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|Chapitre IX. Les opportunités extérieures
Texte intégral
De tous les bagages, l'homme est le plus difficile à remuer.
A. Smith
1Au titre des facteurs de réussite scolaire et sociale en milieu populaire, il est nécessaire d'ajouter aux précédents quelques éléments qui prennent source en dehors de la cellule familiale au sens strict : grands-parents - parents - enfants. Nous avons jusqu'à présent privilégié la thèse selon laquelle la réussite est avant tout une affaire de lignée familiale et, ce faisant, négligé quelque peu l'influence de certaines opportunités externes. Or, il en existe un certain nombre. Nous n'irons pas jusqu'à dire que ces éléments extérieurs sont la source ou la raison des succès évoqués, mais ils y ont dans certains cas assez fortement contribué. Ils ont pu par exemple, donner une impulsion nouvelle à certaines ambitions familiales timides et réservées. Il y a donc là des facteurs de réussite à considérer, étant entendu qu'ils ne prennent tout leur sens que s'il existe à la base un projet familial porteur capable de les incorporer en son sein.
1. LE CURÉ
2Au cours d'une discussion informelle avec un professeur d'Université à propos de ce sujet de réflexion, celui-ci vient à évoquer son origine sociale et sa trajectoire individuelle. Il est fils d'ouvrier agricole et doit sa scolarité post-obligatoire uniquement à l'intervention inopinée du curé du village. Celui-ci aurait convaincu ses parents, qui ne l'étaient pas au départ, de lui faire poursuivre des études après ses brillants succès au certificat d'études. C'est à cette intervention extérieure qu'il a donc attribué sa trajectoire sociale ascendante. Il voulait ainsi montrer du doigt l'influence de facteurs que l'on pourrait appeler exogènes.
3De telles interprétations sont parfois rencontrées, mais elles n’expliquent pas correctement le phénomène de réussite sociale et pas davantage le rôle des opportunités. Elles n'expliquent d'abord pas la réussite scolaire des premières armées d’école dont on a vu l'importance. Elles cachent ensuite une probable action éducative parentale antérieure de sur-scolarisation. Qu’est-ce qui empêchait les parents de répondre par la négative à l'intervention extérieure, comme ce fut effectivement le cas dans les exemples évoqués plus haut où les parents ont refusé la poursuite des études malgré l’insistance des instituteurs ?
4Il est certain que ce professeur d’Université ne le serait pas devenu si le curé de la paroisse n'était pas intervenu ; sa réussite aurait été sans doute moindre. Mais qui sait ? Est-ce que ses parents n'attendaient pas finalement cette opportunité extérieure ? Ne l'avaient-ils pas en quelque sorte suscitée et même préparée ? L'exemple suivant illustre parfaitement ce cas, il raconte ainsi l'intervention du curé de la paroisse :
— Et là il y a eu un virage qui est dû curieusement au curé du village. J'avais une grand-mère qui était un peu bigote, et donc qui le voyait souvent. Donc il s'était intéressé un peu à moi et fêtais dans les âges de catéchisme normaux. Donc à ce moment-là, il est venu à la maison en disant bon, qu'est-ce que vous allez en faire, il a neuf-dix ans, j’ai vu l'instituteur, il suit les mêmes cours que ceux qui sont dans le certificat d'études, il a à attendre quatorze ans, qu'est-ce qu’il va faire pendant quatre ou cinq ans, il faudrait essayer de lui trouver une autre trajectoire. Est-ce qu'il y avait une volonté de me faire faire un séminaire quelconque, aujourd'hui je ne l'exclus pas, j'ai pas une mémoire assez fraîche de ce qui était le moment, mais je ne l’exclus pas, compte tenu du bigotisme avancé de ma grand-mère. Et donc ce curé a, lui, forcé pour que je passe le concours d'entrée en sixième puisqu'en ce temps-là on passait un concours. Je l'ai passé, je l'ai eu.
