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L’Empire en province

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Reine-Claude Grondin

Première partie. La réception de l’opportunité algérienne dans le limousin des années 1830-1920

Projets migratoires et mise en place des réseaux

Texte intégral

  • 1 Nancy L. Green, Repenser les migrations, op. cit., p. 104
  • 2 J. G. Rice & R. C. Ostergren, « The decision to migrate : a study in diffusion », cités par Paul-An (...)
  • 3 Paul-André Rosental, ibid., p. 106.

1Les projets migratoires ne relèvent pas exclusivement d’un choix personnel mais sont provoqués par les choix antérieurs des familles et du voisinage, encouragés en quelque sorte par le flux de mobilité préexistant à la décision : les relations interpersonnelles ont relayé la médiation des pionniers. De ce fait, les projets migratoires sont à la fois individuels et collectifs1 : constat qui enlève sa pertinence au schéma mécaniste insistant sur le différentiel des offres à l’intérieur du couple migratoire France/Algérie. L’analyse des demandes se conforme davantage au modèle diffusionniste que Paul-André Rosental, se référant aux travaux sur les migrations transatlantiques2, a mis en évidence pour les migrations internes, expliquant, par là même, la mise en place des cantons pourvoyeurs concentrant l’essentiel des flux. Ce schéma permet par conséquent d’intégrer le stimulus économique aux « médiations concrètes »3 assurées par les proches qui informent des occasions effectives, associant ainsi une explication macro et micro-économique. Le rôle des militaires dans la constitution de ce champ migratoire illustre l’importance des pionniers dans ce phénomène.

LE RÔLE PIONNIER DES MILITAIRES

  • 4 J. G. Rice & R. C. Ostergren, « The decision to migrate : a study in diffusion », cités par Paul-An (...)
  • 5 L’enquête du ministère en 1844 confirme la présence de 8 militaires dans la liste des premiers migr (...)
  • 6 6M406, ADC.
  • 7 6M285, ADHV.
  • 8 6M407, ADC.
  • 9 Lettre du maire, 14/11/1855, 6M407, ADC.
  • 10 6M407, ADC.

2La visibilité des militaires ou la mention de leur expérience militaire dans le corpus a été suffisamment forte pour mériter une approche distincte. En effet, ils ont joué un rôle pionnier4 en assurant la médiation entre l’espace algérien et l’espace local et ce dès les débuts de la conquête de la colonie5. Pour bon nombre d’entre eux, le séjour en Algérie a été un déclencheur de mobilité clairement exprimé dans les demandes au début de la colonisation. En 1844, le dossier de Jean Bouchary (Corrèze), militaire libéré du 111e de ligne qui demande à retourner en Algérie pour y travailler, porte la mention « a fait campagne en Afrique »6. À Bellac (Haute-Vienne), en 1844, Antoine Garraud fait valoir ses trois années de service au cours des années 1839, 1840 et 1841 dans le 23e régiment de ligne7. Sous le Second Empire, des candidats de retour du service expriment le souhait d’y retourner. Ainsi, Jean Mazelle, terrassier, cultivateur pose en 1853 sa demande, de retour d’Algérie où il a effectué son service8. En 1855, Louis Fraysse, ferblantier, ancien militaire dans les Zouaves qui « a habité l’Algérie pendant 7 ans », demande à y retourner pour y « devenir colon ou exercer sa profession à Alger »9. La même démarche est adoptée par François Cassagne et François Lascaux en 185710.

  • 11 Sous-préfet de Saint-Yrieix au préfet de Haute-Vienne, 26/1/1845, 6M285, ADHV.
  • 12 Sous-préfet de Saint-Yrieix au préfet de Haute-Vienne, 20/12/1845, 6M285, ADHV.

3Dans les exemples précédents, l’expérience militaire a facilité une démarche qui reste cependant individuelle. Mais le cas de Lubraie met en évidence le rôle moteur du militaire qui n’apparaît pas dans les autres demandes11. En 1845, cet ancien militaire – le lieu où il a effectué son service militaire n’est pas précisé – est à l’origine d’un projet migratoire associant deux autres compatriotes qui renoncent à la suite de la défection de l’initiateur du projet12.

  • 13 Feuille de renseignements, 51L/201/29597, AOM.
  • 14 Feuille de renseignements, 51L/299/39752, AOM.
  • 15 Feuille de renseignements, 51L/195/29050, AOM.
  • 16 Feuille de renseignements, 51L/119/21500, AOM.

4Sous le Second Empire et la Troisième République, le séjour militaire en Algérie apparaît dans certaines demandes de passage gratuit ou de concession. Nous avons retenu les parcours les plus significatifs de ces postulants concessionnaires : celui de Henri Tro en 1885 qui, au cours de ses cinq années de service militaire de 1869 à 1874, « a servi au 78e ligne, a été trois ans et demi en garnison dans le département de Constantine et a fait campagne contre les Kabyles pendant un mois »13 ; celui de Jean Gallaud en 1891, qui a été soldat pendant 5 ans dont trois ans en Afrique dans la compagnie de remonte de 1871 à 187414. La situation de la plupart des autres postulants ex-militaires est comparable aux deux exemples précédents, à l’exception de deux candidats qui ont fait leur service militaire en Tunisie. En effet, nous sommes en présence de petits propriétaires ou en attente d’héritage, comme Henri Tro, qui sont par conséquent dans une situation professionnelle assez précaire, favorable à la mobilité. Toutefois, un candidat au moins ne relève pas de la précarité : Jean Laval, ayant effectué deux années de service en Algérie, maire et agriculteur propriétaire de 20 ha, qui candidate en 188515. Le parcours de Jean Rebaix, résident en Algérie depuis 12 ans en 1882, date de sa demande de concession, illustre le rôle déterminant de la période militaire dans le choix de l’émigration. D’après sa Feuille de renseignements, « il est venu en Afrique comme jeune soldat à la 10e section d’ouvriers d’administration pendant 2 ans et demi » et a quitté le service pour se fixer à Oran où il s’il est installé comme boulanger16.

  • 17 La Fin des terroirs, op. cit., p. 423-437. Le journal de Jean-Marie Deguignet (1834-1905) est un au (...)
  • 18 Maire de Beaulieu-sur-Dordogne au préfet de Corrèze, 11/07/1843, 6M406, ADC.

5L’expérience militaire, pourtant perçue par les contemporains comme un facteur de déstabilisation sociale, a eu une double conséquence : celle de susciter des vocations coloniales en facilitant au préalable la rupture avec le milieu, confirmant ainsi le propos d’Eugen Weber qui a comparé le service militaire à « un autre type de migration »17. Quelques indices témoignent en faveur d’une difficile réadaptation au milieu originel. En 1843, le maire de Beaulieu (Corrèze) complète la demande de passage gratuit en faveur de Jean Beyt et Antoine Bouygue en indiquant qu’ils « sont l’un et l’autre probes, sans reproches, mais leurs habitudes et la violence de leur caractère, leur courage les rendent propres à habiter l’Afrique »18.

  • 19 6M406, ADC.
  • 20 11/10/1851, 6M407, ADC.

6Des propos identiques se retrouvent dans des dossiers de migrants qui ont vécu en Algérie et ne sont peut-être que l’expression d’un archétype, utilisé cependant ici comme un élément de qualification. En effet, outre la familiarisation avec l’Algérie, l’expérience militaire est aussi un élément de qualification parce qu’elle a validé la capacité physique d’adaptation ainsi que cela apparaît en 1843 dans la demande de passage gratuit de Jean Treuil, cultivateur de son état qui, selon la mention du maire est « fort et vigoureux et de plus ancien militaire »19, mention à nouveau présente en 1851 dans le dossier de Jean Feix, maçon, qui est présenté comme un individu dont « la constitution » « peut supporter le climat de la colonie où [il] a déjà résidé en qualité de militaire »20.

7Dans d’autres situations, le séjour en Algérie est synonyme d’expérience professionnelle ainsi que l’exprime ce candidat, en quête d’une activité, Bertrand Joseph Grégoire. En effet en 1852, fort de son expérience acquise au cours de ses six années de service militaire en Algérie, il demande, sans succès, une indemnité de route afin de trouver un emploi car, écrit-il au préfet :

  • 21 Lettre du 17/5/1852, 6M285, ADHV.

« N’ayant aucune profession déterminée qui me permette de trouver aisément à m’occuper en France ; je pourrais en Algérie avec la connaissance du pays et l’instruction que j’ai reçue, trouver facilement à gagner ma vie, si mes moyens me permettaient de m’y transporter. »21

8Le passage dans la colonie devient un élément d’appréciation des candidatures à la fin du xixe siècle vérifiant de la sorte la connaissance du pays par les postulants, formulé en ces termes dans la Feuille de renseignements : « renseignements généraux de nature à préciser la nature du demandeur. Est-il venu en Algérie ? Durée de son séjour (services militaires, etc.) ».

  • 22 Feuille de renseignements, 51L/138/22370, AOM.
  • 23 Feuille de renseignements, 51L/243/34048, AOM.
  • 24 Feuille de renseignements, 51L/202/29769, AOM.

9Cependant, si la mention de l’expérience algérienne est fréquente, elle n’est pas exclusive car, dans bon nombre de dossiers, le service militaire est antérieur à la colonisation ou sans rapport avec l’Algérie de la fin du xixe siècle. Ainsi, certains d’entre eux ont effectué leur service sous le Premier Empire : Jean Estrade et Rémy Chastet (Corrèze) ont fait les campagnes de 1812, 1813, 1814. Elle apparaît aussi dans des dossiers de candidats âgés de plus de 20 ans, et donc libérés de l’obligation militaire, comme celui de Fabien Louis Lafon (Égletons), âgé en 1845 de 44 ans qui aurait fait son service dans les années 1820, avant la conquête algérienne. La remarque vaut pour Antoine Bujaud (Brive) âgé en 1844 de 39 ans. Léonard Fougère22 fait valoir dans sa demande de concession sa situation militaire qui, au vu du libellé de sa demande, est sans rapport avec l’Algérie mais qui a pu être analysée par lui ou le rédacteur de son dossier comme un argument car il ne remplit pas les conditions de fortune. Cela semble encore plus plausible pour Léonard Pasquet, fermier, sans ressources déclarées qui indique, alors que ce renseignement n’est pas exigé, avoir fait son service comme engagé volontaire en 187023. Il en est de même pour Pierre Aujour, micro-propriétaire qui indique avoir servi « dans les mobiles de 1870 [et] est resté alors à l’intérieur sans que son bataillon marchât au feu »24.

  • 25 Feuille de renseignements, 51L/202/29660, AOM.
  • 26 Préfet d’Oran, 14/04/1897, 6M402, ADC.

10La compétence militaire est aussi valorisée par des candidats, même si elle ne leur est pas propre. En 1885, Jean Baptiste Madal mentionne dans sa demande les faits d’armes de son frère l’accompagnant en Algérie, qui « a fait 7 ans de service militaire dont 5 ans dans la province d’Oran et a combattu Abd el-Kader »25. En 1897, Joseph Vacher (Nespouls), fait valoir la présence de son fils dans les Zouaves afin d’obtenir une concession car, mentionne le maire, « le dit Vacher ayant depuis plusieurs années son fils en Algérie [….] pourra diriger dans les meilleures conditions l’exploitation »26.

11Ces candidatures relativisent ainsi le rôle de l’expérience acquise en Algérie. Si, pour les premiers candidats, la collusion entre le régime du sabre et la colonisation de l’Algérie a pu effectivement déterminer les choix, et ce jusqu’en 1870 où est instauré un régime civil, la permanence de la représentation amène à chercher d’autres explications.

  • 27 Cette proposition, mise en application par le maréchal Clauzel et popularisée par Bugeaud, n’est pa (...)
  • 28 Le premier, après la conquête du Tell en 1842-1843, consistait à recruter des colons parmi les sold (...)

12Pour la première période, les essais de colonisation alliant « l’épée et la charrue »27 ont pu déterminer les choix des candidats dont les demandes sont souvent rédigées par une tierce personne mais, dans la mesure où les candidats qui se présentent ont cette qualification, on peut faire l’hypothèse de la réception d’une information identique : les projets de colonisation militaire mis en œuvre d’abord par le maréchal Clauzel (10/08/1830-13/1/1837). Partisan de l’arrivée massive d’immigrants, soldats et cultivateurs, il ouvre la voie entre 1830 et 1831 aux premiers essais de petite colonisation satisfaisant à la fois au besoin de peuplement et de sécurisation de la nouvelle possession, principe défendu par Bugeaud (23/2/1841-15/04/1845)28, qui relance l’idée de colonisation militaire.

