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Une société marchande

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Patrice Poujade

Partie III. Être et paraître

Chapitre 2. « Culture matérielle » et cadre de vie

Texte intégral

1Les marchands n’existent pas seulement par leur activité professionnelle mais aussi parce qu’ils se donnent à voir en s’inscrivant dans le paysage, par la possession de terres et surtout de maisons. Si nous avons déjà parlé, dans la partie précédente, de leur intérêt pour le foncier et de quelques-uns de leurs biens meubles, nous n’avons pas eu une approche patrimoniale, qui dresse un tableau de ce que nous savons du patrimoine, d’abord immobilier, des individus que nous étudions. En effet, jusqu’alors nous avons surtout été sensible à leur activité et, pour ce qui nous concerne maintenant, à celle qui consistait à acheter ou vendre des terres ou à placer du bétail en gasaille. Cette dernière n’est d’ailleurs qu’un aspect de leur activité commerciale, celle de trafiquant de bestiaux. À présent, nous devons nous demander quelle place occupent réellement ces marchands dans l’espace urbain ? Leur patrimoine immobilier les distingue-t-il ? De quoi est-il composé ? Peut-on avoir une idée de leur « culture matérielle », essentiellement de leur logement, de leur confort, de leur habillement ? Ce sont là quelques-unes des questions sur lesquelles nous essayerons d’apporter des informations, en commençant par ce qui est le mieux et le plus sûrement documenté, c’est-à-dire le patrimoine immobilier.

I. LE PATRIMOINE IMMOBILIER : L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SITUATIONS

  • 1 En 1651, l’allivrement moyen à Tarascon passait à 27 livres et à un peu moins de 53 livres pour le (...)
  • 2 Il n’y a que deux personnes gratifiées du titre de bourgeois dans le compoix de Tarascon de 1649 c (...)
  • 3 Les différentes spécialités de l’artisanat sont assez égales avec un allivrement autour de 13-14 l (...)

2Le monde des marchands que nous étudions présente une hétérogénéité visible, tout d’abord, à travers ses possessions immeubles comme les compoix permettent d’en proposer une image. Mais avant tout, ce qui apparaît c’est la place qu’occupent les marchands. Ainsi, dans les compoix de Tarascon de 1649 et 1651, les marchands ne représentent que 16 % du total des habitants enregistrés, mais leur allivrement total atteint environ 32 % de l’ensemble des contribuables de la ville. Avec un allivrement moyen de 61 livres en 1649 contre environ 30 livres pour l’ensemble de la ville1, ils occupent une position assez élevée mais, il est vrai, loin derrière les possesseurs de seigneuries (allivrement de 470 livres), les bourgeois2 (446 livres) et le groupe des procureurs, syndic du Pays de Foix, médecins, dont l’allivrement moyen approche les 110 livres. En revanche, les marchands sont bien au-dessus des chirurgiens et notaires (36 livres pour chacun des groupes), prêtres (29 livres) et bien sûr du monde de l’artisanat (13,5 livres)3 et des quelques brassiers allivrés à Tarascon (4 livres) comme il apparaît sur le graphique suivant.

Graphique no 2. Hiérarchie de la fortune immobilière à Tarascon selon l’allivrement du compoix de 1649

Graphique no 2. Hiérarchie de la fortune immobilière à Tarascon selon l’allivrement du compoix de 1649

3La place des marchands étant établie, qu’en est-il à l’intérieur même du groupe ? Les données des compoix du milieu du xviie siècle permettent de dresser un tableau de la répartition des marchands tarasconnais selon leurs possessions immobilières.

Tableau no 22. Distribution des marchands de Tarascon en fonction de leur patrimoine immobilier au milieu du xviie siècle

Tableau no 22. Distribution des marchands de Tarascon en fonction de leur patrimoine immobilier au milieu du xviie siècle
  • 4 Dans le compoix de 1651, l’écart est de 1 à 16,7 ; il s’est réduit mais il reste tout de même impo (...)
  • 5 Les deux fils de Mathieu Seré, les marchands Aymé et Raymond Seré, pourront, à l’occasion, recevoi (...)
  • 6 Pour la signification d’un tel mariage, voir partie IV.

4À la lecture de ce tableau, au milieu du xviie siècle, le patrimoine immobilier moyen possédé à Tarascon par un marchand de la ville s’établissait autour de 1500-2000 livres. Nous sommes, bien sûr, au-dessus des 300-400 livres des artisans mais bien en dessous des 14 000 livres des rares bourgeois. À l’intérieur des marchands, l’écart est grand entre les 5 % les plus riches en biens et les moins dotés puisque le rapport est de 1 à 26,7 en 16494 ; et il est immense si on prend le marchand qui a le patrimoine immobilier le plus élévé (Mathieu Seré, ou plutôt ses héritiers, en 1651, avec 9 757 livres en plusieurs maisons, vignes et champs) et ceux qui ont les plus faibles (Jean Dax ou François Lucantes avec pour toute possession une maison évaluée respectivement à 162 et 180 livres) : ici, le rapport est de 1 à 55-60. Mais, sans doute aura-t-on l’occasion d’y revenir, alors que les Seré peuvent espérer accéder à la bourgeoisie, donc sortir de leur état de marchand5, ce dernier état doit être pour quelqu’un comme François Lucantes une promotion sociale, lui qui ne sait pas signer et qui épousera bientôt – chose assez symbolique – la fille d’un laboureur d’une paroisse rurale voisine6. Donc les compoix établissent clairement les inégalités en ce qui concerne l’assise foncière des marchands tarasconnais, elles-mêmes reflétées par leur localisation géographique dans la ville.

  • 7 Ce « centre » peut être divisé lui-même en deux parties : la place (le centre du centre) et sa « c (...)
  • 8 Ce sont sensiblement les mêmes rapports dans le compoix de 1649 où les marchands installés à la pl (...)

5Les trois grandes divisions qui forment Tarascon, la ville haute7 (avec le centre autour de la place et de l’église de la Daurade, au pied du château ou de ce qu’il en reste), le Barri Clos et le Faubourg du Bout du Pont, de l’autre côté de l’Ariège, près de l’église Sainte-Quitterie, reçoivent de façon inégale les marchands. Le centre avec 52 % d’entre eux en accueille le plus, parmi les plus riches en patrimoine puisqu’en moyenne, ils possèdent pour près de 2 200 livres. Ensuite, le Barri Clos avec 22 % pour un patrimoine moyen de près de 1 600 livres ; enfin, le Faubourg avec près de 27 % des marchands mais qui ne possèdent en moyenne que moins de 1 000 livres de biens immobiliers. Des différences sensibles se font jour aussi chez les marchands du centre. Si ceux dont l’habitation est localisée autour de la place centrale, ou à proximité immédiate, ont une moyenne de 2 600 livres en immobilier, en revanche leurs collègues de la rue de la Leude (ou Grand Rue) n’en ont que moins de la moitié (1 200 livres) et ceux de la rue de Naugé se contentent du tiers (770 livres)8. Ces différences géographiques ou topographiques au sein du groupe marchand de Tarascon mettent clairement en évidence la répartition sociale dans la ville : sur la place, les plus fortunés, marchands et bourgeois ; autour du centre, et sans doute dans le Barri Clos, les bonnes fortunes ; au Faubourg du Bout du Pont, les moins riches des marchands et, certainement, une grande partie des artisans.

6Cette « ségrégation » spatiale se reflète nettement aussi sur le prix de la canne de maison. Les estimations moyennes les plus élevées concernent, sans surprise, les habitations qui se répartissent autour de la place : là, où la plupart des maisons reposent sur des piliers de maçonnerie mais surtout de bois formant des « couverts », la canne de maison est évaluée, en moyenne, à 33,33 livres en 1649 et 38 livres en 1651. Dans la rue de la Leude, l’évaluation passe à 25 livres pour s’établir à environ 17 livres dans les rues Saint-Michel et de la Font de Naugé, dans le quartier du Castella, dans le Barri Clos et dans le Faubourg du Bout du Pont. À cela s’ajoutent de nettes différences dans les superficies des demeures, beaucoup plus entre les marchands d’un même quartier qu’entre quartiers eux-mêmes. C’est ainsi que la moyenne de la surface des maisons des marchands établis autour de la place est d’environ 30-31 cannes (autour de 95-100 m2) comme celle de leurs confrères de la rue de la Leude, en 1649 (en 1651 : 26 cannes), et du Faubourg du Bout du Pont, alors que dans le Barri Clos, les maisons occupent une moyenne voisine de 40-50 cannes (130-180 m2) et que les marchands de la rue de la Font de Naugé se contentent d’une vingtaine de cannes (autour de 65 m2).

  • 9 De 1651 à 1686, Pierre Bourrel accapare plus de 30 % du commerce transfrontalier passant par les n (...)
  • 10 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 44, compoix de 1651, mentions non datées ajoutées à son article. Il es (...)
  • 11 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 43.

7Si les habitations sises rue de la Font de Naugé sont moins spacieuses que les autres, cette moyenne ne doit pas cacher que sur la place, dans la rue de la Leude, dans le Barri Clos comme dans celui du Bout du Pont, les écarts peuvent être grands entre les propriétaires. Pour preuve, dans le compoix de 1649, Jean Teynier – devenu certes bourgeois en 1651 – a sur la place une maison de 86 cannes (aux environs des 270 m2 !) reposant sur quatre piliers de maçonnerie alors que celle de Pierre Bourrel dit Jouvenel, appuyée sur deux piliers de bois, n’offre à ses occupants que ses modestes neuf cannes (une trentaine de m2), réévaluées à treize en 1651. Mais cette localisation sur la place, même avec une faible surface, loin d’être anodine, signifie l’inscription dans le groupe des « bons » marchands. Ce Pierre Bourrel, dont le nom est isolé dans le milieu marchand tarasconnais avant que ses descendants ne lui assurent une plus grande diffusion, est dans un processus net de promotion et de dynamisme : n’est-il pas un des acteurs principaux du commerce transfrontalier9 et n’effectue-t-il pas 29 achats fonciers après 1651, quintuplant ainsi son allivrement10 ? Qui plus est, le compoix cabaliste de 166011 ne fait pas mystère que Pierre Bourrel « a une boutique bien assortie », qu’il s’adonne au négoce du fer et de la laine, qu’il a de l’argent à l’intérêt et une grande quantité de bestiaux dans sa métairie d’Ussat : compte tenu de ces éléments, les experts nommés pour établir le compoix cabaliste le taxent à 14 livres, c’est-à-dire qu’il atteint le deuxième allivrement de la ville.

