grade de maître »39 ; il est donc probable qu’elle accueillait, comme la loge contemporaine de Bagnères, des officiers de l’armée venus prendre les eaux.
58D’après Joseph Carles, orateur de la Paix de Tarbes en 1776,
un dignitaire illustre et respectable du Grand Orient, le frère comte de Tonnerre40, forma de concert avec les lumières de ce temple une loge à l’orient de Barèges, comme une émanation et une colonie de la nôtre. Rappelons les succès brillants de cet établissement, qui subsiste toujours sur la tête de notre vénérable actuel41.
59Cette seconde loge, dont nous ignorons le titre, serait donc une « fille » de la Paix de Tarbes et était présidée par Jacques Duco, chirurgien-major de l’hôpital royal et militaire : sans doute disparut-elle rapidement, puisqu’elle ne semble pas avoir demandé sa reconnaissance officielle au Grand Orient.
La loge de Vic-en-Bigorre
60Par contre, la dernière loge bigourdane, le Mystère de Vic, fut constituée le 3 août 1786, après avoir choisi le frère Peyrilhe pour député auprès du Grand Orient et obtenu des certificats de la Fidélité de Lectoure et de la Paix de Tarbes, qui procéda à son installation. Fondée l’année précédente par une douzaine de « membres de diverses loges régulières », la Paix surtout, elle regroupait la bonne société de la petite ville : quatre nobles titrés, dont son vénérable le baron Adrien de Castelnau, « capitaine de cavalerie dans les armées de France et de Prusse, aide de camp de S. M. prussienne », trois écuyers, un ecclésiastique, deux avocats, un médecin et trois bourgeois. Elle ne paraît pas avoir été très active et ne survécut pas à la Révolution.
61Dans les dernières années de l’Ancien Régime, la Bigorre ne comptait pas moins de cinq ateliers : trois loges régulières, la Paix de Tarbes, les Pyrénées de Bagnères et le Mystère de Vic, et deux loges non reconnues par le Grand Orient, la Parfaite Union de Tarbes et la loge de Barèges. En dépit de son éloignement de la capitale et de sa faible urbanisation, elle participait donc pleinement au mouvement maçonnique national, signe probant de l’intégration de ses élites à la France des Lumières.
Notes de bas de page
1 Jean-François Soulet, dans Jean-Baptiste Laffon et Jean-François Soulet (dir.), Histoire de Tarbes, Roanne, Horvath, 1982, p. 171.
2 Jean Francez, « Documents maçonniques », Revue des Hautes-Pyrénées, t. 30, 1935, p. 5-20, 86-90, 104-109, et t. 31, 1936, p. 38-39, 58-70, 101-103, repris dans La loge « La Paix » à l’O... de Tarbes. Notes et documents, Tarbes, Imprimerie Lesbordes, 1936, 51 p. ; à propos des origines de la franc-maçonnerie à Tarbes, ibid., t. 33, 1938, p. 118 ; La loge La Paix de l’O... de Tarbes et la naissance du Dauphin, 1781, Lourdes, Imprimerie de la Grotte, 1970, 16 p.
3 Les dossiers des loges bigourdanes y sont conservés sous les cotes FM2 155 (les Pyrénées de Bagnères-de-Bigorre), 429 (la Paix et la Parfaite Union de Tarbes), 507 (le Mystère de Vic-en-Bigorre).
4 Les loges bigourdanes font l’objet de brèves notices dans l’ouvrage de référence d’Alain Le Bihan, Loges et chapitres de la Grande Loge et du Grand Orient de France (seconde moitié du XVIIIe siècle), Paris, Bibliothèque nationale, 1967, p. 24, 231 et 254.
5 Daniel Ligou, « Un franc-maçon inattendu : Jean-Jacques Lefranc de Pompignan (1709-1784) », Humanisme, no 54, novembre-décembre 1965, p. 69-71.
