Les différentes figures de l'usager
p. 33-60
Texte intégral
1EN DÉPIT DE L'ABONDANTE littérature ayant pour préoccupation de s'intéresser au rapport des usagers au service public, nous sommes arrivés au constat paradoxal et pourtant essentiel que l'usager est la plupart du temps abordé en marge, de manière détournée ou partielle. Cela ne signifie pas que l'usager soit une figure oubliée, mais que le plus souvent les analyses produites ne rendent pas totalement compte de la manière dont il définit son rapport au service public, même si elles contribuent à alimenter la réflexion sur le sujet.
2Ainsi avons-nous discerné un premier groupe d'approches qui construisent une image de l'usager et produisent son point de vue plutôt que de le donner. Nous situons dans cette catégorie les approches normatives (rapports officiels de hauts fonctionnaires, de technocrates et d'experts) sur les changements à apporter aux services publics, mais aussi l'ensemble des travaux plus théoriques dont la préoccupation est de s'interroger, de discuter et de critiquer le service public et ses évolutions dans ses relations aux usagers.
3On peut, nous semble-t-il, réunir dans une autre catégorie, les approches qui abordent l'usager des services publics sous la forme de mouvements sociaux ou de collectif abstrait. Nous plaçons dans cette mouvance la sociologie critique des années 1960-1970, qui appréhende les services publics comme des instruments au moyen desquels l'État intervient dans la société, mais aussi la plupart des recherches en sociologie politique et en sociologie des organisations dont Tune des préoccupations centrales est de comprendre les prises de décision de différents services publics et les processus de régulation qui les influencent.
4On peut également tenir ensemble des contributions réunies sous le nom de « relations de service »
526 qui s'attachent à comprendre les interactions de face à face entre usagers et agents de base. Si l'on doit sans conteste reconnaître dans ces travaux l'émergence de la figure de l'usager, il nous semble pourtant, que dans la plupart de ces publications, l'usager est moins central qu'il n'y paraît ou qu'il n'est abordé que de manière partielle. Cela se perçoit d'abord parce qu'il y a focalisation sur le travail des agents et sur l'échange en tant que tel aux dépens de l'usager, mais aussi parce que lorsque l'usager se donne à voir, il est réduit, limité dans les frontières de l'interaction.
6Si cette revue de la littérature nous conduit à proposer un nouvel angle d'approche pour comprendre le rapport que l'usager entretient au service public, ajoutons que, depuis quelques années, l'étude des transformations des services publics à travers le mouvement de diffusion de la rationalité marchande regroupe de nombreux travaux. Ceux-ci s'intéressent au devenir du service public et donc à ce qui se joue dans la relation aux usagers. Bien qu'il soit difficile d'anticiper sur la manière dont on pourra désigner ces travaux, il nous a semblé pertinent de les isoler pour préciser notre question initiale.
L'usager au service des réformateurs du service public
7De nombreux rapports (Prévot, 1989 ; Minc, 1994 ; Stoffaes, 1995 ; Picq, 1994) ont décrit les usagers pour dire ce qu'ils attendent des services publics et comment ils se positionnent à l'égard des réformes en cours ou à venir. Admettre qu'il s'agit là du point de vue de l'usager serait reconnaître aux auteurs de ces rapports une pleine capacité à le représenter. En lisant ces travaux, le sentiment qui prévaut est qu'ils ont en quelque sorte produit le point de vue de l'usager plutôt que de le donner. Ils se contentent d'un discours rhétorique pour définir la relation des usagers au service public et tiennent pour acquis un ensemble de définitions de ce qu'est l'usager. On en fait tantôt un client, tantôt un citoyen, tantôt un consommateur, tantôt un administré, mais à aucun moment des données empiriques ne viennent valider la pertinence des propos tenus. L'usager sert de prétexte, de justification, et même de formule pour accompagner les projets de réforme du service public.
8On peut, du côté de la littérature universitaire, aboutir à un constat similaire. De nombreuses contributions existent qui traitent de la théorie du service public et des mutations qu'il connaît pour s'interroger sur le sort réservé aux usagers. Ainsi, les principes d'égalité, de mutabilité, de continuité, de péréquation tarifaire, de standardisation, etc. ont souvent été discutés sans pour autant donner le point de vue des usagers. Dans cette perspective, une série de travaux s'interrogent sur le devenir de la cohésion sociale dans différents services publics, comme par exemple celui de l'enseignement (Toulemonde, 1999), mais aussi, et de manière plus surplombante, sur la crise de l'Etat-Providence (Merrien, 1999). On s'est aussi interrogé sur la manière dont est prise en compte la notion de service public dans la construction européenne (Bauby et Boual, 1997 ; Hansen, 1999 ; De Krom, 1999). C'est en suivant la même voie que l'interprétation nouvelle de l'intérêt général et du service public, devenu dans certains cas un service universel, est également appréhendée (Baslé, Kémos, Léon et Phan, 1997 ; Rivaud-Danset, 1998). Toutes ces réflexions tendent à montrer que les transformations du service public ne se réduisent pas à la simple application de méthodes de gestion, mais traduisent une évolution des fondements de la théorie politique, juridique et économique qui a un impact sur le traitement des usagers.
9Plus concrètement, la littérature s'est également interrogée sur l'avenir de l'usager à partir des transformations juridiques de certains services publics. Elle a ainsi montré que le rapport de l'usager au service public ne peut se comprendre sans tenir compte de la frontière de plus en plus mouvante séparant le droit public d'un côté et le droit privé de l'autre27. Dans le prolongement des réflexions menées sur le droit des usagers, des recherches se sont également intéressées à l'infléchissement des missions de service public devant les nouveaux impératifs de gestion publique (Lamarche, 1998). Elles ont ainsi souligné combien la place faite à l'économie marchande au sein de la société vient modifier l'équilibre des rapports institués entre les usagers et les services publics28. L'application par des gouvernements étrangers d'inspiration libérale d'un certain nombre de réformes qui font de l'usager un client a également été évoquée. Si l'avenir de l'usager est sans cesse posé en relation avec la transformation du service public, à aucun moment il n'est véritablement interrogé. Il s'agit plutôt de montrer l'influence des idées des économistes libéraux et le contexte qui a favorisé leur diffusion pour montrer de quelle manière des gouvernements ont effectivement appliqué ces principes. Dans le prolongement de ces travaux, un certain nombre d'écrits nous apprennent comment ces transformations ont été inspirées par une abondante littérature managériale (Bernier et McLemore, 1998). Ils montrent comment, à travers une réflexion pragmatique, le management préconise un ensemble de dispositifs qui sont conçus pour permettre à l'administration de satisfaire ses destinataires et d'être ainsi plus efficace. Dans une perspective différente, mais tout aussi pragmatique, certains en viennent à se prononcer pour ou contre la manière dont le service public se transforme et s'organise. Les argumentaires développés sont alors souvent engagés, partisans d'un modèle de société, et prescripteurs de solutions. C'est ainsi que Bauby29 par exemple plaide pour faire intervenir d'une part les personnels et leurs organisations syndicales, mais aussi les usagers domestiques et industriels dans l'organisation et la régulation du service public.
10Ce qui est assez caractéristique de cette abondante littérature, c'est que la plupart des réflexions menées sur les relations des usagers au service public sont, soit produites du point de vue d'un projet de réforme, soit produites pour s'interroger sur la nature même du service public et de ses évolutions. Bien que l'usager et sa relation au service public soit présente, tous ces travaux parlent au nom des usagers. En ce sens, ces approches sont intéressantes pour contribuer à comprendre la transformation des rapports du service public aux usagers et pour s'interroger sur leur avenir. Par contre, elles ne s'étendent guère sur la position qu'adopte l'usager face à ces changements.
