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|Chapitre V. Le rôle de la mère
Texte intégral
Tous les “y a qu'à” du monde ne remplaceront pas une incarnation de la réussite.
B. Tapie
- 1 Terrail (Jean-Pierre), “De quelques histoires de transfuges”. Société française, no 17, 1985, page (...)
- 2 Bertaux-Wiame (Isabelle), “Histoires de familles”. Informations sociales, no 5, 1984, page 40.
1Après avoir successivement observé que les grandsparents et ensuite le père, par l'intermédiaire de leur position sociale respective, pouvaient avoir une influence déterminante sur la réussite des élèves ingénieurs d’origine modeste rencontrés, nous allons nous pencher sur le rôle qu'ont pu avoir la mère de l'élève et plus généralement les épouses d'ouvriers dans la réussite de leurs enfants. Nul n’ignore que leur influence est essentielle dans le procès de socialisation familiale des jeunes : « La mère assume la gestion quotidienne avec beaucoup de vigilance »1 C'est elle qui, généralement, concrétise, par ses mille et un actes journaliers, les ambitions sociales du couple2. Il est donc naturel de lui accorder quelque attention.
- 3 Badinter (Élisabeth), L'un et l'autre. Des relations entre hommes et femmes, Paris, Éd. O. Jacob, (...)
- 4 Vincent (Gérard), “Le système éducatif français est-il la forme actuelle du destin ?”, Histoire de (...)
- 5 Vincent (Gérard), op. cit. On peut consulter à ce sujet : Prost (Antoine), “L'école et la famille (...)
2Le rôle social des parents est aujourd'hui en tram de s'homogénéiser3 Tandis que les femmes exercent de plus en plus une activité professionnelle, les hommes participent davantage à certaines tâches ménagères et éducatives autrefois réservées à la femme. Mais les différences sont loin d'être entièrement gommées. Le père garde, tant les valeurs sociales sont résistantes, un rôle d'autorité tandis que la mère, compte tenu de l'évolution vers la permissivité et la compréhension du modèle éducatif dominant, est plus que jamais « l'amie, la confidente4 des enfants. Le contrôle de l'enfant devient davantage l'affaire d'une confiance instaurée entre générations qu'une relation de commandement5 et la mère y trouve une position clé.
3L'examen des caractéristiques sociales des mères de nos deux populations de travail devrait alors logiquement laisser transparaître quelques caractéristiques sociales favorables au succès mais aussi faire émerger quelques nouvelles bonnes raisons de réussir en milieu ouvrier comme cela a été le cas au niveau des grands-parents et du père. C'est chez la mère que devrait résider la compréhension de quelquesunes des trajectoires exceptionnelles étudiées.
- 6 Ratier-Coutrot (Laurence), “Changer de place ou changer de classe. Mobilité professionnelle et tra (...)
4On sait, par exemple, qu'elles ont une influence déterminante lors du procès de mobilité professionnelle ascendante des autodidactes. En effet, les ouvriers qui deviennent ingénieurs par les voies de la promotion professionnelle ont très souvent des épouses actives et occupant une position sociale et professionnelle supérieure à la leur6 Pourquoi les mères d'élèves ingénieurs d'origine ouvrière n’auraient-elles pas les mêmes propriétés ? Elles tireraient dans ce cas vers le haut l'ensemble de la famille tout en y entretenant un climat propice à la promotion sociale.
5Une telle hypothèse irait dans le sens des résultats antérieurs concernant l'ascendance maternelle que nous avons vue moins prolétarisée que l'ascendance paternelle. La mère médiatise sans doute, parfois, cet héritage familial comme le père l'a parfois fait. On peut alors se demander si certains élèves ne sont pas davantage les enfants de leur mère que les enfants de leur père ouvrier.
1. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES SOCIALES
6Afin de repérer quelques-unes des caractéristiques sociales des mères des élèves ingénieurs rencontrés, nous appliquerons la même méthode que dans les chapitres précédents. Nous disposons de quelques populations apparentées, avec lesquelles on peut comparer les mères des 167 élèves ingénieurs de notre échantillon. Nous commencerons en les comparant aux 78 mères épouses d'ingénieurs qui constituent notre première population témoin.
A) Épouses d'ouvriers ou épouses de cadres
7Les épouses d'ouvriers sont d'origine plus modeste que les femmes d'ingénieurs. Elles sont davantage filles d'agriculteurs (38 % contre 9 %), et filles d'ouvriers (32 % contre 17 %). Elles sont, par contre, moins souvent issues de milieux intermédiaires et supérieurs : indépendants, cadres et employés (26 % contre 69 %). Plus jeunes dans l'ensemble, elles gardent aussi un sentiment moins positif de leur existence sociale, que ce soit de leur vie professionnelle (26 % contre 32 %), de leur vie passée (32 % contre 44 %), de leur situation actuelle (29 % contre 47 %) ou de leur vision du monde (11 % contre 15 %).
8Elles prétendent également être moins cultivées (29 % contre 9 %) et participent moins aux associations locales (19 % contre 33 %). Leurs loisirs sont moins variés, plus populaires et moins souvent de type culturel : lecture, mots croisés, théâtre, cinéma. Elles ont donc toutes les caractéristiques des épouses de milieux modestes lorsqu'on les compare à une population de cadres. Ainsi, comme nous l'avons déjà constaté pour les élèves, les pères et les grandsparents, les mères ne sont pas complètement assimilables aux épouses de milieux sociaux favorisés.
9Bien qu’elles aient une activité éducative importante par rapport à leur milieu social d'appartenance, elles restent moins informées (65 % contre 73 %), moins disponibles (82 % contre 86 %) et poussent moins souvent leurs enfants à continuer longtemps des études (81 % contre 91 %). Leurs connaissances ne leur ont pas permis d'aider autant leurs enfants que dans les couches supérieures (53 % contre 73 %), par contre elles les ont tout autant surveillés. Elles se distinguent aussi par le fait qu'elles émettent quelques regrets vis-à-vis de leur scolarité alors que les mères des élèves témoins ont tendance à juger leur propre scolarité comme un moment positif de leur vie. Le projet précoce d’une scolarisation en école supérieure reste aussi moins fréquent que chez les épouses d'ingénieurs (50 % contre 68 %).
10C'est bien sûr en ce qui concerne l'activité professionnelle que l'on repère le plus de différences. L'homogamie sociale est en partie respectée puisque les épouses d'ouvriers sont bien moins souvent cadres (17 % contre 39 %) et plus souvent employées (23 % contre 14 %) et ouvrières (14 % contre 0 %).
11Elles ne sont par contre pas plus inactives que les épouses d'ingénieurs au moment où leur enfant s'inscrit en école supérieure. Telle est le premier point commun qui frappe l'observateur. Près de 40 % des mères sont inactives au sein de chacune des populations. Il y a là un élément important sur lequel nous allons revenir par d'autres voies.