  • 12 Plusieurs confronts indiqués dans l’acte correspondent à un voisinage partagé par Bourrel dans les (...)
  • 13 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2390, f°°596, me Tardieu, Ax, 11/7/1640.
  • 14 Le pacte de construction, signé le 11 juillet, prévoit la « livraison » de la maison au 30 novembr (...)
  • 15 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 664, f°°189v°, me Delauriol, Tarascon, 2/7/1669.

8La connaissance précise du cadre de vie des marchands se heurte à des sources qui ne donnent, le plus souvent, que des superficies et des localisations. Quelques actes d’achat-vente, parfois de location, peuvent signaler le nombre d’étages (planchers) ou le type de couverture des habitations, généralement l’ardoise à Ax et à Tarascon. Mais c’est très rarement, pour ne pas dire exceptionnellement, que nous rencontrons des descriptions de la disposition intérieure des maisons, ce type de document répondant à des cas somme toute peu courants. Nous avons retrouvé la relation que fait faire Pierre Bourrel, en 1669 alors qu’il est premier consul de Tarascon, par un maître charpentier et un maître maçon, après avoir acquis une maison sur la place publique à Mathieu Teynier. En rapprochant cet acte et les compoix de 1649 et 1650-1651, l’hypothèse que l’on peut poser est que Pierre Bourrel profite de cet achat pour agrandir la petite habitation qu’il possédait déjà sur la place12, de la même façon que le marchand d’Ax Raymond Verniolle avait fait édifier en 1640 « une maison sur un pati qu’il a dans Ax joignant la maison où il habite, rue du Castèl13 ». Dans ce dernier cas, c’est tout de même une construction de 16 mètres sur 6,7 mètres, sur trois niveaux avec une boutique, que veut se faire bâtir le propriétaire par un maître charpentier14. Désirant s’assurer de l’état de son acquisition et sans doute envisageant des travaux, Bourrel fait dresser un compte rendu de la visite devant notaire15, rapport qui nous donnera l’occasion de pousser la porte et de pénétrer plus avant dans un intérieur, même si un cas ne peut prétendre à une quelconque représentativité.

  • 16 Selon les dictionnaires de Fr. Mistral (Lou tresor dóu Felibrige) et de S. Palay (Dictionnaire de (...)

9La maison qui nous sert d’exemple, constituée de trois étages, a une longueur d’un peu plus de 7 mètres pour une largeur de 6 mètres environ, soit une surface au sol de près de 43 m2. Disons tout de suite que la plus grande partie de la description évoque essentiellement tout ce qui est bâti en bois, ce qui appartient à la charpenterie, à la menuiserie et autres boiseries, en général en mauvais état. En revanche, malgré la présence d’un maître maçon parmi les experts convoqués, les ouvrages de maçonnerie n’apparaissent que peu, lorsqu’il est signalé que les murs de la cave sont bons et que celui de la maison présente deux lézardes jusqu’au toit. Les matériaux de construction ne sont pas précisés ; il est question, à deux reprises, de massequa (un couloir est fermé de massequa et il faut refaire les massequas dans le mur qui est fendu jusqu’au toit), laissant supposer une maison à colombages garnis de pierres16.

10L’habitation se compose de huit « espaces » principaux s’étageant de la cave au galetas. Au niveau de la rue, se trouvent la boutique et l’arrière-boutique, la première ouvrant sur la place publique par une sorte d’auvent ou de couvert de bois en saillie, au-dessus de laquelle repose une partie de la chambre du premier étage sur une longueur d’environ 3,5 mètres. D’une superficie dépassant 28 m2, cette dernière reçoit la lumière d’une croisée à six jours et est chauffée par une cheminée placée, semble-t-il, au centre de la pièce. L’arrière-boutique, dans laquelle on accède par une large porte de deux mètres de hauteur, possède un comptoir, ou un étal (tablier) en noyer, d’une longueur de plus de 3,5 mètres sur 0,45 mètre de largeur ; son éclairage doit beaucoup dépendre de sa porte, car à part cette dernière, elle ne reçoit d’aération et de lumière que d’un fenestron de 0,67 mètre sur 0,56 mètre, ce qui n’est certes pas ridicule. Au premier étage, une première salle semble être à l’arrière de la chambre dont nous avons parlé : ses dimensions ne sont pas indiquées, mais on sait qu’elle est éclairée par deux croisées et demie à quatre jours et chauffée par une cheminée en bois. Au-dessus, au deuxième étage, deux autres pièces avec cheminée (salle avec deux croisées et demie à quatre jours ; chambre). Enfin, au troisième étage, un galetas d’une hauteur d’environ 3 mètres jusqu’au faîte, couvert d’ardoises. Cette description serait incomplète si nous ne faisions état d’un petit couloir (courroir) large de 1,56 mètre et long de 7,13 mètres, qui, au rez-de-chaussée, conduit au privé ou lieu commun, mais dont l’aménagement n’est pas précisé.

11Pour ce qui concerne les menuiseries et huisseries, nous avons rapporté les informations contenues dans le document dans un tableau qui permettra de voir rapidement les essences qui étaient utilisées et à quoi elles étaient réservées. Le sapin est utilisé pour tout ce qui concerne les fermetures (panneaux des portes et fenêtres) de même que pour l’escalier qui descend à la cave, alors que les montants sont faits d’autres bois, chêne et noyer, parfois ouvrés. C’est aussi en bois de sapin qu’est construite la cheminée de la grande chambre du premier étage. Les fenêtres (croisées), à meneaux, sont elles-mêmes en bois, et non en pierre, pourvues selon ce que l’on comprend, de volets (il est question de fenêtres de sapin qui semblent être des sortes de volets), mais rien ne dit si elles possèdent des vitres, ni même si elles sont obturées.

Tableau no 23. Menuiseries et huisseries dans la maison de Pierre Bourrel (Tarascon, 1669)

Tableau no 23. Menuiseries et huisseries dans la maison de Pierre Bourrel (Tarascon, 1669)
  • 17 Arch. dép. de l’Ariège, 135 edt/gg3, f°°175.

12Représentative que d’elle-même, cette maison d’une quarantaine de m2 dans un « quartier » où la superficie moyenne des habitations dépasse le double, donne quand même des indications intéressantes sur un aspect du mode de vie des marchands d’une toute petite ville de montagne à l’époque moderne. Le « confort » n’y est pas tout à fait absent par la présence d’un lieu commun et des cheminées dans l’ensemble des pièces, même si l’on sait que les systèmes de chauffage de l’époque n’étaient pas des plus efficaces, en particulier à cause de toutes les déperditions subies par la chaleur produite. Les constructions étaient grandes consommatrices de bois, et quand le feu les prenait pour cibles, il n’en restait, la plupart du temps, qu’un tas de cendres. C’est ce qui se produisit en 1701, comme le signale le registre paroissial de Tarascon, dont nous reproduisons ici l’extrait concerné : « Sera mémoire à la postérité que le vingt deuziesme jour du mois de novembre mil sept cens un il arriva dans la présant ville une incendie si grande qu’elle emporta quatre vingts maisons de plus considérables de la ditte ville, la ditte incendie commança par la maison du sieur François Faure, régent, et eut emporté toutes les maisons de lad. ville sans que dans la maison du sieur Paul Teynier, mosquetaire, il s’y rancontra un bon mur qui sustint tout le choq et qui empêcha mesme que l’eglize ne feut pas brullée et de l’autre côté de place sans une muraille qui le rancontra dans la maison de la veuve de Raymond Seré l’autre côté de place jusques au Masel viel eût infailliblement brullé. Dieu nous préserve à jamais d’une telle incendie17

13Si nous en revenons au patrimoine immobilier, les données tirées des compoix permettent d’en établir la valeur moyenne par grandes divisions topographiques (place, centre – c’est-à-dire la ville haute, hors place –, Barri Clos, Faubourg du Bout du Pont) ainsi que la place qu’y tient l’habitation principale.

Tableau no 24. Patrimoine immobilier des marchands tarasconnais au milieu du xviie siècle

Tableau no 24. Patrimoine immobilier des marchands tarasconnais au milieu du xviie siècle

14Malgré les différences entre les deux compoix de 1649 et 1651, dues en partie à des variations des estimations de surface (ainsi, par exemple, la maison de Jean Rivière, rue de la Leude, passe de 34 à 38 cannes entre les deux dates), à quoi s’ajoutent quelques nouveaux noms ou la disparition d’anciens comme Jean Teynier, dont le titre de bourgeois s’est substitué à celui de marchand, la supériorité patrimoniale des marchands de la place, que nous avions déjà signalée, apparaît nettement. D’autre part, on voit que la maison représente une part assez considérable de ce patrimoine, puisqu’elle en occupe près de la moitié. L’importance globale du patrimoine de chacun détermine largement la place relative des habitations, comme le tableau suivant le met en évidence.

Tableau no 25. Part de la maison principale dans le patrimoine immobilier des marchands tarasconnais au milieu du xviie siècle

Tableau no 25. Part de la maison principale dans le patrimoine immobilier des marchands tarasconnais au milieu du xviie siècle

15Plus le patrimoine immobilier est important, plus la maison y occupe une part réduite malgré sa valeur beaucoup plus élevée. En effet, pour un marchand ne possédant que moins de 500 livres de biens immobiliers, la maison est souvent l’unique élément de ce patrimoine. En revanche, chez les mieux lotis, l’habitation principale, dont la valeur moyenne est évaluée à environ 1 300-1 900 livres – loin devant les 333-336 livres des premiers –, ne représente qu’un cinquième du total. La répartition du patrimoine immobilier est donc foncièrement, si l’on ose dire, inégale entre les marchands selon leur situation topographique : les seuls marchands de la place ne possèdent pas moins de 46 % de l’immobilier détenu par l’ensemble des marchands, ceux du Barri Clos, un petit peu plus de 20 %, et ceux installés autour du centre et au Faubourg du Bout du Pont se contentent de 16,5-17 %.

Tableau no 26. Marchands et patrimoine immobilier à Tarascon au milieu du xviie siècle

Quartier d’habitation

 % des marchands

 % du patrimoine immobilier

Place

27

46

Centre

23

16,5

Barri Clos

22

20,5

Faubourg du Bout du Pont

28

17

Total

100

100

16Toutes les inégalités patrimoniales que nous venons de décrire vont de pair avec les différences dans la structure du patrimoine immobilier des marchands qui apparaissent dans les tableaux suivants.