5Quelles qu'aient été les intentions du curé, cet ingénieur Insa a incontestablement pu ciller en sixième par l'intermédiaire de cette intervention extérieure. Mais ce que n'évoque pas cette citation, c'est tout le travail parental exercé parallèlement et préalablement à cette opportunité que livre la relecture de l'entretien. Les parents auraient pu refuser, ce qui n’a pas bien sûr été le cas. Mais il faut également savoir que le père de l'enquêté a aussi arrêté de travailler l'exploitation agricole familiale, qui ne rapportait aucun revenu financier, si ce n'est la nourriture familiale, pour devenir ouvrier et ainsi gagner le salaire nécessaire pour que soient payées les études et la pension de son fils, qui plus est unique. Ensuite lorsque celui-ci a eu la possibilité de s’orienter vers le baccalauréat, parce qu'il fut refusé, du fait de son bon niveau scolaire, à l'entrée du CAP envisagé par ses parents, l'avis du directeur du lycée ne mit là aussi pas longtemps à les convaincre de l'opportunité de préparer le baccalauréat plutôt que de quitter l'école. Lorsque, enfin, il a décidé après son baccalauréat de tenter le professorat de gymnastique, ce sont ici les parents qui ont fait pression pour que des études d'ingénieurs soient finalement entreprises. Étaient-ils vraiment sans ambition ou projet pour leur enfant ? Voilà, en substance, ce que le père répondit à son fils :
— Il me dit, mol Je veux bien faire des sacrifices, ça fait longtemps qu'on en fait mais il n'est pas question que Je continue à te payer des études pour faire le saltimbanque, voilà ce qu'il m'a dit concernant le Creps (Centre Régional d'Éducation Physique et Sportive).
2. ENSEIGNANTS ET INSTITUTEURS
6L'intervention du curé de la paroisse dans le processus de réussite est surtout observable chez certains anciens élèves, et beaucoup plus rarement chez les élèves actuels. Il est par contre plus fréquent de rencontrer, quelle que soit la population, l'influence d'un enseignant ou d'un instituteur. C'est le second élément extérieur susceptible d'accompagner une réussite scolaire en milieu ouvrier, le second facteur de réussite qui ne dépende pas seulement des parents. Le professeur peut intervenir de multiples façons.
7Il en est une qui s'apparente à celle que l'on a vue plus haut : convaincre les parents de l'opportunité de la scolarisation la plus longue possible. Nous n'y reviendrons pas. L'enseignant peut aussi instaurer, pour une raison quelconque, une relation amicale avec les parents. Ce dernier devient alors un conseiller et un tuteur pour le projet scolaire de l'enfant. Plusieurs élèves d'origine ouvrière, aujourd'hui diplômés de l'enseignement supérieur, ont mentionné que leurs parents avaient entretenu de très bonnes relations avec certains enseignants. Leur fréquentation régulière des réunions, leur respect de l'institution scolaire ainsi que les brillants résultats de leurs enfants ont sans doute contribué à cela.
8Il est une autre influence possible des enseignants sur la trajectoire de réussite des élèves rencontrés : l'influence d'un instituteur voisin. En effet, lorsque celui-ci est voisin de palier, il devient pour les parents un interlocuteur privilégié, plus facilement accessible que ne l’est d’habitude le professeur et plus généralement l'institution scolaire, un interlocuteur avec qui les parents auront moins de mal à établir un contact :
— Il y avait un instituteur qui était titulaire et qui était le directeur de l'école [...] et il y avait toujours un jeune instituteur qui arrivait, qui restait un an ou deux ans ou trois ans, et qui repartait après, jusqu’à ce qu'il soit stabilisé quoi. Et ces gens-là (ces jeunes instituteurs) étaient logés par la mairie. Il se trouvait qu’il y en a eu un qui est venu habiter juste à côté de chez moi. Puis, relations de voisinage quoi, on est devenus amis. Même s'il est pas resté longtemps, il est resté deux ans, je l’avais en cours et il avait bien dit à mon père, et bien vous en faites pas, votre fils il ira loin d’après ce que je vois. [...] mais je pense que c’est là que mes parents ont pris conscience de mes possibilités. Disons qu’ils se sont dit que ça valait la peine peut-être de faire un effort pour qu'il puisse y arriver.