B) Une activité professionnelle
12Il est ensuite évident que les épouses de notre population ne sont pas davantage proches du profil des épouses d'ouvriers. Il est un premier indicateur simple qui peut nous le confirmer, c'est la confrontation de leur position sociale avec celle des épouses d'ouvriers. Les conclusions précédentes nous conduisent à observer tout d'abord leur taux d'activité. Pour cela, on compare le taux d'activité des mères d'enfants d'ouvriers en école d'ingénieurs, à une population témoin d'épouses d’ouvriers âgées de 35 à 44 ans au recensement de 1982. Il existe un écart significatif. Les mères d'enfants d’ouvriers qui ont réussi scolairement sont légèrement plus souvent actives que les épouses d'ouvriers de la population témoin, ce qui confirme leur proximité à ce sujet avec les autres mères d'élèves ingénieurs.
- 7 Benedetto (Pierre), “Enquête nationale sur le niveau intellectuel des enfants d'âge scolaire”. L'o (...)
13Nous pouvons alors considérer l'activité de la mère comme un nouveau facteur de réussite scolaire en milieu ouvrier. On sait qu'à statut professionnel paternel égal, le quotient intellectuel d'un enfant varie selon l'activité ou l'inactivité de la mère7 Plus précisément, car cet indica-teur reste encore général, on remarque que l'inactivité de certaines mères est davantage le fait des familles nombreuses de notre population. En effet, c'est le cas de 80 % des familles de plus de cinq enfants, de 61 % des familles de quatre enfants et de 55 % des familles de trois enfants. On aurait pu penser que le nombre élevé d'enfants conduisait au contraire davantage les mères à travailler pour pouvoir financer l'ensemble des études entreprises par les enfants, car, comme nous le verrons plus loin, la réussite touche généralement la plus grande partie de la descendance. Or ce n'est pas le cas. La logique de raisonnement est tout autre : seule une forte fécondité retient ces mères au foyer :
— Ma mère, elle a sacrifié sa vie à ses enfants. On est quatre et.. [...]. Ma mère à la limite n'avait qu'un seul souci c’était nous.
— Elle n'a Jamais eu d'activité professionnelle propre, elle était femme au foyer. Enfin elle avait trois enfants, je pense que ça occupe. Et c'est un des facteurs je pense de la réussite [...] la présence.
C) Activité professionnelle et frais de scolarité
14Ainsi, mises à part quelques familles nombreuses, les femmes ont eu une activité professionnelle. Celle-ci offre le second salaire au foyer pour financer une longue scolarité. Mais cette activité est bien sûr hachée par les diverses grossesses. Il est notable que nombreuses sont les mères qui ont repris un emploi dès que possible après chaque naissance et n'ont ainsi pratiquement jamais arrêté de travailler :
— Elle est rentrée dans une usine de textile où ils faisaient des chemises, des choses comme ça et elle y a travaillé Jusqu'à ce qu'elle rencontre mon père en fait [...]. Alors ma mère au départ, elle a dû rester inactive au départ c'est-à-dire de son mariage Jusqu'à ce que Je naisse. Puis mon frère donc, pendant ce temps-là, elle a dû rester inactive. Puis lorsque mon frère avait trois, quatre ans, je pense, c'est là qu'elle a commencé à garder des enfants chez elle. C'est-à-dire qu'au départ c'étaient des enfants confiés par la DDASS, et puis peu à peu elle a trouvé des gens, donc des mamans qui travaillaient et qui lui confiaient ses enfants à la journée. Et c’est donc à partir de là qu’elle a commencé et puis après elle a bien sûr continué.
15D'autres mères ont été contraintes de reprendre très récemment une activité pour subvenir au financement des études de l'enfant :
— Elle ne travaillait pas au départ [...]. Et bon pour être un peu plus à l'aise au point de vue financier, elle a décidé d'aller travailler et c'est à la S..., dans le tabac [...]. C'est tout à fait récent, la S... a fermé ses portes, là où travaillait maman, et bon je pense que si ma petite soeur et moi n'avions pas suivi des études supérieures, enfin ma soeur c'est peut-être pas supérieures mais quand même je pense que maman se serait arrêtée de travailler. Mais comme il y avait l’internat à payer et puis l'école ici, elle a essayé de retrouver du travail Et depuis septembre elle est dans un centre spécialisé, c'est un établissement pour travailleurs handicapés et là elle s'occupe d'une section de handicapés profonds qui nécessitent beaucoup de soins.
D) Les activités non déclarées
16Ainsi l'activité de la mère est le premier facteur positif que nous enregistrons : 60 % des mères travaillent, sans compter le travail non déclaré que notre questionnement standardisé n'a pas toujours enregistré. En effet des élèves ayant mentionné que leur mère était inactive, nous ont confié lors des entretiens qu'en fait elle travaillait “au noir” :
— Et ma mère et bien, elle est sans profession proprement dit, mais elle fait des ménages par-ci, par-là quoi voilà [...]. J’ai pas dit qu'elle avait Jamais travaillé. Disons que c'est confidentiel, elle travaille, mats c’est pas déclaré.
— Des ménages ça et là ou un travail beaucoup plus...
— Non, non disons que, elle travaille relativement souvent, tous les Jours quoi.
— Fait-elle ceci depuis très longtemps...
— Oui, des ménages elle en fait depuis assez longtemps oui.
— Et pendant que vous étiez à l'école, elle...
— Oui, elle a commencé oui, fêtais en primaire oui.
17Quelques activités par-ci, quelques travaux par-là, c’est souvent une activité à mi-temps mais régulière qui est ainsi entreprise. C'est aussi parfois l'entretien d'un lopin de terre, lopin de terre qui selon sa taille procure et fournit une plus ou moins grande partie de la nourriture familiale et décharge d'autant le budget familial :
— Elle a eu fait des petits travaux comme ça, soit des ménages par-ci, des ménages par-là voilà. Elle a Jamais eu d'emploi fixe tout simplement parce que mes grands-parents paternels vivaient à la maison et bon, c'étaient des petites charges de s'en occuper. Rs étaient pas vraiment handicapés mais enfin bon et puis y a des choses à la maison. Mon père avait un petit lopin de terre, c’est ma mère qui s’en occupait un peu et puis voilà. Enfin un petit lopin, c'est même pas un hectare voilà.
18Une telle activité devient une des raisons majeures de la réussite dans l’exemple suivant. C'est avec les économies réalisées grâce à trois hectares de terrain qu’ont été payées les études de l'enfant, ce qu’un salaire de mineur ne pouvait supporter dans les années trente :
— Ah, elle était cultivatrice ma mère et en l’absence (de mon père) pendant la guerre, nous avions trois hectares de terre, elle les travaillait et vivait sur ces trois hectares. Parce qu'il faut bien le dire, les revenus propres à la famille étaient nuis, et ce que donnait l'État à une femme de soldat était insignifiant. Nous appelions ça des allocations, mais ces allocations ne permettaient pas de vivre entièrement. Ce qui fait qu'elle avait besoin de travailler les trois hectares, et sur ces trois hectares elle élevait une paire de vaches qui lui donnait le lait n'est-ce pas, lequel lait lui suffisait pour faire son fromage. Les deux veaux qu’elle vendait tous les ans lui apportaient un certain bien-être, et elle élevait en plus un cochon et puis une dizaine d’oies. Et avec ça elle vivait sur ces trois hectares de terre.
— C'était en quelque sorte de l'autarcie...
— Ah oui, elle allait même pas... elle allait très très peu à la boucherie parce que ses oies comme le cochon étalent gardés et conservés n'est-ce pas. Elle tuait un cochon qui faisait une centaine de kilos et bien là il y avait la graisse, il y avait le, il y avait des saucissons, la saucisse, enfin quantité de choses qui lui permettaient de vivre une année.