Tableau no 27. Structure du patrimoine immobilier tarasconnais des marchands de Tarascon au milieu du xviie siècle (en % de la valeur des biens immobiliers)

Tableau no 27. Structure du patrimoine immobilier tarasconnais des marchands de Tarascon au milieu du xviie siècle (en % de la valeur des biens immobiliers)

Tableau no 28. Présence de chaque élément composant le patrimoine immobilier des marchands de Tarascon au milieu du xviie siècle

Tableau no 28. Présence de chaque élément composant le patrimoine immobilier des marchands de Tarascon au milieu du xviie siècle

17La maison est évidemment omniprésente dans le patrimoine, généralement accompagnée d’un jardin – souvent avec un pigeonnier et une petite construction – non attenant dans deux tiers des cas, et cela pour tous les marchands quel que soit leur quartier d’habitation. Les champs sont présents dans un tiers des patrimoines avec une pointe à près de 75 % pour les marchands du Barri Clos, et un creux à 16,66 % pour ceux du Faubourg du Bout du Pont. Enfin, la plupart des marchands, à l’exception une fois encore de ceux du Bout du Pont, possèdent une ou plusieurs vignes qui leur assure(nt) une partie de leur consommation de vin. Près, bois, friches et métairies sont des biens beaucoup plus rares que seule une minorité possède à Tarascon. Il est en effet nécessaire d’insister sur le fait que, si le tableau que nous venons de dresser à partir des compoix offre une image intéressante du monde des marchands, elle n’en est pas moins partielle et incomplète, sinon déformée car il faut tenir compte aussi des biens mobiliers possédés par les marchands, aussi bien en marchandises, avoirs et créances, troupeaux, etc., et le foncier possédé dans les villages situés autour de Tarascon. Les sources utilisées (compoix fonciers et cabaliste, minutes notariales) ne peuvent sur ces points que nous donner des renseignements de première importance, certes, mais uniquement indicatifs. Pour l’heure, pourrions-nous entrebâiller la porte des demeures qui hébergent nos marchands ?

II. MEUBLES MEUBLANTS ET INTÉRIEURS MARCHANDS

18Dans quel cadre et avec quel « confort » vivaient les marchands du haut Pays de Foix à l’époque moderne ? Il est sans doute inutile de préciser, une fois de plus, que nous devons nous contenter de quelques évocations rapides, parfois prolongées par quelques fastidieux inventaires qui, s’ils ne peuvent nous aiguiller vers une connaissance globale des modes de vie, nous en fourniront, osons l’espérer, quelques indices. Nos sources sont une centaine d’actes contenant des inventaires sommaires et incomplets d’effets, vaisselle, meubles, etc. (inventaire de biens, testaments, partages de biens, contrats de mariage, quittances, restitutions de dot ou de biens, etc.) s’étendant de 1572 à 1696, outre un document chronologiquement isolé de 1544, et provenant essentiellement de Tarascon (près de 78 % du total), mais aussi d’Ax (9,5 %), de Chalabre et Quillan (plus de 5 % chacun), de Belcaire et Vicdessos. En aucun cas nous n’avons eu affaire à des inventaires post mortem qui nous auraient rendu, on l’imagine, de grands services. Cette documentation peut être divisée en deux types. D’une part, les contrats de mariages exploitables dans le sens de notre démarche – soit les trois quarts de l’ensemble du corpus mis en œuvre ici – qui, sauf exception, ne donnent que des informations sur la literie et les robes, c’est-à-dire ce qui compose les meubles dotaux, les dotalices et le trousseau. Cela nous permettra de voir dans quelle mesure il y a une diversité dans les choix, en particulier, vestimentaires, même si on connaît la limite de cette approche : deux robes et deux cotillons promis dans un contrat de mariage ne peuvent constituer une garde-robe. Deuxième type de documents : tous les autres qui comportent des « inventaires » ou plutôt des listes plus ou moins sommaires. Là, les informations sont plus variées, et si elles portent aussi sur la literie, les draps et couvertures, elles nous renseignent bien au-delà. Mais nous ne saurions croire, non plus, qu’ils nous apprennent tout ce qu’il faudrait pour connaître ces intérieurs de marchands. Cela dit, le rapprochement de ces divers documents nous permet de distinguer des biens et ustensiles se rapportant à cinq catégories : le mobilier simple, la literie et la chambre, la cuisine et le foyer, la cave, les vêtements, auxquels s’ajoutent quelques objets ne rentrant pas dans cette distribution que nous suivrons pour la commodité de l’exposé.

A) L’ameublement

  • 18 F. Mistral, Lou tresor dóu Felibrige, tome 1 ; V. Lespy, Dictionnaire béarnais ancien et moderne, (...)
  • 19 Par exemple, S. Palay, Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, Paris, cnrs, 1961.
  • 20 Dans l’inventaire des biens de Jean Ducorn (Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont, Vicdessos, (...)
  • 21 J.-P. Néraudau, Dictionnaire de l’histoire de l’art, Paris, PUF, 1985, art. « chêne » et « noyer »
  • 22 V. Lafage, « Le gîte, le couvert et l’habit : aspects de la culture matérielle à Montpellier dans (...)
  • 23 C. Rome, Les bourgeois protestants de Montauban au xviie siècle. Une élite urbaine face à une mona (...)
  • 24 Dans une perspective chronologique générale, le noyer apparaît comme le bois du xviie siècle alors (...)
  • 25 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « sapin ».
  • 26 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 664, f°°189v°, me Delauriol, Tarascon, 2/7/1669. La petite armoire n’a (...)
  • 27 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 635, f°°53v°, me Ferrand, Tarascon, 28/8/1654.
  • 28 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f°°56, me F. Vallon, Quillan, 7/5/1660. Le cabinet s’apparente à u (...)
  • 29 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 463, f°°21v°, me Rolland, Tarascon, 26/1/1608.

19Si on ne prend pas en compte, pour l’instant, tout ce qui touche à la literie (lit et châlit), pour 70 pièces de mobilier nous connaissons la matière dans laquelle elles sont réalisées : 53 % le sont en coral, 31 % en noyer, 16 % en sapin. La chose qui est indiscutable est la place minoritaire du sapin, presque strictement réservé à ce que les documents appellent « caisses », faites uniquement dans cette essence, et aux trois armoires que nous avons pu repérer (en 1652, 1669 et 1678). En revanche, la définition du coral s’avère plus délicate ; on sait en effet, que ce terme désigne le cœur des arbres à bois dur, mais s’applique-t-il seulement et dans tous les cas au chêne comme les dictionnaires de Frédéric Mistral, Vastin Lespy ou Louis Alibert le laissent entendre18 ? D’autres dictionnaires n’assignent pas d’essence particulière au coral19. Le fait que dans les documents que nous utilisons, nous ne trouvions pas, sauf dans un cas, les appellations « coral » et « noyer » en concurrence, ne nous aide pas non plus à définir le terme20. À Tarascon, la disproportion entre les deux mots est forte : ce ne sont que trois mentions de coffre en noyer que nous obtenons (1654, 1673 et 1675), une de table (1544) et deux de bancs (1675). Le chêne a été extrêmement utilisé par les menuisiers du Moyen Âge, en particulier pour la confection des coffres, avant d’être concurrencé sans disparaître, à partir du xve siècle, par le noyer, bois qui « accroche » mieux la lumière et aurait ainsi répondu à de nouvelles exigences esthétiques, elles-mêmes conditionnées par un meilleur éclairage des intérieurs21. Il est probable que notre coral désigne du chêne et que, dans ces conditions, les marchands tarasconnais incarnent une sorte de résistance à la pénétration massive du noyer qui, notons-le malgré une documentation bien réduite, est le seul bois – avec le sapin pour les caisses – que l’on trouve à Quillan et Chalabre (sept mentions de coffres en noyer, six chaises, un tabouret, de 1630 à 1677). Dans le Montpellier22 et le Montauban23 du xviie siècle, le noyer serait aussi le bois le plus prisé ; chez les « bourgeois » de la ville protestante, seuls quelques coffres seraient en chêne24. Le sapin, enfin, tendre, léger, souple, mais solide, était réservé aux meubles ordinaires25 que sont les « caisses » dont nous avons parlé, mais aussi les très rares armoires. C’est dans ce bois que sont confectionnés la petite armoire et le cabinet qui se trouvent dans la maison qu’achète Pierre Bourrel en 166926. Deux buffets sont mentionnés, en 1544 (buffet de menuiserie) et 1 654 (un grand buffet), ce dernier siégeant dans la salle principale de l’habitation de Jean Bergasse27, et un cabinet en 1660 à Quillan28. Un seul dressoir, certainement pour disposer la vaisselle, nous est connu en 1608 chez Vidal Teynier29.

  • 30 Le mot apparaît généralement sous sa forme occitane (« archibanc ») orthographiée de façons variée (...)

20Les meubles de rangement regroupent donc essentiellement les différentes sortes de coffres, coffres (de) bahut, arche-banc30. Comme son nom l’indique, ce dernier meuble désigne un coffre (l’arche est le coffre à couvercle bombé) surmonté d’un banc avec dossiers et accotoirs. Réalisé en coral, parfois en noyer, exceptionnellement en sapin (un cas), l’arche-banc subit-il la concurrence du coffre qui aurait tendance à le remplacer ? Dans notre corpus, l’arche-banc est cité de 1544 à 1665 alors que le coffre n’apparaît qu’en 1615, et même n’est présent dans les contrats de mariage qu’au cours des années 1620. Ces meubles, comme les caisses, sont généralement munis de serrures et clés ; on les rencontre dans les chambres où ils reçoivent draps et vêtements, et sans doute aussi dans la salle principale de la maison où l’arche-banc peut être placé près de l’âtre.

  • 31 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « escabeau » et « escabelle ».
  • 32 P. Cayla, Dictionnaire des institutions, des coutumes et de la langue en usage dans quelques pays (...)
  • 33 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 463, f°°21v°, me Rolland, Tarascon, 26/1/1608.
  • 34 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 689, f°°119, me J. Rolland, Tarascon, 8/10/1665.
  • 35 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 604, f°°225, me Rolland, Tarascon, 16/2/1675.

21Différentes appellations désignent des sièges, outre l’arche-banc à usages multiples dont nous venons de parler : bancs, tabourets, escabelles, escabellards, chaises, fauteuil. Certains de ces termes, tels que chaise, banc ou tabouret n’appellent pas de remarques particulières quant à leur définition, même si on ne peut pas dire précisément de quels modèles il s’agit (chaises à bras ?, à dossier élevé ? ; banc simple ou à dossier ?, etc.). En revanche, « escabelle » et surtout « escabellard » sont plus mystérieux. Selon Jean-Pierre Néraudau, le terme d’escabelle est réservé au xvie siècle, « à un escabeau [siège bas, sans bras ni dossier, à deux, trois ou quatre pieds] qui pouvait être muni d’un dossier31 ». Escabellard pourrait en être un augmentatif, valeur que possède le suffixe occitan –ard d’usage assez courant32. En 1608, il est question d’une table « rallongée de quatre escabellards longs33 », en 1665, d’une table de coral avec deux « escabellards34 » et en 1675, d’une petite table de coral avec deux escabeaux35 : ce type de description suggèrerait un lien physique fort entre table et escabellard, mais qui n’est pas systématiquement évoqué. Le tableau suivant permet de résumer les informations sur les sièges recueillies pour Tarascon.

