Chapitre premier. Une histoire politique du Languedoc, xie-xiie siècles

doi:10.4000/books.pumi.13131

Chapitre premier. Une histoire politique du Languedoc, xi^e-xii^e siècles

p. 23-98

Texte intégral

1Le Languedoc des xi^e et xii^e siècles est une vaste contrée qui se laisserait mieux définir en termes culturels que politiques. De la Provence à l’Aquitaine, c’est le territoire des troubadours et des cours d’amour, qui voit la floraison remarquable d’une poésie, d’une littérature et d’une langue originales1. En termes politiques, l’unité ne fut en revanche jamais réalisée ; les pouvoirs sont imbriqués comme à plaisir, entre duchés, d’Aquitaine ou de Gascogne, marquisat de Gothie, comtés et vicomtés. L’héritage carolingien a légué ces grandes unités qui se disloquent au moment où nous commençons à les appréhender. Dans ce large cadre, la dynastie des Trencavel joue le rôle singulier d’une force à la fois centrifuge et centripète, moteur d’unification mais aussi ferment de morcellement. Elle est surtout l’exemple, peut-être unique en Occident, de l’émergence d’un pouvoir vicomtal indépendant2.

2Les vicomtes qu’il est d’usage d’appeler « Trencavel »3 ont réussi, en deux siècles d’histoire, à réunir et à diriger six vicomtés. Anciens lieutenants des comtes de Toulouse au x^e siècle, ils sont devenus vicomtes d’Albi et de Nîmes, puis de Béziers et d’Agde, de Carcassonne et de Razès dans le dernier tiers du xi^e siècle. Leur destinée s’éteint au seuil du xiii^e siècle dans la tourmente de la Croisade. Leurs domaines, comme tout le Languedoc, appartiennent de droit au royaume de France, sur lequel règnent alors les premiers Capétiens ; mais leurs rapports de fait avec le roi de France furent inexistants. Les xi^e et xii^e siècles sont en effet la période d’absence du roi dans le Midi : après l’échec politique du voyage du roi Robert en 1019-10204, les interventions royales ne recommencent, bien timidement, qu’à partir de la deuxième moitié du xii^e siècle5. Un autre royaume, celui d’Aragon, est en revanche beaucoup plus présent dans l’histoire du Midi languedocien. Dès le début du xii^e siècle, les Trencavel reprirent leur vicomté de Razès en fief d’Alfonse le Batailleur. L’union d’Aragon et Catalogne fit de ces rois des protagonistes de la grande guerre méridionale, forts de nombreux droits dans le comté de Millau-Gévaudan, dans la vicomté de Carlat, dans les comtés de Carcassonne et de Razès, puis à Montpellier.

3Ce sont surtout ceux qu’il est d’usage d’appeler les princes territoriaux qui dominent en Languedoc. Au x^e siècle, les Raimondins ont constitué une vaste principauté, avec le titre de marquis de Gothie, dominant les comtés de Toulouse, Rouergue, Albi, Quercy, Narbonne, Lodève, Béziers, Agde et Nîmes, puis prenant pied en Provence par mariage au début du xi^e siècle. Ils côtoient d’autres puissantes familles comtales, celle de Carcassonne-Razès et celle de Melgueil. La fin du xi^e siècle voit l’irruption des futurs grands rivaux, les comtes de Barcelone, qui profitent du vide laissé par la disparition du lignage de Carcassonne, avant de s’établir en Provence au début du xii^e.

4La déliquescence de l’entité territoriale du marquisat de Gothie entraîna l’apparition d’un conglomérat de petits comtés sans comte résidant, où émergèrent des vicomtes. C’est dans le vaste mouvement de dislocation des principautés territoriales primitives que les Trencavel ont pris leur essor, ainsi que les vicomtes de Béziers-Agde, de Narbonne, de Toulouse, de Lautrec, de Rouergue, de Carlat, de Minerve, de Bruniquel, de Saint Antonin… Les Trencavel se sont rendus indépendants au xi^e siècle dans le contexte de l’absentéisme des comtes et marquis ; ils le restèrent au xii^e siècle dans les circonstances de la grande guerre méridionale et de la querelle pour l’hégémonie entre les comtes de Toulouse et de Barcelone, jouant des divers statuts de leurs vicomtés et des conflits opposant leurs deux suzerains potentiels.

5Au seuil d’une étude sur les rouages du système féodal languedocien, et en l’absence de synthèse récente, il nous a paru nécessaire de revisiter, et parfois de réviser, cette histoire du Languedoc des xi^e et xii^e siècles. La destinée et les avatars de la lignée des Trencavel en seront le fil rouge, mais le propos tentera de restituer un récit global et cohérent de la conjoncture politique, entre Provence et Gascogne. La flexure chronologique est nettement marquée vers le milieu du xi^e siècle par la disparition de la lignée comtale carcassonnaise. Nous nous attacherons tout d’abord à mettre en place les divers pouvoirs en présence, du milieu du x^e siècle aux années 1050, comtes de Toulouse, comtes de Carcassonne et vicomtes, au premier rang desquels les Trencavel, avant de dessiner les contours du grave conflit du milieu du siècle dans lequel sombrent les comtes de Carcassonne. Nous parcourrons ensuite l’histoire mieux connue de la « guerre de Cent Ans du xii^e siècle », depuis ses prodromes à la fin du xi^e siècle jusqu’à la Croisade albigeoise.

I - DEUX FAMILLES COMTALES ET LEURS VICOMTES (MILIEU X^e-MILIEU XI^e)

6Milieu x^e-milieu xi^e, la première tranche chronologique semble s’imposer d’elle-même, de la mort des grands princes actifs au début du x^e siècle, Raimond Pons de Toulouse et Acfred de Carcassonne, à la disparition de la famille comtale carcassonnaise. L’histoire en est aujourd’hui encore très confuse, les généalogies des familles dirigeantes imprécises et contradictoires. C’est pourtant une période capitale. Celle de la transition entre les grandes principautés issues du démembrement de l’Empire et les comtés et vicomtés féodaux. La chronologie sera suivie selon trois grands axes, reflétant les trois puissantes dynasties languedociennes : apogée et déclin des Raimondins, force montante puis anéantie des comtes de Carcassonne, montée en puissance des vicomtes, parmi lesquels au premier plan les Trencavel.

1 - Les comtes de Toulouse-Rouergue

7Les comtes de Toulouse ne sont pas des toulousains ni des méridionaux. Ils sont issus d’une grande famille de la Reichsaristokratie, celle des « Nibelungen historiques » alliée avec les Guilhelmides d’Auvergne. Le premier ancêtre connu, au début du ix^e siècle, Foucaud missus en Rouergue, et peut-être comte6, était l’époux de Sénégonde, fille de Frédelon avoué du comte d’Autun, et de Berthe (ou Aude) sœur de saint Guilhem7. Ce fut leur fils, nommé aussi Frédelon, qui fit la fortune de la lignée en trahissant son roi Pépin II d’Aquitaine au profit de Charles le Chauve en 849, lui livrant Toulouse8. Malgré quelques vicissitudes et des affrontements meurtriers avec les Guilhelmides à la fin du ix^e siècle, la dynastie se maintint, et après plus d’un siècle de pouvoir les Raimondins sont acculturés en ces terres méridionales, grâce notamment à l’opération de Raimond « dont l’autre nom par la grâce de Dieu est Pons »9. La principauté territoriale qui naît alors n’est pas « l’expression enfin révélée d’un particularisme local resté vivace face aux mœurs et institutions franques, mais le résultat d’une fusion des cultures dans l’aristocratie d’une aire donnée »10.

8En ce milieu de x^e siècle donc, le grand Raimond III Pons est mort et les comtes de Toulouse ne prennent plus la peine d’aller faire allégeance au roi11 ; la dynastie raimondine domine cependant de haut la scène politique languedocienne. Le titre de duc d’Aquitaine, fièrement revendiqué à plusieurs reprises par Raimond Pons après la mort du duc Acfred12, est définitivement perdu au profit des comtes de Poitiers13. Mais les Raimondins se parent de celui de marquis de Gothie, titre acquis depuis 91914. L’histoire de la lignée est effroyablement compliquée dans la deuxième moitié du x^e siècle par un imbroglio généalogique impossible à mettre au clair en l’état actuel de nos connaissances. Nous avons l’impression d’un lignage foisonnant dont tous les membres prennent le titre de comte et s’appellent Raimond, Hugues ou Ermengaud. N’est pas seule ici en cause la rareté des sources, qui est d’ailleurs toute relative15. Il semblerait que les membres de la famille comtale s’ingénient à ne pas y préciser les filiations. C’est sans doute que la parenté est conçue comme un groupe horizontal de collatéraux qui participent tous du pouvoir comtal. Il semble difficile et peut-être illégitime de reconstruire des successions verticales, en appliquant prématurément des schémas de l’époque féodale qui s’est inventé une conscience lignagère16.

9Le long règne de Guilhem Taillefer de 950 à 1037 n’est plus admis. Depuis M. de Framond17, les historiens ont redécouvert l’intérêt des généalogies du codex de Roda18, mais divergent dans l’interprétation qu’ils en font et dans la mise en parallèle avec les chartes, en particulier avec celles du cartulaire de Lézat enfin édité19. Quelles que soient les reconstitutions généalogiques adoptées, elles soulignent toutes une grande proximité entre les branches de Toulouse et de Rouergue. Il est même aujourd’hui avancé qu’il n’y a pas de véritable raison de considérer le lignage rouergat comme cadet par rapport aux Toulousains. Il semble plus légitime de parler d’un conglomérat familial dont tous les membres se disent comtes et qui gère conjointement les comtés familiaux sans véritable partage territorial des compétences. Parmi ceux-ci, les comtés de Toulouse et de Rouergue20 bien entendu, et celui d’Albi21, mais aussi le comté de Quercy acquis depuis le début du x^e siècle après la disparition de sa lignée comtale22 et celui de Nîmes23, et du fait de la détention du marquisat de Gothie les comtés de Narbonne, de Béziers, d’Agde et peut-être de Lodève, Uzès et Viviers24. Le titre de marquis et la primauté sur le groupe comtal semblent passer de façon fluide, à chaque génération, à un « chef » de lignage, tantôt « toulousain », tantôt « rouergat »25.

10Nous n’entrerons pas dans les inextricables discussions généalogiques, qui achoppent principalement sur le fait de donner ou non une postérité en ligne directe au grand Raimond Pons, mort vers 942, et de compter un ou deux comtes Raimond entre ce Raimond Pons et Guilhem Taillefer26. De toutes ces recherches récentes, il ressort néanmoins que les Raimondins se sont alliés en cette deuxième moitié de x^e siècle à toutes les familles princières et comtales du grand Midi, mais aussi qu’ils ont contracté des mariages dans leur très proche famille, à l’intérieur du groupe des cousins. Raimond Pons a épousé Garsinde, peut-être fille de Garsie Sanche comte et marquis de Gascogne27, Raimond I^er de Rouergue, Berthe, nièce d’Hugues d’Arles roi d’Italie28, Raimond de Toulouse, Adalaïs d’Anjou, sœur de Geoffroy Grisegonelle et de Guy évêque du Puy29. Des Gascons, des Bourguignons, des Angevins, les alliés étaient d’importance. D’autres rapprochements, plus locaux, n’en étaient pas moins utiles : plusieurs alliances avec les vicomtes de Narbonne30, dynastie qui restera très proche des Raimondins, avec les comtes de Carcassonne31, avec les comtes de Barcelone32.

11Mais ils ont aussi été partie prenante de durs conflits, dont les tenants et les aboutissants sont impossibles à démêler. Une guerre est probable avec les cousins de Gascogne, où auraient péri un ou deux comtes Raimond, l’un partant pour Saint-Jacques, l’autre tué à Garazo – peut-être Garaison en Magnoac33. Un affrontement est aussi certain avec les autres parents de Carcassonne, lors duquel un comte non nommé fut battu et mis en fuite34. Malgré les prestigieux mariages et les alliances qu’ils ont permis de contracter, le dernier tiers du x^e siècle voit l’exacerbation des conflits et quelques morts violentes de comtes sans doute assez jeunes, ce qui contribue sans doute à brouiller notre appréhension de la généalogie.

12Ces comtes de Toulouse étaient certainement de grands princes au x^e siècle. Ils faisaient pèlerinage à Saint-Jacques35 et à Jérusalem36, possédaient des joyaux de l’artisanat musulman, conquis on ne sait sur quel champ de bataille37, se faisaient enterrer comme de « quasi-rois », dans la pourpre avec de précieux vêtements de lin, de coton et de fine toile38. Mais on ne peut se défaire de l’impression d’avoir affaire à une dynastie sur le déclin dans la première moitié du xi^e siècle. Les ancêtres du milieu du x^e siècle avaient échoué à conserver le titre de duc d’Aquitaine ; leurs successeurs du début du xi^e perdent celui de marquis, approprié par deux familles aux deux extrémités des domaines raimondins, par les Anduze en Nîmois et par les Amelii en Comminges39. Le comte toulousain est absent du concile de Narbonne de 990, la lignée y étant représentée par le comte de Rouergue40. Cela peut s’expliquer si l’on admet avec M. de Framond que Guilhem Taillefer est encore assez jeune, et que sa vie active ne commença que vers 1003-100441. Mais le comte semble surtout absent de ses terres occidentales.

13À partir de ce début de xi^e siècle en effet, la généalogie retrouve des certitudes plus fermes. Ce Guilhem Taillefer, dont il est aujourd’hui assuré qu’il est le fils d’un Raimond42 et d’Adalaïs d’Anjou et qui devait être assez jeune à la mort (à l’assassinat ?) de son père, suivit sa mère en Provence où elle venait de contracter, après de brèves noces royales, son quatrième mariage avec Guilhem, marquis de Provence43. Guilhem Taillefer aussi trouva des partis en Provence. Cette marieuse d’Adalaïs lui fit épouser successivement Arsinde, la fille du marquis Guilhem, puis Emma, nièce du même44. Il acquit ainsi des droits non négligeables sur l’héritage du comté de Provence, que ses successeurs mirent beaucoup d’énergie à faire prévaloir, et qui furent une des origines de la grande guerre du xii^e siècle. Il semble d’ailleurs que le couple comtal résida beaucoup plus en Provence qu’en Languedoc : il n’y a même aucune preuve que Guilhem ait jamais mis les pieds à Toulouse45. Cet ancrage dans les provinces orientales renforça certainement les anciennes possessions comtales dans le comté de Nîmes et vers Saint-Gilles, mais fut aussi à l’origine de la bipolarité des domaines raimondins, et de bien des difficultés ultérieures. Un comte de Toulouse qui n’est jamais à Toulouse ! À une époque où la présence physique du prince était nécessaire pour assurer son autorité, l’absence du comte n’a pu avoir que de néfastes conséquences. C’est le moment où le comté de Toulouse se trouve de fait amputé de toute sa partie méridionale, qui deviendra le comté de Foix (le pays de Foix était inclus dans le pagus tolosanus), mais aussi où les comtes perdent leur pouvoir sur les marges gasconnes de leur comté46. Guilhem Taillefer est un héritier qui vécut dans l’image de la grandeur passée, conforté peut-être en cela par sa mère qui avait tout de même épousé un roi, et il ne sut ou ne put réagir à la prise du pouvoir effectif par les vicomtes et autres sires et se constituer ses propres clientèles castrales47.

14Son fils porte le nom bien comtal de Pons : était-ce un programme ou l’évocation d’un faste révolu ? Sa seule titulature attestée n’est aussi que celle de comte de Toulouse48, mais elle est déclinée à deux reprises d’une façon qui ne laisse pas d’intriguer. En effet, ce comte est cité dans une charte de donation à l’abbaye de Mas-Grenier puis dans la confirmation de l’union entre Moissac et Cluny comme un comte palatin49. L’autorité comtale semble se redresser en ce milieu de xi^e siècle, mais le gouvernement de Pons a laissé si peu de témoignages qu’il est bien difficile d’en juger50. Plus de quatre-vingts ans plus tard, le chroniqueur anglais Guillaume de Malmesbury met pourtant cette restauration au crédit de Pons, « homme énergique et efficace, qui rendit son lustre à sa patrie obscurcie par l’indolence de ses ancêtres »51. Pons n’est guère connu que par ses mariages. Il épousa tout d’abord Majore, d’origine inconnue, et lui donna vers 1037 l’évêché et la cité d’Albi, le château de Saint-Marcel, la moitié de l’évêché de Nîmes, ses droits sur Millau, la moitié de l’abbaye de Saint-Gilles, le château de la Porte d’Espagne à Nîmes, le château de Tarascon et la terre d’Argence52 : des droits majoritairement en Albigeois et en Nîmois, il devait conserver seul Toulouse. Sa seconde femme est mieux connue, il s’agit de la fameuse Almodis. Bernard, comte de la Marche, alors en guerre contre les comtes de Poitiers53, recherchait l’alliance des grandes familles dirigeantes du Midi : il y maria ses trois filles, Almodis avec le comte de Toulouse, Lucie avec celui de Pallars Sobirà54, Rangarde avec celui de Carcassonne. Pons avait dû adhérer à ce projet qui renforçait une coalition contre le duc d’Aquitaine. Mais, après avoir eu au moins quatre enfants55, Almodis quitta Pons pour épouser le comte de Barcelone, au cours d’un épisode hautement romanesque56.

15Si les deux branches de la dynastie raimondine étaient restées très proches dans les tribulations du x^e siècle, au xi^e en revanche, elles sont clairement individualisées et s’ancrent dans des ressorts territoriaux propres : il y a des comites Tolose et des comites Rutenensis urbis. Après la mort de Raimond vers 1010, en route pour la Terre Sainte, se succèdent en Rouergue son fils Hugues (v. 1010-1053)57, puis Berthe, la fille de Hugues, et son époux Robert d’Auvergne (1053-1065)58. Mais en Rouergue aussi, le pouvoir comtal est affaibli : en témoignent l’échec de Raimond II à faire construire un château au-dessus de Conques59, ou les difficultés du comte à faire appliquer une sentence de sa cour60. L’autorité comtale semble avoir particulièrement pâti de deux régences successives61, et l’on ne sait pratiquement rien de l’action de Hugues ni de celle de Robert. Ici aussi s’affirme une forte lignée vicomtale, qui, bien qu’issue de l’entourage comtal, prend son indépendance et brille d’un singulier éclat avec la nombreuse descendance de Richard II, qui compte trois vicomtes et deux abbés de Saint-Victor, légats pontificaux, dont l’un, cardinal, parviendra au siège archiépiscopal de Narbonne62.

16Pour le comté de Rouergue, le milieu du xi^e siècle marque un tournant décisif : il fait alors retour à la branche toulousaine sous l’égide de Raimond de Saint-Gilles qui revendique les titres de comte de Rouergue, de Nîmes et de Narbonne dès 106663, et qui, à la mort de son frère Guilhem, vers 1093, parvient à réunifier tout l’héritage raimondin. La dynastie toulousaine rayonne à nouveau. Mais le comté ne bénéficiera pas longtemps de sa ferme autorité : Raimond va bientôt le quitter pour l’Orient de tous les mirages. À partir du milieu du xi^e siècle, on recommence donc à saisir une politique ambitieuse de la part du comte de Toulouse, ce sont surtout les fils de Pons, Guilhem et Raimond, qui illustreront la maison. Force est cependant de constater l’éclipse de la lignée de la fin du x^e au milieu du xi^e siècle : on peut dérouler ce que l’on sait des faits survenus en Languedoc dans la première moitié du xi^e siècle sans jamais faire mention d’un comte de Toulouse. Ils semblent absents des conflits, incapables d’intervenir ou s’estimant trop grands princes pour se commettre dans ces litiges. C’est pourtant au cœur de ces controverses que les autres pouvoirs, en particulier les lignages vicomtaux, ont tissé leurs réseaux de clientèles seigneuriales. L’histoire ultérieure du comté semble montrer qu’il leur manquera toujours cette base militaire et castrale, qu’ils n’ont su acquérir au tournant des x^e-xi^e siècles.

2 - Les comtes de Carcassonne

17Tout aussi problématique que celle des comtes de Toulouse, la famille comtale carcassonnaise pose une question supplémentaire, celle de ses origines. La vieille famille comtale gothique, qui descend d’un comte Bellon du début du ix^e siècle, ancêtre aussi de la plupart des comtes catalans, s’éteint avec Acfred, fils d’Oliba, qui disparaît des sources en 927-92864. À la fin du ix^e siècle pourtant, un autre Acfred, oncle du dernier comte, avait fait un magnifique mariage : il avait épousé Adelind, la sœur du comte d’Auvergne et duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux65. Par le décès sans postérité du duc en 918, les fils du couple Acfred-Adelind héritèrent de la totalité de la domination du fondateur de Cluny, ils s’appelaient Guillaume – le Jeune – et encore Acfred66. Mais comble de malchance, les deux neveux décédèrent moins de dix ans après la mort du grand-duc (Guillaume en 926, Acfred en 927) laissant vacant le titre de duc d’Aquitaine dont s’empressèrent de s’emparer les comtes de Toulouse puis ceux de Poitiers. La malédiction semblait frapper les Acfred en ces années, puisque leur cousin de Carcassonne (fils d’Oliba, un frère de l’époux d’Adalind) mourut aussi peu après, sans postérité connue.

18Les historiens sont donc confrontés à une solution de continuité dans la généalogie comtale qu’ils ont résolue de diverses façons67. Vers 940 en effet, apparaît à Carcassonne un couple Arnaud et Arsinde, qui dirige le comté et dont les descendants gouverneront pendant plus de cent ans. Les difficultés viennent de ce que ni l’un ni l’autre ne cite jamais ses parents. Les recherches les plus récentes tendent à s’accorder pour voir en Arsinde une fille de la dynastie raimondine, petite-fille d’Eudes et de Garsinde, vraisemblablement fille d’Ermengaud de Rouergue68. Il nous semble en revanche, en l’état actuel des connaissances, impossible de rien affirmer quant aux origines d’Arnaud. Il est présent dans divers actes des années 940-95069 ; il est mort avant 957, lorsque sa femme fait une vente en compagnie de son fils Roger qui se dit comte70. Le seul indice qui puisse donner un début de piste sur l’origine d’Arnaud est onomastique : il a un frère appelé Roger71, nom qu’il a donné à son fils aîné et qui restera un fort marqueur lignager de la famille comtale carcassonnaise (et par la suite des comtes de Foix qui en sont issus). Or ce nom de Roger est inusité dans les grandes familles de la région avant ce milieu de x^e siècle et l’arrivée de la nouvelle lignée à Carcassonne72. Quelques indices bien ténus renvoient vers l’Auvergne ou le Poitou73. Une charte de Lagrasse, malheureusement elliptique et incomplète, mentionne une pléthore de Roger et d’Arnaud, dont on doit bien avouer qu’on ne peut rien dire, sinon qu’ils sont proches des comtes de Carcassonne74.

19Arnaud et Arsinde eurent vraisemblablement trois fils : Roger dit « le Vieux », qui épousa Adalaïs75. Eudes ou Oddo qui est dit comte de Razès par des chartes tardives (rien ne dit qu’il n’ait agi que dans ce comté, même s’il y était possessionné) et Raimond. Roger et Eudes ne posent aucun problème, ils sont cités avec leurs père et mère et leur filiation ne fait aucun doute76. L’existence de Raimond a, en revanche, été contestée par P. Ourliac, qui suppose une erreur du scribe qui mentionne dans un texte la comtesse Arsinde et ses fils Odo et Raimundus77. Ce comte Raimond semble pourtant attesté dans un acte de l’abbaye Saint-Hilaire vers 989-990, et pourrait être le même que le comte Raimond qui apparaît à plusieurs reprises dans les chartes de Lézat des années 970-98078. Eudes non plus n’est pas très documenté79 ; il eut un fils Arnaud cité par Roger le Vieux dans son testament80, qui est peut-être cet Arnaud de Sabartès mentionné par Bernat Taillefer, comte de Besalú, en 102181. On a récemment attribué au couple Arnaud-Arsinde, avec quelque vraisemblance, une nombreuse descendance féminine82.

20Voilà donc une nouvelle lignée en place à Carcassonne, héritière des droits des anciens comtes goths, mais aussi certainement alliée aux grandes familles possessionnées dans la montagne, du Razès aux hautes vallées de l’Ariège et de la Garonne. Le comte Roger le Vieux est parvenu à réunir une très vaste domination, ce dont témoignent ses nombreuses donations et surtout son testament. Est-ce l’émergence de ce pouvoir fort sur tout le piémont pyrénéen qui a entraîné la réaction à la fois des Goths de Cerdagne et des Francs de Toulouse ? Ces hostilités ne nous sont connues que par deux bulletins de victoire de Roger. Vers 970-980, il a vaincu un comte de Toulouse anonyme : il assiste, en compagnie de l’évêque de Carcassonne Franco, de l’abbé de Lézat Garin et de l’abbé de Saint-Hilaire Benoît, à la translation des reliques de saint Hilaire « après avoir mis en fuite et battu le comte de Toulouse et les siens », nous dit un poème annexé au récit83. La victoire est présentée comme un miracle opéré par Hilaire, qui semble devenir le saint tutélaire de la lignée car, peu de temps après, Roger remporte une nouvelle victoire grâce à lui, sur Oliba Cabreta comte de Cerdagne et Besalú. Le préambule de la donation présente cette nouvelle bataille comme une attaque délibérée et une campagne de pillages lancée par Oliba84.

21La dévotion de la famille comtale s’explique par le fait que l’abbaye fondée sur le tombeau de l’évêque Hilaire de Carcassonne85 est un des grands sanctuaires du Carcassès, avec Montolieu, autre monastère qui bénéficie des donations comtales. Mais ne pourrait-on attribuer cette piété particulière à une homonymie avec un autre évêque Hilaire, le grand saint de Poitiers ? Cela renforcerait l’hypothèse d’une origine guilhelmide de la nouvelle lignée comtale86. Ces batailles des années 980, fondatrices dans la mémoire comtale, sont encore célébrées en 1002, lorsqu’un vicomte de Carcassonne au nom très comtal d’Arnaud fit à son tour une restitution à Saint-Hilaire87.

22Le comte Roger ne participa pas à ce plaid de déguerpissement, présidé par sa femme et son fils, car il était parti à Rome en compagnie de son gendre, Ramon Borell, comte de Barcelone, et d’Arnulf, évêque de Vic, rendre visite au pape Sylvestre II, qui n’est autre que Gerbert d’Aurillac88. Comme vingt ans auparavant, on voit donc associés comtes, abbés et évêques languedociens et catalans : Roger s’était déjà rendu à Rome vers 980 en compagnie de sa femme, de Benoît abbé de Saint-Hilaire89, mais aussi de Mir Bonfill, comte et évêque de Gérone, de Gildesin, évêque d’Elne et abbé de Roda, de Gauzfred, abbé de Sant Pere de Besalú. En 993, Garin, l’abbé de Lézat qui assistait avec Roger à la translation des reliques de Saint-Hilaire, se vit institué chef d’une congrégation qui outre Lézat comprenait Cuxa, qu’il avait réformée en 965 à la demande de Sunifred, comte de Cerdagne, Saint-Hilaire, Alet et Mas-Grenier, puis vers l’an mil l’abbaye Saint-Paul-de-Fenouillet fondée par Bernat Taillefer. On reconnaît là tout le réseau des amis méridionaux de Gerbert, auxquels se mêlent des Italiens réformateurs depuis que saint Romuald et Pietro Orseolo sont venus à Cuxa. C. Lauranson-Rosaz a clairement démontré le rôle de tout ce groupe dans les origines de l’abbaye Saint-Michel de la Cluse, associée à la congrégation et dont les premiers abbés sont Advert de Lézat, puis deux Benoît dont le second est originaire de Saint-Hilaire90. Mais il s’agit aussi d’un réseau « carcassonnais » qui unit Saint-Hilaire le sanctuaire comtal, Alet, dans la haute vallée de l’Aude en plein cœur des possessions comtales en Razès, Cuxa en Conflent sous la protection des comtes de Cerdagne-Besalú avec qui Roger semble s’être réconcilié91, Lézat et Mas-Grenier où dominent les donations de proches de la famille comtale de Carcassonne92.

23Les raisons des conflits de la deuxième moitié du x^e siècle semblent être des oppositions à la constitution d’une forte principauté sous la direction de Roger le Vieux, que l’on ne peut décrire comme l’affrontement d’un bloc franc et d’un bloc goth. C’est l’expansion territoriale des comtes de Carcassonne qui entraîne des réactions, non d’éventuelles querelles ethniques. Les Raimondins ont manifestement échoué à endiguer l’essor de ces comtes qu’ils considéraient peut-être comme leurs subordonnés, en tant que marquis de Gothie, et qui étaient de toute façon leurs parents. Une fois le pouvoir des comtes de Carcassonne affermi, peut-être légitimé par des victoires, en tout cas étendu par des mariages93, les adversaires changèrent. On n’a plus de traces de confrontation avec Toulouse au xi^e siècle, ses comtes sont absents des conflits qui déchirent la région au moins jusque dans les années 1060.

24Il est vrai que l’extension de la domination territoriale de Roger a pu avoir de quoi irriter ses voisins. Il dispose en effet dans son testament, peutêtre rédigé vers 1002, avant son second départ pour Rome, du comté de Carcassonne, du château de Rennes et du comté de Razès, de droits sur les pays de Kercorb et de Queille, des châteaux de Saissac et de Cintegabelle, de la moitié du Volvestre et du tiers du Comminges94, de droits dans le château de Minerve, d’alleux en Toulousain et en Narbonnais, des abbayes de Caunes et Vernassonne, tout cela en faveur de son premier fils Raimond ; de la viguerie de Sabartès et de droits sur le Sabartès et Castelpenent, du comté et de l’évêché de Couserans, de l’autre moitié du Volvestre, du château de Foix, du Dalmazanès, du Podanaguès, de l’Agarnaguès et de la moitié du bois de Boulbonne, en faveur de son second fils Bernard ; quant au troisième, l’évêque de Gérone Pierre, il hérite de toutes les abbayes des comtés de Carcassonne et Razès, des abbayes et églises de la part de Bernard95. Le partage de cette vaste domination, qui inclut tout le piémont pyrénéen des Corbières à la vallée de la Garonne, suscita bien des affrontements pendant toute la première moitié du xi^e siècle, sur lesquels les données fragmentaires qui subsistent ne permettent pas de faire toute la lumière.

25Il est certain que la mort prématurée de Raimond, fils aîné de Roger, amena ce dernier à faire des réaménagements96, mais ils ne nous sont pas parvenus. Raimond a-t-il été victime d’un conflit pour la succession des vicomtés de Béziers et d’Agde dont il avait épousé l’héritière, ou bien de rebondissements du conflit entre comte et vicomte à Carcassonne97 ? En témoignent deux chartes du cartulaire d’Agde qui attestent d’une agression contre Raimond : celui-ci, blessé, n’a peut-être pas survécu98. Il est de toute façon mort avant son père qui fait une donation pour son âme en 101199. La lutte continue pendant toute la première moitié du xi^e siècle entre les fils de Raimond, Pierre Raimond et Guilhem, et le nouvel époux de leur mère qui n’est autre que le « marquis » Bernard Pelet d’Anduze. La famille d’Anduze est depuis le début du x^e siècle une alliée des comtes raimondins100, et elle tient toute la partie occidentale du comté de Nîmes. Elle s’affronte aux comtes de Carcassonne qui s’étendent vers l’est grâce aux deux nouvelles vicomtés. Tant qu’elle est en vie, Garsinde maintient la concorde entre les fils de ses deux lits101, mais après sa mort, la guerre se rallume. Estce alors qu’eut lieu l’attaque de Loupian par Bernard Pelet102 ? Serait-il mort lors de ces confrontations ? En tout cas c’est aux fils de ce dernier que Pierre Raimond comte de Carcassonne impose ses conditions et fait livrer des otages103. Mais les Anduze ont noué une alliance avec les vicomtes de Narbonne, qui avaient des droits dans la vicomté de Béziers dès le x^e siècle et les avaient étendus par un mariage104 : Anduze et Narbonne sont disposés à disputer l’héritage des vicomtés de Béziers-Agde et à s’opposer ensemble à l’expansion des comtes de Carcassonne vers l’est.

26Béziers et Agde étaient des acquisitions récentes, dont n’avaient hérité que deux des petits-fils de Roger ; mais son vaste domaine tout entier fut aussi l’objet de dissensions, internes à la lignée celles-là. Nous avons conservé une bonne douzaine d’accords entre ses fils ou ses petits-fils qui témoignent des difficultés qu’ils ont eu à mettre au clair leurs droits respectifs sur l’héritage. Le dossier est de plus compliqué par le fait que ces textes sont rarement datés ; il faut alors tenter de reconstituer des logiques dans le maquis des droits. Vers 1020, Pierre Raimond et Guilhem, les deux fils du comte Raimond mort avant son père, partagent leur succession : Pierre déguerpit en faveur de son frère la moitié des cités de Béziers, Agde, Carcassonne et Rennes avec les évêchés, les abbayes et les châteaux « qui furent à Roger comte de Carcassonne, à Guilhem vicomte de Béziers et à Raimond notre père »105. Cet accord est complété par un serment de Guilhem à son frère pour un certain nombre de châteaux du Biterrois et de l’Agadès, où il lui promet aussi son aide contre Bernard Pelet, fils de Blitgarde106 : le partage par moitié entre les deux frères est normal, l’alliance contre Bernard Pelet rappelle les difficultés à contrôler l’héritage de Béziers-Agde. Pierre Raimond s’accorde aussi sur la détention de Magrie avec un dénommé Raimond Guilhem qui l’appelle « mon oncle » : on ne sait s’il faut y reconnaître le fameux marquis du cartulaire de Lézat ou s’il s’agit d’un fils de son frère Guilhem107.

27En Razès, en revanche, les choses semblent plus compliquées. Le comte Pierre Raimond et son fils Roger, fils de Rangarde de la Marche, déguerpissent la moitié de l’honneur d’Eudes de Rennes, le frère de Roger le Vieux, en faveur d’un certain Raimond fils de Béliarde108. Et dans un autre accord, Pierre Raimond cède au même la moitié de la cité de Carcassonne, la moitié du comté et le château vicomtal109. Ce personnage est difficile à situer dans la généalogie comtale, mais il doit en être très proche. Il doit être le fils de ce Raimond, époux de Béliarde, qui fit en 1034 une donation au sanctuaire comtal de Saint-Hilaire, pour remercier le saint d’une victoire qu’il lui avait donnée contre un certain Arnaldus Gibertus. Raimond avait attaqué le château de Rennes et tué le fils d’Arnaldus110. Dans les années 1030, la détention du Razès a donc été disputée entre deux familles proches des comtes et/ou des vicomtes de Carcassonne, un Arnaud au nom bien comtal111 et un Raimond au nom tout aussi comtal dont le fils obtient la moitié des comtés de Carcassonne et de Razès quelques années plus tard. Après la mort de Pierre Raimond, au début des années 1060, Raimond fils de Béliarde fera encore un serment à la veuve de celui-ci, Rangarde, pour une vingtaine de châteaux112.

28La branche de Foix, issue de Bernard fils de Roger le Vieux, n’est pas en reste dans l’imbroglio familial. Roger, fils de ce Bernard et de Garsinde de Bigorre s’accorde avec Pierre, évêque de Gérone, son oncle. Avant 1050, ils font une convenientia dans laquelle ils partagent deux aires de pouvoir, l’une autour de Carcassonne, l’autre autour de Foix, sans préciser à qui reviendra chacune et sans mentionner les droits des neveux et cousins de Carcassonne113. Roger prête ensuite deux serments à son oncle, qui ne sont pas identiques et donc peut-être pas exactement contemporains114. Puis, après la mort de Pierre Raimond de Carcassonne, ce même Roger de Foix, fils de Garsinde, reçoit le serment du dernier comte de Carcassonne, un autre Roger, fils de Rangarde115.

29Tous ces partages témoignent du mode de fonctionnement au sein de la famille : tous les membres en sont dits comtes, tous ont quelques droits à Carcassonne, où que se trouve la majeure partie de leurs biens116. Le patrimoine semble partagé à chaque génération, dès qu’une mort survient, selon un équilibre assez complexe117. Un des membres de la lignée semble exercer une autorité, au moins morale, sur les autres, Roger le Vieux, puis son petit-fils Pierre Raimond, peut-être conjointement avec l’évêque de Gérone118, et enfin Roger de Foix. Des pratiques qui rappellent celles que nous avons décelées dans la dynastie comtale toulousaine dans la deuxième moitié du x^e siècle. Mais de nombreux signes montrent que les choses sont en train de changer, le pouvoir des comtes est disputé, à l’intérieur de la famille, mais aussi par un certain nombre de personnages qu’il est difficile de resituer exactement, en Razès, en Comminges. En 1002, lors d’un plaid solennel à Carcassonne, on est encore capable de citer précisément la Lex Judicum, même s’il n’y a déjà plus de juges mais des fideles laici et des boni homines119 ; il n’en est plus de même quelques années plus tard, les procédures se compliquent et il est fait de plus en plus souvent appel au jugement de Dieu120. Dans les règlements familiaux, on trouve des serments où un des membres de la lignée promet de ne pas attaquer les possessions d’un autre, mais on rencontre aussi le premier serment féodal pour le château de Paulhan121. Le pouvoir comtal n’est néanmoins pas encore ancré dans des circonscriptions territoriales : on se dit comte parce que l’on appartient à la famille comtale, pas encore comte de tel comté. Jusqu’à sa disparition, la dynastie comtale de Carcassonne forme un groupe qui, collectivement, détient des titres et des biens, répartis selon des modalités qui nous échappent entre les divers ayants droit. Mais au milieu du xi^e siècle, la cohésion est en train de se défaire.

3 - Les Trencavel et les autres vicomtes

30Depuis les années 980, les conflits sont incessants en Languedoc. Les familles comtales se déchirent ; elles sont impuissantes à rétablir l’ordre entre leurs anciens lieutenants. Les chartes et les sources hagiographiques résonnent du fracas des armes, en Albigeois, en Rouergue, en Bas-Languedoc, en Comminges. Des vicomtes ont pris le pouvoir, eux-mêmes concurrencés par des puissants sans titre. Nous avons déjà eu beaucoup de mal à distinguer les maisons comtales, comment pourrait-il en être autrement pour les lignées vicomtales ? Les familles vicomtales que nous commençons à mieux cerner seulement au xi^e siècle prennent toutes leur source dans le milieu des vicomtes et des viguiers qui gravitent autour des comtes au x^e siècle.

31Les vicomtes du x^e sont des vice-comtes, des représentants du comte. Les comtes détenteurs de plusieurs comtés nommaient généralement de tels lieutenants chargés de les suppléer en leur absence, qui détenaient tous leurs pouvoirs, militaires ou judiciaires. Les vicomtés n’étaient pas alors des ressorts géographiques propres ; les vicomtes ont précédé les vicomtés. Rainard de Béziers en 897 se dit bien « vicomte dudit comté »122. Le vicomte se distingue alors du vicarius ou viguier, autre agent comtal, qui est pour sa part le représentant des pouvoirs comtaux dans la vicaria ou viguerie, petit pays autour des forteresses publiques dans lequel le vicarius rend régulièrement la justice123. Les comtés ne furent sans doute jamais subdivisés systématiquement en vigueries ; en Languedoc seulement quelques unes sont attestées au x^e siècle124. Mais dès le milieu du x^e siècle, et peut-être plus tôt, une certaine confusion semble se faire jour entre ces deux types de délégués comtaux : les mêmes personnages, les mêmes familles semblent s’attribuer alternativement les deux titres125. Si la vicaria se maintient à la fois comme ressort géographique et au sens de droit de justice126, le vicarius disparaît en tant qu’agent comtal : à partir du milieu du x^e siècle, on ne rencontre plus que des vicecomites.

32Les vicomtes languedociens semblent donc trouver leur origine dans les deux institutions antérieures. Certains se sont ancrés dans des comtés d’où le comte était absent, comme à Béziers-Agde, Nîmes, Albi, Narbonne ; d’autres se sont taillé des circonscriptions territoriales dans ces mêmes comtés, que celles-ci soient ou non des héritières d’anciennes vigueries, ainsi à Lautrec, à Minerve, à Bruniquel.

33Les Trencavel sont issus de ce milieu de vicomtes qui secondaient les comtes de Toulouse-Rouergue, les Raimond, Ermengaud et Hugues du x^e siècle. Ils souscrivaient leurs chartes, ils bénéficiaient de leurs donations, ils présidaient des plaids. En l’état actuel de la documentation et de la recherche, il est impossible de débrouiller les liens entre les divers vicomtes Aton, Bernard, Isarn, Sicard, Adémar, Séguin… Ils semblent tous appartenir à une même mouvance familiale dont proviennent, outre les Trencavel, les vicomtes de Lautrec, de Toulouse, de Bruniquel et de Minerve. Ils peuvent descendre d’un Aton qui épousa Avierna/Avigerne, sœur de Géraud d’Aurillac, dont est issu Benoît vicomte de Toulouse (celui qui fut emprisonné par le comte Raimond de Toulouse, fils d’Eudes)127, mais aussi d’un ou plusieurs Bernard attestés dans l’entourage comtal128. Des recherches récentes ont fait le point sur les lignées vicomtales de Béziers-Agde, de Lodève, de Rouergue-Millau, de Narbonne129, mais tous les éléments ne sont pas encore reclassés.

34Alors que le fonds d’archives qu’ils ont recopié dans leur cartulaire ne dépasse pas le début du xi^e siècle, la mémoire familiale des Trencavel remonte jusqu’en ce milieu de x^e siècle. Les Bénédictins de l’Histoire générale de Languedoc ont en effet trouvé dans les archives de l’église de Belmont une charte de 1147 dans laquelle Cécilia et ses fils confirment une donation faite à cette même église « par les anciens de notre genus, c’est-à-dire Diasfronisa vicomtesse, et Bernard vicomte son fils et Gaucia sa femme et leurs fils Frotaire évêque d’Albi et Aton vicomte »130. Nous trouvons ici la plus ancienne ébauche de généalogie pour la famille Trencavel131. On peut supposer que les scribes avaient sous les yeux une charte du milieu du x^e, d’autant plus que ces termes sont repris de façon rigoureusement identique en 1185, lors d’une nouvelle confirmation par Roger II132 : il faut remarquer, à deux siècles de distance, la conscience de l’appartenance à un même genus. Le point de départ de la quête des origines vicomtales, ce sont donc ces trois générations, Diasfronisa, son fils Bernard, époux de Gaucia, et père de Frotaire et Aton.

35Ce dernier Aton est bien connu, la mémoire archivistique vicomtale commence avec lui (aucun acte du cartulaire des Trencavel ne lui est antérieur). Il apparaît adulte, marié et père en 993133, et se dit fils de Bernard et Gauca134. Ce sont sans doute ses parents qui apparaissent dans un échange de terre en Nîmois en 956, le vicomte Bernard et la vicomtesse Gauza135 : si Bernard est fils de Diasfronisa comme l’affirment les généalogies postérieures, rien ne permet en revanche d’affirmer qu’il soit le fils d’un Aton136 (sauf le fait qu’il ait appelé son fils Aton, mais ce nom peut être issu de la lignée maternelle137). Ce Bernard est peut-être celui qui reçut de Garsinde comtesse de Toulouse l’alleu de Cantuels, puisque ce bien se trouve ultérieurement dans le patrimoine vicomtal138.