6 Léonce Couture, « Les origines de la franc-maçonnerie à Auch », Revue de Gascogne, I, 19, 1878, p. 466-467.
7 J.-P.-M. Morel, « La franc-maçonnerie et le théâtre français à Saint-Gaudens de 1748 à 1754 », Revue de Comminges, t. 3, 1887, p. 33-34.
8 La lettre ne précise pas s’il s’agissait de Pierre de Mérens, avocat en parlement, ou de son frère cadet Louis, receveur des décimes et contrôleur des Fermes du roi.
9 Né à Tarbes le 26 avril 1706, chirurgien réputé, c’était le frère de l’abbé Jean Duco, auteur de l’Histoire de la province et comté de Bigorre.
10 Planche tracée de la réinstallation de la L... de la Paix à l’Orient de Tarbes, À l’Orient de Tarbes, sous l’enseigne de la Paix et de la Vertu, in-4°, 8 p. ; Jean Francez, La loge « La Paix » à l’O... de Tarbes, op. cit., p. 5-14.
11 Fils d’un maréchal de camp, Joseph-Dominique de Moreton, marquis de Chabrillan, fit une brillante carrière militaire. Entré au service en 1760 dans la garde du prince de Conti, il commandait le régiment de Barrois depuis 1767 et fut ensuite promu brigadier (1780) et maréchal de camp (1784) ; il était aussi lieutenant du roi à Montélimar et premier écuyer de la comtesse d’Artois.
12 Aeterno foedere juncti. À la gloire du G... A... de l’Univers, au nom et sous les auspices du S... G... M..., le G... O... de France. Extrait des registres de la L... de la Paix, à l’O... de Tarbes, s. l. n. d., in-4°, 10 p. ; Jean Francez, La Loge La Paix à l’O... de Tarbes et la naissance du Dauphin, op. cit., p. 3-16.
13 Le programme fixé le 27 décembre prévoyait aussi « qu’il serait acheté et fourni aux criminels détenus dans les cachots des couvertures, dont on savait qu’ils manquaient, et qu’il leur serait servi un dîner, afin que la joie de la loge devant être rendue publique, elle pénétrât jusque dans ces retraites sombres et malsaines qui ne se ressentent point encore des dispositions bienveillantes du prince » ; nous ignorons si ce projet fut réalisé.
14 Jean-Baptiste Decamps, né à Tarbes en 1743, et Dominique Dintrans, né à Tarbes en 1747, tous deux avocats en parlement.
15 Jean Francez, La Loge « La Paix » à l’O... de Tarbes, op. cit., p. 15-27.
16 Non compris les « frères à talents » et les « frères servants » (concierges).
17 Daniel Ligou (dir.), Histoire des francs-maçons en France, Toulouse, Privat, 1981, p. 105.
18 Michel Taillefer, La franc-maçonnerie toulousaine sous l’Ancien Régime et la Révolution. 1741-1799, Paris, Commission d’histoire de la Révolution française, 1984, p. 121-123.
19 Jean-François Soulet, op. cit., p. 178-179.
20 Un autre religieux « membre de la loge de Tarbes », Jean-Baptiste Gaillac, prédicateur de l’ordre des Cordeliers, assista le 19 mars 1776 à l’installation de la Sincère réunie de Pau (Émile Lemaître, « La franc-maçonnerie à Pau au XVIIIe siècle », Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, t. 45, 1922, p. 87).
21 Son fils aîné Charles-Louis-Gaspard, vicomte de Rohan, fut également reçu par la Paix comme « affilié honoraire ».
22 Sur le tableau de 1804 figurent les frères Barère, Coture, Decamps, Francez, Mérens...
23 Jean-François Soulet, op. cit., p. 172-177.
24 Le roi de Prusse Frédéric II, qui était initié et avait officiellement autorisé la franc-maçonnerie dans son royaume en 1774.
25 Michel Taillefer, « Les premières loges maçonniques de Castelnaudary, 1777-1790 », dans Le Lauragais. Histoire et archéologie, Montpellier, Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon - Université Paul-Valéry, 1983, p. 253-255 [voir supra p. 205-212].