— Et d'où lui venaient ces trois hectares...
— Et bien ces trois hectares venaient de mes grands-parents. Mes grands-parents, n'est-ce pas, qui avaient acheté ces trois hectares de terre et avaient fait construire une petite maison sur ces trois hectares [...].
— Votre mère n'a pas fait ceci que pendant la guerre...
— Ah, toute sa vie elle a travaillé, n'est-ce pas. Par exemple sur les trois hectares, nous avions un peu de vigne qui nous permettait de récolter le vin qui nous était nécessaire. Et bien le sulfatage de la vigne était fait par ma mère, ma mère prenait une sulfateuse et puis sulfatait la vigne. Elle a sulfaté quand mon père n'était pas là, et quand mon père est revenu, handicapé comme il était, elle a continué. Elle travaillait, toute sa vie elle a travaillé sur ces trois hectares [...]. Si nous n'avions pas eu les deux veaux à vendre, un cochon et tout un tas d'histoires, je n'aurais pas pu Un mineur qui n'avait que la mine ne pouvait pas entretenir un fils étudiant.
- 8 Le Bras (Hervé), “Les origines d'une promotion de polytechniciens”. Population, no 3, 1983, pages (...)
19Tout comme l’a constaté H. Le Bras sur une promotion de polytechniciens8 l'activité de la mère n'est pas fondamentale mais elle joue un grand rôle : elle vient compenser certains handicaps sociaux. À l'École polytechnique, lorsque les deux grands-pères et le père de l'élève sont tous trois déjà polytechniciens le taux d’activité de la mère est de 33 %. Lorsque ni grands-parents ni père ne sont diplômés de cette école il passe à 54 %, niveau qui tend à se rapprocher de celui que nous avons observé sur les enfants d'ouvriers en écoles d'ingénieurs : 59 %.
2. LA SITUATION PROFESSIONNELLE
- 9 Daune-Richard (Anne-Marie), “Quand les femmes gagnent leur vie”, Informations sociales, no 5, 1984 (...)
- 10 Ibid., page 37.
20Une étude réalisée par A.-M. Daune-Richard va également dans ce sens. Celle-ci a interrogé 38 femmes actives essentiellement ouvrières, épouses d'ouvriers et d'origine sociale populaire. Bien que leur trajectoire sociale ne soit pas un itinéraire de mobilité sociale ascendante, elle est pourtant perçue comme telle9 Le sentiment d'aisance sociale, qui favorise cette attitude, leur est donné par le deuxième salaire qu'elles apportent au ménage. Il les libère tout d'abord d'une gestion serrée des ressources familiales. Ce revenu supplémentaire est ensuite étroitement associé à une sensation d'élévation sociale parce qu'« il permet d'offrir aux enfants ce qui ne leur serait pas accessible autrement, en matière de loisirs, mais aussi, et surtout, pour ce qui concerne leurs études : possibilités auxquelles la plupart d'entre elles n'ont pas eu accès dans leur famille d'origine »10 Cette activité féminine ouvre incontestablement les perspectives sociales familiales. Mais, outre ce taux d'activité, est-ce que la nature de l'activité féminine n'a pas également une incidence sur la réussite scolaire des enfants ?
A) La profession de la mère
21Nous avons dit, tout à l'heure, que les épouses d'ouvriers sont loin d'avoir une situation sociale aussi enviable que les épouses d’ingénieurs. Or la situation professionnelle des mères de notre échantillon n'a rien de commun avec la situation ordinaire des épouses d'ouvriers.
22Si on met de côté les mères inactives et les mères ouvrières ou employées, il reste encore 12 % de mères d'anciens élèves et 19 % d'élèves actuels à répartir dans des catégories socio-professionnelles dites moyennes ou supérieures. Nous avons volontairement mis ici les employées avec les ouvrières, parce qu'une grande partie de ce niveau de qualification est en voie de prolétarisation mais aussi parce que plusieurs d'entre elles ont des tâches et des revenus modestes comme ici :
— Ma mère était employée à l'établissement thermal de A... Elle avait un boulot d'OS (ouvrière spécialisée) lingère, smicarde du début de sa vie à la fin.
- 11 Insee, Population active. Recensement 1982, Paris, Insee, tableau 13-V, page 147.
23Bref, une partie non négligeable des familles ouvrières a une mère dotée d'un statut professionnel supérieur à celui du père au moment de l'inscription en école supérieure : institutrices, commerçantes ou cadres supérieurs. C'est le cas de cet ingénieur Insa que la mère put aider et suivre dans son travail scolaire parce qu'elle était institutrice. Ce cas est loin d'être unique. Mais cela ne nous dit pas si cette configuration familiale est plus fréquemment rencontrée dans notre population que dans une population nationale apparentée. Une rapide confrontation avec une population témoin fournie par l'Insee11 le permet.
24Il existe, en fait, des écarts importants entre une population d'épouses d'ouvriers français et les mères de notre échantillon d'élèves actuels. Les plus intéressants se situent à deux niveaux. Si l’on observe tout d’abord la situation des femmes d’ouvriers lorsqu'elles ne sont pas elles-mêmes ouvrières, il est très net qu'elles sont plus nombreuses dans notre échantillon que dans la population témoin. Ainsi, le fait d'avoir une mère non ouvrière est incontestablement un facteur positif pour la réussite scolaire en milieu ouvrier. Ceci est d'autant plus vrai si la mère appartient à une des catégories professionnelles salariées supérieures et intermédiaires (17 % contre 5 %).
25Mais il est une autre catégorie professionnelle qui est fortement sur-représentée : c'est celle des ouvrières qualifiées (11 % contre 3 %). Cette seconde observation débouche donc sur une nouvelle remarque. Si l'on regarde la situation des femmes d'ouvriers elles-mêmes ouvrières, on constate la répétition du phénomène précédent au sein de la catégorie des ouvrières. En effet, les mères de notre échantillon sont sur-représentées aux franges supérieures de cette catégorie sociale, tandis qu'elles sont sous-représentées parmi les ouvrières spécialisées (3 % contre 14 %).
26Les écarts sont à chaque fois proches de 10 %, ce qui consolide cette tendance. Ainsi, comme on peut le constater pour les pères, les mères des enfants d'ouvriers scolarisés au sein d'une école supérieure ont statistiquement une situation professionnelle supérieure à l'ensemble des femmes d'ouvriers. Elles sont, de ce fait, moins souvent ouvrières et, lorsqu'elles le sont, c'est plutôt à des niveaux de qualification importants.
B) La qualité de l'emploi
27Tout comme les pères, les mères semblent avoir bénéficié d'une relative stabilité professionnelle. En effet, 30 % d'entre elles sont chez le même employeur depuis plus de dix ans. La plupart y ont de bonnes conditions de travail pour un salaire qui est assez souvent supérieur au Smig (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti). Il est possible de rapporter quelques extraits d'entretiens, témoins de ces situations professionnelles particulières, qui ne sont pas sans nous rappeler la “bonne place” évoquée par certains pères :
— Alors elle, ça fait, ça fait combien... Elle doit avoir un peu plus de trente ans, toujours dans la même entreprise depuis qu'elle a commencé, elle a pas quitté, c'est la Société N... Bon c'est une bonne place, surtout qu'en plus j'y ai fait des stages, le travail est pas trop pénible et puis la paye est bonne, très intéressante oui Elle a jamais quitté [...].