Tableau no 29. Les sièges à Tarascon (milieu xvie siècle- xviie siècle)

Tableau no 29. Les sièges à Tarascon (milieu xvie siècle- xviie siècle)
  • 36 Petite chaise.
  • 37 Chaise de coral.

Note 3636
Note 3737

  • 38 C. Rome, op. cit., p. 71, n’en rencontre qu’un ou deux dans seulement trois inventaires.
  • 39 B. Gauthier, « L’habitat des marchands bordelais au xviie siècle d’après les inventaires après déc (...)
  • 40 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 673, f°°105v°, me Delauriol, Tarascon, 2/9/1687.
  • 41 Au compoix de 1649 (135 edt/cc1), il n’a qu’une maison de 9 cannes et un jardin évalués à 351 livr (...)
  • 42 Cf. Ax le 6/8/1643 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu) : un banc à l’antique et (...)
  • 43 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f°°56, me F. Vallon, Quillan, 7/5/1660. On trouve aussi un tapis d (...)
  • 44 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 604, f°°263, me R. Rolland, 13/8/1675.
  • 45 On observe la même chose à Bordeaux où il y a peu de tapis sur les sols et où les tapisseries mura (...)

22La lecture de ce tableau ferait pencher vers une évolution dans l’ameublement au détriment de l’escabelle, présente du milieu du xvie siècle au tout début du xviie siècle, au profit de l’escabellard, puis de la chaise et du tabouret. Bancs et fauteuils n’apparaissent que rarement et tardivement, ce qui est assez surprenant pour les bancs, mais pas du tout pour les fauteuils dont l’extrême rareté est aussi signalée à Montauban38 ou à Bordeaux39. La présence de deux fauteuils garnis de canevas, chez Pierre Bourrel en 1687, trahirait-elle le standing de ce marchand40 ? Âgé d’environ 70 ans, en fin de parcours (il mourra un an et demi après), Pierre Bourrel qui fut plusieurs fois consul et premier consul, se sera distingué par sa grande activité dans le commerce en direction de la Catalogne et par sa volonté d’augmenter son patrimoine41 qui ne sont pas alors, contradictoires avec la recherche d’un certain confort privé. À Ax et Chalabre, on retrouve des bancs42, alors qu’à Quillan la présence de dix chaises en noyer garnies de cuir d’Espagne révèle un certain goût, voire un certain luxe, d’autant plus que ce même marchand possède un tapis de Turquie et un miroir43. Cette dernière mention est la seule de toute notre documentation sur ce type d’objet de décoration même si, en 1675, il y en avait 15 petits dans la boutique que laissa Jean Brefeilh à sa mort44. Pour les tapis, Pierre Bourrel en mentionne un en 1687, fait de la même étoffe que le lit, mais dont la destination n’est pas non plus indiquée (décoration murale ?, parement de table ou de meuble ?, sol ?)45.

  • 46 Selon les mêmes valeurs de 1647, si l’arche-banc de coral vaut 12 livres, les coffres de coral tom (...)

23Lorsqu’il délaisse à son fils en 1647, quelques meubles, ustensiles et autres effets, Mathieu Teynier n’omet pas d’en préciser la valeur, précaution qui nous vaut de pouvoir comparer les prix des différents types de sièges dont nous parlons et que nous avons reportés dans le tableau précédent. Ces écarts notent certainement les différences entre les meubles. Ainsi, l’arche-banc de coral à 12 livres n’a rien à voir avec le tabouret à 1 livre ou même les chaises à 1,5 ou 2,5 livres et les escabellards de coral à 3 livres. D’ailleurs, chaises et tabourets, comme les escabelles – alors disparues – voire les escabellards, se rencontrent par unités plus nombreuses (une moyenne de sept pour les chaises mais pouvant atteindre la douzaine, 5,5 pour les escabelles, trois pour les tabourets et deux pour les bancs et escabellards). L’arche-banc est une pièce unique, comme le coffre, auquel il s’apparente en réalité46.

  • 47 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 492, f°°213v°, me G. Rolland, Tarascon, 1/11/1641.
  • 48 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 516, f°°199, me S. Rolland, Tarascon, 2/12/1611.

24Pour ce qui est des tables, en coral ou en noyer, nous sommes peu renseignés. Jean Ducorn en a deux en 1544, une ronde et une longue ; une table longue est encore mentionnée chez Jean Brefeilh en 1675. Deux tables, une grande avec son pied en noyer et une petite avec aussi son pied, c’est ce que reçut le marchand d’Ax Guillaume Florence de sa femme ; celle de Jean Falgayron a quatre pieds en 164147 ; Mathieu Teynier en laisse trois à son fils en 1647 ; en 1654, Jean Bergasse possède une table double. Ces tables sont sans doute disposées dans la salle d’habitation et si les maisons en ont une, dans la cuisine comme l’indique Jean Alabert vieux en 161148.

B) Chambres et literies

25Les contrats de mariage nous informent amplement sur la composition des literies qui constituent une part importante de l’apport de la mariée. Nous aurons l’occasion de revenir sur tout cela lorsque nous nous intéresserons aux alliances matrimoniales où nous prendrons le temps d’analyser la composition des trousseaux. Pour l’heure, restons-en à une description sommaire de la literie. Les lits de notre documentation sont souvent seuls car nous nous appuyons sur des contrats de mariage, restitutions ou délaissements de biens, « inventaires » lacunaires qui ne prennent pas en compte l’ensemble du mobilier d’une maison. L’inventaire le plus complet que nous ayons – qui est aussi le plus ancien : 1544 – porte mention de six lits chez le marchand Jean Ducorn ; un siècle plus tard, Mathieu Teynier en donne trois à son fils. Donc, évidemment, ce sont plusieurs lits qui se trouvent dans les maisons de nos marchands au début et au milieu des temps modernes. Ces lits sont des meubles assez imposants : plusieurs fois, on sait qu’ils se composent d’un châlit, appelé systématiquement archelit dans les documents, par francisation du mot occitan arcalièit.

  • 49 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « châlit ».
  • 50 A Montpellier, V. Lafage, art. cit., p. 13, les lits étaient tous en noyer.
  • 51 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f°°60, me R. Rolland, Tarascon, 2/4/1647.
  • 52 Pour Montpellier, V. Lafage, art. cit., p. 14, écrit que les surciels ne sont mentionnés que chez (...)
  • 53 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 477, f°°14v°, me G. Rolland, Tarascon, 14/6/1623.
  • 54 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 708, f°°32, me Ferrand, Tarascon, 15/3/1678.
  • 55 Sa valeur est de 40 livres alors qu’un lit et sa « couette » ne vaut que 100 livres. Selon la défi (...)
  • 56 Le mieux décrit, en 1647, parle de drap vert garni de passements, mais malheureusement, un ou deux (...)
  • 57 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 502, f°°67, me G. Rolland, Tarascon, 22/3/1651.
  • 58 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 600, f°°202, me R. Rolland, Tarascon, 11/11/1670.
  • 59 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 722, f°°85, me Ferrand, Tarascon, 27/6/1695.
  • 60 Adapté de l’occitan colcena. Le terme est celui de la fin du xvie siècle ; il devient rare ensuite (...)
  • 61 « Un lit garni de couette » est l’expression usuellement employée.
  • 62 Dans un acte de 1675 il est aussi question d’une paillasse, sans doute garnie de paille. À la fin (...)
  • 63 Mention de coussins de Flandre le 10/2/1629 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 617, f°°37, me Gouzy, Tar (...)
  • 64 Rappelons, comme l’ont montré H. Enjalbert (« Le commerce de Bordeaux et la vie économique dans le (...)
  • 65 De l’occitan flaçada, couverture de laine.
  • 66 Plusieurs cas, en 1633, 1671, parlent de toile de lin, quelques cas aussi de toile de Gascogne. 6 (...)

26Le châlit, « bois de lit formant un cadre monté sur quatre pieds, muni d’un chevet et fermé sur les côtés par des battants49 », était fait en coral dans tous les cas où l’essence est indiquée50. La recherche d’un certain raffinement esthétique n’en est pas totalement absente, tel celui-ci « travaillé de plusieurs figures, ayant au chevet trois images et [ ?] de figures de pommier51 ». Si nos sources parlent bien de châlit, en revanche rien ne permet de dire que ces lits étaient tous surmontés d’un ciel et entourés de rideaux, même si c’est fort probable52 ; les trois cortines de l’inventaire de 1544 pourraient toutefois s’y référer, de même que des « courtines et rideaux de ret avec bande de toile », en 162353, ou ces rideaux de Bergame compris dans les « accessoires » d’un lit en 167854. On ne sait précisément à quoi se rapporte l’expression « garniment de lit », souvent associée au lit ; ces garniments sont rarement décrits mais on sait qu’ils peuvent être en couleur (couleur, sans indication, en 1615 ou 1627 ; jaune ou bleu et vert en 1675) et même de découpure à carreaux (1647)55. Quant aux tours de lit qui apparaissent quelquefois, peut-on les rapprocher de rideaux56 ? On pense particulièrement à « un tour de lit de Bergame » d’un contrat de mariage de 165157, à celui « de filet de carreaux » de 167058, ou encore à celui « de toile avec ses courtines de ret » en 169559. Le cadre de lit est occupé par un « matelas » généralement appelé coulcenne60 ou couette61, rempli bien souvent d’un quintal de plumes62 comme les coussins qui les accompagnent63. L’utilisation de plume d’oie est-elle le signe d’un certain niveau social64 ? Quant aux draps (linceuls) et aux couvertures (couvertes ou flassades65), nous n’en savons pas grand chose. Les draps sont souvent en toile dite « de maison66 » sans indication de couleur contrairement aux couvertures simples ou doubles, qui peuvent être vertes ou rouges, outre le blanc parfois précisé. Les flassades sont dites quelquefois du pays, par exemple en 1648, mais les couvertes sont bien souvent de Montpellier, de Toulouse (mentions en 1645 et 1695), de Gimont (mention en 1643) ou de Lyon (1544). Leurs dimensions ne sont indiquées que deux fois (1575 et 1647) : la première mesurait 4,46 sur 2,23 mètres alors que deux autres avaient environ trois mètres de long, ce qui en fait des pièces de bonne dimension.

27Comme nous l’avons dit plus haut, coffres et éventuellement armoires meublent les chambres où le lit occupe déjà une grande place. Bassine ou bassin de lit et chauffe-lit complètent les ustensiles présents dans cette pièce que les rigueurs des hivers montagnards devaient rendre peu accueillante.