L'usager comme mouvement social ou collectif abstrait
11Un deuxième type d'approche, plus sociologique, aborde la question du rapport des usagers au service public de manière indirecte et s'intéresse à eux en tant que mouvements sociaux ou collectif abstrait.
L'usager soumis à un rapport de contrôle et de domination
12Parmi ces approches, la sociologie critique des années 1960-1970 insiste sur les rapports de domination qui existent dans la relation des usagers au service public. Elle aborde les usagers comme des collectifs que l'on définit en termes de société civile, de classes laborieuses et dominées, de mouvements populaires, ou de nouveaux mouvements sociaux.
13Ainsi, dès les années 1970, l'usager est appréhendé comme un individu dominé par un appareil bureaucratique d'État. Certains de ces travaux s'attachent à souligner les relations d'autorité et de pouvoir que subissent les usagers les plus démunis. On peut faire référence aux recherches sur les services publics éducatifs30 qui montrent l'existence de filières étanches (réseaux de scolarisation) contribuant à reproduire la division en classes par des mécanismes de séparation. L'école, nous disent ces auteurs, ne se borne pas à favoriser les favorisés et défavoriser les défavorisés, sa vocation égalisatrice (réduction des inégalités scolaires, démocratisation de l'école) est mise à mal par une fonction masquée de reproduction sociale et de perpétuation des élites sociales. Outre l'enseignement, on peut également se référer aux travaux sur la fréquentation de certains équipements culturels31 qui s'attachent à montrer que ces organisations opèrent une sélection sociale de leur public. Certains publics subiraient donc une domination symbolique de services publics faisant le jeu des dominants.
14La sociologie urbaine d'inspiration marxiste dénonce pour sa part la pénurie structurelle de services publics. Rappelons que la décennie 1970 est marquée par une politique d'urbanisation qui consiste à bâtir des constructions modernes au détriment de l'existant et à faire appel à une main-d'œuvre importante qu'il a fallu loger en lançant de grandes opérations de logement. Des problèmes nouveaux se sont ainsi posés, comme la discrimination dans l'habitat, la ségrégation ethnique, et le manque d'équipements collectifs (hôpitaux, crèches, jardins, aires sportives, centres culturels, etc.). Cette pénurie d'équipements collectifs et donc de service public est alors présentée comme contradictoire avec les objectifs attendus du renouvellement des villes. La logique d'urbanisation est décrite comme dépendante d'une logique économique inhérente au capitalisme faisant le jeu de ceux qui disposent des capitaux financiers et immobiliers (« le capitalisme concentré »)32.
15Les mouvements d'usagers et de consommateurs, qui ont vu le jour aux Etats-Unis (Ralph Nader) et en France durant les années 1970, sont analysés par Touraine et son équipe mais aussi par les approches marxistes de la sociologie urbaine, en termes de renouveau des luttes sociales. Les usagers sont présentés comme des agents des mouvements sociaux. Pour Touraine, ces mouvements préfigurent une nouvelle forme de conflit de classes qui prenant la relève du mouvement ouvrier33. De ce fait, la lutte sociale n'est plus celle du capital et du travail dans l'usine, mais celle des appareils de production et de gestion avec des usagers, des consommateurs et des habitants. Les rapports d'exploitation et de domination s'élargissent et se déplacent partout où s'établissent des organisations qui ont comme caractéristique de produire des modes de vie, des modèles de consommation. C'est la raison pour laquelle on observe l'émergence de nouveaux mouvements sociaux qui comme ceux des consommateurs vont très vite s'institutionnaliser34. Pour les approches marxistes de la sociologie urbaine35, ces mobilisations, ces « luttes urbaines », s'expliquent par les contradictions résultant de l'investissement et de la production de la ville par le capitalisme. Selon Castells, il existe une rupture entre la sphère de l'économique (la reproduction des moyens de production) et celle du social (la consommation collective). Le problème de fond tient donc aux rapports de domination qui structurent la société. L'État exprime en dernière instance, et à travers toutes les médiations que sont les services publics, les intérêts d'ensemble de la classe dominante. Ainsi, la pénurie des équipements collectifs et les revendications des usagers de pouvoir en disposer, apparaissent comme des symptômes de l'opposition entre des intérêts économiques et des intérêts sociaux, entre des projets ou des réalisations impulsées par l'État et des demandes sociales ou des besoins collectifs. Les usagers sont alors présentés comme dominés par des services publics aux mains du pouvoir capitaliste et ne peuvent s'affranchir de ce statut et remettre en cause cette situation que par la lutte.
16Au sein de la sociologie urbaine d'inspiration marxiste, d'autres positions issues d'une mouvance plus libertaire vont se faire entendre. Il ne s'agit plus seulement de mettre en avant l'absence d'équipements collectifs dont souffrent les usagers, mais de dénoncer le contenu du service public et son modèle de gestion hiérarchique, centralisé et autoritaire. Les services publics sont présentés comme des appareils de domination idéologiques dont la vocation serait d'exercer un contrôle social, une forme de normalisation sociale. La critique du service public est radicale et les usagers sont directement concernés par ces analyses dans la mesure où ils sont perçus comme des destinataires passifs. La lutte sociale serait une des issues pour construire de l'autonomie, de l'indépendance, mais c'est plus sûrement en recourant à un modèle d'autogestion en rupture avec l'État que l'usager pourrait échapper au contrôle et à la domination.
17Ce qui est commun à l'ensemble de ces recherches, c'est que les services publics ne sont pas envisagés comme des services mis à la disposition du citoyen, mais comme des institutions qui exercent une domination. Le caractère coercitif des services publics, l'exercice de la domination légale présentent un usager tour à tour soumis et manipulé, puis mobilisé et résistant par l'action collective. Il se défend ou doit le faire, car, c'est la seule issue lui permettant de s'affranchir de la domination. En dépit de leur intérêt, ces perspectives ne donnent pourtant à l'usager qu'une existence abstraite ou collective.
L'usager comme environnement représenté par des intermédiaires
18Jusqu'à la fin des années 1960, la sociologie des organisations et la sociologie des politiques publiques considèrent que les décisions politiques et administratives se prennent au niveau central et sont ancrées dans un dispositif hiérarchisé, cloisonné, incapable de s'adapter aux demandes sociales. Les services publics fonctionnent selon la logique du phénomène bureaucratique36. La régulation de l'action publique, et en particulier la coordination des institutions centrales et des collectivités locales, est assurée par le jeu de la « régulation croisée » (Crozier et Thoening, 1976) et du « pouvoir périphérique »37 entre fonctionnaires et notables locaux. L'usager est désigné comme l'environnement de l'organisation. C'est ainsi que Grémion (1976, p. 252) attire l'attention sur le « citoyen, le sans pouvoir, le non-notable » des services territoriaux de l'État. Il s'agit de la population locale qui exerce une pression sur le système politico-administratif par l'intermédiaire des notables. Dans ce cas, l'usager n'existe pas vraiment ou n'existe qu'en tant que société civile relayée par des acteurs institués. L'analyse des politiques publiques va ainsi pendant longtemps reposer sur un modèle où l'usager n'existe que par la médiation assurée par des élites définies par leur position institutionnelle, à savoir la détention d'un mandat électif ou une fonction de représentation d'intérêt collectif.
19La sociologie des organisations considère elle aussi que l'usager fait partie de l'environnement de l'organisation à travers des « relais organisationnels », qui sont aussi des porte-parole de l'organisation dans l'environnement38. L'usager existe donc au travers de l'ensemble des acteurs individuels ou collectifs qui ne font pas directement partie de l'organisation mais dont le comportement affecte à des degrés divers sa capacité à atteindre ses buts et à fonctionner de manière satisfaisante.