— Ils se voyaient souvent avec cet instituteur ?
— Bien pendant la durée de... oui on le voyait tous les jours parce qu’on était mitoyen.
3. ONCLES ET TANTES
9Il existe un autre facteur que les parents ne maîtrisent pas totalement, et qui a pu dans certains cas donner un élan supplémentaire aux trajectoires de réussite scolaire et sociale des enfants. Il s'agit d'abord de la situation sociale des frères et sœurs et ensuite des neveux et nièces des parents, surtout lorsque ces derniers et dernières ont une position sociale aisée et que celle-ci se transforme en une aide non négligeable et efficace.
10En effet, les frères et sœurs des parents ont connu des destins assez variés. Si l'on sait que les 167 élèves actuels de notre échantillon ont en moyenne cinq couples d'oncles et de tantes, cela laisse présager un éventail de situations sociales assez large. Il y a toujours parmi les oncles et les tantes des élèves quelques agriculteurs (13 %) et artisans - commerçants (8 %), quelques ouvriers (21 %), mais aussi quelques employés (15 %) et souvent des cadres tant intermédiaires que supérieurs : pratiquement un sur cinq.
11Lorsque ces derniers ont une situation sociale aisée ou des connaissances culturelles importantes, ils peuvent en faire bénéficier directement leurs neveux et nièces, c'est-à-dire les élèves que nous avons rencontrés. Dans l'exemple suivant, ce fils d'ouvrier serrurier aujourd'hui ingénieur diplômé de l'Ensct se souvient des très nombreux contacts qu'il eut avec sa marraine dont le mari est dessinateur industriel et qui a, de ce fait, une certaine instruction dont il a pu bénéficier :
— C'était la sœur de ma mère, qui était ma marraine, qui s'occupait surtout de moi. C'est elle qui s'est surtout occupé de moi et qui m'a élevé quand j'étais Jeune, au moins Jusqu'à l'âge de huit ans, parce qu'après elle est morte.
— Qui était cette marraine...
— C'est elle qui s'occupait surtout de moi quand j'étais Jeune. Bon, on est quatre dans la famille. Son mari était dessinateur industriel, il y avait une certaine instruction. Ils s'occupaient de moi parce qu'ils n'avaient pas d'enfant encore et ça leur faisait plaisir. Quand ils partaient en vacances, ils me prenaient, J'allais souvent chez eux.
12Les exemples sont nombreux. On citera pour terminer l'influence positive d'un oncle. D'abord ingénieur et ensuite entrepreneur, il semble avoir joué le rôle du modèle :
— C'était l'aîné et il était ingénieur donc il m'a un peu influencé. Il était toujours au courant un peu de mes études, il a d'ailleurs fondé une petite société de fabrique de pompes à chaleur. Et qu'est-ce que je pourrais dire d'autre. C'est vrai qu'il a toujours été un peu un modèle pour moi parce qu'il était... on parlait souvent de lui quoi.
4. COUSINS ET COUSINES
13Ces oncles et tantes de situation sociale aisée ou confortable ont une seconde influence sur la réussite scolaire de leurs neveux, par l'intermédiaire de leurs enfants. Ces derniers ont, par la situation sociale de leurs parents, une probabilité assez forte d'atteindre l'enseignement supérieur. Ils ont par ailleurs pratiquement le même âge que les élèves ingénieurs rencontrés. L'entraide, les conseils et l'émulation entre cousins sont dans certains cas possibles et fructueux, nous l'avons plusieurs fois constaté. Ils font donc partie des éléments capables d'accompagner et d'aider de l’extérieur un projet de sur-scolarisation en milieu populaire. Le cas suivant l'illustre parfaitement :
— Puisque mon oncle travaille dans une banque, maintenant il est aux affaires étrangères, on allait chez eux et (puis chez) d'autres, chez un oncle qui est PEGC (Professeur d'Enseignement Général des Collèges) et sa femme institutrice. Et donc on côtoyait des milieux différents pendant notre enfance. Comme on travaillait avec mes cousins qui ont à peu près le même âge, on a pu avoir le niveau assez tôt.