36La généalogie vicomtale commence donc de façon assurée avec Aton – traditionnellement appelé « Aton II » –, vicomte des années 990 à 1030, fils de Bernard et Gaucia, frère de Frotaire évêque139, époux de Gerberge140 et père de Bernard – « Bernard Aton III » –, de Frotaire évêque de Nîmes et de Segarius141. Aton fut assassiné, vers le début des années 1030, par les membres d’une famille seigneuriale certainement apparentée à la lignée vicomtale. Lui succèdent ses deux fils, Bernard Aton III (vers 1030-avant 1057), qui est dit « proconsul de Nîmois et prince d’Albigeois » dans le récit de la fondation du pont d’Albi142, et Frotaire, qui se signale par un très long épiscopat à Nîmes (1027-1077), mais aussi par une participation très active aux affaires politiques des vicomtés. Bernard Aton III épousa une certaine Rangarde, dont le nom évoque immanquablement Rangarde de la Marche, l’épouse du comte de Carcassonne ; ils eurent deux fils, un Frotaire peu connu et surtout Raimond Bernard, qui fut le premier à porter le surnom de « Trencavel » et qui contracta un magnifique mariage avec Ermengarde, alliance qui fit de sa lignée l’héritière des comtes de Carcassonne143.

37Le pouvoir des Trencavel en ce siècle charnière, 950-1050, s’appuie sur deux éléments forts mais non antinomiques, pouvoir politique dans les vicomtés et pouvoir ecclésiastique par les évêchés et les abbayes. Les vicecomites du début du x^e siècle sont attestés dans l’entourage des comtes, dans des fonctions judiciaires, mais ils semblent avoir des assises foncières et des relations familiales dans la plus haute aristocratie144, sans que pour autant leur pouvoir soit encore défini territorialement. Le vicomte est alors un potentat, un « presque comte » par sa famille, mais toujours au service du comte. Il se détache de l’emprise comtale dans la deuxième moitié du siècle : les titulatures signent la patrimonialisation des vicomtés ; les femmes commencent à participer au titre, ainsi Gauza l’épouse de Bernard en 956145. L’hérédité du titre vicomtal est aussi certaine à partir du milieu du x^e siècle, à partir du couple Bernard-Gauza/Gauciane.

38À un vicomte « lieutenant » au début du x^e, se substitue l’image d’un « vicomte dans sa vicomté » au tournant du xi^e siècle ; l’apparition des premiers serments de fidélité signe l’évolution146. L’ancrage territorial est certain à partir d’Aton II ; il ne précise jamais de quelle vicomté il est vicomte, mais il n’apparaît plus dans l’entourage toulousain, la mutation semble effectuée147. Le centre de la vicomté albigeoise est alors sans doute Ambialet, bien qu’on n’en ait que des témoignages postérieurs148. Aton reçoit un serment pour dix châteaux, qui identifient sa zone d’action, au sud d’Ambialet, vers Castres et la Montagne Noire, et aux limites du Toulousain : en Albigeois Salvignane et Lombers et en Toulousain Lavaur, Auriac, Saint-Félix, Roquefort-sur-le-Sor et Dourgne. Il reçoit en outre un serment pour le castellum de Cornone, dont on se demande s’il faut l’identifier avec Cournonsec149 ; et son frère Frotaire qui est évêque de Nîmes en reçoit un pour Lunas : il semblerait donc que l’évêque gère le domaine oriental, et peut-être la vicomté de Nîmes, en même temps que son diocèse150.

39Les fils d’Aton, Bernard vicomte et Frotaire évêque de Nîmes, continuent de gérer conjointement les vicomtés ; comme leur père, ils reçoivent des serments pour Cornone, Dourgne, Roquefort, Lavaur et Saint-Félix ; mais acquièrent aussi de nouveaux châteaux : ils contrôlent de nombreux points forts dans le sud du Rouergue (Brusque, Latour-sur-Sorgue, Gissac, Le Pont de Camarès, Cabrespine et Saint-Amans) ; en Albigeois, ils se font donner Brens et Cahuzac et achètent Montaigu, se font prêter serment pour Le Vintrou, dans le sud de l’Albigeois, mais aussi pour Villemur en Toulousain, et La Livinière en Minervois. On ne sait par quel moyen ces derniers châteaux entrèrent sous leur contrôle, mais ces reconnaissances témoignent d’une poussée très nette vers l’ouest d’Albi et le nord de Lavaur, encerclant Toulouse (Cahuzac, Brens, Montaigu, Villemur), vers l’est, vers les vallées de la Sorgues et du Dourdou (Latour, Gissac, Camarès, Brusque, Cabrespine), et vers le sud, la Montagne Noire et le Minervois (La Livinière, Le Vintrou). Ce sont aussi les axes de l’expansion avant le grand mariage qui ouvre vers le Carcassès et les Pyrénées. Toujours avec son oncle Frotaire, l’indétrônable évêque de Nîmes, Raimond Bernard se fait donner Cadalen qui renforce l’implantation en Gaillacois et prêter serment pour Ambialet et Curvalle, pour Murasson dans le sud du Rouergue, outre les châteaux déjà rencontrés (Brens, Cahuzac, Montaigu, Roquefort et Cornone) et il contrôle Boissezon. Les vicomtes se distinguent donc par une très forte implantation castrale, presque trente châteaux sont sous leur autorité, des portes de Toulouse au sud du Rouergue, avec quelques antennes en Minervois ou dans le comté de Melgueil.

40Le deuxième point d’ancrage du pouvoir des Trencavel au xi^e siècle réside dans les évêchés et abbayes qu’ils contrôlent. À Nîmes, ils détiennent la nomination des évêques concurremment avec les comtes de Toulouse151. Une alternance tout à fait significative se fait jour sur ce siège : un Bernard d’Anduze au milieu du x^e, un Frotaire d’Albi-Nîmes (fin x^e-vers 1014), un Géraud d’Anduze puis à nouveau un Frotaire, neveu du premier, de 1027 à 1077 environ. Il semble qu’un modus vivendi se soit établi entre les deux pouvoirs comtal et vicomtal : chacun nomme l’évêque à tour de rôle, les Toulouse proposant un candidat choisi dans la famille de leurs fidèles du Nîmois, les Anduze, quand le tour leur échoit. Dans la cité d’Albi, le même partage a été instauré152 ; mais aucune succession aussi parfaite ne peut y être décelée. Plusieurs membres de la famille vicomtale détiennent la charge : un premier Frotaire à la fin du x^e siècle153, puis un homonyme fin xi^e qui doit appartenir à la branche des Lautrec154. Les abbayes de l’Albigeois sont aussi sous contrôle vicomtal : Gaillac155, Castres156, Sorèze157, le prieuré d’Ambialet158, et Joncels en Biterrois159. Ce contrôle des lieux de pouvoir ecclésiastiques complète le pôle vicomtal et castral sans contradiction dans cette Église méridionale pré-grégorienne. Frotaire, tout au long du xi^e siècle, continue de gérer les affaires vicomtales, faisant même office de mentor pour son neveu, avec lequel il reçoit tous les serments160. Comme le résume J.-L. Biget, « il serait faux d’imaginer les vicomtes de l’Albigeois comme de petits seigneurs partis d’un nid d’aigle à la conquête du Midi… Ils furent installés dans le lieu en raison de leur puissance, comme délégués des comtes, parce qu’ils appartenaient à leur lignage »161. Il semble que cette « installation », cet ancrage territorial n’eut pas lieu avant la deuxième moitié du x^e siècle.

41Pendant tout le x^e et le début du xi^e siècle, les Trencavel sont dans l’orbite toulousaine. Ils sont les fidèles auxiliaires des comtes, autant que les textes nous permettent d’en juger. On ne sait s’ils prennent part au conflit avec Carcassonne dans les années 970. Les liens avec Toulouse sont partiellement éclairés par le partage des compétences sur les évêchés et les abbayes, mais aussi par quelques serments. Trois de ces textes sont de façon certaine des serments de comtes de Toulouse aux Trencavel, un pour Dourgne162, deux pour Montaigu163, et trois autres pour Lavaur et Saint-Félix de façon beaucoup plus hypothétique164. L’explication la plus plausible est que ces serments devaient être réciproques, signe d’un contrôle conjoint sur ces châteaux situés à la limite entre le Toulousain et l’Albigeois, mais le serment symétrique, du côté qui intéressait les comtes de Toulouse, a été perdu, comme toutes leurs archives165.

42Les relations avec Toulouse se dégradent au xi^e, mais tournent cependant plus en affrontement larvé qu’en véritable conflit. Les griefs se sont peut-être exacerbés de part et d’autre sur ces problèmes de partage de droits, mais aussi sur la vicomté de Nîmes. Si les Trencavel y ont acquis et conservé le titre vicomtal, les comtes de Toulouse n’ont cessé d’y favoriser les Anduze. Il est vrai que cette partie du domaine des Trencavel souffre d’un déficit de sources, mais ce qu’il en ressort, c’est que, même au temps de la plus grande expansion, cette vicomté était très réduite, cantonnée autour de Nîmes (Caissargues, Calvisson, Bernis), coincée entre la Provence, la terre d’Argence toulousaine et narbonnaise et les Anduze. Cette dernière famille, forte propriétaire foncière dans le sud-est des Cévennes, n’a jamais eu de titre. On se souvient que Bernard Pelet tenta de récupérer celui de marquis dans les années 1020-1030 ; certains de ses successeurs iront chercher celui, beaucoup plus exotique, de satrape166. Ils semblent, avec l’aval de Toulouse, encercler complètement les Trencavel à l’est, empêchant le lien avec leurs possessions du sud du Rouergue. Les comtes n’ont jamais pu ou voulu trancher entre les deux familles de leurs alliés. Voilà probablement une des raisons du contentieux entre les vicomtes et les comtes.

43Mais il y eut aussi de véritables conflits… Au début des années 1030, le vicomte Aton est tué par un membre de la famille qui tient les châteaux de Cahuzac et de Brens167. Cette famille est liée à l’évêque d’Albi Amelius qui fait lui aussi une donation pour racheter la mort d’Aton168. Elle semble aussi très proche de nos vicomtes : les agresseurs, seigneurs de Brens et Cahuzac, se nomment Geraldus et Sicharius/Segarius. Or ce dernier nom, assez rare, est aussi celui du frère du vicomte Bernard Aton et de l’évêque Frotaire169. On ne sait trop que penser des autres reprises en fief du xi^e siècle, Auriac, Latour, Montaigu : furent-elles imposées à la suite de victoires militaires170 ?

44Des conflits enflamment donc ponctuellement le Languedoc des années 980 au milieu du xi^e siècle ; on n’en a que des échos partiels, éclatés, difficiles à relier entre eux. La géographie de ces guerres touche toute la région dominée par les Trencavel, Carcassès et Razès, Albigeois, Bas-Languedoc. La concordance des chronologies entre ces troubles et le mouvement de Paix de Dieu a été depuis longtemps soulignée171. Depuis le plaid de Saint-Germain-Laprade vers 975-980172 jusqu’aux conciles de Trêve de Dieu de Toulouges ou de Narbonne, le Midi de la France est une zone privilégiée de développement du mouvement de paix. Mais, mises à part les mentions de la présence de prélats languedociens à des conciles de Paix, les sources de notre région n’offrent que peu de renseignements sur l’implication des princes régionaux dans le mouvement173. Les Trencavel ne semblent avoir pris part à aucune de ces assemblées, sauf à celle où fut décidée la construction d’un pont à Albi, que J.-L. Biget assimile à un concile de paix174. Le grand organisateur de la paix en Albigeois est l’évêque Amelius, dont nous avons vu les conflits qui l’opposaient aux vicomtes175. C’est ce même évêque qui conjointement avec le comte Pons fonda la sauveté de Vieux176. Mais il nous semble significatif que les deux textes qui sont quelque peu prolixes sur la participation des comtes et vicomtes dans le mouvement de Paix du xi^e siècle sont des récits très largement postérieurs, et inspirés l’un par l’autre : ils datent de la deuxième moitié du xii^e siècle, moment où l’institutionnalisation de la paix et sa récupération par les princes sont avérées177. Les pouvoirs politiques méridionaux n’ont pu ou su récupérer le mouvement au xi^e siècle, comme l’ont fait les ducs d’Aquitaine par exemple.

II - LA CRISE POLITIQUE DU MILIEU DU XI^E SIÈCLE

45Au fil de la lecture des chartes languedociennes s’est imposée à nous l’image d’un Languedoc de plus en plus troublé. La famille comtale de Carcassonne semble éprouver des difficultés à ramener l’ordre en son propre sein, de vastes coalitions paraissent se former, qui concernent tout le Midi, à cheval sur les Pyrénées. Cette inflation des signes de guerre pourrait n’être qu’un effet de la documentation. Nous ne le croyons pas. Nous n’avons certes pas en Languedoc les sources qui ont permis à P. Bonnassie de décrire le grave conflit qui enflamma la Catalogne dans les années 1040-1060. Les tenants et aboutissants sont ici plus difficiles à déceler, moins clairs qu’ils ne le sont en Catalogne. Le conflit ne prend pas la forme d’une lutte entre deux conceptions du pouvoir : les comtes et leur justice semblent bien affaiblis dès le début du xi^e siècle, contestés par des vicomtes et autres seigneurs : la mutation féodale s’est faite progressivement, non pas dans une crise aiguë et violente178. Cette aggravation des conflits nous semble cependant opérante pour expliquer l’intervention de Barcelone et la « vente » des comtés dans les années 1067-1070. Les comtes de Toulouse sont relativement abstentionnistes et ceux de Carcassonne déchirés par des querelles intestines. Le destin de cette famille de Carcassonne surtout ne laisse pas d’étonner : presque tous ses éléments masculins disparaissent dans les années 1060.

1 - La disparition du lignage de Carcassonne

46La recrudescence des conflits qui se fait jour dans les années 1050 et 1060 n’est pas uniquement un effet de la documentation. Les hostilités, qui semblaient auparavant sporadiques et n’impliquaient que les deux protagonistes, dessinent en ces années le contour de vastes coalitions où les forces en présence sont unies par des intérêts et surtout des adversaires communs.

47En Languedoc, l’opposition à la nouvelle puissance des comtes de Carcassonne et les démêlés pour la succession des vicomtés de Béziers et d’Agde soudent les familles vicomtales de Narbonne, Rouergue-Millau et Anduze. Plusieurs mariages ont scellé cette alliance179. Dans les années 1050, le comte de Carcassonne Pierre Raimond a battu le vicomte de Millau auquel il impose de livrer des otages, garants pour une somme de 10 000 sous, l’affaire est d’importance180. On se souvient aussi que Bernard Pelet a attaqué Loupian, château de la vicomté d’Agde dont le détenteur est le comte de Carcassonne.

48Mais l’affaire la plus retentissante se noue autour des différends qui opposent le vicomte de Narbonne à l’archevêque de la même cité. La plainte de Bérenger contre Guifred en 1059 est bien connue et maintes fois commentée181. Il y apparaît que Guifred, archevêque de Narbonne, fils du comte de Cerdagne, s’est allié à Pierre Raimond de Carcassonne. Aux dires de Bérenger, le comte avait pourtant violé la Trêve, mais l’archevêque le défendit, le prenant sous sa potestas, faisant ainsi obstacle à la justice182. Nous voyons s’ébaucher une ligue unissant Carcassonne et Cerdagne, que nous retrouverons plus loin. Le conflit rebondit à Narbonne où il apparaît dans une dizaine de textes d’environ 1066-1070 que l’archevêque est à nouveau en guerre contre le vicomte. Le dossier est compliqué par le fait que ces actes sont non datés, ou mal datés pour ceux qui le sont. Si le vicomte qui est mentionné en février 1067 aux côtés du comte de Barcelone est bien Bérenger, tous les autres textes doivent être postérieurs puisqu’il n’est plus cité. Le vicomte, qui avait sans doute besoin d’argent pour financer sa politique belliciste, y engage des biens à Ramon Berenguer I^er pour la somme non négligeable de cent onces et cinquante mancusos. L’or barcelonais commence à couler en Languedoc et à aiguiser les appétits.

49Bérenger disparu, la guerre contre l’archevêque se complique d’un conflit entre les fils du vicomte183 pour le contrôle de la vicomté. Bernard Bérenger évince son frère de sa moitié des droits, et reprend la guerre contre l’archevêque, aidé vraisemblablement par Raimond de Saint-Gilles qui se dit alors comte de Rouergue. Les griefs qui leur sont reprochés sont graves : ils ont fait consacrer des évêques sans (contre) l’accord de Guifred184 ; ils lui ont pris sa cathédrale, ses murailles, ses tours, son « capitole », ses parts des revenus urbains (droits sur les marchés, sur les cens, sur les pêcheries) ; ils l’ont empêché d’entrer et sortir librement de la cité. Tout cela est détaillé dans l’accord et le serment que le comte Raimond s’engage à respecter envers Guifred185. Il promet de restituer tous ses biens et droits à l’archevêque et de les faire respecter par Raimond Bérenger186 et par Garsinde la veuve de Bérenger, et par ses fils Bernard Bérenger et Pierre Bérenger. Raimond Bérenger, fils de Richarde, et Pierre Bérenger, fils de Garsinde, font rapidement la paix avec l’archevêque187. Mais l’autre vicomte, Bernard Bérenger, ne se soumet pas et reprend le harcèlement188. Et son frère évincé de la vicomté, Raimond Bérenger, s’en va chercher de l’aide du côté des Trencavel, à qui il promet de donner une série de châteaux en Biterrois si jamais il récupérait Narbonne189. Ce conflit impitoyable dut avoir lieu en un temps très court, entre la disparition du vicomte Bérenger (1067 ?) et l’apparition du nouveau vicomte de Narbonne, Aimeric, en 1071, fils du belliqueux Bernard Bérenger. Ce qui ne laisse pas d’étonner, c’est la disparition, ou l’éviction, dans ce bref intervalle des deux fils de Bérenger et de la plupart de leur progéniture masculine.

50Les alliances nouées à l’occasion de ce conflit étoffent les coalitions ébauchées plus haut : Pierre Raimond, comte de Carcassonne et vicomte de Béziers-Agde, soutient l’archevêque contre Bérenger de Narbonne. Le vicomte de Narbonne, qui a depuis le x^e siècle de nombreux droits en Biterrois, nous l’avons déjà vu, et qui soutient traditionnellement l’évêque de Béziers contre le vicomte de la cité, est allié avec les familles de Millau et d’Anduze, qui ont tout autant que lui intérêt à affaiblir le vicomte de Béziers-Agde, comte de Carcassonne. Quand des dissensions apparaissent entre deux héritiers à Narbonne, le frère évincé cherche des alliés dans la coalition adverse, qui unit Carcassonne, Cerdagne et les vicomtes Trencavel, eux-mêmes pris en tenaille à Nîmes entre Anduze et Narbonne-Toulouse. Raimond de Saint-Gilles, qui a pris un temps le parti du vicomte de Narbonne, joue ensuite l’apaisement.

51À Carcassonne, les déchirements sont encore plus cruels puisqu’ils vont entraîner la disparition de la maison comtale. Nous avons déjà vu combien les questions successorales ont divisé le groupe familial, nous pouvons maintenant tenter d’en retracer un scénario plausible. Après un accord à l’amiable (vers 1020 ?) où les deux fils de Raimond se sont partagé par moitié l’héritage de leurs père et grand-père190, Pierre Raimond, vers les années 1040, a évincé son frère Guilhem qui s’en est allé chercher de l’aide à… Narbonne. Celui-ci a en effet prêté serment au vicomte Bérenger en excluant de combattre, entre autres, Pierre Roger, évêque de Gérone191. Un des fils de ce comte Guilhem, nommé Raimond Guilhem, a épousé une certaine Richarde dont le nom renvoie encore au conglomérat familial Millau-Narbonne192. Le comte Guilhem et son fils Raimond Guilhem ont disparu avant la fin des années 1060, et c’est aux deux autres fils de Guilhem, Pierre Guilhem et Bernard Guilhem, que les comtes de Barcelone rachètent leurs parts de l’héritage familial pour une somme ridicule comparée aux flots d’or qui inondent le reste des ayants droit193 : il semble donc que la manœuvre de Pierre Raimond ait réussi et qu’il ait dépossédé son frère et ses neveux.

52Mais surgit face à lui une autre branche de la lignée, autrement plus dangereuse, alliée, qui plus est, au vieil évêque de Gérone, toujours partie prenante très active des affaires familiales. Celui-ci a pris le parti de Guilhem, nous venons de le voir, mais surtout a conclu une série d’accords avec les comtes de Foix, cousins de ceux de Carcassonne, descendants comme eux de Roger le Vieux. Pierre de Gérone et Roger de Foix se sont partagé Carcassonne, sa cité et son comté, sans faire aucunement mention des droits de Pierre Raimond, le comte194. À la mort de Pierre Raimond vers 1060, Roger de Foix, fils de Garsinde, semble avoir gagné la partie : il impose un serment à Roger de Carcassonne, fils de Pierre Raimond et de Rangarde195. Cette lutte entre Carcassonne et Foix s’insère parfaitement dans les conflits qui ont opposé les comtes de Cerdagne à leurs propres vicomtes, longuement analysés par P. Bonnassie196. Des années 1040 aux années 1060 sévit en effet en Cerdagne une longue guerre, scandée par plusieurs éphémères tentatives de conciliation. Il en ressort que le vicomte de Cerdagne, Bernard Seniofred, revendiquait le contrôle du col de Puymorens et du péage d’Yravals en Cerdagne et que sa famille avait acquis des biens sur le versant ariégeois du col, à Mérens197. Le comte de Cerdagne fit juger son vicomte à deux reprises, sans résultat. La reprise des hostilités nous est révélée dans les années 1060 par le fameux serment collectif des habitants de Mérens au comte de Cerdagne, où ils s’engagent à ne jamais faire la paix avec « Bernard qui fut vicomte de Cerdagne », et à aider le comte, si jamais Roger comte de Foix voulait lui prendre la villa198. Le vicomte semble néanmoins conserver son titre et ses châteaux puisqu’il prête serment au nouveau comte, Guillem Ramon, après 1068199. Et le comte de Cerdagne continue d’intriguer en haut pays de Foix puisqu’il reçoit plusieurs serments de magnats du Sabartès pour Ax et Lordat, peutêtre d’un successeur des Amelii et de façon certaine de la famille de Niort de Sault dont le seigneur Guilhem Raimond vient d’épouser sa fille200. De ce bref rappel des événements de Cerdagne, on peut conclure que les luttes pour le contrôle du Puymorens font apparaître une collusion entre le vicomte de Cerdagne et le comte de Foix, contre le comte de Cerdagne, qui de son côté tente de s’infiltrer par le Puymorens dans le sud du comté de Foix en s’appuyant sur des seigneurs du Razès ou du pays de Foix.

53Ces oppositions éclairent quelque peu la situation du comté de Razès. On peut supposer que les comtes de Carcassonne y ont soutenu les deux Raimond (l’époux et le fils de Béliarde)201, alors que la branche de Foix serait alliée de ces Arnaldi de la parenté des vicomtes de Carcassonne, qui ont disputé le château de Rennes dans les années 1030. Serait-ce aussi à ce groupe familial qu’appartenait le chevalier pendu par Pierre Raimond en période de Trêve, un parent du vicomte de Narbonne202 ? Et ne peut-on y rattacher cette lignée qui prend le surnom justifié de Batalla, et qui commet des méfaits en Razès au début des années 1060 ? Les trois frères qui sont contraints de céder aux comtes de Carcassonne leurs châteaux de Prouille et de Mirepoix sont en effet fils d’une certaine Trudgarde, nom assez rare que l’on retrouve, comme par hasard, dans la lignée vicomtale de Narbonne203, mais aussi dans la famille comtale d’Ampurias-Roussillon204.

54En ce milieu de xi^e siècle cependant, l’élément qui marque sans doute le mieux les déchirements internes à la lignée issue de Roger le Vieux, c’est le choix des dévotions. J.-L. Biget a déjà souligné la vive concurrence qui oppose en Languedoc la congrégation clunisienne à celle de Saint-Victor, et les choix anti-toulousains qu’impliquaient les donations à l’abbaye marseillaise205. Comme les Trencavel (qui ont donné à Saint-Victor Ambialet, Sorèze et Castres206), les comtes de Carcassonne ont choisi les Victorins207. En revanche, leurs cousins de Foix suivent les comtes de Toulouse dans leur piété clunisienne : le clivage entre les deux grandes congrégations religieuses passe au milieu de la famille comtale carcassonnaise208. Les comtes de Foix ont en effet confié aux Clunisiens les deux grandes abbayes de leur pays, Frédelas209 et Lézat210, et Roger II a de plus effectué une donation à Cluny en 1074211. Entre Foix et Carcassonne, on en était véritablement à couteaux tirés – épées dégainées conviendrait mieux. On peut pratiquement parler de suicide collectif de la lignée issue de Roger le Vieux. Ne survivent aux luttes de ces années que deux ex-comtes à Carcassonne, les deux fils de Guilhem212, et deux jeunes comtes à Foix, Roger II et son frère Pierre. Et des femmes… qui vont apporter leur part de droits dans les maisons de leurs époux. Tous les autres membres masculins du lignage ont disparu, certains chargés d’ans et peut-être de leur belle mort, comme Pierre Raimond213, mais d’autres certainement encore jeunes et vigoureux214.

55Les grands comtés limitrophes, Toulouse-Rouergue et Barcelone, nous sont apparus relativement absents de ces conflits des années 1050-1060. Ces comtes sont parfois mentionnés dans des serments de fidélité : ils sont exceptés dans quelques alliances offensives215. Il n’y a d’ailleurs pas encore d’antagonisme entre Toulouse et Barcelone ; la politique barcelonaise d’expansion au nord des Pyrénées n’est pas encore d’actualité dans cette première moitié du xi^e siècle. Même le remariage d’Almodis qui aurait pu créer des tensions n’entraîne apparemment pas d’inimitiés entre les fils de ses deux lits216. Toulouse est le grand défenseur de Moissac et Cluny, alors que les Catalans soutiennent Saint-Victor. Mais les Toulousains s’allient au comte de Foix et les Barcelonais s’opposent aux comtes de Cerdagne : ils seraient tous à situer dans la ligue « anti-Carcassonne » dans les années 1060. Le silence du comte de Barcelone s’explique aisément : il est accaparé par la « sédition des féodaux » jusqu’à la fin des années 1050217 ; il intervient cependant contre Guifred de Cerdagne quand les menées de celui-ci le menacent directement218.

56L’attitude de Toulouse paraît plus complexe. Cela tient, à notre sens, à la fois à la géographie politique et aux circonstances. Guilhem Taillefer s’occupait sans doute principalement des affaires provençales. L’activité de son fils Pons, comte dans les années 1040-1060, est peu documentée, mais il est certain que c’est lui qui inaugura la dévotion clunisienne du milieu du xi^e siècle219, politique que poursuivit son fils Guilhem par sa fidélité à Moissac220. Au cours de la période critique, à la fin des années 1060, Raimond de Saint-Gilles est occupé à conquérir le Rouergue après la mort de Berthe, la dernière descendante de la branche rouergate de la famille, vers 1065221. Il intervient aussi à Narbonne, où il semble quelque peu impliqué dans le conflit. Les Toulousains seraient donc à ranger dans le clan anti-Carcassonne, et pas seulement à cause de leur engagement clunisien. Néanmoins, la faiblesse de Toulouse en Languedoc occidental n’est pas seulement conjoncturelle, mais aussi structurelle222. On peut en effet remarquer que ce comté, si prestigieux soit-il, a une assise foncière et châtelaine assez réduite. On peut certes être abusé par l’absence de sources. Mais au nord et à l’est, Villemur, Lavaur, Saint-Félix échappe à Toulouse au profit des Trencavel, au sud on ne rencontre aucun comte à Lézat, Muret semble ne plus être sous leur contrôle, de même que tout le sud de l’ancien pagus tolosanus, le futur comté de Foix, et à l’ouest la forêt de Bouconne, forêtfrontière avec la Gascogne, est bien proche de la cité. L’assise foncière est aussi fort restreinte en Toulousain si l’on en croit les testaments conservés. Le pouvoir comtal sur Toulouse-même semble contesté dès cette période précoce par les ducs d’Aquitaine, avant le mariage de la fille de Guilhem IV, Philippa, avec le duc Guillaume IX et avant l’invasion de celui-ci, vers 1098223. L’impression se dégage que les comtes francs ont tiré beaucoup de prestige du renom de la cité, ancienne capitale du royaume wisigothique, mais que leurs bases étaient ailleurs, plus loin vers le nord-est, vers le Rouergue. Dans les conflits qui nous intéressent, les comtes de Toulouse ne seraient donc pas seulement absentéistes ou occupés ailleurs, mais bien gênés pour intervenir, privés de bases et de clientèles locales.

57Dans toutes ces confrontations des années 1050-1060, les intérêts et les adversaires communs (Anduze, Millau, Narbonne) ont sans cesse renvoyé les vicomtes Trencavel vers l’alliance avec Carcassonne ; on ne peut dès lors s’étonner du beau mariage conclu par Raimond Bernard Trencavel qui épousa Ermengarde, fille du grand Pierre Raimond et sœur du dernier comte de Carcassonne, Roger. Nous verrons que cette union fit la fortune de la lignée vicomtale, et lui permit de réunir une vaste domination jusqu’à la mer en Bas-Languedoc et jusqu’au cœur des Pyrénées en Razès. Le vicomte a peut-être pris part aux combats des années 1060 ; il y aurait gagné le surnom qui deviendra celui de sa lignée, Trencavel, le pourfendeur.

2 - La « vente » des comtés de Carcassonne et de Razès

58Le Languedoc des années 1060 est donc apparu particulièrement divisé, des oppositions communes ont créé des alliances objectives. Les descendants de Roger le Vieux et ceux de Bérenger de Narbonne se sont déchirés, la guerre fait rage un peu partout. Le lignage de Carcassonne n’a plus de véritable chef, et Toulouse, relativement absent, ne prend pas le relais. Il apparaît que Barcelone est venu cueillir un fruit mûr. Il ne semble pas que les Catalans aient dû vaincre militairement pour obtenir ces concessions, bien que la forme qu’elles ont prise, celle de la guirpitio, pourrait y faire penser. Ils se bornèrent sans doute à les obtenir grâce à de l’or, mais la situation qui prévalait en Languedoc a sûrement facilité leur intervention, si elle ne l’a pas provoquée.

59Cette série d’accords, connue depuis longtemps, a suscité de nombreuses interprétations. En dernier lieu, F. Cheyette a publié un article très complet et très suggestif, qui fait le point sur les connaissances et propose des pistes nouvelles de recherche224. Il appelle plusieurs commentaires que nous formulerons au gré des développements.

Les textes et leur datation

60Le dossier des acquisitions des Barcelonais en Languedoc se compose de treize textes, des accords entre d’une part Ramon Berenguer I^er et Almodis, et d’autre part Raimond Bernard Trencavel et Ermengarde (sept actes225), Guillem Ramon comte de Cerdagne (un acte226), Pierre Guilhem et Bernard Guilhem (un acte227), Bernard Odo de Niort (un acte228), Rangarde (un acte229), Adalaïs (un acte230), et Guilhem comte de Toulouse (un acte231). S’y ajoutent une convenientia antérieure entre Rangarde et Guillem Ramon comte de Cerdagne232, un grand nombre de serments dont beaucoup sont perdus233, et une memoria bien postérieure où les faits sont relatés et certainement transformés234. Les protagonistes principaux sont tous bien connus, sauf Pierre Guilhem et Bernard Guilhem qui sont, selon toute vraisemblance, fils du comte Guilhem et cousins germains d’Ermengarde.

61Les datations posent en revanche des questions beaucoup plus compliquées à débrouiller. Il nous faut tout d’abord signaler quelques erreurs manifestes. Celle de l’acte 482 du cartulaire des Trencavel, daté MCLXVII, est facile à rectifier. Mais, deux actes du Liber Feudorum sont datés du 6^e jour des calendes de janvier (27 décembre), l’un de la huitième, l’autre de la neuvième année de Philippe I^er235. Cette coïncidence des dates à un an d’intervalle paraît invraisemblable, une erreur de scribe probable, mais laquelle des deux dates faut-il retenir ? Les problèmes deviennent encore plus ardus quand on entre dans les subtilités du calcul des années. Nous avons par exemple quatre textes du début d’un mois de mars, un du 1^er, trois du 2 mars. Or le premier est daté MLXVIII, les trois autres MLXVII. Logiquement, ces textes devraient être contemporains : il faudrait donc supposer un calcul pisan pour le premier236, florentin pour les trois autres, et rétablir 1068 pour tous. Les deux computs possibles devront donc être pris en compte pour la rectification des dates. De même pour l’année de règne de Philippe I^er, doit-on retenir comme origine la date du sacre (23 mai 1059) ou la date de la mort d’Henri I^er (4 août 1060)237 ?

62La combinaison de ces deux façons de compter les années amène dans certains cas à des dates assez sûres : ainsi la convenientia entre la comtesse Rangarde et son gendre le comte de Cerdagne est du 13 mars 1067238. Mais dans d’autres cas, tous les modes de datation sont impossibles à accorder, ce qui permet de supposer soit des erreurs de copistes, soit une mauvaise connaissance du jour de l’accession au trône du roi. Annonciation tantôt pisane, tantôt florentine, règne tantôt depuis le sacre, tantôt depuis la mort du prédécesseur, toutes les solutions semblent avoir été utilisées tour à tour, compliquant sérieusement la compréhension des événements et leur déroulement.

63En effet, ces constatations ne sont pas de pures divagations érudites, elles ont pour conséquence de remettre en cause la chronologie généralement adoptée pour ce dossier de textes. Or celle-ci sert souvent d’argument pour l’interprétation, par exemple en ce qui concerne l’antériorité de l’accord avec Guillem Ramon de Cerdagne qui n’est pas formellement prouvée239. Nous proposons donc de considérer le groupe de textes en prenant en compte non leur chronologie, qui nous semble impossible à établir rigoureusement, mais les protagonistes, et d’analyser pour chacun d’eux ce qui a été cédé et comment cela l’a été.

Les accords avec Raimond Bernard Trencavel et Ermengarde

64Les couples languedocien et barcelonais ont conclu ensemble sept conventions. Dans l’ordre adopté par F. Cheyette, cette série commence par une guirpitio de Ramon Berenguer et d’Almodis en faveur de Raimond Bernard et d’Ermengarde, le 1^er mars 1068240. Trois autres actes suivent immédiatement, datés du 2 mars 1068 : la vente du Razès, la guirpitio de la cité et de la vicomté de Carcassonne par Raimond Bernard et Ermengarde en faveur de Ramon Berenguer et d’Almodis, et l’inféodation des biens des anciens comtes dans les comtés de Carcassonne et de Toulouse, du couple barcelonais avec leur fils Ramon Berenguer, aux Languedociens241. Cette inféodation a été suivie d’un serment, malheureusement perdu242. S’y ajoute une convenientia qui met au point des détails concernant la succession de tous les biens mentionnés243. Deux textes postérieurs sont généralement datés de 1070. Le premier est du 26 juin, il s’agit d’une nouvelle vente de Raimond Bernard et sa femme, cette fois-ci de tous leurs droits dans les comtés de Razès, Couserans, Comminges, Carcassonne, Narbonne et Toulouse244 ; elle est peut-être suivie d’un serment245. Cet acte est complété par une convenientia qui règle le sort des abbayes de Valsiger et de Caunes, que les Trencavel tiendront en fief des comtes de Barcelone246.

65Ce dossier de neuf textes est à notre avis à considérer en bloc, sans isoler les textes de « 1070 »247, et leur chronologie interne est à réviser. F. Cheyette a en effet accepté sans véritablement les discuter les datations rectifiées des éditeurs du Liber Feudorum, sans envisager celles, différentes, des Bénédictins.

66Pour des raisons à la fois logiques et chronologiques, il nous semble que les règlements concernant les comtés de Carcassonne et Razès ont été faits en trois temps.

67- Premières opérations en 1067, le 2 mars : trois accords sont conclus ce jour-là248. Les deux premiers sont des cessions monnayées. Les Trencavel déguerpissent la cité de Carcassonne, ses bourgs, leudes, monnaie, marchés, justices, dîmes, prémices, toute la vicomté, l’évêché, l’abbaye Sainte-Marie, le castrum de Couffoulens et la villa de Cazilhac, les abbayes de Lagrasse et Saint-Hilaire, les fiefs tenus par Pierre Raimond comte de Carcassonne du comte de Toulouse en Carcassès et en Toulousain, les alleux et les fiefs tenus par Roger comte de Foix ; tout cela contre 1 100 onces d’or249. Puis les vicomtes cèdent le comté de Razès en alleu pour 1 000 onces250. Plusieurs remarques s’imposent à propos de ces cessions de droits. Alors que c’est le comté de Razès qui est vendu, il n’est nulle part fait mention du comté de Carcassonne, mais seulement de la cité, de l’évêché et de la vicomté. Le Razès est cédé en alleu, mais les droits sur Carcassonne sont seulement remis dans la potestas du comte. Tout cela pourra expliquer des différences de traitement entre le deux comtés que nous verrons plus loin. D’autre part, seuls quelques fiefs sont détenus du comte de Toulouse en Carcassès et en Razès et non tous les droits, comme cela a été dit. Les alleux, les fiefs « et tout l’honor qu’avait Roger comte de Foix du temps du comte Pierre Raimond et de son fils Roger » sont aliénés sans qu’il soit fait aucune mention des héritiers de la branche de Foix encore en vie, ce qui corrobore l’idée d’un conflit ouvert entre les Carcassonnais et les Fuxéens.

68Le dernier texte du 2 mars est une restitution en fief par les comtes de Barcelone251 aux vicomtes, mais seulement des fiefs que Pierre Raimond et Roger tenaient des comtes de Toulouse dans les comtés de Carcassonne et de Toulouse252. En sont exclus explicitement tous les autres droits en Carcassès déguerpis auparavant253, mais les comtes y ajoutent les abbayes de Valsiger et de Caunes dont il n’était pas fait mention, la moitié des justices254, la leude de Valsiger et la moitié de toutes les leudes du comté255, l’abbaye de Caunes256 et son albergue ainsi que la moitié de toutes les albergues du comté. Il est aussi stipulé que l’évêque et le vicomte de Carcassonne devront être les hommes du Trencavel et lui jurer fidélité, avec une réserve de fidélité pour le comte de Barcelone, que la moitié du donum payé par l’évêque reviendra au Trencavel et que le vicomte tiendra la moitié de la vicomté de la main du Trencavel. Cet acte fut sans doute suivi par un serment de fidélité pour ce fief, mais celui-ci est malheureusement perdu257. Le même mécanisme de reprise en fief fut peut-être aussi utilisé pour le Razès : une autre rubrique du Liber Feudorum mentionne un serment non daté, perdu lui aussi, consécutif à une vente258.

69À l’issue de l’analyse de ces trois textes, l’on peut remarquer que, si la situation du Razès semble à peu près claire (le comté et tous les droits ont été cédés en alleu, et peut-être repris en fief), l’enchevêtrement des droits sur Carcassonne est singulièrement compliqué. Les comtes de Barcelone ont acquis la cité de Carcassonne et ses bourgs, le castrum de Couffoulens, la villa de Cazilhac et les abbayes de Lagrasse et de Saint-Hilaire. Ils ont aussi obtenu l’évêché et la vicomté, mais les droits comtaux sont partagés par moitié, bien que le comte de Barcelone ou son héritier soient explicitement appelés « comtes de Carcassonne » dans le texte. Le statut des Trencavel paraît alors particulièrement flou : ni comtes, ni vicomtes, ils ont cependant la moitié des droits comtaux. Si nous avions pu déceler un conflit avec Foix, il semble aussi possible de détecter une hostilité envers Toulouse : les seuls biens explicitement repris en fief des comtes de Barcelone sont les droits que les anciens comtes de Carcassonne tenaient des comtes de Toulouse259.

70- Deuxième temps des accords : mars 1068. Le texte en est conservé uniquement dans le cartulaire des Trencavel260, où il est daté des calendes de mars MLXVIII. C’est une guirpitio de Ramon Berenguer et d’Almodis en faveur de Raimond Bernard et Ermengarde. Il peut paraître curieux de dater ces deux séries de conventions des 1^er et 2 mars à un an d’intervalle, mais, si ce texte du 1^er mars était antérieur aux autres, comment les comtes de Barcelone auraient-ils pu déguerpir, en 1067, des biens qu’ils n’avaient pas encore acquis ? De plus le texte du 1^er mars, comme la convenientia non datée que nous analyserons plus bas, comportent plusieurs signatures de prélats : ces accords de 1068 furent sans doute conclus pendant le concile de Gérone, présidé par le cardinal Hugues Le Blanc légat d’Alexandre II261. Si la transcription du cartulaire des Trencavel est juste, le Razès n’est pas concerné par ce déguerpissement. Le texte en est : guirpimus et diffinimus et evacuamus… totos ipsos castros, villas et alodes… quos Petrus Raimundus comes et Rogarius filius eius habuerunt et tenuerunt et homines per illos in comitatu Carcassensi aut femine [et non Redensi], et in comitatu Tolosano et in comitatu Narbonensi et Menerbensi…262. Cet accord, comme l’inféodation de l’année précédente, est fait entre les deux couples et leurs enfants respectifs263. Cette rétrocession de droits complète tout à fait la restitution en fief de l’année précédente : Ramon Berenguer et Almodis déguerpissent les châteaux, villae, églises et alleux que possédaient les derniers comtes de Carcassonne dans les comtés de Carcassonne, Toulouse, Narbonne et Minerve ; en sont exceptés le castrum de Couffoulens et la villa de Cazilhac264.

71Un deuxième texte semble aussi se rapporter à mars 1068 : une convenientia non datée, passée entre les deux couples et leurs enfants respectifs, où ils se promettent une mutuelle succession en cas de prédécès, si l’un des couples n’a pas de descendant légitime265. Elle concerne l’honor qu’avaient Pierre Raimond et Roger en Razès, Carcassès, Narbonnais, Minervois et Toulousain. Elle se termine sur une interdiction d’aliéner266 ces domaines, si ce n’est entre les deux couples.

72- Dernier acte : juin 1069. Les deux ultimes textes des transactions entre les couples languedocien et barcelonais, une vente et une convenientia, sont datés des 26 et 27 juin de la onzième année du règne de Philippe I^er, de l’an de l’Incarnation millesimo septuagesimo et de l’année de l’ère d’Espagne MCVIII. Ils ont toujours été donnés de 1070, alors que la seule date faisant coïncider toutes ces données est 1069267. La vente est alors beaucoup plus complète que toutes les cessions faites jusque là : Raimond Bernard et Ermengarde aliènent cette fois-ci tous leurs droits dans les comtés de Razès, Couserans, Comminges, Carcassonne, Narbonne et Toulouse, pour 2 000 onces d’or268. Le Razès est ici traité de la même façon que les droits dans les comtés de Carcassonne, Narbonne et Toulouse, mais sont aussi ajoutés ceux de Couserans et Comminges qui n’avaient pas encore été évoqués. La volonté d’exhaustivité et les redondances du texte sont tout à fait remarquables : les droits, ce sont omnes voces et dretaticos, possessiones vel auctoritates, quas nos habeamus vel habere debemus, et homines vel femine habent vel habere debent per nos per fevos, vel per alodia, vel per bajulias, sive per conveniencias vel per qualescumque voces ; tous les comtés où les comtes de Carcassonne ont jamais eu quelque bien sont cités ; on ne se contente plus d’évoquer les droits des deux derniers comtes, mais on fait ici remonter la généalogie jusqu’à la fin du x^e siècle, à Roger I^er269 ; enfin l’acte est souscrit par Guilhelma, la fille du couple vicomtal, Rangarde la mère et Adalaïs la sœur d’Ermengarde270. Il est précisé que la vente inclut les castra d’Ornaisons et de Peyriac (dans le comté de Narbonne), mais exclut les alleux de Guilhem, dernier vicomte de Béziers, dans les comtés de Narbonne et Minerve, et les fiefs que Pierre Raimond y avait de l’archevêque de Narbonne ; sont aussi exclues les abbayes de Valsiger et Caunes qui font l’objet, à part, du dernier texte de notre série. Cette vente complète et étend les cessions antérieures, mais en aucun cas ne se substitue à elles271.