— Même lorsqu'elle a eu son enfant, elle a continué à travailler...
— Oh oui, je pense qu’elle a continué à travailler. Il y avait pas trop de problèmes, non je pense pas qu'il y ait eu de problème pour ça.
— C’est pour ça que vous alliez chez vos grands-parents...
— Oui voilà. Bon évidemment au début Je suppose qu'elle a... d'abord je suis sûr qu’elle a pas travaillé pendant quelques temps quoi, enfin elle a dû prendre peut-être une année, oui une année de congés sans solde je crois au début. Et ensuite non c'est bon, sa place, elle avait pas de problème, y avait pas de problème du côté de la place quoi, une fois qu'elle était dedans, dans la boîte, y a pas trop de problème, elle est sûre d’y aller.
— Jusqu'à la retraite...
— Oui. À moins qu'il y ait plus de gaz dans le coin autrement.
28Mais bien plus que la qualification et les conditions de travail, le statut de l'employeur est une donnée ici aussi importante. En effet 23 % des mères ont pour dernier emploi le service public tandis que 28 % d'entre elles ont été à un moment donné de leur carrière employées du service public. C'est en fait 42 % des mères actives qui ont eu pour employeur l'État : c'est beaucoup. C'est sans doute ici qu'elles ont pu trouver une certaine stabilité professionnelle.
C) Un itinéraire professionnel ascendant
29Tout comme leur mari, elles ont eu un itinéraire professionnel. Ce dernier nous permet quelques observations supplémentaires. Hormis le quart qui n'a pour ainsi dire jamais travaillé, et la petite moitié qui a connu une stabilité professionnelle, il existe un dernier quart qui a eu une trajectoire professionnelle mobile. Au sein de cette dernière, nous retenons que 11 % des mères se sont déprolétarisées tandis que 7 % se prolétarisaient. Ainsi au nombre des mères non ouvrières au moment de l’enquête, il faut substituer, comme nous l'avons fait chez les maris, le nombre de mères qui n'ont pas toujours été ouvrières durant leur carrière active. Il est nécessairement supérieur au premier.
30Nous avons, à titre indicatif, demandé aux mères d'élèves les raisons de leurs divers changements professionnels. Ceux-ci ont été, semble-t-il, plus souvent provoqués que strictement subis. Les mères ont davantage changé d'emplois pour des améliorations de salaire ou de conditions de travail, plutôt que parce que l'entreprise fermait ou licenciait du personnel dont elles auraient fait partie.
31De ce fait quelques mères ont pu être issues de milieux sociaux non ouvriers, ont pu leur appartenir ou même leur avoir appartenu au cours de leur existence. Elles sont sans doute nombreuses à puiser là des valeurs, des comportements et une ambition sociale et scolaire peu commune en milieu populaire, dont elles feront bénéficier leur descendance.
32Dans l'exemple suivant la mère de l'enquêté a connu directement ou indirectement plusieurs conditions sociales fortement contrastées. Parce qu'elle est la fille d'un très modeste journalier agricole, elle est d’abord placée comme bonne à tout faire dans une famille très aisée, avant de se marier une première fois avec un salarié agricole. Veuve, elle devient, pour un temps seulement, la gérante d'un commerce. Elle ira jusqu'à posséder une voiture alors qu'elle n'en aura plus durant le restant de sa vie. Aujourd'hui retraitée, elle a été mère au foyer durant la dernière moitié de sa trajectoire sociale, après s'être remariée avec un ouvrier qualifié, lui-même fils de mineur, de qui elle a eu l'enfant interviewé :
— Donc pareil, elle a travaillé très tôt elle aussi. Elle a été placée dans des familles peut-être un peu bourgeoises là-bas dans la Vienne. Des gens qui avaient... Je me souviens qu'elle raconte, des gens qui avaient des châteaux là, donc elle travaillait dans les cuisines à aider. Je crois qu'elle a travaillé aussi quand elle était vraiment Jeune, parce que sa mère à elle travaillait à l'hôpital, était fille de salle ou lingère Je crois à l'hôpital. Et donc elle aidait sa mère aussi à travailler là. Donc, elle très très Jeune et puis alors après Je ne sais pas son premier mariage comment ça s'est passé, comment ça se fait qu'elle avait pris ce magasin en gérance. Je sais pas si elle l’avait pris quand elle a été veuve pour avoir quelque chose pour dire de travailler et d'élever ses enfants, je sais pas. Enfin Je sais qu'elle a eu quelques années où elle a été gérante [...]. Je l'ai entendue dire quelquefois qu'à l'époque, quand elle a connu mon père, elle avait une voiture. Elle n’a Jamais conduit, elle conduisait pas mais à l'époque elle avait une voiture. Alors je sais pas, c'est drôle parce que après par la suite on n'avait pas les moyens de s'acheter les voitures quoi.
3. PRATIQUES ET VALEURS CULTURELLES
33Le fait d'avoir une mère active est, pour un enfant d'ouvrier, un facteur capable d'accroître ses chances de réussite scolaire. On a vu que le deuxième salaire ouvre les horizons familiaux tout en améliorant le quotidien ouvrier parce qu'il est bien souvent associé à une situation professionnelle stable et non ouvrière. Mais ce premier résultat nécessite quelques remarques supplémentaires. En effet, bien qu'il soit très Important, il est loin d'exprimer la totalité du rôle Joué par les mères dans la réussite de leurs enfants.
A) La gestion du couple et de ses ambitions
34Pour donner à sa descendance une réussite scolaire exemplaire, les mères ont dû, comme on l'a déjà noté, suivre de très près le travail scolaire de l’enfant, imposer un projet de scolarité à long terme ainsi que des pratiques éducatives spécifiques. Pour arriver à cette fin, il leur a parfois fallu vaincre certaines pesanteurs familiales et imposer certains choix afin que le projet de sur-scolarisation ne soit pas mis en péril. C’est en pesant de tout leur poids sur le couple, sur ses priorités et ses ambitions, qu'elles ont pu imposer cet objectif scolaire marginal par rapport à un milieu auquel plusieurs d’entre elles ne sont pas totalement intégrées.
35Ces quelques mères n'ont d’ailleurs pas hésité à prendre le leadership familial, et ce faisant, à se substituer à l'autorité masculine, lorsque celle-ci n'était pas capable ou n’avait pas le temps de tenir les guides du projet éducatif. Or si les mères institutrices ou cadres supérieures sont effectivement les plus aptes à prendre en main de telles initiatives d'ascension sociale, il n'y a pas que des mères actives qui soient capables de dominer et de gérer concrètement les objectifs familiaux :
— Et ma mère ne travaillait pas. Ma mère ne travaillait pas mais avait appris la couture et donc se débrouillait pour (inaudible) la famille, des petits travaux extérieurs plus pour rendre service que pour se faire un petit peu d'argent de poche mais enfin, plus pour nous habiller qu'autre chose. Mais ça c'était appréciable sur le plan budgétaire oui.
— C'est un petit détail qui...