C) La cuisine, le foyer, la cave

  • 67 Pour ces récipients « verseurs », dans notre corpus, le rapport est de 1 à 3 en faveur de l’étain. (...)
  • 68 La place de l’étain dans la vaisselle des marchands tarasconnais tranche assez avec ce que V. Lafa (...)
  • 69 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 520, f°°77, me S. Rolland, Tarascon, 7/5/1615.
  • 70 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 703, f°°81, me Rolland, Tarascon, 1/8/1680.
  • 71 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f°°60, me R. Roland, Tarascon, 4/2/1647.
  • 72 Mention de couteaux et de ciseaux, cependant, dans la boutique de feu Jean Bréfeilh, mort en 1673, (...)
  • 73 Dans les inventaires bourgeois montalbanais, fourchettes mais aussi couteaux et cuillères sont ass (...)
  • 74 Le caractère probablement lacunaire de ce type de source est aussi évoqué par V. Lafage, art. cit. (...)

28Autour de la notion de cuisine, nous avons pu relever environ 300 objets qui ressortissent à trois ou quatre domaines plus ou moins distincts : le feu et le foyer, les ustensiles de cuisine, les récipients de toutes sortes, la vaisselle et le couvert ; dans 48 % des cas, le matériau – généralement métallique – qui les compose n’est pas précisé. Mais en recoupant les informations, on peut dire que l’ensemble des instruments servant au feu ou étant en contact avec lui sont souvent en fer (landiers, crémaillères, pelles et pinces à feu, poêle à frire) alors que les récipients importants sont en cuivre (chaudrons, bassines) et les pots et autres récipients « verseurs » inégalement répartis entre le cuivre – minoritaire – (majorité des cruches) et surtout l’étain (quelques cruches, aigassièrs, les pintes, quarts et justes)67. L’étain est largement majoritaire, voire sans concurrent pour tout ce qui concerne la vaisselle de table (plats, écuelles, assiettes, salières), même si on trouve quelques plats en laiton et de rares cuillères en argent68. Plusieurs fois, des « réserves » d’étain semblent conservées chez des marchands, peut-être destinées à la réparation ou à la confection de la vaisselle ; ce sont des quantités assez importantes : 20 livres poids reçues par Germaine de Lacombe en 161569, un demi quintal chez François Malhat en 168070, une valeur de 70 livres chez Mathieu Teynier en 164771. Cuillers et cuillères en argent sont nos seules références explicites aux couverts : aucun couteau72, ni fourchette, ni verre n’apparaît dans la documentation. Pour la fourchette, cela peut se concevoir dans la mesure où son introduction a été lente, mais les couteaux semblent plus répandus et plus utilisés ne serait-ce qu’en cuisine pour débiter les viandes73. Il faut sans doute penser que tous ces « inventaires » que nous utilisons, s’ils nous dévoilent des informations précieuses, n’en restent pas moins fort incomplets74.

  • 75 Deux sacs à tenir farine : Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu, Ax, 6/8/1643.
  • 76 Une grande arque servant à tenir farine : Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f°°60, me Rolland, Tara (...)
  • 77 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628, inventaire des biens de feu Arnaud Bosc.
  • 78 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 708, f°°32, me Ferrand, Tarascon, 15/3/1678.
  • 79 Chaudron et dorc pour l’huile : Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu, Ax, 6/8/1643 (...)
  • 80 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628.
  • 81 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu, Ax, 6/8/1643.
  • 82 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3261, f°°61, me P. Thournier, Chalabre, 30/8/1650.
  • 83 Chandelier d’un poids de 3 livres, en 1615. Il y a aussi des petits chandeliers.

29Les denrées utilisées dans la cuisine sont abritées dans divers contenants tels que des sacs75, un coffre (« grande arque »)76 ou une caisse en sapin77 pour la farine, pour laquelle on dispose aussi d’un moulin pour la passer78, petit chaudron et grande cruche ou jarre (dorc)79 pour l’huile. À ces « meubles » peuvent s’ajouter des balances80, une maid (maie)81 pour pétrir et un dorc de terre pour blanchir le linge82. Enfin, quoiqu’il ne s’agisse point d’objets relevant uniquement de la cuisine, n’omettons pas de citer les chandeliers dont l’omniprésence en plusieurs exemplaires dans les habitations, si ce n’est pas dans tous nos inventaires (seul le tiers en fait mention), ne fait pas de doute. À part une exception à Ax où il est question d’un chandelier de cuivre83, tous les autres sont en laiton.

  • 84 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628 et 5 E 503, f°°77v°, me G. Rolland, 30/4/ (...)
  • 85 Semostar, somostar : ôter le surmoût ; faire le surmoût ; tirer le vin de la cuve avant qu’il ait (...)
  • 86 Voir le 28/1/1673, « une pipe où il fait bouillir la vendange » chez Guillaume Bergasse (Arch. dép (...)
  • 87 Pour donner une idée, cela correspondrait à une cuve de deux mètres de haut ayant un diamètre de 1 (...)

30Onze descriptions sur les dix-huit que nous avons pour Tarascon mentionnent le matériel contenu dans le cellier, le chai ou la cave ; cette proportion de 61 % doit être considérée, à notre avis, comme un minimum car la source, on le sait, est loin d’être complète. Les deux « inventaires » que nous pouvons utiliser pour Ax ne font aucune mention d’un tel matériel, mais à cause de la faiblesse de la documentation, il est impossible d’en tirer une quelconque conclusion. À Quillan et à Chalabre, en revanche, chacune des trois descriptions porte de la vaisselle vinaire. Que trouve-t-on dans les caves de ces marchands de la montagne ? Deux grandes séries d’objets s’y rencontrent : ceux liés à la vendange et à l’élaboration du vin, et ceux consacrés à la conservation de ce vin. Le premier type prouve, comme nous l’avions vu, que les marchands produisent – au moins en partie – leur propre vin, à partir du raisin de leur vigne ou de celui qu’ils ont pu acheter. Dans cette rubrique se rangent les semals (comportes), les presses et sans doute les semoustadous évoqués à plusieurs reprises mais que nous avons du mal à définir. En 1628 ou 1652, il est question d’un soumoustadou servant à presser la vendange84 mais le prix qu’attribue Mathieu Teynier à son grand semoustadou en 1647 (3 livres) en fait un instrument sans commune mesure avec sa presse évaluée à 18 livres. Absent de l’ensemble des dictionnaires que nous avons pu consulter, le terme se rapproche de celui de mostadoira~ mostadora donné par certains d’entre eux et défini, selon les cas, par « fond du pressoir » (mag mostadoira chez Lévy), pressoir, fouloir, auge à fouler le raisin. Il aurait pu être croisé avec le verbe semostar et le substantif semostat donnés par Mistral, se rapportant au « surmoût85 ». Donc, nous aurions un instrument qui, sans être le pressoir, participerait à l’élaboration du vin, peut-être comme une partie du pressoir. Pressé, le raisin est mis à fermenter dans des cuves, tines ou pipes réservées à cet effet86 ; celle de Mathieu Teynier en 1647 ne coule pas moins de 10 pipes, c’est-à-dire autour de 4 000 litres ou plus87 et vaut 45 livres quand une pipe ou barrique n’en vaut que quatre. Le vin, issu de ce processus, pouvait être ensuite, à l’aide d’un entonador (entonnoir), stocké dans des tonneaux, pipes, barriques et barrals, en plusieurs exemplaires dans les caves (à Tarascon : six pipes, une barrique, des pipots en 1544 ; deux pipes, quatre barriques, un barral en 1641 ; quinze pipes et barriques en 1647 ; six tonneaux, cinq pipes, deux barriques, deux barrals en 1675 ; à Quillan, en 1631 : quatre pipes). La contenance de ces divers tonneaux variait ; on trouve des pipes de trois charges (autour de 450 litres ?), des barriques d’une ou deux charges (environ 150 et 300 livres ?) et de 12, 14 et 19 cires (225 à 356 litres) ; les quelques barrals que l’on dénombre aussi ne contiennent, quant à eux, qu’une faible quantité de liquide, une quarantaine de litres.

  • 88 Dans la maison d’Arnaud Bosc, le grenier contient 7 setier de froment et 15 de seigle (Arch. dép. (...)

31Si le vin occupe une certaine place dans quelques inventaires, en revanche, le contenu des greniers est peu évoqué. Or, on peut bien supposer que nos marchands devaient disposer de réserves de grains ne serait-ce que pour leur consommation propre, voire en vue d’une vente ultérieure. Les rentes qu’ils recevaient de leurs terres ou celles qu’ils percevaient comme fermiers de droits seigneuriaux ou de dîmes, sans parler des pensions que les veuves se voyaient octroyer, devaient trouver un lieu de stockage dans l’habitation88.

D) Linge et vêtements

  • 89 V. Lafage, art. cit., p. 22-23. À Bordeaux, il y avait grande abondance puisque dans près de 60 % (...)
  • 90 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « serviette ».
  • 91 Ce qui est faible par rapport aux marchands bordelais de la même époque chez qui 4 nappes est le m (...)

32Nous avons fait largement allusion au linge de maison en parlant des chambres. Notre documentation nous renseigne aussi sur d’autres types de linge (serviettes) et sur quelques vêtements, mais il serait vain, à partir de cela, de vouloir reconstituer, ne serait-ce que partiellement, la garde-robe des marchands et de leurs femmes. De même, une grande partie de nos informations sur les vêtements féminins provient des contrats de mariage et nous comprenons bien que ce qui est promis à cette occasion ne peut pas refléter les pratiques quotidiennes. D’autre part, lorsqu’un mari décide, par testament, que ses héritiers devront fournir périodiquement à sa femme une robe, celle-ci est d’abord destinée à marquer le deuil. Et là non plus, à moins de n’imaginer qu’une société de veuves, la représentativité est loin d’être assurée. Ces précautions prises, un certain nombre de choses apparaît. Par exemple, l’importance du nombre des serviettes qui dans tous les cas sont comptées par lots de six (le minimum) à 11 douzaines (le maximum) chez Mathieu Teynier, en 1647 ; la plupart du temps (plus de 80 % des mentions de notre corpus pour plus de 87 % des serviettes), ces lots sont des multiples de six et en comprennent une moyenne de 25 (médiane de 18), ce qui n’est pas si mal ; dans le Montpellier du premier tiers du xviie siècle, les marchands avaient, en moyenne, vingt serviettes, les bourgeois trente89. On ne sait de quel type de serviettes il pouvait s’agir car le mot désigne aussi bien celles destinées à la toilette, et dont l’usage est ancien, que celles de table qui commencent à s’imposer au xvie siècle90. Autres pièces bien représentées quoique en nombre plus restreint : les nappes. Rarement solitaires, elles sont souvent décrites par lots de deux à quatre unités, la moyenne s’établissant autour de quatre91. Pas plus que pour les serviettes, nous ne savons dans quels tissus elles étaient confectionnées, la seule mention se rapportant à la qualité concerne Ax où, en 1643, une des huit nappes reçues par Guillaume Florence de sa femme est dite « assez fine », les autres étant peut-être « assez grossières » ( ?). Et, malgré leur âge (elles sont qualifiées de « vieilles »), celles de Mathieu Teynier sont estimées à trois livres l’unité alors que ses serviettes ne le sont qu’à 9 sols 1 denier, soit 6,6 fois moins.