  • 29 Raoul Girardet, La Société militaire de 1815 à nos jours, Perrin, 1998 et Odile Roynette, Bons pour (...)
  • 30 Cette vision est nourrie par les débats sur l’utilisation des soldats, voir à cet effet le chapitre (...)
  • 31 Part des exploitants du sol, anciens militaires, d’après Michel Méternier, Les demandes d’émigratio (...)
  • 32 Dans notre échantillon, des candidatures militaires ont été déboutées.
  • 33 30/06/1862, 6M285, ADHV.
  • 34 13/04/1874, 6M284, ADHV.
  • 35 Feuille de renseignements, 51L/40/13742, AOM.

13Ces essais, popularisés par Bugeaud et repris à diverses dates par des publicistes, ont pu marquer durablement les esprits, d’autant qu’après 1870 la militarisation de la société29 a pu contribuer à pérenniser la figure du paysan-soldat30. L’étude de Michel Méternier, qui a montré l’importance de la représentation des militaires parmi les concessionnaires, viendrait confirmer la permanence du mythe31. Mais cette représentation, qu’elle soit véhiculée par la presse ou par les militaires « coloniaux », n’implique pas automatiquement un afflux de candidats. Elle doit être analysée en terme d’offre pour déterminer le positionnement individuel des candidats qui font valoir, eux ou le rédacteur de leur dossier, une qualification. De fait, l’incitation à l’émigration est une réponse à la demande qui, pensent-t-ils32, privilégie les candidatures militaires. Cela a pu être le cas au début de la période mais, pour la période postérieure à la nouvelle politique de colonisation de 1874, la situation militaire n’est plus vérifiée dans les demandes. Qu’il y ait eu une interprétation des conditions révèle une autre influence, celle du rôle formateur – civique – et acculturant du service militaire. Mais il ne faut pas perdre de vue les situations particulières des individus et le contexte global des mutations économiques. Les conscrits, à la fin du service militaire, n’ont pas reçu de formation leur permettant un choix ou une nouvelle orientation professionnelle. Pour les cas suivants, la demande de concession apparaît bien comme une solution de reconversion après le service militaire. En 1862, le préfet de Haute-Vienne recommande la demande d’un « ancien militaire »33 au ministère de la Guerre, celle de Louis Élie Ballet, « trompette au 2e escadron du train d’artillerie, libérable et sans moyen d’existence ». En 1878, Charles Henri, soldat au 138e régiment en garnison à Limoges, demande une concession34. Les conditions économiques alliées à la recherche d’autonomie ont pu être des conditions favorables à une mobilité spatiale mais pas nécessairement professionnelle. Nous avons insisté sur le rôle du service militaire dans l’élaboration du projet migratoire sans tenir compte des parcours antérieurs qui auraient mis en évidence un début de mobilité, accélérée après le service militaire. En 1880, l’exemple de Pierre Puyraud témoigne d’une mobilité antérieure au service militaire, que nous avons repérée chez d’autres candidats. Selon sa Feuille de renseignements, il « est allé en Algérie en 1873, en est revenu après 9 mois de séjour ; a été ensuite soldat au 111e de ligne. Il est reparti le 3 octobre 1879 pour l’Algérie après avoir vendu une bonne partie de ce qu’il possédait à Dournazac en immeubles dans l’intention de s’établir en Algérie »35.

  • 36 Ce constat s’appuie sur des indices relevés dans l’état civil des candidats. En effet, beaucoup d’e (...)

14Ce parcours est typique de beaucoup de candidats dont le désir de départ en Algérie n’est pas synonyme de rupture car il a été précédé d’une phase de mobilité intra-régionale36 caractéristique des migrations de la fin du XIXe siècle. Ce dernier indice nous fournit ainsi une autre explication de l’intérêt pour l’Algérie. En effet, dans la mesure où existaient trois possibilités de reconversion – devenir ouvrier ou actif du tertiaire en France, partir en Amérique ou en Algérie – le choix de rester agriculteur au prix d’une expatriation n’est-il pas le refus d’une rupture avec le monde agricole. Faute d’une étude biographique, cette proposition n’est qu’une hypothèse mais propose un autre éclairage sur le phénomène d’abandon des concessions au profit d’une activité tertiaire par les colons algériens qui ne serait en fait qu’un indice d’une mobilité géographique précédant une mobilité sociale. La transmission de l’offre coloniale ne se réduit pas, par conséquent, à une simple analyse des différentiels d’opportunités mais requiert un positionnement des individus, ce qui suppose un choix dont les caractéristiques sont étudiées ci-après.

LE RÔLE DE L’INTERCONNAISSANCE ET DES RÉSEAUX FAMILIAL ET PROFESSIONNEL

  • 37 Exposé du projet de colonie limousine adressé au ministère de la Guerre, 11/5/1846, 6M402, ADC.

15Le stéréotype du colon individualiste à l’esprit aventureux ne résiste pas à l’analyse des dossiers. En effet, pour beaucoup d’entre eux, la décision d’émigrer fait l’objet d’une concertation engageant au moins deux individus qui effectuent une demande groupée. L’importance de ces demandes tient peut-être au sentiment communautaire, très marqué dans la région, mais relève aussi de considérations pratiques qui ne sont pas sans intérêt. Elles empruntent aux migrations saisonnières l’organisation des déplacements en bandes, plus connus en Haute-Vienne mais que signale en 1846 Pierre Meunier, préfet de Corrèze, qui indique que les émigrants du département « ne se séparent pas, qu’ils sont tous aux mêmes lieux, qu’ils vivent ensemble, et qu’ils reviennent au bout de deux ou trois ans »37. Plusieurs types d’association, résultant explicitement d’une concertation, ont été repérés.

  • 38 6M406, ADC.
  • 39 6M406, ADC.
  • 40 6M406, ADC.
  • 41 6M406, ADC.
  • 42 6M285, ADHV.
  • 43 6M406, ADC.
  • 44 6M407, ADC.
  • 45 6M407, ADC.
  • 46 6M407, ADC.

16Pour ce premier cas, à Estiveaux, Goudart, instituteur est associé en 1843 à Maury, peintre en bâtiment dont la demande a été effectuée à Donzenac38. À Espagnac en 1843, un tailleur de pierre s’associe à un maçon39. En 1843 encore, dans le cas de Jean Beyt et d’Antoine Bouygue (Beaulieu-sur-Dordogne), la décision d’émigrer semble tenir du fait qu’ils ont été ensemble en Algérie40. En 1844, Joseph Cerou et Bourdelle s’associent41. Le 5 juillet 1845, trois autorisations de passage sont accordées à Léonard Boirat, Gabriel Brousse et Lubraie, maçons de Coussac-Bonneval (Saint-Yrieix-la-Perche)42. En 1845, Jean Peyrichon et Sébastien Bar (Concèze)43, tailleurs de pierre, font une demande conjointe de passage gratuit. À Tulle en 1846, deux facteurs ruraux, Ampoinat et Charles Reyjal, demandent une concession et y renoncent peu après44. En 1846 à Liginac, deux scieurs de long, Jean et Georges Tournad posent leur candidature45. En 1854, le courrier du maire de Chamboulive associe les demandes de Fleyssac et celle de Doulcet souhaitant « aller comme colons en Afrique »46.

  • 47 6M406, ADC.
  • 48 6M406, ADC.
  • 49 6M407, ADC.
  • 50 6M407, ADC.

17À ces déplacements par couple, il faut ajouter les déplacements par « bandes » principalement issues du même lieu. En 1844, à Allassac, des demandes sont faites par un groupe de concessionnaires et par un groupe de 4 ouvriers qui demandent à partir en Algérie pour y travailler47. Le même cas de figure se présente à Saint-Pardoux l’Ortigier en 1844 : 3 cultivateurs, 1 menuisier et 1 terrassier décident d’émigrer ; ces derniers partent d’ailleurs en juin, selon le rapport du maire du 4 juin sans attendre la réponse à leur demande48. En 1845, 6 ouvriers de Neuvic, dont nous n’avons pas retrouvé les dossiers individuels, font une demande groupée49. À Saint-Privat, 6 jeunes filles « auraient l’intention d’aller s’y louer comme domestique » selon les termes de la correspondance du maire datée du 11 mars 185650.

  • 51 6M406, ADC.
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  • 53 6M407, ADC.

18Ainsi, les candidatures sont faites au même moment de l’année et dans un certain nombre de cas, l’association se fait par corps de métier. En 1843 à Saint-Martial-de-Gimel, 6 ouvriers exerçant les métiers du bâtiment (3 maçons, 1 terrassier, 2 manœuvres) demandent un passage gratuit51. À Voutezac en 1844, 4 métiers sont associés : peintre en bâtiment, charpentier, menuisier et maçon, 3 à Liginac en 1846, dont 2 maçons, 1 tailleur de pierre et 1 manœuvre52. Pour l’année 1854, la demande suivante laisse penser qu’il s’agit de la reproduction des pratiques migratoires régionales. En effet, 1 maître maçon, accompagné de 2 maçons et de 2 charpentiers se rendent à Orléansville pour y exercer leur métier53. Cette tendance se remarque aussi dans les demandes de concessions, en particulier au début de la colonisation.

  • 54 6M406, ADC.
  • 55 6M406, ADC.
  • 56 6M407, ADC.

19En 1845, au Lonzac, Jean Prades et Joseph Lidove54, désirent émigrer conjointement. Il en est de même pour les expériences de colonies limousines et de colonies agricoles : les candidats sont originaires du même lieu et sont au moins deux. Ainsi en 1846 à Eyburie François Dunat et Jean Duchamp se présentent pour former le village limousin ; à Vignols, Michel Cousty et Jean Colomagne sont les deux candidats55. En 1849, les deux postulants pour la constitution des colonies agricoles dont les noms ont été conservés aux archives, sont originaires de Saint-Hilaire-les-Courbes56.

  • 57 21/1/1844, 6M402, ADC.
  • 58 6M406, ADC.
  • 59 Dossier adressé au préfet de Tulle, 25/7/1862, 6M402, ADC.
  • 60 Lettre de François Périchon (Chateauponsac), 23/6/1887, 6M284, ADHV.

20Le souci de se retrouver avec des compatriotes semble expliquer l’organisation des aspirants concessionnaires. En 1844 le maire d’Estiveaux, dans un courrier au préfet, expose le désir de 6 familles « d’être placées dans la même ville ou village. […] Il conviendrait aussi de les placer au même endroit, il serait mieux à portée de se donner du secours au besoin »57. En 1844, 5 cultivateurs de Donzenac décident d’émigrer la même année58. Ces pratiques, peut-être destinées à conjurer la peur de l’inconnu, ne disparaissent pas sous le Second Empire et sous la Troisième République où nous avons rencontré quelques cas de départs groupés et ce malgré une plus grande familiarisation avec la colonie. Ainsi en 1862, la sous-préfecture d’Ussel formule une demande collective aux noms de Conange, Chabriat, François Touquet et précise les liens de parenté entre les deux derniers : Conange est le beau-père de Chabriat59. L’association reste d’actualité à la fin du siècle. En 1887 François Périchon, de Haute-Vienne, exprime lui aussi le souhait de retrouver son voisin, ainsi formulé : « Ma famille et moi nous désirerions bien nous en aller ensemble avec la famille Fauvet du moulin de Lavilette et d’avoir nos concessions à côté les uns des autres »60.

  • 61 26/8/1891, 6M402, ADC.
  • 62 24/10/1891, 6M402, ADC.
  • 63 10/4/1891, 6M402, ADC.

21La stratégie de départ de candidats de Saint-Pantaléon-de-Larche (Corrèze), a pu être reconstituée en suivant la chronologie des demandes. En août 1891, Bernard Puybaret et Galand demandent chacun une concession61. En décembre 1891, Galand associé à Comby, agriculteur au même lieu, sollicitent individuellement une concession à Terga62. Il en est de même à Seilhac où Jean Valette, François Chaillac et Pierre Leyrat, habitants aux Fourches, font collectivement une demande de lots individuels63. Outre la volonté de regrouper les familles, ces types de demandes sont aussi motivés par la possibilité d’entraide ainsi que l’exprime Jean Lagarde, de Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), dans sa lettre du 27 février 1890 :

  • 64 La création du nouveau village lui a été communiquée par un colon de Yusuf, Perichon, 27/2/1890, L2 (...)

« je teindrait beaucoup pouvoir aller au nouveau village de Tarf que vous voulez fondé car je connais des personnes qui pourrai m’aide dans mes affaires et puis se n’est pas soit pas comme si on ne connaissait personne en arrivant car dans un pays qu’on ne connaît pas ce n’est pas de trop d’y avoir des connaissances »64.