73Il semble néanmoins que le climat ait quelque peu changé en cette année 1069 : le dernier acte, conclu le lendemain, une convenientia réglant l’inféodation des abbayes de Valsiger et Caunes272, témoigne d’une méfiance absente des premières transactions. Les deux abbayes sont données en fief, avec en contrepartie un devoir de servir le comte, mais il est interdit aux vicomtes d’en aliéner quoi que ce soit, et les deux abbayes devront rester telles qu’elles étaient le jour où deux otages ont été remis aux comtes de Barcelone273. Cette première allusion à des otages, qui atteste de soupçons manifestes sur la sincérité des vicomtes, est corroborée par la fin du texte, où sont longuement détaillées des clauses en cas de rupture des deux accords du 26 et du 27 juin, et où sont donnés en caution non plus deux, mais sept otages274. Si les vicomtes enfreignaient les conventions, les comtes lanceraient une semonce : les garants auraient alors vingt jours pour amener les vicomtes à réparer financièrement (emendare) le tort qu’ils auraient fait. S’ils ne le faisaient pas dans les vingt jours, les otages auraient dix jours pour se remettre dans le pouvoir des comtes, dans la cité de Carcassonne ou dans les châteaux de Saissac, Laurac ou Rennes (avec interdiction d’en sortir sans l’autorisation des comtes). Serait alors organisé un duel judiciaire dont les modalités d’organisation sont abondamment détaillées275. Si l’un des otages venait à mourir, les vicomtes devraient le remplacer par un homme aussi important (non minus valens).

74Ces clauses pléthoriques, réglant par avance le cas d’une infraction aux conventions, montrent le peu de confiance qu’ont les comtes en 1069 ; les Trencavel auraient-ils déjà manifesté des velléités d’indépendance ? Quoi qu’il en soit, ces derniers textes complètent, couronnent en quelque sorte toute la série des arrangements. Raimond Bernard et Ermengarde ont maintenant cédé tous leurs droits, avec l’accord des ayants droit survivants de la branche carcassonnaise ; ils ont ensuite tout repris en fief, si l’on rapporte à cette vente un des serments perdus du Liber Feudorum276.

Les autres conventions

75– Avec le comte de Cerdagne

76Le déguerpissement rémunéré que fait Guillem Ramon comte de Cerdagne à Ramon Berenguer I^er et Almodis pose en premier lieu un nouveau problème de datation277 : le plus vraisemblable est néanmoins d’accepter la date traditionnelle du 27 décembre 1067. Ce texte serait donc postérieur de six bons mois aux premiers accords avec les Trencavel et non antérieur, comme l’admettait avec quelque gêne F. Cheyette.

77Le comte de Cerdagne commence par expliciter l’origine des droits qu’il va céder : ils lui ont été donnés par Rangarde qui les avait elle-même reçus de son mari le comte Pierre (Guillem Ramon a épousé Adalaïs, fille de Rangarde). Nous avons en effet conservé une convenientia entre le comte de Cerdagne et la comtesse de Carcassonne, faite le 13 mars 1067 à Davejean en Terménès278, dont rien ne dit que c’est un « contrat de mariage »279 – le couple y apparaît déjà marié. L’accord porte sur Rennes, avec son comté, ses abbayes et tous les droits, et Rangarde promet de remettre ses châteaux dans le pouvoir de Guillem Ramon et de les lui faire jurer par leurs actuels castlans. Le texte n’est pas une véritable cession, mais une institution de coseigneurie : le comte de Cerdagne et Rangarde détiendront tout cela conjointement, tant que Rangarde sera en vie280 ; après sa mort, le tout reviendra au comte de Cerdagne, sa femme et leurs enfants. Suivent deux serments réciproques prêtés dans les mêmes termes.

78Si l’on compare les domaines dont il est ici question et ceux que le comte de Cerdagne cède au comte de Barcelone, on ne peut que remarquer un certain hiatus. Guillem Ramon déguerpit en effet tous les biens que lui a donnés Rangarde, et qu’elle tenait elle-même de son mari, dans la cité de Carcassonne, son comté et son évêché, et dans le comté de Razès, ainsi que tous les droits à la succession de sa fille Adalaïs. Carcassonne n’est pas mentionnée dans le premier accord du 13 mars 1067, ni ces droits de Rangarde ou d’Adalaïs à la succession de Pierre Raimond. De deux choses l’une : soit ils avaient été l’objet d’une convention antérieure (peut-être alors un contrat de mariage), soit Guillem Ramon s’arroge le droit de céder les prétentions de sa femme à la succession de Carcassonne. La cession au comte de Barcelone du 27 décembre ne renvoie donc pas exactement à l’accord du 13 mars. On ne peut pas dire que le comte de Cerdagne a acquis des droits de Rangarde pour pouvoir les revendre à Barcelone281.

79Après avoir précisé l’origine de ses droits, Guillem Ramon les déguerpit en faveur du comte de Barcelone : la formule, là encore, a de quoi étonner. Il donne « et la personne d’Adalaïs, et tous les droits qu’il a par Rangarde ou par Adalaïs sa fille »282 ; plus loin, récapitulant sa donation, il dit « je déguerpis tant ces personnes que toutes les autres choses »283. Tous les auteurs jusqu’ici, y compris F. Cheyette, en ont conclu que Guillem Ramon, avec la succession de Carcassonne, cédait sa femme aux comtes de Barcelone284. Cette proposition nous semble totalement inacceptable. Il paraît effectivement impossible que le comte de Cerdagne ait « vendu » sa femme en même temps que les droits. Le plus vraisemblable est qu’il y a eu une erreur de lecture : ce texte ne nous a en effet été transmis que par sa transcription par Pierre de Marca285. On peut supposer qu’il ait mal lu le mot qui devait être possessiones ou porciones286. Adalaïs n’est donc pas un objet de la transaction, même s’il est manifeste qu’elle ne l’approuve pas, non plus que sa mère Rangarde (elles ne la souscrivent pas et elles n’en viendront à traiter toutes deux que deux, voire trois ans plus tard). En contrepartie de son déguerpissement, Guillem Ramon reçoit 4 000 mancusos, soit 400 onces d’or287.

80– Avec Pierre Guilhem et Bernard Guilhem

81Ces deux personnages, moins connus que tous les autres protagonistes des transactions, doivent être deux fils du comte Guilhem, frère de Pierre Raimond, des cousins donc d’Ermengarde et Adalaïs. Ils portent en effet le nom patronymique de Guilhem (au génitif en latin), et ils ont par euxmêmes une partie des droits à la succession qu’ils vendent : illas nostras hereditates, partes vel porciones, que nobis advenerunt vel advenire debuerunt288. Ils explicitent même : Advenerunt hec omnia per successiones vel hereditates parentum nostrorum vel per qualescumque voces ; ils appartiennent donc à la famille comtale. Sont cédées toutes leurs prétentions à la succession sur la cité, le comté, l’évêché de Carcassonne, le castrum et le comté de Rennes, le comté de Narbonne, mais elles doivent être bien minces puisqu’ils ne reçoivent en tout et pour tout que 500 mancusos, soit 50 onces d’or. S’ils sont bien les fils de Guilhem, ils devraient avoir des droits égaux à ceux d’Ermengarde ou d’Adalaïs. Cela tendrait à corroborer notre hypothèse selon laquelle le comte Guilhem fut plus ou moins dépossédé par son frère Pierre Raimond dans la première moitié du xi^e siècle.

82– Avec le seigneur de Niort

83La présence au milieu de ce dossier d’un achat effectué auprès de Bernard Odo, de sa femme Garsendis, de ses fils Guilhem et Bertrand et de sa belle fille Nevia, pose aussi quelques questions. Le seigneur de Niort est certes un allié avéré des comtes de Carcassonne et des comtes de Cerdagne, mais il est le seul noble du Carcassès et du Razès pour lequel on ait un versement de numéraire. Il a en effet « vendu » son château de Dourne289, puis fait serment pour le même château290 : il s’agit donc manifestement d’une reprise en fief des comtes de Barcelone, mais monnayée à un prix non négligeable291. Aucun autre serment pour les châteaux du Carcassès et du Razès n’a été semblablement acheté. On pourrait peut-être proposer un début d’explication : Garsinde, la femme de Bernard Odo, ne serait-elle pas cette troisième sœur d’Ermengarde et d’Adalaïs qui apparaît avec toute la famille dans une donation en 1054 et dont on perd ensuite la trace292 ? Quoi qu’il en soit, cette reprise en fief monnayée fait prendre pied au comte de Barcelone au cœur du Razès.

84– Avec Adalaïs

85En août 1069, Adalaïs en vient elle aussi à traiter avec les comtes de Barcelone, exactement dans les mêmes termes que les Trencavel le 26 juin de la même année293. Elle leur cède tous ses droits à la succession, à l’hereditas patris mei, et fratris mei, seu per maternam vocem, sive per qualescumque voces, vel successionem predictorum parentum vel propinquorum meorum. Seule dans toute la série des acquisitions, cette convention ne comporte pas de prix payé par les Barcelonais. Auraient-ils estimé qu’ils avaient déjà donné pour ces mêmes droits, en décembre 1067, à Guillem Ramon, le mari d’Adalaïs ? Cet acte ne serait-il qu’une laudatio postérieure ?

86– Avec Rangarde

87La comtesse mère en arrive enfin à céder ses prétentions, dernière de tous, le 22 avril 1070, pour une bonne somme de 400 onces d’or294. Ici aussi sont reprises les mêmes listes de droits et d’ayants droit que dans les textes du 26 juin et du 2 août 1069. Mais Rangarde précise le mode de détention de tous les biens qu’elle vend : elle détient jam dicta omnia per voces et dretaticos vel per dimissionem vel jacticionem per scripturam testamenti a jam dicto viro meo, marito vel conjuge mihi factam, sive per meum decimum, sive per luctuosam hereditatem jam dicti filii mei. Elle a donc hérité ses droits de son mari, en vertu de son douaire (decimum, le dixième wisigothique) ou du testament de son mari (dimissionem vel jacticionem per scripturam testamenti), et de son fils, mort peu auparavant (luctuosam hereditatem). Elle énumère un certain nombre de châteaux, points forts importants, inclus dans la vente : Couffoulens295 et Capendu en Carcassès, Rennes et Auriac296 en Razès, Ventajou297 et Peyriac en Minervois.

La portée générale du dossier

88Après cette longue et quelque peu laborieuse mise au point des faits et des dates, que peut-on conclure de ce dossier des acquisitions de Barcelone en Languedoc ? Il faut tout d’abord le remettre dans la perspective du conflit généralisé que nous avons pu déceler dans les années 1060. La branche comtale carcassonnaise voit se dresser contre elle les héritiers de Foix représentés par Roger, mais aussi un des successeurs de Bérenger de Narbonne, son fils Bernard Bérenger, et sans doute aussi les Raimondins en la personne de Raimond de Saint-Gilles qui est en train de mettre la main sur l’héritage de sa cousine du Rouergue298. Or c’est dans ce contexte que disparaît le jeune détenteur du titre comtal de Carcassonne, vers 1066. Il n’est pas invraisemblable de supposer qu’il ait pu mourir les armes à la main. La situation des Carcassonnais paraît alors assez désespérée. Les derniers défenseurs de la lignée sont trois femmes, Rangarde, la comtesse douairière, et ses filles Ermengarde épouse de Raimond Bernard Trencavel et Adalaïs mariée au comte de Cerdagne.

89On peut alors tenter de reconstituer un scénario, qui est seulement vraisemblable. Dans ce contexte de crise, le couple Trencavel met en quelque sorte les droits d’Ermengarde à l’abri en les « confiant » aux Barcelonais ; il faut garder en mémoire qu’Almodis est la tante d’Ermengarde : la recherche d’appuis en Catalogne est tout à fait vraisemblable. L’hostilité envers Foix est dès le début certaine : les droits de la branche fuxéenne sont cédés avec les autres sans consentement, ni avis des intéressés. Envers Toulouse aussi l’animosité est révélée dès les premiers textes, qui font apparaître une véritable rupture du contrat féodal de la part du couple Trencavel. Les fiefs qui étaient tenus des comtes de Toulouse sont repris de ceux de Barcelone, déclaration manifeste d’hostilité. Les Trencavel y gagnent de voir leurs droits reconnus299 et une somme non négligeable de 2100 onces d’or.

90Rangarde, qui s’est peut-être sentie flouée, tente alors de trouver protection en Cerdagne, auprès de la famille de sa seconde fille, des alliés de longue date. Elle institue une coseigneurie sur le Razès, pour une défense conjointe, le danger fuxéen étant là très proche. En décembre 1067, le comte de Cerdagne se retire de la compétition : les raisons de sa décision restent simples conjectures. Aurait-il été battu militairement ? Les textes n’en gardent pas trace. Aurait-il reculé devant l’ampleur que pouvait prendre le conflit et à cause des risques encourus ? Nous n’en saurons sans doute jamais rien ; toujours est-il qu’il monnaya sa neutralité 400 onces d’or. Les deux cousins des héritières en profitèrent pour négocier leur propre renonciation, pour 50 onces seulement, preuve de leur faiblesse tant en droit qu’en fait.

91En 1068, l’affaire fut certainement objet de longues discussions en marge du concile de Gérone. L’alliance tient toujours entre Barcelone et les Trencavel qui obtiennent une rétrocession plus large encore sur l’héritage comtal, et les deux couples s’accordent sur une mutuelle succession aux honneurs de Carcassonne.

92Mais peu après, en 1069, de nouveaux accords sont passés, revenant partiellement sur les transactions précédentes. Les motivations en sont incertaines. La cause n’en est pas la volonté d’introduire le fils des Barcelonais, le futur Ramon Berenguer II300 : celui-ci est présent dès 1067. Le statut de 1067 aurait-il été considéré comme trop compliqué, peu viable ? Ou faudrait-il invoquer un changement dans la situation, après la manifestation par les Trencavel de velléités de remise en cause des premières conventions ? Ce qui marque ces nouveaux textes en effet, c’est surtout un climat de suspicion dont témoignent les otages qui sont exigés par le comte de Barcelone. Le comte catalan est toutefois maintenant en position de force : il a acquis d’autres droits sur Carcassonne et Razès et il est mieux à même peut-être d’imposer une claire reprise en fief, monnayée à nouveau pour 2000 onces d’or.

93Tout est alors consommé, mais il faut encore plusieurs mois pour faire céder les dernières réticences d’Adalaïs (2 août 1069, sans argent) et de Rangarde (22 avril 1070, 400 onces d’or), les seules qui semblent dès l’origine opposées aux transactions barcelonaises.

94D’un point de vue plus général, il nous semble que l’idée selon laquelle les Trencavel ne pouvaient vendre ces territoires parce qu’ils ne les contrôlaient pas est pour le moins anachronique. Certes, ils ne maîtrisaient pas Carcassès et Minervois, un texte extérieur au dossier nous en informe, pas plus que le Razès sans doute. Cependant cet argument301 nous paraît introduire dans nos conventions une logique de propriété privée à la romaine qui leur est radicalement étrangère. Ces accords se résument en fait à une reprise en fief monnayée assez complexe, puisque s’y greffent des questions de succession et de validité des droits à l’héritage. C’est néanmoins une technique bien connue de Ramon Berenguer I^er et qui a déjà fait ses preuves dans la Catalogne du début des années 1060302.

95Comme tout acte juridique de cette période, ces textes ont pour effet, outre la mutation de droits réalisée, de conclure une alliance, de créer des liens mutuels entre les deux parties. Mais on ne peut dire qu’ici l’acte fut plus social que légal, moins une aliénation de propriété qu’une acquisition d’amis303. Il y a tout de même une réalité dans les cessions, réalité des paiements (et quels paiements !), réalité du déni de fidélité à l’égard de Toulouse et du changement de seigneur, réalité de l’acquisition par Barcelone de la succession comtale304. Une alliance fut conclue certes, mais bien fragile, comme toute alliance. Elle vola en éclats dès les années 1070, sans attendre les tragiques événements barcelonais de 1082.

96Pour terminer, on peut souligner l’opportunisme du comte de Barcelone dans toute cette affaire305. Vraisemblablement sans coup férir, mais avec beaucoup d’or, il vint cueillir les fruits d’une situation languedocienne bloquée, les forces en présence s’équilibrant plus ou moins en l’absence d’un engagement déterminé du comte de Toulouse. Il prit pied en Languedoc, mettant en œuvre des techniques de reprise en fief monnayée éprouvées en Catalogne. Vers 1070, il prit effectivement les territoires en mains : il nomma deux vicomtes, Raimundus Arnaldi pour Carcassonne306, Raimundus Gauceberti pour le Razès307 et s’assura le contrôle de la monnaie de Carcassonne308. Il se fit aussi prêter serment par les plus grandes familles alliées des Trencavel, des seigneurs du Carcassès, de la Montagne Noire et du Razès : Conques, Saissac, Roquefort, Labruguière, Le Vintrou, Lacaune, Niort, Le Bézu309, et se fit remettre un certain nombre de forteresses dont il devint le seigneur supérieur : outre Dourne dont il acheta la reprise en fief à prix d’or310, Auriac, Blanchefort, La Bezole, Niort, Castelpor et Albas en Razès, Saissac, Laurac et Cabaret en Carcassès, Cintegabelle en Toulousain et Ornaisons en Narbonnais311. Ramon Berenguer I^er aura en tout dépensé une somme considérable, 5 000 onces d’or, mais il a commencé à s’implanter en Languedoc. Ces accords de 1067-1070 sont véritablement les prémisses de la grande guerre du xii^e siècle, préfigurant la politique d’intervention barcelonaise en Languedoc, mais aussi le jeu de balance des Trencavel entre leurs deux puissants voisins, et suzerains potentiels, de Toulouse et de Barcelone.

III - LA GUERRE DE CENT ANS MÉRIDIONALE (FIN XI^E-FIN XII^E SIÈCLE)

97Par l’acquisition de la seigneurie des comtés de Carcassonne et de Razès, les comtes de Barcelone inauguraient leur politique d’intervention active dans le Midi français. À vrai dire, ils ne faisaient que renforcer un des axes d’alliances qu’ils cultivaient déjà depuis longtemps. On ne compte pas les comtesses barcelonaises issues de cette région aux x^e et xi^e siècles. Le nouveau mariage de 1112 consolidait encore ces réseaux méridionaux : Ramon Berenguer III épousa Douce, héritière de droits sur la Provence, Millau, Gévaudan et Carlat. Il est cependant impropre de parler à ce propos d’impérialisme catalan ou d’intention délibérée de créer un État catalanooccitan, les Barcelonais ne faisaient que renforcer leurs vieux intérêts dynastiques au nord des Pyrénées312. Mais les intérêts concurrents des comtes de Toulouse et la complexité des partages entre les diverses lignées issues du marquis Guilhem et de son frère Roubaud firent que la Provence devint la pomme de discorde. Le conflit impliqua des rois, de France, d’Angleterre, mais aussi bien entendu tous les magnats méridionaux, dont certains se rangèrent résolument d’un côté, comme les Guilhem de Montpellier, et d’autres firent de l’alternance entre Toulouse et Barcelone une des bases de leur relative indépendance, comme les Trencavel.

98L’abondance de la bibliographie existante313 et la volonté de ne pas allonger démesurément ce chapitre liminaire nous conduiront à résumer l’évolution de ce long douzième siècle. Les sinuosités des alliances des Trencavel en seront le fil conducteur. Après les accords de 1067-1070, les bases du pouvoir des Trencavel sont en place ; il n’y eut plus d’achat ni de cession majeurs au cours du xii^e siècle, hormis les partages successoraux. Ces conventions ont été conclues dans un climat de tensions, au milieu de conflits non réglés entre tous les pouvoirs méridionaux, en particulier entre les héritiers de Roger le Vieux. La suite des événements le démontre, il peut même paraître abusif de parler d’alliance des Trencavel avec Barcelone. Ermengarde et Raimond Bernard avaient été acculés, menacés par Foix, par Narbonne, peu aidés par Toulouse. Ils trouvèrent certes leur intérêt dans les transactions avec Barcelone : outre l’avantage pécuniaire non négligeable qu’ils en retirèrent, ils firent reconnaître les droits d’Ermengarde à l’héritage, paradoxalement en les cédants. Mais vers 1070, ils semblent bien exclus de Carcassonne et du Razès. Leur retour au pouvoir dans ces deux régions est à mettre au crédit d’Ermengarde et de son fils Bernard Aton IV, dans une alliance renouée avec les Raimondins, qui semblent vouloir s’impliquer à nouveau.

1- Les Trencavel à la conquête de l’héritage comtal (1070-1130)

99Depuis la mort de son père avant 1057, Raimond Bernard Trencavel détenait conjointement avec son oncle Frotaire, évêque de Nîmes, les vicomtés d’Albi et de Nîmes. Son mariage avec Ermengarde eut lieu sans doute entre 1054 et 1062314. Contrairement à ce que l’on a longtemps écrit et répété à la suite des Bénédictins, celle-ci n’était pas « l’héritière » des comtés de Carcassonne et Razès ; nul besoin de supposer un testament perdu où son frère Roger lui aurait cédé ses droits. L’accession du couple Trencavel à cette succession résulte d’un rapport de forces entre les ayants droit survivants : au cœur des conflits, les accords avec Barcelone, ce que l’on a appelé la « vente » des comtés, furent déterminants. Véritable coup de poker, la cession des droits et la reprise en fief de ceux-ci permirent au couple de s’imposer aux autres compétiteurs.

100Pour Raimond Bernard et Ermengarde néanmoins, voir leurs droits reconnus, en quelque sorte avalisés, ne signifiait pas pour autant qu’ils contrôlaient effectivement les terres. Lors des accords de 1067-1070, ils semblent avoir déjà en leur possession la vicomté de Béziers, et sans doute celle d’Agde : c’est de là que viennent la plupart des signataires des transactions, ainsi que les otages de 1070. Sont représentées toutes les grandes familles du Biterrois, Sauvian, Servian, Rainardi de Béziers, Corneilhan, Castelnaude-Guers, Portiragnes. Ermengarde était en effet la petite fille de Garsinde, l’héritière des vicomtés de Béziers et d’Agde. La branche de Carcassonne issue de Raimond, époux de Garsinde, les contrôlait depuis les années 1020, malgré les contestations des autres ayants droit (Narbonne, Anduze…). Sur Carcassonne et Razès en revanche, le couple eut beaucoup plus de mal à faire reconnaître ses prétentions, très contestées par la branche de Foix. Peut-être purent-ils aussi s’imposer plus facilement en Biterrois à cause de la proximité, et de contacts déjà anciens, avec les domaines primitifs des vicomtes Trencavel dans le sud du Rouergue, les monts de Lacaune et le nord du Minervois315. Des seigneurs proches des vicomtes d’Albi durent au demeurant faire serment au comte de Barcelone, quand celui-ci prit pied dans le comté de Carcassonne : Roquefort, Labruguière, Le Vintrou, Lacaune. Au cœur du règlement des transactions avec Barcelone, en 1069, Raimond Bernard et Ermengarde renforcèrent leur ancrage dans cette région en mariant leur fille Guilhelma avec Pierre vicomte de Minerve316. En revanche, le couple n’est pas en possession du Carcassès et du Razès en 1069-1070317 : Ramon Berenguer use du titre comtal, nomme deux vicomtes, se fait prêter serment pour les châteaux majeurs.

101Le signe le plus éclatant de leur éviction est l’accord conclu entre les comtes de Barcelone et de Toulouse à propos du château de Laurac en 1070/1071318. Une bonne partie de la noblesse locale y souscrit, dont les comtes de Rouergue et de Foix, mais pas Ermengarde et Raimond Bernard Trencavel319. Le texte, qui n’est conservé que dans le cartulaire des Trencavel, est quelque peu étrange. Sa logique interne surprend : il nous apprend qu’une discordia a surgi entre les deux comtes à propos du château et que Guilhem de Toulouse réclame le serment (affidament per sacrament) ; mais on ne put trouver aucun témoin d’un serment prêté pour ce château à un comte de Toulouse. Le texte se clôt alors sur une inféodation du château par le comte de Toulouse à celui de Barcelone. Ce dernier offre en plus la somme exorbitante de 10 000 mancusos320. Ce qui est néanmoins certain, c’est que les Trencavel ont été exclus de la transaction, mais qu’ils conservèrent le texte dans leurs archives, peut-être pour faire valoir des droits sur Laurac et le Lauragais321.

102Un autre texte confirme l’éviction des Trencavel au début des années 1070, il s’agit d’un jugement rendu par Ramon Berenguer et Aimeric de Narbonne concernant la viguerie de Malviès en Razès. Le plaid eut lieu à Carcassonne, en 1071, sous l’autorité de Dalmace abbé de Lagrasse322. La présence du vicomte de Narbonne peut s’expliquer par le fait que le comté de Razès est inclus dans le diocèse de Narbonne, mais surtout on voit rejouer les alliances des années 1060, ici Narbonne, là Foix, avec Barcelone et contre les Trencavel, héritiers de Carcassonne. L’unique indice du début d’un contrôle du Carcassès par Raimond Bernard est un serment, le seul qu’il reçoive avec Ermengarde, pour un castrum important de la plaine carcassonnaise, Villalégut323. L’actualité des années 1070 est certainement encore dominée par les querelles autour de Narbonne, sa vicomté324 et son archevêché325. Raimond Bernard Trencavel, qui avait pris le parti des vaincus, perdit peut-être la vie dans ces circonstances, entre 1076 et 1078326 : juste après sa mort, sa veuve reçut en effet la protection de Raimond de Saint-Gilles qui lui promettait son aide « contre Pierre Bérenger, Aimeric son neveu et tous les vicomtes de Narbonne »327.

103Après la mort de Raimond Bernard, Ermengarde prit fermement parti pour les Raimondins, accomplissant peut-être le premier d’une longue série de renversements d’alliances, si tant est qu’il y eût jamais de véritable alliance avec Barcelone. Après la mort d’Almodis (1071) et de Ramon Berenguer (1076), elle ne trouva sans doute pas de forts opposants dans leurs deux fils, bien éloignés328. De toute façon, avant que le fratricide ne complique la situation à Barcelone (1082), elle avait résolu de se tourner vers Toulouse, pour résister aux ennemis plus menaçants et plus proches de Narbonne et de Foix. L’alliance est confirmée par plusieurs autres textes de la fin des années 1070 et du début des années 1080, outre le serment déjà mentionné. Ermengarde, dite vicomtesse de Béziers, co-préside un plaid avec Raimond de Saint-Gilles329 et est présente à une donation de son frère Guilhem IV à Saint-Pons330 ; elle confie l’abbaye Saint-Beauzile de Nîmes à la Chaise-Dieu conjointement avec Raimond de Saint-Gilles331, puis elle fait une donation à Conques, sanctuaire comtal332, et une autre à l’église de Nîmes qui semble prouver qu’elle contrôle aussi les vicomtés d’origine Trencavel333.

104Les Raimondins font en effet un retour en force sur la scène languedocienne en ces années 1070. Guilhem IV, qui s’était accordé avec Ramon Berenguer I^er vers 1070/1071 et qui avait prêté serment à son demi-frère, Ramon Berenguer II en l’appelant « comte de Carcassonne »334, usurpe le titre comtal carcassonnais en 1080, véritable déclaration d’hostilité envers les Catalans, titre qu’il ajoute de plus à ceux de Toulouse, Albi, Cahors, Lodève, Périgord, Agenais et Astarac335, rien moins ! Et son frère Raimond de Saint-Gilles, dans une charte de Saint-Pons à peine postérieure, s’arroge ceux de Rouergue, Gévaudan, Uzès, Nîmes, Agde, Béziers et Narbonne336. Rodomontades, revendications, les Raimondins paraissent néanmoins dominer à nouveau le Midi tout entier. Cela semble surtout être l’œuvre de Raimond IV, le futur chef des contingents croisés méridionaux337. Après avoir pris possession du Rouergue, il se tourna vers la Provence : il épousa sa cousine germaine, fille de son oncle paternel Bertrand, et se trouva ainsi dernier héritier de toute la branche des comtes de Provence issue de Roubaud338. Cette opération, malgré les condamnations pontificales, lui permit d’étendre ses possessions au delà du Rhône, à partir de la terre d’Argence qu’il avait sans doute reçue de son père339 : dans ses derniers actes en Occident, il s’intitule gratia Dei comes et Provincie marchio340. Au moment de son départ pour la Terre Sainte, il semble avoir rallié à lui la majorité de l’aristocratie provençale341. En Languedoc aussi, il eut une politique très active342, et les années 1080 le virent se rapprocher des évêques réformateurs et du pape343. Son frère Guilhem était toujours comte de Toulouse ; il s’était surtout signalé par un soutien sans faille à Moissac, mais aussi quelques déprédations344. Puis il disparut, sans doute lors d’un voyage vers l’Orient, en Hongrie ou plus loin345. Raimond récupéra alors son héritage346 et rassembla toutes les terres raimondines, de 1093 à 1096, et, à son départ pour la Croisade, laissa le tout entre les mains de son fils Bertrand, domaine immense, récemment réuni, où Raimond n’avait peutêtre pas eu le temps d’asseoir son autorité. Bertrand eut beaucoup de mal à contrôler l’ensemble des comtés légués par son père.

105Mais dès les années 1080, Ermengarde et son fils Bernard Aton avaient commencé à jouer un jeu personnel, non seulement contre Barcelone, mais aussi face à Toulouse. En 1082, avant même l’assassinat de Ramon Berenguer II par son frère, Bernard Aton ose s’arroger le titre de vicomte de Carcassonne dans une donation à Lagrasse et Saint-Polycarpe de terres en Razès347. En 1083, Ermengarde négocie pour lui un beau mariage, avec Cécilia, fille de Bertrand II comte de Provence, issue de la branche ennemie des Toulousains348. On ne sait s’il faut accorder quelque crédit au récit rapporté par la memoria des années 1170, bien tardive pour que la mémoire orale conserve une certaine sûreté : après le fratricide à Barcelone, Carcassonne aurait été assiégée par des chevaliers des environs ; Bernard Aton aurait alors offert sa protection et pris le contrôle de Carcassonne et du Razès349. S. Sobrequés conjecture que les chevaliers auraient profité de l’absence d’autorité, ou bien que la révolte aurait été fomentée par les vicomtes de Béziers pour motiver leur intervention350.

106Quoi qu’il en soit, Bernard Aton, sous l’égide de sa mère qui détient la véritable légitimité par le sang, s’impose en Carcassès et Razès à partir des années 1080351. On ne sait ce qu’il advint des vicomtes nommés par les Barcelonais, qui disparaissent de notre documentation. Mais les Trencavel contrôlent bien la région : dès 1082, Bernard Aton peut donner des terres près de Limoux, puis il reçoit avec sa mère un grand nombre de serments pour tous les grands châteaux des deux vicomtés352, et en 1090, il prend pour la première fois le titre de vicecomes Karcassensis et Reddensis353. Ils continuent aussi conjointement à gérer les vicomtés d’Albi-Nîmes354 et de Béziers-Agde : bien qu’ils semblent résider à Béziers, nous n’avons que peu de textes sur leur gouvernement dans cette vicomté355. Ils commencent à se doter d’une cour et d’un embryon d’administration356.

107Rassurés par le désintérêt des Barcelonais, accaparés par leurs problèmes internes et leurs conflits avec le Cid, et par l’affaiblissement de Toulouse après le départ de Raimond de Saint-Gilles pour l’Orient, les Trencavel commencent à s’affirmer et à mener leur propre politique. Ils se réconcilient avec leurs vieux ennemis de Narbonne357 et de Foix. Roger de Foix se prépare lui aussi à partir en Croisade358. Avant le grand voyage (dont il reviendra), il décide de mettre enfin au clair les droits contestés entre les lignées issues de Roger le Vieux : le 21 avril 1095, dans une finis, pax et placitum, Roger abandonne en faveur d’Ermengarde toutes ses prétentions sur la cité et le comté de Carcassonne359, Rennes et son comté, le castellum de Kercorb et ses honores, le castellum de Queille et ses honores360. Le lendemain, dans une convenientia, il énumère son propre honor dans les comtés de Toulouse361, Comminges et Couserans362, et promet aux Trencavel de ne rien y vendre, donner ou impignorer sans leur consentement363. Dans un dernier accord, il leur donne en gage les deux villae de Pradas et de Karuecias dans le comté de Toulouse contre 2000 sous364. Ces textes, à la charnière des xi^e et xii^e siècles, sont à la fois les derniers d’une longue série de partages à l’intérieur de la famille carcassonnaise qui s’égrènent pendant tout le xi^e, et le modèle du règlement des conflits entre les Carcassonnais et les Fuxéens au xii^e : ils seront repris et confirmés à la suite de chaque période de guerre.

108En paix avec ses voisins, Bernard Aton s’enhardit alors à dénoncer son alliance avec la famille comtale raimondine. Il prend le parti de Guilhem IX, duc d’Aquitaine qui vient d’envahir Toulouse : il souscrit à l’une de ses chartes365 et prête serment à sa femme Philippa, fille du comte de Toulouse Guilhem IV, vraisemblablement à cette même date366. Au moment où il part à son tour pour la Terre Sainte en 1101367, son pouvoir semble des mieux assurés : il gère les vicomtés patrimoniales d’Albi et de Nîmes, il contrôle l’héritage de sa famille maternelle, Béziers et Agde, il a fait reconnaître par son cousin de Foix ses droits sur la moitié des possessions comtales, Carcassonne et Razès. On ne sait en revanche comment il organisa la gestion du pouvoir en son absence, ni si sa mère était toujours en vie368.

109Si le Trencavel a réussi à affirmer son pouvoir sur les terres de ses ancêtres, le comte de Toulouse, Bertrand, fils de Raimond de Saint-Gilles, peine à s’imposer sur celles qu’avait réunies son père. Il se signale en effet par des déprédations répétées envers les biens ecclésiastiques : ce n’est pas là le signe d’une « mauvaise nature », ou d’une opposition envers l’Église, mais le résultat de la faiblesse du patrimoine comtal, dans le comté de Toulouse comme dans celui de Saint-Gilles. Dans la phase cruciale de territorialisation des pouvoirs, cinquante ou cent ans auparavant, les comtes n’avaient pu ou su créer de véritables seigneuries. Pour contrôler des terres, des réseaux, des clientèles, ils s’attaquèrent donc de façon répétée aux domaines et aux pouvoirs de Saint-Sernin à Toulouse369 et de l’abbaye de Saint-Gilles en terre d’Argence370 : « accepter la seigneurie d’Église était pour eux abandonner toute chance de constituer une véritable principauté », les conclusions de J.-P. Poly pour la Provence peuvent être étendues aux terres occidentales. Ne peut-on déceler dans ces problèmes structurels de la domination territoriale raimondine l’origine de son « divorce » d’avec l’Église371 ?

110Nous l’avons vu, Toulouse fut envahie par Guilhem IX vers 1098-1100, sous l’œil sans doute bienveillant du vicomte de la cité ; Bertrand la récupéra cependant372, le duc-troubadour ayant subi l’opprobre général – il avait envahi la terre d’un croisé ; mais Bertrand la reperdit presqu’aussitôt. En 1108 en effet, il reprend en fief du roi d’Aragon, Alfonse le Batailleur, ses comtés de Rouergue, Narbonne, Béziers et Agde, et il y ajoute ceux de Toulouse, Quercy, Albi, Carcassonne et Foix si Dieu lui rend Toulouse, si Deus omnipotens illi dederit Tolosa373. À nouveau, il a perdu Toulouse et les comtés qui en dépendent. Serait-ce une nouvelle manœuvre des vicomtes ? Appuyés par Guilhem IX ? Ce dernier est effectivement présent à Toulouse en 1114-1115374. Bertrand est donc parti en Orient dépossédé de tous les domaines occidentaux des Raimondins, que son demi-frère Alfonse Jourdain mettra plus de dix ans à reconquérir.

111Bertrand ne revint jamais d’Orient où il fut la souche des comtes de Tripoli ; Bernard Aton IV en revanche est de retour vers 1105. Mais il eut affaire lui aussi à plusieurs révoltes dont une au moins le chassa de sa cité de Carcassonne. Trois crises ébranlent son pouvoir, qui n’était pas aussi bien assuré qu’on aurait pu le penser, en 1107 peut-être, en 1112-1113 et en 1120 et à chaque reprise, les barons révoltés du Carcassès cherchèrent du soutien en Catalogne. Que la révolte de 1107 ait ou non eu lieu375, Bernard Aton déploie une intense activité diplomatique entre son retour de la croisade et 1112 : il tente de créer une coalition anti-barcelonaise pour s’assurer contre une éventuelle intervention de Ramon Berenguer III376. Il s’allie avec le roi d’Aragon, Alfonse le Batailleur, et reprend de lui le Razès en fief, recevant pour cela une bonne somme377 ; et fait un énorme emprunt à l’abbaye de Lagrasse378. Une fois ses caisses renflouées, il poursuit sa politique d’alliances avec le comte de Toulouse duquel il reprend le Carcassès en fief379 ; il règle un différend avec l’archevêque de Narbonne et lui fait serment380 ; il s’allie avec le vicomte de Narbonne qui lui prête serment381 ; il renouvelle les accords avec le comte de Foix382. Il s’était aussi rapproché par le mariage de ses deux filles avec l’aristocratie biterroise des Arnaldi de Sauvian et avec le comte de Roussillon383.

112Ramon Berenguer se décida à attaquer en 1112, juste après son mariage provençal. Il commença par retourner le vicomte de Narbonne, qui était son demi-frère, auquel il concéda le Fenouilledès et le Peyrapertusès : Aimeric lui fit serment contre le vicomte de Béziers384, puis, « ayant rassemblé une immense multitude d’hommes d’armes, il s’avança pour soumettre et chasser le vicomte du comté »385. La guerre fut arrêtée par l’intervention de Richard, archevêque de Narbonne et de barons languedociens, mais la paix fut difficile à rétablir. L’accord conclu se solda par une reprise en fief des comtés de Carcassonne et de Razès par Bernard Aton IV386, qui se reconnaît l’homme de Ramon Berenguer. Il s’agit de la première tentative de mise en œuvre des accords de 1067-1070. Le comte de Barcelone devenait bien comte de Carcassonne ; mais, contrairement à son grand-père qui avait immédiatement nommé des vicomtes, Ramon Berenguer III devait reconnaître le Trencavel sur place. Le comte de Toulouse avait lâché prise387, Alfonse Jourdain n’était de toute façon pas de taille à lutter : c’est alors un tout jeune garçon qui vient à peine de rentrer de Terre Sainte où il est né, qui ne contrôle pas Toulouse, et qui se voit forcé de vendre le comté de Rouergue – celui de ses plus lointains ancêtres, l’origine de sa famille ! – au vicomte de Rouergue-Millau, qui s’intitule comte de Rodez en 1112388. Le vicomte Trencavel avait de toute façon sciemment entretenu la confusion entre ses deux suzerains potentiels : son seigneur « naturel », le Toulousain, pour Albi, Nîmes, Béziers et Agde, et son seigneur « contractuel » depuis 1067-1070, le Barcelonais, pour Carcassonne et Razès. De là découlent le jeu de balance des Trencavel, leurs changements d’alliance répétés, l’instabilité politique de la région. La question devint en effet critique lorsque les deux comtes entrèrent en guerre, ce qui fut le cas pendant la plus grande partie du xii^e siècle. Les accords de 1067-1070 sont la préhistoire, les conventions de 1112 (mariage provençal, placitum avec Bernard Aton et cession du Rouergue) les prodromes de la grande guerre méridionale.

113En toutes ces années, la noblesse du Carcassès et du Razès semble profondément divisée en deux clans, les « pro-Trencavel » et les « pro-Barcelone ». Le vicomte ne s’est pas complètement imposé à son aristocratie, dont les velléités d’indépendance ont peut-être été ravivées en son absence, et il voit se dresser périodiquement un certain nombre de seigneurs contre lui. Les actes, tous non datés, sont impossibles à situer entre 1107 et 1120, mais ils témoignent bien de conflits ouverts dans les terres languedociennes. On a ainsi conservé une série de serments offensifs, contre le vicomte de Béziers, prêtés à Ramon Berenguer III par Pierre et Arnaud de Laure, par Pierre Raimond d’Hautpoul, par Bernard de Minerve, par Isarn Jourdain de Saissac ; un autre prêté par un vicomte Pierre, difficile à situer389. En Razès aussi les deux clans s’affrontent : la famille de Niort a joué Barcelone390, tandis que celle d’Alaigne, futurs vicomtes de Sault, est fidèle au vicomte391. Dernier indice de ces conflits : les rivalités autour du château du Vintrou dans le sud de l’Albigeois, vieux castrum vicomtal. Ermengaud de Fabrezan fait serment pour le château à Bernard Aton, avec une clause d’aide contre Aimeric et tous les vicomtes de Narbonne, sauf l’archevêque392 ; le vicomte lui promet en contrepartie de l’aider, si un certain Pierre Raimond tentait de lui prendre sa part du castrum du Vintrou393. La cité de Carcassonne a aussi, au moins à une reprise, porté sa fidélité vers Barcelone, on ne sait si ce fut en 1107, 1112 ou 1120 : le Liber Feudorum a conservé un serment à Ramon Berenguer III de 485 homines de Carcassona, contre le vicomte de Béziers, sa femme et leurs enfants394. Peut-être à la suite de cette trahison, ou dans une autre circonstance, Bernard Aton reçut aussi la fidélité de tous les hommes de Carcassonne, milites, burgenses et universus alius populus, cives et suburbani395.

114Il est certain néanmoins que Carcassonne se rebella en 1120, plusieurs sources nous en informent. Il est possible que le nouveau départ de Bernard Aton pour la Croisade, en Espagne cette fois396, ait ranimé le parti catalan. Le 24 août 1120, les Carcassonnais refusèrent d’ouvrir la ville au vicomte397 et la sédition dura trois ans. Sont sans doute impliqués le comte de Barcelone398, le comte de Foix399, le vicomte de Narbonne et le comte de Rodez400, alliés par ailleurs du comte de Poitiers. Les protagonistes de la grande guerre méridionale du xii^e siècle sont déjà en place : face à ceux-ci se constitue une ligue qui unit Bernard Aton au comte de Toulouse Alfonse Jourdain401, au comte de Comminges et au roi d’Aragon402. Bernard Aton tente aussi de renforcer son implantation en Nîmois, par le mariage de sa fille Ermessinde avec Rostaing de Posquières, un allié des Toulousains403. La guerre fait rage en Provence où les Catalans s’emploient à soumettre le comté et où Alfonse Jourdain est assiégé dans Orange en 1123 par Ramon Berenguer III et délivré par une armée venue de Toulouse404.

115Une pacification de la région intervient en 1125 : une paix est signée entre Alfonse Jourdain et Ramon Berenguer III qui se partagent la Provence405. Bernard Aton se réconcilie avec Narbonne406 et Foix407. Il redevient maître de Carcassonne et prend alors de grandes mesures pour s’assurer de la fidélité de la cité et du comté : il châtie les rebelles408, il change tous les gardiens des tours de Carcassonne pour y placer des hommes sûrs409, il installe vraisemblablement sa cour dans la cité410. L’étendue de la révolte est inquiétante, et révélatrice quant au pouvoir du vicomte dans les deux comtés de Carcassonne et de Razès qu’il semble avoir mis bien longtemps à contrôler : tous les plus grands seigneurs sont présents dans les accords de paix, au premier rang desquels Arnaud de Laure411 et Guilabert de Laurac412, mais aussi les Roquefort, Hautpoul, Saissac, Belpech, Pieusse, et quelques autres. Ces grandes familles avaient joué la carte de Barcelone, et perdu, mais le vicomte n’était pas en mesure de les châtier trop durement : on les retrouve dans son entourage et celui de ses fils. Significatif est sans doute le sort assigné aux Laure. En revanche, les castlans qui gardaient les tours de Carcassonne sont dénoncés comme traîtres, tels ce Bernardus traditor au surnom évocateur, ce Raimundus Cathalani413, Arnaldus de Palaja, Petrus de Vitrac, Petrus Raimundi Vacheta, ou toute cette famille qui porte le nom d’Arnaldus414 : il semble qu’on ait affaire à un véritable parti catalan415. Ils sont remplacés par d’autres seigneurs de la moyenne aristocratie locale, qui feront par la suite une belle carrière parmi le personnel vicomtal, les Canet, les Aragon, les Trèbes, les Pelapol, les Aigues-Vives416. Les Nîmois profitèrent peut-être de ce contexte de crise pour faire valoir leurs revendications et se faire concéder par le vicomte une charte de franchises417.