20L'usager proprement dit est donc absent de ces différentes approches. Ceci s'explique sans doute du fait qu'à titre individuel il n'a pas suffisamment de poids pour être considéré comme un acteur pouvant influer sur l'organisation et les politiques publiques. Citons, pour mieux le comprendre et en guise d'illustration, ce que Muller39 retire de la définition que donnent Meny et Thoenig40 des publics des politiques publiques :
Une politique publique a un public (ou plutôt des publics), c'est-à-dire des individus, groupes ou organisations dont la situation est affectée par la politique publique. Par ex. : les automobilistes, les constructeurs, les entreprises de génie civil constitueront à des degrés divers le public de la politique de sécurité routière. Certains seront passifs (les automobilistes), d'autres s'organiseront pour influer sur l'élaboration ou la mise en œuvre des programmes politiques.
21Ce court extrait montre bien la manière dont on perçoit les usagers. Comme les automobilistes, on considère que les usagers sont passifs et qu'il ne faut donc pas s'attarder sur eux si l'on cherche à comprendre comment se prennent les décisions, comment elles s'appliquent et comment elles sont reçues. La plupart des recherches sur les politiques publiques vont alors plutôt s'interroger sur les réseaux d'influence et d'arbitrage, sur les groupes de pression et d'intérêt (Abélès, 1994) qui tentent de peser sur les politiques publiques. La présence de l'usager est ainsi constamment abordée par la médiation d'entités collectives, élites le plus souvent, dont la caractéristique est d'avoir la capacité d'exercer une pression sur les politiques publiques ou sur l'organisation.
22Avec la décentralisation administrative et la déconcentration des pouvoirs des années 1980, la présence de l'usager va s'avérer d'autant plus centrale que le renforcement des capacités locales de gouvernement conduit les élus locaux à porter davantage attention à leur propre territoire et du même coup à accroître la participation publique. L'intérêt que les élus portent aux attentes de la population a été analysé comme une manière de mutualiser les risques et de partager les responsabilités (Duran et Thoenig, 1996). De nombreuses recherches insistent alors sur le caractère collectif d'une gestion publique qui implique de plus en plus une participation de ceux à qui elle s'adresse. À cet égard, on observe que l'adhésion de la population à des associations ou à des groupes de défense d'intérêts locaux augmente (Barthélemy, 1994). Même si on a pu souligner les difficultés des usagers à pénétrer les cercles de décision et leur difficulté à peser sur celles-ci, de nombreuses recherches se sont penchées sur l'idée d'un espace politique local qui met en cause l'approche centre-périphérie (Muller, 1992 ; Gerbaux et Pongy, 1993). La notion de « gouvernance urbaine » se substitue à la notion de « gouvernement urbain » et conduit à penser la participation de différents acteurs des politiques publiques aux intérêts multiples et stratégies différentes41 (Le Galles, 1995). C'est une évolution qui permet de dépasser le modèle top down des politiques publiques et d'envisager les usagers autrement que comme de simples destinataires. On ne considère plus, d'un côté, le pouvoir et la production de décisions, et de l'autre, la soumission des publics à qui elles sont destinées. Ces analyses conduisent à s'interroger sur les mécanismes de la gestion des administrations et à mettre en évidence le rôle de chaque acteur dans l'élaboration de celle-ci.
23Autrement dit, l'idée semble s'imposer que les usagers font partie des réseaux d'influence et d'arbitrage des décisions qui doivent être prises. Pour autant, l'usager est toujours là sans y être. On y fait référence sans le nommer. La définition même de l'usager est toujours contenue dans les notions plus globales de mobilisation sociale, d'association, de groupe d'intérêt, de groupe de pression d'environnement local, de militants, etc. Même si avec la décentralisation un nouveau regard est porté sur la gestion publique locale, on ne retrouve quasiment jamais la trace de l'usager. Il est impossible de le discerner tant il se perd dans les collectifs42.
24On peut également trouver l'usager dans la formulation d'une demande, d'un besoin, d'une attente adressée au service public. Les usagers sont alors représentés sous la figure de l'opinion43 dont les décideurs ont besoin pour légitimer leur action et pour accompagner leur politique de communication. Suivant cette perspective, on doit pouvoir aussi le retrouver dans les sondages et les médias considérés comme des substituts à l'expression populaire44. De ce point de vue, Gaudin (1992) a montré combien les élus urbains utilisent des démarches de « marketing social » ou « urbain » et s'en remettent à des batteries d'enquête pour comprendre comment la population réagit à certains projets et politiques mis en œuvre.
25Mis à part les infléchissements qui ont formulé le projet d'évaluer les politiques publiques par ceux à qui elles sont destinées45, l'usager est pendant longtemps resté absent de ces approches. Il a constitué un point aveugle de l'analyse au sens où il n'existait que de manière abstraite, collective, et souvent réduit à être représenté par des intermédiaires. En vérité, ce qui est regardé ce n'est pas tant l'usager que les rapports qui existent entre la société civile et l'action publique, l'environnement et l'organisation.
De l'usager comme objet périphérique à l'usager interactif
26En choisissant une échelle d'observation différente de celle de la sociologie des politiques publiques et de la sociologie des organisations, les recherches sur les relations de service soulignent l'importance de recourir à une analyse de l'action en train de se faire. Suivant en cela les travaux fondateurs de Merton (1936) sur les comportements des personnels en contact avec des publics et les règles imposées par la hiérarchie dans des organisations bureaucratiques46, puis de l'ouvrage de Lipsky47 sur le pouvoir des « street level bureaucrats » et du succès du courant interactionniste de Goffman48, l'intérêt des chercheurs se porte sur le front office (les agents au contact du public) et le back-office (l'organisation administrative en arrière-plan). La préoccupation n'est donc plus de saisir l'usager en tant que collectif, ni même en tant qu'abstraction, mais en tant qu'individu présent physiquement dans un rapport de face à face avec un agent du service public49. On attire l'attention sur le cours de la prestation de service, sur les rapports ordinaires qui s'établissent entre les agents de base50 et les usagers en situation d'interaction. Le parti pris méthodologique est de prendre en compte dans le détail le travail de prestation auquel se livrent les agents de base au contact des usagers. Divers courants de recherche ont ainsi été mobilisés, comme l'interactionnisme, l'ethnométhodologie, l'économie des conventions, les sciences cognitives, la sociolinguistique, l'économie et la gestion des services, l'anthropologie des sciences. Comme l'a souligné Warin (1992), l'intérêt porté à la relation de service n'est pas né de la seule volonté d'explorer un champ de recherche trop longtemps ignoré, mais doit beaucoup à la conjonction de deux circonstances favorables. L'une est liée aux politiques de réforme dont la nécessité est d'imposer une plus grande efficacité de l'action publique à travers une meilleure connaissance de la relation de guichet51. L'autre est liée à la diffusion en France au même moment de la sociologie de Goffman et de l'ethnométhodologie de Garfinkel. Apparaissent alors de nombreux colloques, appels d'offres et études, dont la question est de savoir « comment l'agent A et l'usager U font ensemble » (Warin, 1992). Le propos est de montrer comment l'usager et l'agent contribuent ensemble à aboutir à une prestation. L'usager n'est donc pas abordé comme un être passif qui reçoit une offre de service mais comme un co-producteur (Gadrey, 1994 ; Joseph et Jeannot, 1995 ; Weller, 1998).
27Si l'usager est dans ces approches une figure importante, il semble bien pourtant, que, dans de nombreux travaux, il n'est pris en compte que de façon particulière. Ces propos pourront étonner, d'autant que l'on associe souvent les approches en termes de relation de service à l'intrusion et à l'émergence de la figure de l'usager52. Il nous semble en effet que dans la plupart des cas l'usager est moins central qu'il n'y paraît.