22L’interconnaissance qui s’exprime régionalement est aussi à l’œuvre de part et d’autre de la Méditerranée par-dessus laquelle se tissent des réseaux, familial et professionnel.

  • 65 6M407, ADC.
  • 66 6M407, ADC.
  • 67 6M407, ADC.
  • 68 26/01/1856, 6M406, ADC.
  • 69 Note du maire de Tulle, 31/12/1856, 6M407, ADC.

23Le réseau familial a de fait assuré la médiation entre les deux rivages et encadré en quelque sorte le départ et ce tout au long de la période. Diverses situations sont indiquées dans les demandes parmi lesquelles celle, en 1849, de Bayle, tailleur de pierre65 qui désire se rendre en Algérie pour rejoindre des parents alors qu’en 1854 Marie Neuville, marchande en quincaillerie, souhaite s’installer auprès de ses parents à Mostaganem66. Le dossier d’Eugène François Laglaine, instituteur libre, indique en 1854 le rôle de son oncle, curé à Oran, qui « l’a déterminé à prendre ce parti »67. Le départ en 1856 de la veuve Louis Virole, née Charlotte Feyt, pour Constantine est motivé par la promesse du « fils du premier mariage de son mari » d’une « existence plus heureuse »68 selon les termes du maire de Beaulieu-sur-Dordogne. En 1856, Larenaudie est appelé par son frère « maître armurier au 1er régiment de zouaves »69.

  • 70 6M402, ADC.
  • 71 29/05/1893, 6M402, ADC.

24Les dossiers de demandes de concessions renferment des mentions identiques. Jean Golfier sollicite auprès du préfet d’Oran la concession d’un lot industriel à Thiersville près de Mascara parce que « [sa] fille et [son] gendre » sont « colons attributaires dans ce canton »70. Comby, de Saint-Pantaléon-de-Larche, renouvelle sa demande de concession déboutée en 1891 car, écrit-il au préfet, « Mon père, mon frère avec sa famille, habitent à Sabat-el-Leham et mon désir étant de me rapprocher d’eux, je ne pourrai accepter toute autre concession »71.

  • 72 15/08/1899, 6M402, ADC.
  • 73 02/10/1899, 6M402, ADC.
  • 74 Feuille de renseignements 2/7/1900, 6M403, ADC.
  • 75 17/07/1901, 6M403, ADC.

25Baptiste Manière, dans sa lettre au Gouvernement général, dit accepter le centre en voie d’agrandissement de Sidi-Bel-Abbès « sous la seule réserve que la concession soit attenante à celle de [son] frère »72. Jean Fromenteil, cultivateur demeurant à Plas, commune de Saint-Salvadour, demande lui aussi la région de « Sidi-Bel-Abbès ou de préférence dans l’arrondissement d’Oran » car, explique t-il « je tiendrai à m’approcher de mes parents qui sont propriétaires aux environs d’Oran »73. Baptiste Rougerie, qui sollicite un lot de terre depuis plusieurs années, est l’époux de la fille d’un concessionnaire récent à Baudens, Marie Lenneau74. Joseph Meunier de Combressol (canton de Meymac) demande au Gouvernement général, le 17 juillet 1901, une concession à « Descartes, Thirman, Baudens » du fait de la présence en Algérie d’un beau-frère qui « est déjà propriétaire à Baudens »75.

  • 76 14/01/1897, 6M402, ADC.

26C’est aussi par ces familles installées que sont diffusées les opportunités ainsi qu’il apparaît dans la demande de concession de Léonard Bruni adressée au préfet d’Alger. Dans cette lettre, celui-ci exprime le vœu d’avoir une concession « sachant qu’il y en a une de vacante à Malakoff, arrondissement d’Orléansville de préférence » où il a « déjà des parents établis comme colons »76.

  • 77 04/09/1897, 6M402, ADC.
  • 78 Maire de Saint-Pantaléon-de-Larche au préfet de Corrèze, 08/06/1900, 6M402, ADC.

27La demande de concession de Léonard Forest, informé par son frère curé à Duperré de la création d’un « nouveau village qu’on appellera Levacher »77 près de Milianah, confirme le rôle de l’interconnaissance dans la décision d’émigrer. Comme la précédente, l’information apportée par la famille atteste de la transmission orale des disponibilités qui précédent la publication officielle. L’existence de ce réseau avantage ainsi les candidats qui, comme Bordas, modifie sa demande à la suite des « renseignements […] recueillis de son beau-frère domicilié à Chabat-el-Leham »78.

  • 79 08/06/1857, 6M407, ADC.

28Le réseau familial se double et/ou se complète d’un réseau professionnel qui a favorisé la circulation des hommes entre les deux rivages de la Méditerranée. L’existence de ces réseaux est révélée par les demandes mais gagnerait à être confrontée aux données démographiques algériennes pour être entièrement validée. En effet, les déclarations des candidats peuvent être provoquées par la nécessité de certifier un emploi, en particulier à la suite des circulaires de 1848 et de 1852. Mais la nécessité de fournir la preuve d’un emploi a peut-être aussi favorisé la déclaration des réseaux. Un certain nombre d’indices laisse supposer que les Corréziens, à défaut d’un emploi assuré, retrouvaient des « connaissances du pays » selon les termes du préfet de Corrèze rédigés sur le dossier de Léonard Jouvenel (Sérilhac)79. De plus, l’indication d’Orléansville comme lieu de destination de plusieurs candidats de Saint-Martial-de-Gimel renforce cette hypothèse.

  • 80 6M407, ADC.
  • 81 6M407, ADC.
  • 82 18/02/1856, 6M407, ADC.
  • 83 Lettre du maire, 28/01/1858, 6M407, ADC.

29Ainsi, Antoine Chastre demande en 1849 un passage gratuit afin de s’établir à Orléansville80, lieu de résidence de son beau père ; Malard, ouvrier serrurier d’Arnac-Pompadour, pour se rendre à Blida, en 1854, chez un oncle exerçant la même profession81. En 1856, la demande de Gervais Puyhaubert est appuyée de la recommandation de la préfecture, le « Maire certifi[ant] que Puyhaubert aura du travail en Algérie car il y a un beau frère nommé Barthélémy Faugère [qui] lui a assuré du travail à Djidjelli »82, ce dernier ayant quitté la Corrèze en 1850 pour s’installer à Orléansville. En 1858 Jean Murat, qui a « du travail bien assuré et vient d’être appelé par son oncle qui lui a promis de lui fournir du travail dans la colonie. »83, confirme lui aussi l’existence du réseau d’accueil constitué des Corréziens installés dont certains se comportent en agents recruteurs.

  • 84 6M406, ADC.
  • 85 6M407, ADC.
  • 86 Minute de Lettre, 29/9/1856, 6M407, ADC.
  • 87 05/03/1856, 1846-1872, 6M407, ADC.
  • 88 Préfet de Corrèze au maire de Mercœur, 25/1/1895, 6M402, ADC.
  • 89 12/11/1896, 6M402, ADC.
  • 90 23/01/1897, 6M402, ADC.
  • 91 25/02/1900, 6M403, ADC.

30C’est aussi la démarche d’un certain Pradier qui, après avoir obtenu une concession en 1842, revient en Corrèze en 1843 avec la recommandation du directeur de l’Intérieur pour recruter « quelques familles honnêtes »84, soit 7 candidats sur les 26 personnes approchées. En 1847, le départ d’Antoine Puyboutat et de Guillaume Desombe (Gouttes) est provoqué par Bénard Avril, caporal au 12e régiment d’infanterie et concessionnaire à Oran, venu en France pour recruter des manœuvres85. Rose Sauquet quitte Sérilhac en 1856 pour Oran, recrutée comme domestique86 par l’instituteur Eugène Laglaine. Antoine Nouillac se rend à Orléansville en 1856 comme menuisier ou bon terrassier car, certifie le maire, son « travail [est] assuré par le nommé Verdier Antoine qui y réside »87. En 1895, Firmin Couvert, scieur de long, et Antoine Grange, charpentier, qui désirent s’établir à Sidi-Bel-Abbès doivent, à la demande de la préfecture, produire une pièce de Mr Mons qui doit les employer88. À la lumière des renseignements fournis par le maire de Mercœur, Firmin Couvert a « exercé sa profession 2 ans en Algérie de 1890 à 1891 » ; Antoine Grange a « une fille lingère en Algérie » et son fils « Joseph versé dans l’armée auxiliaire »89. Les deux candidats partent d’ailleurs sans attendre la réponse90, ce qui tendrait à conforter l’idée d’un réseau d’accueil, signalé à nouveau par la demande d’Antoine Galinat, maçon, « sans travail », désirant « se rendre à Tasen à Oran chez M. Pouch maître tailleur de pierre qui lui assure du travail »91.

LA PART DE L’IMPULSION EXTÉRIEURE

31Le rôle de l’impulsion extérieure dans le projet migratoire, qu’elle émane des préfets ou de la presse, est un poncif des études sur la colonisation de l’Algérie. Annie Rey-Goldzeiguer écrit en effet qu’entre 1837 et 1847 :

  • 92 Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer & al., Histoire de la France coloniale, t. 1, Des o (...)

« les paysans sans terre, aux prises avec les disettes, écoutent volontiers les sirènes préfectorales qui vantent la richesse des concessions de terre qui les rendraient propriétaires et envisagent les départs vers des cieux plus cléments. Ainsi, les couches populaires sont touchées par l’attrait colonial. Les feuilletons des journaux et des “revues des chaumières” enchantent les soirées moroses des jeunes Français épris de gloire et de vastes horizons. »92

  • 93 Dossiers de déclarations de publication par les gérants ou les propriétaires d’entreprise de presse (...)
  • 94 Les données sur l’alphabétisation proviennent de Association française pour l’avancement des scienc (...)
  • 95 Alain Corbin, Archaïsme et Modernité en Limousin…, op. cit., p. 326.
  • 96 La région de Brive compte 52,7 % d’illettrés contre 76,8 % pour le département moins les villes, Al (...)
  • 97 A Châteauneuf-la-Forêt et à Châlus, pour la période 1846-1850, plus de 85 % de conscrits ne savent (...)
  • 98 Ibid., p. 344.

32Que l’on aborde cette question du point de vue formel ou matériel, l’examen des canaux de transmission rend peu probable l’information directe. Compte tenu des structures culturelles locales et de l’organisation des pratiques migratoires, la probabilité d’une circulation horizontale de l’information l’emporte sur celle d’une information reçue individuellement et directement par voie de presse en particulier. Certes, la presse corrézienne sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, reproduit des articles sur l’Algérie mais ce sont souvent des faits d’armes ou des articles sur l’héritage romain ; les articles sur la colonisation agricole susceptibles d’intéresser les candidats sont absents ou à tout le moins suffisamment discrets pour avoir échappé à nos recherches. La presse nationale, qui n’a pas fait l’objet d’un dépouillement, a pu être un vecteur mais sa faible diffusion réduit l’hypothèse d’une influence directe. En effet selon les statistiques établies dans le département de la Haute-Vienne en 1834, département plus développé que la Corrèze, sur 2 173 numéros distribués dans le département, 1 164 proviennent de Paris et 578 de la Haute-Vienne. Ces journaux « exposés dans les cafés et autres maisons publiques »93, précise la conclusion de l’enquête, disposent d’un lectorat plus important que ne laisserait supposer le volume distribué. Néanmoins, si quelques candidats ont pu avoir une information de première main au début de la colonisation, pour la majorité d’entre eux, jusqu’au Second Empire, l’appropriation individuelle reste peu probable. La faiblesse de la distribution de la presse dans des campagnes, mal desservies par le colportage et le taux d’analphabétisme plaident en faveur d’une lecture partagée et commentée. En effet, au plan national, la Corrèze se situe au 81e rang94 et pour la période 1836-1840, seulement 25,7 % des conscrits savent au moins lire. De plus, force est de constater que la carte de l’analphabétisme en Corrèze établie par Alain Corbin95 pour l’année 1848 se superpose à celle des premières demandes. Autrement dit, exception faite de Brive96, ce sont les régions en retard d’alphabétisation qui ont été les lieux de départ précoce. À l’instar de la Corrèze, les cantons de Haute-Vienne où on enregistre un taux d’analphabétisme oscillant entre 75 et 85 % ont aussi été des foyers de départ97. Et enfin, dans ces deux départements, le fort taux d’analphabétisme se conjugue à l’usage du patois : sous le Second Empire, 211 communes de Corrèze ignoraient le français98.

  • 99 Ibid., p. 332.

