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Chapitre 3. Un héritage empoisonné
p. 63-69
Texte intégral
1Quelle est donc la situation patrimoniale des héritiers Noé, frère et sœur, au moment de la disparition de leur mère ? A priori, elle peut impressionner : un patrimoine foncier a été constitué outre-mer, qu’il aurait été bien difficile de bâtir en Europe. Il n’est donc pas surprenant de voir que les descendants considèrent la terre de Saint-Domingue d’abord avec des yeux de propriétaires soucieux de leurs rentes. Sachant que les grandes perspectives de carrière de la progéniture passent par la France, la comtesse veuve Noé s’y est installée en confiant ses affaires antillaises à des gérants appointés. Ce cas n’a rien de particulier, il suit un mouvement largement observé : à la veille de la Révolution, environ les deux tiers des propriétaires de Saint-Domingue sont absentéistes. En métropole, ces « Américains », comme on les appelle, passent pour vivre confortablement, l’argent du sucre pouvant faire rêver et stimuler les envies ou l’imagination de ceux qui ne connaissent pas les îles.
2Reste que la gestion des domaines sucriers n’est pas aussi heureuse que l’on pourrait le croire. Dans le cas qui nous occupe, l’héritage que laisse Marie-Anne Bréda de Noé à sa disparition constitue, au contraire, une bien mauvaise surprise pour son fils et sa fille.
UN LOURD ENDETTEMENT
3Aucun document comptable relatif à l’héritage laissé par Marie-Anne Bréda de Noé n’a traversé le temps. Aussi ne peut-on en avoir qu’une approche de biais, retrouvant ici et là trace de biens hérités, mais aussi de dettes à honorer ou de reports d’échéances. On connaît globalement la situation grâce à un acte notarié que le comte de Polastron, muni de la procuration de son épouse et de celle de son beau-frère, passe le 29 janvier 1764 devant Me Michel Barberet, notaire à Bordeaux. Par cet acte, le comte de Polastron confie au nom de ses mandants la gestion du domaine familial à un négociant bordelais. On y apprend que « la succession de ladite dame de Bréda comtesse de Noé […] consiste principalement :
- une habitation appelée Les Manquets, située au Cap-Français, Ile et Côte de Saint-Domingue, faisant la moitié ou autre partie de la grande habitation partagée [par devant Me Doré, notaire au Cap] entre ladite dame de Bréda et M. Louis-Bénigne-Pantaléon du Trousset d’Héricourt le 9 mars 17621 ;
- au titre d’une tuilerie et poterie situées audit lieu du Cap-Français, qui était jouie par indivis entre MM. d’Héricourt, de Bréda et ladite dame de Bréda ;
- en une créance de trois cents à trois cent trente mille livres ou environ pour reste du prix d’une habitation au Limbé, vendu à feu M. Trollé2 ».
4Outre la sucrerie des Manquets et une part dans la tuilerie-poterie du Haut-du-Cap, il y a donc le règlement de la vente de l’habitation au Limbé (dont on a remarqué l’approximation de l’estimation), mais cet impayé se fait attendre, ce qui s’avère gênant. Cependant, l’essentiel est ailleurs. Le règlement de cette succession traîne déjà depuis trois ans ; l’acte précise en outre que « le défaut ou négligence des uns ou des autres, le temps qui s’est écoulé et nombre d’autres raisons ont convaincu ledit seigneur comte de Noé et dame de Noé qu’il n’était absolument pas possible que ladite succession pût être libérée et liquidée de bien des années et le net d’icelle leur rentrer si chacun d’eux avait toujours la faculté d’agir à son gré » et ce d’autant plus que plane la menace de « créanciers las d’attendre ». Le fond du problème est donc, pour le comte de Noé et sa sœur, co-héritiers à parts égales, d’honorer une dette dont on ignore le montant, tandis que les créanciers commencent à perdre patience et que plane la menace de procès pour impayés.
5Le cas n’est pas rare. Il est même le reflet d’une situation générale : à l’époque, plus d’une famille propriétaire aux Antilles s’est engagée dans la spirale de l’endettement et doit recourir à la solution de la « liaison d’habitation » avec un négociant. Comme le souligne Gabriel Debien, de nombreux planteurs « se voyaient obligés pour se faire ouvrir d’autres avances de signer un accord général qui plaçait leurs plantations sous la tutelle financière et sous l’administration générale d’une grande maison de commerce. Le négociant règle les dettes criardes, il a une plus grande autorité que le colon pour imposer un concordat aux créanciers, mais il lui fait prendre l’engagement que la plantation ne se remontera en esclaves, en outillage et en animaux que par ses négriers, que par ses magasins ou chez ses associés. Les récoltes, vendues par le négociant, servent de garantie à cette forme d’emprunt3 ». Le contrat de liaison est donc la seule solution car, comme fait remarquer Françoise Thésée, « la situation financière de certains colons était si précaire qu’il n’y avait pour eux d’autre issue que de se livrer pieds et poings liés à celui qui faisait figure de sauveur, en acceptant de s’interposer entre le débiteur et ses créanciers4 ».