Une focalisation sur l'agent
28De nombreux travaux se sont ainsi davantage intéressés au travail des agents, à ses dispositifs techniques et cognitifs, aux règles et règlements, qu'à l'usager lui-même. C'est alors à une sociologie des tâches administratives, à une sociologie des professions, et en somme à une sociologie du travail que ces travaux participent, comme l'indique Lara (1995, p. 233). Cette étiquette est certes réductrice, et ne concerne pas tous les travaux, mais certains d'entre eux ont plutôt abordé la question de l'usager du point de vue de l'organisation. La problématique des relations de service se tourne ainsi plutôt vers les agents et met les usagers à la périphérie.
29Les recherches effectuées soulignent les procédures mises en place par les agents, leurs capacités et leurs compétences53, alors qu'ils sont souvent réputés peu qualifiés (Strobel, 1994). Elles montrent comment l'agent fait entrer la demande singulière de l'usager (le cas personnel, la situation inédite, la spécificité biographique des usagers, etc.) dans des cadres préétablis par l'organisation. Sont ainsi mises en évidence les « cuisines » et les « recettes » (Weller, 1996) auxquelles l'agent recourt aménager les règles formelles. L'analyse de la relation de service permet ainsi de démêler la complexité des opérations et des échanges. Weller54 souligne que la transaction entre l'agent et l'usager oblige à intégrer les différents dispositifs matériels, comme l'ordinateur, mais aussi l'ensemble des formulaires, imprimés, notes, circulaires, guides et dispositifs organisationnels. Cela lui permet de remonter en amont et en interne pour voir comment la figure de l'usager s'inscrit dans l'organisation, mais aussi de montrer que cette relation ne repose pas seulement sur un rapport interpersonnel mais sur une relation triangulaire quand le dossier de l'usager devient un nouvel intermédiaire.
30Le travail de l'agent a aussi, à la suite de Goffman55, été formalisé comme celui d'un réparateur capable de mobiliser conjointement une gamme de compétences à la fois techniques, civiles et contractuelles56. On met en évidence la pluralité des logiques que l'agent mobilise et les contraintes de travail qu'il doit dépasser pour aboutir à une solution acceptable pour chacune des parties. Le Breton (1999) découvre ainsi que, si pour les conducteurs de transports en commun, la mise à distance avec les usagers qui ne sont pas des habitués fait partie des activités routinières, dans des situations de dysfonctionnement (perte de ticket de transport, problème d'oblitération du ticket, etc.), l'intervention réparatrice est nécessaire. Ce modèle suppose un échange verbal qui se réfère à la situation personnelle de l'usager (récit de vie de l'usager, cas particulier), la règle (la législation, le code, le règlement) et l'efficacité (rendement, coût, etc.). Le travail de l'agent consiste à spécifier la demande, à choisir parmi les moyens possibles ceux qu'il convient de mobiliser pour aboutir à un compromis acceptable pour chacune des parties. Le succès des interactions implique donc autre chose que la simple conformité au rôle institutionnellement établi du bureaucrate impersonnel et de l'usager standard.
31L'analyse des communications entre agents et usagers met aussi en évidence la capacité des agents à gérer la routine du quotidien (limiter au minimum nécessaire leur contribution), à gérer le désaccord, le conflit (prendre de la distance, se défaire d'une relation difficile, pacifier la relation, etc.) et leur aptitude à réconforter et à assister (trouver les mots, expliquer et justifier la pertinence de la règle, être à l'écoute, être pédagogue, etc.). C'est précisément parce que l'agent est comptable de la règle qu'il trouve la nécessité de la justifier pour la rendre acceptable à l'usager (Quéré, 1991). La référence au civisme est ainsi souvent utilisée par les agents pour donner une légitimité à leurs actions (Strobel, 1994 ; Warin, 1993). Suivant l'idée que l'on aboutit à des formes de justification de l'intérêt général, du bien commun, certaines recherches (Lafaye, 1990 ; Lafaye et Corcuff, 1993) ont développé cette perspective à propos de la modernisation administrative. En montrant la compétence discursive de l'agent (la manière de formuler les questions et les réponses, le ton de la voix, le contenu, etc.) et les registres de justification qu'il mobilise dans l'interaction, on peut faire apparaître que la relation de service public repose sur une qualité relationnelle qui « dépasse la seule question de la qualité commerciale de la relation »57. C'est dans cet esprit que Borzeix (1995) a signalé la bienveillance assez générale que les agents manifestent à l'égard des étrangers : respect, courtoisie, tolérance, sollicitude et réceptivité. Pour l'auteur, cette bienveillance est un procédé compensatoire consistant pour les agents concernés à réparer, par des gestes, des répétitions et des reformulations, le préjudice subi par les étrangers du fait de leur moindre accès aux ressources culturelles et langagières dont bénéficie habituellement l'usager moyen.
32D'autres études mettent l'accent sur le pouvoir des agents et la marge de manœuvre dont ils disposent. Il s'agit ici de tenir compte de la position institutionnelle et d'autorité qu'ils occupent et qui leur procure une plus grande maîtrise sur l'issue de la prestation et de ses conditions de félicité pour l'usager. On met en avant l'existence d'une asymétrie d'informations entre l'agent et l'usager et leur degré d'implication différent. Il s'agit de rappeler que les usagers sont placés en situation de demandeurs presque toujours profanes face à des professionnels des services publics. L'idée commune à l'ensemble de ces résultats est que les politiques définies au sommet et les règlements de l'organisation sont ce qu'en font les agents au guichet. Ceux-ci disposent d'une autonomie d'action que ni la règle, ni la hiérarchie, ne peuvent totalement encadrer. C'est ce qui a conduit Monjardet58 (1985, 1997) à montrer combien les policiers disposent d'une marge de manœuvre importante et l'utilisent par rapport à l'image spontanée que l'on peut avoir de la police comme organisation militaire et disciplinée qui obéit à la hiérarchie, aux codes et aux règlements. Il montre que l'intervention des agents de police ne relève pas seulement d'un code de procédure préétabli, mais également de l'interprétation et de la sélection qu'ils opèrent face à certaines situations et certains usagers. Ils choisissent en permanence ce qui requiert prioritairement attention ou intervention. Mais si l'usager est soumis aux interprétations et jugements des agents, il est aussi un co-producteur qui participe conjointement aux micros décisions qui font l'activité policière. Le Breton (1999) évoque également, dans son travail sur les conducteurs de transports urbains, les petites marges que s'octroyaient les conducteurs (sauter le dernier arrêt avant le terminus pour prendre de l'avance sur le trajet et disposer de quelques minutes de pause pour faire une halte dans un café ou appeler d'une cabine téléphonique) avant que l'introduction par les gestionnaires de la maîtrise du temps ne vienne bouleverser cette situation. En indiquant que les agents peuvent ainsi détourner à leur profit une partie du temps de travail il montre le pouvoir des agents sur les usagers. L'intérêt majeur de ces résultats est donc de souligner que les agents ne font pas qu'appliquer un règlement de manière aveugle, mais sont capables d'en jouer en fonction de la manière dont ils interprètent et qualifient leurs relations avec les usagers.