33Le niveau culturel des différentes catégories socioprofessionnelles, établi par Alain Corbin, confronté à celui des candidats corréziens à l’émigration tend vers le même constat. En effet, pour l’année 1848, sachant qu’il y a eu un progrès dans la scolarisation sous l’impulsion des lois Guizot, 80 % des conscrits maçons sont considérés comme illettrés ainsi que 82,3 % des « cultivateurs laboureurs, agriculteurs »99, catégories qui sont majoritairement représentées dans notre échantillon.

  • 100 Le taux d’alphabétisation en Haute-Vienne se situe en 1836-1840 à 20,6 % et à 27 % en 1846-1850, Le (...)
  • 101 Lettre du 7/2/1839, 6M285, ADHV.
  • 102 6M285, ADHV.

34Le niveau culturel des premiers candidats de Haute-Vienne n’est pas totalement comparable à celui des Corréziens, même si au plan national la situation des deux régions est très proche100. Le premier candidat recensé en 1839 en Haute-Vienne101 est un marchand ; le deuxième, Jean-Baptiste Cluzeleau102 est maréchal-ferrant et se classe dans la catégorie des artisans parmi laquelle, en 1848, on compte seulement 48,6 % d’illettrés. Les trois autres candidats ont des compétences de lecteur. Moneron signe sa demande, Faucher rédige sa lettre et Louis Précigou est employé à la sous-préfecture de Rochechouart.

  • 103 Voir notre deuxième partie.
  • 104 François Celerier (Saint-Priest-Taurion) au Gouverneur général, 5/12/1883, 51L/158/25403, AOM.
  • 105 Joseph Fauvet au Gouverneur civil de l’Algérie, 11/5/1887, 51L/175/27118 bis, AOM.
  • 106 Courrier du 1/4/1902, 6M403, ADC.

35Il faut donc attendre le début du XXe siècle pour voir se développer une lecture individuelle103, qui n’a pas été systématiquement attestée. En effet, à l’exception de trois demandes, celle de François Celerier de Haute-Vienne qui indique dans son courrier de 1883 la préférence nationale dans la politique d’attribution des concessions104, de Joseph Fauvet de Haute-Vienne en 1887 qui fait référence à une brochure les « renseignements coloniaux »105 et celle de Jean Toussac qui mentionne les critères de sélection indiquant une lecture de la presse plus spécialisée106, le contenu des autres demandes n’apporte aucune information ni sur leur « imaginaire colonial » ni sur une lecture de la presse, généraliste ou spécialisée.

  • 107 N20 : Toulouse/Paris (11 710 t) ; N89 : Lyon/Bordeaux (15 832 t) ; N120 : Rodez/Limoges (10 327 t)  (...)
  • 108 Le dossier Secours de route aux colons autorisés à se rendre en Algérie, 1846-1854, contient la com (...)
  • 109 L’Annuaire de Corrèze pour l’année 1836 propose la liste suivante : Allassac, Argentat, Beynat, Bri (...)

36L’appropriation collective de l’information diffusée par la presse, plus probable jusqu’au dernier tiers du xixe siècle, semble pencher en faveur d’une connaissance des opportunités coloniales par le ouï-dire que tendrait à conforter le recours à la géographie des échanges. En effet, les communes pionnières, situées sur les grands axes d’échange reliant le Limousin aux autres régions107, ont pu bénéficier des informations véhiculées par les migrants des autres départements se dirigeant vers l’Algérie108. Ces communes pionnières se caractérisent par l’importance relative de leur population agglomérée mais sont aussi des marchés et bénéficient d’un taux d’encadrement administratif important109. Autant d’éléments qui expliqueraient la précocité de la réception de l’information coloniale pour ces cantons que le contenu trop laconique des demandes ne permet pas de hiérarchiser mais qui ont certainement interféré.

37Quelle a été la part des « sirènes préfectorales » dans les choix des candidats ? Le recours aux pratiques permet de réviser les idées reçues : la mobilité externe n’a pas été impulsée par les autorités ni été contrecarrée par les élites. Les sources dont nous disposons montrent que l’afflux de population et de demandes de départ consécutif à l’ouverture de l’Algérie à la colonisation prend au dépourvu les autorités administratives nationales et locales. L’enquête de 1844, diligentée par le ministère en atteste : dans nos deux départements, les départs spontanés ont précédé les tentatives d’encadrement. L’impréparation, au niveau départemental, se vérifie à tous les échelons administratifs au début de la colonisation mais perdure dans certaines municipalités jusqu’au Second Empire.

  • 110 Lettre du 24/10/1831, 6M406, ADC.
  • 111 Lettre du 28/8bre/1831, 6M406, ADC.

38La correspondance du sous-préfet de Brive s’enquérant en 1831 auprès du préfet de Tulle des modalités de la délivrance des passages gratuits, témoigne de l’attitude des autorités locales « sommées » de répondre aux demandes de deux candidats à l’émigration en Algérie, Rémy Chastet et Jean Estrade. L’imprécision de la source de l’information que révèle la formule du sous-préfet « Il me semble avoir vu quelque part que le gouvernement favorisait ces sortes d’émigration et défrayait même du voyage » ainsi que la demande d’instruction concernant les « démarches [qu’] ont à faire [les] deux individus pour obtenir l’objet de leur demande » établissent l’origine de l’initiative110. Dans sa réponse au sous-préfet de Brive, le préfet confirme, par le propos suivant, l’existence d’une information du public par des voies non officielles : « Dans la troisième classe, je range les individus qui n’ont aucune ressource en France, et qui ayant entendu parler de la colonisation d’Alger, demandent à y être envoyé, la plupart, même aux frais du gouvernement. »111

  • 112 Réponse d’Alger au sous-préfet, avril 1834, 6M406, ADC.
  • 113 Paul-André Rosental, Les Sentiers invisibles…, op. cit.

39Une deuxième correspondance du préfet de Corrèze, adressée directement à Alger pour s’enquérir en 1834 des modalités de l’émigration112, démarche inhabituelle, ne peut être motivée que par une demande des candidats. Ces témoignages ainsi que les départs spontanés attestent que la demande sociale a précédé les tentatives d’encadrement et ouvert un flux, déterminant dans les processus migratoires113.

40Mais, après la période de « colonisation anarchique » selon l’expression de Charles-André Julien, le dispositif administratif installé par la colonisation officielle aurait pu, en théorie, transformer les cadres administratifs en pôles d’impulsion. En effet, les préfets et les maires ont été placés au cœur des procédures de diffusion et de gestion administrative des candidatures, leur assurant de ce fait un rôle de médiateur. Les maires ont été en effet chargés de vérifier la moralité des candidats mais furent aussi les dépositaires des instructions officielles consignées dans les Recueils des actes administratifs rédigés par les services préfectoraux, interlocuteurs des autorités algériennes à partir de 1838 mais, officiellement, à partir de 1842.

  • 114 Ordonnance royale en date du 4/12/1846, Recueil des actes administratifs de 1847 & colonies agricol (...)

41Toutefois ce rôle, tel qu’il transparaît dans la formulation des circulaires, ne se confond pas avec celui d’agent recruteur. En effet, jusqu’à la fin du xixe siècle, l’affichage des informations et des brochures émanant du ministère en charge de la colonisation algérienne restait limité aux « bureaux de la Préfecture et dans ceux des Sous-préfecture de Brive et d’Ussel [et étaient] communiquées aux personnes en faisant la demande »114.

  • 115 Correspondance entre le ministère de la Guerre et les préfets, 11/3/1854, Circulaires et instructio (...)
  • 116 6M284, ADHV.

42Sous le Second Empire, la centralisation des informations reste la règle : les préfectures et mairies sont les principales destinataires des Annales de la colonisation algérienne ainsi que les organes de presse et les chambres consulaires mais, à partir de 1854, l’information des sociétés d’agriculture est interrompue car, précise la circulaire, « l’instruction du public est assurée depuis un an »115. Sous la Troisième République, la publicité reste circonscrite aux lieux institutionnels. Le 27 mars 1888, le Gouvernement général rappelle au préfet de Haute-Vienne les modalités de la publicité à apporter à la vente des fermes en Algérie par l’affichage des avis « dans tous les chefs-lieux de canton, dans chaque hôtel de sous-préfecture et de préfecture » et leur mise à disposition aux « personnes intéressées »116.

  • 117 L’ambition de Paul Cambon, en créant le 31/8/1892 l’« Office de renseignements généraux et de publi (...)
  • 118 Envoi du Gouvernement général de l’Algérie au préfet de Corrèze, 31/10/1905, 6M400, ADC.
  • 119 Mais il est vrai que la presse limousine ne figure pas, selon la brochure éditée par le Gouvernemen (...)

43Entre 1896 et 1899, la présence du correspondant en Corrèze de l’Office de renseignements généraux et de publicité a momentanément modifié la situation117. Cependant, en 1905, la concentration spatiale de l’information se vérifie à nouveau : les 10 exemplaires des avis de vente qu’envoie le Gouvernement général de l’Algérie au préfet de Corrèze sont apposés dans les trois sous-préfectures corréziennes, destinataires obligées, mais la publicité n’a été étendue qu’aux cantons de Seilhac, de Bugeat et de Laroche-Canillac118. Le rôle éventuel d’amplificateur assuré par la presse a pu être vérifié systématiquement à la fin du XIXe siècle en Haute-Vienne mais force est de constater la relative discrétion des annonces du Gouvernement général dans la presse. Par exemple, paraît dans Le Petit Centre119 un avis de concessions en Algérie le 24 octobre 1894 mais, jusqu’au 30 octobre, il n’y a plus aucune autre mention.

  • 120 Voir Élisabeth Barge-Meschenmoser, L’Administration préfectorale en Corrèze (1800-1848), Limites et (...)
  • 121 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 11/10/1838, 3K8, ADC.
  • 122 Recueil des actes administratifs de Haute-Vienne, 29/10/1838, 3K8, ADC.
  • 123 Recueil des actes administratifs de Haute-Vienne, 28/05/1839, 3K8, ADC.

44Néanmoins, le rôle de gestionnaire des flux de colonisation accordé aux préfets leur laissait une part d’initiative. Jusqu’en 1848, ces derniers ne se sont pas contentés d’être la courroie de transmission du pouvoir central et ont mis à profit la marge de manœuvre120 qui leur était laissée, manifeste dans la forme donnée aux circulaires préfectorales. Dans le temps, on constate que l’initiative accordée aux préfets se marque par un encouragement à l’émigration en Corrèze et beaucoup de réserve pour les préfets de Haute-Vienne. Quelques circulaires illustrent la différence de réception des autorités préfectorales jusqu’au Second Empire car, sous la Troisième République, la rédaction centralisée des décisions ministérielles ne permet plus de distinguer la position des préfets. Ainsi, en 1838121, Pierre Meunier, préfet de Corrèze, recommande de privilégier les « émigrations vraiment utiles », à savoir, celles des « ouvriers des travaux publics, aux constructions et à l’agriculture » qui sont facilitées par l’attribution des passages gratuits. Le préfet de Haute-Vienne, Stanislas Germeau, ajoute de réserver cette opportunité aux ouvriers sans occupation et de privilégier les “classes laborieuses” ». Il conseille cependant aux maires d’agir « en limitant [l’] intervention [de l’État] à de faibles dépenses »122. En Haute-Vienne, le 14 novembre 1838, le secrétaire du préfet Descoutures, rédige une deuxième circulaire en n’omettant pas de préciser les difficultés d’emploi sauf pour ceux des chantiers publics et les risques de concurrence pouvant entraîner une éventuelle diminution des salaires. En 1839, la mise en garde est réitérée et la vigilance est demandée aux maires123. L’attitude du préfet Pierre Meunier est toute autre.

  • 124 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 27/02/1841, 3K9, ADC.
  • 125 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 31/01/1843, 3K9, ADC.
  • 126 Bulletin des actes administratifs, 12/02/1844, 3K1, ADHV.
  • 127 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 3K11, ADC.

45Ainsi, dans sa circulaire de février 1841, fait-il mention des salaires plus avantageux perçus en Algérie124. En 1843, la circulaire destinée aux Corréziens insiste en particulier sur les dispositions spéciales en faveur « des familles offrant à l’administration, soit par leur composition, soit par leur moralité et leur expérience agricole, des garanties spéciales », confirme la prise en charge des colons et les particularités des concessions, en particulier l’exemption de l’impôt foncier, la sûreté et la salubrité des villages125. À l’inverse, le 12 février 1844, le secrétaire du préfet de Haute-Vienne, Descoutures, recommande aux sous-préfets et aux maires d’indiquer aux candidats « les déceptions cruelles, les souffrances et les dangers auxquels ils s’exposeraient »126. L’incitation à l’émigration des ouvriers agricoles et des fermiers chargés d’une famille nombreuse est explicite dans la circulaire du 5 février 1845 dans laquelle le préfet de Corrèze, Pierre Meunier, considère qu’ils « ont donc un intérêt réel à se rendre dans la colonie. »127 La même année, le préfet de Haute-Vienne, Edme Morisot, s’adresse lui aussi aux agriculteurs mais le ton demeure prudent.

