Version classiqueVersion mobile

Les monnaies de l’Afrique antique

 | 
Jacques Alexandropoulos

Première partie. Les monnayages de la Carthage punique

Chapitre 3. La deuxième guerre punique

Texte intégral

  • 1 P. Marchetti, 1978, p. 434-435 et 440-sqq.

1En 1978, P. Marchetti faisait paraître un ouvrage intitulé Histoire économique et monétaire de la deuxième guerre punique. L’auteur, partant d’un inventaire minutieux de l’effort de guerre romain rapporté par Tite-Live, en étudiait les conséquences sur le trésor et l’évolution de la monnaie durant le conflit. Le point de vue était donc romano-centriste, sans que l’on puisse naturellement en faire grief à l’auteur puisque les sources littéraires puniques font totalement défaut si l’on excepte leur écho déformé dans nos sources gréco-latines. Cependant, cette perspective romano-centriste, aboutissait à des interprétations déroutantes sur les monnayages puniques du conflit. Ainsi, par exemple, des bronzes émis à Carthage apparaissaient comme des émissions d’Hannibal de métrologie campanienne, tandis que des demis et des quarts de shekels parfaits, frappés sous autorité punique, se trouvaient rebaptisés en fonction d’une métrologie grecque puis romaine1. Qu’un quart de shekel soit compatible avec une métrologie romaine et même éventuellement émis par souci de cette compatibilité n’empêche pas qu’il reste un quart de shekel, surtout lorsque la puissance émettrice continue par ailleurs jusqu’à sa fin à frapper monnaie selon cette métrologie du shekel.

2Si nous entamons ce chapitre par la mention du travail de P. Marchetti, c’est pour souligner deux choses : d’abord l’extrême pauvreté de notre documentation sur les finances de Carthage pour la période considérée, et en particulier l’immense disproportion avec les données romaines, et ensuite pour insister sur la nécessité absolue de ne pas pallier cette lacune en accélérant l’histoire, en avançant par la pensée un phénomène de romanisation de la monnaie d’Afrique qui fut en réalité extrêmement lent.

3La deuxième guerre punique toucha par l’action militaire ou diplomatique l’ensemble de la Méditerranée occidentale, et cela avec des répercussions orientales. Accompagnant l’avancée des troupes carthaginoises et incarnant l’influence politique, diplomatique et culturelle de Carthage avant et après le conflit, le monnayage punique se développa en Espagne au moment de la conquête d’Hamilcar et de ses successeurs, puis apparut dans des ateliers militaires d’Italie lorsqu’Hannibal y mena ses troupes. On le retrouve par contre-coup en Sicile où il s’était naturellement interrompu à la suite de l’annexion romaine de 241 av. J.-C., et bien sûr, continua parallèlement son développement en Afrique du Nord où il devait donner naissance aux monnayages des souverains numides dont nous parlerons plus loin.

  • 2 A. Tusa Cutroni, 1991, p. 59 sqq.

4Durant cette période dominée par le deuxième conflit contre Rome, le monnayage punique, qui avait eu au ive siècle un début tardif et tributaire de modèles extérieurs, va donc voir son domaine de circulation et d’influence s’étendre à une bonne partie des régions côtières de la Méditerranée occidentale. Le remarquable redressement de Carthage après sa défaite de 241 av. J.-C., puis son avancée militaire au cours du deuxième conflit contre Rome expliquent cette nouvelle expansion du monnayage punique et lui donnent des traits neufs. Il vaudrait d’ailleurs mieux ici parler des monnayages puniques compte tenu des transformations qu’on leur voit subir selon les régions. On peut en effet suivre, en fonction des nécessités locales, les modifications iconographiques ou métrologiques qui permettent une meilleure adaptation de ces monnayages à leur zone de circulation2. Si à Carthage même ces transformations sont minimes puisque le conflit, hormis ses dernières phases, se déroula essentiellement sur des théâtres d’opérations extérieurs, en revanche, on peut distinguer très nettement deux zones bien caractérisées extérieures à l’Afrique : un premier groupe de monnayages puniques s’organise en fonction des données ibériques, un second en fonction de la zone italo-sicilienne du conflit. Nous n’en rappellerons que ce qu’il faut pour éclairer l’analyse des émissions africaines.

Les monnayages de la zone espagnole

5Nous avons étudié plus haut les monnaies carthaginoises frappées durant la première guerre punique et la révolte libyenne. Leur aloi était tout à fait significatif de la misère des finances puniques : électrum à basse teneur en or et mauvais billon, voire monnaies de cuivre légèrement argentées. On imagine, le péril passé, la nécessité de trouver de nouvelles ressources pour le trésor de Carthage. C’est l’origine bien connue de l’expédition d’Hamilcar en Ibérie. Il fallait désormais assurer une exploitation directe des mines d’argent d’Espagne, ce qui ne pouvait se faire sans une présence militaire effective permettant de supprimer les intermédiaires ibères et phéniciens qui, auparavant, prenaient leur part sur la production minière. Cette surveillance directe s’expliquait aussi par de nouvelles données stratégiques. Avant la première guerre punique, il était facile pour Carthage de faire du sud de la Méditerranée occidentale un lac punique étroitement contrôlé à partir des bases de Sicile, de Sardaigne et des Baléares. Après l’annexion par Rome de la Sicile puis de la Sardaigne, les régions autrefois « protégées » par Carthage, qu’il s’agisse des villes, certainement très peu nombreuses, qui dépendaient directement d’elles, ou de cités phéniciennes importantes comme Gadès vis-à-vis desquelles Carthage s’était sans doute arrogé un rôle de redistributeur commercial, ces régions donc, se trouvaient désormais ouvertes. Une présence militaire directe devenait nécessaire pour remplacer l’ancienne couverture navale. Ce changement des données stratégiques explique tout autant qu’une crainte due aux défaites navales contre Rome le changement intervenu dans les armées puniques, de plus en plus terrestres. Cette transformation impliquait elle-même un besoin croissant de fantassins permanents. La révolte libyenne avait montré le coût et les risques de l’utilisation des mercenaires et des recrues africaines. L’emploi d’Ibères dont la loyauté allait devenir proverbiale ainsi que la possibilité de trouver sur place le moyen inépuisable de les payer résolvaient les problèmes de Carthage. Une partie du métal contrôlé par les Barcides fut employée à des frappes locales, l’autre fut expédiée vers Carthage où elle permit de renouer avec des frappes de qualité. Passons rapidement en revue les monnayages émis en Espagne.

  • 3 L. Villaronga, 1973 classe II, type I, groupe I et classe VI.

6Les monnaies d’or sont peu nombreuses. Les plus communes de ces rares monnaies portent au droit une victoire et au revers un cheval au galop. Ces thèmes rompent avec la présence habituelle de Tanit sur les monnayages puniques au profit d’une iconographie de la victoire qui nous rapproche d’une idéologie royale hellénistique. D’autres monnaies d’or confirment cette tendance en montrant au droit une effigie imberbe coiffée du diadème royal. Ces monnaies sont frappées sur la base du shekel3.

  • 4 L. Villaronga, 1973, classe I, II et III. D’autres émissions ultérieures reprennent l’effigie de T (...)

7Les monnaies d’argent sont plus nombreuses. Si les premières d’entre elles reprennent des types communs à Carthage, la tête de Tanit et le cheval debout, les suivantes en revanche, montrent des motifs originaux comme la proue de navire ou l’éléphant, symbole hellénistique de la victoire et également animal emblématique des troupes puniques lorsqu’il est figuré, sur certaines espèces divisionnaires, monté de son cornac4.

  • 5 L. Villaronga, 1973, classe II (tête imberbe diadémée), et classe III (autres effigies).
  • 6 C. Alfaro Asins, 1988, série I.
  • 7 Abondante bibliographie sur le sujet depuis E.S.G. Robinson, 1956/2, p. 34-53 suggérant une interp (...)
  • 8 Fabius Pictor apud Polybe, III, 8, 1-6.
  • 9 Voir surtout les hypothèses de G. Ch. Picard, 1963, p. 31-41 ; 1964, p. 195-207 ; 1967, p. 104-108 (...)
  • 10 Voir infra, p. 142-143.
  • 11 Sur cette « révolution barcide » voir les points de vue opposés de G. Picard, 1970, p. 272 et 307 (...)