33En même temps, la demande des usagers n'apparaît jamais neutre aux yeux des agents, mais fait toujours l'objet d'une interprétation qui rend compte du service rendu. Warin (1993) montre que la reconnaissance des conduites des usagers est conditionnée par une combinaison de contraintes de recevabilité vis-à-vis du système de valeur des agents, vis-à-vis des schémas d'interprétation disponibles dans le service et vis-à-vis des stratégies singulières des agents ou des organes administratifs. La propension des agents à développer des formes de contrôle qui pèsent comme une contrainte sur les usagers est également analysée par Dubois59. Il souligne combien la position d'autorité des agents leur permet de porter des jugements personnels que le fonctionnement du service public n'exige pas mais rend possible, quand il s'agit notamment de faire entrer des usagers dans des nomenclatures. Il observe les jugements que portent les agents sur les usagers quand leur biographie personnelle ne s'agence pas parfaitement avec les normes en vigueur. En montrant que les agents procèdent à un travail de classification et de désignation des usagers, d'autres analyses ont également découvert qu'il existe des publics plus ou moins légitimes qui sont plus ou moins bien accueillis et traités. Ogien (1986) révèle ainsi comment le travailleur social dispose d'une compétence qui lui donne le droit de définir de façon bureaucratique quelle personne va pouvoir séjourner à l'hôpital sans statut de malade. Dans le secteur de la santé mentale, le « bon usager » est celui qui est conforme à ce que l'on attend de lui. Il doit notamment défendre l'institution en appuyant les demandes qu'elle formule pour améliorer l'organisation (pas assez de moyens, améliorer le mobilier, l'état des pelouses, du réfectoire, etc.) et doit aussi faire des efforts pour se montrer un « bon élève » et donc guérir (Demailly, Desmons et Roelanlt, 2000).
34D'autres recherches, à l'opposé, indiquent combien ce pouvoir discrétionnaire peut être utilisé dans un sens qui privilégie les publics les plus précaires. Weller (1991) souligne notamment que la position organisationnelle et la forte autonomie des agents d'accueil les conduisent parfois à fortement s'impliquer dans les cas qu'ils jugent douloureux et à proposer aux usagers des solutions pour trouver une issue. À ce propos, Laville (1996) indique que les agents de la Caisse d'allocations familiales procèdent à des arrangements quotidiens qui consistent par exemple à traiter en priorité les dossiers les plus urgents comme ceux des rmistes. On retrouve cette forme de discrimination positive à l'égard de publics à problèmes ou défavorisés dans les relations des usagers au guichet de La Poste. Ce traitement « hors normes » ou « hors cadre » constitue de nouvelles « normes de prestation de cohésion sociale » (Gadrey, Ghillebaert, Gallouj et Duplaa, 1997). De façon analogue, Gautrat (1996) montre au travers d'une étude menée sur les CAF de Foix, Quimper, Tours et Tarbes auprès des populations les plus démunies, que les agents se réfèrent à un registre de justice identique à celui des travailleurs sociaux et des bénévoles plutôt qu'à une logique bureaucratique où ils n'auraient pas à se préoccuper de la justice rendue aux usagers. On retrouve ainsi, derrière la sollicitude des agents, le « régime de compassion » ou la « commune humanité » auxquels se réfèrent respectivement Corcuff (1996) et Dodier (1997). Cette sollicitude serait pour les agents une manière de s'évader des contraintes et de la pénibilité des activités routinières pour trouver dans la satisfaction de l'usager une reconnaissance nouvelle de leur travail (Commaille, 1997). Lipsky (1980) identifie d'ailleurs des tensions analogues, en montrant que, pour l'agent, prendre la défense de l'usager consiste parfois à entrer en conflit avec l'organisation. Cette observation conduit l'auteur à poser le problème de l'aliénation en montrant les difficultés que rencontrent les agents quand ils doivent dénier l'humanité fondamentale qu'ils souhaiteraient témoigner aux usagers pour effectuer leur travail dans les règles.
35Dans ces travaux, l'usager n'est présent qu'en tant que cas particulier, que problème, que défaillance. Il est celui par lequel les imperfections organisationnelles sont mises en exergue. Si c'est l'usager qui amène la panne, qui révèle les dysfonctionnements de l'organisation, les décalages entre les cadres réglementaires et sa situation individuelle, qui empêche une totale application des prestations, c'est toutefois l'agent que le chercheur regarde faire, pour comprendre comment il arrive à résoudre ces difficultés. Dans ces travaux, le centre de préoccupation n'est donc pas directement l'usager, mais l'agent, l'organisation ou l'institution qui l'emploie. Ce qui prévaut, c'est de rendre compte des compétences des agents, de montrer comment ils bricolent les règles, utilisent les médiations techniques et disposent d'une capacité sociale à se défaire de situations difficiles ou à faire preuve d'altruisme. L'intérêt scientifique de ces recherches n'est pas contestable, mais il nous semble important de souligner qu'elles prêtent plus d'attention aux agents qu'aux usagers. C'est la raison pour laquelle certaines analyses nous paraissent davantage rendre compte du rapport de l'agent à l'usager que du rapport de l'usager à l'agent ou plus largement au service public.
Une focalisation sur la relation de service et ses effets
36Parmi les travaux sur la relation de service certains focalisent davantage leur attention sur la relation, sur l'échange en tant que tel, que sur l'usager. En s'intéressant aux ajustements, aux négociations, aux accords et désaccords auxquels aboutissent agents et usagers, certaines analyses répondent davantage à la question de savoir comment se réalisent les relations de service qu'à celle de savoir quel rapport entretient l'usager au service public ou à l'agent. Elles prennent ainsi l'interaction, l'échange, comme objet central de leurs recherches, c'est-à-dire savoir comment l'usager et l'agent « font ensemble ».
37Une fois encore cela ne signifie pas que l'usager ne soit pas pris en compte, puisqu'en abordant le rapport des usagers au service sous l'angle de la coproduction, ces recherches mettent l'accent sur le caractère non plus unilatéral mais bilatéral de la prestation. Ces approches font l'hypothèse que l'échange entre les agents et les usagers contribue à la production du service qui est rendu. Elles montrent que l'usager et l'agent procèdent conjointement, qu'ils partagent la prestation puisqu'ils agissent les uns vis-à-vis des autres ou en référence les uns aux autres. Cela signifie clairement que le service public n'est plus défini comme un produit fini destiné à un usager qui agit et réagit après l'avoir reçu. Dans cette perspective Gumperz (1995) montre à partir d'un examen minutieux des activités langagières lors d'entretiens de sélection pour des stages de formation que l'usager qui ne maîtrise pas totalement la langue et les codes culturels aboutit à un résultat final moins heureux que celui qui en dispose. L'auteur indique de la sorte que l'offre de service est co-pilotée par les deux interlocuteurs. Il montre que les usagers exercent eux-mêmes, sans en avoir forcément conscience, une influence sur l'issue des prestations de service.
38Des recherches montrent même l'importance de prendre en compte le pouvoir dont disposent les usagers : ici les usagers ont une certaine latitude et des capacités tactiques. Ils sont analysés comme des acteurs qui tentent d'accommoder le service rendu à leurs attentes. Il apparaît qu'ils peuvent tenter d'influencer la relation de service à leur avantage en négociant et en contrôlant le déroulement de l'échange. En adoptant cette perspective, ces analyses dévoilent la capacité de l'usager à jouer avec les règles mais aussi à se jouer de l'agent. L'usager peut ainsi adopter des attitudes de réserve (ne pas trop en dire pour ne pas dévoiler une information qui pourrait lui nuire) ou adopter des stratégies d'exhibition (dévoiler pléthore de détails sur sa vie privée), pariant que certains détails ou informations donneront droit à un « avantage », une prestation non envisagée au départ (Weller, 1999). Les demandes des usagers prennent parfois la forme d'expression de souffrance, de chantage ou de menaces, et peuvent à ce titre créer des cas de conscience auxquels les agents peuvent être sensibles. Warin (1993,1999a) montre que les usagers peuvent aussi avancer masqués pour servir leurs intérêts. Ils sont ainsi capables de se montrer vertueux et de donner une bonne image d'eux-mêmes, conforme à celle qu'attendent l'agent et l'institution afin d'aboutir au résultat escompté. Ils peuvent également mettre en évidence les failles entre les normes appliquées et les valeurs affichées. Dans ce cas, ils peuvent demander aux agents de revoir leurs exigences pour mieux transiger.