— Vous avez des oncles qui ont de bonnes situations, des oncles côté maternel ou paternel...
— Des deux côtés. Mon père, comme il était l'ainé d'une famille nombreuse, il avait travaillé pour que ses frères puissent réussir. Donc lui, il voulait qu'on réussisse puisqu'il avait aidé ses frères à réussir, il voulait qu'on réussisse. Et du côté de ma mère, ils sont pratiquement tous dans l’enseignement sauf un qui est dans la gendarmerie et un autre à l’ Edf donc ils ont réussi [...]. Ma cousine est en pharmacie et mon cousin est à l' Iut de génie électrique.
— Vous avez de temps en temps travaillé avec eux, ou est-ce que chaque famille restait isolée ?
— Non c'est-à-dire qu’avec mon cousin et ma cousine, on habite à un kilomètre et demi, donc on se voit souvent. Ma cousine a un an de plus que moi, mon cousin a le même âge que mon frère donc quand J'avais un problème j'allais voir ma cousine. Mon cousin et mon frère venaient me voir quand ils avaient des problèmes donc on a fait une scolarité à peu près parallèle. Donc avec eux, c'est pratiquement la même scolarité. Avec les parents de mon cousin et ma cousine, ils ont un peu aidé dès le départ après ils se sont débrouillés donc c’est pratiquement la même chose.
5. INFLUENCES DIVERSES
14Il faut également noter l'Influence possible des parents par alliance :
— Y avait déjà l'influence de mon beau-frère qui était professeur de lettres, oui.
15Il faut ne pas oublier l'influence d'une copine issue d'un autre milieu social. Elle a pour effet d'ouvrir l'éventail des possibilités d'orientation :
— Et puis à l'époque il y a eu un peu ma copine qui elle aussi a eu une grande influence, qui faisait des études de langues, des études plus générales quoi.
— C'est ce qui vous a poussé...
— À m’aiguiller toujours, à prendre la version un peu plus théorique et me ramener un peu sur le chemin [...]. C'est vrai qu'elle m'a beaucoup influencé à partir du Bts , du Deug .
— Toujours pour continuer les études...
— Oui, toujours essayer de... disons j’avais tendance à l’époque à aller un petit peu trop vite vers la voie professionnelle et à chaque fois elle me ramenait un peu vers les études, pour pouvoir aller un peu plus loin et essayait toujours de me trouver une section où l'on ait une chance après de pouvoir continuer. Sinon je sais pas peut-être il y aurait eu d’autres personnes ou j'y serais arrivé par un chemin encore plus long peut-être.
16Parfois le fait que le père ait été pour des raisons professionnelles en contact avec des ingénieurs a eu un effet positif sur la trajectoire de l'enfant :
— Dans l'entreprise où il (mon père) était, un des mieux placés, c'était l’ingénieur quoi. Alors je sais pas si c’est mon père qui m’a foutu ça dans la tête mais je savais... [...]. Très jeune déjà je voulais être ingénieur quoi, je savais même pas ce que ça voulait dire mais enfin c'était le nom, dès que j’entendais le nom.
— Votre père vous a peut-être beaucoup parlé de cet ingénieur...
— Enfin il m'en parlait sans m’en parler quoi. Je connaissais le nom, ingénieur, mais c’est tout quoi. Je savais que c’était pas trop mal qu'ils étaient aisés comme gens et tout.
— Votre père vous a peut-être donné cette personne en exemple, il a toujours raison. il a fait cl, etc. Pas de souvenir particulier ?
— Si, maintenant, y a le nom d'un ingénieur que Je connais depuis tout petit et ça c'est mon père qui me l'a mis dans la tête. D... a fait d, D... a fait ça.