8Au droit de certaines de ces monnaies barcides, on trouve des effigies qui ont été abondamment commentées. Imberbes ou barbues, diadémées ou laurées, elles sont parfois accompagnée d’une massue5. Si la tête diadémée suggère nettement une effigie royale, la massue qui accompagne les autres postule une identification à Héraklès-Melqart, le dieu maître de Gadès. Il n’y aurait rien d’étonnant à cette célébration du dieu local si cette iconographie de Melqart ne rompait pas avec celle qui ornait jusque là les monnaies de Gadès : un buste du dieu imberbe, coiffé de la léontè avec la massue sur l’épaule6. La présence sur les monnaies barcides d’une effigie diadémée, l’alternance de têtes imberbes et barbues facilement interprétables comme des représentations individuelles, bref, un étonnant renouveau iconographique, ont fait penser qu’il pouvait s’agir des portraits d’Hamilcar, Hasdrubal et Hannibal, membres d’une véritable « dynastie » barcide exerçant en Espagne une royauté de fait, de plus en plus indépendante de Carthage7. Les textes de certains historiens gréco-romains semblaient corroborer tout cela. Polybe, en particulier, citant Fabius Pictor, laisse entendre qu’Hasdrubal aurait été accusé d’établir une vraie royauté en Espagne8. Et il est sûr que toute une tradition littéraire romaine avait dû aller dans ce sens. De nos jours, l’irritante absence de portrait assuré d’Hannibal a vraisemblablement aidé aux identifications hâtives de ces portraits monétaires avec les généraux barcides9. En réalité, et pour nous en tenir au seul témoignage des monnaies, il est certain que l’on y sent une modification de l’iconographie punique habituelle en faveur de motifs qui pourraient faire penser à une tentation monarchique. Les nouvelles modalités de la représentation d’Héraklès-Melqart sont assez significatives à cet égard et il est vrai que l’ambiguïté de ces représentations, devant lesquelles nous hésitons de nos jours, était certainement perçue de même à l’époque. En ce sens les monnaies rejoignent le caractère, d’ailleurs indirect, du témoignage de Polybe. Mais il faut à l’inverse remarquer qu’aucune de ces monnaies ne porte, comme ce sera le cas des monnayages de Syphax et Verminad qui s’en inspirent directement10, l’indication du nom des personnalités en question. Cela n’aurait pas manqué s’il y avait eu fondation effective d’un État ou d’une dynastie au plein sens du terme. Il y avait seulement ambiguïté et de fait on voit mal comment, à l’époque, des chefs de guerre imbus d’hellénisme, opérant loin de Carthage, multipliant les succès militaires, auraient pu renoncer aux formes devenues habituelles dans le monde hellénistique de l’expression du culte de la personnalité. On a déjà dit comment les Barcides représentaient à Carthage une volonté d’évolution du système politique de la cité punique vers des formes inspirées des royaumes hellénistiques, et notamment par le biais d’une personnalisation accrue du pouvoir, d’une accentuation du rôle du peuple au détriment de l’aristocratie, d’une meilleure fusion de Carthage avec les autres composantes de son empire, cités, tribus et peuples11. L’Espagne, par son éloignement, a constitué un champ d’expérimentation exceptionnel et permis un épanouissement particulier de toutes ces tendances incarnées par les Barcides. Les conséquences en seront capitales pour l’Afrique et d’abord une accentuation du dédoublement de l’influence punique, déjà observé à l’occasion de la guerre des mercenaires, entre des tendances traditionnalistes et un renouveau hellénisant. Mais maintenant, chacun des éléments de ce dédoublement correspond à une implantation géographique particulière. Carthage reste un lieu de tradition, tandis que d’Espagne se propage une version hellénisée de la punicisation. C’est cette dernière qui influencera notamment Syphax, dont la capitale, Siga, était au contact direct de l’Espagne. Cela étant, il est impossible de savoir jusqu’où sont allés les Barcides dans cette direction. Il est donc particulièrement important de ne pas forcer la portée du témoignage des monnaies. On est dans l’incapacité de prouver que les effigies qu’elles portent sont des portraits et elles ne font aucune référence explicite à un pouvoir personnel ni à un État quelconque. On ne peut donc les utiliser comme preuves de l’existence d’un « royaume » barcide en Espagne. Ce dont elles portent la marque, c’est du courant idéologique dont les Barcides étaient les plus illustres représentants.

  • 12 Sur les fonctions politiques et économiques du temple de Gadès, voir les hypothèses de L.I. Manfre (...)

9Dans quelle mesure doit-on rapprocher cette iconographie barcide, qui fait une certaine place à la représentation d’un pouvoir individuel et qui reprend des motifs liés à Melqart, de thèmes monétaires autrefois utilisés par Carthage ? E. Acquaro et L.I. Manfredi, en particulier, ont développé l’idée d’un certain écho qui relierait ainsi les frappes barcides aux tétradrachmes puniques émis en Sicile au ive siècle. On retrouverait alors certains points communs aux deux situations, comme le rôle joué par les temples dans l’économie monétaire, ainsi qu’une certaine forme de délocalisation du pouvoir central qui fait une place au pouvoir personnel sans aller cependant jusqu’à la création d’un État barcide indépendant. Les Barcides auraient, sur ces bases, préparé de longue date un plan à vaste échelle pour contrer Rome et récupérer les atouts perdus par Carthage. L’exécution de ce plan supposait par ailleurs pour la cité punique une évolution politique de type hellénistique et s’appuyait sur les traditions d’ouverture méditerranéenne des temples de Melqart12. Que les Barcides aient animé un plan de redressement de Carthage face à l’impérialisme romain est évident, et que cela ait conduit à une nouvelle pratique du pouvoir et à certaines réformes politiques de type hellénistique l’est tout autant, comme on l’a vu. On peut rester plus réservé sur les liens de cette politique avec l’organisation du culte de Melqart et sur le sens donné à l’iconographie monétaire héracléenne. Il faut garder à l’esprit que nous ne savons pas grand chose de la fonction politique et monétaire des temples puniques en Occident, et que les thèmes hérakléens sont à l’époque barcide suffisamment galvaudés dans le monde hellénistique pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y voir une référence précise à la période antérieure du ive siècle.

  • 13 L. Villaronga, 1973, p. 100 ; 1979, p. 104.

10Sur le plan métrologique ces monnaies sont intéressantes car elles reprennent la métrologie du shekel alors que, comme on l’a vu, les monnaies d’argent grecques et phénico-puniques d’Espagne obéissaient jusque là dans la région à un étalon qui pouvait apparaître comme un compromis entre le shekel et la drachme massaliote. La volonté est ici très nette de faire passer directement l’Espagne au sein du domaine carthaginois au mépris des équilibres qui avaient pu s’établir auparavant entre les Grecs et les Phéniciens de la Péninsule. Il est facile d’imaginer quels pouvaient être dès lors les sentiments nourris par ces Phéniciens envers Carthage, et l’opportunisme n’est peut-être pas la seule raison de la défection de Gadès au moment de la victoire de Scipion en Espagne (Tite-Live, XXVIII, 37, 1-2). Toujours sur le plan métrologique, il reste difficile d’expliquer le poids particulier du shekel d’Espagne : 7,2 g pour l’argent et 7,5 g pour l’or13.

  • 14 L. Villaronga, 1973, clase VIII, no 110-112 et 115-116.
  • 15 L. Villaronga, 1973, p. 101 sqq. ; 1979, p. 104 ; C. Alfaro Asins, 1988, p. 76 sqq.
  • 16 L. Villaronga, 1973, claseVIII, no 114 et 117.

11En ce qui concerne les monnaies de bronze barcides, on peut faire une double remarque : l’iconographie reprend, pour une première phase d’émissions, l’effigie de Tanit et le protomé de cheval qui avaient orné les espèces de bronze couramment utilisées lors de la dernière guerre contre Rome en Sicile (no 57)14. En revanche, la métrologie s’en éloigne pour adopter celle des bronzes qui circulaient jusque là à Gades, Malaca et Ebusus. Ces monnaies sont en effet frappées avec un poids de 8-9 g, constituant des doubles des monnaies de 4,5 g utilisées antérieurement par les Phéniciens d’Espagne. Il est difficile de retrouver l’origine de cet étalon commun15. On notera d’autre part, la frappe d’un très grand nombre de sous-multiples ornés de l’effigie de Tanit et d’un casque, qui montrent les progrès quantitatifs que la présence de l’armée carthaginoise fit accomplir à l’économie monétaire dans le sud de la péninsule Ibérique16.