— Ah oui, non elle était capable de faire des vestes, des pantalons et quand il y a pas tout le chapitre habillement ça compte [...]. Et puis de ce point de vue-là il (mon père) suivait bien ma mère. Mais il lui laissait le rôle de leader dans l’affaire. Peutêtre qu'elle savait mieux exprimer les choses et tout ça.
36Voici une autre mère également inactive durant la majeure partie de sa vie. Elle est, malgré tout, à la source de quelques initiatives favorables à la scolarisation supérieure de son fils. Elle a, par exemple, fait pression sur son mari pour que celui-ci laisse son commerce qui rapportait peu, pour un emploi salarié plus sûr, qui seul permet la concrétisation des espoirs familiaux :
— Non, elle a travaillé un ou deux ans, mais J'étais tout petit. Elle a fait coiffeuse un ou deux ans, je devais avoir quatre ou cinq ans, elle a arrêté de suite [...]. Y a quarante ans, ou cinquante ans, la proportion de femmes au travail était quand même bien moindre que maintenant [...]. Et heureusement qu'il y a eu ma mère donc fille unique, le couple s'entendait bien, elle avait, ma mère, manqué, collée au brevet mais tout Juste. Elle avait une instruction un peu supérieure, et qui lui si vous voulez, lui donnait le sens des réalités qu’il n'avait pas [...]. Il est certain que c'était ma mère, si vous voulez la tête pensante oui, la tête. Mon père était les bras si l’on préfère dans le ménage. Ma mère il est certain que c'était la tête pensante et mon père... qui d'ailleurs était bien content si vous voulez, qui de bonne grâce se rangeait à ses avis quoi. Quand il a fallu changer de travail, Je vous dis il s’est rendu compte, il s’est rangé aux avis de ma mère. Peut-être elle l'a poussé un peu en lui disant c'est ça ou alors moi je... je sais pas ce qu'elle a pu lui dire mais enfin. Et là pour les études, c'est effectivement ma mère qui nous a poussés.
37Il y a bien d'autres raisons encore (sur lesquelles nous reviendrons plus longuement plus tard car elles méritent le développement) qui expliquent le rôle déterminant d'une mère dans la scolarité exceptionnelle de ses enfants : entre autres sa propre scolarisation. Mais revenons encore un instant à sa situation sociale actuelle ou plutôt à ses conséquences.
B) Quelques valeurs petites-bourgeoises
38Ainsi, certaines mères d'élèves sont parfois à citer au rang des déterminants de la réussite scolaire exemplaire de leurs enfants, parce qu'en ayant une situation sociale non ouvrière, elles ont tiré les ambitions familiales vers des objectifs et des valeurs plus propres aux couches moyennes de la société qu'aux catégories populaires auxquelles appartenait leur mari. Outre l'adhésion à des pratiques éducatives dont nous avons déjà parlé, on peut citer par exemple la capacité de gérer certains objectifs à long terme. Il en fut ainsi des ressources financières nécessaires à la scolarité de l'enfant :
— Mon grand-père avait des vignes. il y a eu un petit héritage en quelque sorte et, avec ce petit héritage, il en a acheté un peu d'autres pour pouvoir compléter, pour gagner un peu plus quoi, tout simplement et d'autre part parce que à l'école on commençait à marcher, enfin ça allait bien quoi, on n’avait pas trop de problèmes ; il s'est dit plus tard pour les études peutêtre qu'il leur faudra un peu plus pour et puis aussi pour améliorer l'ordinaire quoi.
39Il en sera ainsi de la plupart des grands projets familiaux. Une aussi longue réussite scolaire nécessite une gestion serrée des ressources familiales qui n'est pas sans nous rappeler l'auto-exploitation des familles petites-bourgeoises en ascension sociale :
— L'objectif c'était de pouvoir acheter une maison, donc on a toujours entendu parler d’économiser à la maison et on économisait sou par sou. Je peux vous dire vraiment c’était sou par sou..
— Pour la maison...
— Ah oui, parce que c'était toujours pour la maison, parce qu'il fallait et effectivement l'occasion s’est présentée en soixante-quatorze donc mon père n'a été à la retraite qu'en soixante-dix huit, et on a payé la maison presque cash quoi
40Il n'est donc pas étonnant que ces familles n'aient pas sombré dans le fatalisme que l'on observe généralement dans les familles populaires. Un ancien élève sur deux pense que ses parents lui ont donné davantage l'impression de construire leur vie que de la subir. De la même façon, les parents des élèves actuels pensent davantage que l'avenir se prépare aujourd'hui plutôt qu'il ne se subit ou ne se vit au jour le jour. La situation sociale de la mère qui, nous le verrons plus loin, s'associe parfois avec celle du père, fait de ces familles ouvrières un prolétariat actif :
— C'étaient des gens très dignes enfin qui étalent d'une couche très populaire mais vraiment pas écrasée [...]. Dans ce milieulà, qui était un milieu pauvre si vous voulez, il y avait... c'était un milieu qui était quand même conscient de ce qu'il était, qui voulait ne pas se laisser écraser par sa condition ouvrière, donc ils ne la subissaient pas passivement et ça Je le percevais.
41En ce qui concerne les loisirs, on ne retrouve dans l'ensemble pas tout à fait les pratiques ludiques populaires. 8 % des mères ont comme loisir principal une activité dite bourgeoise : théâtre ou cinéma par exemple. 18 % lisent beaucoup ou pratiquent les mots croisés. 8 % déclarent faire du sport autre que la marche. Bref, une importante proportion de mères n'a pas pour occupation principale un loisir productif tel le jardinage, le tricot ou le bricolage comme c'est le cas traditionnellement en milieu populaire. De même dans le cas suivant les parents ont fait découvrir de nombreux jeux éducatifs :
— On nous achetait pas mal de jeux de société [...]. Oh il (mon père) m'avait appris, j’ai appris à Jouer à la belote j'avais moins de sept ans, il m'a appris à Jouer aux échecs J'avais une dizaine d'années par là. Bon puis on Jouait aux dominos. Souvent on faisait des lotos le soir quand j'étais petit.
C) Un décalage culturel
42La situation de la mère, comme celle du père lorsqu’il n'a pas toujours été ouvrier, conduit beaucoup de familles à avoir un sentiment d'appartenance sociale en léger décalage avec la catégorie d'appartenance objective du père. Aucune famille ne dit appartenir aux catégories supérieures de la société, ce qui est, somme toute, assez logique. Par contre, les réponses se partagent presque équitablement entre une appartenance populaire et moyenne. En effet 41 % des pères se sentent plus proches des couches intermédiaires de la société que des catégories ouvrières. C'est le cas de 44 % des mères, légèrement plus nombreuses que les pères, ce qui confirme le fait qu’elles sont moins insérées dans ce milieu que leur mari et explique peut-être leurs multiples actions en faveur de la réussite scolaire de leur enfant.
43Se sentir plutôt proche des couches intermédiaires de la société, catégories qui constituent la plaque tournante des flux de mobilité, contribue aussi à ouvrir les perspectives en même temps que cela minimise le rôle et le poids des barrières sociales. La proximité culturelle avec le milieu social d'arrivée, assez souvent provoquée par la mère, fonctionne déjà comme une garantie ou un atout de mobilité sociale. Le cas suivant, où l'enquêté est fils d'ouvrier d'État et d'institutrice, est exemplaire. Il se dit culturellement non-fils d'ouvrier même si financièrement ce n'est pas vraiment le cas :
— La première fois que je vous ai envoyé le questionnaire, vous m'avez envoyé un courrier me disant que vous n'apparteniez pas au milieu ouvrier parce que votre père était agent et votre mère institutrice. Donc par certains côtés vous ne vous sentez pas fils d'ouvrier...