26 Michel Taillefer, « Les francs-maçons tarnais au XVIIIe siècle », Revue du Tarn, no 116, hiver 1984, p. 581-588 [voir supra p. 179-189].
27 Le 19 octobre 1781.
28 La même ambivalence à l’égard de la guerre d’Amérique s’exprima à la Parfaite Harmonie de Gaillac (Michel Taillefer, « Une fête maçonnique à Gaillac en 1781 », Annales du Midi, no 172, octobre-décembre 1985, p. 435-440 [voir supra p. 199-204]).
29 Michel Taillefer, « Un exemple de “tentation académique” dans la franc-maçonnerie des Lumières : la loge Encyclopédique de Toulouse (1787-1792) », Lendemains. Études comparées sur la France / Vergleichende Frankreichforschung, no 46, « Francs-maçons / Freimaurer », 1987, p. 73-78 [voir supra p. 105-111].
30 L’influence de la franc-maçonnerie sur un autre révolutionnaire d’origine bigourdane, le conventionnel Jean-Baptiste Mailhe, natif de Guiserix, doit également être minimisée. Avocat au parlement et académicien comme Barère, il fut un membre actif des loges des Vrais Amis réunis et de la Paix de Toulouse, mais s’en détourna dès 1784, plusieurs années avant de commencer sa carrière politique (Michel Taillefer, « Mailhe franc-maçon », Annales historiques de la Révolution française, no 241, juillet-septembre 1980, p. 437-442 [voir infra p. 483-488]).
31 Treize membres de la Paix et un membre de la Parfaite Union figurent sur les listes de suspects dressées en octobre 1793, parmi lesquels les frères Dassieu, Decamps, Dutilh, de Coture, Perrey, Roquemaurel (Abbé Ricaud, Les suspects des Hautes-Pyrénées. Liste du 2 octobre 1793, Tarbes, Larrieu, 1906, 46 p.).
32 Bibliothèque nationale, FM2 341 ; Jean Francez, La Loge « La Paix » à l’O... de Tarbes, op. cit., p. 4.
33 Bibliothèque nationale, FM2 401.
34 Allusion aux réjouissances organisées pour fêter la convalescence de Louis XV, tombé gravement malade à Metz.
35 Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, Épître quartorzième à S.A.S. Monseigneur le Comte de ***, au nom des Francs-Maçons assemblés à Bagnères, dans Œuvres de M. le Marquis de Pompignan, à Paris, chez Nyon l’aîné, 1784, t. 2, p. 295-298 ; Daniel Ligou, art. cité, p. 69-71.
36 Extrait du travail de l’installation de la R... L... de Saint-Jean, constituée à l’Orient de Bagnères-de-Bigorre, sous le titre distinctif des Pyrénées, s. l., s. n., MDCCLXXXVIII, 45 p. ; Jean Francez, « La loge “Les Pyrénées” à l’O... de Bagnères-de-Bigorre. Notes et documents », Bulletin de la Société Ramond, 1970, p. 43-50.
37 Une note indique que « le frère Soubies, ancien garde du corps du roi d’Espagne, oncle de notre secrétaire actuel, et mort depuis peu dans cet orient, avait resté pendant trois ans dans les prisons de l’Inquisition à Madrid, pour avoir été déféré à ce tribunal comme franc-maçon ».
38 On sait que Voltaire fut initié à la loge des Neuf Sœurs de Paris en avril 1778, à l’âge de 84 ans.
39 Léonce Couture, art. cité, p. 466-467.
40 Sans doute le marquis François-Joseph de Clermont-Tonnerre, mestre de camp de cavalerie, membre vers 1775 des loges parisiennes de l’Égalité Parfaite et Sincère Amitié et des Amis réunis (Alain Le Bihan, Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France (fin du XVIIIe siècle), Paris, Bibliothèque nationale, 1966, p. 120).
41 Jean Francez, La loge « La Paix » à l’O... de Tarbes, op. cit., p. 11.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution
Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.
Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org
Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.
Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.
La syntaxe de l’email est incorrecte.
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3