  • 17 L. Villaronga, 1973, clase X, no 123-128. Pour l’iconographie, p. 54-55.
  • 18 L. Villaronga, 1973, p. 101 sqq. ; C. Alfaro Asins, 1988, p. 76 sqq.

12À cette première phase des monnayages barcides de bronze succède une seconde qui marque une nette évolution à la fois iconographique et métrologique. L’effigie de Tanit est remplacée par une tête féminine casquée que L. Villaronga définit comme une Tanit guerrière sous les traits d’Athéna17. C’est sur le plan métrologique que l’évolution est la plus intéressante pour nous, car elle aura une incidence sur les monnayages de Numidie. L’unité monétaire passe de 8-9 g à 10-11 g sans que l’origine de ce nouvel étalon soit connue18. Trois espèces divisionnaires sont attestées dans ce nouveau système :

23-25 mm

10-11 g

Unité (Villaronga, 1973, no 123-125 ; 282)

18-22 mm

5,5 g

1/2 Unité (Idem, 126)

14 mm

2 g

1/4 Unité ? (Idem, 283)

  • 19 L. Villaronga, 1973, 123-125 et 126-127 (Ière série) ; 282 et 283 (2e série). Répartition légèreme (...)

13Deux séries sont frappées selon cette métrologie : une première à l’effigie « d’Athéna » comprenant des unités et des demis ; une seconde avec une effigie qui paraît bien être un type dérivé de l’Héraklès-Melqart des monnaies d’argent, et comportant des unités et des quarts (?)19.

14Ces monnayages puniques d’Espagne sont particulièrement importants. Débarrassés, par la distance et par la nouveauté de l’aventure barcide, du poids de la tradition monétaire carthaginoise, maintenant bien établie, ils nous montrent les facultés d’adaptation du monnayage punique à des conditions locales, dans le cas du bronze, et en même temps, dans le cas de l’argent, la volonté de faire servir l’Espagne au redressement de Carthage en la prenant fermement en main. Et de fait, on sait que c’est l’argent espagnol qui servit à payer les premières échéances de l’indemnité due à Rome au titre du traité de 241 av. J.-C. Ces monnayages espagnols montrent d’autre part, en tranchant sur les habitudes iconographiques puniques, l’évolution vers des modes de pensée hellénistiques de certains membres de l’aristocratie carthaginoise. En ce sens, ils auront une influence décisive sur certains monnayages numides, ceux des Masaesyles, et marqueront ensuite jusqu’à certaines émissions de Juba II.

Les monnayages puniques d’Italie et de Sicile

  • 20 E.S.G. Robinson, 1964, p. 37-64 ; P. Marchetti, 1978, p. 432 sqq. ; G.K. Jenkins, 1987, p. 215-234 (...)

15Les monnayages émis par les Carthaginois et leurs alliés en Italie et en Sicile sont également très complexes20. Cela tient essentiellement au contexte historique en général, monétaire en particulier, dans lequel ils ont éclos. Le contexte d’ensemble est celui de l’intervention d’Hannibal en Italie, qui dura quinze ans, de 218 à 203 av. J.-C. et des tentatives puniques pour réinstaller la puissance carthaginoise en Sicile, en particulier après la mort en 215 av. J.-C. du roi Hiéron II, favorable à Rome, et son remplacement par Hiéronyme qui adopta une politique pro-punique. Nous sommes donc dans une période où l’effort de guerre punique est particulièrement intense et où il conditionne l’évolution des espèces monétaires en fonction des possibilités du trésor. D’autre part les opérations militaires avaient lieu dans un milieu déjà largement et diversement monétarisé, celui des cités grecques et campaniennes, qui avaient leurs propres traditions monétaires, elles-mêmes susceptibles d’évoluer au gré des événéments et des alliances contractées. Tout cela crée un contexte monétaire extrêmement fluctuant fait d’adaptations des diverses émissions entre elles et aux possibilités de trésorerie des belligérants. Les questions de métrologie sont donc particulièrement épineuses. Si l’on tient compte par ailleurs de la fonction politique de la monnaie, dont l’iconographie reflète, entre autres, la complexité du jeu des alliances et de leurs renversements, on conviendra que la tâche du numismate est ici passablement rude. Et de fait, aucune synthèse exhaustive et satisfaisante sur le sujet n’a encore vu le jour. Pour notre part, nous n’avons pas à traiter ici de ces monnayages, mais seulement à en indiquer les traits essentiels susceptibles d’éclairer la situation africaine.

  • 21 G.K. Jenkins, 1987, p. 223-224.

16La première difficulté concernant ces monnayages est de distinguer ceux qui ont été véritablement émis en Italie et en Sicile de ceux qui, sortis des ateliers de Carthage, ont pu être immédiatement et en quasi totalité envoyés sur les théâtres d’opération italiens. Pour ces dernières émissions, des indications de provenance italiennes ou siciliennes peuvent évidemment faire croire à des frappes locales. Il faudra donc recourir à d’autres critères de détermination, et l’on ne peut que souscrire à l’analyse stylistique remarquable effectuée par G.K. Jenkins sur les séries monétaires de l’époque d’Hannibal21. En partant de ses remarques, on peut facilement mettre en évidence une identité de style patente entre certains exemplaires de diverses séries. G.K. Jenkins retrouve en particulier des équivalences stylistiques entre les monnaies suivantes :

Electrum

Argent

Bronze

no 73-74

no 78

no 84-85 et 90

17Il en déduit une appartenance de tous ces monnayages à un même atelier. Les indices de provenance sont d’ailleurs clairs pour le bronze : hormis quelques exemplaires isolés du type 88 et 90 retrouvés en Sicile et Sardaigne, la quasi totalité des provenance qu’il cite est africaine. Il en conclut à une origine carthaginoise pour toutes ces émissions, caractérisées par ailleurs par une orientation régulière à 12 h de l’axe des coins, typique de l’atelier de Carthage.

  • 22 G.K. Jenkins, 1969, no 367-369.
  • 23 G.K. Jenkins, 1969, no 359-364. En dernier lieu pour l’attribution, L.I. Manfredi, 1995, p. 377, n(...)
  • 24 G.K. Jenkins, 1987, p. 218.
  • 25 G.K. Jenkins, 1987, p. 220.

18On peut alors reconnaître les émissions produites par les Carthaginois en Italie, abstraction faite des monnaies de leurs alliés. Il s’agit d’abord de deux séries de monnaies d’argent. On s’accorde dans l’ensemble à considérer comme frappée dans le Bruttium celle qui se caractérise par une coiffure « ramassée » de Tanit au droit, et au revers par un palmier accompagnant le cheval sur l’espèce divisionnaire supérieure22. Une deuxième série se distingue par de longues boucles tombant sur la nuque de la déesse et un uraeus surmontant le cheval au revers de l’espèce supérieure. Les numismates sont également d’accord pour y voir une frappe italienne23. Il resterait à situer plus précisément l’origine de ces émissions. La première, en raison de similitudes avec le monnayage des Brettiens est parfois attribuée à Locres, mais sans certitude24. La seconde, dont le style se rapproche des émissions de Hiéron II et Hiéronyme est également attribuée à un atelier du Bruttium, Peut-être Crotone25.

  • 26 1969, 370-377.
  • 27 1969, 365-366.
  • 28 En dernier lieu sur les bronzes : P. Visona, 1991, p. 149-160. Sur la propagande antiromaine : E. (...)

19Il existe ensuite des séries de bronze, reprenant dans un premier temps une iconographie de type traditionnel : effigie de Tanit au droit et, au revers, un protomé de cheval, un cheval debout, parfois détournant la tête, d’autres fois flanqué d’un palmier26. Par la suite, se substituera à ce premier jeu de motifs l’effigie d’Apollon accompagnée du cheval habituel27. Cet élargissement de l’éventail des motifs iconographiques utilisé aurait un but politique : il s’agirait d’assurer une meilleure représentation sur le monnayage des diverses composantes de l’alliance anti-romaine. L’accord n’est actuellement pas fait, entre les numismates sur le lieu d’émission de tous ces bronzes, ni même sur leur origine totalement italique28.