— Non sur certains cotés je ne m'y sens pas, je sais pas. Je considère que si on est vraiment dans un milieu désavantagé on doit avoir quelques avantages sociaux pour continuer les études ou quelque chose, mais là on n’a rien du tout. Mais donc c'est pour ça que je pense ne pas être vraiment de la catégorie. Mais le problème c'est que on parle toujours du point de vue des finances. Quand mon frère veut continuer également, donc on ne peut pas être deux à continuer, c'est là que le milieu ouvrier revient un petit peu.
— Au niveau culturel, vous considérez vos parents comme ouvriers ou proches de catégories moyennes de la société...
— Ma mère catégorie moyenne, et mon père ça dépend. Des moments on le considérerait plutôt comme ouvrier, et d'autres comme un milieu moyen, c'est assez varié, ça dépend des périodes. Je sais pas, je ne sais pas tellement le placer. C'est que quand on parle de l'argent, des prêts bon là c'est vraiment le côté ouvrier, pas de problèmes mais après quand il parle soit des loisirs, soit d'autres choses on ne le considère pas tellement comme un ouvrier.
44Outre l'amélioration du niveau financier du couple, l'activité professionnelle de la mère contribue à l'accroissement du capital social familial et par là même du niveau des ambitions objectivement réalisables.
D) Situation de la mère et trajectoire scolaire
45Nous avons jusque-là tenté de montrer le rôle maternel dans la réussite scolaire en milieu ouvrier. Ceci fait, nous essaierons dans un deuxième temps d'aller plus avant en opérant, comme nous l'avons fait pour les facteurs de réussite précédents, le rapprochement avec la typologie d'itinéraires et de pratiques éducatives élaborée plus haut. Le repérage de la profession de la mère sur les axes factoriels déterminés par les caractéristiques éducatives et scolaires montre une faible corrélation mais une répartition cohérente comme ce fut le cas pour les grands-parents (cf. graphique 3). La situation sociale de la mère contribue à déterminer, pour une part, la trajectoire scolaire de l'enfant d’ouvrier en réussite.
Graphique 3 : Corrélations statistiques entre la position sociale des mères et la typologie des ingénieurs d'origine ouvrière

46C'est le fait d'avoir une mère active et non ouvrière qui intervient le plus. La modalité “mère indépendante” (commerçante le plus souvent) est située à l'opposé de l'admission sur titre donc par là même d'une stratégie de surscolarisation “chanceuse” et “déléguée”. Elle oscille entre l’admission de niveau baccalauréat et par les Cpge. Lorsque la mère est employée ou cadre, sa localisation se rapproche sensiblement d'une scolarité en Cpge et d’une stratégie de sur-scolarisation aisée et “ambitieuse” : parmi les élèves qui ont été positionnés par la classification automatique dans ce groupe, 22 % ont une mère appartenant à la catégorie intermédiaire alors que ce n'est le cas que de 12 % de notre population de travail.
47Le fait d'avoir une mère inactive et même ouvrière a été légèrement projeté vers la droite du graphique, vers l'admission sur titre et de niveau baccalauréat, donc vers les pratiques éducatives de réussite scolaire les plus “délégatrices” et les plus “chanceuses”. Il est assez net que la hiérarchie des stratégies de sur-scolarisation correspond à l'échelle des positions sociales féminines comme s'il était dans l’ensemble avantageux d’avoir une mère bien positionnée socialement et culturellement pour tenter la filière de réussite scolaire la plus prestigieuse. Inversement, l'inactivité de la mère, ou du moins la modestie de sa position professionnelle, conduit plutôt vers une stratégie éducative plus prudente de la même façon que semblaient le faire la situation sociale des grands-parents et, plus modestement, les conditions de travail du père.
4. LE “POURQUOI” : UN BILAN INTERMÉDIAIRE
48Il ne faut pas oublier que la situation professionnelle de la mère s'insère aussi dans un contexte familial plus large, tant marital que lignagé, au sein duquel sa situation prend réellement tout son sens. En définitive, plusieurs éléments peuvent concourir et se cumuler pour amplifier un sentiment d'appartenance aux couches moyennes de la société et à leurs ambitions, généralement supporté par la personnalité et la situation de la mère.
A) Un cas exemplaire
49Le cas suivant illustre autant le rôle direct de la mère dans la réussite de son enfant que celui des éléments que nous venons d'introduire et sur lesquels nous terminerons ce chapitre. Le père est carrossier, ouvrier qualifié (P4), la mère est, jusqu'à une date récente, comptable dans une grande entreprise nationalisée. Il s'agit donc bien d'un fils d'ouvrier en mobilité sociale ascendante. Après un baccalauréat E mention bien, il aurait pu tenter une Cpge technique pour intégrer les Arts et Métiers, ce vers quoi le poussent ses enseignants : trop risqué juge-t-il. Il préfère la sécurité et est aujourd'hui ingénieur diplômé de l'Insa.
50Alors que le père est certes jugé stable, sérieux et compétent, apprécié de son employeur (chez qui il travaille depuis 28 ans), il est aussi décrit comme peu ambitieux. Il fait pourtant partie de ces ouvriers stabilisés, dont nous avons vu plus haut l'importance dans certaines trajectoires. Mais s'il n’avait pas connu son épouse actuelle, il n'aurait certainement pas conduit ses enfants à une aussi grande réussite scolaire. En effet, après discussion, c'est la mère qui nous est apparue comme l'élément moteur et initial de ce brillant itinéraire scolaire et social. C'est elle qui a soutenu et porté le projet de sur-scolarisation. Son univers de référence est incontestablement davantage celui de la petite bourgeoisie que celui des couches populaires de la société auxquelles le couple appartient objectivement. La mère a ensuite imposé son ambition à toute la famille en prenant les rênes du ménage, tout en s'appuyant au passage sur la stabilité professionnelle de son mari :
— Ma mère a quand même beaucoup dynamisé le ménage et c'est elle qui leur a fait changer d’appartement, etc. qui dynamise vraiment le ménage. Je crois que je peux dire que l'homme de la maison c'est ma mère.
51L'assimilation culturelle aux couches moyennes de la société est allée assez loin dans la mesure où, outre l'adhésion à quelques-unes de ses pratiques caractéristiques, le ménage, toujours sous l'impulsion de la mère, se trouve parfaitement intégré dans ce milieu qui semble correspondre à son idéal social :
— Oui voilà, elle lit beaucoup de revues à caractère consommateur, des revues de consommateurs, de comparaison style : • Que choisir ? », « 100 millions de consommateurs », et puis des revues de vie associative, des revues de quartier des trucs comme ça. Elle s'intéresse un peu à ce qui se passe, à ce qui bouge.