  • 92 Ce qui est appelé partout « cotillon » pourrait être le bas de cotte ou bas de jupe (sorte de jupo (...)
  • 93 Quelques mentions – rares – de chemises en toile de lin.
  • 94 Un bas de cotte de couleur le 28/12/1677 à Belcaire, Arch. dép. de l’Aude, 3 E 6757, me Bernard.
  • 95 Mention de chausses le 2/12/1611 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 516, f°°199, me S. Rolland, Tarascon (...)
  • 96 Dix bas dans le testament de Paule de Falga, veuve de Raymond Lafargue, Arch. dép. de l’Ariège, 5 (...)
  • 97 Six couvre-chefs légués par Peyronne Denguilhem le 2/9/1654 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 635, f°°6 (...)
  • 98 Cette description correspond à ce qui s’observe à Montauban où les robes sont surtout noires (C. R (...)
  • 99 Si l’on assimile les jupes perpignanaises (faldilles) aux cotillons, force est de remarquer que le (...)
  • 100 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 658, me Delauriol, Tarascon, 23/11/1655 ; on retrouve de la ferrandine (...)
  • 101 Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont, Vicdessos.
  • 102 On trouvera dans le glossaire des définitions sommaires se rapportant aux diverses étoffes que nou (...)
  • 103 Pour Quillan, le nombre de cotillons dénombré (cinq) ôtant toute signification aux résultats, nous (...)
  • 104 B. Marty, art. cit., p. 477 et 481-482.

33Les vêtements féminins nous sont mieux connus grâce aux contrats de mariage. Ils se composent de robes et de cotillons92 qui font généralement partie du trousseau, de chemises et chemisoles blanches ou grises sans doute en toile de maison93, de bas de cotte94, le tout complété, bien sûr, par des chaussures, des chausses95, des bas96 et un ou plusieurs couvre-chefs97. Pour ce qui est des couleurs, les sources associent dans une proportion voisine de 90 % le noir aux robes98, même si on en trouve des violettes ou des bleues, alors que les cotillons dont quelques-uns sont noirs, offrent généralement des coloris plus vifs et chauds : violet et bleu aussi, gris, vert, feuille morte, couleur de feu, mais surtout toutes sortes de nuances de rouge, pourpre, incarnat et nacrat (50 % de notre corpus tarasconnais)99. Une certaine recherche de goût n’est pas absente à travers ce que l’on peut apercevoir de ces descriptions sommaires. Plusieurs robes et cotillons sont garnis de velours, de satin, surtout de soie et passements de soie, de dentelles aussi, dont cette dentelle de Flandre noire qui garnit une ferrandine à gros grains100. Une fourrure n’est évoquée qu’en 1544 pour une robe violet foncé, en drap de Narbonne, doublée (ou fourrée) de peaux blanches101. Quant aux étoffes102 utilisées, les burats et rases, qu’ils soient du pays ou de Nîmes, se taillent la part du lion laissant néanmoins de bonnes portions aux serges (de Tarascon ou dites de Londres, de Florence), camelots et étamines. Du côté des cotillons, la rase l’emporte largement (37 %) préférée aux cadis, camelots et serges, l’ensemble de ces tissus ne laissant que très peu de place aux autres ; cette prééminence de la rase se retrouve à Ax et à Quillan même si le corpus recueilli y est plus réduit103. Comme à Perpignan104, on peut penser que les femmes de nos marchands avaient des manteaux pour se protéger des rigueurs de l’hiver, peut-être utilisaient-elles aussi des pantoufles à l’intérieur…

  • 105 B. Gauthier, art. cit., p. 515.
  • 106 B. Marty, art. cit., p. 481-482.
  • 107 Dans son testament, Arnaud Laforgue lègue une bague en or qu’il a dans son coffre, pour la dorure (...)
  • 108 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 484, f°°256v°, me G. Rolland, 11/06/1631.

34Les femmes portaient certainement des parures et bijoux, mais, en plus de l’anneau nuptial, que possédaient-elles ? Les épouses des marchands tarasconnais suivaient-elles un modèle proche de celles de Bordeaux où la rareté des bijoux est signalée105 ou se rapprochaient-elles plus du type perpignanais où anneaux et bagues en or, souvent surmontés d’un cristal, d’une pierre fine ou précieuse (turquoise, émeraude, rubis, améthyste, grenat), boucles d’oreilles, chaînes, pendentifs et médailles, garnitures de perles pour les cheveux, semblaient courants106 ? Les indications sont trop rares et l’expression de « bagues et joyaux », quelquefois contenue dans les contrats de mariage, trop vague pour que nous puissions dire quelque chose107. Un testament, celui de Paule de Falga, veuve du marchand Raymond Lafargue, décrit les « jouyaux » de la testatrice qui consistent en une garniture d’or, donnée par son mari, une ceinture de perles, une bague d’or108.

  • 109 Il s’agit des vêtements de Guillaume Bergasse (1673) et de Jean Brefeilh (1675) ; Arch. dép. de l’ (...)
  • 110 G. Hanlon, L’univers des gens de bien. Culture et comportements des élites urbaines en Agenais-Con (...)
  • 111 De couleur grise » (Dictionnaire du français classique. Le xviie siècle, Paris, Larousse, éd. 1992 (...)
  • 112 B. Gauthier, art. cit., p. 513-514. Pantoufles et robes de chambres devaient aussi être portées pa (...)
  • 113 Il semblerait qu’à Perpignan, le port de la cape était assez courant chez les artisans et les marc (...)
  • 114 Deux pistolets à feu (d’une valeur de 24 livres) et deux mousquets (20 livres) chez Mathieu Teynie (...)
  • 115 1 pedrinal et une arquebuse avec leurs garniments, et une hallebarde dans le grenier d’Arnaud Bosc (...)

35Si l’on peut reconstituer, ne serait-ce que sommairement, une partie des éléments composant la garde-robe d’une femme de marchand montagnard, en revanche, pour les hommes, l’opération s’avère bien plus difficile : seules deux descriptions chronologiquement proches (1673 et 1675), mais qui ne brillent pas par leur précision, nous donnent quelques indications109. « Meilleure façon de manifester le “paraître110” », l’habillement nous reste donc largement mal connu. Les marchands portaient chemises, habits de drap minime111, bas (blancs) et souliers ( !), chapeaux et manteaux, autant d’éléments qui se retrouvent dans les inventaires de leurs confrères bordelais de la même époque. Ces derniers y ajoutaient aussi des haut-de-chausses, des caleçons, des paires de chaussettes, des gants et, pour l’intérieur, des pantoufles et des robes de chambre112 que nos marchands devaient posséder mais que la partialité des sources mobilisées ne met pas en lumière. Quant aux capes, qu’elle était leur popularité113 ? La panoplie était complétée de ceinturons et certains pouvaient arborer une épée dans son baudrier, voire être munis de pistolets à feu, de mousquets114, pedrinal, arquebuse, hallebarde même115, et de fusils dont on ne sait l’usage qu’ils leur réservaient, mais sans doute que leur participation à la milice de la ville ne devait pas être étrangère à cette possession, ni même les troubles que connut la région jusqu’au milieu du xviie siècle.

  • 116 Ce sont généralement des femmes ; les appellations de « chambrière » et « servante » sont pratique (...)
  • 117 J. Boulhaut, « Un marchand de Foix au xve siècle : Raymond Galhard », Bulletin de la Société ariég (...)
  • 118 J.-E. Iung, « Commerce et marchands en Haute-Auvergne (xvie-xviiie siècles) », Enluminures, no 6, (...)
  • 119 B. Gauthier, art. cit., p. 519.

36Un autre trait de leur niveau de vie, dont nous n’avons pas eu encore l’occasion de parler, est l’existence d’une domesticité. Celle-ci nous est très mal connue et toujours de façon indirecte, essentiellement par les mentions dans les testaments ou par les actes de décès, qui nous donnent à connaître un certain nombre de chambrières et servantes de marchands116. Nous ne pouvons pas, avec de telles sources, généraliser abusivement, mais il semble bien que l’emploi de domestiques soit très fréquent, malgré, sans doute, des inégalités entre ceux qui se regroupent autour de la place et ceux qui doivent se contenter, en tout cas momentanément, du Faubourg du Bout du Pont. Cela étant, du fait de leur richesse relative par rapport au reste des habitants des villes étudiées, les marchands occupent, globalement, une position privilégiée que leur patrimoine immobilier, et peut-être aussi l’équipement de leur résidence, mettent en lumière. Quant à la possession d’objets « culturels », la possible mention d’une guitare laisse transparaître un goût pour une certaine forme d’art que le reste des sources n’éclaire pas, puisqu’il n’est aucunement fait référence à la possession de tableaux ou autres objets d’art, ni même à celle de livres. Vu ainsi, cela tranche avec un marchand fuxéen de la fin du xve siècle (il doit mourir vers 1501) comme Raymond Galhard, qui avait acquis des œuvres d’art et des tissus précieux117 ou avec le marchand mercier aurillacois Pierre Foys dont chambres et cabinets étaient, à sa mort survenue en 1629, ornés de tableaux à sujets profanes et religieux118. Les marchands bordelais de l’époque que nous étudions, pour leur part, possédaient rarement des livres, mais en revanche la moitié d’entre eux environ avait des tableaux119. Mais il ne s’agit peut-être que d’un effet de source, raison pour laquelle nous nous garderons bien de tirer des conclusions de l’absence apparente de dépenses « somptuaires » qui nous met néanmoins sur la piste d’un domaine d’approche malaisée, celui de la culture et des sensibilités religieuses.

Notes

1 En 1651, l’allivrement moyen à Tarascon passait à 27 livres et à un peu moins de 53 livres pour les marchands.

2 Il n’y a que deux personnes gratifiées du titre de bourgeois dans le compoix de Tarascon de 1649 ce qui limite les possibilités de comparaisons. Mais néanmoins, les allivrements de ces deux bourgeois les distinguent nettement des marchands.

3 Les différentes spécialités de l’artisanat sont assez égales avec un allivrement autour de 13-14 livres sauf pour les métiers du bois où l’allivrement tombe à 7 livres.