20Ces émissions péninsulaires, capitales pour une étude des épisodes italiens du deuxième conflit entre Rome et Carthage, n’ont eu cependant aucune incidence sur les monnayages africains. Nous nous limiterons donc à cette mention rapide.

  • 29 Pour une vue d’ensemble sur ces émissions siciliennes : P. Marchetti, 1992, p. 107-120.
  • 30 G.K. Jenkins, 1969, no 382-383. Attribuée à Agrigente par P. Marchetti, 1992, p. 119. Attribution (...)
  • 31 G.K. Jenkins, 1969, no 378-380. Attribuée à Morgantina par P. Marchetti, 1992, p. 120. Attribution (...)
  • 32 En faveur de portraits de généraux, voir surtout P. Marchetti, 1992, p. 120, qui, revenant en part (...)

21Il en va de même pour les monnayages carthaginois de Sicile à propos desquels P. Marchetti souligne d’emblée leur circulation strictement insulaire29. En Sicile, les ateliers du camp punique émirent deux séries de monnaies d’argent, caractérisées pour la première par une effigie virile coiffée d’épis et un éléphant30, pour la seconde par une effigie virile coiffée d’épis et un cheval au galop31. Les effigies sont considérées parfois comme celle de généraux puniques, parfois comme celles de divinités comme Triptolème ou Melqart32. La question reste insoluble en l’état actuel de la documentation. L’hypothèse de portraits de généraux doit être traitée avec la même prudence que dans le cas des monnaies barcides d’Espagne et appelle une réponse similaire : les preuves manquent totalement, même si l’époque et les circonstances n’excluent pas que des allusions plus ou moins timides soient faites sur le monnayage à tel ou tel général. L’identification avec l’une ou l’autre divinité demeure également pour l’essentiel hypothétique en l’absence de références extérieures assurées.

  • 33 G.K. Jenkins, 1969, no 381 ; L.I. Manfredi, 1995, p. 334, no 1-4, et p. 210-211 pour un point de l (...)
  • 34 L. Müller, 1860, III, p. 40 ; G.K. Jenkins, 1969, no 381 ; L.I. Manfredi, 1995, p. 209.

22En Sicile furent également frappées des monnaies de bronze. Elles portent au droit une effigie féminine voilée, et au revers un cheval au galop flanqué d’une palme, d’une couronne, ou entouré d’une couronne33. Cette effigie était considérée comme celle de Cérès par L. Müller, Déméter par G.K. Jenkins, tandis que L.I. Manfredi préfère voir derrière cette déesse voilée l’Astarté érycine34.

  • 35 L. Müller, loc. cit., G.K. Jenkins, 1969, no 378-380 et 382-383 ; P. Marchetti, 1978, p 434 sqq. ; (...)

23La métrologie de toutes ces monnaies puniques d’Italie et de Sicile a soulevé des discussions. Traditionnellement considérés comme relevant d’une métrologie punique, les poids du numéraire d’argent ont été rapprochés par P. Marchetti de la métrologie romaine et ces monnaies ont été dénommées par lui « victoriats », « deniers », « quinaires » et « sesterces ». En fait ces espèces ont été émises dans un souci de compatibilité entre les systèmes romain et punique, ce qui nous autorise, dans une perspective africaniste à les considérer comme de métrologie punique35. Plutôt que de débattre de ce qui est très vraisemblablement un faux problème, il vaut mieux admettre l’idée que les monnayeurs puniques ont cherché ici à s’adapter à une réalité monétaire complexe en émettant des espèces interchangeables avec les systèmes monétaires des deux camps. On en retiendra l’importance du concept de « compatibilité », fondamental pour expliquer l’évolution d’un nombre important de monnayages africains, comme nous aurons l’occasion de le voir tout au long de ce travail

  • 36 Voir articles cités en note 28 et L.I. Manfredi, 1991, p. 43 sqq.

24La métrologie des monnaies de bronze reste incertaine On a récemment insisté sur les liens typologiques et stylistiques qui uniraient les monnayages puniques d’Espagne et d’Italie, en particulier l’existence du bimétallisme et la reprise de certains motifs iconographiques comme le buste de cheval. Jusqu’où vont ces liens ? Doit-on considérer qu’une partie du monnayage « italien » avait déjà été préparée en Espagne ? Les graveurs furent-ils parfois les mêmes ? Quelles sont précisément les liens métrologiques entre tous ces monnayages ? Ces questions restent en suspens36.

Les monnayages africains

Attribution

25Ils restent les plus mal connus de l’ensemble des émissions puniques du conflit. Une première difficulté consiste déjà à les identifier avec certitude et à les cadrer chronologiquement. En effet, comme pour les époques antérieures du monnayage punique, les études sur les émissions de la deuxième guerre contre Rome ont essentiellement porté sur le matériel monétaire trouvé en Italie et Sicile. Il y a là plusieurs raisons, déjà évoquées. D’abord l’essor considérable qui a été donné aux études phénico-puniques par les chercheurs italiens à partir des données locales, ensuite les difficultés rencontrées depuis l’origine dans la préservation et l’organisation du patrimoine monétaire en Afrique du Nord. Ces circonstances amènent, dans l’appréciation globale du monnayage punique, à surévaluer le foyer monétaire de Grande Grèce et de Sicile. Pour la période de la deuxième guerre punique, on peut supposer que cette distorsion méthodologique est accentuée par les circonstances historiques. Comme nous l’avons dit plus haut, il est très vraisemblable que pour certaines émissions l’essentiel des monnaies émises à Carthage prit presque immédiatement la direction des divers champs d’opération hispaniques et italiens. D’autre part, tout de suite après la guerre, Carthage dut commencer à payer à Rome une très lourde indemnité. Ces deux faits contribuèrent sans doute à raréfier sur place des monnayages qui y étaient autrefois abondants et à susciter des émissions de remplacement. Tout cela fausse donc le regard que nous pouvons porter sur les monnayages carthaginois d’Afrique durant la deuxième guerre punique et rend difficile leur identification assurée. L’absence de données suffisantes sur les trouvailles isolées ou groupées réduit d’autre part le numismate à une étude interne des monnaies pour en débrouiller la chronologie. Il est en particulier délicat de faire la différence entre les émissions de la phase avancée du conflit, qui doivent déjà logiquement se caractériser par un aloi appauvri, et ceux de l’après-guerre, l’époque des plus grandes difficultés. À cet égard, la répartition que nous avons choisie, après d’autres, entre les monnayages d’avant et d’après 201 av. J.-C. ne peut être assurée.

  • 37 igch, no 2300 : plus de 3 000 monnaies.
  • 38 G.K. Jenkins, 1963, p. 47.
  • 39 Il faisait allusion notamment à la trouvaille de Bougie : igch , no 2296 et à des trouvailles isol (...)

26L’attribution à Carthage de certains de ces monnayages de la deuxième guerre punique ne fait guère de doutes. C’est le cas, en particulier, des émissions de billon no 81 dont une importante trouvaille a été faite à El Djem en 193637. Les similitudes stylistiques qui relient ces émissions de billon sûrement carthaginoises aux monnaies d’or no 7638 impliquent que ces dernières relèvent également de l’atelier de Carthage. Pour les autres émissions, l’attribution est moins immédiate, et on doit ici se fonder, comme on l’a vu à propos des monnayages de Sicile et d’Italie, sur les ressemblances stylistiques qui unissent certaines d’entre elles. G.K. Jenkins avait posé des jalons essentiels dans ce domaine. On se souvient d’un lien stylistique qui reliait les monnaies d’électrum no 73 et 74 aux monnaies d’argent no 78 et de bronze no 84-85 et 90. Sur certains exemplaires de toutes ces monnaies, l’effigie de Tanit montre une rigoureuse homogénéité de facture impliquant un même atelier d’origine. Or, on peut retrouver ces similitudes sur les émissions de bronze no 86 et 88. On reconnaît également sur certaines monnaies d’électrum (no 73) et certains bronzes no 86 une même particularité : la présence au droit d’un filet circulaire croisé par l’arc d’un autre filet comme s’il s’agissait d’une frappe en chaîne. Il semble que nous ayons là un ensemble d’éléments qui engagent à postuler une même origine pour toutes ces frappes et également une certaine contemporanéité. Quelle est cette origine ? G.K. Jenkins proposait d’attribuer à l’atelier de Carthage les monnaies d’électrum no 73 dont les provenances connues sont africaines. Il remarquait aussi qu’au sein de l’ubiquité des provenances des bronzes, l’Afrique était largement représentée39. Au total il semble que l’on puisse sans trop de réserves assigner à l’atelier de Carthage les émissions d’électrum no 73-74 les monnaies d’argent no 78 ainsi que les bronzes no 84-85 et une notable partie des bronzes no 86-96.