6De la façon dont feu la comtesse de Noé a géré ses affaires, on ne sait que ce que nous apprennent les quelques actes passés devant Me Davet, notaire à Auch. Les raisons, les motifs et les circonstances nous échappent complètement. On en est donc réduit à proposer une série d’hypothèses plus ou moins plausibles, à la lumière des observations faites, par exemple, par Christian Schnakenbourg à propos de l’endettement des habitations sucrières de la Guadeloupe5.
7Viennent en premier lieu les dettes successorales, consécutives au partage, qui sont remboursables à long terme et sont donc transmises à la génération suivante tant qu’elles ne sont pas arrivées à terme. Ce cas de figure semble bien confirmé ici, avec sans doute une accumulation de traites à payer. Peuvent aussi survenir des phénomènes conjoncturels, par définition aléatoires : ouragans, maladies ou guerres. Pour justifier sa demande de congé exceptionnel afin de reprendre en main ses affaires antillaises, Louis-Pantaléon de Noé a ainsi indiqué qu’il partait au secours « d’une très grande fortune que la guerre [de Sept Ans, 1756-1763] avait ébranlée » du fait de la rupture des circuits commerciaux, de la baisse de la demande, de la capture de cargaisons, etc. Ce conflit a très probablement eu des incidences sur le manque à gagner des propriétés, mais on ne sait pas dans quelles proportions. On peut ajouter les éventuelles dettes envers des négociants. Il n’est en effet pas rare que ces hommes d’affaires – la maison Duplessis, dans le cas étudié – fassent des avances de trésorerie, en particulier pour des investissements visant à développer les sucreries, ou simplement pour entretenir l’existant : construction de bâtiments d’exploitation, achat d’outillage, de main-d’œuvre servile ou de cheptel animal, etc.
8Il faut aussi rappeler qu’en quittant Saint-Domingue pour la France en 1737, la comtesse de Noé ne semblait déjà pas très riche, si l’on en croit ce qu’écrivait sa sœur6. De plus, on ne peut écarter l’hypothèse de dépenses imprudentes, voire hasardeuses, résultant d’une mauvaise conduite des affaires que suggère la formule sibylline de l’acte notarié du 29 janvier 1764 : « le défaut ou négligence des uns ou des autres. » Enfin, il a pu y avoir des dépenses importantes faites par la comtesse de Noé pour tenir son rang en France ; on sait ainsi qu’elle emprunte à plusieurs reprises des sommes non négligeables à Louis-François de Luppé du Garané, marquis de Besmaux7.
9C’est seulement en 1753 que la comtesse de Noé met fin à la gestion par Me His de son habitation du Limbé, qu’elle avait reçue en dot. Deux ans plus tard, elle en ordonne la vente. Mais la cession d’un domaine est un processus d’une certaine durée, l’acheteur ne payant qu’une partie comptant et échelonnant le solde sur des années. Dans le cas du Limbé, un premier acheteur, Trollé, décède avant d’avoir terminé de payer, si bien qu’il reste encore cette créance « de trois cents à trois cent trente mille livres ou environ8 » à toucher de ses héritiers. Ces derniers – on l’a vu au chapitre 1 – revendent l’habitation à deux associés, Caton et Borie, ce qui a pour effet de retarder encore le règlement définitif de la vente et, par conséquent, le remboursement de la dette. En attendant, comment faire pour se sortir de l’impasse ? Les héritiers Noé n’ont d’autre solution que de confier leurs affaires à un négociant ayant pignon sur rue.
UN ARRANGEMENT FAMILIAL
10Le 29 janvier 1764, le comte de Polastron, chargé des procurations de son épouse et de son beau-frère, confie à Raymond Lassus, « secrétaire du roi et banquier », la direction générale de la succession Bréda de Noé « jusqu’à l’entier paiement et libération des charges et dettes passives9 ». Comment et pourquoi le choix des co-héritiers s’est-il porté sur cet homme d’affaires bordelais, on ne sait. Il faut simplement se borner à constater que l’accord conclu entre les parties le 28 septembre 1763 est désormais couché par écrit devant notaire. Il y a urgence à éviter d’être traîné en justice par des « créanciers las d’attendre ».