52Le voisinage témoigne de cette intégration :
— Oui c'est vrai que ma mère a toujours essayé de s'élever par rapport à ce qu'elle était. Je me rappelle, avant, on habitait dans une cité au village olympique à G..., et quand on est arrivé, c'était une cité qui était bien et au bout d'un moment c'est devenu invivable, c'est devenu une cité ghetto avec de partout des délinquants dans les rues, alors elle a essayé de changer, de se mettre dans une cité un petit peu mieux. Et là, ils habitent maintenant dans un quartier qui est pas mal mais ça leur coûte les yeux de la tête, mais elle ne pouvait plus supporter d'être dans ce milieu-là. Ça ne correspondait pas à ce qu'elle voulait de sa vie et là c'est vrai lorsqu'elle discute avec ses voisins qui sont cadres, etc., elle est mieux, on sent que ça lui plaît, que c'est là qu'elle aimerait être. Alors que mon père lui des fois ça me fait rigoler. Je me rappelle un jour fêtais à la maison, un voisin arrive, évidemment ça n'avait pas raté, elle leur avait dit que je faisais des études d'ingénieur et les voisins discutaient avec moi et puis discutaient avec mon père, et vous-même vous êtes ingénieur et puis mon père éclate de rire, non non Je suis ouvrier. C'est ça c’était marrant, c’est vrai que mon père il détonne un peu là-dedans et puis ma mère par contre elle est vraiment comme un poisson dans l'eau, dans ce quartier qui est un peu cossu.
53Comme dans les catégories intermédiaires de la société la mère a ici encouragé ses enfants à travailler à l'école, les a suivis et surveillés, sans jamais d'ailleurs leur donner l'impression de les forcer ou de les contraindre. Elle a veillé à ce que chacun ait sa chambre dans laquelle il a pu effectuer ses devoirs au calme. Il n'y a, semble-t-il, eu aucun sujet tabou, la mère ayant suscité beaucoup de dialogues et de discussions familiales. Elle a ensuite responsabilisé ses enfants en leur dormant leur propre budget à gérer, et a ellemême donné l'exemple du labeur nécessaire à toute réussite.
54L'explication de cette réussite scolaire est bien féminine car cette recherche acharnée d'un cadre de vie moyen s'inscrit en partie dans la trajectoire professionnelle de la mère de l'intéressé. En effet, celle-ci est active et fait partie de ce que l'on peut appeler le salariat non ouvrier stabilisé. Elle a exercé en tout et pour tout deux emplois (secrétaire durant dix années et comptable durant seize) avant de s'arrêter définitivement de travailler pour la troisième grossesse. Elle apporte donc de manière durable un deuxième salaire au ménage, revenu qui lui a permis de financer deux scolarités supérieures : la soeur jumelle de l'enquêté a elle aussi très bien réussi. Il lui a également permis de quitter les quartiers populaires et de s'offrir le luxe d'un loyer plus élevé dans des quartiers plus bourgeois.
B) Vers une typologie ?
55Mais cet exemple est aussi l'occasion d'aller plus loin, car il est à la croisée de plusieurs observations complémentaires. Cette réussite est avant tout la réussite de la mère. Mais elle n'est pas que cela.
56En effet l'interviewé, fils d'ouvrier qualifié stabilisé, est aussi petit-fils de commerçants. Ses grands-parents maternels étaient chapeliers à Paris. Sa mère a eu trois époux. Son père géniteur n'est pas ouvrier comme l'est la personne qu'il appelle désormais père (dernier époux de la mère) et qui l'a finalement quasiment élevé (le père géniteur a quitté le domicile lorsqu'il avait deux ans), mais « pseudo ingénieur, ingénieur maison [...] il avait un petit bureau d'études dans le génie civil ». Ainsi la mère concentre par son itinéraire social un grand nombre de facteurs sociaux qui ont pu l'inviter à avoir davantage les ambitions de réussite scolaire des couches moyennes de la société pour sa descendance que d'autres épouses d'ouvriers.
57Nous avons fait jusqu'à présent comme s'il ne devait y avoir qu'un et un seul facteur de réussite. Or cet exemple, comme l'avait montré celui utilisé au moment où nous parlions de l’influence des grands-parents, montre que divers facteurs favorables à une réussite scolaire en milieu populaire peuvent se conjuguer au sein d'une même trajectoire.
58Nous avons principalement retenu jusqu'à présent des facteurs positionnels : la situation des grands-parents, la stabilité du père et maintenant l'activité professionnelle de la mère. Nous avons vu que le fait d'avoir un grand-père non ouvrier est susceptible d'entraîner une réussite scolaire en milieu populaire. Sa situation sociale influe même très légèrement sur les pratiques de sur-scolarisation et aussi sur la trajectoire scolaire. Nous nous sommes ensuite aperçu que la situation professionnelle du grand-père paternel est statistiquement corrélée à celle du père en ce qui concerne l'échantillon des anciens élèves. Ce n’était pas le cas des 167 élèves actuels.
59Au niveau des observations faites sur les mères, il en est de même. C'est d'abord son activité et ensuite la nature de cette activité (ouvrière - non ouvrière) qui tend à expliquer certains cursus de réussite scolaire en milieu ouvrier. Le statut professionnel de la mère explique également l'itinéraire scolaire et les pratiques éducatives privilégiées comme ce fut le cas pour les grands-parents.
60On peut également ajouter ici que la position sociale de la mère est en partie déterminée par la situation professionnelle du grand-père maternel. Cela ne fait que confirmer les travaux sur l'hérédité sociale. En ce qui concerne les anciens élèves, pour lesquels les trajectoires professionnelles parentales sont très souvent terminées, les mères qui ont été principalement ouvrières sont essentiellement issues de milieux populaires tandis que les mères qui ne l'ont pas été sont plus particulièrement originaires de milieux aisés. En effet 42 % des mères ouvrières sont filles d'ouvriers alors que ce n'est le cas que de 31 % de la population des mères. Inversement 41 % des mères de profession supérieure ont un père qui fut lui-même cadre supérieur alors que ce n'est le cas que pour 14 % de la population.
61Quant au père, on sait que sa qualification professionnelle est favorable à une sur-réussite scolaire. Or, il n'a pas été possible de faire apparaître de relation stable entre sa qualification, la trajectoire scolaire de l’enfant et la stratégie éducative de sur-scolarisation parentale comme ce fut le cas pour les grands-parents et la mère. La stabilité de l’emploi s'est avérée légèrement plus efficace pour opérer cette correspondance que ne l'a été la qualification professionnelle paternelle. Comme on vient de le voir pour la mère, une situation professionnelle stable, qualifiée parfois de “bonne place”, autorise davantage les prises de risques et les projets à long terme.
62Outre la correspondance relevée entre grand-père maternel et mère, il est possible de faire apparaître une relation père - mère. Nous avons noté que les mères sont moins souvent inactives et ouvrières que ne le sont habituellement les épouses d'ouvriers français, or cela n'empêche pas qu'il y ait encore de manière assez forte quelques traces d'homogamie sociale entre les époux. En effet, le fait d'avoir un père qui n'a pas toujours été ouvrier ou qui a été ouvrier qualifié implique que la mère ait plutôt une situation professionnelle non ouvrière. On peut même remarquer que la situation sociale de la mère est en relation avec la position sociale des grands-parents paternels. Il est donc possible de mettre en évidence de fortes relations et corrélations entre la position sociale des parents et celle des aïeuls.