  • 128 Recueil des actes administratifs, 3K20, ADC.

46Que ce soit sous la Monarchie de Juillet ou sous le Second Empire, la vision positive de l’émigration en Algérie par les préfets de Corrèze bénéficie probablement de la discrétion des migrations saisonnières jugées en Haute-Vienne responsables de sa dépopulation. Aussi quand, dans une circulaire du 18 juin 1856, le préfet Michel Baron soutient que « l’émigration [que la colonisation de l’Algérie] tend à provoquer ne met en péril aucun intérêt local »128, il coupe court à une critique exprimée au niveau national mais pertinente localement.

47Le retard de développement et la forte pression démographique en Corrèze ont créé par conséquent des conditions favorables à la réception de la colonisation alors qu’en Haute-Vienne, les migrations temporaires atténuant les effets du retard économique, l’émigration en Algérie est perçue comme un second facteur de déstabilisation de la société.

48Quoiqu’il en soit, la relative bienveillance du préfet, pour être suivie d’effet, doit être relayée au niveau municipal, premier maillon de la procédure administrative. Or, les débuts de la politique de colonisation, alors même que les demandes affluent, sont marqués par une impréparation des autorités municipales, ce dont témoignent les correspondances et les rappels de la procédure à suivre par les préfets.

  • 129 Bulletin des actes administratifs de Haute-Vienne, Circulaire du 14/11/1838, 3K1, ADHV & Recueil de (...)
  • 130 Recueil des actes administratifs de Corrèze, Circulaire du 31/01/1838, 3K8-9bis, ADC.
  • 131 Alègre, maire d’Allassac, 04/12/1843, 6M402, ADC.

49Au niveau communal, le mode d’établissement des dossiers pour l’attribution de concessions, malgré la circulaire préfectorale de 1838129 et celle du 31 janvier 1843130, n’est pas maîtrisé par les maires, à l’exemple de celui d’Allassac en Corrèze131. Le courrier qu’il adresse au préfet de Tulle le 4 décembre 1843 met en situation un administré qui a le projet d’« aller s’établir comme colon dans un village nouvellement fondé en Afrique » que le maire, Alègre, ne nomme pas. Mais, de son côté, l’insuffisante maîtrise de la procédure ne lui permet pas d’établir le dossier du postulant. On est dans une situation où, en apparence, les deux protagonistes détiennent chacun une parcelle de l’information : le maire qui s’informe des aspects réglementaires sans les maîtriser ; les candidats qui ont déjà fait le choix de leur implantation au vu de la rédaction de leur lettre, sans en maîtriser toutes les modalités.

  • 132 Minute de lettre, 17/10/1843, 6M285, ADHV.
  • 133 Lettre du 02/07/1844, 6M285, ADHV.
  • 134 Élisabeth Barge-Meschenmoser, L’Administration préfectorale en Corrèze, op. cit., p. 120.
  • 135 Le Roi n’intervenait que dans la nomination de 25 villes ayant plus de 3 000 hab.
  • 136 Élisabeth Barge-Meschenmoser, L’Administration préfectorale en Corrèze, op. cit., p. 121.

50La même année, en Haute-Vienne, en réponse à la demande du maire de Saint-Junien d’un passage gratuit en faveur de Jean Teillet, la réponse du préfet met en évidence l’incapacité du maire, faute d’information, à réagir de manière autonome. En effet, le préfet le renvoie aux huit circulaires du Bulletin des actes administratifs de la Préfecture, qui sont théoriquement à sa disposition132. La même situation se reproduit en 1844 où, le 2 juillet, le maire de Linard n’est pas en mesure d’établir le dossier d’un certain Léonard Demarty133. Comme en Corrèze, l’autorité municipale ne remplit pas sa fonction de relais de l’administration centrale et, de toute évidence, n’est pas à l’origine de la demande. L’insuffisance de l’encadrement municipal en Corrèze sous la Monarchie de Juillet est en partie liée aux modalités de nomination des maires dans un département où 62 % des communes ont moins de mille habitants134. Ainsi si, en théorie, le préfet avait le choix de ses auxiliaires135, dans la pratique, il devait composer avec les compétences locales et nommer les personnalités acceptant d’exercer cette charge136.

  • 137 01/01/1840, 25 000 personnes dont 11 000 Français, Charles-André Julien, Histoire de l’Algérie cont (...)

51Au manque de qualification des maires il convient d’ajouter la place de la colonisation de l’Algérie dans leurs préoccupations. A priori, l’enjeu est étranger aux préoccupations de certains maires qui semblent ignorer la colonisation, pourtant objet de débats, et son récent développement137. Si la modestie des flux en Haute-Vienne peut expliquer cette méconnaissance, cette explication ne vaut pas pour la Corrèze. Or, dans ce département, outre le manque d’information qui renvoie aux limites de la centralisation, l’absence de porosité entre les cantons limite la diffusion de l’information coloniale ainsi qu’en témoignent les situations suivantes.

  • 138 6M407, ADC.
  • 139 Maire au préfet, 20/10/1856, 6M407, ADC.

52En 1849, alors que les demandes de passage gratuit et de concessions affluent en Corrèze (285 demandes de passages gratuits de 1831 à 1848), Majour, le maire de Veix, n’est toujours pas en mesure de répondre aux demandes de Simon Pailler qui veut « passer en Afrique ». Dans sa lettre au préfet du 26 février 1849, il ajoute : « Moi-même, Mr le préfet, j’ai l’honneur aussi de vous prier, d’avoir la bonté de faire connaître la manière de délivrer ces sortes de passeports. »138 En Corrèze, le 14 février 1849, le maire de Saint Cernin sollicite le préfet pour établir les formalités de dossier de « quelques personnes » alors que les cantons limitrophes (Ayen, Brive et Donzenac) ont délivré, entre 1841 et 1848, pour le premier 3 passages gratuits mais pour le second 38 et enfin pour le dernier 31. Le maire de Saint-Salvadour écrit au préfet en 1856 : « Je désire connaître les conditions de cette émigration » afin de répondre à la demande d’une famille de métayers-cultivateurs, « qui a résolu d’aller en affrique, à alger, oran ou ailleurs… ». Il poursuit en signalant qu’il ne trouve « rien sous [la] main ayant trait à cette espèce d’émigration »139.

  • 140 Maire de Châteauneuf-la-Forêt au préfet de Haute-Vienne, 10/06/1857, 6M284, ADHV ; maire de Vignols (...)

53Ici, le manque d’informations tient probablement à l’association de l’émigration en Algérie à l’émigration saisonnière comme elle se pratique dans le Limousin mais confirme par ailleurs la faiblesse des relations entre les régions. Car, dans le canton voisin d’Uzerche, 9 départs ont été enregistrés mais aussi 6 pour la Corrèze et 12 pour le canton de Vigeois. L’imprécision de la localisation laisse perplexe et confirme l’appropriation par ouï-dire de l’information coloniale. À l’ignorance des actes administratifs, il faut ajouter le manque d’actualisation de l’information, vérifiable aussi bien en Corrèze qu’en Haute-Vienne sous le Second Empire140.

  • 141 Maire au sous-préfet de Brive, 7/08/1878, 6M402, ADC.
  • 142 Maire de Saint-Junien au préfet de Haute-Vienne, 11/12/1882, 6M284, ADHV.

54Sous la Troisième République, les procédures sont généralement connues ou, à tout le moins, ne donnent plus lieu à des échanges de courrier. Cependant, en 1878, pour l’établissement de la demande d’un candidat, le maire de Brive sollicite à nouveau le sous-préfet en ces termes : « désirant une concession en Afrique, je vous prie de m’indiquer les démarches à faire et les pièces à produire »141. De même en 1882, en Haute-Vienne, le maire de Saint-Junien n’est toujours pas en mesure de remplir les formalités de candidature de trois de ses administrés – François Restain (50 ans, cultivateur et charpentier) ; Mathieu Pradeau (34 ans, plâtrier) ; Jean Poivert (46 ans, maçon) – qui demandent une concession « pour aller l’exploiter avec leurs familles »142.

  • 143 04/01/1844, Recueil des actes administratifs, 3K10, ADC.
  • 144 6M406, ADC.
  • 145 6M406, ADC.
  • 146 6M406, ADC.

55Ainsi, dans les premiers cas cités, l’impréparation des maires a privé les préfets de relais locaux rendant peu plausible l’idée de leur rôle actif et/ou incitatif dans les choix individuels et dans la mise en place du champ migratoire. Il n’en reste pas moins que le dispositif administratif instauré pour la colonisation officielle, en faisant du maire le premier maillon du processus migratoire, pouvait le transformer en agent recruteur ou en agent de prophylaxie sociale chargé de délester la société de ses mauvais sujets, munis de certificats de complaisance délivrés par leurs soins. L’analyse des situations permet de vérifier la réalité de ces attitudes critiquées par les contemporains mais, une fois de plus, elle n’autorise pas la généralisation. Dans la plupart des dossiers, les maires se sont contentés d’un « avis favorable » ; d’autres, ont utilisé leur position pour favoriser les candidatures par une recommandation exprimée diversement. En 1845, dans un contexte de restriction des entrées en Algérie instaurée en 1844143, le maire de Saint-Martial-de-Gimel (Corrèze) accompagne la demande de Barthélémy Sadour144 et de Jean Vialle145 d’un « engagement formel de s’employer aux travaux publics s’il[s] ne trouve[nt] pas à travailler ailleurs de [leur] état de maçon »146 afin de multiplier leurs chances.

  • 147 Dans cette situation le maire a été, selon ses dires, l’initiateur de la demande car, écrit-il, « C (...)
  • 148 13/06/1847, 6M285, ADHV.
  • 149 4/09/1856, 6M285, ADHV.
  • 150 21/01/1844, 6M402, ADC.

56Dans les cas suivants, l’interconnaissance est au cœur de la démarche de recommandation et d’émigration. En 1847, elle est assortie, dans le cas d’une famille suisse de Nieul (Haute-Vienne), d’une demande d’intervention du préfet jugée plus « efficace » que la sienne par le maire147 qui se porte par ailleurs garant des capacités du chef de famille qui « sait lire et écrire et de plus est un bon agriculteur, homme laborieux et intelligent »148. La recommandation se justifie dans le cas de Jean Théodore Roch par le fait que son père a été employé à la mairie de Rochechouart (Haute-Vienne)149. Mais les relations de proximité à l’origine de la recommandation peuvent être aussi un obstacle à l’exercice régulier de la fonction de représentant de l’État ainsi qu’en témoigne la démarche du maire d’Estiveaux en 1844. En effet, ne souhaitant pas priver le candidat Pierre Proufit du bénéfice d’une concession, celui-ci ne fait pas mention dans son dossier de sa condamnation mais prie le préfet de « [lui] faire le retour des pièces en [lui] ‘trachan’la marche a suivre afin qu’[il] ne soi [sic] pas compromis », pour une éventuelle rectification150.

  • 151 Attestation sur l’honneur du maire Gustave Sauviat, 02/07/1900, 6M403, ADC.
  • 152 Réponse au préfet, 02/07/1900, 6M403, ADC.
  • 153 Feuille de renseignements de Jean Martinie, 01/02/1886, 51L/201/29589, AOM.
  • 154 Minute d’un courrier du Gouvernement général au préfet d’Alger, 29/1/1886 51L/201/29589, AOM.
  • 155 Maire de Neuvic, Henri Queuille, 18/12/1885, 51L/201/29655, AOM.