11La mission que les co-héritiers confient à Raymond Lassus est donc claire : assainir la situation et éplucher tous les comptes de la maison de négoce Duplessis au Cap, qui continue à avoir la régie des biens mais qui peut se la voir retirer si Raymond Lassus l’estime nécessaire. Raymond Lassus accepte, en prélevant au passage une commission : 2 % du produit de l’habitation, « selon l’usage du commerce » et « 3 % de commission sur le montant de tous les envois et retours des fonds ». Il a les coudées franches pour redresser la situation et se retrouve donc maître de fait, puisqu’il se voit confier « l’entière et libre disposition desdits biens et créances ». C’est sous de telles fourches caudines que doivent passer les co-héritiers pour espérer voir leurs affaires sérieusement prises en main et, au bout du compte, assainies.
12Le frère et la sœur se contentent donc de 12 000 livres annuelles de rente à se partager (soit 6 000 livres chacun), payables en deux tranches semestrielles. Si surplus de revenus il y a, il sera utilisé pour le remboursement de la dette. L’acte mentionne également le paiement d’une rente viagère de 400 livres, engagée par feue Marie-Anne Bréda de Noé aux dames Granet et Dupré, habitantes d’Auch – arrangement dont on ne sait rien (peut-être le remboursement d’un emprunt ?).
13Dès le lendemain, 30 janvier 1764, toujours devant Me Barberet, le banquier et négociant Raymond Lassus donne procuration à son frère, « ancien capitaine de navire et négociant au Cap-Français », pour agir sur place en son nom et mettre en application les mesures que les nécessités imposeraient. Ce frère s’appelle également Raymond Lassus, ce qui ne facilite pas la lecture des documents. Par ailleurs, sachant que le comte de Polastron, son beau-frère, doit s’en retourner à Toulouse, le comte de Noé donne procuration le 9 février 1764 à un correspondant permanent, un certain Pierre-Toussaint Ferrand, « praticien à Bordeaux », pour le représenter et défendre ses intérêts auprès de Raymond Lassus (le négociant et banquier). On ne sait les raisons de ce choix, ni la nature des relations entre Ferrand et le comte de Noé.
14Cependant, ce dernier va assez rapidement se retrouver seul héritier. Rappelons en effet qu’un peu moins de deux ans plus tard, le 12 novembre 1765, la comtesse de Polastron renonce à sa part d’héritage moyennant 260 000 livres, dont 24 000 en versement immédiat et 236 000 que son frère s’engage à lui verser sur neuf ans10. L’acte précise qu’il est la confirmation d’accords oraux, conclus quelques semaines plus tôt. On ignore les raisons précises de ce renoncement de la comtesse. Faut-il y voir la volonté de ne pas avoir de soucis supplémentaires, de ne pas s’engager dans des affaires antillaises qui apparaissent bien lointaines et d’autant plus aléatoires qu’il y a une dette à rembourser ? C’est possible. Les Polastron songent d’abord à leur patrimoine proche, d’autant qu’ils ont désormais trois enfants. Ainsi, les registres de Me Pugens indiquent-ils qu’en novembre 1763 est déjà bien engagé l’achat de la seigneurie d’Augnas, près de Mauvezin (dans l’actuel département du Gers). Pour cela, il faut de l’argent, et l’on remarque – coïncidence ? – que le comte de Polastron revend en août 1765 des terres en Languedoc, entre Agde et Béziers, à un acheteur prestigieux : Louis-François de Bourbon, prince de Conti, ainsi qu’un domaine en Lauragais à François de Blanquet de Rouville, en 1766. On peut donc comprendre que l’héritage empoisonné de Saint-Domingue soit apparu comme un fardeau insupportable et que, par conséquent, la sœur abandonne sa part à son frère.
15Quoi qu’il en soit, fin 1765, Louis-Pantaléon de Noé se retrouve donc seul propriétaire des biens familiaux antillais. Le comte de Noé s’est d’ores et déjà engagé seul auprès de Raymond Lassus (le négociant au Cap) à propos de la gestion future des Manquets.
UNE SITUATION EN VOIE D’ASSAINISSEMENT ?