116Sur cet épisode s’achèvent les efforts des Trencavel pour la conquête des terres de la famille comtale carcassonnaise. Commencée au xi^e siècle dans un contexte de grave crise où la carte barcelonaise joua peut-être un rôle déterminant, elle s’acheva en plein xii^e dans une conjoncture aussi troublée par le conflit pour la prépondérance méridionale. Carcassonne ne posera plus de véritables soucis aux vicomtes ; certes quelques grandes familles, les Laurac, les Minerve, continueront à jouer un jeu personnel aux marges, mais le comté semble avoir été bien repris en mains à la suite de la grave sécession de 1120-1124. Avec Albi, Carcassès et Razès forment désormais la base du pouvoir des Trencavel, de leurs réseaux de clientèles seigneuriales et castrales418.

2- Les Trencavel entre Toulouse et Barcelone, des années 1130 à la fin du xii^e siècle

117Le rôle des vicomtes d’Albi, Nîmes, Béziers, Agde, Carcassonne et Razès dans les conflits du xii^e siècle est bien connu, et décrit depuis longtemps419 ; nous nous y attarderons beaucoup moins. La chronologie s’articule autour de la date charnière de 1142 : jusque-là, l’alliance avec Toulouse conclue au tout début du xii^e siècle n’est pas démentie. À partir de 1142, les vicomtes prennent délibérément le parti de Barcelone, renouant les accords autrefois dénoncés de 1067-1070 et 1112. Cette nouvelle orientation dans la politique vicomtale a toujours été interprétée comme un revirement, ce qu’elle est, certes, au regard des guerres provençales et languedociennes. Mais ne pourrait-on y voir aussi une continuité, celle de l’alliance avec l’Aragon toujours négligée par l’historiographie ? Les Trencavel semblent avoir trouvé dans ce royaume d’outre-Pyrénées le contrepoids nécessaire entre un comté de Toulouse pas toujours à même d’apporter une aide efficace, et la sujétion barcelonaise à laquelle ils tentaient d’échapper depuis les ventes du xi^e siècle. En effet, nos vicomtes se tournent vers le comte de Barcelone au moment où celui-ci devient roi d’Aragon, après 1137. Pour la clarté de l’exposé, nous respecterons néanmoins l’articulation autour de 1142.

Roger I^er dans le camp toulousain (1130-1142)

118À la mort de Bernard Aton IV, en 1129, lui succèdent ses trois fils, Roger pour les vicomtés d’Albi, Carcassonne et Razès, Raimond Trencavel pour Béziers et Agde, Bernard Aton pour Nîmes : seule l’attitude du premier est bien connue, jusqu’à sa propre disparition en 1150 ; c’est lui l’artisan du revirement de 1142. Certaines alliances nouées à la fin des années 1120 sont immédiatement confirmées, avec Alfonse Jourdain420, avec Roger III de Foix421, avec le comte de Comminges422, avec le roi d’Aragon423 ; la réconciliation avec Narbonne, qui prend le parti de Barcelone, fut en revanche de courte durée424. Les Trencavel continuèrent leur politique d’ancrage local, avec les grandes familles de leurs vicomtés, Saissac425, Lautrec426, Alaigne427, Posquières428. Les Barcelonais n’abandonnent pas pour autant leurs prétentions sur Carcassonne et le Razès, qui échoient, avec Barcelone, à Ramon Berenguer IV à la mort de son père429. Les menées d’Alfonse Jourdain en Provence où il attaque Berenguer Ramon en 1133 et à Narbonne, dont il prend le contrôle en 1134 à la mort d’Aimeric430, entérinent la scission du Languedoc en deux ligues ; celle des Barcelonais est forte aussi du soutien de Montpellier431. Les Guilhem ne démentiront jamais leur soutien aux Catalans, dans l’entourage desquels ils se situent depuis le milieu du xi^e siècle432.

119Que l’union de Barcelone avec l’Aragon ait ou non un rôle dans l’explication, on peut remarquer dès la fin des années 1130 un flottement dans l’alliance des Trencavel avec Toulouse. Alfonse avait peut-être aidé en sousmain la révolte vers Lavaur en 1139 ; il a en tout cas appuyé le soulèvement des bourgeois de Montpellier contre leur seigneur en 1141433. L’invasion de Narbonne et l’intervention à Montpellier commencèrent à souder les barons méridionaux contre lui ; puis la guerre fut déclarée, en Albigeois conduite par le comte de Toulouse, en Razès par celui de Foix434.

Roger I^er et Raimond Trencavel : le revirement en faveur de Barcelone (1142-1167)

120Le conflit commença en 1141 ou 1142 ; la paix du 26 juin 1142 semble sous-entendre que Roger a été à l’origine des hostilités dont il serait sorti vainqueur435. Alfonse Jourdain et ses alliés, le comte de Foix, Isarn vicomte de Lautrec436, Pons de Dourgne, Guilhem At de Villemur, qui avaient réussi à se rendre maîtres de Balaguier, Dourne437, Graulhet, Villemur, Penne en Albigeois, Avignonet en Lauragais et Bruniaco, doivent tout restituer à Roger I^er. Les litiges ne sont pas pour autant tous réglés, puisque, à l’automne 1142, se déploie une intense activité diplomatique : Roger s’allie avec Hugues comte de Rodez438, Raimond Trencavel avec Bernard d’Anduze439, ce qui les entraîne dans la fidélité de Ramon Berenguer IV, Berenguer Ramon de Provence et Guilhem de Montpellier. De son côté, Alfonse Jourdain, qui est toujours en possession de Narbonne, fait rédiger un contrat de mariage avec l’héritière, Ermengarde440, qui suscite une réponse immédiate des adversaires : elle est mariée avec Bernard d’Anduze441.

121Les hostilités reprennent donc en 1143, avec une autre ampleur. Sont pris ou repris : en Albigeois Arifat, Bruniaco, Candeil, Graulhet, Penne, Villemur, Cadalen, Lavaur ; en Lauragais, Avignonet, Castelnaudary et Molandier ; en Razès, Balaguier et Dourne ; mais aussi Lunas enlevé à Raimond Trencavel et Bernis à Bernard Aton V. Alfonse Jourdain a trouvé des partisans en la personne du comte de Foix, d’Isarn de Lautrec, Guilhem At de Villemur toujours, mais aussi Guinaguerra de Cadalen, Jourdain de L’Isle, Sicard de Laurac ; des seigneurs alliés des Trencavel ont été capturés : Galard de Fanjeaux, Sicard de Coursan, Polverellus d’Auriac, Guilhem de Rouffiac. La paix442 stipule que les prisonniers doivent être libérés, les châteaux rendus ; un tribut de 50 000 sous est imposé à Alfonse, qui a été capturé et qui doit rester au pouvoir de Bernard de Canet jusqu’à ce qu’il ait rendu Narbonne. Car Narbonne semble avoir été le grand enjeu de cette seconde guerre ; le texte de la paix commence par là : la cité doit être restituée à Ermengarde et à son mari Bernard d’Anduze. Dans un second accord, beaucoup plus partiel, Alfonse est obligé de céder à Roger le castellum novum d’Albi, Berniquaut et Labécède443. Alfonse réagit, mais sur un autre terrain : il se contenta de détourner vers les terres albigeoises saint Bernard, en mission contre les hérétiques présents dans les domaines du Toulousain, Pierre de Bruis et Henri. On sait que la tournée fut catastrophique et l’impression laissée durable444. Jusqu’au départ d’Alfonse Jourdain pour la Terre Sainte en 1148, et la mort de Roger I^er en 1150, les hostilités se calment à l’ouest, un certain apaisement se fait même jour en 1149, lorsque le nouveau comte de Toulouse Raimond V prête serment à Roger445.

122Raimond Trencavel est le premier à formaliser le rapprochement avec Barcelone, dès qu’il hérite de son frère en 1150446 : il reconnaît tenir de Ramon Berenguer IV Carcassonne, Razès et Lauragais, et il lui fait serment pour ces mêmes terres, plus le Terménès447. Le nouveau vicomte de Carcassonne s’entend en même temps avec son frère cadet, Bernard Aton V, qui réclamait une part plus importante de l’héritage patrimonial : le vicomte de Nîmes obtient la vicomté d’Agde, et 30 000 sous de son frère448. Raimond Trencavel règle quelques problèmes relatifs à ses nouveaux domaines, à Limoux449 et contre le comte de Roussillon450 ; et il renouvelle les alliances de son frère Roger, avec Ermengarde de Narbonne451, avec Sicard de Lautrec452. Sous l’égide du comte de Barcelone, il se rapproche du comte de Foix, Roger Bernat, auquel il marie sa fille Cécilia453. Le comte de Toulouse réagit en s’alliant vers 1152 à l’évêque de Béziers, contre Trencavel454. Ces manœuvres diplomatiques annoncent les guerres qui vont déchirer le Languedoc occidental, en 1153 puis en 1159.

123En 1153, en réponse aux succès barcelonais en Provence et en Languedoc, Raimond V attaqua Raimond Trencavel, qui à son tour fut fait prisonnier, retenu à Toulouse jusqu’en 1155455 et libéré contre une énorme rançon dont le paiement est encore en litige une dizaine d’années plus tard456. Mais c’est en 1159 que se concrétisa la vaste confédération anti-toulousaine au cœur des terres de Raimond V, le siège fut mis devant Toulouse par Henri II Plantagenêt. Le comte abandonné de tous les barons méridionaux ne fut sauvé que par l’intervention royale457. Après chaque conflit, un certain apaisement se fait jour entre Toulouse et Trencavel458, sans que l’alliance du vicomte avec le comte de Barcelone puis avec le comte-roi ne soit jamais démentie459. Les enjeux commencent aussi à être entrecroisés avec l’« affaire de la foi et de la paix ». Le concile de Tours a eu lieu en 1163, où, sous claire influence des Plantagenêts, fut condamnée l’hérésie et nettement désigné le Toulousain comme terre hérétique. Après leur paix de 1163, le comte et le vicomte, désirant montrer leur bonne volonté, organisent un concile contre les bonshommes à Lombers en 1165, auxquels participent Raimond Trencavel, Sicard de Lautrec et Constance, comtesse de Toulouse460.

124La fin des années 1160 connaît un regain d’hostilité entre Toulouse et le vicomte, concomitant avec la reprise de la guerre en Provence. En 1167, Raimond Trencavel rentrait du Nîmois où il était allé aider son neveu, Bernard Aton VI contre Toulouse ; de passage à Béziers, il fut tué dans l’église de la Madeleine, le 15 octobre461. La révolte de Béziers où Raimond fut assassiné paraît bien avoir été attisée par Raimond V462 ; elle témoigne aussi des difficultés grandissantes des vicomtes face à la montée en puissance de l’episcopatus463 et face à une aristocratie très forte à laquelle ils n’ont jamais véritablement pu s’imposer464.

Roger II, ses « errements de jeunesse », puis son alliance avec Barcelone (1167-1194)

125En 1167, Roger prend la succession de son père dans des circonstances bien difficiles. Béziers s’est révolté ; Raimond V a profité de la disparition de Raimond Trencavel pour inféoder tout son héritage au comte de Foix avec lequel il s’est réconcilié465 ; le comte de Foix revendiquait tout cela au nom de son épouse, Cécilia, fille de Raimond Trencavel, mais sans doute ravivait-il aussi des rancœurs jamais apaisées depuis les cessions de 1067-1070 et estimait-il tenir des droits sur la lointaine succession de Roger le Vieux. C’est grâce au secours apporté par Alfonse I^er comte de Barcelone (ou II roi d’Aragon) que Roger parvient à se rendre maître de Béziers en 1168466 et à châtier les meurtriers467.

126Malgré cette aide efficace, Roger renverse très vite ses alliances et passe pour un bref moment dans le camp toulousain, suivant en cela une partie de la noblesse méridionale, Foix et Narbonne en particulier. La réconciliation est scellée, comme souvent, par un mariage : celui de Roger avec Adalaïs, fille de Raimond V468, bientôt redoublé par celui de Raimond V avec la propre sœur du vicomte, Béatrix ; Roger II reçoit le serment de Raimond V, puis d’Ermengarde469. La ligue toulousaine a le vent en poupe en ce début des années 1170 : elle s’enrichit aussi de l’alliance de Bernard Aton VI, vicomte de Nîmes470, et du comte de Rodez Hugues471 ; Sicard de Lautrec, toujours fidèle aux Trencavel, semble avoir suivi Roger dans son revirement472. Après une démonstration de force d’Alfonse II à Toulouse, une paix est finalement signée en 1176 entre les deux ennemis Toulouse et Barcelone, confirmant le partage de 1125473. Raimond V semble être en train de redonner à la dynastie toulousaine une place qu’elle n’avait jamais pu reconquérir depuis le départ à la croisade de Raimond de Saint-Gilles. Les grands barons languedociens sont ses alliés. Il réussit à prendre possession de la vicomté de Bruniquel en 1175 à la mort du dernier vicomte, puis il anéantit la vicomté de Toulouse474. Il parvint à récupérer la succession du comté de Melgueil et surtout le contrôle de l’atelier monétaire, à la mort d’Ermessinde qu’il avait mariée à son jeune fils475.

127Mais Raimond V, poussant peut-être trop loin son avantage, ne rêve toujours que de mettre la main sur Narbonne et de réduire la puissance des Trencavel, dont les domaines s’enfoncent comme un coin dans ses possessions, entre Toulouse et la Provence. C’est pourquoi, en 1177, il accomplit deux actes, dont le second va être lourd de conséquences pour les destinées du Midi : il revendique Narbonne à la disparition d’Aimeric, le neveu d’Ermengarde476, et surtout il rédige une lettre pour dénoncer l’extension de l’hérésie sur les terres vicomtales477.

128L’attaque contre Narbonne eut pour effet immédiat de reconstituer contre lui une ligue associant Roger II, Bernard Aton VI son cousin, Guilhem VIII de Montpellier, et ses frères Gui Guerrejat et Bergonio478. Le comte de Toulouse répond par une alliance contre Bernard Aton VI avec le seigneur d’Uzès479. Mais c’est surtout la dénonciation de l’hérésie qui entraîna à nouveau le Languedoc dans la guerre : elle eut pour conséquence la condamnation des hérétiques lors du concile de Latran III : les biens des excommuniés pouvaient être saisis ; la mesure visait au premier chef Roger480. Cela engagea Roger II à renouer avec Barcelone, en novembre 1179, par une série de quinze documents, qui commencent par un mea culpa de Roger481. Il reçoit en fief d’Alfonse Carcassonne, Razès, Lauragais, pays de Sault, Terménès et Minervois482 ; ils se prêtent mutuellement serment contre Raimond V483, puis Alfonse reçoit le serment des milites de Roger II et des habitants de Carcassonne et de Limoux484. Roger complète l’alliance par un accord avec Ramon Berenguer IV de Provence485, avec qui s’entend aussi Bernard Aton VI de Nîmes486. Dans les années suivantes la coalition anti-toulousaine s’étoffe par les réconciliations de Roger avec l’évêque de Béziers487, et son alliance avec les seigneurs de Lautrec488, de Roquefort489, les milites d’Albi490, le seigneur de Puisserguier contre Narbonne toujours toulousaine491. Le roi d’Aragon renoue ses contacts avec le roi d’Angleterre en avril 1185 à Najac. Des opérations militaires ponctuelles sont menées dans tout le Languedoc occidental, comme en 1186 cette attaque de Carcassonne par Raimond V où Roger II trouva l’appui d’Alfonse II492, jusqu’à une pacification en 1191493, tout à fait provisoire puisque les hostilités494 ne cessent pas avant la mort de Roger II en 1194.

129Raimond V a semble-t-il bien progressé en ces années. Il a abattu la vicomté de Toulouse, reconquis celle de Bruniquel, acquis l’alliance de celle de Saint-Antonin. Il s’attaque alors au vicomte de Nîmes. Capturé en 1181 par Pons Gaucelm de Lunel et ne pouvant payer la rançon, Bernard Aton VI est contraint de vendre sa vicomté à Raimond V, qui, en 1185, confirme tous leurs privilèges aux Nîmois495. Le comte tente de renouveler l’opération à Agde, avec moins de succès, apparemment. Fort de sa victoire, Raimond V cède la vicomté en franc fief à l’évêque d’Agde, au début du mois de juillet 1187496, et Bernard Aton est contraint de confirmer la cession le 17 juillet, en présence de Raimond V, et se donne comme chanoine497. Mais les actes de confirmation de cette cession ont été manifestement modifiés et interpolés vers 1225-1235 lors de leur transcription dans le cartulaire du chapitre498. Bernard Aton VI continue de s’intituler vicomte d’Agde et n’apparaît qu’à deux reprises comme chanoine, en 1213499. Et en 1204, Raimond Roger l’héritier de la branche aînée agit comme vicomte d’Agde500. La conclusion d’A. Castaldo est bien que cette cession de 1187 resta lettre morte501. C’est de toute façon le même Bernard Aton VI qui remettra tous les droits sur Agde, mais aussi sur Nîmes, dans les mains de Simon de Montfort en 1214. La cession de 1187 n’est mise en avant qu’à partir de 1224, dans un accord entre le nouvel évêque et Raimond VII, justement pour affaiblir cette donation de 1214. Dans les autres vicomtés Trencavel, la progression de Raimond V est inexistante502. À Melgueil aussi, on peut se demander quels ont été les acquis du comte de Toulouse. Raimond a été excommunié pour avoir expulsé de son château de Mauguio Bertrand Pelet, frère d’Ermessinde, allié aux Guilhem de Montpellier et au roi d’Aragon503. Malgré la cession de tous les droits à Ermessinde par leur mère Béatrix, Bertrand Pelet continue de s’intituler comte de Melgueil et de contester la cession. En 1211, le comté sera confisqué par le pape qui l’inféodera aux évêques de Maguelone, entérinant par là la concession de 1085504. Raimond V a surtout su utiliser la lutte anti-hérétique : la mission de 1178 s’attaque au patriciat urbain de Toulouse505 en la personne de Pierre Maurand et au Trencavel à Castres et à Lavaur, les cibles avaient clairement été désignées par le comte506.

Raimond Roger ou le début de la fin (1194-1209)

130Les fils firent la paix que n’avaient pas su faire les pères. Raimond VI, qui a succédé à Raimond V à la fin de 1194, s’entend avec Richard Cœur de Lion en 1196 dont il épouse la sœur, Jeanne ; puis avec Pierre II, roi d’Aragon en 1198, et il conclut en 1200 une promesse de mariage avec la sœur de celui-ci après la mort de Jeanne507. Raimond Roger, le nouveau vicomte, se trouve isolé. Il est pourtant le neveu de Raimond VI, fils de sa sœur Adalaïs. Il arrive au pouvoir tout jeune – il a neuf ans – dans un contexte bien difficile. Il est confié à la tutelle de Bertrand de Saissac508. La situation semble dans un premier temps se pacifier : le bayle de Raimond Roger s’entend avec l’évêque de Béziers auquel il promet son aide contre tous sauf contre le comte de Toulouse509 ; mais des ligues se reconstituent très vite et des clivages rejouent : Foix est en guerre contre le Comminges dès novembre 1198510, les Toulousains attaquent en Carcassès les seigneurs de Saint-Félix511, et en 1202 les deux Raimond Roger, de Foix et de Carcassonne, s’allient contre le comte de Toulouse512. Raimond Roger Trencavel manque d’alliés, hormis Foix, mais il semble aussi aux abois financièrement : entre 1201 et 1204 il effectue ventes et emprunts pour la somme considérable de 58 100 sous513.

1311198 est surtout la date de l’accession au pontificat d’Innocent III qui a pour dessein de réduire l’hérésie et d’édifier une Église hiérarchisée et centralisée. La grande offensive ne fut déclenchée qu’après 1204, l’échec de la IV^e Croisade et bien sûr l’assassinat du légat Pierre de Castelnau en 1208514. Les dissensions internes continuent à jouer en Languedoc, empêchant une véritable unité face aux Croisés. Au moment de l’extrême péril, en 1209, Raimond de Toulouse et Raimond Roger sont incapables de s’entendre515. Jusqu’au mois d’août 1209 et à la reddition de Raimond Roger dans Carcassonne, il n’y eut donc pas de coalition méridionale contre les Croisés. Cela a déjà été dit et répété : la Croisade ne fut pas la guerre du Nord contre le Midi. Il n’est pour s’en convaincre que de feuilleter les premières laisses de la Chanson de la Croisade de Guillaume de Tudèle : la première armée croisée est peuplée de Méridionaux, seigneurs d’Auvergne, du Limousin, du Poitou, d’Agenais, de Gascogne, du Rouergue, du Quercy, de Provence, du Viennois, delz portz de Lombardia tro aval a Rodes516. Le comte de Toulouse, réconcilié après son excommunication de 1207, est présent en personne au siège de Carcassonne et conduit l’armée croisée sur la terre de son neveu517.

132La suite est bien connue, la reddition de Raimond Roger en août 1209, puis sa mort en prison, peut-être empoisonné, le 10 novembre 1209. Le chroniqueur et les troubadours s’accordent sur un point : il était le prototype du chevalier courtois, vaillant et généreux518. L’épilogue est bref : Agnès, la veuve et jeune mère, cède en novembre 1209 ses droits à Simon de Montfort519, à qui avaient été confiées toutes les terres de Trencavel dès la reddition de Carcassonne ; en juin 1211, c’est le tour du jeune Trencavel520, puis en mai 1214, après Muret, de son oncle Bernard Aton VI521. Ainsi s’achève, après plus de deux siècles d’expansion, l’histoire des Trencavel qui, agents des comtes de Toulouse au x^e siècle, s’étaient constitué une des plus vastes principautés méridionales.

CONCLUSION

133La principauté des Trencavel eut une histoire relativement brève dans l’espace méridional du royaume de France. Deux siècles, des débuts de la vicomté d’Ambialet à la chute sous les coups des Croisés. Elle est cependant à bien des égards exemplaire. La famille émergea dans un contexte de dissolution générale des pouvoirs, de dislocation du marquisat de Gothie, d’absentéisme généralisé des comtes titulaires. Les vicomtes prirent donc le pouvoir. La ruine des anciennes institutions publiques ne se fit cependant pas, comme ce fut le cas en Catalogne, par une crise brève et violente de rébellion d’inférieurs contre des supérieurs, mais dans une tourmente générale de conflits horizontaux entre pouvoirs de même niveau, qui dura près d’un siècle. Les différents comtes ne cessèrent de s’affronter, entre lignages, mais aussi au sein même des familles. Pour l’emporter, chacun rechercha des alliances, ponctuelles ou plus durables. Nous avons ainsi cru pouvoir déceler deux grandes ligues dans les années 1060, nées de diverses coalitions, dont aucune ne put l’emporter. Seul le comte de Barcelone tira alors son épingle de ce jeu fort complexe, parvenant à s’immiscer dans les hiérarchies de pouvoir méridionales.

134Les finalités de ces guerres furent certes des enjeux de pouvoir, pouvoir sur des terres, pouvoir à l’intérieur des familles. Mais le niveau d’exaspération atteint fut peut-être la conséquence d’un autre motif, celui du partage des richesses. L’aristocratie est obsédée par le souci du paraître. Le comte de Toulouse de l’an mil, récemment redécouvert, était somptueusement vêtu de riches et rares tissus importés et donc achetés. Les nobles étaient avides de numéraire, les nombreuses mentions de pillages et de razzias en sont la preuve. Plus encore, cette aristocratie méridionale, comme la catalane, est assoiffée d’or. En témoigne au premier chef la « vente » des comtés de Carcassonne et Razès qui permit aux Trencavel de recevoir des sommes extraordinaires.

135Mais, en même temps qu’ils se disloquaient, les pouvoirs se reconstruisaient, sur d’autres bases. Les Trencavel ont assis leur domination sur le contrôle des castra, sur le pouvoir supérieur qu’ils sont arrivés à se faire reconnaître de la part des seigneurs châtelains. En 1179, ce sont 477 vassaux qui s’engagent à leur suite dans l’alliance avec Barcelone. Ils semblent avoir été particulièrement attentifs à conserver leur autorité dans les régions riches en minerais, où l’extraction et la métallurgie constituaient une ressource non négligeable. Ils consolidèrent aussi leur assise par leur indépendance vis-à-vis de leurs suzerains potentiels, comtes de Toulouse ou de Barcelone, dans un difficile équilibre où la situation ne fut jamais réglée en droit. Ainsi se dessine l’image de vicomtes indépendants, certainement riches, mais dont l’autonomie même a pu causer la chute : au moment de l’extrême péril aucune alliance, aucune entente ne put être trouvée avec Toulouse.

136L’histoire de la dynastie toulousaine justement ne laisse d’étonner. Elle semble absente ou passive à des moments cruciaux. La base châtelaine, vassalique, le réseau de châteaux et de seigneuries lui manqua cruellement. Est-ce dû aux affrontements de la fin du x^e siècle, à l’absentéisme de Guilhem Taillefer ? Les comtes de Toulouse semblent avoir échoué au moment de la reconstruction des pouvoirs. À la fin du xi^e siècle, ils semblaient reprendre une place de premier plan au moment où Raimond partit en Orient. Mais n’était-ce pas déjà trop tard ? Leurs efforts désespérés pour se constituer une seigneurie sur des terres d’Église étaient voués à l’échec dans le contexte post-grégorien. Puis à nouveau, une absence, une minorité, des Catalans entreprenants qui prennent pied en Provence, qui ont déjà mis la main sur Carcassonne et Razès. Des vicomtes indépendants, jusque dans leur cité maîtresse – les vicomtes de Toulouse –, et d’autres qui coupent leurs domaines en deux – les Trencavel. L’œuvre de Raimond V est en demi-teinte, succès dans les vicomtés de Toulouse, de Bruniquel, de Nîmes, beaucoup plus aléatoires ailleurs. Mais dans les années 1170, cela faisait plus de cent ans que les comtes de Barcelone avaient réduit à l’obéissance leurs propres vicomtes522. Et le comte qui n’arrivait à se défaire de la dynastie Trencavel par les armes terrestres, avait déclenché l’arme suprême, l’arme spirituelle, la dénonciation de l’hérésie. Il ne pouvait prévoir ni Muret, ni Meaux-Paris, ni que la tourmente emporterait sa propre dynastie. Mais le but était bien d’abattre enfin ces inférieurs qu’il ne pouvait maîtriser par d’autres moyens. Raimond VI, qui avait bien isolé son neveu, eut sans doute une action plus efficace dans l’érosion des bases de pouvoir vicomtales523. Mais la machine était lancée, elle les écrasa tous.

137Le plus significatif, sans doute, est dans cette dénomination d’Albigeois communément attachée aux hérétiques. J.-L. Biget a montré sans conteste que l’assimilation de l’hérésie et des terres d’Albi était due à une conjonction entre les expériences cisterciennes malheureuses en ces contrées – saint Bernard à Lavaur, à Verfeil, à Albi, Henri de Marcy à Castres en 1178 et à Lavaur en 1181 – et la volonté des comtes de Toulouse de détourner les attaques ecclésiastiques les concernant vers leurs ennemis Trencavel qu’ils n’arrivaient pas à soumettre d’autre manière524. Mais si les comtes de Toulouse ont désigné le comté d’Albi, et non celui de Carcassonne qui était alors tout aussi infesté d’hérésie, et véritable siège du pouvoir Trencavel, c’est sans doute parce qu’ils pouvaient revendiquer Albi dont ils étaient comtes en titre et dont les Trencavel les avaient pratiquement éliminés, alors qu’ils n’avaient aucun droit sur Carcassonne, ancien comté wisigothique, passé à des ennemis guilhelmides puis à des concurrents trop puissants, les vicomtes Trencavel sous la suzeraineté de leurs ennemis catalans. Les accords de 1067-1070 qui n’étaient en leur temps qu’une péripétie des luttes comtales ont été le lieu où s’est nouée l’histoire du Midi, autant et sinon plus que les tribulations des comtés provençaux.

Notes de bas de page

1 G. Brunel-Lobrichon et C. Duhamel-Amado, Au temps des troubadours, 1997.

2 Le seul autre exemple pourrait en être la vicomté de Béarn qui eut une histoire mouvementée au xi^e siècle, unie au comté de Bigorre au gré des alliances matrimoniales, et dont la souveraineté est douteuse (R. Mussot-Goulard, Les princes de Gascogne, 1982, p. 220-222 ; P. Tucoo-Chala, La vicomté de Béarn, 1961). Dans d’autres comtés, plus au nord, on rencontre un autre cas de figure : des vicomtes commandant dans des cités sont devenus comtes à la fin du x^e siècle, ainsi à Blois, en Anjou ou en Auvergne (J.-P. Poly et E. Bournazel, La mutation féodale, 1991, p. 68).

3 Seuls deux d’entre eux ont effectivement pris le surnom dans des chartes : Raimond Bernard (vers 1057-vers 1074) et Raimond (1150-1167). Ce surnom est resté attaché à la famille peut-être en raison de son emploi dans l’usage oral, au quotidien. Le dernier représentant de la lignée, dépossédé de son titre de vicomte après la Croisade, n’est nommé que Trencavel (Chronique de Guilhem de Puylaurens, p. 121 et 165). L’origine du surnom est obscure. Il apparaît en 1070 sous la forme Raimundus Bernardi cognomento Trencavels. La seule explication qui peut en être proposée est une signification martiale : trenca bel, « tranche bien », sous-entendu avec son épée. Raimond Bernard a pu gagner cette épithète sur un des nombreux champs de bataille du milieu du xi^e siècle. Parodiant Italo Calvino, nous pourrions traduire « le vicomte pourfendeur ».

4 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, 1987, p. 442 et suivantes.

5 C. Higounet, « Problèmes du Midi au temps de Philippe Auguste », 1982.

6 Son activité de missus ne se restreignait pas au Rouergue puisqu’il avait rendu un jugement dans le pagus de Narbonne : lors de la confirmation des privilèges de Lagrasse en 899, Charles le Simple entérine la détention par l’abbaye de Cabrespine et son église Saint-Pierre : sicut in ipso iudicio resonat quod Agila abbas apprehendit ante Folconem missum avi nostri Karoli (Lagrasse, t. I, 40).

7 L. Levillain, « Les Nibelungen historiques », 1937 et 1938.

8 L. Auzias, L’Aquitaine carolingienne, 1937 ; P. Wolff, « L’Aquitaine et ses marges », 1965-1967.

9 HGL, V, 173. J.-P. Poly, « L’autre nom du comte Raimon », 1991.

10 J.-P. Poly et E. Bournazel, La mutation féodale, 1991, p. 347.

11 Dès le règne de Louis IV, comme le souligne J.-F. Lemarignier, « Les fidèles des rois de France », 1955. Un prince méridional est signalé pour la dernière fois aux côtés d’un roi de France en 944 à Nevers, du témoignage de Flodoard (Annales, anno 944) et Richer (Historiae, II, 39).

12 Princeps Aquitanorum en 936 (HGL, V, 172), primarchio et dux Aquitanorum en 936 et 937 (HGL, V, 173 et 176), dux Aquitanorum à deux reprises en 940 (HGL, V, 187 et 188).

13 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, 1987, p. 78-87 ; W. Kienast, Der Herzogstitel, 1968, p. 185-199.

14 C. Lauranson-Rosaz, ibid., 1987, p. 74. Les occurrences du titre de marquis pour les successeurs de Raimond Pons ne sont pas très nombreuses, cf. HGL, V, 212 et HGL, V, 267.

15 De la mort de Raimond Pons (avant 944) à l’arrivée sur la scène politique de Guilhem Taillefer (vers 990), nous possédons tout de même trois testaments, ceux de Raimond en 961 (HGL, V, 244), de Garsinde vers 972 (HGL, V, 274) et de l’évêque de Toulouse Hugues, sans doute membre de la lignée, vers 960 (HGL, V, 236), mais aussi d’une bonne vingtaine de chartes (voir la liste généalogique, p. 340).

16 C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001.

17 M. de Framond, « La succession des comtes de Toulouse », 1993.

18 Édité par J. M. Lacarra, « Textos navarros del códice de Roda », 1945.

19 Voir T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne », 1993 et « Autour de Roger le Vieux », 1996 ; Ph. de Latour, « Les conflits autour de l’abbaye de Peyrissas », 1993 et « De quelques lumières sur le piémont pyrénéen central », 1994 ; P. de Latour, « À propos de la comtesse Garsinde », 1997.

20 L’ancrage en Rouergue est à notre avis primordial : c’est de là qu’est issue la lignée de Foucaud, c’est là que se situent ses bases foncières les plus importantes. Voir F. de Gournay, Du Rouergue carolingien au Rouergue féodal, 2001, p. 80-82. C’est aussi en Rouergue et en Albigeois que sont localisés les premiers sanctuaires dynastiques : Vabres doté en 862 (Vabres, introduction et charte 3) et Vieux (J.-L. Biget, « La sauveté de Vieux », 1990), avant la fondation très politique de Saint-Pons de Thomières. Les abbayes du Toulousain font bien piètre figure dans les dévotions comtales.

21 Peut-être acquis lors du mariage d’Eudes comte de Toulouse d’environ 886 à 918 avec une certaine Garsinde, généralement identifiée comme la fille et héritière d’un Ermengaud comte d’Albi. Les Raimondins vénèrent cependant déjà les saints tutélaires de l’Albigeois par une donation à Vieux en 861 (J.-L. Biget, « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois », 1991, p. 182).

22 F. Aubel, « Les comtes de Quercy », 1997.

23 Où est attesté un comte Raimond à l’extrême fin du ix^e et au début du x^e siècle : Nîmes, actes 5, 8, 9, 16, 33, etc.

24 J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, spécialement p. 55 ; A. Dupont, « Les vues méditerranéennes des comtes de Rodez », 1958.

25 F. de Gournay, Du Rouergue carolingien au Rouergue féodal, p. 71-82.

26 Voir les références ci-dessus, notes 17 et 19, et la liste généalogique p. 340.

27 P. de Latour, « À propos de la comtesse Garsende », 1997 ; à moins qu’elle ne soit issue d’Ermengaud comte raimondin de la branche rouergate (T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux », 1996). Les liens de la dynastie toulousaine avec la Gascogne pourraient alors venir soit d’un premier mariage de Raimond III Pons, soit d’un mariage de son père, Raimond II, avec une certaine Andregoto de Gascogne.

28 J.-P. Poly, La Provence, 1976, spécialement p. 35.

29 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, 1986, p. 87-96.

30 T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne », 1993.

31 Si l’on admet qu’Arsinde femme du comte Arnaud est la fille d’Ermengaud de Rouergue.

32 La ou les Guinedilda/Guidinilde qui apparaissent dans la généalogie comtale viennent sans doute de Barcelone. Sunyer I^er, comte de Barcelone, aurait épousé successivement Richilde et Aimilda de la dynastie raimondine ; Ledgarde et Aimeruda, épouses successives de Borell II, pourraient être de la même maison. Une Tota/Adalaïs a épousé un comte de Besalú : elle vient aussi peut-être du comté toulousain (M. Aurell, « Jalons pour une enquête », 1991, et « Du nouveau sur les comtesses catalanes », 1997).

33 Pour l’identification de Garazo : Ph. de Latour, « De quelques lumières sur le piémont pyrénéen central », 1994, p. 184-185 ; et P. de Latour, « À propos de la comtesse Garsende », 1996, p. 343-344.

34 Il doit s’agir du mari d’Adalaïs d’Anjou, battu vers 978 (HGL, V, 265).

35 Raimond I^er de Rouergue fut assassiné alors qu’il se rendait à Saint-Jacques (Livre des miracles de sainte Foy, I, 12, éd. Robertini p. 108-112 ; édité et traduit par M. Bourin, « Le Bas-Languedoc », 1992, p. 93-98). On ne sait s’il faut identifier ce meurtre avec celui perpétré à Garazo mentionné par le codex de Roda. Il n’en est pas moins sûr que ce comte est l’un des premiers princes à avoir pris le chemin de Saint-Jacques.

36 Raimond II, fils du précédent, mort vers 1010 sur le chemin de Jérusalem (Livre des miracles de sainte Foy, même récit que dans la note précédente).

37 Toujours le même récit de miracle rapporte le don fait par Raimond II de Rouergue à sainte Foy d’une selle « qu’il avait enlevée aux Sarrasins dans une bataille où il fut vainqueur : elle n’était pas estimée moins de cent livres. Des parties de cette selle, détachées avec discernement, on confectionna une grande croix d’argent où l’on sut conserver les riches ciselures des Sarrasins. Elle est d’un travail et d’un art si délicats que nul orfèvre n’est capable aujourd’hui de l’imiter, ni même d’en reconnaître et d’en apprécier tout le mérite » (traduction empruntée à M. Bourin, op. cit.). Il a pu la conquérir lors de batailles aux côtés de son beau-frère Borell de Barcelone (si l’on admet que Ledgarde est fille de Raimond I^er de Rouergue, elle est donc sœur de Raimond II).

38 Le comte de l’an mil, 1996.

39 Bernard Pelet d’Anduze se dit marquis en 1013 (HGL, V, 359) ; son petit-fils Pierre, qui prend l’étonnant titre de satrape, le nomme « mon grand-père Bernard, marquis », en 1077 (Gellone, 151 ; autres occurrences du titre : 154 et 400). Guilhelmus, fils d’Amelius Simplicius, se dit marquio, voire même marchio prepotens, dans deux chartes du cartulaire de Lézat vers 1010 (Lézat, 575 et 721) ; un Raimundus Guilhelmus, peut-être le fils du précédent, est vers 1010-1025 dénommé marchio prepotentissimus (Lézat, 577 et 1295).

40 G. Catel, Mémoires de l’histoire du Languedoc, 1623, p. 779 ; O. Pontal, Les conciles, 1995, p. 121. Les autorités politiques présentes sont, outre le comte de Rouergue (Raimond II), le comte de Carcassonne (Roger le Vieux), le vicomte de Narbonne (Raimond) et le vicomte de Béziers (Guilhem).

41 M. de Framond, « La succession des comtes de Toulouse… », 1993, p. 468-469.

42 Le comte mis en fuite par le comte de Carcassonne, ou celui tué à Garazo ? (si ces deux comtes ne sont pas un seul et même personnage). Le comte Raimond qui eut une très courte carrière est appelé duc des Goths par Richer (Histoire de France, III, 92). Est-ce à lui que saint Fulcran refusa de donner l’accolade ? Il reprochait en effet à un comte de Toulouse d’avoir répudié sa femme pour en prendre une autre, elle-même séparée de son mari (H. Vidal, « La première Vie de saint Fulcran », 1965, p. 15). L’anecdote peut convenir à Raimond et Adalaïs, ce qui fait supposer un premier mariage de Raimond (le nom du comte n’est pas donné dans la Vie rédigée par Bernard Gui, il est nommé Raimond seulement par François Bosquet, évêque de Lodève, qui écrivit une autre Vie en 1651), ou bien à son fils Guilhem Taillefer (voir ci-dessous, note 44), Fulcran ayant été évêque de Lodève de 949 à 1006.

43 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, p. 88.

44 Arsinde serait la fille de Guilhem de Provence et de sa première épouse aussi nommée Arsinde (T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux… », 1996). Elle a eu de Guilhem Taillefer deux fils Raimond et Henri (grâce à l’intercession de sainte Foy, miraculeuse mais cher payée : Livre des miracles de sainte Foy, I, 19, éd. Robertini p. 119-120 ; traduction G. Duby, L’an mil, 1980, p. 96). Arsinde ne paraît dans aucune charte, mais les deux fils accompagnent à deux reprises leur père avant de disparaître mystérieusement (donation pour Psalmodi, éd. E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 629-630, charte redatée de 1029 par M. de Framond, « La succession des comtes de Toulouse », p. 468, note 27 ; et HGL, V, 381 – non daté –, qui correspond à l’acte n^o 31 du cartulaire des Trencavel). Emma est fille de Roubaud et d’Ermengarde, donc nièce du marquis Guilhem (J.-P. Poly, La Provence, p. 34).

45 On ne possède en effet aucun acte de Guilhem émanant du Toulousain. Il est en effet acquis que les sources faisant mention d’un concile de Toulouse vers 1005-1006 et d’un Willelmus comes Albiensium ac Caturcensium et Tolosanorum sont des faux, ou pour le moins des actes récrits (P. Cabau, « Chronologie des évêques de Toulouse, xi^e siècle », 1991, p. 137-138 ; Saint-Sernin, 134 et 137). P. Cabau fait la liste de tous les textes connus émanant de Guilhem Taillefer : ils concernent les églises d’Arles, de Psalmodi, de Marseille (deux fois) et de Sauve (loc. cit., note p. 137-138). Dans tous ces actes provençaux, sa titulature n’est cependant jamais plus que comes Tolose ou comes Tolosanus ; c’est aussi ainsi qu’il est désigné par ses contemporains (vers 1036, une sécurité entre un comte de Carcassonne et un vicomte de Narbonne promet l’aide contre tous, sauf contre, entre autres, Guilhelmus comes de Tolosa, HGL, V, 427). Voir J.-P. Poly, La Provence, p. 73, 97, 176-178 ; H. Dubled, « Les comtes de Toulouse et la Provence », 1974.

46 Quelle que soit l’origine de la comtesse Garsinde et le contenu de sa dot, les comtes de Comminges du xi^e sont une branche de la dynastie des comtes de Carcassonne : en témoignent leurs noms de prédilection Arnaud et Roger (mais rien n’interdit de supposer des mariages avec les Raimondins au x^e siècle).

47 Des vicomtes sont alors fermement installés dans tous les comtés raimondins, ils détiennent la moitié du pouvoir comtal (partage par moitié de l’évêché de Nîmes, partage par moitié du donum à l’entrée en charge d’un évêque à Albi, d’un abbé à Gaillac, coseigneurie sur les anciens châteaux publics), et s’assurent de la fidélité des lignages seigneuriaux en formation (sur tout cela, voir ci-dessous le chapitre sur les Trencavel).

48 Voir la liste des occurrences dans P. Cabau, « Les évêques de Toulouse, xi^e siècle », note p. 137-138. Outre les deux demi-frères tôt disparus, Pons avait un frère Bertrand (présent à la donation à Psalmodi – voir ci-dessus note 44 – et qui devint comte de Provence ou Venasque) et une sœur non nommée qui fut la mère de saint Bertrand par son mariage avec Aton Raimond de L’Isle-Jourdain (Vie de saint Bertrand, Lectio 1a, éd. C. Contrasty et J. Lestrade, « Vie et miracles de saint Bertrand », 1941, p. 187 et 196).

49 Ce sont les premières occurrences d’un tel titre dans la dynastie toulousaine. Elles ne sont pas le fait du comte, mais de tiers qui le désignent comme tel (Tolosanorum Pontius palatinus comes, HGL, V, 502 et mei seniores ac palatini comites Pontius et eius filius Willelmus, HGL, V, 522). Il est permis de s’interroger sur cette apparition, qui pourrait manifester une faveur royale toute récente, peut-être l’origine de ce qui sera dénommé la pairie. Les comtes de Toulouse sont en effet au nombre des pairs laïques des rois capétiens. Or la première liste complète des six pairs laïques et des six pairs ecclésiastiques ne date que de 1275, à une époque où le comté de Toulouse n’existait plus (O. Guyotjeannin, « Pairs ecclésiastiques et laïques », Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, A. Vauchez dir., Paris, 1997, p. 1135). Le choix des noms des six laïcs obéit donc à des impératifs politiques d’une époque antérieure. Le titre de comte palatin apparaît pour désigner le comte de Troyes dès le ix^e siècle, et au x^e pour celui de Flandre (É. Chenon, Histoire générale du droit, 1926, t. 1, p. 588-589).

