Introduction
p. 251-253
Texte intégral
1Dans cette dernière partie, ce sont donc les monnayages des cités que nous allons étudier. À la seule classification traditionnelle par ateliers, suivant une progression d’est en ouest, on a rajouté un regroupement de ces derniers en trois zones de monnayages bien caractérisées. Cette démarche permettra de souligner davantage la contribution de la numismatique à la connaissance des grands ensembles régionaux de l’Afrique du Nord en marquant les spécificités régionales.
2La zone orientale, la plus riche, correspond au foyer monétaire le plus puissant du Maghreb antique. Son centre est la Carthage romaine qui retrouve une partie du rôle monétaire qu’elle avait joué à l’époque punique. Cette zone est suffisamment diverse pour que l’on puisse y distinguer quatre sous-ensembles caractérisés par leur plus ou moins grand éloignement de la capitale provinciale. La Zeugitane constitue un premier sous-ensemble directement et totalement influencée par Carthage. Si l’on s’éloigne vers le sud, on rencontre les Emporia, vieilles cités phénicopuniques qui constituent les deux sous-ensembles de Byzacène et Tripolitaine. L’important tissu urbain y a généré un abondant monnayage. Ce dernier garde en Tripolitaine, la plus éloignée du siège proconsulaire, de nombreux traits liés à la civilisation punique, tandis qu’en Byzacène se retrouve une plus grande confluence entre ce monde punique traditionnel et les influences venues de Rome via Carthage. Si, au contraire, on quitte Carthage en direction de l’ouest, on trouve le quatrième sous-ensemble, la Numidie où le poids du territoire rural est beaucoup plus lourd. La monnaie poliade y reste un phénomène d’ampleur limitée1.
3La deuxième zone, au centre du Maghreb, avec pour foyer monétaire principal Iol-Caesarea, est beaucoup plus faiblement monétarisée. On y trouve essentiellement une rencontre des influences monétaires venues des deux zones orientale et occidentale du Maghreb.
4La troisième zone, celle de Maurétanie tingitane, est organisée autour des centres d’émissions de Tingi, Lixus et šmš. Elle est fortement caractérisée par son appartenance au « circuit du Détroit ». C’est-à-dire que l’on y trouve aussi bien un héritage phénico-punique de type hispanique, que des influences romaines, le tout passant par le relais de Gadès. Cette cité joue ici le même rôle que Carthage, successivement foyer de civilisation sémitique, puis de romanisation, mais sans avoir connu la même rupture dramatique dans son existence2.
5Les monnaies poliades présentent un intérêt tout particulier dans la mesure où elles sont parfaitement complémentaires des monnayages précédents, ceux de Carthage et des rois berbères. Les émissions puniques et les frappes royales avaient comme point commun de représenter une volonté unificatrice, le désir de rassembler selon des normes politiques, économiques et culturelles communes les espaces dépendant de leur autorité centrale. En raison de l’affaiblissement et de la disparition de la Carthage punique, des concessions que le pouvoir royal dut faire aux cités des royaumes, et de l’incapacité de l’atelier de Rome à alimenter la province d’Afrique en numéraire, on vit éclore les monnayages poliades qui cherchaient, au contraire des monnayages centraux, à affirmer leurs particularités. D’où des frappes diversifiées dont l’analyse permet une approche complémentaire des études précédentes. On perçoit ainsi les spécificités de chaque cité et en même temps les traits communs à certaines d’entre elles. On peut de la sorte préciser quelques aspects particuliers de ces régions, ainsi que les évolutions politiques, économiques et culturelles locales sur lesquelles reposait la diversité de l’Afrique du Nord antique.
6L’autre intérêt des monnayages poliades est de nous présenter, à travers leur évolution métrologique et iconographique, des tableaux successifs et régionalement différenciés de l’intégration progressive des cités d’Afrique et de leurs élites dirigeantes dans l’ordre méditerranéen romain.
Notes de bas de page
1 La coutume numismatique nous a imposé l’étude de ces zones et de leurs sous-ensembles non pas selon l’ordre logique indiqué dans cette introduction, mais selon une progression géographique d’est en ouest.
2 Au total, nous avons distingué une première zone correspondant, pour l’essentiel, à l’Afrique proconsulaire dans son extension maximale, puis une zone centrale correspondant à la Maurétanie césarienne d’époque claudienne, et enfin une zone occidentale coïncidant avec la Maurétanie tingitane. Notre division régionale recoupe donc de manière générale les grands ensembles administratifs de l’époque julio-claudienne. Nous ne l’avons pas choisie pour cela, mais la coïncidence des ensembles administratifs et monétaires n’est évidemment pas fortuite.
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