39La capacité des usagers à réclamer des comptes a également été étudiée comme une capacité à peser sur l'émergence de règles, leur application et leur transformation au cours des interactions. C'est dans cet esprit que Eymard-Duverney et Marchai (1996) montrent le processus de coordination par lequel agent et usager construisent des « rapports d'évaluation » et des « rapports d'intéressement » référés à des règles générales qui sont aménagées localement. L'observation des interactions permet d'analyser les enchaînements d'actions qui font parfois passer du désaccord (un problème) à l'accord et inversement. C'est dans une perspective similaire que Warin (1993) analyse les relations de service entre agents et usagers comme des régulations locales qui permettent de comprendre les politiques délivrées. Il montre que l'usager coproduit le service, dans le sens où il intervient dans la définition des règles formelles qui régissent le service au quotidien. Le pouvoir discrétionnaire de l'agent de base est alors utilisé par l'usager comme une capacité pour la négociation. Dans ce qu'il appelle une « régulation par les arrangements coutumiers », il observe que le poids des règlements peut être assoupli et les règles de gestion largement détournées. Dans ce qu'il appelle une « régulation par des principes moraux », il montre que les usagers demandent aux agents de normaliser leurs actes, de les rendre plus justes en se référant aux principes d'équité, de solidarité sociale, de précaution, de responsabilité. Ils poussent de la sorte les agents à justifier leurs actes et à revoir leurs exigences s'ils jugent que le service rendu ne répond pas au principe moral qui doit s'appliquer à tous. Les usagers apparaissent alors non seulement comme des acteurs utilitaristes motivés par des intérêts personnels, mais aussi comme des citoyens attachés à une idée de justice (Warin, 1993, 1999). Suivant cette logique, les usagers qui négocient avec les agents sont aussi capables de se montrer raisonnables, de se modérer, de contenir leurs demandes et de ne pas faire de surenchère. S'ils cherchent à ne pas être desservis par la relation, ils sont donc prêts à accepter le règlement, s'il leur paraît juste. La relation de service est alors conçue comme un échange de jugements de valeur, déterminant pour le déroulement et l'issue de la rencontre.
40Ces approches présentent clairement les usagers en relation avec les agents de base comme des acteurs. Elles portent leur attention non seulement sur les interactions mais aussi sur ses effets sur le service public. La relation de service apparaît comme l'aboutissement d'un accord ou d'un consentement et, sous cet angle, la production du service est faite d'ajustements permanents. Les auteurs montrent en effet que la relation de service peut être une régulation qui débouche sur un nouveau cadre réglementaire, la production informelle de normes différentes de celles qui préexistaient à l'échange (Warin, 1993). Ils soulignent également combien il est illusoire de penser que la relation de service puisse être assimilée à un échange seulement marchand et qu'il faut prendre en compte le fait qu'elle est aussi une relation faite de sociabilité, d'affectivité, de réconfort, qu'il est difficile d'évaluer selon les standards habituels de la qualité et de mesurer sur des critères de rentabilité (Borzeix, 1995). On montre ainsi que la relation de service est le symptôme plus profond de manquements, d'injustices, de failles et d'erreurs politiques (Warin, 1993, 1999b). Cela permet notamment de dénoncer les changements survenus en interne dans l'organisation, au nom des nouvelles exigences d'efficacité, et de souligner l'ampleur des décalages entre les réformes décidées d'en haut et la réalité empirique des relations observées à la base. L'usager est présent comme analyseur, comme détecteur, mais l'objectif demeure toutefois et avant tout de comprendre la relation de service et ses effets.
Un usager saisi dans l'interaction
41Relevons enfin que ce qui s'observe dans la relation de service ne donne à voir qu'une facette de l'usager. Non pas que les travaux réalisés sur la relation de service ignorent cette situation, mais seulement qu'ils ne sauraient expliquer tout le rapport des usagers au service public.
42Sans diminuer l'importance et l'intérêt de ces travaux, relevons qu'ils ont pour limite d'analyser ce qui se déroule dans l'interaction, sans véritablement saisir ce qui existe hors du cadre de la relation. Or, pour comprendre une interaction difficile entre un usager et un agent, il n'est pas inintéressant de savoir si l'usager a une sainte horreur de l'administration, s'il considère que sa journée est perdue et que cela le met de très mauvaise humeur. On apprend certes beaucoup de la situation de face à face mais on revient bredouille si l'on souhaite comprendre comment les représentations, les attentes, les perceptions, les stratégies qui préexistaient à l'échange avec l'agent ont pesé concrètement dans le cours de l'interaction. Latour (1994) nous rappelle que pour saisir une interaction sociale il ne faut pas se limiter aux corps présents et qu'il faut toujours « faire appel à d'autres éléments, à d'autres lieux, à d'autres acteurs ». Callon (1999) indique de la même manière que le cadre ne peut se comprendre sans ses débordements incessants. S'il est vrai que dans l'analyse des interactions on peut saisir les représentations des usagers, leurs perceptions, leurs attentes, et leurs stratégies, il n'est pas moins vrai que leur sens doit être relativisé compte tenu du cadre de la relation dans lequel elles se déroulent.
43Il faut donc avoir à l'esprit que la relation de l'usager au service public est ici située dans une interaction qui oblige chacun des interlocuteurs à tenir compte de l'autre. Autrement dit, tout ce que dit et fait l'usager dans la relation de service est conditionné par la présence de l'agent et de ce qu'il représente. On peut se demander si cela n'induit pas un biais pour comprendre le rapport qu'il entretient au service public. Bien que l'agent soit un acteur du service public, nous pouvons nous interroger sur sa capacité à représenter l'institution, les idées qu'elle véhicule et les principes qui lui sont attachés. La question qui se pose est alors de savoir s'il est possible, à partir de la relation de l'usager à l'agent, de monter en généralité pour y voir le rapport de l'usager au service public.
44On peut également se demander dans quelle mesure l'usager n'est pas capté, absorbé par la logique de l'interaction dans laquelle il s'exprime. À ce propos, Dubuisson (1999) montre que les usagers d'un service de restauration n'expriment que rarement des exigences particulières ou des remarques sur la qualité du service, sur la propreté ou sur ce qu'ils souhaiteraient manger. Le plus souvent, ce sont des demandes d'information sur la composition du plat qui sont adressées au personnel. Les usagers ne posent que des questions attendues et débordent rarement du cadre de la relation instituée. Cela montre bien que l'interaction est cadrée et située et que l'usager ne se donne à voir que dans cette réduction, ces limites et ces frontières.
45Par ailleurs, la relation de service suppose presque toujours l'observation de situations où l'usager réagit immédiatement aux requêtes et aux questions de l'agent. Si cette spontanéité du discours est intéressante pour saisir ce qui se déroule dans le cours de l'action, il demeure qu'elle permet parfois, mais pas toujours, d'obtenir un discours construit et argumenté. On peut alors se demander si dans une autre situation l'usager n'aurait pas présenté différemment son propos.
46Le cadre même de l'échange en face-à-face induit donc un modèle d'observation qui présente un aspect de l'usager marqué par le cadre de l'interaction. Si cette démarche est riche d'enseignements pour réintroduire l'usager et montrer ses compétences, ses stratégies, ses lacunes, mais aussi la nature des rapports qu'il entretient avec le service public, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas inutile de sortir du contexte interactif pour comprendre comment il se positionne face au service public.