50 Outre la donation à Majore (voir ci-dessous), une donation à Saint-Victor vers 1050 (HGL, V, 460), l’union de Moissac à Cluny en 1053 (HGL, V, 470), et deux serments aux Trencavel pour Montaigu en Albigeois (CT, 5 = HGL, V, 438, et CT, 6, inédit).

51 Raimundus fuit filius Willelmi antiquissimi Tolosae comitis, qui, vir acer et efficax, patriam, antecessorum suorum socordia obscuram, titulis suis reddidit illustrem. Uxor eius Almodis…. Le chroniqueur, rédigeant vers 1135 et en Angleterre, s’est trompé sur le nom du père de Raimond, qu’il appelle Guilhem, mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit de Pons époux d’Almodis (Guillaume de Malmesbury, Gesta II, 455 ; cité par W. Kienast, Der Herzogstitel, p. 287 note 63a).

52 CT, 109 = HGL, V, 428. Les Bénédictins disent avoir trouvé un original aux archives du château de Foix, et le texte est recopié dans le cartulaire des Trencavel. Cette tradition pourrait induire une origine de Majore dans la famille comtale fuxéenne ou dans la famille Trencavel. Le nom de Majore n’y est cependant pas attesté. L’onomastique renvoie plutôt au Pallars où une Majore de Castille (fille de García Fernández et sœur du comte Sancho Garcés Gormaz) a épousé au début du xi^e siècle Ramon IV de Pallars Jussà. Elle fut répudiée vers 1022 et aucun enfant ne leur est connu (M. Aurell, « Jalons pour une enquête », p. 359). Ils auraient pu avoir une fille en âge d’épouser le comte de Toulouse vers 1037. Si l’on privilégie la tradition du texte, on peut faire de cette Majore une fille (?) de Bernard I^er, comte de Foix-Bigorre de la maison comtale carcassonnaise, et de sa femme Garsinde héritière du comté de Bigorre (T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux », 1996). Cela suppose des alliances antérieures avec la Castille dans la famille comtale bigourdane (vu le caractère lacunaire des listes des comtes de Bigorre, cela n’est ni prouvé, ni impossible).

53 A. R. Lewis, The Development of Southern French and Catalan Society, 1965, p. 346.

54 M. Aurell, Les noces du comte, 1995, p. 281-295, et « Mariage et pouvoir en Catalogne », 1992, p. 53-67.

55 Guilhem (IV), comte de Toulouse, Raimond (IV), comte de Rouergue puis de Toulouse, Hugues mort jeune, et Almodis qui épousa Pierre, comte de Melgueil.

56 Le récit du rapt est édité en dernier lieu par M. Aurell, Les noces du comte, p. 261 et suivantes.

57 Hugues est le fils de Raimond et de son épouse Richarde (qui est peut-être une fille du vicomte de Narbonne, Raimond, et de Richarde originaire de Millau : T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne », 1993, p. 497). Il épousa lui-même une certaine Foy (Fides) que certains considèrent comme la fille de Guifred II, comte de Cerdagne (hypothèse rejetée par M. Aurell, « Jalons pour une enquête », 1991, p. 346).

58 Ce Robert est attesté comme comte de Rouergue de 1052 à 1061.

59 F. de Gournay, Du Rouergue carolingien au Rouergue féodal, 2001, p. 237 et suivantes.

60 Relation de la fondation du prieuré de Rieupeyroux : F. de Gournay, ibidem, p. 245, et J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 208-209, et plus généralement tout le chapitre p. 186-222.

61 Celle de Berthe après 961 et celle de Richarde au nom de Hugues (vers 1010-vers 1030) : F. de Gournay, ibidem.

62 J. Belmon, ibidem, 1991, p. 223-264. Voir la généalogie n^o 8, p. 348.

63 HGL, V, 542 ; il est couramment appelé « comte de Rouergue » dans les actes des années 1070 : HGL, V, 566, 626, 642, 685. F. de Gournay, ibidem, p. 420-422.

64 HGL, V, 166. Nous ne comprenons pas pourquoi HGL date cet acte de 934, la seule précision donnée étant « la cinquième année du roi Raoul » (Raoul ayant été couronné le 13 juillet 923).

65 En 906, Adalindes comitissa fait une donation à Montolieu en exécution du testament d’Acfred décédé (HGL, V, 113).

66 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, 1987, p. 72-78.

67 C. Higounet faisait, à la suite des Bénédictins de l’Histoire générale de Languedoc, d’Arsinde l’héritière d’Acfred et d’Arnaud, un comte de Comminges (C. Higounet, Le comté de Comminges, 1949, p. 26). P. Ourliac a vu en Arnaud un lieutenant des comtes de Toulouse (en dernier lieu : Lézat, Introduction, p. XLIII).

68 T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux », 1996 et P. de Latour, « À propos de la comtesse Garsende », 1997.

69 En 944, Lézat, 907 ; en 949, HGL, V, 207 ; vers 940-950, Lézat, 121.

70 HGL, V, 227. Il semble qu’il faille le distinguer d’un vicomte Arnaud du proche entourage des comtes de Toulouse : en 940, HGL, V 187 et 188 (deux mentions d’Arnaldus et Sicardus, vicomtes, dans des donations de Raimond III Pons à Saint-Pons de Thomières) ; vers 953-954, Lézat, 223 (Arnaldo vicario, vir illuster, vasso misso Raimundo comite, charte redatée par P. Cabau, « Les évêques de Toulouse, x^e siècle », 1990, p. 95) ; dans son testament, le comte Raimond de Rouergue donne des biens à Arnaldus et à Siguinus son fils, puis le château de Brassac à Arnaldus et Sicardus (HGL, V, 244 et 246) ; l’évêque Hugues de Toulouse cite un Arnaldus comme le troisième de ses exécuteurs testamentaires après un comte Raimond et son fils Hugues (HGL, V, 236 ; charte redatée entre 969 et 974 par P. Cabau, ibidem, p. 91).

71 Cité par Arnaud comme déjà mort en 949 (donation propter remedium parentes nostros patrem et matrem et Rodgario fratre nostro, alleux obtenus ex donatione a Rodgario fratre meo, de comparatione Ugonis comitis, HGL, V, 208) ; une cinquantaine d’années plus tard, Roger fils d’Arnaud fait une donation à Lézat de biens quomodo Arnaldus tenebat pro Rodgario fratre suo (Lézat, 594 ; mal datée par les éditeurs).

72 Quelques sondages dans les sources publiées et leur index ne nous ont permis de retrouver qu’un Rogerius, juge salique aux environs de Carcassonne dans les années 920 (HGL, V, 137 ; HGL, V, 160 ; deux chartes issues des archives de l’abbaye de Montolieu).

73 Un Roger de Carcassonne aurait été un vassus de Guillaume le Pieux (P. de Latour, « À propos de la comtesse Garsende », 1997, p. 348, qui ne cite pas ses sources) ; un comte Roger intervient auprès de Guillaume Tête d’Étoupe et de son frère Ebles lors d’une confirmation de Louis IV d’Outremer en faveur de Saint-Hilaire de Poitiers en 942 (P. Lauer, Recueil des actes de Louis IV…, n^o XVIII ; charte qui curieusement se trouve dans le cartulaire de Saint-Sernin : n^o 289). Roger était, rappelons-le, le nom du comte nommé par Charlemagne à Limoges lors de sa réorganisation de 778. L’installation d’un Roger, proche des ducs d’Aquitaine, à Carcassonne aurait pu être décidée lors de l’assemblée d’Autun en 924, où se rencontrèrent le roi Raoul, Hugues d’Arles et Guillaume d’Auvergne et où furent réglées les affaires méridionales (apparition de nouveaux vicomtes à Narbonne et à Béziers-Agde : J.-P. Poly, La Provence, p. 24 ; C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, p. 74-76).

74 Lagrasse, t. I, 51. P. de Latour en tire une généalogie bien hasardeuse, ibidem, p. 355. La charte, non datée et lacunaire, semble être une donation d’un Raimond comte et d’une Adalaiz comtesse (la dévotion à Lagrasse doit en faire des comtes et comtesses de Carcassonne ou de Pallars ou d’Urgell, ceux de Toulouse n’étant jamais intervenus dans cette abbaye ; contra Lagrasse, p. 85). La donation est faite pour l’âme d’Arnaldus frère de Rogerius, d’un autre Arnaldus, fils de Rogerius et de Ber[…], de Rogerius, d’Aimilda comtesse et d’un autre Rogerius. Il existe un comte Raimond en Pallars d’environ 947 à 995, une Adalaiz est l’épouse de Sunifred II comte d’Urgell, une Aimilda a été mariée à Sunyer I^er comte de Barcelone (M. Aurell, Les noces du comte, tableaux généalogiques et « Du nouveau sur les comtesses catalanes », 1997) : comme tout le cartulaire de Lagrasse, cette charte renvoie vers la Catalogne et vers les comtes issus de Bellon de Carcassonne (Lagrasse, t. I, Introduction, p. XVIII-XIX).

75 Adalaïs de Melgueil, selon des conclusions assez probantes de T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux », 1996.

76 HGL, V, 207. Voir la généalogie, p. 344.

77 P. Ourliac, « L’origine des comtes de Comminges », 1955, p. 315. HGL, V, 232 : ce texte est un memorandum rédigé vraisemblablement au xi^e siècle, qui ne rapporte pas moins de sept actes juridiques échelonnés dans la deuxième moitié du x^e siècle. Il s’agit au départ d’une impignoration effectuée par Arsinde et ses fils. Sans entrer dans le détail fort complexe des transactions successives (qui sont très clairement analysées par J. de Malafosse, « Contribution à l’étude du crédit », 1951, p. 117-120), on peut remarquer que Raimond l’un des fils est mort assez vite et que ses droits sont détenus ensuite par l’archevêque de Narbonne Ermengaud ; or celui-ci n’a que la tertiam partem quam Raimundus habebat in Amennola. Dans un régime de succession égalitaire, cela suppose l’existence de trois enfants. L’absence de Roger est imputée par J. de Malafosse au caractère lacunaire de cet acte, qui n’est pas une charte mais une commemoratio (ibidem, note 51, p. 119)

78 Restitution à Saint-Hilaire : HGL, V, 328 (Regimundus comes filius Arnaldi comitis ; aucun candidat catalan ne semble pouvoir être ici proposé, et Saint-Hilaire est le sanctuaire comtal carcassonnais ; le bien qui est restitué avait été abandonné à Saint-Hilaire un siècle plus tôt par un certain Emenardus fils d’Amelius, dans un plaid présidé par le comte Acfred : HGL, V, 72, en 883). Voir Lézat, 371, 372, 375, 411, 469, 1713, 1724 (on ne sait si toutes ces chartes se rapportent à lui, ou si certaines renvoient à un comte raimondin. Lézat 1724 cite un comte Raimond et son fils Bernard, tout aussi difficiles à situer. Si l’on admet qu’Arsinde, la mère de Raimond de Carcassonne est une Toulouse-Rouergue, l’apparition du nom de Bernard n’est pas impossible).

79 Outre les textes déjà cités, voir HGL, V, 365 (redaté vers 1008 par P. Ourliac, Lézat, Introduction, p. XLIII, note 9) ; peut-être peut-on le reconnaître dans trois occurrences d’un comte Eudes à Lézat (389, vers 988 ; 390, vers 990, 327, vers 1000). Il est mort avant 1011 (HGL, V, 358).

80 Vers 1002 : fratre meo Odone et filio suo Arnaldo (HGL, V, 345). On ne sait s’il peut être identifié avec cet Arnaud fils de Garsinde qui fit une très grosse donation à Lagrasse vers 987 ou 994 (Lagrasse, t. I, 84 ; redatée par C. Pailhès, « Le jeu du pouvoir en comté de Foix », 1992, p. 118). Les biens donnés concernent toute la haute vallée de l’Ariège, Ax, Orgeix, Orlu, jusqu’à Mérens, et Arnaud y paraît fort proche des comtes de Besalú puisqu’une clause de retour est instituée en faveur de Bernat Taillefer, fils d’Oliba Cabreta. La première souscription après celle d’Arnaud dans cette charte de Lagrasse est faite par une certaine Boliarde, nom rare que l’on retrouve sous la forme Béliarde en Razès à la génération suivante (Raimond époux de Béliarde en 1034 : HGL, V, 402 ; puis Raimond fils de Béliarde : LFM, 812, et CT, 460 = HGL, V, 494).

81 Dans son testament, Bernat Taillefer donne la villa d’Ussat, quod pater suus [Oliba Cabreta] adquisivit de Arnaldum de Savarteso (LFM, 497). Ce Bernat Taillefer était marié à une certaine Tota « qui est appelée Adalaïz », peut-être originaire de Provence, puisqu’un de leurs fils recevra le nom inconnu jusque-là d’Henri, tout comme Guilhem Taillefer, son presqu’homonyme et contemporain de Toulouse, appela son fils Henri (fils d’Arsinde de Provence ? voir ci-dessus, note 44). Ce nom viendrait du patrimoine onomastique des Bosonides de Provence qui commémoreraient peut-être par là une ancienne alliance prestigieuse avec les Ottons ( ?). Rappelons que ce nom entra chez les Capétiens par le mariage de Robert le Pieux avec Constance, encore une provençale, fille du marquis Guilhem.

82 Adalaïs, femme du vicomte de Narbonne Matfred, Arsinde première épouse de Guilhem II, marquis de Provence, Ermessinde et Garsinde (T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux », 1996).

83 Post fugatum cum suis ac debellatum Tolosanum comitem, HGL, V, 265 (vers 978 ?).

84 Cum ergo venisset injuste Oliba comes contra me cum exercitu magno hostiliter, in magna ferocitate et impetu suae virtutis, et devastasset in igne et praeda super terra mea omne quod potuit…, Beatum Christi confessorem Ilarium deprecatus fui, ut pro mea victoria Dominum deprecari non dedignaretur…, intellexi quod Ilarius almificus deprecatus per me Dominum fuit, HGL, V, 293 ; en 981.

85 Ce saint Hilaire, dont le corps exhala une odeur des plus suaves lors de sa translation et qui fit immédiatement des miracles (il rendit la vue à un enfant aveugle de naissance : HGL, V, 263), était un évêque de Carcassonne qui vécut dans la deuxième moitié du iv^e siècle et qui fut inhumé dans une église dédiée à saint Saturnin, sur le Lauquet.

86 Ces accointances guilhelmides, qu’il est impossible pour l’instant de démontrer, et la reprise de l’héritage gothique des anciens comtes de Carcassonne expliqueraient assez bien l’opposition aux Raimondins (sur les luttes entre Guilhelmides et Raimondins et leurs conséquences : C. Duhamel-Amado, « Poids de l’aristocratie d’origine wisigothique », 1992 et « Les pouvoirs et les parents autour de Béziers », 1990).

87 Il s’agit d’un déguerpissement fait par Arnaldus filius Radulphi, des biens déjà donnés auparavant par Roger en 981, propter victoriam quam sanctus Hilarius atque noscente illo cum suis fidelibus Deum exorando suis inimicis hostiliter ostendit (HGL, V, 342). Sur le contexte familial de cet Arnaud, voir C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 355-361.

88 Le comte Roger iter sancti Petri sequitur (HGL, V, 343). Sur la présence de Ramon Borell : P. Bonnassie, La Catalogne, p. 331 et 340 (le motif du voyage aurait été le problème des relations avec l’Islam).

89 Ils obtinrent une bulle de Benoît VII quia venerunt Rodgarius comes cum conjuge sua, nomine Adalaice, simulque cum eis venit Benedictus abbas ad limina Apostolorum beati Petri et Pauli… (HGL, V, 295 ; vers 982).

90 Sur tout cela, voir P. Bonnassie, La Catalogne, p. 326-332 et C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges, p. 298-306.

91 Oliba Cabreta, après sa défaite, s’est retiré au Mont-Cassin en 988, laissant ses deux fils Guifred II et Bernat Taillefer sous la protection pontificale (P. Bonnassie, La Catalogne, p. 330-331). P. de Marca affirme qu’il avait auparavant passé un accord avec Roger aux termes duquel le comte de Carcassonne abandonnait le Capcir aux Cerdans.

92 Ici se pose le problème insoluble de la lignée qu’il est d’usage d’appeler les Amelii. Ils sont liés aux fondateurs de Lézat et Mas-Grenier : un certain Ato Benedictus (apparenté sans doute aux vicomtes Aton du Toulousain, et à Benoît, vicomte sous Eudes, neveu de saint Géraud d’Aurillac) et sa femme Amelia. Ils apparaissent très fréquemment dans le cartulaire de Lézat (voir l’introduction, p. XLVI-XLVIII) ; ils s’appellent Amelius Simplicius, Guilhelmus, Raimundus Guilhelmus, Ato Amelius, Simplicius Ato… (Lézat, 121, 188, 189, 327, 571, 572, 575, 579, 583, 721, 839, 1135). Trois d’entre eux se disent « marquis ». Un Amelius est vicomte de Carcassonne avant 961 (HGL, V, 243). Certains apparaissent aussi dans le cartulaire de Lagrasse (t. I 54, 58, 66, 76, 130). Dans leur entourage, on peut remarquer les noms assez rares de Radveus et d’Artbertus (le nom de l’abbé de Lézat, chassé vers l’an mil), qui sont aussi ceux de membres du cercle qui entoure les comtes de Carcassonne. D’où que viennent ces Amelii, ils semblent toucher de très près à la lignée comtale. Le conflit que P. Ourliac décèle à Lézat au début du xi^e siècle n’est pas, à notre sens, un conflit « entre le pouvoir et la propriété », mais bien l’affrontement de divers groupements familiaux, tous liés à des comtes et des vicomtes, mais qu’il est impossible aujourd’hui de reclasser (P. Ourliac, « Le premier siècle de l’abbaye de Lézat », 1982, p. 213-223 et « Les grandes familles du Lézadois vers l’an mille », 1983, p. 55-61).

93 Roger marie son fils Bernard avec l’héritière du comté de Bigorre, sa fille Ermessinde avec le comte de Barcelone, ce qui permet à un autre de ses fils, Pierre, de devenir évêque de Gérone ; une fille Arsinde avait peut-être été la première épouse de Guilhem, vicomte de Béziers (T. Stasser, « Autour de Roger le Vieux »), mais surtout son fils Raimond hérite des vicomtés de Béziers-Agde par son mariage avec l’héritière, Garsinde.

94 En l’état actuel de confusion de la généalogie de la famille comtale commingeoise, il est impossible de décider d’où Roger tient cette domination en Comminges et Volvestre, de même qu’en Couserans cité plus loin. Certains font des Commingeois une dynastie locale, plus ou moins proche des voisins gascons, comtes ou vicomtes en Astarac ; d’autres y voient une branche de la famille comtale toulousaine (voir tous les travaux cités jusqu’ici, et Ph. de Latour, « Les conflits autour de l’abbaye de Peyrissas », 1993, p. 547-564). Il est néanmoins certain que les premiers comtes de Comminges mieux connus, au xi^e siècle, s’appellent Roger et Arnaud, ce qui renvoie inévitablement vers les comtes de Carcassonne. Ce sont ces comtes de Comminges qui deviennent les protecteurs de Lézat au xi^e siècle.

95 Testament non daté, recopié en trois exemplaires dans le cartulaire des Trencavel (CT, 111, 350 et 602 = HGL, V, 344). Sur l’extension territoriale du pouvoir comtal carcassonnais, voir la carte n^o 2, p. 335.

96 Le texte de son testament le prévoyait explicitement : sic habeat firmitatem ipsa scriptura, si ego Rogerius non hoc defaciam, si ego non o cambio (CT, 111 = HGL, V, 346). Voir la généalogie, p. 344.

97 La deuxième hypothèse est suggérée par C. Duhamel-Amado, « Les pouvoirs et les parents autour de Béziers », 1990, p. 310-312.

98 Agde, 327, en 1007 (édité et traduit par M. Bourin, « Le Bas-Languedoc », 1992, p. 104-106), et Agde, 334, en 1010 (une emendatio est faite propter mala que fecit Ricardus cum suis in corpore Bertramni et de seniore suo [Raimond ?] et de suo cavallo). Sur le contexte et les enjeux de ce conflit : C. Duhamel-Amado, « Les pouvoirs et les parents autour de Béziers (980-1100) », 1990, et Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 355-361.

99 HGL, V, 358.

100 En 928 est attesté un missus du comte Raimond nommé Fredelon auctor et defensator de castro Andusiense (Nîmes, 32 et 33), certainement apparenté aux Raimondins (les Anduze seraient issus des premiers comtes de Toulouse par les femmes : J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 97-104).

101 Dans le fameux plaid de Pallas, en 1013, Garsinde défend les droits de Guilhem, le fils de Raimond de Carcassonne (le dossier est présenté est traduit en dernier lieu par P. Bonnassie, « Les milites en pays d’oc », 2001, p. 47-49) ; en 1034, Guilhem et Pierre fils de Raimond et Bermond fils de Bernard Pelet accompagnent leur mère dans sa donation à Conques (HGL, V, 403). Voir la généalogie n^o 7, p. 347.

102 Loupian est dans la vicomté d’Agde ; l’attaque est relatée dans les Miracles de sainte Foy, commentés par P. Bonnassie, « Les milites en pays d’oc », p. 49-51. Voir aussi K. Turrel, « Un castrum de l’étang de Thau », 2001.

103 Otages livrés par Bermond de Sauve, fils de Bernard Pelet et demi-frère de Pierre (CT, 470 = HGL, V, 415) ; dans le même contexte, accord entre Pierre et Bermond sur le contrôle des abbayes d’Aniane et Gellone (CT, 468 = HGL, V, 416) ; L. Schneider, « Une vicaria languedocienne », 1997, p. 439-440. Le conflit entre la famille d’Anduze-Sauve et les comtes de Carcassonne se noue autour du contrôle du prieuré de Sauve : P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, p. 67 et suivantes. Il suggère de façon très plausible que l’abbé Pierre de Gellone, qui fut l’initiateur de la rédaction du premier cartulaire de Gellone vers 1070-1072, est apparenté aux comtes de Carcassonne : il fit réécrire les chartes concernant Sauve pour faire pièce aux ambitions des Anduze (p. 73 et suivantes).

104 Les témoignages en sont indirects mais probants : une certaine Garsinde déguerpit en faveur du comte Pierre les droits qu’elle possède du dernier vicomte de Béziers, Guilhem, et de Garsinde sa fille (bien qu’elle ne le dise pas, elle en est vraisemblablement une descendante), en 1046 (CT, 492 = HGL, V, 453). Mais elle retient sur cet héritage un certain nombre de biens qui se retrouvent dans les années 1060 entre les mains de Raimond Bérenger, vicomte de Narbonne (à ce moment-là, ce dernier s’en dessaisit au profit du vicomte Trencavel : CT, 427 = HGL, V, 563) : Raimond Bérenger pourrait avoir épousé Garsinde, fille de Garsinde et de Bernard Pelet. Les droits antérieurs des vicomtes de Narbonne sur la vicomté de Béziers sont attestés par leur contrôle du siège épiscopal, d’une part des mines d’argent de Villemagne-l’Argentière, de certains points de passage sur la Via Domitia, et d’une partie de l’aristocratie biterroise (C. Duhamel-Amado, « Le groupe aristocratique du Narbonnais », 1973, et « Les pouvoirs et les parents autour de Béziers, 1990). De plus, les vicomtes de Narbonne, grâce à leur proximité avec les Raimondins, détiennent aussi des droits dans la vicomté de Nîmes (voir ci-dessous, note 183) et reçoivent serment pour le château de Ugerno/Beaucaire (HGL, V, 373). Après le premier tiers du xi^e siècle, les liens entre Narbonnais et Raimondins semblent cependant se distendre : les vicomtes se tournent plus volontiers vers Barcelone (F. Cheyette, Ermengard, 2001, p. 85 et suivantes).

105 LFM, 812. Ce texte ne nous est conservé que par le Liber Feudorum des comtes de Barcelone. Il fut vraisemblablement récupéré par ceux-ci lors des transactions des années 1060 avec les deux fils survivants de Guilhem.

106 Serment dans CT, 459 = HGL, V, 425 (châteaux mentionnés : Béziers, Agde, Mourcairol, Carous, Roquebrun, Pézenas, Florensac, Saint-Thibéry, Mèze, Paulhan, Le Pouget, Aumelas). Paulhan fait aussi l’objet du premier serment féodal que nous ayons conservé pour la famille comtale carcassonnaise (CT, 456 = HGL, V, 417). On apprend par ce texte le nom de la mère de Bernard Pelet, Blitgarde, qui renvoie inévitablement à une riche propriétaire de la fin du ix^e siècle, qui a doté à plusieurs reprises l’église de Nîmes (Nîmes, 1 bis et 5).

107 Le texte se présente comme un brevis rememorationis de donum quem fecit Raimundus Guilhelmus ad Petrone comite avunculo suo. L’accord concerne la villa de Magrie (vraisemblablement l’actuelle commune du canton de Limoux, en Razès), elle est donnée en fief à Pierre et après sa mort, elle fera retour à Raimond Guilhem ou à ses enfants. Raimond Guilhem n’est pas dit comte, mais il retient la moitié du profit des duels judiciaires qui doit revenir au comte (excepto ipsas batallias juratas quem Raimundus retinet ipsam medietatem quem comes habere debet, CT, 249 = HGL, V, 459).

108 LFM, 812. Ce texte est transcrit à la suite de l’accord de 1020 entre Pierre Raimond et son frère Guilhem ; il ne lui est cependant pas contemporain (le mariage entre Pierre Raimond et Rangarde ne put avoir lieu avant les années 1030-1040 ; ils n’apparaissent avec tous leurs enfants qu’en 1054 : HGL, V, 478). Ce Raimond fils de Beliarde pourrait être le « comte Raimond » cité dans une bulle de 1116 lors d’une querelle entre Lagrasse et Alet sur la détention de Saint-Polycarpe (Alet cite à l’appui de ses prétentions une redditio sive donatio faite par Raimundus comes quam regnante Francorum rege Philippo ediderat, HGL, V, 858).

109 LFM, 813 (la cession porte sur le castellum vicomtal qui était à Bernard, la moitié de la cité sauf le castellum de Pierre Raimond, la moitié de l’évêché, la moitié des abbayes, la moitié du comté).

110 En 1034, Raimond donne un alleu en Razès à Saint-Hilaire propter ipsam pugnam quam habeo in castrum Redda cum Arnaldo Giberto, propter mortem filii sui, quia fecit me Deus vincere ipsam pugnam par intercessionem sancti Hilarii confessoris sui (HGL, V, 402).

111 Arnaud, comte au x^e siècle, Arnaud fils d’Eudes, Arnaud vicomte en 1002, Arnaud fils de Garsinde à Lagrasse à la fin du x^e (avec souscription d’une certaine Boliarde : Lagrasse, t. I, 84) ; Gibertus rappelle le nom d’un viguier de Saissac du milieu du x^e siècle, Gilabertus (HGL, V, 227 et 228). Arnaldus Gilabertus sera aussi le nom d’un personnage, qui, à la fin des années 1060, contrôle la monnaie de Carcassonne (LFM, 838, rubrique 35).

112 CT, 460 = HGL, V, 494 (Béziers, Agde, Carcassonne, Pézenas, Saint-Thibéry, Saint-Pons-de-Mauchiens, Mèze, Le Pouget, Paulhan, Mourèze, Mazers, Nizas, Roujan, Mourcairol, Carous, Vieussan, Roquebrun, Abeilhan).

113 Le texte n’est pas clair : il distingue deux aires de pouvoir sans les attribuer clairement. La première comprend Carcassonne, sa cité et son comté (sauf l’évêché, une sala qui appartient à Pierre, sauf Peissan et Brucafols, et les abbayes du Carcassès), les alleux de Sanctus Godricus et Beced, le castellum de Queille (sauf l’abbaye de Camon), les alleux de Pradas, Canuecas et Viveir, la dominigadura de Dun (sauf le castellum de Dun), les alleux de Vernola, Gulag, Vilanova, Escoca, la moitié du bois de Boulbonne, l’Agarnaguès, le castellum de Saissac, les vigueries de Tindranès, Olmès, Boulbonne et del Banchels ; la seconde est composée du castrum de Foix, de Castelpenent, de Roquemaure, de Lordat, des vigueries, du comitivum, des dominigaduras comitales en pays de Foix (sauf les abbayes de Foix, de Fredelas, du Mas d’Azil), l’autre moitié du bois de Boulbonne, et tout ce que Roger a de Saverdun à Justaret d’Ariège et au Volvestre (AD Ariège E1 = HGL, V, 405-407 = Brunel, n^o 1, meilleure leçon que HGL). Le tout semble revenir à Roger de Foix, mais à des titres différents et la convenientia semble avoir pour but l’organisation d’une succession mutuelle en cas de prédécès. Son neveu aussi nommé Roger, fils de son frère Pierre, fit en effet un accord sur tous ces biens avec Ermengarde et son fils Bernard Aton IV en 1095.

114 Le premier pour la cité de Carcassonne, les castella de Foix, Castelpenent, Queille, Saissac, Arzens, l’évêché de Carcassonne, les abbayes de Valsiger, Vernassonne, Cabardès, Caunes, Lagrasse, Saint-Hilaire, Fredelas, Foix (AN, J 879, n^o 7 = HGL, V, 408 = Brunel, n^o 2) ; le second comprend en plus les castella de Dun, Kercorb, Péreille, mais ne mentionne plus Queille, Arzens et les abbayes (HGL, V, 409).

115 Ce dernier accord familial est un serment de Roger de Carcassonne, fils de Rangarde à Roger de Foix, fils de Garsinde pour Carcassonne, Saissac, Ventajou, Alairac, Capendu, Arzens, Cabaret, Montferrand, Puichéric, Rustiques, Villalier, Couffoulens, l’évêché de Carcassonne, les abbayes du Carcassès et la moitié des justices du comté. Il lui promet en outre son aide contre tous, sauf contre Guilhem et Raimond comtes de Toulouse et de Rouergue, Rangarde sa mère, et Pierre Bernard de Foix (HGL, V, 524).

116 Parmi les fils de Roger le Vieux, Carcassonne était dans la part de Raimond (voir plus haut son testament), mais Bernard a eu le château vicomtal (mention du castellum vicecomitale, que Bernardus habuit in vita sua, LFM, 813) et Pierre y conserve une sala (HGL, V, 405) ; parmi les petits-fils de Roger, Pierre Raimond et Guilhem se partagent la cité par moitié (LFM, 812), Pierre Raimond a un château (castello que ego Petrus suprascriptus habeo, LFM, 813) mais cède le château vicomtal à Raimond fils de Beliarde ; et Roger de Foix, fils de Garsinde, prête serment à son oncle l’évêque Pierre de Gérone pour Carcassonne (HGL, V, 405, 408 et 409), puis se fait prêter serment par Roger, fils de Pierre Raimond et de Rangarde pour la même cité (HGL, V, 524).

117 Cette rétrocession mutuelle était explicitement prévue dans le testament de Roger le Vieux :… in tali vero ratione ut dum illi vivunt [ses trois enfants], teneant et possideant. Si infantes habuerint de legitimo matrimonio similiter teneant in batlia illi qui vivi erunt. Vendere nec alienare licentiam unus non habeat nisi unus ad alium. Et si infantes non habuerint de legitimo matrimonio, remaneat ipsa hereditate ad ipsos fratres qui vivi erunt (CT, 111 = HGL, V, 346).

118 Pierre évêque de Gérone continue à s’intéresser activement aux affaires languedociennes jusqu’à sa mort vers 1050. Il est dit inclitus comes en 1011, avec son frère Bernard (HGL, V, 358) ; en 1030, il effectue une donation à Montolieu (Petrus episcopus per preceptum domni Rogerii comiti patris mei et mater mea Adalaiz, HGL, V, 386) ; dans les années 1030-1040, il assiste à un procès à Lézat (Lézat, 1295) ; puis il s’accorde avec son neveu de Foix.

119 HGL, V, 342. Il s’agit du plaid au cours duquel le vicomte Arnaud restitue des biens à Saint-Hilaire (guarpitoriam atque evacuationem facerent atque firmarent, quia Lex Judicum dicit : « Ut quaecumque res sanctis Dei ecclesiis… », Lex Wisigothorum, livre 5, Lex prima, De ecclesiasticis rebus).

120 Dossier du litige autour de l’abbaye de Peyrissas vers 1030 (Lézat, 409 : on a bien cherché dans le Liber Judicum, mais on finit par organiser un duel judiciaire ; Lézat, 410 : on désigne des champions qui devront décider de l’authenticité entre deux chartes concurrentes), des héritiers qui contestent un testament se voient imposer une solution par le duel (Lézat, 1295 ; vers 1030-1040). Les profits issus des batallas juratas sont mentionnés en Razès (CT, 249 = HGL, V, 459).

121 CT 445 = HGL, V, 417.

122 HGL, V, 92 (vicecomes eiusdem comitatus).

123 L’institution de la vicaria a suscité une littérature beaucoup plus abondante que la vicomté, qui est curieusement absente des indices des thèses régionales ou des grandes synthèses. Sur la vicaria : M. Bloch, La société féodale, rééd. 1983, p. 501 et suivantes ; R. Boutruche, Seigneurie et féodalité, Paris, 1968-1970, t. 2, p. 268 ; R. Fossier, Enfance de l’Europe, Paris, 1982, t. 1, p. 375 et suivantes ; en dernier lieu : L. Schneider, « Une vicaria languedocienne », 1997 ; F. de Gournay, « La mutation de la viguerie en Rouergue », 1999 ; J.-P. Chambon, « L’agencement spatial et fonctionnel des vicairies »,1999.

124 À la liste de E. Magnou-Nortier : Alzonne en 870, Saissac en 950, Queille (Colia) en 957, Popian en 968 (La société laïque, p. 183-184), il faut au moins ajouter Cabrières en 971, Lunas en 988, Sauve en 996 et 1031. Pour les xi^e-xii^e siècles, voir p. 309, note 245.

125 Un certain Raino en 934 se dit vicecomes et vicarius en Rouergue (HGL, V, 163) ; la même remarque est faite pour un Séguin en Gascogne (R. Mussot-Goulard, Les princes de Gascogne, p. 148) ; un Arnaldus est vicomte du comte de Toulouse en 940 (HGL, V, 187 et 188), un autre (?) vicarius en 953-954 (Lézat, 223) ; le Lautrecois, ancienne viguerie ou ministerium, devient une vicomté (P. Zalmen, « Aux origines du Lautrecois médiéval », 1977, p. 359).

126 Sur ces deux sens : J.-P. Poly et E. Bournazel, La mutation féodale, 1991, p. 90-94.

127 D’après la vie de saint Géraud d’Aurillac : G. Venzac, « Vie de saint Géraud », 1972, p. 295-296. En 919, un Benedictus vicecomes est cité comme possesseur d’un confront en Dalmazanès (Lézat, 813). Un vicomte Aton (orthographié Abon, mauvaise lecture ?) est aussi signalé vers Nîmes et Maguelonne en 834 ou 909 (Nîmes, 12, et p. xxviii de l’introduction).

128 À Nîmes, un vicomte Bernard en 898 (Nîmes, 8 ; peut-être apparenté au Bernard de 876 : Nîmes, 1) ; un Bernard vicarius à Alzonne en 918 (HGL, V, 137).

129 À Béziers-Agde : Rainard (vers 881-897) époux de Dida, Boson (vers 897-920) époux d’Adalaïs, Teudo (vers 924-933), Guilhem (956), Rainard (961-969), Guilhem (967-993) époux d’Ermetrude puis d’Arsinde [C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, p. 367-379]. À Lodève : Ilduin (961-982) époux d’Archimberte, et leurs trois fils Ermengaud, Allidulf et Odon (972-986) ; mariage de la fille d’Odon qui fit passer la vicomté aux mains des vicomtes de Carlat [C. Duhamel-Amado, ibidem, p. 259]. À Millau : Begon ? (855-868), Bernard fils d’Amblard Georges et de Sénégonde (914-932), Bernard (vers 936-937), Frédelon ?, Rainon (vers 929-936) [J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 64-113]. À Narbonne : Francon (mort avant 924), Eudes (mort en 924), Matfred (mort en 966) époux d’Adalaïs, Raimond, époux de Ricarda de Millau [T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne », 1993, p. 489-507].

130 Donum et eleemosinam quod fecerunt majores nostri generis, videlicet Diasfronisa vicecomitissa et Bernardus vicecomes filius ejus et Gaucia ejus conjux et filii eorumdem Froterius Albiensis episcopus et Ato vicecomes (HGL, V, 1090).

131 Les Trencavel, comme tous leurs contemporains méridionaux, n’ont fait rédiger aucune histoire, ni généalogie de leur lignée (sur ce sujet : T. N. Bisson, « Unheroed Pasts… », 1990, p. 281-308).

132 HGL, VIII, 385.

133 Lors d’une donation à Gellone (HGL, V, 328 : Atho et uxor mea Girberga et filii nostri Bernardus et Froterius).

134 Dans un serment inédit du cartulaire des Trencavel : CT, 422.

135 HGL, V, 224 = AN, J 307, n^o 48 (le plus ancien original du Trésor des chartes d’après HGL).

136 Plusieurs Aton sont mentionnés dans l’entourage comtal toulousain : un Aton vicarius d’Eudes en 898 (HGL, V, 97), un autre souscrit deux chartes de donation de Raimond Pons (à Saint-Pons en 936 : HGL, V, 173 ; et à Béziers en 937 : HGL, V, 176), le même (?) vicomte Aton se dit fils de Bernard et fait lui-même une donation à Saint-Pons en 942 (HGL, V, 190 : la titulature qui lui est ici donnée pose problème, il s’intitule Atto gratia Dei vicecomes ; ce serait en Occident le premier vicomte par la grâce de Dieu, mais la charte paraît remaniée). Le nom de Diasfronisa ne paraît en revanche dans aucune charte du x^e siècle.

137 Sur la mère Gauca/Gauza/Gauciane, nous ne savons rien, à moins d’accorder foi à une charte perdue, citée par P. Béraud. Un certain Bernardus comes Tolosanus y aurait cédé tous ses pouvoirs à Uzès à son neveu Gobertus, fils de sa sœur Gothia. Ce Gobert se serait distingué peu auparavant par sa lutte contre les Germanos et Normanos. (P. Béraud, Uzès, son diocèse, son histoire, p. 57. Nous remercions chaleureusement J.-B. Elzière qui nous a signalé cet ouvrage). Le contexte des invasions normandes et le nom de Bernard renvoient à la fin du ix^e siècle. Le vicomte Aton aurait-il épousé une descendante d’une lignée vicariale ou vicomtale d’Uzès, apparentée aux comtes de Toulouse ? De nombreuses incertitudes demeurent (qui est Bernard ? Un Raimondin ou un Guilhelmide ? Peut-on assimiller Gothia et Gauca ?), mais l’hypothèse est séduisante et non invraisemblable.

138 Cantuels, commune de Saint-Christophe, canton de Marcillac, Aveyron. Donation de Garsinde de l’alleu de Cantullum : HGL, V, 276. La villa de Cantul est incluse dans la dot de Guilhelma par Raimond Bernard en 1069 (CT, 475 = HGL, V, 568).

139 Ce Frotaire est dit évêque d’Albi dans la généalogie du xii^e siècle : il y a en effet un Frotaire dans les listes épiscopales d’Albi, vers 972-987 (J. Dufour, Les évêques d’Albi, 1989, p. 28), mais il y en a aussi un dans les fastes de Nîmes, vers 987-1014 (J.-L. Biget, « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois », 1991, p. 186, note 52). Est-ce le même qui aurait été transferé, ou sont-ce deux Frotaire différents ? Ils sont de toute façon très proches de la famille vicomtale.

140 Son nom, qui ne semble pas attesté à cette date dans le Languedoc, renvoie à la lignée des comtes de Provence : Guilhem III (992-1019) avait épousé Gerberge, fille d’Otte-Guillaume comte à Mâcon et en Franche Comté (J.-P. Poly, La Provence, p. 179).

141 Ce Segarius eut une existence éphémère, il survécut cependant à son père puisqu’il est cité dans les transactions qui suivent la mort de celui-ci (CT, 3 = HGL, V, 411 et CT 121, inédit).

142 Proconsul Neumacensis et princeps Albiensis, mais la date de rédaction de ce récit est certainement très postérieure aux faits : fondation du pont vers 1040, relation de la fondation vraisemblablement vers 1175-1180 (au moment où sont aussi remaniés les textes relatant la fondation de la sauveté de Vieux : J.-L. Biget, « La sauveté de Vieux », 1990 ; voir ci-dessous, p. 314). Bernard Aton serait mort avant 1057 si l’on accepte la date de la charte publiée par C. Portal (« Le prieuré d’Ambialet », 1891, p. 382).

143 Raimond Bernard, fils de Rangarde, épousa Ermengarde, fille de Rangarde : le mariage fut peut-être consanguin ; quoi qu’il en soit, l’alliance fut sans doute facilitée par le mariage paternel. Raimond Bernard fut vicomte d’environ 1057 à environ 1076 ; il est traditionnellement admis qu’il est mort en 1074, mais C. Portal a publié une charte où il intervient et qui pourrait être datée de 1076 (« Le prieuré d’Ambialet », 1891, p. 385). Il est certain qu’il est disparu avant 1078 (HGL, V, 642).

144 Tous peuvent être rattachés d’une manière ou d’une autre aux Guilhelmides, aux Raimondins, ou à la famille de Géraud d’Aurillac.

145 HGL, V, 225. Déjà à Béziers en 924, puis à Narbonne en 933, on trouve mention de vicomtesses (Adalaïs : HGL, IV, p. 103 ; Richilde : HGL, V, 161). Mais elles agissent seules, sans doute veuves, alors que Gauza est nommée à la suite de son mari, vicomte.

146 Significativement contemporaine à Ambialet-Albi et à Narbonne, vicomtés pour lesquelles subsistent quelques textes.

147 La dernière apparition du vicomte à la cour comtale est malheureusement mal datée. E. Magnou-Nortier qui a édité le texte (La société laïque, p. 629) le donne de 998-999, en signalant qu’il est certainement falsifié ; M. de Framond dans une longue note le redate de 1029 (« La succession des comtes de Toulouse », 1993, p. 468, note 27). Aton II et son fils Frotaire, évêque de Nîmes, sont aussi à Sauve en 1029 pour la fondation d’un coenobium : ils y croisent Guilhem Taillefer (HGL, V, 388).

148 Aton vicecomite vetulo de Ambiledo (HGL, V, 577, en 1069), qui renvoie d’après nous à cet Aton du début du xi^e plus certainement qu’à celui de 942 ; voir J.-L. Biget, « La vicomté d’Ambialet » ; « Récits d’une histoire oubliée », 1983 ; et « Hommes et pouvoirs », 1994.

149 Serment de Pierre évêque de Maguelonne (fils de Bernard II comte de Melgueil) et de Bernard fils d’Ugo et de Garsende (CT, 422, inédit). Voir la carte n^o 1, p. 334.

150 La vicomté de Nîmes pose un problème particulier quant aux sources : très peu d’entre elles sont conservées dans le cartulaire des Trencavel. Cette vicomté fut attribuée en 1129 par Bernard Aton IV à son fils cadet Bernard Aton ; celuici a dû partir avec les archives familiales concernant ces domaines. Or le cartulaire fut rédigé dans les années 1180 par le successeur de la branche aînée, Roger II. Il n’y avait dans les archives vicomtales plus aucun texte pour Nîmes ; seules quelques épaves en sont conservées aujourd’hui dans le Trésor des Chartes.