4 Dans le compoix de 1651, l’écart est de 1 à 16,7 ; il s’est réduit mais il reste tout de même important.

5 Les deux fils de Mathieu Seré, les marchands Aymé et Raymond Seré, pourront, à l’occasion, recevoir le titre de bourgeois. Mathieu lui-même, pourtant mort depuis une vingtaine d’année, bénéficie de ce titre en 1652. Par ailleurs, les mariages de trois de ses filles montrent clairement cette orientation : bourgeois, avocats, trésorier du Pays de Foix.

6 Pour la signification d’un tel mariage, voir partie IV.

7 Ce « centre » peut être divisé lui-même en deux parties : la place (le centre du centre) et sa « couronne ».

8 Ce sont sensiblement les mêmes rapports dans le compoix de 1649 où les marchands installés à la place avaient un patrimoine de plus de 3 100 livres en moyenne, ceux de la rue de la Leude de près de 1 600 livres et ceux de la rue de Naugé d’environ 910 livres.

9 De 1651 à 1686, Pierre Bourrel accapare plus de 30 % du commerce transfrontalier passant par les notaires de Tarascon.

10 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 44, compoix de 1651, mentions non datées ajoutées à son article. Il est probable que ces achats soient ceux que Pierre Bourrel a effectué lui-même jusqu’à sa mort survenue en février 1689.

11 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 43.

12 Plusieurs confronts indiqués dans l’acte correspondent à un voisinage partagé par Bourrel dans les compoix, mais l’acte ne dit rien sur un confront avec l’ancienne maison de l’acquéreur.

13 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2390, f°°596, me Tardieu, Ax, 11/7/1640.

14 Le pacte de construction, signé le 11 juillet, prévoit la « livraison » de la maison au 30 novembre suivant, soit à peine 4,5 mois ; le prix convenu pour la réalisation est de 162 livres.

15 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 664, f°°189v°, me Delauriol, Tarascon, 2/7/1669.

16 Selon les dictionnaires de Fr. Mistral (Lou tresor dóu Felibrige) et de S. Palay (Dictionnaire de béarnais et du gascon modernes), le massacan est la pierre jectisse (rapportée), un menu moellon ou le remplage (mélange de mortier de brique ou de moellon remplissant un mur) ; le dérivé massacanat désigne le colombage garni de pierres. Il est donc très probable que la construction soit en colombage garni de pierres et mortier.

17 Arch. dép. de l’Ariège, 135 edt/gg3, f°°175.

18 F. Mistral, Lou tresor dóu Felibrige, tome 1 ; V. Lespy, Dictionnaire béarnais ancien et moderne, Pau, 1887 ; L. Alibert, Dictionnaire occitan-français d’après les parlers languedociens, Toulouse, Institut d’Etudes Occitanes, 1966, p. 242, art. « còr ». Le sens de « chêne » est ancien puisque c’est celui qui est donné par E. Lévy dans son Petit dictionnaire provençal-français (occitan médiéval), Arles, M. Petit, 1991.

19 Par exemple, S. Palay, Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, Paris, cnrs, 1961.

20 Dans l’inventaire des biens de Jean Ducorn (Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont, Vicdessos, 1544) il y a une table ronde de coral et une table longue de noyer ; que les deux termes soient employés signalerait deux essences différentes.

21 J.-P. Néraudau, Dictionnaire de l’histoire de l’art, Paris, PUF, 1985, art. « chêne » et « noyer ».

22 V. Lafage, « Le gîte, le couvert et l’habit : aspects de la culture matérielle à Montpellier dans le premier tiers du xviie siècle », Annales du Midi, janvier-mars 2003, p. 15.

23 C. Rome, Les bourgeois protestants de Montauban au xviie siècle. Une élite urbaine face à une monarchie autoritaire, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 69.

24 Dans une perspective chronologique générale, le noyer apparaît comme le bois du xviie siècle alors que le XVIIIe siècle serait celui du hêtre, en tout cas à Toulouse pour les meubles les plus usuels (C. Dousset, « Entre tradition et modernité : les intérieurs toulousains au xviiie siècle », Annales du Midi, janvier-mars 2003, p. 41).

25 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « sapin ».

26 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 664, f°°189v°, me Delauriol, Tarascon, 2/7/1669. La petite armoire n’a pas de serrure, alors que le cabinet, d’une dimension d’environ 2 m sur 1,56 m, est décrit avec porte et serrure. Ce sont les deux seuls « meubles » qui se trouvent dans la maison acquise, l’armoire dans la cave, le cabinet dans la première salle du haut. Ils sont alors à considérer comme faisant partie des murs.

27 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 635, f°°53v°, me Ferrand, Tarascon, 28/8/1654.

28 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f°°56, me F. Vallon, Quillan, 7/5/1660. Le cabinet s’apparente à un buffet, mais sans doute de plus grande dimension.

29 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 463, f°°21v°, me Rolland, Tarascon, 26/1/1608.

30 Le mot apparaît généralement sous sa forme occitane (« archibanc ») orthographiée de façons variées.

31 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « escabeau » et « escabelle ».

32 P. Cayla, Dictionnaire des institutions, des coutumes et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à 1648, Montpellier, Imprimerie Paul Déhan, 1964, p. 281, atteste l’utilisation de ce terme à Chalabre (1581) et Carcassonne (1605, 1616) ; il le définit comme un escabeau massif, un banc.

33 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 463, f°°21v°, me Rolland, Tarascon, 26/1/1608.

34 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 689, f°°119, me J. Rolland, Tarascon, 8/10/1665.

35 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 604, f°°225, me Rolland, Tarascon, 16/2/1675.

36 Petite chaise.

37 Chaise de coral.

38 C. Rome, op. cit., p. 71, n’en rencontre qu’un ou deux dans seulement trois inventaires.

39 B. Gauthier, « L’habitat des marchands bordelais au xviie siècle d’après les inventaires après décès », Annales du Midi, octobre-décembre 1996, p. 511 ; l’auteur pense que le fauteuil se répand chez les marchands bordelais dans la deuxième partie du xviie siècle.

40 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 673, f°°105v°, me Delauriol, Tarascon, 2/9/1687.

41 Au compoix de 1649 (135 edt/cc1), il n’a qu’une maison de 9 cannes et un jardin évalués à 351 livres, mais à partir de là, il fait à Tarascon 29 achats et son patrimoine immobilier passe à 3 099 livres (8 J 44), sans compter ce qu’il possède par exemple à Garrabet, et qu’il arrente, ni ses bestiaux, ni ses prêts (8 J 43).

42 Cf. Ax le 6/8/1643 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu) : un banc à l’antique et deux petits bancs pour le pied du feu.

43 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f°°56, me F. Vallon, Quillan, 7/5/1660. On trouve aussi un tapis de Turquie chez un bourgeois montalbanais en 1662 (C. Rome, op. cit., p. 72).

44 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 604, f°°263, me R. Rolland, 13/8/1675.

45 On observe la même chose à Bordeaux où il y a peu de tapis sur les sols et où les tapisseries murales et les miroirs sont exceptionnels (B. Gauthier, art. cit., p. 511).

46 Selon les mêmes valeurs de 1647, si l’arche-banc de coral vaut 12 livres, les coffres de coral tombent à 8 livres l’unité alors que les six caisses garnies de serrures, clés et pentures, vieilles certes, ne valent que 10 livres (1 livre 13 sols 4 deniers l’une).

47 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 492, f°°213v°, me G. Rolland, Tarascon, 1/11/1641.

48 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 516, f°°199, me S. Rolland, Tarascon, 2/12/1611.

49 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « châlit ».

50 A Montpellier, V. Lafage, art. cit., p. 13, les lits étaient tous en noyer.

51 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f°°60, me R. Rolland, Tarascon, 2/4/1647.

52 Pour Montpellier, V. Lafage, art. cit., p. 14, écrit que les surciels ne sont mentionnés que chez quelques marchands, membres de l’élite urbaine mais que toutes les catégories ont courtines et rideaux.

53 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 477, f°°14v°, me G. Rolland, Tarascon, 14/6/1623.

54 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 708, f°°32, me Ferrand, Tarascon, 15/3/1678.

55 Sa valeur est de 40 livres alors qu’un lit et sa « couette » ne vaut que 100 livres. Selon la définition de J.-P. Néraudau (op. cit., p. 161), la découpure est une « pièce d’étoffe découpée et appliquée sur une autre pièce servant de fond » ; elle a beaucoup servi jusqu’au xviiie siècle dans l’ameublement.

56 Le mieux décrit, en 1647, parle de drap vert garni de passements, mais malheureusement, un ou deux mots nous ont échappé dans la lecture entre « tour de lit » et « de draps verts ».

57 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 502, f°°67, me G. Rolland, Tarascon, 22/3/1651.

58 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 600, f°°202, me R. Rolland, Tarascon, 11/11/1670.

59 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 722, f°°85, me Ferrand, Tarascon, 27/6/1695.

60 Adapté de l’occitan colcena. Le terme est celui de la fin du xvie siècle ; il devient rare ensuite où il est remplacé par « couette ».

61 « Un lit garni de couette » est l’expression usuellement employée.

62 Dans un acte de 1675 il est aussi question d’une paillasse, sans doute garnie de paille. À la fin du xvie siècle, plusieurs documents parlent explicitement de plume d’oie, précision qui se raréfie au début du xviie siècle, avant de disparaître. À partir de là, les matelas sont-ils en laine ?

63 Mention de coussins de Flandre le 10/2/1629 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 617, f°°37, me Gouzy, Tarascon).

64 Rappelons, comme l’ont montré H. Enjalbert (« Le commerce de Bordeaux et la vie économique dans le Bassin aquitain au xviie siècle », Annales du Midi, 1950) et G. Caster (Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse de 1450 environ à 1561, Toulouse, Privat, 1962, p. 272-277), que la plume d’oie, « produit de demi-luxe » (G. Caster), utilisée dans les matelas, édredons et vêtements d’hiver, faisait l’objet d’un commerce particulier, notamment à Toulouse où des marchands l’achetaient par avance pour une durée déterminée, dans la Gascogne toulousaine. La plume entretenait aussi un commerce vers l’Europe du Nord, via Bordeaux, et vers Lyon. En 1632, un marchand de Boulogne (sans doute en Comminges) laisse en gage deux sacs de plume pour du fer dont il venait de prendre livraison (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 537, f°°80, me S. Rolland, 15/5/1632).

65 De l’occitan flaçada, couverture de laine.

66 Plusieurs cas, en 1633, 1671, parlent de toile de lin, quelques cas aussi de toile de Gascogne. 6 linceuls de toile de Rouen le 4/8/1649 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 579, f°°200v°, me Rolland, Tarascon).

67 Pour ces récipients « verseurs », dans notre corpus, le rapport est de 1 à 3 en faveur de l’étain. L’aigassièr doit être un pot à eau ; la juste correspond à un récipient contenant environ 2 litres de vin.