57Les relations interpersonnelles sont en outre à l’origine de recommandations qui, à l’image de celle du maire de Saint-Angel en faveur de Baptiste Rougerie, pourrait être suspectée de complaisance si ce n’était le statut du postulant en ascension sociale. L’excès d’éloges en faveur de Baptiste Rougerie qui « a toujours eu une conduite exemplaire, de bonne vie et bonnes mœurs, aimé et estimé de tous ses voisins concitoyens. Bon père, excellent époux et voisin très avisé de tout, n’ayant jamais eu la moindre discussion ni contestation avec personne »151 est unique dans notre échantillon. Cette formulation pourrait être l’expression d’une représentation positive de la colonisation algérienne où n’être que celle d’un compagnonnage politique ou du clientélisme comme le laisse supposer la garantie personnelle du maire « persuadé [qu’il aura] entière satisfaction de lui avoir prêté [son] concours »152. D’une manière générale, eu égard à la situation des candidats en attente d’une concession gratuite, la médiation des maires prenait le risque de devenir un élément de gestion politique dont le champ d’action a débordé en certain cas le cadre communal. Ainsi le maire de Sarran intercède t-il auprès des autorités algériennes en faveur de Jean Martinie pour qu’il lui soit fait « une concession aussi large que possible »153 suivi d’une intervention du Gouvernement général auprès du préfet d’Alger154 en 1886. En 1885 Henri Queuille, maire de Neuvic, n’hésite pas à utiliser son entregent auprès de « son camarade » en fonction en Algérie en faveur de ses « bons amis » : Eygout, qui a bénéficié précédemment de son intervention et de Laubie qui a exprimé le souhait d’obtenir une concession dans la province de Constantine. Ce dernier est propriétaire, « sa fortune est évaluée à trente mille francs » et « serait dans les conditions excellentes pour entreprendre une exploitation importante »155.

  • 156 Note du maire, 09/10/1844. Pétition Garaud, 6M285, ADHV.

58La recommandation, relevant de la complaisance, assortie du souci sécuritaire de certains maires, est aussi une réalité, particulièrement au début de la colonisation mais non une généralité. En effet, la diversité des attitudes des édiles que révèle l’étude de cas ainsi que l’existence de contre-pouvoirs locaux inhérents à l’organisation administrative ont été autant de limites à l’abus de pouvoir des maires qu’illustre ici le cas d’Antoine Garaud. En 1844, le maire du Le-Dorat accompagne sa demande de cette recommandation : « Ce malheureux jeune homme manque de tout […] et on peut espérer qu’en accordant au pétitionnaire ce qu’il demande, monsieur le préfet, rendra un service signalé aux habitants du Dorat et à l’administration locale »156.

  • 157 08/10/1844, 6M285, ADHV.
  • 158 Il a fait campagne en Algérie et a été prisonnier d’Abd el-Kader.

59La compassion apparente est éclairée par le courrier du sous-préfet de Bellac au préfet qui explique la démarche de l’édile « désireux […] de débarrasser sa commune de cet homme qui a des habitudes d’ivrognerie, et qui devient alors dangereux pour les personnes et les propriétés ». L’intention du maire de le « faire enfermer […] comme aliéné », contrecarrée par le sous-préfet pour cause « d’irrégularité »157, a précédé le projet de favoriser la demande de passage gratuit de Garaud, refusée malgré ses antécédents militaires158.

  • 159 11/07/1843, 6M402, ADC.
  • 160 Rapport du commissaire central au préfet de Haute-Vienne, 29/08/1856, 6M285, ADHV.
  • 161 Rapport du commissaire central, 04/03/1859, 6M285, ADHV.
  • 162 6M285, ADHV.
  • 163 Feuille de renseignements, 6M284, ADHV. « A Limoges, le bouri est l’ensemble des ordures rejetées d (...)
  • 164 Maire de Billanges (Haute-Vienne), Feuille de renseignements, 01/10/1887, 51L/243/34048, AOM.
  • 165 Feuille de renseignements, 26/04/1889, 51L/262/36370, AOM.

60D’autres maires ont aussi été tentés par la possibilité de délester la communauté des mauvais sujets et plus particulièrement ceux enclins à la violence, contractée en Algérie selon leurs propos. Tel est le motif de la démarche du maire de Beaulieu-sur-Dordogne159 favorable au départ d’Antoine Bouygue et de Jean Beyt en 1843. En 1856, à Limoges, l’évocation de l’indigence de Joseph Adolphe Manent, coiffeur, dissimule en réalité un souci sécuritaire que révèle l’enquête de moralité menée par le commissaire central qui le présente comme « un cerveau brûlé » mais sans « antécédents fâcheux »160. En 1859, la candidature pour un passage gratuit de Pierre Roudier, condamné à deux reprises161, est justifiée par le fait qu’il « se créerait des moyens d’existence plus facilement en Algérie où il est resté 15 ans » et « dont il a pris les habitudes et les mœurs »162, relève de la même préoccupation tout comme celle de Joseph Boisseul en 1875. Ce dernier, boulanger sans « aucune aptitude aux travaux agricoles et aux industries », « et surtout mauvais sujet fieffé » ayant « subi plusieurs condamnations judiciaires » et appartenant « à Limoges à l’espèce dite des bourineurs »163, n’obtient pas la concession demandée. Dans ce dernier avis et dans ceux de la fin du xixe siècle, l’évaluation des compétences techniques complète le rapport de moralité, en partie divulguée par la production de l’extrait du casier judiciaire ; elle peut le tempérer en certains cas mais elle prime dorénavant. Ainsi en 1887, le jugement moral en défaveur de Léonard Pasquet, fermier, non propriétaire, qui ne jouit pas « ici d’une bonne moralité », est atténué par la reconnaissance de ses qualités de « travailleur » et de ses capacités à « s’occuper activement sur la concession qui pourra lui être accordée »164. Au vu du profil du candidat, l’évaluation du maire peut paraître suspecte mais elle l’est moins quand on la compare aux suivantes rédigées par le maire de Lasteyrie. Celui-ci en effet, réserve son avis sur les quatre futurs colons requérants craignant que Baptiste Dandalet, Pierre Beynet, Jean Beynet et François Bézieux ne « puisse [nt] se tirer d’affaire qu’avec peine » tout en concédant que Baptiste Dandalet est « un très bon sujet » et que François Bézieux est « bon travailleur » mais que Jean Beynet est un « brave homme », « peu laborieux »165 cependant.

61Ainsi, l’analyse des situations concrètes dévoile des éléments qu’une analyse macroscopique gomme, en particulier l’existence de contre-pouvoirs et de discontinuités inhérents au maillage administratif local. Le changement de focalisation révèle en surcroît la ligne de fracture scindant en deux camps la société française confrontée à la définition d’un « territoire » en cours de dilatation et qui se manifeste dans le positionnement des édiles dans leur rapport à l’environnement global. Il convient par conséquent de ne pas minorer ce dernier paramètre qui apparaît en filigrane dans les modalités d’encadrement des édiles mais, de manière plus explicite, dans celles de l’accompagnement – à défaut d’encouragement – des départs de la part des « leaders » et/ou des élites locales.

  • 166 Un certain Airan choisit en 1891 la Corrèze car, précise le courrier du ministère de l’Intérieur, i (...)
  • 167 Maire de Saint-Chamant au préfet, 1895, Contrôle de l’émigration…, ADC, 6M409.
  • 168 Maire de Saint-Bazile-de-Laroche au préfet de Corrèze, 23/02/1899, 6M409, ADC.

62En effet, les demandes d’émigration en Algérie se déroulent dans une phase d’intensification des migrations vers le Nouveau Monde auxquelles participe le Limousin qui semble avoir été un vivier pour les agences de recrutement166. Ce courant migratoire parallèle est attesté par un courrier du maire de Saint-Chamant de 1895 dans lequel il signale au préfet l’émigration d’un « assez grand nombre d’habitants [de sa commune] partis qui pour les États-Unis, qui pour La République argentine, qui pour l’Afrique »167. Le maire de Saint-Bazile-de-Laroche en fait aussi état dans une correspondance de 1899 dans laquelle il expose le mode opératoire des « compagnies » qui ont proposé à « plusieurs personnes de notre commune sans travail et presque sans le pain » de « partir pour l’Amérique où, dit-on, on les conduira gratis et où elles trouveraient l’abondance ». Dans ce témoignage, le maire partage avec les propagandistes coloniaux la déploration de la concurrence sur les flux coloniaux exercée par ces départs vers le Nouveau Monde qu’il tente de « dissuader » considérant qu’il vaudrait « bien mieux pour [ces personnes] d’émigrer dans une colonie française. »168

  • 169 Jean Lagorsse déclare posséder une somme de 4 000 F et une propriété de 3 000 F appartenant à sa fe (...)
  • 170 Préfet d’Alger au Gouverneur général, 18/3/1890, 51L/195/29991, AOM.
  • 171 Lagorsse au Gouverneur général, 05/01/1889, 51L/195/29991, AOM.
  • 172 Préfet d’Alger au Gouverneur général, 18/03/1890, 51L/195/29991, AOM.
  • 173 Lagorsse au Gouverneur général, 25/01/1899, 51L/195/29991, AOM.
  • 174 Lagorsse au Gouverneur général d’Algérie, 10/04/1899, 51L/195/29991, AOM.
  • 175 Résidence générale de Tunisie au Gouverneur général d’Algérie, 20/04/1901, 51L/195/29991, AOM.

63Mais il indique aussi que ce dernier courant a concrètement composé une palette d’options pour les candidats à l’émigration qui n’ont pas fait le choix d’une rupture définitive avec le monde rural, ainsi que l’atteste le parcours de Jean Lagorsse. Âgé de 30 ans et disposant d’un capital variable selon les déclarations169, celui-ci demande une concession le 16 juin 1885, en obtient une à Vialar en 1889170 mais, absent de Corrèze, il ne la rejoint pas, n’ayant pas eu connaissance de la décision, car il se trouvait en Algérie cette même année à Chabat-el-Leham (Oran)171. Entre 1889 et 1890, il se rend en Argentine172 et on le retrouve en 1898 en Algérie, à nouveau en quête d’une concession. Il « s’absente » à nouveau pendant la procédure car, écrit-il, il ne « [s’]’attend[ait] pas à avoir une réponse de suite »173. Le 10 avril 1899, dans son courrier adressé au Gouverneur général, il mentionne qu’il accepterait une concession en Algérie ou en Tunisie174. Une enquête demandée en 1901, révèle qu’il est fermier en Tunisie à Hamman-Lif175.

  • 176 L’expatriation vers les « pays neufs », devant permettre à quelques migrants de « gagner un petit p (...)
  • 177 Nous n’avons pas étudié dans le détail l’émigration à l’étranger mais uniquement parce qu’elle témo (...)

64Le cas de Lagorsse met ainsi en évidence un projet personnel prenant en compte les « avantages comparatifs » des différents marchés et indique son désir de poursuivre une activité agricole. Or, au vu des quelques témoignages176, la mise de fonds initiale plus réduite177 pour une expatriation vers les « pays neufs » et son caractère momentané – puisqu’il s’agit de reconstituer rapidement un capital d’exploitation – ont pu être un stimulant plus puissant que l’espoir d’obtenir une concession en Algérie, ainsi qu’en témoigne la mobilité de Lagorsse.

  • 178 À Argentat, Étienne Blandine, cultivateur et propriétaire d’une exploitation de 15 000 F est un not (...)
  • 179 Nancy L. Green, Repenser les migrations, op. cit., p. 85.
  • 180 Administrateur de la Vaherie-Pépinière, propriétaire.
  • 181 Le Paysan, 05/08/1900, p. 493, PR68, ADC.

65En définitive, comme les édiles, quelques élites locales corréziennes178 ont accompagné cette demande d’émigration en acceptant de représenter les agences d’émigration et d’autres ont perçu positivement le départ vers l’Algérie. Car, cette nouvelle mobilité, qui relaie les migrations internes179, s’inscrit dans un contexte de mutation de l’agriculture et dans le cadre d’une internationalisation du marché du travail qui permettrait de résoudre à une autre échelle la question de la main-d’œuvre rurale, attirée par les lumières de la ville. Ce lien est présent dans les colonnes de la revue agricole Le Paysan, diffusé en Corrèze, qui reproduit une représentation plutôt positive des départs en Algérie. Dans une série d’articles sur le thème de la dépopulation, rédigés par le rédacteur en chef, Paul Mazeaud180, la proposition du sénateur de la Côte-d’Or, Edme Piot, d’envoyer les jeunes gens dispensés du service militaire dans les colonies trouve un accueil favorable : « Il faut, écrit la revue, que la loi favorise l’émigration mais l’émigration dans les colonies françaises »181. Rien ne nous permet d’affirmer que ce point de vue était partagé par tous les propriétaires, ni qu’ils ont été des zélés propagandistes, mais le courant migratoire « colonial » bénéficiait, comme la migration externe, d’un avis favorable d’une partie des contemporains.

  • 182 01/01/1899, 15/01/1899, 22/01/1899, 05/02/1899, Le Paysan, PR68, ADC.
  • 183 « Un Témoignage d’admiration », Le Paysan, 16/11/1900, p. 739, PR68, ADC.