C) Itinéraire de réussite et position sociale familiale
63Ainsi une partie notable de la population doit logiquement cumuler plusieurs des facteurs dont on vient de dévoiler quelques dimensions et ensuite quelques propriétés.
64Finalement, tout nous pousse à penser qu'il y a une typologie assez simple et somme toute assez classique de portraits de lignées familiales ouvrières en réussite scolaire à l'image des résultats obtenus par G. Lienard et E. Servais. Trois portraits types devaient logiquement se dégager :
- D'une part, des lignées qui accumulent l'ensemble des facteurs positifs retenus jusqu’à présent, à savoir des grands-parents non ouvriers, un père qui n'a pas toujours été ouvrier ou qui est au moins ouvrier qualifié et une mère active, non ouvrière de surcroît. Compte tenu de ce cumul d'avantages, ces familles sont tout indiquées pour être celles qui élaborent les projets de sur-scolarisation les plus anciens mais aussi les plus ambitieux (admission par les Cpge - stratégie de sur-scolarisation “détachée” et “ambitieuse”).
- D'autre part, des lignées qui accumulent l'ensemble des facteurs les moins porteurs : des grands-parents ouvriers, un père ouvrier spécialisé ou ouvrier agricole et une mère sans situation professionnelle par exemple. La faiblesse structurelle des atouts de ces familles devrait les pousser à privilégier une approche prudente et parfois chanceuse de la réussite scolaire en déléguant une grande partie des pratiques éducatives (admission sur titre - stratégie de surscolarisation “déléguée” et “chanceuse”).
- Un groupe intermédiaire pourrait être constitué par des familles ayant des caractéristiques intermédiaires tant au niveau des positions sociales que des pratiques éducatives (admission petite école d'ingénieurs - stratégie de surscolarisation “prudente” et “laborieuse”). Par exemple le cas évoqué plus haut : un grand-père, petit exploitant agricole, l'autre commerçant, un père qui fut toujours ouvrier mais ouvrier qualifié et une mère active mais employée, trajectoire scolaire prudente (baccalauréat E) et admission à l'Insa sitôt après le baccalauréat.
65Or la réalité dément cette belle construction. Les classifications automatiques effectuées n'arrivent jamais à de tels résultats, pas plus qu'à de tels résumés de l'information sociologique. La situation sociale des familles ouvrières rencontrées ne se classifie pas de cette manière-là, comme les tris croisés pouvaient le laisser croire. Les familles qui cumulent à la fois les trois positions sociales familiales les plus favorables sont rares malgré la présence de quelques corrélations deux à deux qui font que ces éléments sont visualisés et situés dans la même aire de l'espace factoriel. 13 familles d'anciens élèves seulement sur les 516 interrogées ont à la fois un grand-père paternel non ouvrier, un père qui n'a pas toujours été ouvrier et une mère cadre. À l'opposé, si peu nombreuses sont les familles qui ne possèdent aucun de ces atouts positionnels, il y en a pourtant quelques-unes.
66Chaque famille possède au moins une de ces caractéristiques sociales, parfois deux et rarement les trois à la fois. Donc, le nombre et la qualité des attributs positionnels, bien qu'importants, ne sont pas déterminants pour décrire la trajectoire scolaire effectuée dont nous avons vu les trois grands itinéraires. Telle est l'une des grandes conclusions de notre travail. Il n'est pas possible de faire le lien entre une typologie des familles ouvrières dont un enfant est scolarisé en école supérieure, et des critères qui prennent en compte à la fois des caractéristiques concernant les itinéraires et pratiques scolaires et des caractéristiques liées à un positionnement social au sein de la catégorie des ouvriers.
D) Familles ouvrières stabilisées et réussite scolaire
67Cette conclusion nous conduit à penser que l'explication de la réussite ne réside pas seulement dans des facteurs positionnels familiaux. La possession de caractéristiques qui conduisent à être positionné parmi les foyers ouvriers les plus favorisés, ce qui est généralement le cas de la plupart des familles interrogées, constitue une condition importante, souvent nécessaire mais jamais suffisante de la réussite scolaire des enfants.
68Ce n'est pas parce que telles ou telles familles ouvrières sont plutôt proches de la situation sociale d'un couple de cadres de la fonction publique, et que telles autres le sont plutôt du statut d'ouvrier traditionnel, que les premières permettront à leurs enfants une réussite scolaire plus brillante que les secondes, et leur offriront plus de chances d'intégrer une “grande école” faisant partie des grands concours traditionnels, qu'une “petite école” d'ingénieurs. Souvenons-nous de cet enquêté petit-fils d’ouvrier mais fils d'ouvrier d'État et d'institutrice, qui a pourtant intégré l’Insa.
69Ainsi, la qualité de “faux ouvrier” ou plutôt de famille ouvrière stabilisée, puisque nous avons vu que les familles rencontrées sont loin d’avoir les mêmes caractéristiques sociales que les familles non ouvrières, est un atout important pour expliquer les trajets de réussite scolaire mais ne permet pas de comprendre entièrement et dans toutes ses dimensions l'ascension sociale de ces élèves d'origine modeste. Elle est un élément nécessaire mais pas suffisant. Il faut alors compléter cette recherche par l'étude des facteurs qui ont permis à ces familles de mettre à profit ces avantages positionnels, alors que tant d'autres qui les possèdent aussi ne l’ont pas fait, et d'offrir de ce fait une réussite scolaire exceptionnelle à sa descendance.
Notes
1 Terrail (Jean-Pierre), “De quelques histoires de transfuges”. Société française, no 17, 1985, page 34.
2 Bertaux-Wiame (Isabelle), “Histoires de familles”. Informations sociales, no 5, 1984, page 40.
3 Badinter (Élisabeth), L'un et l'autre. Des relations entre hommes et femmes, Paris, Éd. O. Jacob, 1986, 362 pages.
4 Vincent (Gérard), “Le système éducatif français est-il la forme actuelle du destin ?”, Histoire de l'éducation, no 17, décembre 1982, page 61.
5 Vincent (Gérard), op. cit. On peut consulter à ce sujet : Prost (Antoine), “L'école et la famille dans la société en mutation 1930-1980”, in Parias (Louis-Henri), Histoire générale de l'enseignement et de l'éducation, Paris, Éd. Nouvelle Librairie de France, tome IV, 1980, page 130.
6 Ratier-Coutrot (Laurence), “Changer de place ou changer de classe. Mobilité professionnelle et trajet social”, Sociologie du travail, no 4, 1981, pages 406-429.
7 Benedetto (Pierre), “Enquête nationale sur le niveau intellectuel des enfants d'âge scolaire”. L'orientation scolaire et professionnelle, no 4, 1972, pages 369-384.
8 Le Bras (Hervé), “Les origines d'une promotion de polytechniciens”. Population, no 3, 1983, pages 491-502.
9 Daune-Richard (Anne-Marie), “Quand les femmes gagnent leur vie”, Informations sociales, no 5, 1984, page 36.
10 Ibid., page 37.
11 Insee, Population active. Recensement 1982, Paris, Insee, tableau 13-V, page 147.
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Titre | Graphique 3 : Corrélations statistiques entre la position sociale des mères et la typologie des ingénieurs d'origine ouvrière |
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© Presses universitaires du Midi, 1992