  • 40 G.K. Jenkins, 1963, groupe XVI, p. 48 sqq.
  • 41 G.K. Jenkins, 1987, p. 223-224.
  • 42 Entre autres, P. Marchetti, 1978, p. 432 ; P. Serafin Petrillo, 1990, p. 313-321.

27En fait, les doutes s’étaient surtout longtemps focalisés sur l’attribution africaine des monnaies d’électrum no 74 et des monnaies de bronze no 84. G.K. Jenkins a fait depuis longtemps le point sur les premières, qui se caractérisent par une effigie janiforme au droit et un quadrige au revers40. L’auteur avait d’abord opté pour un atelier capouan travaillant pour Hannibal. Il était ensuite revenu sur cette opinion, et, pencherait plutôt pour une attribution à Carthage pour des raisons de technique de frappe, outre les raisons stylistiques déjà évoquées. Il s’agirait donc encore d’un exemple de monnaies émises en Afrique et envoyées aussitôt sur le front41. Le raisonnement est convaincant, même si d’autres auteurs continuent d’y voir des frappes italiques42.

  • 43 G.K. Jenkins hésitait, 1969, no 340-344 entre Carthage et l’Italie. Il opte pour Carthage dans 198 (...)

28On s’interrogeait aussi sur l’origine des émissions de bronze no 84, ornées au revers d’un cheval flanqué d’un palmier. Ces monnaies, qui, d’un point de vue esthétique, sont sans doute les plus belles monnaies puniques de bronze étaient souvent attribuées à l’Italie43. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure cette considération esthétique ne pesait pas dans la détermination de l’origine. On a eu en effet trop souvent recours dans le passé, pour expliquer la belle qualité de certaines productions puniques, à l’hypothèse « des artistes grecs au service de Carthage », pour qu’un raisonnement de ce type ne suscite pas la méfiance. Quoi qu’il en soit, il faut d’abord souligner les rapports stylistiques très étroits qui rapprochent ce que nous considérons comme deux espèces divisionnaires complémentaires (no 84 et 85) : détails de la coiffure de Tanit aux tresses à demi dénouées, musculature du poitrail du cheval, traitement des jambes de l’animal et du feuillage du palmier. On remarquera, une fois de plus, que la position du palmier par rapport au cheval constitue un critère de différenciation des espèces divisionnaires : décalé vers l’arrière sur le trishekel, au centre sur le shekel. Ce lien étant établi, nous suggérons pour l’ensemble une origine carthaginoise à cause des similitudes stylistiques établies entre les bronzes no 84-85 et les monnaies d’argent no 78, et en raison d’un bon nombre d’exemplaires de ces monnaies de bronze dont nous connaissons la provenance africaine.

Datation

  • 44 G.K. Jenkins, 1987, p. 216.

29De quand datent toutes ces émissions ? Commençons par le bronze. Nous avons affaire de manière générale à deux groupes d’émissions : un premier composé des monnaies no 84-85 et un second constitué des monnaies no 86-96. Ce second groupe est numériquement très supérieur au premier. Il montre par ailleurs des différences internes de style, d’aloi et de technique de fabrication, ainsi que des surfrappes qui indiquent des émissions étalées sur une grande période chronologique et peut-être divers ateliers outre celui de Carthage. La présence de ces monnaies dans un contexte lié aux opérations militaires montre qu’il s’agit d’un numéraire de base émis pour les besoins des troupes puniques, notamment en Espagne et en Afrique. On peut donc considérer qu’il a été émis vraisemblablement dès le début de la deuxième guerre punique. G.K. Jenkins souligne même le lien stylistique entre certaines des monnaies de ce groupe et les dernières monnaies émises à l’issue du premier conflit contre Rome, ce qui ferait remonter les premières frappes vers 220 av. J.-C.44.

30L’impression de hâte et d’urgence qui caractérise certaines de ces frappes contraste avec l’aspect particulièrement soigné des bronzes no 84-85. Ces derniers montrent par ailleurs une parenté très nette, on l’a vu, avec les monnaies d’argent no 78 frappées à Carthage et envoyées aux armées d’Italie. Il faut donc les considérer comme émises au début de la guerre ou même dès avant le conflit, à une époque où l’on pouvait encore se permettre des frappes soignées destinées, pour le bronze, à une circulation essentiellement africaine, soit les années 220-215 av. J.-C. Passée l’époque des succès carthaginois, les émissions monétaires prirent un caractère d’urgence très perceptible dans certaines frappes du groupe 86-91 et on dut dès lors cesser les belles émissions no 84-85.

  • 45 E.S.G. Robinson, 1964, p. 44 ; G.K. Jenkins les date de manière générale des années 221-202 av. J. (...)

31Les monnaies d’argent se divisent en trois groupes. Le premier se compose des rares monnaies no 77 et surtout des abondantes monnaies no 78 qui ont été thésaurisées en Italie et qu’E.S.G. Robinson proposait jadis de mettre en rapport avec les monnayages campaniens des alliés d’Hannibal en Italie45. Le début des frappes de ces monnaies ne peut être daté avec précision. On suivra G.K. Jenkins qui le fait remonter aux années 220 av. J.-C., caractérisées par l’abondance de l’argent en provenance d’Espagne. On ne peut être plus certain de la date à laquelle ces émissions cessèrent. Dès la perte définitive de l’Espagne (206) ? Après Zama (202) ? En tous cas, c’est à une phase tardive du conflit que l’on peut assigner les monnaies no 79-80, de mauvais aloi et qui semblent avoir été frappées en relativement petit nombre, sans doute davantage pour une circulation à Carthage même que pour l’envoi sur les théâtres d’opération.

  • 46 G.K. Jenkins, 1963 p. 47 ; 1969, no 390-396 ; 1984, p. 134-135 ; H.R. Baldus, 1988/2, p. 4-5.

32Les monnaies de billon no 81, si l’on n’a guère de doutes sur leur provenance carthaginoise, ont été assignées à des dates diverses. Après avoir proposé une date antérieure à la deuxième guerre punique, G.K. Jenkins a abaissé la chronologie de ces émissions jusqu’à la fin du iiie ou le début du iie siècle. En fait, il insiste sur les liens stylistiques effectifs unissant encore ces billons avec certains des quarts de shekels no 78, et les assigne à la fin du conflit, à une époque où Hannibal était confiné dans le Bruttium. Cette chronologie est encore légèrement abaissée juste avant 200 av. J.-C. par H. R. Baldus, selon qui la présence de ces monnaies dans la trouvaille d’El Djem s’expliquerait par les troubles liés à la dernière phase, africaine, du conflit46. L’hypothèse est séduisante. Il se pourrait que le retour d’Hannibal en Afrique en 203 av. J.-C. ait suscité un dernier effort financier de Carthage pour la phase ultime du conflit. La marque de cet effort se retrouverait dans ces billons no 81 et dans les rares et petites monnaies d’or de bon aloi émises concurremment (no 76), peut-être à partir d’une petite quantité d’or ramenée d’Italie comme butin par Hannibal.

  • 47 G.K. Jenkins, 1963, p. 48 ; les monnaies no 74 sont de l’électrum doré : P. Serafin Petrillo, 1990 (...)
  • 48 G.K. Jenkins, 1963, p. 46 (pour l’aloi des monnaies d’électrum) ; 1969, 350-352 pour une datation (...)