La gestion de Raymond Lassus
16En octobre 1765, le comte de Noé est présent à Bordeaux et passe deux actes devant Me Barberet. Dans le premier, daté du 26, il indique déjà qu’il est seul propriétaire de l’habitation des Manquets, alors que l’arrangement avec sa sœur n’est encore qu’oral, et il donne procuration à Raymond Lassus (le négociant au Cap-Français) pour éplucher les comptes Duplessis et récupérer l’argent de la vente du Limbé, en traînant les mauvais payeurs en justice s’il le faut. Trois jours plus tard, le 29 octobre 1765, le comte va plus loin encore, puisqu’il annule la régie des Manquets auparavant dévolue à la maison Duplessis pour la remettre à Raymond Lassus. Les instructions qu’il donne sont les premières que l’on connaisse par lesquelles le propriétaire absentéiste s’exprime, d’une manière toutefois très générale et très classique : « Prendre ladite gestion et administration de l’habitation des Manquets et autres biens, en changer les économes, établir par ledit sieur Lassus telle forme de régie et administration qui lui paraîtra la plus convenable, faire tous et tels autres changements, remplacements, entretiens, réparations, augmentations et améliorations qu’il trouvera à propos, tant aux biens fonds que sur les nègres mâles et femelles, bestiaux, effets, ustensiles, outils et autres choses desdites habitations et biens, fournir et payer les frais d’exploitation et autres dépenses, lever et percevoir les sucres et autres fruits et revenus, en faire les chargements pour France à l’adresse de mon dit M. Lassus, secrétaire du roi à Bordeaux11. » Désormais, les frères Lassus peuvent agir en étroite coordination, en famille.
17Par ailleurs, le comte de Noé renouvelle l’ordre d’en terminer avec la vente du Limbé et donne également un ordre de vente de « carreaux de terres incultes et autres endroits vagues de l’habitation des Manquets », selon un descriptif que le comte doit envoyer et dont on ne sait rien, tout comme on ignore si cette opération a eu lieu. Il est à remarquer également qu’aucun papier ultérieur ne parle de la liquidation de la vente de l’habitation du Limbé. L’affaire aurait-elle été réglée, dans la mesure où un procès aurait laissé des traces écrites ? C’est possible, mais pas certain.
18Au bout du compte, et faute de plus amples informations, on ne sait que très peu de chose de la façon dont les Lassus vont reprendre les affaires Noé. Seuls les actes notariés donnent quelques indications, en termes arides et sans entrer dans le détail. On sait que cette direction va durer jusqu’en 1768, année du décès de Raymond Lassus (le banquier bordelais). Le comte de Noé doit alors se tourner vers un autre négociant pour reprendre ses affaires : au début de 1769, il choisit la maison bordelaise Peyré & fils.
19La transmission du dossier ne va pas sans difficulté. Le 13 mars 1769, en effet, le comte de Noé réclame à Joseph Guillem, négociant et exécuteur testamentaire de feu Raymond Lassus, une somme de 14 800 livres comme solde de la gestion du défunt. L’exécuteur testamentaire se retranche derrière le fait que cette somme entre dans la dette passive de sa succession, et ne peut être remise. S’ensuit une controverse qui se termine par la victoire du comte, puisque le 3 juin 1769, Joseph Guilhem remet la somme disputée aux mains des négociants repreneurs12. On ne peut s’empêcher, au vu de cette polémique, d’émettre quelque doute quant à la probité du défunt négociant.
20Par ailleurs, de façon indirecte, on a un éclairage sur des dépenses dont le montant remonte aux 14 800 livres considérées, que le comte de Noé a engagées entre 1764 et 1767, sans plus amples précisions. On apprend ainsi que Louis-Pantaléon de Noé doit de l’argent à son beau-frère Polastron, mais aussi au marquis de Monlezun et à Pierre Pitotte, ancien capitaine de cavalerie. Il est également débiteur auprès de commerçants : Ducos aîné, la maison Vidal à Toulouse ou un certain Eloy. On trouve également mention de deux marchands de soie parisiens, Charles Cornet et Jean-François Bordier, et d’un tailleur, Charles-Placide Goucq13. Ces détails ne sont pas inintéressants : ils illustrent le raffinement du comte, son amour des belles choses, et laissent aussi transparaître un caractère dépensier. Toute sa vie durant, le comte résiste difficilement à la tentation du crédit.
21Parallèlement, en 1766, on le voit passer un contrat d’obligation de 6 900 livres auprès de la prestigieuse maison bordelaise Gradis, pour une durée de trois ans, emprunt qui va être prorogé durant de longues années14. On ne sait pas pourquoi le comte de Noé engage cette opération. Toujours est-il que, fort de son nom, il n’hésite pas à frapper à la porte d’une autre grande maison de négoce pour satisfaire ses besoins d’argent.