66Quelques articles de cette revue apportent un éclairage sur cette attitude. En janvier et février 1899, paraît un article au titre éloquent « De l’importance de l’agriculture au double point de vue de la civilisation et du patriotisme »182, qui reprend le thème des vertus paysannes et de l’agriculture « mère de la civilisation ». Le 16 novembre 1900, la revue publie le compte-rendu d’une allocution parue dans L’Écho de l’Hérault vantant les charmes de la colonisation en reproduisant les propos d’un colon : « Ah, Monsieur, si ceux de mon village me voyaient avec mes belles terres, mes prairies, mes troupeaux, moi qui traînais la misère avec mes quelques lopins, il y a bien d’autres qui viendraient ici »183.

  • 184 « Le fonctionnarisme et la dépopulation », Le Paysan, 12 et 19/05/1901, PR68, ADC.
  • 185 La France hors de France, Notre émigration, sa nécessité, ses conditions, Alcan, 1900, p. 307. Nous (...)

67De l’ensemble des articles généraux se dégage l’idée que l’émigration motivée par une installation agricole est préférable à celle dans les villes – et dans les usines – et préférable au choix du « fonctionnarisme »184, thèmes qui sont aussi ceux de l’abbé Jean-Baptiste Piolet185.

  • 186 À titre d’illustration, nous reprenons cette critique du documentaire « Histoires d’une blessure » (...)

68Le changement de paradigme ouvre ainsi la voie à une autre lecture de l’histoire du peuplement de l’Algérie qui conserve l’empreinte de certaines expériences, en particulier celle des colonies agricoles de 1848 et des déportations politiques186. Toutefois, l’assimilation dans la mémoire culturelle de la colonie à un déversoir de la misère a, par la même occasion, éclipsé d’autres problématiques qui apparaissent pourtant en filigrane dans le discours du parti colonial et explicitement dans les traces laissées par les postulants à l’émigration.

Notes

1 Nancy L. Green, Repenser les migrations, op. cit., p. 104

2 J. G. Rice & R. C. Ostergren, « The decision to migrate : a study in diffusion », cités par Paul-André Rosental, Les Sentiers invisibles…, op. cit., p. 104.

3 Paul-André Rosental, ibid., p. 106.

4 J. G. Rice & R. C. Ostergren, « The decision to migrate : a study in diffusion », cités par Paul-André Rosental, Les Sentiers invisibles…, op. cit., p. 104.

5 L’enquête du ministère en 1844 confirme la présence de 8 militaires dans la liste des premiers migrants, présentés comme tels par les maires de Corrèze qui ont confondu, dans certains cas, les migrants volontaires et ceux partis en Algérie pour le service militaire, Émigration pour l’Algérie du 1er janvier 1842 au 30/06/1844. Relevé par profession et par arrondissement effectué selon la circulaire préfectorale du 15/09/1844, 6M408, ADC.

6 6M406, ADC.

7 6M285, ADHV.

8 6M407, ADC.

9 Lettre du maire, 14/11/1855, 6M407, ADC.

10 6M407, ADC.

11 Sous-préfet de Saint-Yrieix au préfet de Haute-Vienne, 26/1/1845, 6M285, ADHV.

12 Sous-préfet de Saint-Yrieix au préfet de Haute-Vienne, 20/12/1845, 6M285, ADHV.

13 Feuille de renseignements, 51L/201/29597, AOM.

14 Feuille de renseignements, 51L/299/39752, AOM.

15 Feuille de renseignements, 51L/195/29050, AOM.

16 Feuille de renseignements, 51L/119/21500, AOM.

17 La Fin des terroirs, op. cit., p. 423-437. Le journal de Jean-Marie Deguignet (1834-1905) est un autre témoignage de la tentation de l’émigration après le service militaire, Histoire de ma vie, Mémoires d’un paysan bas-breton, Ergué-Gabéric, Éditions An Here, 2001.

18 Maire de Beaulieu-sur-Dordogne au préfet de Corrèze, 11/07/1843, 6M406, ADC.

19 6M406, ADC.

20 11/10/1851, 6M407, ADC.

21 Lettre du 17/5/1852, 6M285, ADHV.

22 Feuille de renseignements, 51L/138/22370, AOM.

23 Feuille de renseignements, 51L/243/34048, AOM.

24 Feuille de renseignements, 51L/202/29769, AOM.

25 Feuille de renseignements, 51L/202/29660, AOM.

26 Préfet d’Oran, 14/04/1897, 6M402, ADC.

27 Cette proposition, mise en application par le maréchal Clauzel et popularisée par Bugeaud, n’est pas une pure création coloniale et/ou algérienne : les colonies militaires agricoles ont été expérimentées en Europe et font partie du dispositif du règlement du paupérisme au début du XIXe siècle. Voir ci-après le chapitre 3 ainsi que l’article de Marcel Émerit, « L’influence russe et croate sur la colonisation militaire à l’époque de Bugeaud », Revue française d’histoire d’Outre-mer [RFHOM], t. XLVI, no 163-164-165.

28 Le premier, après la conquête du Tell en 1842-1843, consistait à recruter des colons parmi les soldats assujettis au service de 7 ans qui obtiendraient d’en consacrer 5 à travailler la terre, au terme desquels les familles deviendraient propriétaires du sol. Le deuxième projet date de 1844-1845, après la victoire sur Abd el-Kader ; il souhaitait associer la colonisation civile sur un mince ruban littoral de la région d’Alger et la constitution de légions militaires. Les légionnaires, composés d’anciens sous-officiers ou soldats encore sous les drapeaux, assureraient un peuplement de 400 000 personnes. Les militaires ne pouvaient entrer dans la légion qu’après 2 ans de service et auraient été libérables au bout de 3 ans, dans la mesure où on jugerait ne pas avoir besoin de leur concours pour l’achèvement des travaux publics. En 1847 le troisième projet des « trois camps agricoles » (Ghozlan (Aumale), Berrouaghia, Aïn-Témouchent) de 300 hommes, recrutés parmi les soldats et les officiers en activité de service, est soumis à la Chambre. A la suite du rapport hostile d’Alexis de Tocqueville, la colonisation militaire est enterrée mais entre-temps, des tentatives partielles avaient été entreprises dans le Sahel et la Mitidja.

29 Raoul Girardet, La Société militaire de 1815 à nos jours, Perrin, 1998 et Odile Roynette, Bons pour le service. L’Expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Belin, 2000.

30 Cette vision est nourrie par les débats sur l’utilisation des soldats, voir à cet effet le chapitre que consacre Raoul Girardet au rôle de « l’armée dans la cité » dans La Société militaire…, op. cit.

31 Part des exploitants du sol, anciens militaires, d’après Michel Méternier, Les demandes d’émigration en Algérie de 1878 à 1882 d’après les fiches individuelles de renseignements et des lettres, 1983, p. 38 :

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32 Dans notre échantillon, des candidatures militaires ont été déboutées.

33 30/06/1862, 6M285, ADHV.

34 13/04/1874, 6M284, ADHV.

35 Feuille de renseignements, 51L/40/13742, AOM.

36 Ce constat s’appuie sur des indices relevés dans l’état civil des candidats. En effet, beaucoup d’entre eux ne sont pas nés dans leur commune de résidence et sont déjà engagés dans un processus de mobilité.

37 Exposé du projet de colonie limousine adressé au ministère de la Guerre, 11/5/1846, 6M402, ADC.

38 6M406, ADC.

39 6M406, ADC.

40 6M406, ADC.

41 6M406, ADC.

42 6M285, ADHV.

43 6M406, ADC.

44 6M407, ADC.

45 6M407, ADC.

46 6M407, ADC.

47 6M406, ADC.

48 6M406, ADC.

49 6M407, ADC.

50 6M407, ADC.

51 6M406, ADC.

52 6M406, ADC.

53 6M407, ADC.

54 6M406, ADC.

55 6M406, ADC.

56 6M407, ADC.

57 21/1/1844, 6M402, ADC.

58 6M406, ADC.

59 Dossier adressé au préfet de Tulle, 25/7/1862, 6M402, ADC.

60 Lettre de François Périchon (Chateauponsac), 23/6/1887, 6M284, ADHV.

61 26/8/1891, 6M402, ADC.

62 24/10/1891, 6M402, ADC.

63 10/4/1891, 6M402, ADC.

64 La création du nouveau village lui a été communiquée par un colon de Yusuf, Perichon, 27/2/1890, L274/37684, AOM. L’orthographe a été respectée.

65 6M407, ADC.

66 6M407, ADC.

67 6M407, ADC.

68 26/01/1856, 6M406, ADC.

69 Note du maire de Tulle, 31/12/1856, 6M407, ADC.

70 6M402, ADC.

71 29/05/1893, 6M402, ADC.

72 15/08/1899, 6M402, ADC.

73 02/10/1899, 6M402, ADC.

74 Feuille de renseignements 2/7/1900, 6M403, ADC.

75 17/07/1901, 6M403, ADC.

76 14/01/1897, 6M402, ADC.

77 04/09/1897, 6M402, ADC.

78 Maire de Saint-Pantaléon-de-Larche au préfet de Corrèze, 08/06/1900, 6M402, ADC.

79 08/06/1857, 6M407, ADC.

80 6M407, ADC.

81 6M407, ADC.

82 18/02/1856, 6M407, ADC.

83 Lettre du maire, 28/01/1858, 6M407, ADC.

84 6M406, ADC.

85 6M407, ADC.

86 Minute de Lettre, 29/9/1856, 6M407, ADC.

87 05/03/1856, 1846-1872, 6M407, ADC.

88 Préfet de Corrèze au maire de Mercœur, 25/1/1895, 6M402, ADC.

89 12/11/1896, 6M402, ADC.

90 23/01/1897, 6M402, ADC.

91 25/02/1900, 6M403, ADC.

92 Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer & al., Histoire de la France coloniale, t. 1, Des origines à 1914, Armand Colin, 1990, p. 409.

93 Dossiers de déclarations de publication par les gérants ou les propriétaires d’entreprise de presse, correspondance relative au dépôt légal, rapports de police, spécimens, 2T13, ADHV.

94 Les données sur l’alphabétisation proviennent de Association française pour l’avancement des sciences, Le Limousin. Notices scientifiques, historiques, économiques, [1890], Office d’édition du livre d’histoire, 1996, p. 392.

95 Alain Corbin, Archaïsme et Modernité en Limousin…, op. cit., p. 326.

96 La région de Brive compte 52,7 % d’illettrés contre 76,8 % pour le département moins les villes, Alain Corbin, ibid.

97 A Châteauneuf-la-Forêt et à Châlus, pour la période 1846-1850, plus de 85 % de conscrits ne savent ni lire ni écrire. Le taux se situe pour Rochechouart entre 75 et 85 % et entre 30 et 55 % à Limoges, Alain Corbin, ibid.

98 Ibid., p. 344.

99 Ibid., p. 332.

100 Le taux d’alphabétisation en Haute-Vienne se situe en 1836-1840 à 20,6 % et à 27 % en 1846-1850, Le Limousin. Notices scientifiques, historiques, économiques, op. cit., p. 392.

101 Lettre du 7/2/1839, 6M285, ADHV.

102 6M285, ADHV.

103 Voir notre deuxième partie.

104 François Celerier (Saint-Priest-Taurion) au Gouverneur général, 5/12/1883, 51L/158/25403, AOM.

105 Joseph Fauvet au Gouverneur civil de l’Algérie, 11/5/1887, 51L/175/27118 bis, AOM.

106 Courrier du 1/4/1902, 6M403, ADC.

107 N20 : Toulouse/Paris (11 710 t) ; N89 : Lyon/Bordeaux (15 832 t) ; N120 : Rodez/Limoges (10 327 t) ; N122 : Toulouse/Clermont-Ferrand (13 087 t), volume des échanges établi d’après les statistiques relevées par les cantonniers à l’initiative de l’ingénieur Spinasse, Annuaire du département de la Corrèze pour l’année 1835, Tulle, Impr. J.-M. Drappeau, ADC.

108 Le dossier Secours de route aux colons autorisés à se rendre en Algérie, 1846-1854, contient la comptabilité des personnes secourues en Corrèze et établie par l’intendance militaire de la 19e division de Clermont-Ferrand le 10/7/1846 pour le premier trimestre 1846 au titre des « Avances faites à charge de remboursement par le ministère de la Guerre à des cultivateurs et ouvriers colons autorisés à se rendre en Algérie », document adressé au préfet de Corrèze, 6M404, ADC.

109 L’Annuaire de Corrèze pour l’année 1836 propose la liste suivante : Allassac, Argentat, Beynat, Brive et Beaulieu-sur-Dordogne. Le service postal y est assuré : Argentat, Brive, Donzenac, Meyssac, Tulle sont le siège d’une Direction des postes, Annuaire du département de la Corrèze, 1836, Tulle, Impr. J.-M. Drappeau, ADC.