151 Le comte Pons donne en dot à sa femme Maiora « la moitié de l’évêché de Nîmes », vers 1037 (CT, 109 = HGL, V, 428).

152 Il est attesté par une charte du cartulaire des Trencavel par laquelle l’évêché est « vendu » entre 1037 et 1040 par Frotaire de Nîmes et Bernard Aton à Bernardus Aimardus pour son fils Guilhelmus, après la mort de l’évêque en place Amelius. Le donum, probablement de 10 000 sous, doit être partagé par moitié entre les vicomtes et Pons comte de Toulouse (CT, 105 = HGL, V, 432).

153 Le frère d’Aton II, vers 972-vers 987, d’après J. Dufour, Les évêques d’Albi, 1989, p. 28.

154 Vers 1062 – déposé en 1079 mais actif jusque vers 1083. C’est à notre avis celui des fameux serments de Lautrec (voir notre article « Les serments de Lautrec », 1997).

155 Au début des années 1030 eut lieu un accord entre Frotaire, Bernard Aton et Segarius d’une part, et d’autre part la famille qui tua leur père Aton (Geraldus et Sicharius et leurs fils) et qui dut leur céder Brens et Cahuzac en emendamentum (CT, 3 = HGL, 411). Dans un second texte, uniquement conservé dans le cartulaire des Trencavel (CT, 121, inédit), il est stipulé que Geraldus et son frère Segarius devront laisser l’abbaye à leur frère Arlenus jusqu’à sa mort. Ils la tiendront en fief des vicomtes. Ils sont obligés de déguerpir le donum (payé à l’entrée en charge d’un abbé ?) que leur reversait Guilhem Taillefer, le comte de Toulouse, en faveur des vicomtes. La situation est peut-être ici identique à celle qui prévalait dans les évêchés : contrôle partagé, don partagé.

156 Elle est l’objet d’une convenientia dans la donation en dot de Raimond Bernard Trencavel à sa fille Guilhelma : elle lui est donnée à titre viager, avec retour au vicomte ou à ses héritiers si elle n’a pas de descendance (CT, 475 = HGL, V, 568) ; en 1074, les Trencavel mettent Saint-Benoît dans l’obédience de Saint-Victor (J.-L. Biget, « La vicomté d’Ambialet », p. 574).

157 L’abbaye est donnée à Saint-Victor en 1060, par l’évêque Frotaire de Nîmes (HGL, V, 519 ; redatation par P. Cabau, « Chronologie des évêques de Toulouse, xi^e siècle », 1991, p. 126, note).

158 Qui bénéficie des « libéralités répétées des Trencavel » (J.-L. Biget, « La vicomté d’Ambialet », p. 574) et qui est rattachée à Saint-Victor dès 1057 (C. Portal, « Le prieuré d’Ambialet », p. 383).

159 Le serment prêté à l’évêque Frotaire pour le château de Lunas au début du xi^e siècle (par Deusde fils d’Adalais) est suivi par une promesse pour l’abbaye de Joncels : Illa communia que vocant Sancti Petri Juncellensis monasterii Deusde suprascriptus non las defara, ni non las derumpara, nec ullus nec ulla femina per sua consencia. Nec vestitura nec donatione de nullo homine nec de nulla femina acceptam habet qui vivus aut viva fiat in carne, ni non o fara dum Froterius vivra ni de ipso Froterio aut el absolvera sine forcia (CT, 464, inédit). Ce patronage étonne. D’après sa Vie, saint Fulcran (évêque de Lodève de 949 à 1006) aurait lui-même relevé et réformé Joncels (voir H. Vidal, « La première Vie de saint Fulcran », p. 12). L’intervention de Frotaire se situerait-elle après la mort du saint ?

160 La même cohésion familiale se fait jour dans la vicomté de Millau (J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 284).

161 « La vicomté d’Ambialet », p. 581.

162 Serment pour le château de Dourgne (en Toulousain) prêté à Aton II par Guilems coms filius Adalais, Raimundus filius Garsen, Aiarigs filius Garsen : il s’agit du comte Guilhem Taillefer, et sans doute de ses deux fils, Raimond et Henri, qu’il eut de sa première épouse Arsinde, appelée ici Garsen (CT, 31 = HGL, V, 381 ; filiation corroborée par le témoignage du Livre des miracles de sainte Foy, I, 19, éd. Robertini p. 119-120).

163 Serment pour le château de Montaigu (en Albigeois, aujourd’hui commune de Lisle-sur-Tarn) de Poncius comes filius Emma à Bernard Aton III (CT, 5 = HGL, V, 438) et à Frotaire son frère (CT, 6, inédit).

164 Trois serments pour les châteaux de Lavaur et Saint-Félix d’un certain Guilhems/Willelmus filius Adalaiz, qui n’est pas dit comte mais est peut-être Guilhem Taillefer, à Aton II (CT, 75, inédit), à Bernard Aton III (CT, 76 = HGL, V, 414) et à Frotaire, l’évêque de Nîmes (CT, 74, inédit).

165 Les Trencavel, comme souvent, n’auraient conservé et recopié dans leur cartulaire que la partie les intéressant ; on a un exemple contemporain de ce type de serments réciproques avec les serments de Lautrec, et quelques autres cas au xii^e siècle.

166 En 1077, Petrus, satrapa Salvensis, cite Bernardus avus meus marchio (Gellone, 151). Ces Anduze sont des descendants par les femmes des comtes de Toulouse du ix^e siècle et sont aussi apparentés aux vicomtes de Rouergue-Millau (J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 102-104). Ils ont aussi noué des liens avec de riches propriétaires fonciers (Bernard Pelet est fils de Blitgarde : voir ce nom dans l’index du cartulaire de Nîmes).

167 Ces castra sont repris en fief par les fils d’Aton (Frotaire, Bernard et Segarius) de Geraldus et ses fils (Petrus et Pontius) et de son frère Sicharius/Segarius et ses fils (Rigaldus, Amelius, Bernardus) propter emendamentum de morte patris eorum Atoni (CT, 3 = HGL, V, 411).

168 Illa ecclesiam de Tredueing cum ipso ecclesiastico et illo fevo que Matfredus in ipso Tredueing de Geraldo et Segario tenet, illo fevo de Canezag que Geraldus et Segarius de Amelio episcopo tenent et illa ecclesia de Voriasio et illa ecclesia de Vilaris, donat totum istum fevum Amelius episcopus Froterio episcopo et Bernardo vel Segario emendamentum per Geraldum vel Segarium vel filios eorum propter mortem Atoni (CT, 121, inédit). On peut déduire de ce texte que le problème central de cet affrontement (et donc peut-être la cause de la mort d’Aton) serait le contrôle de l’abbaye de Gaillac, c’est-à-dire l’élection de l’abbé et le donum consécutif.

169 Ce rapprochement entre les seigneurs de Brens-Cahuzac et les vicomtes est suggéré par C. Duhamel-Amado (« Les pouvoirs et les parents autour de Béziers », 1990, p. 312 ; elle indique quelques autres indices anthroponymiques). Geraldus et Sicharius donnent leurs parts de Brens et Cahuzac ainsi que la part de leur frère Arlenus après sa mort. Sans doute ne l’ont-ils pas consulté. Ils sont de toute façon en conflit avec lui, comme nous le révèle le second texte à propos de Gaillac (CT, 121). Le nom fort rare de Segarius est aussi porté dans la famille de Laure en Minervois au milieu du xi^e siècle : la parenté des seigneurs de Laure avec la famille vicomtale expliquerait l’importance qu’ils prirent, que l’on ne décèle toutefois dans les sources qu’au xii^e siècle (Segarius et frater suus Bernardus de Laurano sont mentionnés dans le testament d’Arnaldus Siguini en 1049 : Doat, vol. 40, fol. 31).

170 Dans le cas de Montaigu, la charte prend la forme d’une vente (l’alleu du castellum a été payé 300 solidatas), mais cette transaction monnayée peut très bien être un accord après un conflit où le seigneur aurait été défait.

171 Et exprimée, avec toutes les implications politiques et sociales, pour la première fois par G. Duby (« Les laïcs et la Paix de Dieu », rééd. 1973, p. 227). Sur l’historiographie générale de la Paix de Dieu, mise au point très éclairante de F. S. Paxton, « The Peace of God in Modern Historiography », 1987.

172 Récemment redécouvert : La Paix de Dieu, x^e-xi^e siècles, 1988 (principalement les articles de M. Roux, « Le plaid de Saint-Germain Laprade » ; C. Lauranson-Rosaz, « Le Velay de l’an mil » ; et P.-R. Gaussin, « La Paix de Dieu »).

173 Ils sont parfois présents aux conciles ainsi à Narbonne en 990 (les comtes de Rouergue et de Carcassonne, les vicomtes de Béziers et de Narbonne), à Saint-Félix sous Rodez (présence de la comtesse de Rouergue, Berthe), à Toulouges en 1041 (sont seulement cités les comites et vicecomites), à Narbonne en 1054 (le comte Pierre Raimond de Carcassonne et le vicomte Bérenger de Narbonne).

174 J.-L. Biget, « Le pont vieux d’Albi », 1978. Frotaire est seul présent à plusieurs conciles en sa qualité d’évêque de Nîmes.

175 Il semble impliqué dans le meurtre d’Aton (voir ci-dessus, note 168). Il a introduit la Paix et la Trêve en Albigeois : un accord postérieur entre l’évêque Guilhem son successeur et Frotaire de Nîmes nous en informe. Guilhem promet à Frotaire de faire respecter la Paix et la Trêve comme l’avait fait Amelius (convenit Guilhelmus episcopus ad Froterium episcopum ut teneat pacem et trevam Domini et tenere faciat sicut Amelius episcopus melius tenuit et tenere fecit, CT, 116 = HGL, V, 452). L’importance de l’épiscopat d’Amelius et ses relations avec Oliba l’évêque de Vich ont été développées par J.-L. Biget (« Le pont vieux d’Albi », 1978, p. 145-148 ; « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois », 1991, p. 192-193) et par J. Dufour (Les évêques d’Albi, 1989, p. 29-31).

176 J.-L. Biget, « La sauveté de Vieux », 1990.

177 Le mémoire concernant Vieux est clairement daté de 1175-1180 par J.-L. Biget (« La sauveté de Vieux », p. 25-27) ; la narration de la création du pont est donnée de « 1100-1120 ? » (J.-L. Biget, « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois », p. 193, note 133). De nombreux indices nous conduisent à reporter cette rédaction dans la deuxième moitié du xii^e (voir ci-dessous, p. 314).

178 P. Bonnassie parlait au colloque de Rome d’une « longue et difficile gestation » (« Du Rhône à la Galice », 1980, p. 34). Synthèse récente de J. M. Salrach, « Les féodalités méridionales », 1998, p. 341 et suivantes.

179 Raimond de Narbonne (vers 966/1008-vers 1019/1023) a épousé Richarde de Millau et Raimond Bérenger de Narbonne (vers 1032-1067), une fille de Bernard Pelet d’Anduze. Richard II de Millau a pris pour épouse la sœur de Bernard Bérenger de Narbonne, et lui a peut-être offert sa propre sœur Foy en mariage, dans une union croisée entre deux couples de frères et sœurs tout à fait révélatrice (voir T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne », 1993 et J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 226-227). Voir les généalogies n^o 7 et n^o 8, p. 347-348.

180 Mais malheureusement, nous n’en savons pas plus. La seule source à ce sujet est un fragment de charte inachevée recopiée dans le cartulaire des Trencavel : Debet Berengarius vicecomes et frater eius Raimundus mittere obsides in potestate Petri comitis per X.M. solidos valentes de denariis Biterrensis aut Melgorium ut adtendat ipsas conveniencias et ipsos… (CT, 500, inédit). Des troubles sont attestés en Millavois, fomentés par le vicomte Hugues, dont se plaint un prêtre victorin (P. Amargier, « Relations de Saint-Victor de Marseille », 1984, p. 219). Voir les généalogies n^o 7 et n^o 8.

181 Texte publié par HGL, V, 476 ; E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 463-468 et « La crise de l’Église narbonnaise », 1973, p. 115-119 ; M. Gramain, « Castrum, structures féodales et peuplement », 1980, p. 119-121 et M. Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Bas-Languedoc, 1987, t. 1, p. 122-124 ; D. Barthélemy, L’an mil et la paix de Dieu, 1999, p. 513-520 ; et en dernier lieu P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, p. 260 et suivantes.

182 Unde idem archiepiscopus talis suffragator extitit, ut etiam sacrilegios et homicidas illos in sua se mittendes potestate patrocinavit, suffragatorque eorum extitit, et in eo ullam non valui invenire justiciam (HGL, V, 500).

183 Ils s’appellent Raimond Bérenger et Bernard Bérenger. Ils avaient fait un accord où ils se partageaient la vicomté par moitié, qui n’a malheureusement été conservé que par une traduction de Catel (Mémoires de l’histoire du Languedoc, 1633, p. 581-582). La suite nous prouvera qu’il n’a manifestement pas été respecté. Cet accord passionnant montre que le titre de vicomte de Narbonne ouvrait à des droits dans les « comtés de Béziers, de Lodève, d’Alby et de Nismes ès lieux de Beaucaire et d’Argence, de même ès comtés de Rossillon, de Gironne et de Razés, semblablement en la chastellainie de Pierre Pertuse et de mesme aux comtés de Carcassonne et de Gévaudan, et en l’évesché du pays, comme aussi au comté de Rouergue » : il reste bien du travail aux historiens pour déterminer d’où venaient tous ces droits et quelles sont toutes les alliances qu’ils supposent !

184 De qui peut-il s’agir ? De Durand de Bredons à Toulouse, élu vers 1058-1059, de Matfred à Béziers, fils d’Ermengaud de Cazouls, lignage biterrois fort proche des Narbonnais, de Bérenger I^er à Agde ?

185 HGL, V, 535 et 536. Voir J. Caille, « Origine et développement », 1973. Voir aussi, avec une interprétation différente, F. Cheyette, Ermengard, 2001, p. 50-51.

186 Cet acte, ainsi que le serment qui le complète (HGL, V, 541), permettent de supposer que Raimond Bérenger et Bernard Bérenger ne sont que demi-frères. Le comte Raimond distingue nettement deux groupes qu’il doit amener à résipiscence « Raimond Bérenger et ses fils » d’une part, « Garsinde et Bernard et Pierre, ses fils » d’autre part. Dans le serment, Raimond Bérenger est dit fils de Ricarz (la rectification des éditeurs de HGL est totalement infondée : HGL, V, 541, note 2). On peut donc supposer un premier mariage de Bérenger avec une certaine Ricarda. Raimond Bérenger donnera d’ailleurs le nom de sa mère à sa fille (voir ci-dessous, note 189, et généalogie n^o 7).

187 Pour Raimond Bérenger : il clôt le serment du comte Raimond par une promesse très générale (HGL, V, 538) et prête serment (HGL, V, 541, voir note précédente). Pour Pierre Bérenger, évêque de Rodez depuis environ 1053 et futur usurpateur de l’archevêché de Narbonne (J. Dufour, Les évêques d’Albi, 1989, p. 82-84), deux serments qu’il n’y a pas de raison de distinguer (HGL, V, 541, III et HGL, V, 640).

188 Guifred porte plainte contre lui, et seulement contre lui, dans un acte difficile à dater qui se donne de 1066 (HGL, V, 540). Nous n’avons malheureusement conservé que la plainte, et non la décision de l’assemblée devant laquelle elle a été portée. Cette assemblée comprend des membres de toute l’aristocratie régionale, le comte Raimond, qui est alors dit « de Saint-Gilles » et le comte de Besalú Raimond [son identification pose problème, il n’y a pas de Raimond à Besalú en ces années ; rappelons tout de même que la vicomtesse Garsinde mère de l’accusé est originaire de Besalú], les évêques de Toulouse, Elne, Gérone et divers seigneurs du Narbonnais. Les griefs de Guifred sont les mêmes qu’auparavant, sauf l’affaire des évêques (cela tendrait à montrer que la consécration d’évêques sans l’accord de Guifred est à mettre au fait du comte Raimond, non des vicomtes).

189 Ce frère nommé Raimond Bérenger ne semble pas impliqué dans les nouveaux combats contre l’archevêque. Il conclut un accord (non daté) en compagnie de ses enfants Bérenger, Bernard Pelet et Ricarda avec Raimond Bernard Trencavel et Ermengarde (CT, 427 = HGL, V, 563 ; une faute s’est glissée dans cette édition qui rend le texte incompréhensible : ligne 24, colonne 564, il faut lire Bernardum Berengarium et non Raimundum Bernardum). Raimond Bérenger donne au Trencavel ce qu’il possède dans la vicomté de Béziers (Mèze, Florensac, Villeveyrac, Saint-Pons-de-Mauchiens ; du fait de sa femme ? voir ci-dessus note 104) si jamais il récupère Narbonne : Trencavel lui donnerait alors 200 onces d’or. S’il ne parvenait pas à récupérer Narbonne, il conserverait ses biens en Biterrois mais dédommagerait Trencavel avec 200 onces d’or. L’apparition de sommes libellées en onces montre que l’or barcelonais n’a pas tardé à être réinvesti, les Narbonnais y ont eu accès vraisemblablement par des impignorations comme celle de 1067 ; du côté Trencavel, la pluie d’or venait de se déverser dans leurs coffres (voir ci-dessous, la vente des comtés). Les sommes promises ne sont pas négligeables : en Catalogne au milieu du xi^e siècle, un cheval de combat valait 10 à 20 onces d’or (P. Bonnassie, La Catalogne, t. II, p. 927-930). Voir d’autres mentions de sommes libellées en or dans F. Cheyette, Ermengard, 2001, p. 54.

190 LFM, 812 et CT, 459 = HGL, V, 425. En 1034, les deux frères se retrouvent pour souscrire une donation de leur mère Garsinde à Conques, en compagnie de leur demi-frère Bermond de Sauve (HGL, V, 403). C’est la dernière charte datée mentionnant le comte Guilhem.

191 Serment non daté de Guilhem comte, fils de Garsinde, à Bérenger vicomte, fils de Richarde, avec promesse d’aide contre tous sauf contre Hugues comte de Rouergue († vers 1053), Guilhem Taillefer comte de Toulouse († vers 1037), Pierre Roger (sans doute l’évêque de Gérone, † vers 1050), Pons fils du comte Guilhem [de Toulouse] et Bernard comte de Substantion/Melgueil (HGL, V, 427). Le fait que Guilhem ne cite pas son frère dans cette liste permet de considérer ce serment comme une alliance offensive contre Pierre Raimond.

192 Raimond Guilhem, en compagnie de sa femme Richarde, donne sa part de l’abbaye de Saint-Géniès aux chanoines de Béziers (HGL, V, 483). L’acte n’est pas daté, il est donné de 1054 car à cette date le comte Pierre Raimond cède aussi ses droits sur la même abbaye, cession qu’il a, lui, négociée contre 600 sous (HGL, V, 478).

193 Pierre et Bernard ne reçoivent que 50 onces d’or (CT, 349 = HGL, V, 562 = LFM 819), somme que l’on peut comparer à ce qu’a perçu le couple Trencavel : 4100 onces ! Cette lignée issue de Guilhem semble aussi avoir eu un droit particulier sur Laurac qu’elle a d’ailleurs cédé (dans l’accord entre Guilhem de Toulouse et Ramon Berenguer I^er, mention de hoc totum quod adquisivit de Raimundo Guilhelmi et de Bernardo fratre eius : HGL, V, 589).

194 Voir ci-dessus, note 113. Ces actes ne sont pas datés mais sont antérieurs à la disparition de l’évêque vers 1050. Voir la généalogie, p. 344.

195 Serment de Roger comte, fils de Rangarde [Carcassonne], à Roger comte, fils de Garsinde [Foix], pour Carcassonne, Saissac, Ventajou, Alairac, Capendu, Montferrand, Puichéric, Rustiques, Villalier, Couffoulens, l’évêché de Carcassonne et les abbayes, la moitié des justices du comté, le tout complété par une alliance offensive sauf contre Guilhem comte de Toulouse et son frère Raimond, contre Pierre Bernard (frère de Roger de Foix) et contre Rangarde (mère de Roger de Carcassonne) (HGL, V, 524).

196 La Catalogne, p. 619-624.

197 Bernard ostendit cartas de sua villa de Merengs unde eam adquisierant parentes sui et resonabant in comitatu Tolosani (LFM, 590). La mention du comté de Toulouse ne doit pas étonner : le futur comté de Foix était inclus dans le comté carolingien de Toulouse ; nous avons déjà vu que les comtes de Toulouse semblent y avoir perdu tous leurs droits dès le début de xi^e siècle. En revanche, on se perd en conjectures sur les possibles alliances de ce vicomte de Cerdagne avec des collatéraux de Roger le Vieux (donation d’Arnaud fils de Garsinde à la fin du x^e siècle : Lagrasse, t. I, 84 ; voir cidessus note 80).

198 LFM, 591 et 592 : si tollere voluerit predictus Rodgarius predictam villam…, adiutores sint… omnes homines.

199 LFM, 598.

200 Serment pour Ax par Berengarius Raimundi fils de Vierne et par Arnallus Raimundi fils de Raimundus Guilhelmi (LFM, 625) [Contrevenant aux usages habituels du serment le second personnage ne donne pas le nom de sa mère, mais de son père : ne serait-ce pas en raison de la puissance de celui-ci ? Ne pourrait-on y reconnaître Raimond Guilhem, le très puissant marquis des chartes de Lézat ? Si cela s’avérait, on pourrait en conclure que les Amelii auraient pris le parti des comtes de Cerdagne, et donc de Carcassonne, contre la branche de Foix]. Serments pour Lordat par Arnallus Guilhelmi fils d’Adalais (LFM, 629) et par Raimundus Guilhelmi de Niort, fils de Nevia et époux de Constança, fille de Guillem Ramon comte de Cerdagne (LFM, 626, 627, 628). L’acte n^o 627 contient en outre une promesse d’aide contre tous, sauf contre le vicomte de Béziers et son fils : il doit s’agir du Trencavel. Le comte de Cerdagne a aussi pour alliée la puissante famille de Son/Usson, dans la haute vallée de l’Ariège : Arnau Riculf de Son, viguier du comte, a épousé une fille de Guillem Guifred de Cerdagne (M. Aurell, « Jalons pour une enquête », 1991, p. 349-350).

201 Voir ci-dessus, notes 108, 109 et 110. Après la mort de Pierre Raimond, vers 1060, sa veuve Rangarde reçoit encore un serment de Raimond fils de Beliarde (CT, 460 = HGL, V, 494).

202 Dans sa plainte contre Guifred, Bérenger de Narbonne l’accuse entre beaucoup d’autres choses d’avoir pris sous sa protection le comte de Carcassonne. Or Pierre Raimond aurait violé l’asile de l’abbaye d’Alet pour en tirer deux chevaliers qui s’y étaient réfugiés et aurait exécuté l’un d’eux, comble d’ignominie, en le pendant aux bois de justice comme un voleur. Ce chevalier était, dit Bérenger, son consanguineus (HGL, V, 500).

203 Vers 1063, Rogerius et Raimundus Batalla donnent en alleu puis reprennent en fief de Rangarde et de son fils Roger les deux châteaux de Prouille et de Mirepoix, aux confins du Razès et du Toulousain (CT, 326 = HGL, V, 516), puis Roger fils de Trudgarde prête serment (CT, 343 = HGL, V, 517). Le nom de Trudgarde est celui d’une tante paternelle du vicomte Bérenger de Narbonne (T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne », 1993). Il est troublant aussi de constater que les noms à la fois de Béliarde et de Trudgarde se retrouvent dans la lignée des premiers Guilhem de Montpellier, dont on ne connaît pas à ce jour d’accointances avec le Razès (C. Duhamel-Amado, « Aux origines des Guilhems de Montpellier », 1991-1992), mais des relations sont attestées dès le début du xi^e siècle entre le Razès et Narbonne, qui a pu faire le lien (C. Duhamel-Amado, « Le groupe aristocratique du Narbonnais », 1973).

204 Présenter les ramifications de tous ces conflits en Catalogne nous mènerait trop loin : voir P. Bonnassie, La Catalogne, t. 2, ch. XI. Rappelons simplement les inimitiés qu’avait values au comte de Cerdagne la constitution d’une « marche de Cerdagne » ou « marche de Berga », auprès des comtes de Barcelone et d’Urgell. Sur les Trudgarde chez les comtes d’Ampurias-Roussillon, voir M. Aurell, « Jalons pour une enquête », tableau III. Les comtes d’Ampurias-Roussillon auraient-ils aussi apporté leur aide à ceux de Barcelone dans ce contexte troublé ? (voir le serment LFM, 837). Au moment de sa prise de possession des comtés de Carcassonne-Razès, le comte de Barcelone se fit prêter serment d’allégeance par tous les grands châtelains du Carcassès et du Razès, or on trouve au beau milieu de cette liste un serment d’Oldegarius Gausberti, vicomte de Castelnou ou de Vallespir (LFM, 838, rubrique 6). Les vicomtes de Castelnou auraient-ils été impliqués dans ces guerres ?

205 J.-L. Biget, « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois », 1991, p. 195. Sur les deux confédérations et les problèmes posés par les chartes, voir E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 491-510.

206 Respectivement en 1057, 1062 et 1074. Références dans l’article de J.-L. Biget, qui souligne aussi que ce choix a peutêtre été guidé par la présence à Saint-Victor de saint Isarn, abbé de 1020 à 1047, sans doute issu de la famille de Lautrec, proche parente des Trencavel. Les seigneurs de Lagrave, en Albigeois, donnent aussi Sainte-Sigolène en 1062 (HGL, V, 517).

207 Le comte de Carcassonne rattache Saint-André d’Agde à Saint-Victor en 1064 (HGL, V, 527). De même que celui de Melgueil lui donne Psalmodi (HGL, V, 459, vers 1050 ; charte dont l’authenticité est mise en doute par E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 491-492), et celui de Barcelone Ripoll, Montserrat, Sant Pere de Besalú, Sant Joan de les Abadesses, Saint-Martin du Canigou, et peut-être Lagrasse (C. Pailhès, « Le rayonnement de l’abbaye de Lagrasse », 1984, p. 68). Voir la liste des prieurés languedociens de Saint-Victor : E. Baratier, « La fondation et l’étendue du temporel », 1966. Saint Isarn est peut-être issue de la lignée vicomtale de Lautrec (voir note précédente), sa Vita le donne néanmoins pour originaire de Frédelas (futur Pamiers), et pour protégé de l’abbé de Lézat qui le conduisit à Saint-Victor vers 990 : ces possibles origines dans la vallée de l’Ariège pourraient donner la clé de la dévotion pour Saint-Victor dans la famille comtale carcassonnaise : Isarn, le véritable fondateur de la puissance victorine, serait issu de leurs terres (voir P. Amargier, Un âge d’or du monachisme, 1990, spécialement p. 29-32).

208 L’orientation des donations est surtout significative dans les années 1060, qui semblent être l’apogée de la crise politique en Languedoc. Ces affiliations ont presque toutes eu lieu après le concile de Toulouse de 1060-1061 et peuvent en être considérées comme des conséquences, mais il semble que chacun choisit alors son camp.

209 Frédelas (qui va devenir Saint-Antonin de Pamiers) est donnée à Cluny vers 1060, avec l’assentiment du comte de Toulouse (HGL, V, 510). Sur le réseau clunisien autour de Frédelas, des éléments très nouveaux sont à trouver dans l’article de M. Arnoux, « Un Vénitien au Mont-Saint-Michel », 1995, p. 55-78.

210 Lézat en 1073 : HGL, V, 599. Que le comte qui donne Lézat soit Roger II de Foix (P. Ourliac, Lézat, Introduction p. XLV) ou un Roger comte de Comminges (C. Higounet, Le comté de Comminges, p. 30) importe peu. Les lignées comtales de Foix et de Comminges sont alors très liées et se situent résolument dans l’orbite toulousaine. Il faut rappeler que Lézat était liée au réseau clunisien dès la fin du x^e siècle (par l’action de l’abbé Garin). Il n’est pas de notre propos d’étendre ces investigations vers la Gascogne. Mais nous pouvons noter que ces comtes de Comminges, liés à Foix et à Toulouse, sont alors en guerre avec leurs voisins, comtes de Bigorre (HGL, V, 583, mais redatation des éditeurs : voir Lézat, 350). Il est sans doute significatif qu’à ce moment-là les comtes de Bigorre donnent Saint-Sever-de-Rustang et Saint-Savinde-Lavedan à Saint-Victor (E. Baratier, « La fondation et l’étendue du temporel », 1966, p. 437 et surtout P. Ourliac, « Le pouvoir et le droit en Bigorre », 1992).

211 HGL, IV, p. 118 : donation de la castellania de Lordat à Cluny. Vu ce que nous savons des conflits autour de Lordat avec le comte de Cerdagne, nous pouvons nous demander si le comte la contrôlait vraiment, s’il ne s’en est pas débarrassé, à charge pour l’abbaye de la conquérir…

212 En fait cette lignée est dépossédée, peut-être depuis l’éviction de Guilhem par Pierre Raimond. Leurs descendants, un certain Guilhem au tournant du xi^e et du xii^e siècle, puis ses trois fils, Guilhem, Raimond et Bernard, s’acharneront pendant tout le xii^e à se nommer comes, mais le titre ne fait plus office que de sobriquet.

213 Pierre Raimond né vers la fin du x^e siècle disparaît des sources avant 1062. Serait-ce au moment de sa mort que l’on s’est occupé de recopier le testament de Roger le Vieux ? Une mention marginale du cartulaire des Trencavel recopiant peut-être une mention marginale de l’original perdu donne pour date (impossible) à ce testament : Facta carta divisionis iste XI kalendas aprilis, anno Verbi incarnati MLXII, Henrico rege Francorum (CT, 111, fol. 35, en marge). Malgré la mort du roi Henri en 1060, ne peut-on accorder foi à cette mention ?

214 Le comte Roger, dernier représentant masculin de la lignée aînée de Carcassonne, pourrait être mort après avoir été blessé. Un serment prêté à Guilhem d’Alaigne (non daté) prévoit en effet dans ses clauses « si Roger mourait », et comprend une réserve de fidélité « sauf la fidélité due au comte » : Roger n’est donc pas encore mort, mais on envisage sérieusement cette possibilité (CT, 147, inédit). Ce serment pour Mirepoix est complété par une sécurité générale (CT, 223 = HGL, V, 740), qui inclut une promesse d’aide offensive du seigneur de Mirepoix au seigneur d’Alaigne contre le seigneur de Niort. Ce dernier serait-il impliqué dans la mort de Roger ? Nous avions souligné la même disparition conjointe et inexpliquée des deux fils du vicomte de Narbonne à la fin des années 1060 ou au tout début des années 1070.

215 Serment de Guilhem à Bérenger vicomte de Narbonne, sauf contre Hugues comte de Rouergue, Guilhem Taillefer et Pons de Toulouse (HGL, V, 427) ; serment de Roger de Carcassonne à Roger de Foix sauf contre Guilhem comte de Toulouse et son frère Raimond (HGL, V, 524) ; serment de Raimond Bérenger vicomte de Narbonne à Raimond Bernard Trencavel et à Ermengarde sauf contre Raimond comte de Rouergue, Guilhem comte de Toulouse et le comte de Barcelone (CT 110 et 413 = HGL, V, 565-566).

216 Voir notre article, « Les comtesses de Toulouse », 1988, p. 222.

217 P. Bonnassie, La Catalogne, t. 2, chapitres XI etXII.

218 Lors de la création de la « marche de Cerdagne » dans les années 1050. On peut remarquer la même inversion que plus haut : le comte de Cerdagne s’allie avec le vicomte d’Urgell, pendant que Ramon Berenguer I^er débauche des barons cerdans.

219 Donation de Moissac à Cluny en 1053 (HGL, V, 470) et E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 501-504. Souscription à une donation à Moissac vers 1060 (HGL, V, 509). Il est mort entre 1063 et 1066 (P. Cabau, « Les évêques de Toulouse, xi^e siècle », 1991, p. 127). Pons renoue avec la politique de son « aïeul », Raimond III Pons qui, au moment où il tentait de récupérer l’héritage de Guillaume le Pieux, se faisait le promoteur de la réforme clunisienne (C. Lauranson-Rosaz, « Réseaux aristocratiques et pouvoir monastique », 1991).

220 Donations à Moissac en 1061 (HGL, V, 515) ; en 1067 (HGL, V, 544) ; en 1078 (HGL, V, 641) ; voir aussi son acharnement à soutenir Moissac contre Saint-Sernin dans l’affaire concernant l’église de Blagnac (P. Cabau, « Les évêques de Toulouse, xi^e siècle », 1991, p. 127). Son frère Raimond a aussi donné Saint-Gilles à Cluny (HGL, V, 542).

221 Raimond se dit comes Sancti Aegidii dans l’affaire de Narbonne en octobre 1066 (HGL, V, 540), puis revendique le titre de Rouergue en décembre de la même année (HGL, V, 542 : comes Rutenensis et Nemosensis Narbonensiumque), mais ces chartes ayant subi des remaniements (au moins pour la seconde : E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 504-508) rien n’est bien assuré, pas même l’existence d’une guerre de conquête (F. de Gournay, Du Rouergue carolingien au Rouergue féodal, 2001, p. 421-422).

222 Développer cette idée déborderait largement le cadre de notre propos. Il faudrait, dans la lignée des recherches de J.-B. Elzière (« Sud du Massif Central », 1993), remonter aux modalités de l’implantation des Francs dans le Midi à l’époque mérovingienne et à l’opposition entre Neustriens et Austrasiens pour le contrôle de ces régions. Les Raimondins sont des Rouergats (ce qui pourrait corroborer l’idée que la branche rouergate de la famille serait l’aînée, et non la cadette comme les historiens l’ont longtemps affirmé, abusés par l’importance relative actuelle des villes).

223 Une charte du cartulaire de Saintes de 1067 fait allusion à la prise de Barbastro (1064) et à l’incendie de Toulouse provoqué par le duc Guy-Geoffroy (1058-1086), père de Guillaume IX : qui Tolosam incendit et Barbastam Sarracenis abstulit (Saintes, doc. 12, p. 23 ; cité par Ph. Sénac, « Un château en Espagne : notes sur la prise de Barbastro (1064) », à paraître).

224 F. L. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », 1988, p. 826-864.

225 CT, 258 = HGL, V, 557 ; LFM, 816 = HGL, V, 558 ; LFM, 817 = HGL, V, 549 ; LFM, 818 = HGL, V, 548 ; CT, 482 = LFM, 820 = HGL, V, 573 ; LFM, 821 = HGL, V, 576 ; LFM, 839 = HGL, V, 551.

226 LFM, 815 = HGL, V, 556.

227 CT, 349 = LFM, 819 = HGL, V, 562.

228 LFM, 825 = HGL, V, 567.

229 LFM, 823.

230 LFM, 822 = HGL, V, 579.

231 CT, 496 = HGL, V, 588. Nous préférons, pour des raisons de datation exposées ci-dessous, considérer en bloc tout ce dossier, plutôt que d’isoler un peu arbitrairement les six « premiers » textes, comme le fait F. Cheyette.

232 LFM, 814 = HGL, V, 554.

233 LFM, 826, 828, 829, 830, 831, 834, 835, 836, 837, 838 (longue liste de 35 serments dont seules les rubriques ont subsisté), 840.

234 HGL, V, 31-33 ; vers 1170.

235 LFM, 815 et 819.

236 Il est conservé uniquement dans le cartulaire des Trencavel (CT, 258). Ce serait une des premières apparitions du style pisan en Languedoc. F. Cheyette trouve la date « étrange » et la met sur le compte des fréquentes erreurs de datation effectuées par le scribe du cartulaire des Trencavel (erreur certaine pour le texte n^o 482 ; voir plus haut) ; il n’envisage pas la possibilité d’une datation pisane, mais d’un comput de Noël, non attesté dans le Languedoc du xi^e siècle (F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », note 21, p. 833 et note 27, p. 836).

237 L’Art de vérifer les dates mentionne même cinq débuts de règne attestés : sacre, mort d’Henri I^er, 1061, 1063 et mort du régent Baudouin le 1^er septembre 1067. Les deux premiers sont les plus courants (Paris, 1818, après J.C. T. 5, p. 511). Il y a donc théoriquement quatre possibilités de combinaison pour toutes les dates qui donnent à la fois l’année de l’Incarnation et l’année du règne. Certaines sont contradictoires et s’excluent d’elles-mêmes ; mais parfois deux restent acceptables, sans que l’on puisse savoir laquelle choisir.

238 Dans le texte : MLXVII et septième année du règne de Philippe I^er. La seule possibilité est un comput pisan (avant le 25 mars, il faut conserver 1067) et un calcul du règne à partir de la mort d’Henri I^er (la septième année va donc du 29 août 1066 au 28 août 1067) [un calcul selon l’Annonciation florentine donnerait 1068, et d’après la date du sacre : 1066].

239 LFM, 815 ; F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », p. 840-843. S’il y a une erreur, il pourrait aussi bien être de l’année suivante comme l’accord avec les cousins d’Ermengarde (LFM, 819).

240 F. Cheyette, document 2, p. 836 = CT, 258 = HGL, V, 557.

241 Respectivement : document 3, F. Cheyette, p. 836 = LFM, 817 = HGL, V, 549 ; document 4, F. Cheyette, p. 836 = LFM, 818 = HGL, V, 548 ; document 5, F. Cheyette, p. 837 = LFM, 839 = CT, 482 = HGL, V, 551. Ces trois textes sont donnés de 1067 par HGL et de 1068 par LFM.

242 LFM, 840.

243 Document 6, F. Cheyette, p. 837 = LFM, 816 = HGL, V, 558. Il s’agit d’une promesse mutuelle de succession, si l’un des couples n’a pas de descendant légitime. Ce texte non daté est généralement rapporté à 1068.

244 F. Cheyette, p. 851-852 = LFM, 820 = HGL, V, 573.

245 LFM, 828. On ne sait s’il faut rapporter le serment à cette vente ou à celle du Razès évoquée ci-dessus.

246 F. Cheyette, p. 852 = LFM, 821 = HGL, V, 576.

247 Dont F. Cheyette traite à part dans son chapitre sur les conséquences des accords précédents (p. 850).

248 Ces textes sont datés : MLXVII, huitième année du règne de Philippe I^er, 6 des nones de mars. Deux solutions sont possibles : soit ils sont de 1068, avec un comput florentin et une année du règne du roi calculée à partir de la mort d’Henri I^er (option adoptée par LFM et par F. Cheyette), soient ils sont de 1067, datation pisane, règne de Philippe I^er à partir de son sacre : c’est la date choisie par les Bénédictins, que nous suivrons pour plusieurs raisons. Il semble logique que ces textes soient antérieurs au déguerpissement des comtes de Barcelone (CT, 258 = HGL, V, 557 ; que nous analysons plus loin) ; ils comportent des listes de témoins très différentes de ce dernier texte ; ils peuvent avoir été rédigés en Languedoc, où les comtes de Barcelone ont fait un voyage à la fin de 1066 (Almodis, peut-être venue pour le mariage de sa fille Almodis avec Pierre de Substantion, est à Nîmes le 15 décembre pour l’union de Saint-Gilles à Cluny : HGL, V, 542) et au début de 1067 (Ramon Berenguer et Almodis reçoivent une impignoration du vicomte de Narbonne le 5 février : HGL, V, 546). Ce dernier texte est d’ailleurs aussi daté de la huitième année de Philippe, et il est sans contestation possible de 1067 (concordance des nones de février avec la férie II : lundi 5 février correspond à 1067). On peut en déduire qu’en ces années le scribe des comtes de Barcelone comptait les années du règne de Philippe I^er à partir de son sacre.

249 LFM, 818 = HGL, V, 548.

250 Cet acte est appelé venditio. Sont cédés : le comté, les deux châteaux de Rennes, les autres châteaux, les abbayes, les alleux, les droits ecclésiastiques et fonciers, et toute la vicomté (LFM, 817 = HGL, V, 549).

251 Ramon Berenguer et Almodis sont ici accompagnés de leur fils Ramon ; l’inféodation est faite à Raimond Bernard, Ermengarde et leurs enfants.

252 LFM, 839 = CT, 482 = HGL, V, 551. Comme l’a remarqué F. Cheyette (« The “Sale” of Carcassonne », note 21, p. 833), les deux versions languedocienne et catalane diffèrent légèrement par la liste des témoins et par le scribe. (LFM : Gaucelinus Arnalli, Bernardus Azedmari, scribe Petrus presbiter ; CT : Gaucelinus Arnaldi, Raimundus Stephani, Bernardus Tedmaret, scribe Bernardus presbiter).

253 La cité de Carcassonne, ses bourgs, l’évêché, les abbayes de Lagrasse et Saint-Hilaire et la vicomté.

254 Sauf les justices sur les castlans de Carcassonne (qui feront la statica), et sur les marchés ; mais sont inféodés la moitié de la haute justice sur la cité et ses bourgs et les revenus des duels judicaires (si homines et femine… fecerint homicidium aut fregerint pacem aut habuerint aliquem placitum unde batallia sit estacada, damus vobis medietatem de ipsis justiciis) [clause incompréhensible dans LFM, texte repris ici : CT, 482, fol. 188v].

255 Sauf celles de la cité, des bourgs et des marchés de Carcassonne.

256 Si les comtes peuvent la récupérer (accaptare) du comte de Rouergue.

257 LFM, 840. Il n’en subsiste que la rubrique.

258 LFM, 828. On ne sait malheureusement pas s’il suivit la vente du Razès en 1067, ou la nouvelle cession monnayée, effectuée le 26 juin vraisemblablement de l’année 1069 (voir plus loin pour cette datation).

259 On peut aussi remarquer la situation de l’abbaye de Caunes. Les comtes de Barcelone l’inféodent aux Trencavel s’ils peuvent l’accaptare du comte de Rouergue. Celle-ci est située dans l’évêché de Narbonne, mais en Minervois. Or le titre de comte de Narbonne était rattaché à la branche rouergate de la famille de Toulouse, mais le Minervois et l’abbaye de Caunes dépendaient des comtes de Carcassonne depuis le début du xi^e siècle au moins (voir le testament de Roger I^er : CT, 111 = HGL, V, 344). On peut penser que, dans les opérations lancées par Raimond de Saint-Gilles pour prendre possession de l’héritage de sa cousine Berthe, il se soit emparé de l’abbaye. Le fait a pu apparaître comme une agression à des Carcassonnais habitués à une jouissance paisible du Minervois grâce à l’éloignement des comtes titulaires.

260 CT, 258 = HGL, V, 557.

261 Le concile date bien de 1068 ; cette convention du 1^er mars serait donc aussi datée selon un comput pisan, comme celles du 2 mars que nous venons de voir. Sur le concile : HGL, III, p. 366 et F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », note 61, p. 844. Pour la guirpitio, souscription de Guifred archevêque de Narbonne, Frotaire évêque de Nîmes, Durand de Toulouse, Elephantis d’Apt (identifié par les Bénédictins, et cité par J.-P. Poly avec la graphie Aufan : La Provence, p. 268), Matfred abbé de Saint-Paul de Narbonne (et non de Béziers ; attesté en 1066 : HGL, V, 535 ; en 1067 : HGL, V, 546, etc.) ; pour la convenientia : Guifred archevêque, Matfred abbé, Berengarius Mironis évêque (d’Agde comme le disent les Bénédictins sans autre attestation, ou plutôt de Gérone, si l’on suppose une corruption de Gironis en Mironis).