L'usager face aux transformations du service public
47Il nous semble que, depuis quelques années, une question de fond traverse l'ensemble des travaux sur les usagers des services publics. Celle-ci concerne les profondes transformations qui affectent les services publics à travers le mouvement de marchandisation des services rendus, de concurrence, de déréglementation et de privatisation. De nombreux ouvrages et articles abordent ainsi la question de la crise du service public (Alcouffe et Baslé, 1997, 1998), de sa modernisation60, de sa légitimité61 et donc de son devenir62. Observé du point de vue des relations des services publics à leurs destinataires, la question devient celle de la place des usagers au cœur des réformes63, du risque de rupture du lien social64 et finalement du statut de l'usager devenu client, consommateur ou maintenu comme citoyen65 (Jeannot, 1998, 1999 ; Jaglin, 2002). On peut voir dans ces questions une forme de continuité avec celles qui se sont posées à l'égard de la modernisation des services publics, de leur renouveau, et de la qualité de service. Les résultats des recherches antérieures éclairent en effet certains aspects des questions actuelles lorsqu'il s'agit de s'interroger sur l'amélioration de la relation des usagers au service public, voulue et appliquée au travers d'un ensemble de réformes et de réorganisations. Sauf que désormais il s'agit de s'interroger sur ce qu'implique la transformation des modes d'intervention et de fonctionnement du service public dans un contexte de mutation plus globale. C'est pour cette raison qu'il nous paraît possible de penser que l'on a progressivement glissé vers un questionnement sur le sens (principes et finalités) du service public dans sa relation aux usagers.
48Dans cette perspective, la mise en discussion de l'idée de coproduction, chère à la relation de service, vient alimenter l'idée qu'il faut également explorer d'autres manières d'appréhender le rapport des usagers au service public. C'est ce que dit Levy (2002) quand elle remarque que, lorsque l'on fait des usagers des coproducteurs, on les fait entrer dans l'organisation en tant qu'acteurs à part entière, et qu'il n'y plus qu'un pas à faire pour les considérer comme coresponsables des actions menées. Il y a en effet dans la coproduction un implicite selon lequel l'usager est partie-prenante dans les évolutions plus générales qui affectent le service public. Or, on peut légitimement se demander si l'usager perçu comme un citoyen a participé au développement de la marchandisation des services publics, à l'ouverture à la concurrence, à la privatisation, etc. Peut-il être considéré comme un acteur qui a autant d'influence sur la marche du service que le client consommateur devenu l'objet de toutes les références ? Le numéro spécial de la revue Flux (2002), dont l'une des préoccupations est de s'interroger sur la place réelle de l'usager-citoyen, convoqué au nom de l'exigence démocratique mais marginalisé par les nouveaux modes de régulation marchands, s'inscrit sans nul doute dans ce cadre. C'est vraisemblablement aussi dans cet esprit que Chauvière (1997, 2000) estime que le modèle de la coproduction reste lié à un rapport de production, à une idéologie du consensus qui neutralise le citoyen. C'est pour lui d'autant plus pernicieux qu'il considère avec Godbout66 que si l'organisation de la production préfère se représenter l'usager comme coproducteur, c'est parce qu'elle maîtrise de cette façon son caractère dangereux ou subversif pour l'organisation. Si on a donc beaucoup loué les vertus conceptuelles de la coproduction, il semble aujourd'hui qu'il faille modérer l'idée qu'en pratique, elle aboutit toujours et pour tous les publics à des ajustements et des régulations plus globales que celles qui s'appliquent dans la singularité de la situation locale de l'interaction (Kaisergruber et Strobel, 1996).
49C'est sans doute aussi la raison pour laquelle de nouvelles questions se posent sur l'extension de la pauvreté et le problème de l'exclusion de certains usagers. L'actualité de la construction européenne, avec ses critères de convergence qui imposent la réduction des déficits publics et la vision « libérale » et dérèglement aire en faveur du marché, soulèvent inévitablement des interrogations sur le rapport des publics précaires au service public. On retrouve, derrière ces questions, les dilemmes de l'introduction volontariste de « l'orientation client » tels que les ont identifiés Kaisergruber et Strobel (1996). Selon ces auteurs, cette nouvelle préoccupation débouche sur des défaillances qui contribuent toujours à marquer les inégalités sociales. C'est la question de la responsabilité du service public sur la cohésion sociale qui est ainsi posée. Nous avons également montré (Cochoy et Fijalkow, 2002) dans une étude sur la CRAM (Caisse Régionale d'Assurance-maladie) que celle-ci dispense bien d'autres prestations que le simple versement des retraites (aides à domicile, allocations pour financer des voyages, etc.). Nous nous sommes alors interrogés sur l'aptitude des usagers à identifier les services offerts par l'organisme auquel ils s'adressent afin de mesurer la pertinence de cette diversification « généreuse » des services. Nous avons ainsi indiqué que la prolifération des prestations finit par brouiller la lisibilité de l'offre, au risque de laisser les populations les plus fragiles dans l'ignorance, alors que ces offres additionnelles leur sont pourtant destinées. Nous avons aussi signalé qu'il peut paraître paradoxal d'aider des gens que l'on peut considérer en première approximation comme des victimes du marché (perte d'emploi, manque de ressources, incapacité à « tenir » seul dans un univers individualiste et compétitif...) en présentant les moyens d'en sortir sous la forme d'un véritable marché. Alors que nous constations du côté de l'offre les effets d'une logique marchande, il nous est apparu incongru d'assimiler les usagers à des consommateurs rationnels et calculateurs. La question se pose avec d'autant plus d'acuité que le cas de la CRAM n'a rien d'isolé dans un contexte où la transformation des services publics modifie de plus en plus l'équilibre des échanges.
50Derrière ces investigations, c'est finalement la question des décalages entre l'offre de service supposée s'adapter au plus près des publics et des attentes des usagers qui est posée. Dans cette perspective, Warin (1999b) souligne qu'il existe des désajustements entre le souci de la performance publique orienté vers l'efficacité managériale et la qualité et les attentes du public. Il indique combien la performance publique « ne se pose pas uniquement en terme de satisfaction ou d'insatisfaction par rapport à des critères mesurables d'accessibilité des services, de simplicité des démarches administratives, de rapidité de traitement des dossiers, etc. », mais dépend aussi des réponses apportées aux attentes des usagers en termes d'équité, de solidarité sociale, de précaution et de responsabilité. Il montre ainsi que le « pragmatisme gestionnaire » qui tend à assimiler le rapport des usagers au service public à un échange marchand, au nom de la rationalisation des activités et des impératifs économiques et financiers, ne tient pas compte de la spécificité de celui-ci. Il s'interroge également sur l'évolution de la relation de service et montre les décalages entre les objectifs visés par les politiques de modernisation engagées sous l'angle de la relation de service (qualité de l'accueil et efficacité dans le traitement des demandes) et les attentes parfois très contrastées des usagers (Warin, 2000b).
51La question des décalages entre une offre de type commercial et des attentes plus civiques des usagers, conduit irrémédiablement à s'interroger sur la citoyenneté de l'usager et son attachement aux principes du service public. Bien sûr, ces questions ont été soulevées dans l'analyse des relations de service, mais elles connaissent un regain d'intérêt quand il s'agit de comprendre le rapport qu'entretiennent les usagers à des services publics confrontés à la rationalité marchande. L'ouvrage collectif coordonné par Horellou Lafarge67 s'inscrit dans cette réflexion quand il définit son propos en se demandant qui nous sommes face au service public : « Encore des usagers ? Toujours des citoyens ? ».