La gestion de Peyré & fils
22L’historien est là encore confronté à quelques faits bruts que nulle précision ne vient éclairer. Certes, les Peyré, « négociants armateurs », reprennent la gestion des affaires Noé à partir du 17 février 176915, mais les documents sont muets sur la qualité de leur gestion. Ils conservent cette responsabilité jusqu’à la fin de 1774 mais l’on ignore également la raison de cette cessation d’activité. Quelque huit mois plus tard, le 12 août 1775, les papiers des comptes apurés sont remis au chevalier d’Héricourt (cousin du comte de Noé qui lui a donné procuration) de passage à Bordeaux pour l’occasion. Malheureusement, l’acte notarié ne contient aucun compte joint, ni aucun exposé de motifs. On y apprend seulement que, de mars 1769 à septembre 1772, la maison Peyré & fils a eu à gérer une centaine de milliers de livres (vente de sucre, recouvrement d’assurances, etc.) et que des remises d’argent ont été faites au comte de Noé comme à ses créanciers jusqu’à décembre 1774, sans le moindre détail du volume des sommes ni de leur ventilation. La situation est-elle assainie ? Peut-être, mais le passif reste apparemment lourd : le comte de Noé transfère la suite de cet apurement à Simon Jauge, un autre négociant bordelais demeurant aux Chartrons. On ignore combien de temps dure cet arrangement. On sait néanmoins, sans plus de précisions, que sur 500 000 livres de dettes au départ, 300 000 ont été remboursées avant 1776. Le trou n’est plus « que » de l’ordre de 200 000 livres au moment où la guerre d’indépendance des treize colonies d’Amérique va de nouveau jeter le trouble dans la région.
23Entre 1769 et 1775, le comte de Noé n’a donc pas ménagé ses efforts pour redresser la situation. Son séjour à Saint-Domingue a été déterminant dans la reprise en mains : il convient maintenant de l’évoquer plus en détail.
Notes de bas de page
1 Acte passé en fait par une personne ayant la procuration des héritiers, d’une part, et le comte d’Héricourt d’autre part. Ce document est perdu, tout comme l’essentiel du notariat de Saint-Domingue antérieur à l’année 1776, quand est alors instituée l’obligation pour les notaires des colonies d’expédier le double de leurs minutes en métropole afin de constituer le Dépôt des Papiers Publics des Colonies (aujourd’hui consultable aux anom).
2 ad de Gironde, 3 E 20561, Acte du 29 janvier 1764, Me Barberet.
3 Gabriel Debien, Études antillaises ( xviiie siècle), op. cit., p. 79.
4 Françoise Thésée, Négociants bordelais et colons de Saint-Domingue…, op. cit., p. 52.
5 Christian Schnakenbourg, Les sucreries de la Guadeloupe dans la seconde moitié du xviiie siècle, op. cit. Voir notamment p. 160-161.
6 Correspondance de Mme Bréda d’Héricourt à sa belle-mère Mme Bouzitat de Courcelles, 22 janvier 1737, document retrouvé par Gabriel Debien. Les archives de Gabriel Debien ont été reversées aux ad de Gironde.
7 27 000 livres en 1755 et 4 000 en 1761, selon l’arrêt du Parlement de Toulouse du 17 août 1768 enjoignant le comte de Noé et sa sœur, la comtesse de Polastron, de régler cette dette. ad de Haute-Garonne, 1 B 1967.
8 ad de Gironde, 3 E 20561 (Me Barberet).
9 Ibidem.
10 Acte passé devant Me Charles Pugens notaire à Toulouse. AD de Haute-Garonne, 3 E 6476 (Me Pugens).
11 ad de Gironde, 3 E 20564 (Me Barberet).
12 ad de Gironde, 3 E 20571 (Me Barberet).
13 Ibidem.
14 Cette obligation de 6 900 livres est inscrite dans une balance du 26 octobre 1788 (inscrite au livre-journal 1787-1791). En 1785, le comte de Noé emprunte encore 15 368 livres à la maison Gradis (balance de 1807). On ne sait pourquoi le comte de Noé a engagé ces opérations. Voir Paul Butel, Les négociants bordelais, l’Europe et les Iles au xviiie siècle, op. cit.
15 Date à laquelle Joseph Guillem leur remet les papiers que feu Raymond Lassus possédait.
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Un grand seigneur et ses esclaves
Ce livre est cité par
- Alcouffe, Alain. Massot-Bordenave, Philippe. (2020) Adam Smith in Toulouse and Occitania. DOI: 10.1007/978-3-030-46578-0_4
- Cousseau, Vincent. (2018) Les liens familiaux des esclaves à Saint-Domingue au xviiie siècle. L’exemple des habitations Galliffet (1774-1775). Annales de démographie historique, n° 135. DOI: 10.3917/adh.135.0021
Un grand seigneur et ses esclaves
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