6. L'INTERNAT
17Parmi les lettres qui nous ont été retournées en même temps que les questionnaires, en voici une, reçue d'un vétérinaire de la promotion 1971. Son père est ouvrier charcutier-boucher (profession très souvent rencontrée dans cette école !). Nous ne restituerons que le court extrait que voici :
« À côté des parents, il y aurait lieu me semble-t-il de prévoir l'influence d'autres personnes. J’ai pour ma part, au cours de mes études secondaires, été “en pension" chez un tonton ancien combattant, antimilitariste, anticlérical un tantinet anar mais néanmoins cégétiste et tout ça, ça marque ! »
18Bref, il y a quelques élèves qui ont été non pas élevés par d'autres personnes que leurs parents, mais qui durant quelques années de leur scolarité, voire d'assez longues périodes, ont connu l'influence positive de tierces personnes non culturellement ouvrières. Ainsi la sortie momentanée d'un cadre de vie populaire peut constituer un atout supplémentaire à la réussite scolaire en milieu ouvrier, nous l'avons à plusieurs reprises constaté. L'internat est à cet égard fréquemment évoqué. Mettre les enfants en internat parce que le lycée est trop loin pour des trajets quotidiens, ou parce qu'avec les bourses d'études la scolarité revient ainsi moins chère, a offert aux élèves l'opportunité de fréquenter des milieux socio-culturels divers. 20 % des élèves d'origine ouvrière rencontrés ont été internes à un moment de leur scolarité, le plus souvent d’ailleurs durant le second cycle du secondaire alors que c’est le cas de 12 % des fils d'ingénieurs et vétérinaires de notre population témoin. Nous citons ici le cas déjà évoqué au début de ce chapitre. Les parents ont, semble-t-il, été très vigilants pour exploiter et utiliser les multiples opportunités extérieures afin de renforcer leur projet et leur ambition scolaires :
— Pour moi, mon internat a été... ça a été tout mon internat. Je partais le quatorze septembre ou dix septembre selon la période de la rentrée. Je revenais à Toussaint, Je revenais à Noël il y avait pas de vacances de février, je revenais à Pâques.
— Une rupture avec le milieu familial...
— Ma famille à onze ans, je l'ai larguée. C'est-à-dire qu'à onze ans, mes parents n'ont plus su, n'ont plus maîtrisé ma scolarité, ça je crois que c'est un élément fondamental en fait.
7. FUIR LE MILIEU FAMILIAL
19L'élan et l’impulsion de la réussite peuvent ainsi trouver racine hors du noyau familial. Une coupure souvent involontaire avec le milieu d'origine est pour quelques élèves importante pour expliquer leur itinéraire scolaire : c'est l'opportunité mise à profit. Mais cette rupture est aussi dans certains cas plus ou moins maîtrisée ou volontaire. C'est assez souvent le cas, lorsque la stratégie de sur-scolarisation familiale passe par la délégation comme dans cet exemple :
— Quand j'étais tout petit, Je passais tous mes étés chez les agriculteurs autour de chez moi. Je passais toutes mes journées, je les passais avec ces gens-là, dans une ferme ou dans une autre, on discutait [...]. Mais J'étais toujours hors de la famille. S’il y avait deux mois de vacances l'été, Je revenais Juste le soir dormir chez mol et Je repartais le lendemain matin, j'étais Jamais chez moi. J'étais toujours ailleurs.
— Vous vous sentiez mieux ailleurs...
— Disons que oui. Rester chez moi, j'avais rien pour faire quelque chose qui m'intéressait donc l'aventure c’était d’aller ailleurs à droite, à gauche pour découvrir les gens et essayer de comprendre toutes les choses. Oui j'allais, J'étais toujours ailleurs. Ma mère me voyait presque jamais [...]. Moi je pense qu'en primaire, j'ai découvert que c'était la clé de l'énigme. Aller à l'école et pouvoir faire des choses autres que, parce que je trouvais que la cellule familiale c'était trop restreint donc moi quand J'allais à l'école c'était pour voir complètement autre chose.
— C'était un autre monde...
— Oui, c'est pour ça qu'il était complètement à part. Un autre monde et j'y faisais des choses complètement différentes donc ça me plaisait, donc je m'appliquais. C'est surtout pour ça je crois. Mais je pense que si on leur expliquait un peu plus aux enfants à quoi servent les études plutôt que de leur dire il faut aller à l'école, c’est comme ça, je pense qu’ils comprendraient mieux peut-être.
© Presses universitaires du Midi, 1992