110 Lettre du 24/10/1831, 6M406, ADC.

111 Lettre du 28/8bre/1831, 6M406, ADC.

112 Réponse d’Alger au sous-préfet, avril 1834, 6M406, ADC.

113 Paul-André Rosental, Les Sentiers invisibles…, op. cit.

114 Ordonnance royale en date du 4/12/1846, Recueil des actes administratifs de 1847 & colonies agricoles, 15/8/1851, 3K11, ADC.

115 Correspondance entre le ministère de la Guerre et les préfets, 11/3/1854, Circulaires et instructions adressées au préfet (1830-1923. Circulaires et notes adressées au correspondant local du service de renseignements généraux de l’Algérie (1893-1898 et 1830-1923), 6M400, ADC.

116 6M284, ADHV.

117 L’ambition de Paul Cambon, en créant le 31/8/1892 l’« Office de renseignements généraux et de publicité » était de développer la colonie selon deux axes. La colonisation agricole n’est pas interrompue mais doit privilégier, selon lui, les « éléments de population européenne » et la recherche de nouveaux débouchés, conçue comme un préalable à l’immigration. La nouvelle politique de développement de l’Algérie, confiée à l’Office, se dote de moyens pour une publicité plus efficace et d’une structure ayant à sa tête un Bureau de renseignements à Paris, chargé de centraliser les informations (programmes de colonisation, législation et marchés) et secondé par 32 délégués situés dans les départements fournissant les plus importants contingents d’immigrants. La Corrèze a ainsi accueilli un délégué départemental, rétribué en fonction des résultats et qui a eu en charge la diffusion des informations et le contrôle des dossiers. Le Service des renseignements généraux du Gouvernement de l’Algérie, Sa mission, son fonctionnement, ses moyens d’action ; ce qu’il coûte et ce qu’il produit, Impr. Noizette et Cie, 1897, p. 12-29.

118 Envoi du Gouvernement général de l’Algérie au préfet de Corrèze, 31/10/1905, 6M400, ADC.

119 Mais il est vrai que la presse limousine ne figure pas, selon la brochure éditée par le Gouvernement de l’Algérie, parmi les « journaux qui accueillent les communications du Service. », Le Service des renseignements généraux du Gouvernement de l’Algérie, op. cit., p. 22.

120 Voir Élisabeth Barge-Meschenmoser, L’Administration préfectorale en Corrèze (1800-1848), Limites et effets de la centralisation, Limoges, Pulim, 2000.

121 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 11/10/1838, 3K8, ADC.

122 Recueil des actes administratifs de Haute-Vienne, 29/10/1838, 3K8, ADC.

123 Recueil des actes administratifs de Haute-Vienne, 28/05/1839, 3K8, ADC.

124 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 27/02/1841, 3K9, ADC.

125 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 31/01/1843, 3K9, ADC.

126 Bulletin des actes administratifs, 12/02/1844, 3K1, ADHV.

127 Recueil des actes administratifs de Corrèze, 3K11, ADC.

128 Recueil des actes administratifs, 3K20, ADC.

129 Bulletin des actes administratifs de Haute-Vienne, Circulaire du 14/11/1838, 3K1, ADHV & Recueil des actes administratifs de Corrèze, Circulaire d’août 1838, 3K8, ADC.

130 Recueil des actes administratifs de Corrèze, Circulaire du 31/01/1838, 3K8-9bis, ADC.

131 Alègre, maire d’Allassac, 04/12/1843, 6M402, ADC.

132 Minute de lettre, 17/10/1843, 6M285, ADHV.

133 Lettre du 02/07/1844, 6M285, ADHV.

134 Élisabeth Barge-Meschenmoser, L’Administration préfectorale en Corrèze, op. cit., p. 120.

135 Le Roi n’intervenait que dans la nomination de 25 villes ayant plus de 3 000 hab.

136 Élisabeth Barge-Meschenmoser, L’Administration préfectorale en Corrèze, op. cit., p. 121.

137 01/01/1840, 25 000 personnes dont 11 000 Français, Charles-André Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine, op. cit., p. 158.

138 6M407, ADC.

139 Maire au préfet, 20/10/1856, 6M407, ADC.

140 Maire de Châteauneuf-la-Forêt au préfet de Haute-Vienne, 10/06/1857, 6M284, ADHV ; maire de Vignols, Courrier du 29/10/1860, 6M402, ADC.

141 Maire au sous-préfet de Brive, 7/08/1878, 6M402, ADC.

142 Maire de Saint-Junien au préfet de Haute-Vienne, 11/12/1882, 6M284, ADHV.

143 04/01/1844, Recueil des actes administratifs, 3K10, ADC.

144 6M406, ADC.

145 6M406, ADC.

146 6M406, ADC.

147 Dans cette situation le maire a été, selon ses dires, l’initiateur de la demande car, écrit-il, « Cette famille est décidée d’après mon conseil à passer en Algérie. », 13/06/1847, 6M285, ADHV.

148 13/06/1847, 6M285, ADHV.

149 4/09/1856, 6M285, ADHV.

150 21/01/1844, 6M402, ADC.

151 Attestation sur l’honneur du maire Gustave Sauviat, 02/07/1900, 6M403, ADC.

152 Réponse au préfet, 02/07/1900, 6M403, ADC.

153 Feuille de renseignements de Jean Martinie, 01/02/1886, 51L/201/29589, AOM.

154 Minute d’un courrier du Gouvernement général au préfet d’Alger, 29/1/1886 51L/201/29589, AOM.

155 Maire de Neuvic, Henri Queuille, 18/12/1885, 51L/201/29655, AOM.

156 Note du maire, 09/10/1844. Pétition Garaud, 6M285, ADHV.

157 08/10/1844, 6M285, ADHV.

158 Il a fait campagne en Algérie et a été prisonnier d’Abd el-Kader.

159 11/07/1843, 6M402, ADC.

160 Rapport du commissaire central au préfet de Haute-Vienne, 29/08/1856, 6M285, ADHV.

161 Rapport du commissaire central, 04/03/1859, 6M285, ADHV.

162 6M285, ADHV.

163 Feuille de renseignements, 6M284, ADHV. « A Limoges, le bouri est l’ensemble des ordures rejetées dans la rue. Un bourineur est celui qui recherche, dans le bouri, les divers déchets, la peille (vieux chiffons) qu’il revend aux péliarauds (chiffonniers). » (Jan Printen [Edmond Jacquet], Las Barricadas ‘Le Bourineur’, Limoges, Éditions du Courrier agricole et viticole, 1921, p. 41).

164 Maire de Billanges (Haute-Vienne), Feuille de renseignements, 01/10/1887, 51L/243/34048, AOM.

165 Feuille de renseignements, 26/04/1889, 51L/262/36370, AOM.

166 Un certain Airan choisit en 1891 la Corrèze car, précise le courrier du ministère de l’Intérieur, il espère y recruter des émigrants (ministre de l’Intérieur au préfet de Corrèze, 22/09/1891, Contrôle de l’émigration… 1857-1899, 6M409, ADC.). Le courrier du consul de France à Bogota au ministre expose le projet d’Airan : « J’ai déjà parlé à votre excellence des projets de M Airan qui, entre autres choses, prétend ouvrir le canal de Panama, sans avoir recours à l’émission de nouveaux capitaux, et veut payer la dette colombienne sans que cela coûte un sou à la Colombie. Il se propose de liquider la dette française sans difficultés, en employant un système dont il est l’auteur et qui consiste dans une association qu’il dénomme franco-colombienne, au moyen de laquelle il donne cinq mille francs de revenu à chaque ouvrier qui aura travaillé pendant cinq ans sur des terrains que le gouvernement colombien lui a concédés. ». Ce projet « a obtenu des signatures » mais, précise-t-il en substance, « son esprit est malade », 22/09/1891. La multiplication des représentations des agences d’émigration confirme le rôle de vivier qu’a été la Corrèze à la fin du xixe siècle. En 1893, l’agence d’émigration Dubois, établie à Paris, souhaite donner procuration à Étienne Blandine, cultivateur à Argentat (Lettre du préfet de Corrèze au conseiller général Vachal, 11/8bre/1893, Contrôle de l’émigration… 6M409, ADC).

167 Maire de Saint-Chamant au préfet, 1895, Contrôle de l’émigration…, ADC, 6M409.

168 Maire de Saint-Bazile-de-Laroche au préfet de Corrèze, 23/02/1899, 6M409, ADC.

169 Jean Lagorsse déclare posséder une somme de 4 000 F et une propriété de 3 000 F appartenant à sa femme, le 16/06/1885. En octobre, il mentionne la possession de 2 000 F de ressources et la propriété de 3 ha de son beau-père valant 12 000 F, Feuille de renseignements, 25/10/1885, 51L/195/29991, AOM.

170 Préfet d’Alger au Gouverneur général, 18/3/1890, 51L/195/29991, AOM.

171 Lagorsse au Gouverneur général, 05/01/1889, 51L/195/29991, AOM.

172 Préfet d’Alger au Gouverneur général, 18/03/1890, 51L/195/29991, AOM.

173 Lagorsse au Gouverneur général, 25/01/1899, 51L/195/29991, AOM.

174 Lagorsse au Gouverneur général d’Algérie, 10/04/1899, 51L/195/29991, AOM.

175 Résidence générale de Tunisie au Gouverneur général d’Algérie, 20/04/1901, 51L/195/29991, AOM.

176 L’expatriation vers les « pays neufs », devant permettre à quelques migrants de « gagner un petit pécule […] pour la reconstitution [du] vignoble détruit par le phylloxéra » aux dires du maire de Saint-Chamant. De plus, selon son analyse, l’existence d’un marché du travail plus ouvert et les possibilités d’emplois susceptibles de répondre aux attentes de ces candidats, expliquent le choix d’émigrer de ses concitoyens, Contrôle de l’émigration…, ADC, 6M409.

177 Nous n’avons pas étudié dans le détail l’émigration à l’étranger mais uniquement parce qu’elle témoigne en faveur d’une mobilité nouvelle. Il était intéressant cependant de comparer les avantages procurés par certains pays d’accueil. En 1883 par exemple, le Chili proposait aux émigrants : un voyage aux frais de l’état chilien, la prise en charge à l’arrivée, une exploitation de 38 ha et 18 ha supplémentaires par enfant mâle de plus de 10 ans. L’état chilien assurait aussi le versement d’une indemnité journalière d’1,50 F au chef de famille et de 60 centimes par enfant. De plus une pension mensuelle de 75 F était promise pendant un an et les colons recevaient une paire de bœufs, des semences et des planches. Ces différentes avances étaient remboursables sur 8 ans par cinquième à partir de la 3e année. Colonisation du sud du Chili organisée par le Gouvernement, 1883, Agences d’émigration, 6M1006, Archives départementales de la Gironde.

178 À Argentat, Étienne Blandine, cultivateur et propriétaire d’une exploitation de 15 000 F est un notable, « républicain [jouissant] de l’estime publique » précise la feuille de renseignements annexée au dossier, Préfet de Corrèze au conseiller général Vachal, 11/8bre/1893, Contrôle de l’émigration…, 6M409, ADC.

179 Nancy L. Green, Repenser les migrations, op. cit., p. 85.

180 Administrateur de la Vaherie-Pépinière, propriétaire.

181 Le Paysan, 05/08/1900, p. 493, PR68, ADC.

182 01/01/1899, 15/01/1899, 22/01/1899, 05/02/1899, Le Paysan, PR68, ADC.

183 « Un Témoignage d’admiration », Le Paysan, 16/11/1900, p. 739, PR68, ADC.

184 « Le fonctionnarisme et la dépopulation », Le Paysan, 12 et 19/05/1901, PR68, ADC.

185 La France hors de France, Notre émigration, sa nécessité, ses conditions, Alcan, 1900, p. 307. Nous retrouvons cette même thématique chez René Bazin, La Terre qui meurt, Tours, Alfred Mame & Fils, 1898.

186 À titre d’illustration, nous reprenons cette critique du documentaire « Histoires d’une blessure » de Jean Jacques Larochelle rédigée ainsi : « Dès 1848, de Corse, de Naples, d’Allemagne, d’Espagne ou de Malte, ils [les colons] ont été le rebut politique de l’Europe. Bons à rien ou débauchés, communards, républicains ou antiroyalistes : toute personne soupçonnée d’opposition était envoyée là-bas, vers des terres incultes d’Algérie, dernière des conquêtes coloniales de la France. », Le Monde T.V & Radio du lundi 19/3 au dimanche 25/03/2007…

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