262 L’édition du texte dans HGL mentionne bien une difficulté de lecture : Redensi est noté entre crochets et une note précise : « conjecture de D. Vaissete » (HGL, V, 558). Dans le CT, on lit femine : l’expression homines aut femine est normale ; ce qui l’est moins, et qui a pu causer la confusion, c’est l’éloignement des deux termes. Il paraît bizarre, de toutes façons, que le Razès soit le seul des comtés introduit par la conjonction aut (alors que tous les autres le sont par et), conjonction qui convient en revanche tout à fait à l’expression homines aut femine.

263 Désignés anonymement par infantes nostri dans la suscription, les fils du couple barcelonais souscrivent nominalement à la fin de l’acte : Petrus, Raimundus et Berengarius.

264 Deux biens qui sont mentionnés ensemble et déguerpis par les Trencavel dans l’evacuatio du 2 mars, qui est donc anté

265 LFM, 816 = HGL, V, 558. Une copie authentique de 1353 en est conservée au Trésor des chartes (J 587, Aragon, n^o 1, mentionnée par Teulet, t. 1, p. 565). La datation de 1068 est suggérée par la liste des témoins comme nous l’avons remarqué plus haut.

266 Littéralement : de donner, d’incombre ou d’impignorer. Incombre, à l’instar du français « encombre », suggère l’idée d’un obstacle mis à la libre disposition juridique d’un bien.

267 Année 1070 suivant le comput florentin, 1069 selon le pisan (que ce soit pour l’année de l’Incarnation ou l’année de l’ère), mais la onzième année du règne de Philippe I^er correspond à 1071 si la mort d’Henri I^er est le point de départ (onzième année : du 29 août 1070 au 28 août 1071), à 1069 en fonction de son sacre (onzième année : du 23 mai 1069 au 22 mai 1070). On peut remarquer que c’est encore une fois le style de l’Annonciation pisane qui a vraisemblablement été adopté.

268 LFM, 820 = HGL, V, 573.

269 À la première génération de Roger de Carcassonne et d’Eudes de Razès, succèdent Bernard Roger et Pierre évêque (Raimond est curieusement omis de la liste, c’est pourtant par lui que la lignée qui est en train de traiter détient ses droits), puis Pierre Raimond et son fils Roger et enfin Rangarde. Cette dernière, et les descendants de Bernard Roger (branche de Foix) sont cependant toujours en vie.

270 Qui ne traiteront elles-mêmes que le 2 août 1069 pour Adalaïs et le 22 avril 1070 pour Rangarde (voir ci-dessous).

271 Comme l’avait fait remarquer F. Cheyette (« The “Sale” of Carcassonne », p. 852-853). Après l’indication du prix payé, la formule paraît claire : Et insuper, collaudando confirmamus vobis ipsas vendiciones et donaciones et diffiniciones, evacuaciones et jacciones quas, transactis temporibus, fecimus vobis de supradictis rebus.

272 LFM, 821 = HGL, V, 576.

273 Ita maneant ipse abbacie, exceptis predictis incombres et eorum seguio prescripto [c’est-à-dire : sauf les aliénations faites auparavant et les droits « de suite » qu’ont les successeurs des bénéficiaires sur ces donations], sicut consistebant ipsa die quando Raimundus Stephani de Cerviano et Arnallus Guilhelmis de Salviano miserunt se in ostaticum de jam dictis comite et comitissa et illorum filiorum apud Gerundam. Il est interdit aux vicomtes de faire des aliénations, mais aussi de construire une quelconque fortification dans les deux abbayes.

274 Outre les deux déjà nommés : Alcherius de Cornelano, Guitardus Lupi de Guerris, Guilhelmus Petri de Guerris, Petrus Sicardi, Aldemarus Rodstagni. Tous sont de grands seigneurs du Biterrois ; de Servian, de Sauvian, de Corneilhan, de Castelnau-de-Guers, de Portiragnes (C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, passim).

275 Le duel serait organisé dans le comté de Carcassonne, sous l’égide de quatre homines boni ; les deux champions devraient n’avoir jamais combattu en duel avec l’écu et le bâton (cum scuto et bastone).

276 LFM, 828 ; serment consécutif à une vente, qui peut se rapporter à la cession du Razès de 1067 ou à ce texte de 1069.

277 LFM, 815 et 824 (on ne sait pourquoi il est copié à deux reprises dans le Liber Feudorum) = HGL, V, 856. Il est daté du 6 des calendes de janvier de la huitième année du règne de Philippe, ce qui correspond à 1066 (date selon le sacre) ou à 1067 (date d’après la mort d’Henri). Or ce texte est forcément postérieur à l’accord entre ce même comte Guillem Ramon et Rangarde qui eut lieu le 13 mars 1067 (voir plus loin pour la justification de cette datation). Dans l’accord avec le comte de Barcelone, il faudrait donc admettre soit que le règne de Philippe fût calculé à partir de la mort de son père, soit qu’un scribe postérieur ait fait une erreur en recopiant la date – nous avons en effet un autre texte du même jour, appartenant à la même série des acquisitions en Carcassès, mais donné de la neuvième année de Philippe I^er (LFM, 819 ; datation corroborée par la version indépendante de CT, 349, qui donne aussi neuvième année). Il semble donc que l’on peut suspecter une erreur dans la copie du Liber Feudorum qui nous intéresse ici : le notaire du comte de Barcelone continue à dater ses textes du règne de Philippe à partir de son sacre, comme nous l’avions remarqué pour les transactions avec les Trencavel, et les actes 815 et 819 sont du même jour, même année (27 décembre 1067).

278 LFM, 814 = HGL, V, 554. La datation de 1067 donnée par ces deux éditeurs se justifie par un comput pisan (MLXVII dans le texte) et un décompte des années de règne du roi Philippe à partir de la mort de son père (septième année de règne).

279 F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », p. 840.

280 Dum Rengardis viva fuerit, teneat et possideat hec omnia prescripta cum Guillelmo prescripto. Ils partageront par moitié les droits comtaux (omnia que de predicto comitatu pertinent ad comitem), les plaids et les justices. Une clause confuse semble signifier que, si Rangarde avait envie (si venia en talent) de résider (que se stegess) dans le comté (ad una part), elle aurait en plus la moitié des dominicaturas, usus et censos. Voir F. Cheyette, note 56, p. 843.

281 Ce que sous-entend F. Cheyette (voir p. 843), dans une logique de capitalisme boursier totalement étrangère au xi^e siècle.

282 Dono vobis ac diffinio et personam prefate Adalaidis et omne directum et omnes voces quas per prefatam Rangardem comitissam et per filiam suam Adalaidem habeo et habere debeo in omnibus supradictis comitatibus et episcopatibus et abbaciis….

283 Et voluntarie sic me vacuo tam ex predictis personis quam ex supradictis cunctis aliis rebus.

284 F. Cheyette, p. 843 : Guillem Ramon « abandoned his bride to Ramon Berenguer and Almodis », Adalaïs « appears only as an object, handed over with the property ».

285 Le Liber Feudorum a en effet été détruit, sans doute au début du xix^e siècle ; il fut ensuite reconstitué grâce soit aux originaux conservés dans les archives comtales (il n’y a pas d’exemplaire pour le texte qui nous intéresse), soit aux copies qui en avaient été faites, en particulier dans la Marca Hispanica.

286 Possessiones est possible : dans sa propre cession de ses droits que fit Adalaïs aux comtes de Barcelone le 2 août 1069, elle dit donner omnes voces et dretaticos, possessiones vel auctoritates (LFM, 822 = HGL, V, 579) ; porciones aussi : cession par Pierre Guilhem et Bernard Guilhem de leurs hereditates, partes vel porciones (LFM, 819). Le mot persona est encore plus invraisemblable employé au pluriel dans la récapitulation que fait Guillem Ramon (me vacuo ex predictis personis) : faudrait-il comprendre qu’il vend alors non seulement sa femme, mais aussi sa belle-mère ?

287 Pour l’équivalence, voir P. Bonnassie, La Catalogne, t. 2, p. 899. Cela correspond à un peu moins de la moitié de ce qui a été versé aux Trencavel pour le comté de Razès en mars de la même année (1000 onces).

288 LFM, 819 = CT, 349 = HGL, V, 562. Pour la datation du texte, nous pouvons hésiter entre deux années. Il est en effet du même jour que la cession du comte de Cerdagne (27 décembre) mais de la neuvième année du règne de Philippe I^er. Le plus probable, un décompte du règne à partir du sacre, donne 1067 (si on accepte une possibilité de début de règne à la mort d’Henri I^er, cela reporte à 1068).

289 Commune de Fontanès-de-Sault, dans la haute vallée de l’Aude. LFM, 825 = HGL, V, 567.

290 LFM, 826.

291 La somme est même supérieure à celle donnée aux cousins Pierre Guilhem et Bernard Guilhem : 500 mancusos (50 onces), 100 sous de Carcassonne et une mule valant 100 sous.

292 HGL, V, 478. Certes elle ne mentionne pas son ascendance ici, mais dans ce même dossier de textes, ni Ermengarde, ni Adalaïs ne se disent jamais nièces d’Almodis, ni Rangarde sa sœur.

293 LFM, 822 = HGL, V, 579. Même liste de comtés, même liste d’ayants droit successifs depuis la fin du x^e siècle. Date du texte : 2 août 1069 (datation en style pisan – le florentin donnerait 1070 – et selon l’année de règne du roi à partir de son sacre – la date de la mort d’Henri renverrait à 1071).

294 LFM, 823. La seule indication de datation dans le texte est : onzième année du règne de Philippe I^er, donc 1070 ou 1071. LFM a choisi 1070 ; nous suivrons ses éditeurs (date calculée à partir du sacre).

295 Aussi nommé dans la première cession des Trencavel du 2 mars 1067.

296 Entre Rennes et Termes.

297 Commune de Félines-Minervois, Hérault.

298 Après avoir pris le contrôle du Minervois (voir plus haut la situation de l’abbaye de Caunes, p. 62, note 259), auraitil tenté de pousser l’avantage, aidé par les comtes de Foix, en direction du Carcassès ? Une expression, employée dans la donation en dot que constituent Raimond Bernard Trencavel et Ermengarde pour leur fille, peut le laisser penser : certaines terres sont données si recuperabant ipsum honorem de Carcasses ni de Menerbes qui fuit Petro Raimundo (CT, 475 = HGL, V, 568).

299 Ils obtiennent le partage des droits comtaux, sauf sur la cité, les bourgs et l’évêché de Carcassonne ; le Razès est repris en fief.

300 Comme le supposait F. Cheyette, p. 853.

301 Voir F. Cheyette, p. 843 et 845.

302 Son utilisation à grande échelle dans le règlement de la « crise des barons » est analysée par P. Bonnassie, La Catalogne, t. II, p. 688 et suivantes.

303 F. Cheyette, p. 848.

304 Même si le contrôle effectif en fut plus que problématique pour les comtes de Barcelone, personne n’osa relever, au xii^e siècle, le titre de comte de Carcassonne et de Razès qui fut indiscutablement « acheté » par les Barcelonais. Les Trencavel ne reprendront que le titre de vicomtes de Carcassonne, jamais celui de comte.

305 Ou peut-être de la comtesse Almodis ? Elle fut en effet assassinée par son beau-fils Pere Ramon (fils d’un permier lit de Ramon Berenguer) en 1071. Après avoir obtenu l’acquisition des comtés de Carcassonne et Razès pour ses deux fils, aurait-elle tramé un partage plus avantageux encore pour les jumeaux, au détriment de Pere Ramon ? (pourraiton imaginer Barcelone à l’un, Carcassonne-Razès à l’autre ?)

306 LFM, 829.

307 LFM, 830 et 831.

308 Serment d’Arnallus Guilaberti (LFM, 838). Ce personnage, curieusement, porte le même nom que le concurrent pour le Razès en 1034 du Raimond que nous avions supposé appartenir à la famille comtale (HGL, V, 402). L’hypothèse est possible qu’il s’agisse d’une même famille de grands seigneurs du Carcassès ou du Razès, peut-être elle-même apparentée par les cadets ou par les femmes à la famille comtale ou à la famille vicomtale de Carcassonne.

309 LFM, 834 : serment de Artaldus de Conquis (Conques-sur-Orbiel, Aude), Raimundus Ermengaudi de Bruguera (Labruguière, Tarn), Petrus Raimundi, Arnallus de Rocafort (Roquefort-sur-le-Sor, commune de Sorèze, Tarn) ; LFM, 835 : serment de Isarnus Jordani (selon toute vraisemblance de Saissac, Aude ; voir CT, 295) ; LFM, 838 : serment de Bernardus Sesmundi de Albedun (commune de Saint-Just-et-Le-Bézu, Aude), Raimundus de ipsa Cauna (Lacaune, Tarn), Bernardus Odo de Aniorto et Bertrandus filius eius (Niort-de-Sault, Aude), Ermengaudus de Vintron (Le Vintrou, Tarn). De plus, serment du vicomte de Castelnou et du châtelain de Son/Usson (hors du Razès, mais juste au sud).

310 LFM, 825 et 826.

311 Serments conservés seulement à l’état de rubriques (LFM, 838).

312 R. d’Abadal, « À propos de la domination comtale », 1964 ; M. Aurell, « Autour d’un débat historiographique », 1987, p. 9-41 : J. M. Salrach et M. Aventín, El somni d’Occitània, 1996, p. 12-38 ; contra C. Higounet, « Un grand chapitre de l’histoire du xii^e siècle », 1951, p. 319 ; M.-B. Bruguière, « Un mythe historique », 1985, p. 256 ; F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », 1988, p. 859-860.

313 Voir les articles et ouvrages cités à la note précédente, et aussi : H. Dubled, « Les comtes de Toulouse et la Provence », 1974 ; M. Aurell i Cardona, « L’expansion catalane en Provence », 1985-1986 ; J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne », 1985 ; R. Benjamin, « A Forty Years War », 1988 ; C. Duhamel-Amado, « L’État toulousain sur ses marges », 1995 ; L. Macé, « Chronique d’une grande commotion », 1999.

314 En 1054, Ermengarde est citée avec ses parents et son frère et ses sœurs (HGL, V, 478) ; en 1062, Rangarde intervient avec son gendre et ses filles (HGL, V, 514).

315 Avant le mariage, les vicomtes d’Albi reçoivent serment pour Latour-sur-Sorgues, Gissac, Cabrespine, Camarès, Brusque, Murasson en Rouergue méridional, La Livinière en Minervois, Le Vintrou, Dourgne, Roquefort dans la Montagne Noire, Lunas en Biterrois et Cornone dans le comté de Melgueil (voir la carte n^o 1, p. 334).

316 CT, 475 = HGL, V, 568. On l’a longtemps cru à tort vicomte de Bruniquel. Mais un acte inédit des archives comtales barcelonaises établit bien son identité : il s’agit d’un accord du 19 mai 1070 où Raimond Bernard et Ermengarde impignorent Peyriac à Petrus vicecomes de Minerba, qui leur déguerpit en contrepartie Ventajou, Capendu, Marseillette, Puichéric et Peyriac, et « tous les honores, les conveniencias et les plivios qu’ils lui avaient donnés avec leur fille » (Archivo de la Corona de Aragón, Ramon Berenguer I^er, 425. Tous mes remerciements vont à Lluis To Figueras, qui m’en a communiqué une photocopie). Ce déguerpissement semble être l’indice d’une répudiation. Guilhelma apparaît en effet plus tard mariée dans la famille des vicomtes de Bruniquel. De deux choses l’une : on peut supposer une alliance des deux familles vicomtales de Minerve et de Bruniquel, mais les généalogies paraissent bien complexes à reconstituer ; ou bien, après son divorce, elle fut remariée à un autre Pierre, vicomte de Bruniquel.

317 Le couple donne à sa fille en dot les châteaux de Brusque (Rouergue méridional), Castrum Novum (?), La Livinière (en Minervois), la moitié de Vieussan (Vilcano, mauvaise lecture de HGL qui transcrit Juliano) et de Roquebrun (en Biterrois), la moitié des vignes de Joncels, la moitié de Couffoulens, la villa de Cantuels (commune de Saint-Christophe, Aveyron) ; mais la possession de tous ces biens ou de certains d’entre eux (ceux qui viennent de l’héritage carcassonnais comme Roquebrun, Vieussan et Couffoulens ?) est soumise à une condition : si Raimundus vicecomes ni Ermengardis mulier sua recuperabant ipsum honorem de Carcasses ni de Menerbes qui fuit e Petro Raimundo. En témoignent aussi les mentions déjà citées dans l’accord avec Barcelone de mars 1067 (CT, 482 = LFM, 839 = HGL, V, 551).

318 CT, 496 = HGL, V, 588. La date est incertaine : 1070 en style pisan, 1071 selon le comput florentin.

319 Dans la liste des témoins on trouve en effet : Raimond, comte de Rouergue, Roger, comte de Foix, Pierre, vicomte de Minerve (après la répudiation ?), le fils du comte d’Ampurias, les seigneurs de Roquefort, Castelnaudary, Auriac, Laurac, Saissac, La Bezole, Pieusse, Siger Salomon de Béziers, Guitard Loup de Béziers.

320 Prix équivalent à celui que le comte de Barcelone vient de payer pour des comtés entiers : 10 000 pour le Razès, 11 000 pour le Carcassès !

321 Pourrait-on supposer qu’ils l’auraient tout bonnement forgé, ou au moins modifié ? Ce qui les intéresserait au xii^e siècle, c’est l’affirmation selon laquelle ni Guilhem IV, ni son père, ni son grand-père n’auraient jamais reçu de serment pour Laurac. L’expression affidament per sacrament renverrait aussi plutôt à un contexte du xii^e siècle en Languedoc. Un serment non daté conservé dans le Liber Feudorum (LFM, 833) serait peut-être à mettre en rapport avec ce règlement, il s’agit d’un serment prêté par Guilhem comte de Toulouse à son demi-frère Ramon Berenguer II. On pourrait alors parler d’une pacification de la région (comme F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », p. 850) ; Barcelone aurait acheté la paix, en même temps que le contrôle stratégique du Lauragais, mais bien éphémère, et au détriment des Trencavel.

322 Lagrasse, t. I, 115 (= HGL, V, 592, mais édition tronquée). Les éditrices de Lagrasse affirment que cet acte est remanié, mais semblent ignorer l’original mentionné par D. Baudreu, « Villa, vicaria, castrum », 1987. Cet original, conservé aux Archives départementales de l’Aude (H 155), ne semble ni remanié, ni corrompu (mes remerciements vont à Sylvie Caucanas qui a bien voulu m’en fournir une copie).

323 CT, 340, inédit. Villalégut est situé sur la commune de Montréal, à environ un kilomètre au nord de l’actuel village. Il est cité comme déserté en 1163 (CT, 358 = HGL, V, 1275 (I) : locum ubi solebat esse castrum de Villa Eleguto). L’implantation du nouveau castrum de Montréal aurait donc provoqué l’abandon de l’ancien château, vraisemblablement sur motte, et le déplacement du site. Les deux castra peuvent cependant être considérés comme fonctionnellement équivalents, l’un remplaçant l’autre (D. Baudreu, « Le terroir de Montréal », 1992, p. 244).

324 Le conflit entre les deux frères Raimond et Bernard est peut-être à dater du tout début des années 1070, plutôt que des années 1060.

325 J. Dufour, Les évêques d’Albi, 1989, p. 82-84.

326 Si la date est bonne, il n’est pas encore mort en 1076 lorsque son oncle Frotaire effectue avec lui une donation à Ambialet (C. Portal, « Le prieuré d’Ambialet », 1891, p. 385 et p. 387, note 2 pour la discussion de la date). Il est mort avant 1078 : Ermengarde préside en compagnie de Raimond de Saint-Gilles un plaid en faveur de Conques (HGL, V, 642).

327 AN, J 322, n^o 101 = Teulet, n^o 21 = HGL, V, 635 ; que les Bénédictins datent « vers 1077 », sans preuve. Neuf barons du comte se portent garants de sa promesse.

328 Le seul témoignage de leur pouvoir en Languedoc est une donation qu’ils firent à l’abbaye de Saint-Pons (CT, 494 = HGL, V, 647).

329 Voir ci-dessus, note 326. Le plaid concerne encore le domaine de Pallas, injustement détenu par Bermond de Sauve, et que son fils Pierre Bermond est alors obligé de déguerpir en faveur de Conques.

330 HGL, V, 648 ; vers 1079.

331 HGL, V, 691 ; 1084.

332 HGL, V, 713 ; vers 1090.

333 Nîmes, 152 (donation de Saint-Etienne d’Alverne, commune de Clarensac, Gard).

334 Voir ci-dessus, notes 318 et 321.

335 HGL, V, 648, 649 et 652 ; trois donations à Saint-Pons de Guilhelmus Tolosanensis, Albiensis, seu Caturcensis, ac Lutevensis, necne Carcassonae ordinante Deo comes et dux (premier acte cité), titres auxquels s’ajoutent le Périgord, l’Agenais et l’Astarac dans la deuxième charte citée, la troisième ne mentionnant plus que Toulouse, Carcassonne et Albi. Titulatures tonitruantes comme le souligne P. Cabau, mais sans lendemain (en 1083, dans son piteux Canossa, Guilhem n’est nommé que comes Tolosanus, Saint-Sernin, 290). Guilhem IV a tenté en 1080 d’affirmer des prétentions territoriales dignes de son aïeul le grand Raimond III Pons, fondateur du monastère, qu’il cite d’ailleurs dans la première de ces chartes [on pourrait supposer des interpolations mais ces trois textes sont (ou étaient) conservés, à l’état d’original pour deux d’entre eux, dans trois dépôts différents, château de Foix, Trésor des chartes et cartulaire de Saint-Pons, lorsque les Bénédictins de HGL les ont copiés].

336 HGL, V, 697 ; le titre de comte de Rouergue lui est couramment donné depuis les années 1060 ; à une reprise, on rencontre celui de comes Sancti Egidii (HGL, V, 624, vers 1076 ?), et une autre fois l’association Rouergue, Nîmes et Narbonne (HGL, V, 542, en 1066). La collection de titres de Raimond IV ne se trouvant que dans le cartulaire de Saint-Pons, il y a lieu de soupçonner une interpolation, à moins que l’évocation du grand ancêtre Raimond Pons ne rende Raimond aussi audacieux (comme cela avait été le cas de son frère).

337 Sur Raimond : J. et L. Hill, Raymond IV de Saint-Gilles, 1959 ; mais l’œuvre de ce prince mériterait un sérieux aggiornamento. Voir aussi M. Zerner, « Le comte de Toulouse Raimond IV », 1993.

338 Ce mariage lui a valu au moins deux excommunications (voir notre article, « Les comtesses de Toulouse », 1988, p. 223).

339 De Beaucaire à Saint-Gilles, la terre d’Argence est la partie du comté de Nîmes restée en possession directe des Raimondins (le nord vers Nîmes est alors aux Trencavel, et tout l’ouest aux Anduze-Sauve). Il s’allia à l’archevêque d’Arles, Aicard, lui-même excommunié (HGL, V, 584, vers 1079-1094 : J.-P. Poly, La Provence, p. 223 et 273), et restitua à Saint-Gilles des droits conservés indûment (restitutions en 1095 et 1096, J.-P. Poly, p. 279) et sans doute manu militari (il avoue lors d’une donation au Puy en 1096 multis injuriarum modis frequenter offendi l’abbaye de Saint-Gilles : HGL, V, 747). Il s’immisca dans les querelles autour de Fos en recevant un serment pour Fos, Hyères et Aix, de Pons et ses frères (AN, Musée de l’histoire de France, A. E. II 1802 ; reproduit par J. Stiennon, Paléographie du Moyen Âge, 1991, p. 258-259).

340 HGL, V, 731, en 1094 ; HGL, V, 744, en 1096. Il est à noter qu’il reprit le titre de marquis de Provence, alors que son ancêtre Roubaud ne se disait que comte, et que ce titre de marquis était revendiqué par l’autre branche issue du frère de Roubaud, le marquis Guilhem.

341 J.-P. Poly, La Provence, p. 321.

342 Il prit sous sa protection Ermengarde, mais aussi Guilhem de Montpellier : HGL, V, 624 (vers 1076 ?). Guilhem V est alors tout jeune, sous la garde de sa grand-mère, et d’un conseil de tutelle (C. Duhamel-Amado, « Aux origines des Guilhems », 1991-1192, p. 95).

343 Il renonça à son droit de dépouille sur les évêques de Béziers en 1084 (HGL, V, 685), et surtout se remaria sous les auspices de Grégoire VII : il fit le voyage en Sicile pour épouser Mathilde, une normande, fille de Roger Guiscard (voir notre article, « Stratégies matrimoniales », 1988, p. 133-134. Juste avant son départ, il effectua de nombreuses donations à des églises (voir J. et L. Hill, Raymond IV de Saint-Gilles, p. 15-22).

344 Vers 1082, il a repris par la force l’église de Blagnac restituée peu auparavant à Saint-Sernin (iterata deterius iniuria per vim comitis W., P. Cabau, « Les évêques de Toulouse, xi^e siècle », 1991, p. 127) ; avant 1090, il a envahi la sauveté de Saint-Germier (Muret) et son marché (propter invasionem quam fecit Guilhelmus comes Tholose de salvetate Sancti Germerii et de mercato : Lézat, 1648 = HGL, V, 722)

345 « Lors des Pâques, en 1093, quand le roi Ladislas séjournait à Bodrog, Guilhem [IV] comte de Toulouse, frère de Raimond de Saint-Gilles, et grand admirateur du pape, interrompant son pèlerinage en Terre Sainte, lui rendait visite. Le comte Guilhem voulait persuader le roi de le suivre en Terre Sainte avec des pèlerins et d’abandonner l’alliance d’Henri IV et de l’antipape Clément. » L’Histoire de la Hongrie, 1984, t. II, p. 938.

346 Deux donations antérieures de Raimond à Saint-André d’Avignon posent cependant un problème : il s’y dit comte de Toulouse en 1088. On ne sait s’il faut invoquer une erreur de datation, une interpolation, une revendication de Raimond même avant la disparition de son frère ou un vestige du concept de co-gouvernement (HGL, V, 707 et 708).

347 La donation est de novembre 1082 (Lagrasse, t. I, 123 = HGL, V, 675 ; l’acte est cependant remanié, la titulature auraitelle été ajoutée postérieurement ?) ; l’assassinat de la Perxa de l’Astor n’eut lieu que le 5 décembre 1082 (S. Sobrequés, Els grans comtes de Barcelona, rééd. 1991, p. 108).

348 L’accord de 1083 est passé entre Bertrand et Ermengarde : le comte donne des otages pour garantir les 5000 soudées de la dot de Cecilia (AN, J 305, n^o 52 = Teulet, n^o 24 = HGL, V, 682) ; J.-P. Poly, La Provence, p. 34 et 318. Cecilia est la tante de Douce qui offrira en 1112 la Provence à son époux barcelonais.

349 Texte de la memoria : HGL, V, 32.

350 S. Sobrequés, Els grans comtes, p. 109-110.

351 Les hypothèses de S. de Vajay sur une cession formelle des vicomtés par Mahaut de Pouille après l’assassinat de Ramon Berenguer II sont à rejeter (S. de Vajay, « Mahaut de Pouille », 1971, p. 143-144). Il est cependant certain qu’elle était à Rodez à l’automne 1082, où elle accoucha de Ramon Berenguer (III), auprès de sa cousine Mahaut de Sicile épouse de Raimond de Saint-Gilles.

352 Serments malheureusement tous non datés, mais que l’on peut rapporter à cette période. Serments à Ermengarde seule : en Razès : Mirepoix, Niort et Castelpor, Auriac d’Aude, Termes, La Bezole, Routiers, Rennes, Pieusse, Belcastel ; en Carcassès : Arzens, le Château Narbonnais de Carcassonne, Cabaret de Lastours, à la limite du Minervois, Ornaisons, et Puilacher (?). Serments à Ermengarde et Bernard Aton IV : en Razès : Mirepoix, Queille, Blanchefort (CT, 201) ; en Carcassès : Villalégut, Carcassonne, Saissac (voir la carte n^o 3, p. 336).

353 Dans une nouvelle donation à Lagrasse et Saint-Polycarpe, de la villa de Caselas (vers Salles à l’est de Limoux) (Lagrasse, t. I, 139 = HGL, V, 712).

354 Bernard Aton et sa mère reçoivent un serment pour Roquecézière en Albigeois ; ils font une donation à Sainte-Cécile d’Albi en 1089, confirmée par le seul Bernard Aton en 1090 (CT, 94 = HGL, V, 712 et 713). Ermengarde et Bernard Aton reprennent en fief le castrum de Caissargues en Nîmois (AN, J 322, n^o 81 = Teulet, n^o 27) et reçoivent un serment pour ce même château (AN, J 304, n^o 98 = Teulet, n^o 519 = HGL, V, 625).

355 Serment à Ermengarde pour Béziers (CT, 457 = HGL, V, 625) ; plaid présidé par Ermengarde où elle règle un différend entre les seigneurs de Nissan, en Biterrois (CT, 469 = HGL, V, 789). Sur l’ancrage primitif des Trencavel à Béziers, voir C. Duhamel-Amado, « L’État toulousain sur ses marges », 1995, p. 122-123.

356 Un vicarius Carcassone, Willelmus Poncii (HGL, V, 714), dont l’existence confirmerait la présence des Trencavel à Béziers, le pouvoir à Carcassonne étant délégué ; un scribe, Osmundus. Voir F. Cheyette, « The “Sale” of Carcassonne », p. 856.

357 On a conservé un serment non daté prêté à Aimeric de Narbonne pour le castrum novum quod vocant villam de Maurs par un certain Rogerius filius Guille, où il lui promet son aide, sauf contre la vicomtesse de Béziers et son fils (HGL, V, 694) ; or ce personnage semble être le même qu’un fidèle d’Ermengarde qui tient pour elle le château de Carcassonne (serment CT, 267 = HGL, V, 692) et qui appartient aux puissantes familles de Roquefort ou de Cabaret.

358 Son frère, Pierre Bernard avait été condamné, on ne sait pourquoi, par les archevêques de Narbonne et d’Auch, les évêques de Toulouse, de Carcassonne et de Nîmes : l’affaire devait être d’importance ! Elle impliquait les vassaux du comte, seigneurs de Quié, d’Arvigna, de Manses et de Bompas (Lagrasse, t. I, 134). La famille devait avoir besoin de rémission pour quelques péchés, elle était aussi depuis longtemps une alliée des Toulousains.

359 Sauf quatre villae : Arzens, Alairac, Preixan et Fontiès, et deux hommes et leur famille, qu’il garde en gage.

360 CT, 261 = HGL, V, 734. Ce qui signifie que jusque là il avait des revendications sur ces comtés du fait des accords complexes à l’intérieur de la famille comtale carcassonnaise et peut-être aussi quelque rancœur à la suite de la vente des droits à laquelle il n’avait absolument pas été associé.

361 C’est-à-dire Foix, qui est toujours considéré comme dépendant du comté de Toulouse.

362 Plus les pignora dans le pagus de Carcassonne (les quatre villae précitées, note 359).

363 CT, 347 = HGL, V, 736. De plus, s’il meurt sans enfant, il leur donne ses six châteaux du pays de Foix : Foix, Frozales (Pamiers), Lordat, Castelpenent, Dun, Mirepoix. Les vassaux qui détenaient Foix, Lordat et Dun pour le comte font alors serment à Ermengarde et Bernard Aton (CT, 236, 237, 238, 239, 260, 367 ; tous inédits sauf un : HGL, V, 739).

364 Qui serviront à financer son voyage et qu’il s’engage à rembourser dès son retour de Terre Sainte : il donne pour gage de son emprunt le château de Dun (CT, 375 = HGL, V, 737). Ces deux villae appartiennent au domaine comtal en pays de Foix : elles étaient déjà citées, ensemble et à part, dans le partage entre Pierre évêque de Gérone et son neveu Roger, fils de Garsinde, comte de Foix (Pradas et Canuecas : HGL, V, 406).

365 Une donation à Saint-Sernin en juillet 1098, où très habilement Guilhem IX restitue à Saint-Sernin la fameuse église de Blagnac, que le comte Guilhem IV avait usurpée à plusieurs reprises au bénéfice de Moissac (Saint-Sernin, 291 = HGL, V, 755). Le don est fait in presentia Bernardi vicecomitis Biterrensis et Ademari vicecomitis Tholosani. Cette lignée des vicomtes de Toulouse qui apparaît ici attend toujours son historien. Il faudrait débrouiller leurs rapports avec les Trencavel, les Lautrec, les vicomtes de Bruniquel et de Saint-Antonin, leurs lieux de pouvoir (du xi^e au dernier tiers du xii^e siècle ; Adémar préside un plaid vers 1076-1077, Saint-Sernin, 133), et la façon dont leurs réseaux ont pu entraver l’ancrage des comtes à Toulouse. Adémar apparaît en effet comme un opposant à Guilhem IV et un protecteur des chanoines de Saint-Sernin (Saint-Sernin, 265), et il prend très clairement le parti de Guilhem IX dès son arrivée à Toulouse (Saint-Sernin, 291) ; il meurt vers 1098 (dans son testament, il se repent pour illa tortura quam multis diebus feceram à… Moissac, le sanctuaire comtal : HGL, V, 758).

366 CT, 107 et 108 = HGL, V, 845. Ces deux serments réciproques sont non datés. Ils sont à notre avis à rapporter à 1097-1099, plutôt qu’à 1114, date de la deuxième usurpation du comté par Guilhem IX. On ne sait même pas si Philippa vint à Toulouse en 1114 : elle est alors abandonnée par son mari et se réfugie à Fontevraud auprès de Robert d’Arbrissel. Tous les actes qui la signalent à Toulouse en 1114 semblent mal datés ou mal interprétés : la fondation du prieuré fontevriste de Lespinasse en 1114 n’est qu’une confirmation par l’évêque Amelius, qui ne dit pas que Philippa et Robert étaient présents (HGL, V, 846) ; le dossier autour du marché de Baziège est passablement compliqué, mal daté et trafiqué par les chanoines (Saint-Sernin, 136 : voir P. Cabau, « Les évêques de Toulouse, xi^e siècle », 1991, p. 137-138), la concession où elle apparaît aux côtés de Robert d’Arbrissel n’est pas datée (Saint-Sernin, 292). Le seul acte qui attesterait de sa présence à Toulouse en 1115 est une charte en faveur de Lézat (Lézat, 1343, = HGL, V, 848, son nom n’est pas donné, elle ne souscrit pas, Guilhem évoque seulement uxor mea). En 1114, on ne voit pas par ailleurs que Bernard Aton ait pris le parti de Guilhem : son attitude se comprend mieux en 1098 qu’en 1114, et Robert d’Arbrissel qui souscrit les serments n’est venu à Toulouse qu’à la fin du xi^e siècle, pas en 1114 (E. Delaruelle, « L’idéal de pauvreté à Toulouse », 1967 ; J. Dalarun, L’impossible sainteté, 1985).

367 Après avoir effectué plusieurs donations à Lagrasse (Lagrasse, t. I, 166 = HGL, V, 770 : positus in itinere Sancti Sepulchri, juin 1101) et à Saint-Pons (HGL, V, 771 : accipiens Ierosolymitanum iter, août 1101).

368 Celle-ci n’apparaît plus dans la documentation après le 22 juin 1101 (HGL, V, 770), ni dans un acte de sa sœur en 1103 (HGL, V, 777), ni pour la promesse de mariage de sa petite-fille en 1105 (HGL, V, 794).

369 Bertrand vient à résipiscence vers 1100-1101 (Saint-Sernin, 145 = HGL, V, 767 : il promet de ne plus jamais violer le cloître de Saint-Sernin ; et Saint-Sernin, 435 = HGL, V, 767 : il confirme la donation de la très contestée église de Blagnac). Ses « exploits » sont encore rappelés par ses successeurs, Alfonse Jourdain (1126 : Saint-Sernin, 73) et Raimond V (1152 : Saint-Sernin, 253) qui disent – ou à qui l’on fait dire – que Bertrannus comes tirannide et violentia sua abstulit biens et terres à Saint-Sernin.

370 Entre 1105 et 1108, quatre lettres du pape Pascal II accusent le comte Bertrand de s’être emparé du bourg de Saint-Gilles, d’avoir emprisonné des moines, usurpé leurs biens, fait bâtir des tours sur l’église « qu’il changea en une espèce de forteresse », etc. Dossier présenté par Ménard, Histoire… de la ville de Nîmes, 1873, t. 1, p. 171-174, et admirablement commenté par J.-P. Poly, La Provence, p. 279-280. Dans son testament fait en Orient en 1105, Raimond de Saint-Gilles avait bien reconnu que toute la terre d’Argence devait être restituée à l’archevêque d’Arles : il mettait son fils dans une situation bien délicate (J.-P. Poly, La Provence, p. 279 et note 221).

371 Cela peut sembler paradoxal au moment où Raimond de Saint-Gilles est le champion de la croisade. Mais les luttes entre les comtes et certains prélats se poursuivent pendant tout le xii^e siècle et les grands évêques et abbés sont absents de la cour comtale (L. Macé, Les comtes de Toulouse, 2000, p. 99-102 et 340-351).

372 Une charte de Saint-Sernin (270) porte pour seule datation in illo anno que Bertran comiti recuperavit Tolosa. La date de son retour à Toulouse est difficile à établir (vers 1100-1101 ?) ; il est cité comme comte dans la date de plusieurs actes de Lézat (265, 563 et 1607) et de Saint-Sernin (216) ; il se dit comes Tolosanus et Rutenensis et Albiensis dans la cession de Blagnac.

373 LFM, 2, avec une datation erronée (rectifiée 1108, dans J. A. Lema Pueyo, Collección diplomática de Alfonso I de Aragón y de Pamplona, 1990, n^o 29 ; avec tous nos remerciements à Juanjo Larrea pour cette référence).

374 En 1114, à la translation des reliques de saint Antoine à Toulouse (Lézat, 1342 = HGL, V, 847), en 1115, à la fondation de la sauveté de Lézat devant le Château Narbonnais (Lézat, 1343 = HGL, V, 848). Deux datations de chartes de Lézat le désignent comme comte (Lézat, 35 et 278).

375 Cette révolte du Carcassès est admise par la plupart des historiens (en dernier lieu : S. Rouillan-Castex, « Bernard Aton Trencavel et les Carcassonais », 1970, p. 147-151), mais rejetée par F. Cheyette (« The “Sale” of Carcassonne », 1988) qui remarque à juste titre que la seule attestation en est la memoria fort postérieure (1170) qui a pu travestir les faits.

376 Ramon Berenguer III, né à Rodez le 11 novembre 1082, n’avait pas un mois à la mort de son père. Selon la memoria de 1170, lorsque Bernard Aton prit Carcassonne (années 1080 ?), il promit de la lui rendre dès qu’il serait fait miles. Mais Bernard Aton trahit sa promesse (dictus vicecomes maluit esse perjurus). Les hommes de Carcassonne auraient alors rendu la ville à Ramon Berenguer (révolte de 1107 ?) et Bernard Aton aurait alors fait hommage au comte de Toulouse. Le comte de Barcelone, trop occupé avec les Sarrasins, n’aurait pu intervenir, et les Carcassonnais auraient été forcés de s’entendre avec le vicomte. Le fils de Bernard Aton, Roger, trahissant les serments de son père, aurait alors durement puni les révoltés qui se seraient réfugiés à Barcelone : voilà ce qui d’après la memoria a motivé l’intervention de 1112 (HGL, V, 31-33).

377 CT, 541 = LFM, 841 et 842 = HGL, V, 826. Bernard Aton reçoit d’Alfonse 12 000 sous (environ le quart de ce que ses parents avaient reçu pour chaque comté). Le texte n’est pas daté, il peut être contemporain de la reprise en fief de Bertrand (1108).

378 Lagrasse, t. I, 181, en mars 1108 (il emprunte trente livres d’argent pur contre la mise en gage de l’albergue de huit vil

379 Le texte en est perdu ; son contenu peut être déduit des accords postérieurs avec Barcelone.

380 HGL, V, 801, non daté. Bernard Aton voulait se faire inféoder Capestang, en plus du fief qu’il tenait déjà de l’archevêque ; celui-ci refuse. Le vicomte prête alors serment et hommage à Richard de Millau, l’archevêque, pour le fief que son grand-père Pierre Raimond tenait déjà de Guifred. Bernard Aton fait serment à Richard contre tous sauf contre le comte de Toulouse [Bertrand], Alfonse [Jourdain] fils de Raimond [de Saint-Gilles], et Richard et Gerbert [vicomtes de Rouergue-Millau, neveux de Richard].

381 CT, 402 = HGL, V, 803 ; avec aide contre tous, sauf contre l’archevêque de Narbonne [Richard], le comte de Toulouse [Bertrand], le comte de Rouergue [Alfonse Jourdain ?], le comte de Besalú [Bernat III], et Gerbert et Richard [vicomtes de Millau].

382 HGL, V, 823, le 6 mars 1112. Ici c’est Bernard Aton qui promet à Roger de ne rien vendre, donner ou impignorer sans son accord, et de lui laisser la succession de Carcassonne s’il mourait sans enfant.

383 Promesse de mariage entre Metillina et Arnaud de Sauvian (CT 406 et 437 = HGL, V, 794-795), en 1105 (les deux enfants étaient très jeunes, le mariage n’eut vraisemblablement pas lieu). Mariage entre Ermengarde/Trencavella et Gausfred III, comte de Roussillon en 1110 (LFM, 786).

384 LFM, 808 et 809. Ramon Berenguer venait d’acquérir ces terres par la succession de Bernat III dernier comte de Besalú, mort en 1111 (M. Aurell, Les noces du comte, 1995, p. 342-343).

385 Selon les termes de la memoria, HGL, V, 32.

386 Accords en deux temps : en 1112, un placitum (CT, 497 = HGL, V, 827, tronqué = LFM, 844, incomplet), un serment de Ramon Berenguer (CT, 256 = HGL, V, 829), un serment de Bernard Aton (LFM, 845), puis de ses fils Roger (LFM, 846), Raimond Trencavel (LFM, 847) et Bernard Aton (LFM, 848). Puis, ultérieurement, un nouvel accord, postérieur à 1113 (LFM, 843). Sur le détail des transactions, voir notre article « À propos d’une figure du fief en Languedoc », 1999.

387 Pour le Razès, le problème est plus complexe. Il avait été repris en fief du roi d’Aragon, personnage d’une autre envergure, qui ne veut manifestement pas céder (en tout cas, il n’a toujours pas cédé vers 1113 lors des seconds accords). On ne sait si la question a été résolue avant l’union Barcelone-Aragon.

388 Sur cette vente, effectuée vers 1112, voir J. Belmon, Les vicomtes de Rouergue-Millau, 1991, p. 262-263, et F. de Gournay, Du Rouergue carolingien au Rouergue féodal, 2001, p. 423-424.

389 LFM, 849, 850, 851. Le vicomte Pierre n’est pas identifié. Le serment mentionne en outre le mariage que ce Pierre doit conclure avec Amabilia la sœur du comte : cette dame est inconnue par ailleurs. S’agirait-il d’une sœur utérine du comte, donc une fille de Mahaut de Pouille et d’Aimeric de Narbonne, comme le conjecture S. Sobrequés ? (Els grans comtes, 1991, p. 179, note 40). Le vicomte pourrait être Pierre de Minerve, celui qui avait épousé puis répudié la sœur de Bernard Aton (voir aussi M. Aurell, « Du nouveau sur les comtesses catalanes », 1997, p. 372).

390 Depuis la reprise en fief monnayée de Dourne par Ramon Berenguer I^er (LFM, 825 et 826). Le vicomte du Razès, Raimundus Gauceberti, nommé par ce même comte (vers 1070) lui a promis aide contre tous sauf contre le comte de Foix et Bernard Odo de Niort (LFM, 831).

391 On a conservé de très nombreux serments de Guilhem d’Alaigne, fils de Guilla, aux Trencavel pour plusieurs châteaux du Razès (Rennes, La Bezole, Routiers, Monthaut, Taillebois) et il reçut lui-même quelques serments des seigneurs du Razès qui ont été recopiés dans le cartulaire des Trencavel, serments pour Queille et Mirepoix, et un serment sans château d’un certain Guilhem Arnald qui lui promet son aide contre Raimond de Niort (CT, 223 = HGL, V, 740).