68 La place de l’étain dans la vaisselle des marchands tarasconnais tranche assez avec ce que V. Lafage (art. cit., p. 21) observe à Montpellier où c’est chez les artisans et les laboureurs que la vaisselle est en quasi-totalité faite en étain, alors que chez les marchands 33 % est en argent. En revanche, à Bordeaux, B. Gauthier (art. cit., p. 512) note que la vaisselle fine des marchands était en étain et que la vaisselle d’argent était rare.

69 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 520, f°°77, me S. Rolland, Tarascon, 7/5/1615.

70 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 703, f°°81, me Rolland, Tarascon, 1/8/1680.

71 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f°°60, me R. Roland, Tarascon, 4/2/1647.

72 Mention de couteaux et de ciseaux, cependant, dans la boutique de feu Jean Bréfeilh, mort en 1673, inventoriée en 1675.

73 Dans les inventaires bourgeois montalbanais, fourchettes mais aussi couteaux et cuillères sont assez rares (C. Rome, op. cit., p. 73), de même qu’à Montpellier (V. Lafage, art. cit., p. 21).

74 Le caractère probablement lacunaire de ce type de source est aussi évoqué par V. Lafage, art. cit., p. 21, et par Ch. Dousset, art. cit., p. 38, en particulier pour ce qui est de la rareté des objets en terre ou en bois.

75 Deux sacs à tenir farine : Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu, Ax, 6/8/1643.

76 Une grande arque servant à tenir farine : Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f°°60, me Rolland, Tarascon, 4/2/1647.

77 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628, inventaire des biens de feu Arnaud Bosc.

78 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 708, f°°32, me Ferrand, Tarascon, 15/3/1678.

79 Chaudron et dorc pour l’huile : Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu, Ax, 6/8/1643 ; dorc pour l’huile : 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628 et 5 E 503, f°°77v°, me G. Rolland, Tarascon, 30/4/1652.

80 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628.

81 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2391, f°°518, me Tardieu, Ax, 6/8/1643.

82 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3261, f°°61, me P. Thournier, Chalabre, 30/8/1650.

83 Chandelier d’un poids de 3 livres, en 1615. Il y a aussi des petits chandeliers.

84 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628 et 5 E 503, f°°77v°, me G. Rolland, 30/4/1652.

85 Semostar, somostar : ôter le surmoût ; faire le surmoût ; tirer le vin de la cuve avant qu’il ait fini sa fermentation. Semostat, somostat : surmoût, vin tiré de la cuve avant que la fermentation soit opérée. La forme de ce verbe correspond au mot français semouter signalé par M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, Fayard, 1997, p. 1529, avec le sens de fouler, presser.

86 Voir le 28/1/1673, « une pipe où il fait bouillir la vendange » chez Guillaume Bergasse (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 697, f°°4, me J. Rolland, Tarascon).

87 Pour donner une idée, cela correspondrait à une cuve de deux mètres de haut ayant un diamètre de 1,60 m, soit, selon M. Lachiver, op. cit., p. 579, une cuve moyenne mais tendant vers les grosses, pour le xviiie siècle.

88 Dans la maison d’Arnaud Bosc, le grenier contient 7 setier de froment et 15 de seigle (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628, inventaire des biens de feu Arnaud Bosc). Jean Escaraing parle, dans son testament, d’une quantité de 10 setiers de froment (plus de 1 000 litres) entreposée dans la maison où il réside (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 492, f°°217v°, me G. Rolland, 21/11/1641).

89 V. Lafage, art. cit., p. 22-23. À Bordeaux, il y avait grande abondance puisque dans près de 60 % des cas étudiés par B. Gauthier, art. cit., p. 516, les marchands disposaient de plus d’une centaine de serviettes.

90 J.-P. Néraudau, op. cit., art. « serviette ».

91 Ce qui est faible par rapport aux marchands bordelais de la même époque chez qui 4 nappes est le minimum du corpus utilisé par B. Gauthier, art. cit., p. 516.

92 Ce qui est appelé partout « cotillon » pourrait être le bas de cotte ou bas de jupe (sorte de jupon) qui se portait sous la robe et se laissait voir par la fente que cette dernière possédait sur le devant.

93 Quelques mentions – rares – de chemises en toile de lin.

94 Un bas de cotte de couleur le 28/12/1677 à Belcaire, Arch. dép. de l’Aude, 3 E 6757, me Bernard.

95 Mention de chausses le 2/12/1611 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 516, f°°199, me S. Rolland, Tarascon, testament de Jean Alabert vieux) ; une paire de chausses en 1650 à Chalabre (Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3261, f°°39, me P. Thournier, Chalabre, 30/8/1650).

96 Dix bas dans le testament de Paule de Falga, veuve de Raymond Lafargue, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 484, f°°256v°, me G. Rolland, 11/06/1631.

97 Six couvre-chefs légués par Peyronne Denguilhem le 2/9/1654 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 635, f°°65, me Ferrand, Tarascon). Dix couvre-chefs dans le testament, cité à la note précédente, de Paule de Falga. Ce sont peut-être des coiffes.

98 Cette description correspond à ce qui s’observe à Montauban où les robes sont surtout noires (C. Rome, op. cit., p. 78). Chez les Perpignanaises, 69 % – seulement – des robes sont noires, les autres se répartissant entre rouge, bleu et plume de paon ( ?) (B. Marty, « Les vêtements et les parures des femmes d’artisans et de marchands de Perpignan au début du xviie siècle », Le Roussillon de la Marca Hispanica aux Pyrénées-Orientales ( viiie- xxe siècle), Perpignan, Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, 1995, p. 477-478).

99 Si l’on assimile les jupes perpignanaises (faldilles) aux cotillons, force est de remarquer que les couleurs dominantes en sont différentes car dans la capitale des Comtés catalans, le vert arrive en tête (23 %), suivi du blanc (14 %), du gris et du jaune (10 % chacun) alors que bordeaux, incarnat et rouge n’atteignaient pas 15 % (B. Marty, art. cit., p. 478).

100 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 658, me Delauriol, Tarascon, 23/11/1655 ; on retrouve de la ferrandine à Quillan en 1656 (Arch. dép. de l’Aude, 3 E 13286, f°°118v°, me Roillet, Quillan, 25/10/1656 : un cotillon de ferrandine feuille morte). P. Cayla, Dictionnaire, op. cit., p. 317, trouve « une robe de ferrandine » dans le trousseau d’une fille de marchand de Carcassonne en 1641. La ferrandine était une étoffe dont la chaîne était de soie et la trame pouvait être de laine, coton, fleuret selon L’Encyclopédie, ou même de poil selon le Littré qui précise, en outre, que les ferrandines apparurent à Lyon en 1630.

101 Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont, Vicdessos.

102 On trouvera dans le glossaire des définitions sommaires se rapportant aux diverses étoffes que nous évoquons.

103 Pour Quillan, le nombre de cotillons dénombré (cinq) ôtant toute signification aux résultats, nous ne dirons rien ; pour Ax, la rase compose plus de 50 % des 11 cottes et cotillons et 60 % des dix robes comptées.

104 B. Marty, art. cit., p. 477 et 481-482.

105 B. Gauthier, art. cit., p. 515.

106 B. Marty, art. cit., p. 481-482.

107 Dans son testament, Arnaud Laforgue lègue une bague en or qu’il a dans son coffre, pour la dorure du tabernacle de l’église Sainte-Quitterie : est-ce un bijoux personnel ou appartient-il à sa femme ? (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 656, f°°199v°, me Delauriol, 19/7/1653).

108 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 484, f°°256v°, me G. Rolland, 11/06/1631.

109 Il s’agit des vêtements de Guillaume Bergasse (1673) et de Jean Brefeilh (1675) ; Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 697, f°°4, me J. Rolland, Tarascon, 28/1/1673 et 5 E 604, f°°263, me Rolland, Tarascon, 13/8/1675.

110 G. Hanlon, L’univers des gens de bien. Culture et comportements des élites urbaines en Agenais-Condomois au xviie siècle, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 1989, p. 57.

111 De couleur grise » (Dictionnaire du français classique. Le xviie siècle, Paris, Larousse, éd. 1992).

112 B. Gauthier, art. cit., p. 513-514. Pantoufles et robes de chambres devaient aussi être portées par les femmes.

113 Il semblerait qu’à Perpignan, le port de la cape était assez courant chez les artisans et les marchands au début du xviie siècle (B. Marty, art. cit., p. 477).

114 Deux pistolets à feu (d’une valeur de 24 livres) et deux mousquets (20 livres) chez Mathieu Teynier en 1647.

115 1 pedrinal et une arquebuse avec leurs garniments, et une hallebarde dans le grenier d’Arnaud Bosc (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 533, me S. Rolland, 4/2/1628). Le pedrinal (catalan pedrenyal) est un arme à feu assez courte.

116 Ce sont généralement des femmes ; les appellations de « chambrière » et « servante » sont pratiquement exclusives ; Antoine Prévost, qui teste en 1675, fait un legs à son « valet » : nous ne savons pas si celui-ci était associé à son activité professionnelle ou était seulement un employé domestique. Le même Antoine Prévost a aussi une servante. En 1695, dans son testament, Marguerite de Prévost, veuve de Guillaume Bergasse, mentionne deux servantes.

117 J. Boulhaut, « Un marchand de Foix au xve siècle : Raymond Galhard », Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1974, p. 253-254.

118 J.-E. Iung, « Commerce et marchands en Haute-Auvergne (xvie-xviiie siècles) », Enluminures, no 6, 1999, p. 48.

119 B. Gauthier, art. cit., p. 519.

Table des illustrations

Titre Graphique no 2. Hiérarchie de la fortune immobilière à Tarascon selon l’allivrement du compoix de 1649
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Titre Tableau no 22. Distribution des marchands de Tarascon en fonction de leur patrimoine immobilier au milieu du xviie siècle
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Titre Tableau no 23. Menuiseries et huisseries dans la maison de Pierre Bourrel (Tarascon, 1669)
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Titre Tableau no 24. Patrimoine immobilier des marchands tarasconnais au milieu du xviie siècle
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Titre Tableau no 25. Part de la maison principale dans le patrimoine immobilier des marchands tarasconnais au milieu du xviie siècle
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Titre Tableau no 27. Structure du patrimoine immobilier tarasconnais des marchands de Tarascon au milieu du xviie siècle (en % de la valeur des biens immobiliers)
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Titre Tableau no 28. Présence de chaque élément composant le patrimoine immobilier des marchands de Tarascon au milieu du xviie siècle
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Titre Tableau no 29. Les sièges à Tarascon (milieu xvie siècle- xviie siècle)
Légende Note 3636Note 3737
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