33On retrouve également trois groupes pour les monnaies d’or et d’électrum. D’abord les monnaies no 73 et 74 qui se caractérisent par une proportion semblable d’or (30 %)47. Les liens stylistiques entre les frappes no 73 et les monnaies d’argent no 78 laissent supposer qu’elles ont été frappées parallèlement (220-205 av. J.-C.). En revanche, le type iconographique très particulier des monnaies no 74, qui s’inspirent du Janus bifrons et sont donc plus particulièrement liées à la présence d’Hannibal en Italie, semble impliquer une frappe dans les années 215-205 av. J.-C. Les monnaies d’électrum no 75, contenant une quantité infime d’or (14 %) constituent un groupe à part à rapprocher des monnaies de billon no 79-80 que l’on pouvait dater, en raison de la faiblesse de leur aloi, des dernières années de la guerre. (205-201 av. J.-C.)48. Quant aux monnaies no 76 nous avons vu qu’on pouvait les dater des années 203-201 av. J.-C.

Métrologie et circulation monétaire

  • 49 G.K. Jenkins, 1963, p. 48 et 50.
  • 50 P. Marchetti, 1978, p. 432 sqq.
  • 51 G.K. Jenkins, 1963, p. 50 et P. Marchetti, 1978, p. 432 sqq. pour le rapport or/argent ; pour la t (...)

34De manière générale les monnayages africains de la deuxième guerre punique semblent suivre la métrologie du shekel. C’est d’abord le cas des monnaies d’électrum dont les no 73 et 74 correspondent, selon G.K. Jenkins à une fraction de 3/8 e de shekel49. Ce rapport à première vue un peu étrange pourrait peut-être s’expliquer par un souci de compatibilité avec les monnayages romains50. Par la suite, les opérations atteignant l’Afrique avec le débarquement de Scipion en 205 av. J.-C., on reprit la frappe avec des divisions plus conformes à l’échelle disionnaire habituelle, mais comportant le minime pourcentage d’or qu’autorisait l’état des finances puniques. Cette même métrologie est utilisée pour les dernières frappes, en or pur, du conflit. Il est naturellement très difficile de savoir quel était exactement le rapport entre la valeur de ces monnaies et celle des frappes d’argent et de billon, d’autant plus que des analyses récentes ont montré la complexité de l’aloi des monnaies d’électrum dont certaines étaient par ailleurs saucées51.

35On peut faire le même type de remarques pour les monnayages d’argent, émis selon la métrologie du shekel, mais sous forme de divisions compatibles avec le système romain (voir supra, p. 97 et 108).

  • 52 Sur ces monnaies, G.K. Jenkins, 1987, p. 216 sqq. : suggérant une métrologie du shekel.
  • 53 L.I. Manfredi, 1990/2, p. 136-141.
  • 54 C. Alfaro Asins- C. Marcos Alonso, 1993, p. 39-44.
  • 55 Trouvaille de Bougie : igch 2296 : Plus de 2500 monnaies ; autre trouvaille à Tunis : igch 2295 : (...)

36Pour les monnaies de bronze nous avons vu qu’il y eut deux groupes d’émissions. Commençons par le plus récent pour rester dans le contexte du conflit contre Rome. Les shekels no 88 et 90, frappés en masse, constituèrent le numéraire le plus commun des troupes puniques en Espagne et en Afrique. Ces pièces, émises sur un pied théorique de 7,6 g accusent en fait des poids extrêmement variables, pouvant descendre jusqu’à la moitié de leur poids théorique52. Les fréquentes surfrappes sur des monnaies de Hiéron II attestent par ailleurs de l’urgence qui présida à certaines émissions, sans aider pour autant à en préciser la chronologie interne53. Des études faites sur l’aloi de ces monnaies montrent que le plomb fut largement utilisé pour certaines frappes54, et certaines monnaies ne sont même plus frappées, mais coulées. Le style de l’effigie, qui va du plus soigné au plus relâché est un autre signe des conditions particulières dans lesquelles eurent lieu certaines émissions, de leur étalement sur la longue durée et peut-être d’une origine diverse. Ces monnaies se rencontrent sur les théâtres d’opération espagnols et africains de la guerre. Les exemplaires contenus dans une bourse et découverts dans les niveaux de destruction d’un établissement punique à Castillo de Doña Blanca (Cadix) constituent un témoignage particulièrement intéressant à cet égard. On retrouve également ces monnaies dans une trouvaille du plus haut intérêt mais malheureusement non encore publiée, faite à Bougie en 192955.

  • 56 G.K. Jenkins, 1987, p. 217.

37On connaît des multiples et des sous-multiples de ces shekels, mais bien plus rares que les shekels et qui paraissent n’avoir circulé qu’en Afrique. C’est le cas d’abord des doubles shekels no 86. Ils ont un poids qui permet d’y voir un double de l’unité56, ce qui explique peut-être le redoublement du cercle linéaire du revers. Il existe aussi des demi-shekels (no 89 et 94-96 bis) frappés en relativement petit nombre, à plusieurs moments de la période d’émission des shekels si l’on en croit le style de l’effigie. Ces monnaies divisionnaires étaient destinées à une circulation locale carthaginoise.

38Les monnaies de bronze de l’autre groupe, le plus ancien, que nous avons proposé de dater des années 220-215 av. J.-C. correspondent peut-être à des trishekels pour le no 84 et sans doute à des shekels pour le no 85. Elles donnèrent lieu à une thésaurisation comme le montre le bon état fréquent de conservation des trishekels et deux fragments de trouvailles que nous avons pu voir, de provenance « africaine », malheureusement impossible à préciser. Cette thésaurisation pourrait s’expliquer par la piètre qualité des shekels émis ensuite pour financer les opérations militaires et la raréfaction des métaux.

Iconographie et histoire

  • 57 Selon une hypothèse intéressante de H.R. Baldus, 1988/2, on retrouverait un écho de ces luttes dan (...)

39Du point de vue de la typologie générale, l’iconographie de toutes ces monnaies africaines ne montre aucune originalité, se limitant à l’effigie de Tanit et au cheval accompagné de symboles divers. Sur le no 73 l’effigie de Tanit est janiforme pour concurrencer, en Italie, le monnayage romain. Voilà qui contraste avec ce que l’on trouve sur les monnayages puniques d’Espagne, d’Italie et de Sicile, et qui peut facilement être rapproché d’un contexte historique bien connu. En effet, cette différence typologique reflète certainement l’opposition déjà évoquée pour la Carthage de cette époque entre deux courants politiques, l’un que l’on pourrait qualifier de « traditionnaliste », représenté en particulier par Hannon et Hasdrubal Haedus, l’autre par Hannibal et sa famille. Le premier parti semble avoir été un temps hostile à la guerre, et favorable à l’entente avec Rome (Tite-Live, XXI, 3 et 10). C’est ce parti qui, une fois la guerre perdue, tentera de faire retomber la responsabilité du conflit sur le seul Hannibal en dégageant celle de Carthage (XXX, 16, 22, 42). C’est ce parti, aussi, auquel s’opposera Hannibal lorsque, devenu suffète, il tentera de redresser une nouvelle fois Carthage après la défaite (XXXIII, 46-47). On connaît la suite : Hannibal dénoncé par eux auprès du Sénat romain comme poursuivant une politique anti-romaine (XXXIII, 45) sera contraint à la fuite puis plus tard au suicide. Après quoi l’aristocratie punique n’aura pour seule politique que la recherche de l’amitié de Rome à tout prix. Ce parti, qui fonde sa politique sur une alliance des aristocraties, qui détient l’essentiel du pouvoir économique, était sans doute déjà celui qui organisait, à Carthage même, les émissions monétaires durant le conflit, appuyant bon gré mal gré les campagnes d’Hannibal. Dès lors, l’absence d’originalité iconographique des monnaies puniques émises dans la capitale prend tout son sens. Aucune innovation, ni dans le domaine politique, ni dans le domaine religieux, ni même dans les normes monétaires puisque le shekel reste la référence utilisée. Il s’agit ici de la Carthage traditionnelle, celle qui refuse la « révolution » ou les fortes évolutions qui auraient pu changer le cours de l’histoire. Ces évolutions étaient celles que préparait le clan d’Hannibal, vers une Carthage suffisamment réformée pour proposer un autre modèle d’hégémonie que celui de Rome, c’est-à-dire une royauté de type hellénistique et un empire où à l’intimidation traditionnelle imposée jusque là par Carthage aurait succédé un régime plus souple, convenant à la diversité des composantes de cet empire, cités, peuples, tribus. En somme, transformer ce que l’on appelle traditionnellement la « République marchande » en empire hellénistique, en s’appuyant sur le peuple. La guerre était l’occasion d’asseoir ce type de pouvoir personnel, fondé sur la victoire, tout en permettant la Revanche. Les Barcides y avaient intérêt, mais pas l’aristocratie traditionnelle. Et c’est peut-être là une des raisons majeures de l’échec de Carthage dans le deuxième conflit contre Rome, que cette division interne autour d’une évolution non achevée. Cette évolution en empire hellénistique de l’Occident méditerranéen sous sa direction était une chance de survie pour Carthage, et les Barcides l’avaient entreprise. L’ensemble de leur tentative se reflète dans les monnayages puniques d’Espagne et d’Italie qui laissent une place, encore timide, à l’expression du pouvoir personnel et à d’autres dieux que la traditionnelle Tanit. Le succès d’Hannibal auprès des peuples d’Espagne de Gaule et d’Italie permet de mesurer la justesse de ses vues, et Rome ne s’est pas méprise sur l’ampleur du danger. Il suffit de rappeler la falsification et le brouillage des données de l’histoire revue par Rome et ceux qui la servaient, isolant Hannibal dans sa folie de revanche impie et aveugle, empêchant toute reconstitution du casus belli sagontain, reprochant leur trahison aux Grecs qui se reconnaissaient mieux en un Hannibal hellénophone et pluriculturel que dans une Rome moins hellénisée. Les Barcides avaient déjà compris que l’hégémonie sur les autres peuples, et les Grecs en particulier, supposait l’hellénisation du vainqueur. Sur ce point, Rome était provisoirement en retard. Mais elle connaîtra aussi le même clivage, au sein de son aristocratie, entre partisans et adversaires d’une hellénisation impliquée par l’impérialisme. Ce sont tous ces enjeux que la diversité iconographique des monnayages puniques des années 238-201 av. J.-C. nous permet d’entrevoir, malheureusement avec beaucoup moins de détails que nous pourrions en souhaiter57.