392 CT, 372 = HGL, V, 909 ; l’opposition au vicomte de Narbonne permet de dater ce texte après 1112.

393 CT, 501 = HGL, V, 909. Le Pierre Raimond dont il est ici question est sans doute le même que Pierre Raimond d’Hautpoul qui prête serment à Ramon Berenguer III contre le vicomte de Béziers.

394 LFM, 832. Ce texte est bien sûr non daté ; LFM donne 1067 qui est impossible, d’Abadal 1107 et Cheyette 1120.

395 CT, 377 = HGL, V, 824, toujours non daté.

396 Cette participation de Bernard Aton à la Reconquista est quelque peu problématique : il annonce son départ dans le testament qu’il rédige le 7 mai 1118 pergens ad Hispaniam (CT, 115 = HGL, V, 867). Or il semble qu’il n’y soit jamais arrivé ! Aucune des sources espagnoles, ni chrétiennes ni musulmanes, ne mentionne en effet sa collaboration au siège (qui commença le 22 mai 1118) et à la prise de Saragosse (conquise le 18 décembre 1118) parmi les très nombreux barons d’outre-Pyrénées qui sont cités. Voir J. M. Lacarra, Historia política del reino de Navarra, 1973, t. 1, p. 306-311 ; « La conquista de Zaragoza », 1947, p. 81-83 ; « Los franceses en la Reconquista », 1981, p. 155.

397 Un nécrologe de l’Église de Carcassonne mentionne : X kalendas octobris, anno MCXX, die sancti Bartholomaei fuit facta traditio (HGL, V, 36) ; les deux dates se contredisent : 22 septembre et 24 août, mais la seconde est corroborée par l’autre source, un fragment de chronique, anno Domini MCXX, epacta XVIII, concurrente IIII, Carcassona negata est vicecomiti Bernardo Atonis ab hominibus ejusdem urbis, sub die VIIII kalendas septembris, feria III (24 août)… Reddita vero fuit III° anno. (HGL, V, 885).

398 F. Cheyette date avec vraisemblance de ce moment-là le serment des hommes de Carcassonne à Ramon Berenguer III (« The “Sale” of Carcassonne », p. 860).

399 Qui est amené une fois de plus à renouveler les conventions selon le modèle de 1095.

400 Serment prêté au vicomte de Narbonne en 1124 avec promesse d’aide sauf contre le comte Richard [de Rodez], et engagement à ne pas faire la guerre au vicomte de Narbonne avec l’archevêque [Arnaud de Lévezou, un « pro-toulousain »] et le comte Alfonse (HGL, V, 913). On peut aussi rapporter à cette date le serment déjà cité d’Ermengaud de Fabrezan, comme le fait J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne », 1985, p. 229.

401 Alfonse Jourdain fait à Bernard Aton un serment offensif contre le comte de Poitiers et celui de Barcelone (CT, 508 = HGL, V, 907).

402 Sur ces ligues : C. Higounet, « Un grand chapitre de l’histoire du xii^e siècle », 1951, p. 317.

403 HGL, V, 894 ; en 1121. L. Macé, Les comtes de Toulouse, 2001, p. 104-105.

404 Comme le rapporte un fragment de chronique de Saint-Sernin : Anno MCXXIII, exercitus tolosanus ivit apud Aurencam ad solvendum et liberandum dominum Ildefonsum (HGL, V, 50). Comme son frère Bertrand en 1105-1108, et pour les mêmes raisons que lui, Alfonse Jourdain a attaqué Saint-Gilles en 1119. Le pape Calixte II écrit en effet à Aton archevêque d’Arles le 3 février 1120 pour dénoncer les agissements du comte (il s’est lui aussi emparé de la ville et de l’église, a fait construire un château et a forcé les habitants à renier leur serment de fidélité à l’abbaye). L’affaire s’envenime : Alfonse est excommunié, l’interdit est lancé contre ses terres ; il fait alors prisonnier l’abbé Hugues qu’il enferme au château de Beaucaire, avant de le renvoyer à Cluny (Ménard, Histoire… de la ville de Nîmes, t. I, p. 178-180). Habilement, le comte de Barcelone se pose en champion de l’Église et appuie les plaintes de Saint-Gilles (J.-P. Poly, La Provence, p. 325-332), adoptant la même attitude que Guilhem IX d’Aquitaine qui avait soutenu Saint-Sernin à Toulouse.

405 LFM, 895-897. J.-P. Poly, La Provence, p. 330-334. Voir aussi : H. Dubled, « Les comtes de Toulouse et la Provence », 1974 ; M. Aurell, « L’expansion catalane en Provence », 1985-1986.

406 HGL, V, 913.

407 CT, 348 et 373 = HGL, V, 926 et 928. Ces accords furent peut-être suivis par le serment et la garantie des hommes du comte de Foix (CT, 373 = HGL, V, 824 ; acte non daté qui pourrait aussi se rapporter à 1095, ou à 1112).

408 Nous avons conservé deux textes, non datés, où les seigneurs du Carcassès se servent mutuellement de caution. Ils ne sont malheureusement pas très clairs, la syntaxe est difficile à saisir : en l’absence de ponctuation et en raison de flottements dans les déclinaisons, on a du mal à discerner qui se porte garant (manlevavit) pour qui (CT, 383 = HGL, V, 919 ; CT, 384 = HGL, V, 917). Sur l’extension géographique de la révolte, voir carte n^o 4, p. 337.

409 Serment collectif des castlani de Carcassonne, le 4 avril 1125 (CT, 271 = HGL, V, 924) ; inféodation des tours de Carcassonne, du 12 janvier au 27 avril 1125 (CT, 387 à 399 = HGL, V, 919 à 925).

410 C. Duhamel-Amado, « L’État toulousain sur ses marges », 1995, p. 122.

411 Qui, dès 1124, a été contraint de reprendre en fief de Bernard Aton son château de Laure (CT, 302 et serments 300 et 301 = HGL, V, 910). Bernard Aton confiera pourtant à ses deux neveux Pierre et Arnaud une tour de Carcassonne, mais avec des conditions un peu particulières, et peut-être pour mieux les avoir à l’œil (CT, 392 = HGL, V, 925).

412 Il est le premier cité dans les deux textes de pax. Il prête serment avec ses fils Gillabertus, Sicardus et Gausbertus à Bernard Aton IV, Cecilia, Roger et Raimond (CT, 382 = HGL, V, 837).

413 Dont le surnom pourrait bien renvoyer à ses choix politiques (Raimond le Catalan), à moins qu’il ne désigne tout bonnement sa fonction (Raimond le Châtelain).

414 Bernardus Arnaldi et ses fils Arnaldus et Petrus, Guilhelmus Arnaldi, et Raimundus Arnaldi. Ce nom évoque immanquablement les agents mis en place par Ramon Berenguer I^er vers 1070, Raimundus Arnaldi vicomte de Carcassonne (LFM, 829), Arnallus Guillaberti responsable de la monnaie de Carcassonne (LFM, 838), et par delà renvoie aux éternels concurrents de la famille comtale carcassonnaise. Les Arnaldi de 1125 et un Amelius, tous traîtres, sont possessionnés à Palaja et Palajanel (CT, 387 et 399), à Berriac (CT, 395 et 396), à Salvaza (CT, 397 et 398), à Cazilhac (CT, 399) et dans Carcassonne même, où ils contrôlent les burgi. Bernard Aton prend bien soin dans les réinféodations de 1125 d’exclure ces faubourgs des honores qu’il redistribue. Cette implantation foncière très étendue, qui enserre complètement la cité semble ancienne et très ramifiée : elle pourrait être un héritage, direct ou indirect, de l’ancienne famille comtale, ou vicomtale, ou de leur entourage.

415 On peut aussi se demander si la restitution de leurs fiefs par les fils de Bernard d’Agullonis en 1125 (HGL, V, 911) et par Roland de Bize en 1127 (CT, 458 = HGL, V, 945) ne serait pas à rapporter au règlement de la révolte.

416 Ceux-ci étaient déjà présents dans le proche entourage de Bernard Aton juste avant la révolte. Voir C. Duhamel-Amado, « L’entourage des Trencavel au xii^e siècle », 2001, p. 11-43.

417 A. Dupont devine une certaine agitation à Nîmes, contemporaine de celle de Carcassonne, qui se serait soldée par l’octroi d’une exemption des toltes et questes et une sécurité des biens, contre une somme de 4000 sous (« Le vicomte Bernard Aton IV », 1971, p. 153-177, voir aussi Menard, Histoire… de la ville de Nîmes, t. I, p. 180). Il est certain que Bernard Aton IV a fait une concession, puisque son fils Bernard Aton V abandonne une queste en 1144 sicuti Bernardus Ato, pater meus, relinquit quistam hominibus Nemausensis (AN, J 323, n^o 8 = Teulet, n^o 82). Peut-être à la suite de cette révolte, les chevaliers du château des Arènes (les anciennes arènes romaines dont le mur est divisé en portions, dénommées stare, inféodées à des castlans) prêtèrent serment à Bernard Aton IV : il sont au nombre de 31 (HGL, V, 764, non daté).

418 Les serments pour des châteaux prêtés à Bernard Aton IV, avec ou sans ses enfants, sont au nombre d’une bonne soixantaine (tous non datés). Si l’on y ajoute les possessions mentionnées dans les testaments et les dots, l’extension de l’aire contrôlée par les vicomtes est impressionnante (voir la carte n^o 3, p. 336). Dominent les castra du Carcassès (Carcassonne, Saissac, Arzens, Capendu, Marseillette, Puichéric, Cabaret et Quertinheux de Lastours) et du Razès (Rennes, Blanchefort, Niort, Castelpor, La Bezole, Monthaut, Routier, Taillebois, Termes, Durfort, Nouvelles) et leurs extensions dans le comté de Toulouse (Kerborb, Queille, Laroque d’Olmes, Mirepoix, Laurac, Castelnaudary, Avignonet, Cintegabelle, Muret) et dans celui de Narbonne (Ornaisons, Laure, La Livinière, Minerve, Capestang, Cessenon, Olargues), mais aussi ceux de l’Albigeois (Albi, Ambialet, Curvalle, Penne, Padiès, Andouque, Arifat, Senegats, Burlats, Boissezon, Le Vintrou, Saint-Amans, plus Villemur et Hautpoul en Toulousain, et Roquecézière, Brusque, Prohencoux et Montagnol dans le sud du Rouergue). À Nîmes, les possessions du vicomte se concentrent autour de la cité (les Arènes, Calvisson, Bernis, Caissargues et Beauvoisin, Marguerittes et le Cailar). Dans les vicomtés de Béziers-Agde, un seul serment, pour Béziers, mais les autres textes attestent aussi la détention de Lunas, Boussagues, Mourcairol, Vieussan, Roquebrun, Abeilhan, Agde, Le Pouget, Saint-Pons-de-Mauchiens, Pézenas, Castelnau-de-Guers, Mèze, Loupian). En Biterrois et Agadès cependant, le pouvoir des Trencavel est déjà fortement concurrencé par celui de l’évêque et par l’ascension des Guilhem de Montpellier (H. Vidal, Episcopatus et pouvoir épiscopal à Béziers, 1951 ; A. Castaldo, L’Église d’Agde, 1970 ; H. Katsura, « Serments, hommages et fiefs », 1992, p. 150-151 et 153-154).

419 Outre l’Histoire générale de Languedoc toujours précieuse, C. Higounet, « Un grand chapitre de l’histoire du xii^e siècle », 1951 ; R. d’Abadal, « À propos de la “domination” comtale », 1964 ; C. Duhamel-Amado, « L’État toulousain sur ses marges », 1995 ; L. Macé, « Chronique d’une grande commotion », 1999.

420 Serment d’Alfonse Jourdain aux trois fils (CT, 505 = HGL, V, 962) ; de plus, il réconcilie l’évêque et le vicomte de Béziers (LN Béziers, 140, en 1131).

421 Serment de Roger de Foix à Roger et Raimond Trencavel (CT, 412 = HGL, V, 963) ; alliance entre les deux Roger, avec promesse d’aide sauf contre le comte de Toulouse (CT, 385 et Doat, vol. 166, fol. 220 = HGL, V, 964).

422 En 1139, Roger I^er se remarie avec Bernarda de Comminges (CT, 481 = HGL, V, 1031).

423 Alfonse Jourdain aida Alfonse I^er lors de sa prise de Bayonne sur le duc d’Aquitaine (Histoire de Bayonne, 1991, p. 28).

424 Un accord à propos du château de Montséret en 1134 contient une promesse d’aide contre Aimeric de Narbonne et tous les vicomtes de Narbonne (CT, 410 = HGL, V, 1000) ; de plus, Aimeric fidèle de Barcelone a été l’un des deux témoins des dernières volontés de Ramon Berenguer III, son demi-frère, en 1131 (LFM, 493). Voir J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne », 1985, p. 227-244.

425 Serment d’Ugo de Saissac à Cecilia : il promet de ne pas lui faire la guerre (CT, 336 = HGL, V, 965).

426 Une rébellion autour de Lavaur est matée avec l’aide de Sicard de Lautrec en avril 1139 : deux règlements de conflits (CT, 73, inédit et CT, 337 = HGL, V, 1063), suivis par le renouvellement des serments pour Lavaur, Saint-Félix et Castlar (CT, 58, 59, 60, 61, 79, 81). Alliance de Roger I^er avec Sicard de Lautrec en 1141 (CT, 381 = HGL, V, 1049).

427 Guilhem d’Alaigne épouse Braidimenda fille du comte de Foix en 1131 ; la constitution de dot est recopiée dans le cartulaire des Trencavel (CT, 553 = HGL, V, 980).

428 Un texte non daté nous informe du mariage prévu entre une fille de Raimond Trencavel et un fils de Rostaing de Posquières, vers 1131 (AN, J 304, n^o 107 = Teulet, n^o 87 = HGL, V, 979). On peut supposer que Ermessinde, la sœur de Raimond qui avait épousé le même Rostaing en 1121 (AN, J 322, n^o 2 = Teulet, n^o 48 = HGL, V, 893) est morte et que les deux familles cherchent à nouveau à consolider leur alliance par un lien matrimonial.

429 Son frère cadet, Berenguer Ramon, dirigea la Provence jusqu’à sa mort en 1144. Testament de Ramon Berenguer III et partage (19 août 1130) : LFM, 493.

430 A. Graboïs, « Une étape dans l’évolution », 1966, p. 23-36 ; et J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne », 1985.

431 HGL, V, 988. Berenguer Ramon a réussi à épouser Béatrix de Melgueil, qui était aussi convoitée par Alfonse Jourdain (J.-P. Poly, La Provence, p. 334-335). La commune opposition à Toulouse faisait aussi des comtes de Poitiers des alliés des comtes de Barcelone. Ainsi pourrait s’expliquer le premier mariage de Roger I^er, à une date inconnue, avec une certaine Adalaïs : elle serait sœur de Baudouin de Pons en Saintonge, ennemi des ducs d’Aquitaine (HGL, IV, p. 112-114).

432 On les trouve à Barcelone dès 1059 lors de la soumission de Mir Geribert, puis ils accompagnent les comtes dans leurs expéditions contre les Musulmans (Majorque 1113-1114, puis 1136, 1148) ; voir H. Katsura, « Serments, hommages, fiefs », 1992, p. 151-152.

433 G. Fabre et T. Lochard, Montpellier, la ville médiévale, 1992, (dans II, « Extension et défense urbaine »). Dès 1138, l’hostilité d’Alfonse est manifeste lorsqu’il reprend en fief le castrum nîmois de Bernis (AN, J 314, n^o 2 = Teulet, n^o 69), qui était jusque là rendu aux Trencavel (AN, J 322, n^o 94 = Teulet, n^o 59). Bernis reviendra aux Trencavel après la paix de 1142-1143 (AN, J 322, n^o 88 = Teulet, n^o 77).

434 Sur la politique du comte de Foix dans la grande guerre : C. Pailhès, « Le jeu du pouvoir en comté de Foix », 1992, p. 113-158.

435 La paix du 26 juin 1142 est conclue sous l’égide des comtes de Rouergue et de Comminges, des vicomtes Sicard de Lautrec et Pierre de Minerve, de Raimond Trencavel et Rostaing de Posquières (CT, 507 = HGL, V, 1058). Alfonse accorde à Roger une finis de omnibus malefactis que mihi facta habes et de ipso munere [tribut ?] quod de me habes.

436 La vicomté de Lautrec serait donc divisée : Sicard a pris fait et cause pour Roger I^er (alliance en 1141, voir ci-dessus, note 426), alors qu’Isarn est partisan des Toulousains.

437 Balaguier se trouve dans le pays de Kercorb, dépendance du Razès, mais situé dans le diocèse et comté de Toulouse, et donc en litige permanent entre les Carcassonne et les Foix (actuelle commune de Corbières, canton de Chalabre, Aude). Le rapprochement avec Balaguier fait penser qu’il s’agit de Dourne (commune de Fontanès-de-Sault, canton de Belcaire, Aude) plutôt que de Dourgne (commune du Tarn), malgré la présence de Pons de Dourgne. Ces opérations en Razès doivent être le fait du comte de Foix.

438 Serments réciproques entre Roger et Hugues contre Alfonse Jourdain, avec réserve de fidélité pour Sicard de Lautrec et Ramon Berenguer IV, novembre 1142 (CT, 471 = HGL, V, 1059).

439 Serment de Bernard d’Anduze à Raimond Trencavel, sauf contre Berenguer Ramon et Guilhem de Montpellier, sans date (CT, 446, inédit).

440 G. Catel, Mémoires de l’histoire de Languedoc, p. 589 ; J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne », 1985, p. 231.

441 C’est là une grande victoire des Barcelonais (voir le récit dans une chronique juive de Narbonne, cité par M. Aurell, Les noces du comte, p. 413 ; et J. Caille, « Ermengarde, vicomtesse de Narbonne », 1995, p. 9-50).

442 Négociée par Bernard de Comminges, Raimond Trencavel, Sicard vicomte de Lautrec, et Guilhem de Brulano ; non datée (CT, 380 = HGL, V, 1069).

443 En février 1143 : CT, 510 = HGL, V, 1071.

444 J.-L. Biget, « Les Albigeois », 1998, p. 227-232. L’hérétique Sicard Cellerier habitait à Lombers, Lavaur est qualifié de siège du diable et saint Bernard aurait maudi Verfeil (Viridefolium, desiccet te Deus, Dieu te dessèche !) d’après le témoignage de Guillaume de Puylaurens (Chronique, ch. I à IV, p. 32-43).

445 Le 2 mai 1149 : CT, 509 = HGL, V, 1103. En revanche la guerre fait rage en Provence (meurtre de Berenguer Ramon par des Génois en 1144 : opérations de Ramon Berenguer IV de Barcelone en 1147 et 1150 : J.-P. Poly, La Provence, p. 336-340).

446 Roger I^er est mort fin août 1150 (testament : CT, 1 = HGL, V, 1120).

447 Le Lauragais dépend de Carcassonne mais est inclus dans le comté de Toulouse (serait-ce dans ce contexte que fut interpolée l’inféodation du comte de Toulouse au comte de Barcelone de 1070-1071 ? Le Lauragais apparaît en effet ici pour la première fois dans une convention entre Barcelone et les Trencavel), le Terménès dépend du Razès mais est situé dans le diocèse de Narbonne (inféodation : CT, 102 = LFM, 852 = HGL, V, 1125 ; serment : CT, 120 = LFM, 853 = HGL, V, 1126). Textes de novembre 1150 : Raimond Trencavel a sans doute profité du passage en Languedoc de Ramon Berenguer IV qui rentrait de Provence où il était allé soumettre la noblesse rebelle.

448 Carta concordie sive placiti… de petitionibus et querimoniis quas inter se faciebant, 13 novembre 1150 (CT, 455 = HGL, V, 1122). La vicomté d’Agde est cependant partagée : Bernard Aton n’obtient que la partie orientale (rive gauche de l’Hérault), Raimond conservant l’extrémité ouest, sur la rive droite du fleuve. Un autre des termes de cet accord entre les deux frères survivants est la récupération par Bernard Aton de l’héritage de leurs deux sœurs Pagana (HGL, V, 1148) et Metelina (HGL, V, 1149) en 1152.

449 24 novembre 1152 : jugement contre Guilhem de Limoux, minister de Raimond, reconnu coupable de malversations (CT, 252 = HGL, V, 1130).

450 Dans son testament de 1154, Raimond fait allusion à des mala que ego feci cum mea cavalgada in Rossilono (CT, 550 = HGL, V, 1172), que l’on peut sans doute rapprocher du contexte de la vente, le 18 septembre 1152, du château de Mèze par le comte de Roussillon Giraldus, fils d’Ermengarde/ Trencavella (CT, 424 = HGL, V, 1157). Raimond aurait donc fait une campagne en Roussillon pour récupérer la dot de sa sœur, après que celle-ci a été répudiée par Gausfred (excommunié pour cela par Eugène III, puis Adrien IV : HGL, III, 787-788).

451 20 juillet 1151 : serment d’Ermengarde à Raimond Trencavel, sauf contre les comtes de Toulouse, de Barcelone, de Rodez et l’archevêque de Narbonne (CT, 403 = HGL, V, 1142), serment réciproque de Raimond (HGL, V, 1144).

452 28 décembre 1152 : renouvellement du texte de 1141 avec Roger, dans les mêmes termes (CT, 564 = HGL, V, 1050) confirmé par un serment de Raimond à Sicard (Doat, vol. 167, fol. 115).

453 En 1151. Dot de Cecilia : Monthaut et Cintegabelle (Doat, vol. 167, fol. 73), douaire : Arzens, Alairac, Preixan et Fontiès – les quatre villae du Carcassès déjà mentionnées en 1095, voir ci-dessus note 359 (Doat, vol. 167, fol. 71) – et Pamiers et Belpech (Doat, vol. 167, fol. 76). Cecilia est peut-être, comme Adalaïs qui sera mariée avec Sicard de Lautrec, une fille que Raimond Trencavel eut de sa première femme Adalaïs (dont l’origine est inconnue ; elle est mentionnée en 1137 : CT, 436 = HGL, V, 1023). Roger II (de même que Raimond Trencavel et Beatrix ?) est en revanche un enfant de sa seconde épouse, la comtesse Saura, dont l’origine n’est pas non plus élucidée mais dont l’origine comtale est mentionnée à plusieurs reprises. Roger Bernat est un partisan convaincu des Barcelonais : cette alliance est encore un fruit d’une judicieuse politique matrimoniale des Catalans (Roger Bernat est le fils de Ximena, une demi-sœur de Ramon Berenguer IV : M. Aurell, Les noces du comte, p. 412).

454 Doat, vol. 61, fol. 186 ; LN Béziers, 176, p. 238.

455 Il rédige un testament en captivité, le 21 avril 1154, apud Tolosam injuste in captione manente, qu’il confie à Guilhem Arnaldi de Béziers (CT, 550 = HGL, V, 1171). Guilhem de Montpellier, son allié, a aussi été capturé dans le même conflit : G. de Montepessulano qui fuit captus pro me (HGL, V, 1173).

456 Rançon de 3000 marcs d’argent (voir les règlements de 1163 : CT, 95 et 96 = HGL, V, 1268-1269). Suit un apaisement dans les relations entre Trencavel et Toulouse : en août 1157, serment de Raimond V à Raimond Trencavel contre tous sauf contre Bernard Aton V (CT, 504 = HGL, 1206) ; en janvier 1158, serment réciproque entre Raimond Trencavel et l’archevêque de Narbonne contre tous sauf contre les comtes de Toulouse et de Barcelone (HGL, V, 1213) ; 16 juillet 1158 : serment de Sicard de Lautrec à Raimond Trencavel sauf contre le comte de Toulouse (CT, 333 = HGL, V, 1220).

457 Le camp anti-toulousain compte le roi d’Aragon-comte de Barcelone, le roi d’Angleterre, les Trencavel (Raimond et Bernard Aton), Ermengarde de Narbonne, Roger Bernat de Foix, Guilhem VII de Montpellier, Sicard de Lautrec, les Anduze… Raimond V ne put compter que sur le roi de France dont il venait d’épouser la fille Constance, en 1154 ; la famille des Baux, alliée toulousaine, fut vaincue à deux reprises (1155 et 1162) ; elle était soutenue par l’empereur Frédéric Barberousse, mais celui-ci se retourna vers Barcelone en 1162 (mariage de Richilde, nièce de l’empereur, avec Ramon Berenguer de Provence, neveu du comte de Barcelone). Avaient sans doute pris le parti de Toulouse Bernard Pelet, comte de Melgueil, les seigneurs de Pignan, Lunel, Bessan, Sauve, Aimargues, Touroulle, Mèze (voir leur paix postérieure avec Guilhem de Montpellier : HGL, V, 1258). Guilhem VI et Guilhem VII avaient mené la guerre sur le front oriental et avaient capturé des proches des Toulousains (en particulier le père de Pons de Montdragon et de Dragonet : LIM, 185, vers 1161 ; et peut-être Guilhem Rostaing (de Popian ?) : LIM, 184, en 1161).

458 Paix en 1163 (CT, 513 = HGL, V, 1267 ; et règlement de la rançon de 1153) ; lettre de Constance au roi de France son frère pour lui demander de libérer des otages de Trencavel que Louis VII retenait prisonniers (RHGF, vol. XVI, n^o CCXXI, p. 70)

459 Ramon Berenguer IV avait épousé en 1137 Pétronille, héritière du royaume d’Aragon. Leur fils Alfonse (I^er à Barcelone, II en Aragon) succéda au pouvoir en 1162 dans le comté et dans le royaume (M. Aurell, Les noces du comte, p. 361-389).

460 J.-L. Biget, « Les Albigeois », 1998, p. 233 ; P. Jiménez Sánchez, « Les actes de Lombers », 1999, p. 311-317 ; voir aussi M. Zerner dir., L’histoire du catharisme en discussion, 2001, sur le « concile » cathare de Saint-Félix, en 1167.

461 Sur la nature des troubles à Béziers, et la collusion qui eut peut-être lieu entre les bourgeois de la cité et les nobles du comté, voir les nouvelles perspectives ouvertes par P.-A. Sigal, « Bernard le Pénitent et la révolte de Béziers de 1167 », AM, 1989, p. 275-277. En 1166, malade (?), Raimond Trencavel avait fait rédiger un testament (HGL, VIII, 266).

462 Toulouse avait déjà soutenu l’évêque de Béziers contre le vicomte en 1152.

463 À Béziers comme à Agde : H. Vidal, Episcopatus et pouvoir épiscopal à Béziers, 1951 et A. Castaldo, L’Église d’Agde, 1970.

464 Comparé aux réseaux castraux de l’Albigeois, du Carcassès et du Razès, celui du Biterrois, comme celui de l’Agadès, paraît assez faible. Le seul véritable point fort en Biterrois se situe au nord, vers Lunas, au contact du sud du Rouergue, vieille terre des vicomtes d’Albi (les Trencavel récupèrent Brusque, Vieussan et Roquebrun des vicomtes de Bruniquel en 1156 : CT, 124 = HGL, V, 1197 ; une sœur de Raimond Trencavel a épousé Austor, seigneur de Lunas).

465 Raimond V donne Albi, Carcassonne et Razès à Roger Bernard, avec l’accord d’Ermengarde de Narbonne qui s’est aussi ralliée : ils font tous alliance contre Roger II (HGL, VIII, 273). Raimond V a réussi à gagner l’alliance d’un certain nombre de fidèles de Raimond Trencavel, puisque figurent parmi les signataires de cette charte Gaucerand de Capestang, Ademar de Murviel, Bernard de Servian, Pierre de Laure, Raimond de Congoust.

466 Au témoignage de chroniqueurs lointains, normands ou anglais (Robert de Thorigny, cité par P. Cabau, « Deux chroniques », 1996, p. 88 ou Guillelmus Neubrigensis, L. 2, c. 11 ; HGL, VI, p. 32). R. d’Abadal mentionne une reconnaissance en fief de Roger à Alfonse, sans citer sa source (« À propos de la “domination” comtale », 1964, p. 336). Alfonse II venait de reprendre directement le contrôle de la Cerdagne, de Carcassonne et du Razès, accordés dans un premier temps à son frère cadet, Pere, à qui il cède en contrepartie la Provence.

467 En 1180, Roger réhabilite le tabellion de Béziers, impliqué dans la rébellion (HGL, VIII, 348), mais refuse de rappeler d’exil un certain Petrus Nairati, qui semble lié à la famille de Pierre Raimond d’Hautpoul (LN Béziers, 277 = HGL, VIII, 358). C’est peut-être dans ce contexte que Roger attaqua l’abbaye de Saint-Pons (pacification intervenue le 4 janvier 1171 : CT, 112 ; inédit).

468 Dot et douaire d’Adalaïs sont constitués en 1171 (CT, 346 = HGL, VIII, 278). Cette alliance fut consolidée vers 1176 par le mariage de Raimond VI et de Beatrix, sœur de Roger II ; mais elle ne dura pas. Béatrix était sans doute répudiée quand son frère lui donna Mèze en 1194 (CT, 611 = HGL, VIII, 421).

469 Serment de Raimond V à Roger II en novembre 1171 (CT, 506 = HGL, V, 276) ; serment d’Ermengarde à Roger II, sauf contre le comte de Toulouse, le 30 décembre 1171 (CT, 404 = HGL, VIII, 281) ; serment réciproque (HGL, VIII, 283).

470 Serments réciproques avec Raimond V, vers 1174 ? (HGL, VIII, 306-307).

471 Qui juge avec Raimond V et Ermengarde un litige entre Roger II et Guilhem de Lunas (CT, 434 = HGL, VIII, 309).

472 Il épouse la sœur de Roger, Adalaïs, en septembre 1176 (CT, 530 = HGL, VIII, 312).

473 LFM, 899. Sur l’expédition d’Alfonse à Toulouse en octobre-novembre 1175 : A. Altisent, « À propos de l’expédition », 1967, p. 429-436.

474 L. Macé, Les comtes de Toulouse, 2000, p. 42-43.

475 Ermessinde avait épousé le futur Raimond VI ; sa mère Beatrix lui avait donné le comté en dot, déshéritant son fils (en 1172 : HGL, VIII, 293 ; testament d’Ermessinde en 1176 : HGL, VIII, 323).

476 Ermengarde, qui n’a pas d’enfant, s’était attaché Aimeric, son neveu, mais celui-ci se retire à l’abbaye de Fontfroide vers 1177 : ce fut peut-être l’occasion saisie par Raimond V pour revendiquer des droits. Elle s’associera en 1179 à un autre de ses neveux, Pierre de Lara (J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne » 1985, p. 234 et « Ermengarde », 1995, p. 16-17).

477 Traduction dans M. Roquebert, L’épopée cathare, 1970, t. 1, p. 83-84.

478 Serments contre Raimond V « qui ne doit jamais avoir Narbonne » (CT, 605 = HGL, VIII, 325).

479 Alliance avec Raimond d’Uzès, Pons Gaucelm et Pierre de Bernis, qui reprennent en fief respectivement Aimargues, Calvisson et Bernis, châteaux qui relèvent du vicomte de Nîmes (avril 1179, HGL, VIII, 335).

480 M. Zerner, La croisade albigeoise, 1979, p. 56-57. Le légat Henri de Marcy avait constaté l’ampleur de l’hérésie à Castres en 1178 et l’inertie du vicomte qu’il excommunia (p. 42-43, 55), puis lors du siège de Lavaur en 1181 (p. 58-59). Roger II avait aussi jeté l’évêque d’Albi en prison en 1178 : cela ne plaida certainement pas en sa faveur (épisode rapporté dans la chronique de Roger de Howden). J.-L. Biget montre bien que cette lettre n’est pas « l’expression du triomphe de l’hérésie dans le Midi et du découragement de Raimond V », mais « un chef-d’œuvre subtil de Realpolitik ». Pour s’opposer aux convoitises de ses voisins, Anglais, Catalans ou Français, le comte préféra prendre les devants, jouer le roi de France, et s’apprêter à détourner l’orage vers des cibles désignées (J.-L. Biget, « Les Albigeois », 1998, p. 238-240 ; voir aussi « Notes sur le système féodal », 1988).

481 Qui met ses errements pro-toulousains sur le compte de sa jeunesse et des mauvais conseils qu’il aurait reçus : cum puer essem, non valens inter bonum et malum, utile et inutile discernere, consilio quorumdam meorum pravorum hominum seductus, annui et concessi Raimundo comiti Tolose Carcassonam et alias terras quas de vobis teneo et tenere debeo…(CT, 491 = LFM, 854).

482 CT, 484 = LFM, 856 (Roger a donné au roi Minerve en alleu : CT, 490 = LFM, 855) ; l’inféodation est complétée par le serment de Roger (CT, 488 = LFM, 857).

483 CT, 485, 486 et 487 = LFM, 858, 859 et 860.

484 LFM, 861 : serment de 477 milites. Ils jurent que, si Roger ne respectait pas les convenientiae qui viennent d’être faites, ils seraient déliés de leur lien avec lui et prendraient pour seigneur direct Alfonse roi d’Aragon ; et LFM, 862 : serment perdu des homines de Carcassonne et de Limoux (il ne subsiste que la rubrique).

485 Roger reprend de lui en fief Brusque, le Pont-de-Camarès et Murasson, possessions des vicomtes d’Albi dans le comté de Millau (CT, 489 et 492 = LFM, 863 et 864 = HGL, VIII, 339).

486 Bernard Aton VI reprend de lui en fief la cité de Nîmes, et tous ses châteaux de la vicomté (LFM, 867 et 868).

487 En 1180 : HGL, VIII, 347 et 358. (Les allusions à des traîtres, Bernard de Caussiniojouls et Pierre Nairati, renvoient aux événements de 1167).

488 Sicard de Lautrec n’avait pas suivi le dernier revirement de Roger en faveur de Barcelone. La réconciliation a lieu en 1181 (CT, 519 = HGL, VIII, 353), confirmée en 1188 (HGL, VIII, 385).

489 1183 : serment d’Aimeric de Roquefort à Roger II contre le comte de Toulouse (CT, 523, inédit).

490 1181 (CT, 92 = HGL, VIII, 351).

491 1184 : promesse d’aide réciproque entre Bérenger de Puisserguier et Roger II contre Toulouse et contre Narbonne (HGL, VIII, 377).

492 J.-L. Biget, « Étapes », 1990, p. 31.

493 Sous l’égide de Raimond V et de l’évêque d’Albi, avec Roger II et Sicard de Lautrec : R. Bonnaud-Delamare, « La convention régionale de paix », 1969.

494 Alliance, en juin 1193, entre Alfonse II et le comte de Foix avec promesse de faire la guerre contre le comte de Toulouse (HGL, VIII, 425).

495 R. Michel, « Les chevaliers du château des Arènes de Nîmes », 1909, p. 50 ; Menard, Histoire… de la ville de Nîmes, t. 1, p. 219 ; L. Macé, « Chronique d’une grande commotion », 1999, p. 671.

496 Agde, 5.

497 Agde, 6. En 1181, par besoin d’argent pour payer sa rançon, Bernard Aton avait déjà mis sa vicomté en gage auprès de l’évêque pour 13 000 sous.

498 Le dossier est entièrement repris et lumineusement présenté par P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, p. 317-321. Agde, 8 et 344, décembre 1187 ; Agde, 7, décembre 1190.

499 Il agit en tant que vicomte dans les impignorations successives de Loupian à Guilhem de Montpellier, en 1189, 1191 et 1195, où il s’intitule vicecomes Agathensis (HGL, VIII, 397-399). Pour les souscriptions comme chanoine, voir P. Chastang, op. cit., p. 316, note 1260.

500 Agde, 117 (il détient la rive droite de l’Hérault).

501 A. Castaldo, L’Église d’Agde, 1970, p. 74-80.

502 Les faits cités par L. Macé (« Chronique d’une grande commotion », p. 677-678) sont des épisodes de luttes locales sans lendemain. Si les châtelains de Pignan se sont révoltés, il ont été durement réprimés (HGL, V, 1258 : de destructione castelli de Piniano et de captura Bernardi de Piniano, en 1162) ; si Raimond V intervient en médiateur à Lunas en 1175 et se fait remettre le château, celui-ci est à nouveau rendu aux Trencavel, avec hommage et serment en 1191 et 1201 (CT, 613, inédit et CT, 568 = HGL, VIII, 468) ; si Adémar de Murviel agit bien pour le comte de Toulouse quand il tue Ramon Berenguer IV de Provence en 1181, une autre branche de la lignée castrale est encore fidèle du vicomte qui contrôle toujours le castrum (Bernard, Bérenger, Bermond et Gaucelin de Murviel font hommage et serment pour Murviel en 1183 : CT, 452, inédit). Aucune trace d’érosion des vicomtés, ni de contrôle du réseau de châteaux vicomtaux sous Raimond V donc.

503 Il reprend son comté en fief du roi d’Aragon en 1172 (Maguelone, 157).

504 Pierre, comte de Melgueil, avait donné son comté à l’Église de Rome (Maguelone, 14 = HGL, V, 695).

505 Dont il ne pourra cependant contenir bien longtemps les désirs de liberté : il dut concéder de larges franchises à la ville en 1189 (Histoire de Toulouse, 1974, p. 99-103 : « L’âge d’or de la “république toulousaine” »).

506 J.-L. Biget, « Les Albigeois », 1998, p. 240-244.

507 Sur Jeanne et Éléonor, voir notre article, « Notices biographiques », 1988, p. 230-231.

508 Testament de Roger II, en 1194 : Mahul, t. V, p. 283-284 : Bertrandum de Saxaco… constituo tutorem et baiulum Raimundi filii mei, et omnium terrarum mearum, amodo et de proxima Pascha usque ad quinque annos completos.

509 HGL, VIII, 429.

510 Alliance entre Raimond Roger comte de Foix et les seigneurs de Ganag contre le comte de Comminges (HGL, VIII, 450).

511 C’est la comtesse Jeanne qui se charge de l’opération, bien malheureuse, à la suite de laquelle elle perdra la vie (Guillaume de Puylaurens, Chronique, ch. V, p. 45 ; notre article « Notices biographiques », 1988, p. 230)

512 Serment du comte de Foix contra comitem Tholose (HGL, VIII, 474). Raimond Roger Trencavel donne à son cousin de Foix tous ses domaines au cas où il mourrait sans enfant (HGL, VIII, 473). Cet acte restera lettre morte puisque le vicomte de Carcassonne épouse en 1203 la fille de Guilhem VIII de Montpellier, Agnès, qui donne le jour à Trencavel en 1207. En 1201, le comte de Foix refuse de prêter hommage à Toulouse pour Saverdun.

513 Aurait-il été mis sur la paille par Bertrand de Saissac qui, comme tout bayle qui se respecte, aurait pioché dans les caisses ? Vente de Saint-Amans-Valtoret, Hautpoul, le Vintrou, tout le Cabardès et l’abbaye de Caunes pour 20 000 sous (CT, 608, inédit), mise en gage de tout le Kercorbès pour 13 100 sous (HGL, VIII, 467), de divers droits pour 6000 sous (LN Béziers, 347), Raimond Roger reconnaît aussi diverses dettes pour 6000, 6000 et 7000 sous (CT, 569, inédit ; CT, 570 = HGL, VIII, 470). On n’a conservé la trace que d’un investissement d’importance : l’achat de Vias pour 13 000 sous (CT, 571, inédit).

514 J.-L. Biget souligne le rôle de Guilhem VIII et de Pierre II dans la relance de la lutte contre l’hérésie (« Les Albigeois », p. 248-250).

515 Selon le témoignage de Guillaume de Tudèle : laisse 9, vers 12 à 19 ; laisse 11, vers 12 à 17 ; La Chanson de la Croisade albigeoise, 1989, p. 48-50.

516 Laisse 13, vers 12. Les seigneurs nommément désignés sont Pierre Bermond d’Anduze (laisse 12, vers 17), Gui comte d’Auvergne, le vicomte de Turenne, Bertrand de Cardaillac, le seigneur de Gourdon, Ratier de Castelnau (laisse 13, vers 25 à 31), La Chanson, 1989, p. 52-54.

517 Lo coms Ramon les guida, que lor a be mestier/ Que vai primers tot jorn e les fai alberger/ Per la terra son bot, qui lo sol guerreger/ Lo filh de sa seror, La Chanson, laisse 14, vers 23-26. Pierre des Vaux-de-Cernay ne dit pas autre chose : Raimond VI « ruina de fond en comble plusieurs châteaux […]. En réalité cet homme perfide et inique agissait ainsi parce qu’il voulait dévaster tout le pays et briser toute opposition à son pouvoir » (Histoire albigeoise, 111, 1951, p. 50).

518 Il avait grant cor ; il n’existait pas de cavallier milhor, ni plus pros ni plus larg, plus cortes ni gensor (La Chanson, laisse 15, vers 3-4, p. 56-57) ; pour les textes de Raimond de Miraval, Guilhem Augier ou Cadenet, voir : R. Nelli, « Le vicomte de Béziers », 1969, 301-314.

519 HGL, VIII, 579 et 581 : elle cède les droits qu’elle détient au titre de son douaire, sur les châteaux de Pézenas et de Tourbes.

520 Le fils de Raimond Roger et d’Agnès donne tous ses droits sur les vicomtés de Béziers, Carcassonne, Albi, Razès et Agde (HGL, VIII, 609).

521 Il abandonne Nîmes et Agde (c’est, symboliquement, le dernier texte recopié dans le cartulaire des Trencavel, à une date postérieure, d’une main différente : CT, 615 = HGL, VIII, 651).

522 P. Bonnassie, La Catalogne, particulièrement t. 2, p. 644-646.

523 « Le comte [Simon de Montfort] prit possession de tout le diocèse d’Albi, à l’exception de quelques localités qui étaient aux mains du comte de Toulouse [Raimond VI] qui les avaient conquises sur le vicomte de Béziers », Histoire albigeoise de Pierre des Vaux-de-Cernay, 118, 1951, p. 53 ; L. Macé, « Chronique d’une grande commotion », p. 672-674.

524 « Les Albigeois », 1998, p. 219-255.

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1880-1895. L'invention d'une morale laïque sous la IIIe République

Pierre Ognier

2008

Bestiaire chrétien

L’imagerie animale des auteurs du Haut Moyen Âge (V^e-XI^e siècles)

Jacques Voisenet

1994

La Gascogne toulousaine aux XII^e-XIII^e siècles

Une dynamique sociale et spatiale

Mireille Mousnier

1997

Les Juifs à Toulouse entre 1945 et 1970

Une communauté toujours recommencée

Colette Zytnicki

1998

La Tunisie mosaïque

Patrick Cabanel et Jacques Alexandropoulos (dir.)

2000

Les paysages médiévaux du Languedoc

X^e-XII^e siècles

Aline Durand

2003

Immigrés d’Italie et paysans de France

(1920-1944)

Laure Teulières

2012

Hommes et sociétés, dans l’Europe de l’an mil

Pierre Bonnassie et Pierre Toubert (dir.)

2004

Que reste-t-il de l’éducation classique ?

Relire « le Marrou ». Histoire de l’éducation dans l’Antiquité

Jean-Marie Pailler et Pascal Payen (dir.)

2004

L’obsession du retour

Les républicains espagnols 1939-1975

Florence Guilhem

2005

À la conquête des étangs

L’aménagement de l’espace en Languedoc méditerranéen (xii^e - xv^e siècle)

Jean-Loup Abbé

2006

L’Espagne contemporaine et la question juive

Les fils renoués de la mémoire et de l’histoire

Danielle Rozenberg

2006

Une école sans Dieu ?

1880-1895. L'invention d'une morale laïque sous la IIIe République

Pierre Ognier

2008