52Devant les transformations du modèle de service public, d'autres approches soulèvent également la question des usagers autour de formes d'organisation qui ne relèvent ni du secteur privé lucratif, ni du secteur public. On peut sans doute à ce titre considérer que les réflexions sur le tiers secteur (associations, économie solidaire, économie sociale) s'inscrivent à leur tour dans une démarche qui vient penser l'initiative de la société civile dans l'espace public. Comme l'indiquent Lallement et Laville (2000) en introduction d'un numéro spécial de Sociologie du travail sur le tiers secteur, parmi l'ensemble des raisons qui peuvent expliquer son essor, sans doute faut-il tenir compte du doute que formulent les usagers sur la capacité de l'intervention publique à remédier aux insuffisances du marché. En dénonçant « la lourdeur bureaucratique et centralisatrice des institutions redistributives », et en critiquant « la survivance de fortes inégalités en dépit de politiques publiques pourtant ouvertement influencées par une éthique de l'égalité », certains usagers auraient été conduits à s'engager collectivement dans l'espace public. Contrairement à d'autres formes d'engagement, il s'agirait d'un « engagement concret à durée limitée, soucieux d'obtenir des réponses rapides à des problèmes particuliers ». La singularité du tiers secteur serait en fait celle d'un collectif où s'enchevêtrent coopération sociale, entraide et protestation. Le retour à des formes de solidarité communautaire serait une façon de promouvoir un mode d'organisation alternatif à certains services publics. Pour Gadrey (2000), l'intérêt scientifique que présente le tiers secteur réside dans la possibilité d'observer ici plus qu'ailleurs des tensions entre, par exemple, l'altruisme, le désintérêt, le don et l'intérêt économique individuel.
53Dans un contexte où les services publics sont de plus en plus cadrés par des logiques marchandes, de nombreux travaux s'interrogent désormais sur leur devenir et sur leur incidence sur la relation aux usagers. Vue sous cet angle, c'est donc aussi la question des décalages entre l'offre de service public et l'attente des usagers, mais aussi leur réaction, leur adhésion, leur désapprobation et leur manière de le montrer en acte qui se pose.
Notes de bas de page
26 Si nous abordons ici la relation de service comme un domaine de recherche transdisciplinaire, l'expression désigne à la fois « un concept et une modélisation, une expérience quotidienne à la portée de chacun, une certaine orientation en matière d'action publique (l'usager placé au centre) et, enfin, un ensemble d'initiatives qui se situent quelque part entre pratiques managériales et discours » (Borzeix, 2000, p. 21).
27 Lecerf M., 1999. Droits des consommateurs et obligation des services publics, Edition d'Organisation, Paris.
28 Hourellou Lafarge C, 1996. Consommateur, usager, citoyen : quel modèle de socialisation ? L'Harmattan, Paris.
29 Bauby P., 1998. Reconstruire l'action publique. Services publics, au service de qui ? Syros, Alternatives économiques, Paris.
30 Bourdieu P, Passeron J-C, 1964, op cit. Baudelot C., Establet R., 1971. L'école capitaliste en France, Maspéro, Paris.
31 Bourdieu P., Darbel A., 1966, op cit.
32 Lojkine J., 1977. Le marxisme, l'État et la question urbaine, PUF, Paris.
33 Touraine A., 1978. La voix et le regard, Seuil, Paris.
34 Wieworka M., 1977. L'État le patronat et les consommateurs, PUF, Paris.
35 Castells M., 1972. La question urbaine, Maspéro, Paris. 1973, Luttes urbaines et pouvoir politique, Maspéro Paris. 1982, Mouvement sociaux d'aujourd’hui, acteurs et analystes, Les Editions ouvrières, Paris.
36 Crozier M., 1964. Le phénomène bureaucratique, Seuil, Paris.
37 Grémion P., 1976. Le pouvoir périphérique, Le Seuil, Paris.
38 Friedberg E., 1993. Le pouvoir et la règle, Seuil, Paris.
39 Muller P., 1994. Les politiques publiques, PUF, Paris.
40 Meny Y., Thoenig J-C, 1989. Les politiques publiques, Coll. Thémis, PUF, Paris, p. 30.
41 Biarrez S., Nevers J-Y., 1993. Gouvernement local et politiques urbaines, Grenoble, CERAT.
42 Perrineau P., 1994. L'engagement politique. Déclin ou mutation, Presse de la fondation nationale des sciences politiques, Paris.
43 Lauffer R., Paradeise C., 1982. Le prince et le bureaucrate Machiavel au pays du marketing, Flammarion, Paris.
44 Cayrol R., 1997. Médias et démocratie la dérive ? Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris.
45 Warin P., 1993. Les usagers dans l'évaluation des politiques publiques : études des relations de service, L'Harmattan, Paris.
46 Dans cet article, Merton montre que le comportement standardisé jugé indispensable à la réalisation des objectifs poursuivis entraîne chez les fonctionnaires un comportement ritualiste. Il en résulte une très grande rigidité qui interdit aux fonctionnaires de répondre aux exigences concrètes de leur tâche et développe parmi eux un esprit de caste qui les sépare du public. D'où, finalement, une très grande inefficacité dans la poursuite des buts officiellement recherchés.
47 Lipsky M., op cit.
48 Goffman E., 1968. Asiles, Les Editions de Minuit, Paris. Goffman E., 1991. – Les cadres de l'expérience. Les Editions de Minuit, Paris.
49 Rappelons que si cette définition s'applique à la plupart des travaux il existe bien sûr des exceptions, comme celle de Borzeix (2000), qui analyse la relation entre l'agent sono et les multiples figures de la foule des usagers en Gare du Nord à Paris.
50 Les agents de base sont l'ensemble des agents des administrations et des services publics en contact direct avec les usagers. Selon Lipsky (1980), il existe un certain nombre de caractéristiques communes dans le travail d'un agent d'accueil de la préfecture, d'un juge ou d'un professeur d'université telles qu'on peut comparer ces fonctions malgré la variation d'autres critères.
51 Warin (2000) a par ailleurs constaté que, depuis la fin des années 1980 l'inflation des financements de recherche dans ce champ est sans doute symptomatique d'une évolution des problématiques favorisant le passage d'une sociologie des organisations à une sociologie des relations de service.
52 Sur ce point on peut se référer à l'analyse que fait Borzeix (2000) de la myopie dont a pendant longtemps fait preuve la sociologie du travail à l'égard de l'usager.
53 Warin P., 1993, op cit. Weller J-M, op cit. Jospeh I., Jeannot G., 1995. Métier du public, les compétences de l'agent et l'espace de l'usager, Editions du CNRS, Paris.
54 Weller J-M., op cit.
55 Goffman E., 1968, op cit.
56 Joseph I., Jeannot G., op cit.
57 Jeannot G., op cit. p. 31.
58 Monjardet D., 1996. Ce que fait la police : sociologie de la force publique, La Découverte, Paris.
59 Dubois V., 1999. La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Economica, Paris.
60 Fraisse R., Grémion C, 1996. Le service public en recherche. Quelle modernisation ? La Documentation française, Paris.
61 Chevalier J-M., Ekeland I., Frison-Roche M-A., 1999. L'idée de service public est-elle encore soutenable ? PUF, Paris.
62 Rouban L., 2000. Le service public en devenir, Coll. Logiques politiques, L'Harmattan, Paris.
63 Warin P., 1997. Quelle modernisation des services publics ? Les usagers au cœur des réformes, La Découverte, Paris.
64 Decreton S., 1999. Etat des lieux état des liens, Service public et lien social, L'Harmattan, Paris.
65 Hourellou Lafarge C., op. cit.
66 Chauvière M., Godbout J-T., 1992. - Les usagers entre marché et citoyenneté, L'Harmattan, Parts.
67 Hourellou Lafarge C, op cit.
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2001