Conclusion

40On terminera cette étude des monnayages puniques d’Afrique contemporains de la deuxième guerre punique en soulignant quelques éléments importants. On a pu mesurer à quel point manquent les études de détail sur la plupart des séries monétaires concernées, y compris les plus importantes, comme les émissions de bronze les plus communes du conflit (no 88 et 90). Cette carence empêche de saisir avec précision la cohérence et l’ampleur de l’effort de guerre punique, de dresser une synthèse du monnayage punique dans le contexte de ce deuxième affrontement avec Rome. Au vu des renseignements que nous possédons, nous sommes frappés à première vue par la puissance et l’adaptabilité du système monétaire punique au cours de la guerre. Manifestement Carthage a pu approvisionner de son numéraire toutes les zones de combat en abondance, malgré les signes de faiblesses que décèlent parfois un abâtardissement métrologique ou stylistique des frappes ainsi que l’usage des surfrappes. Toutes les particularités économiques, politiques et culturelles régionales sont prises en compte par des variations métrologiques ou des ouvertures iconographiques à des types nouveaux. La fonction économique de la monnaie, ainsi que ses fonctions politiques sont ici parfaitement maîtrisées par Carthage et utilisées tout aussi judicieusement que ses troupes ou sa diplomatie au cours du conflit.

41Néanmoins, cette adaptabilité et cette ouverture sont aussi le signe de forces centrifuges qui tendent à désorganiser l’empire punique. Celui-ci se caractérisait, à l’inverse du domaine romain, par une étendue dans l’espace qui lui procurait l’avantage de ressources diversifiées mais le fragilisait considérablement par l’extension des voies de communication et une disparité de ses éléments constitutifs. Ce sont les forces centrifuges et les faiblesses de cohésion qui finirent par l’emporter. Les communications étaient trop longues ou trop périlleuses entre les trois pôles du conflit, l’Espagne, l’Italie et Carthage. Après la perte de l’Espagne (206 av. J.-C.) et l’évacuation de l’Italie (205 av. J.-C.), c’est en Afrique même que la domination punique était définitivement battue en brèche. D’un point de vue monétaire, cela se manifeste par la rupture du monopole monétaire africain de Carthage. À l’issue du conflit, d’autres cités battent ou battront monnaie : Utique peut-être, comme nous le verrons, Iol certainement. Les royaumes numides commencent également leurs frappes. On voit se développer en Afrique de nouveaux centres monétaires qui sont autant de nouveaux centres politiques puissants nés ou dynamisés par le conflit qui s’achevait. La lutte entre l’aristocratie traditionnelle et les Barcides était un autre facteur de discorde, politique, cette fois. La pluralité de Carthage, qui avait fait sa force, semble au bout du compte avoir joué contre elle.

Notes

1 P. Marchetti, 1978, p. 434-435 et 440-sqq.

2 A. Tusa Cutroni, 1991, p. 59 sqq.

3 L. Villaronga, 1973 classe II, type I, groupe I et classe VI.

4 L. Villaronga, 1973, classe I, II et III. D’autres émissions ultérieures reprennent l’effigie de Tanit et le motif du cheval en y associant, comme à Carthage l’uraeus (classe V), l’astre (classe VII) ou le palmier (classe VIII, groupe I A, shekel et IX, type I). Le cheval, avec ou sans palmier accompagne, sur les monnaies de la classe XI, une effigie virile au droit.

5 L. Villaronga, 1973, classe II (tête imberbe diadémée), et classe III (autres effigies).

6 C. Alfaro Asins, 1988, série I.

7 Abondante bibliographie sur le sujet depuis E.S.G. Robinson, 1956/2, p. 34-53 suggérant une interprétation des effigies comme des portraits barcides. Utilisant l’argumentation, G. Ch. et C. Picard, 1970, p. 213 sqq. et 1958, p. 212 sqq. penchent pour la création d’un véritable État indépendant. De même, M.P. Garcia y Bellido, 1992, p. 237-249. Réserves sur l’interprétation des portraits : L. Villaronga, 1973, p. 46-47 ; Contre l’idée d’un royaume barcide : M. Sznycer, 1978, p. 566-567. En dernier lieu, S. Lancel, 1995, p. 52 sqq.

8 Fabius Pictor apud Polybe, III, 8, 1-6.

9 Voir surtout les hypothèses de G. Ch. Picard, 1963, p. 31-41 ; 1964, p. 195-207 ; 1967, p. 104-108. S. Lancel, 1995, p. 79-80.

10 Voir infra, p. 142-143.

11 Sur cette « révolution barcide » voir les points de vue opposés de G. Picard, 1970, p. 272 et 307 qui considère l’action d’Hannibal comme démocratique et révolutionnaire et de T. Kotula, 1983, p. 87-101, pour qui le programme du Barcide, loin d’être révolutionnaire est démagogique et monarchiste.

12 Sur les fonctions politiques et économiques du temple de Gadès, voir les hypothèses de L.I. Manfredi, 1987/2, p. 67-82 ; F. Chaves Tristan, E. Garcia Vegas, 1991, p. 139-168. ; Sur le sens de l’iconographie barcide, E. Acquaro, 1983, p. 83-86. Sur la fonction anti-romaine du monnayage barcide : E. Acquaro, L.I. Manfredi, A. Tusa Cutroni, 1991, p. 71-75.

13 L. Villaronga, 1973, p. 100 ; 1979, p. 104.

14 L. Villaronga, 1973, clase VIII, no 110-112 et 115-116.

15 L. Villaronga, 1973, p. 101 sqq. ; 1979, p. 104 ; C. Alfaro Asins, 1988, p. 76 sqq.

16 L. Villaronga, 1973, claseVIII, no 114 et 117.

17 L. Villaronga, 1973, clase X, no 123-128. Pour l’iconographie, p. 54-55.

18 L. Villaronga, 1973, p. 101 sqq. ; C. Alfaro Asins, 1988, p. 76 sqq.

19 L. Villaronga, 1973, 123-125 et 126-127 (Ière série) ; 282 et 283 (2e série). Répartition légèrement différente des diverses monnaies entre les deux groupes métrologiques (de 8-9 g et 10-11 g) proposée par C. Alfaro Asins (1990, p. 27-62) avec renversement de la chronologie admise, donnant une antériorité à certaines émissions de 10-11 g. D’autre part, les frappes de 8-9 g à l’effigie de Tanit et au protomé de cheval auraient été effectuées par Hannibal en prévision de sa campagne italienne. Cela en considération des liens typologiques entre ces monnaies et celle qu’émettra le Barcide en Italie. Ces mêmes liens amènent P. Visona (1991, p. 149-160) à envisager que ces monnaies aient pu être frappées en Italie entre 215-205 av. J.-C., ce qui semble en contradiction avec l’importance des provenances espagnoles

20 E.S.G. Robinson, 1964, p. 37-64 ; P. Marchetti, 1978, p. 432 sqq. ; G.K. Jenkins, 1987, p. 215-234. L.I. Manfredi, 1991, p. 43 sqq.

21 G.K. Jenkins, 1987, p. 223-224.

22 G.K. Jenkins, 1969, no 367-369.

23 G.K. Jenkins, 1969, no 359-364. En dernier lieu pour l’attribution, L.I. Manfredi, 1995, p. 377, no 8.

24 G.K. Jenkins, 1987, p. 218.

25 G.K. Jenkins, 1987, p. 220.

26 1969, 370-377.

27 1969, 365-366.

28 En dernier lieu sur les bronzes : P. Visona, 1991, p. 149-160. Sur la propagande antiromaine : E. Acquaro et L.I. Manfredi, in ead., 1991, p. 71 sqq. et 43 sqq. ; Réserves sur l’attribution à l’Italie et proposition d’une émission en Espagne pour certaines frappes : C. Alfaro Asins, art. cité note 19.

29 Pour une vue d’ensemble sur ces émissions siciliennes : P. Marchetti, 1992, p. 107-120.

30 G.K. Jenkins, 1969, no 382-383. Attribuée à Agrigente par P. Marchetti, 1992, p. 119. Attribution à Agrigente reprise sous réserve par L.I. Manfredi qui considère comme sûre l’appartenance à un atelier sicilien : 1995, p. 334-335, no 5-7 ; p. 209-212 pour un point de la question. Ancienne attribution de L. Müller à Jugurtha : 1860, III, p. 34, pour des raisons typologiques et stylistiques.

31 G.K. Jenkins, 1969, no 378-380. Attribuée à Morgantina par P. Marchetti, 1992, p. 120. Attribution certaine à la Sicile, mais plutôt à l’atelier d’Agrigente, comme les précédentes : L.I. Manfredi, 1995, p. 335, no 8-10 ; cf. aussi p. 209-212. L. Müller, 1860, III, p. 38 les attribuait à Hiempsal II en raison de leur style et de la lettre Ḥ du revers.

32 En faveur de portraits de généraux, voir surtout P. Marchetti, 1992, p. 120, qui, revenant en partie sur une première identification avec Hannibal, propose, comme alternative deux portraits de généraux : Himilcon dans le premier cas, Hippocrate dans le second. Sur l’identification de l’effigie du deuxième groupe avec Triptolème : A. S. Walker, 1984, p. 269-288. Ces appellations de Triptolème et de Melqart se trouvaient déjà chez L. Müller qui émettait de fortes réserves à leur sujet : 1860, III, p. 35 et 40. Il suggérait déjà de voir dans ces effigies des portraits individualisés, mais il proposait ceux de rois numides.

33 G.K. Jenkins, 1969, no 381 ; L.I. Manfredi, 1995, p. 334, no 1-4, et p. 210-211 pour un point de la question sur l’attribution : certainement la Sicile, peut-être Morgantina. Ces monnaies étaient autrefois attribuées à Hiempsal II par L. Müller : voir note 32.

34 L. Müller, 1860, III, p. 40 ; G.K. Jenkins, 1969, no 381 ; L.I. Manfredi, 1995, p. 209.

35 L. Müller, loc. cit., G.K. Jenkins, 1969, no 378-380 et 382-383 ; P. Marchetti, 1978, p 434 sqq. ; 1992, p. 116-117.

36 Voir articles cités en note 28 et L.I. Manfredi, 1991, p. 43 sqq.

37 igch, no 2300 : plus de 3 000 monnaies.

38 G.K. Jenkins, 1963, p. 47.

39 Il faisait allusion notamment à la trouvaille de Bougie : igch , no 2296 et à des trouvailles isolées de Tunisie et de Libye. Ces bronzes se retrouvent couramment en Tunisie (fouilles françaises de Carthage entre autres) et des exemplaires sont signalés jusqu’à Misurata en Libye.

40 G.K. Jenkins, 1963, groupe XVI, p. 48 sqq.

41 G.K. Jenkins, 1987, p. 223-224.

42 Entre autres, P. Marchetti, 1978, p. 432 ; P. Serafin Petrillo, 1990, p. 313-321.

43 G.K. Jenkins hésitait, 1969, no 340-344 entre Carthage et l’Italie. Il opte pour Carthage dans 1987, p. 217 ; déjà même opinion dans 1984, p. 135. En dernier lieu, L.I. Manfredi, répartit curieusement les divers exemplaires entre Carthage (1995, p. 254-255, no 70 et 72) et l’Italie (ib. p. 376-377, no 3-4-7).

44 G.K. Jenkins, 1987, p. 216.

45 E.S.G. Robinson, 1964, p. 44 ; G.K. Jenkins les date de manière générale des années 221-202 av. J.-C. : 1969, no 335-339. Pour les trouvailles, id., 1987, p. 218-219.

46 G.K. Jenkins, 1963 p. 47 ; 1969, no 390-396 ; 1984, p. 134-135 ; H.R. Baldus, 1988/2, p. 4-5.

47 G.K. Jenkins, 1963, p. 48 ; les monnaies no 74 sont de l’électrum doré : P. Serafin Petrillo, 1990, p. 313-321 (qui propose une attribution à Capoue). Pour les datations : G.K. Jenkins, 1969, no 332-334 (= no 73) datées de 221-202 av. J.-C., et no 357-358 (= no 74) datées de 215-205 av. J.-C.

48 G.K. Jenkins, 1963, p. 46 (pour l’aloi des monnaies d’électrum) ; 1969, 350-352 pour une datation des années 210-202 av. J.-C.

49 G.K. Jenkins, 1963, p. 48 et 50.

50 P. Marchetti, 1978, p. 432 sqq.

51 G.K. Jenkins, 1963, p. 50 et P. Marchetti, 1978, p. 432 sqq. pour le rapport or/argent ; pour la technique de sauçage, P. Serafin Petrillo, 1990, note 46.

52 Sur ces monnaies, G.K. Jenkins, 1987, p. 216 sqq. : suggérant une métrologie du shekel.

53 L.I. Manfredi, 1990/2, p. 136-141.

54 C. Alfaro Asins- C. Marcos Alonso, 1993, p. 39-44.

55 Trouvaille de Bougie : igch 2296 : Plus de 2500 monnaies ; autre trouvaille à Tunis : igch 2295 : plus de 300 monnaies. Sur ces trouvailles, G.K. Jenkins, 1987, p. 21-217. Pour celle de Bougie, M. Crawford, 1985, p. 138, propose d’y voir un butin fait par les Numides dans les années 202-201. Publication en cours d’une partie du trésor par A. Soltani.

56 G.K. Jenkins, 1987, p. 217.

57 Selon une hypothèse intéressante de H.R. Baldus, 1988/2, on retrouverait un écho de ces luttes dans l’iconographie monétaire à Carthage même, dans les années 200 av. J.-C. Il faudrait distinguer à l’époque deux types d’effigie de Tanit : l’une de type traditionnel, aux cheveux soigneusement retenus en une coiffure ramassée, et une seconde, aux cheveux noués en tresses parfois relâchées. Cette différence stylistique est indéniable, mais on hésite à suivre l’auteur lorsqu’il fait de ces deux effigies les symboles des deux partis qui s’opposent à Carthage. La première serait en quelque sorte l’emblème de l’aristocratie traditionnaliste opposée aux Barcides, l’autre serait une « Hannibalische » Tanit. Une rivalité des deux partis sur ce terrain aurait sans doute laissé des traces iconographiques plus nettes. Le même auteur donne également de l’importance à la présence ou non d’un licou sur le cheval figuré au revers des monaies. La présence du licou correspondrait chronologiquement aux périodes d’utilisation d’un appoint de cavalerie numide, H.R. Baldus, 1983, p. 9-19.

© Presses universitaires du Midi, 2007

Licence OpenEdition Books

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search