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Une société marchande

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Patrice Poujade

Partie II. Des marchands à la montagne

Chapitre 1. Les marchands : la mesure d’un monde hétérogène

Texte intégral

1Avant d’aborder l’activité des marchands, il est nécessaire de savoir ce que l’appellation de « marchand » signifiait dans le contexte de nos montagnes. Donc, à l’aide des minutes notariales, des registres paroissiaux et des compoix, nous tenterons une approche globale de ce milieu et des quelques clivages qui pouvaient exister en son sein. C’est donc à la définition même du groupe qu’il faut ici s’attacher. La chose pourrait sembler d’abord simple puisqu’il suffirait de relever, dans les documents, les noms de tous ceux qui portent le titre de « marchand ». Mais elle se révèle quelque peu plus compliquée à mettre en œuvre ne serait-ce qu’à cause d’une certaine fluctuation dans les dénominations professionnelles, en tout cas pour certains individus. D’autre part, si est « marchand » celui qui en porte le titre, cela pose la question de savoir qui l’attribue. C’est aux questions de l’identité professionnelle d’un groupe et de l’identité d’un groupe professionnel qu’il aurait fallu s’attaquer. Nous nous limiterons au tableau superficiel et très incomplet du monde des marchands de nos hautes terres que la documentation à notre disposition nous permet de dresser. À quoi ressemble un marchand dans les petites villes de la montagne ? Comment se distingue-t-il d’autres catégories qui composent la société ? Le groupe est-il lui-même suffisamment cohérent pour que l’on puisse dessiner le portrait du marchand ou offre-t-il des types différents qui émergent à la lecture des sources ? Ce chapitre étant consacré à la définition du marchand, interrogeons-nous, pour commencer, sur le nombre d’individus qui peuvent s’en réclamer, sur leurs caractéristiques et sur les différences qui se font jour entre eux.

I. LES CONTOURS DU GROUPE

  • 1 Pour les problèmes posés par la définition des catégories sociales de l’Ancien Régime, les dénomin (...)
  • 2 Voir l’introduction de S. Cerutti, La ville et les métiers. Naissance d’un langage corporatif (Tur (...)
  • 3 P. Poujade, « Marchands, commerce, frontière dans le haut Pays de Foix. La ville d’Ax au milieu du (...)
  • 4 Arch. dép. de l’Ariège, 135 EDT/CC 1.
  • 5 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 44.
  • 6 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 43.

2La pesée globale, même dans des petites communautés comme les nôtres, se heurte à la question des sources mais aussi à celle des limites assignées au groupe, à ses frontières dont le tracé, pour une grande part, s’appuie sur les dénominations utilisées par les personnes qui rédigèrent les documents dont nous disposons1. La délimitation de l’agrégat étudié ne peut donc pas être tout à fait étrangère à l’expérience des acteurs sociaux, à l’appréhension qu’ils avaient eux-mêmes des activités, en un mot, à leur langage, issu lui-même de la représentation qu’ils se faisaient – à un moment donné – des métiers des uns et des autres2. Comment évaluer le plus précisément possible le nombre des marchands ? La source qui peut paraître la plus appropriée à cette démarche est la source fiscale. De fait, aussi bien pour Ax que pour Tarascon, nous possédons quelques compoix du xviie siècle susceptibles de nous orienter. Pour la première localité, nous en avons déjà présenté les résultats3 ; rappelons-les brièvement. À partir du livre de reconnaissances de 1672 et du compoix cabaliste de 1674, on peut dénombrer une vingtaine de chefs de famille pratiquant une activité de marchand, soit environ 12 % de la population fiscale. En revanche, les compoix de 1658, 1671 et 1705 ne comportaient que deux marchands : c’est dire si la variation est importante à l’intérieur d’une même catégorie de sources. Pour ce qui concerne Tarascon, le compoix de 16494 enregistre explicitement 40 marchands alors que celui de 16515, n’en porte que 31, soit selon les cas, entre 7,5 et 10,5 % de la population encadastrée. Dans le compoix cabaliste de 16606, ce ne sont que neuf marchands qui sont clairement identifiés comme tels (3,1 % du total), mais si on regroupe toutes les personnes pour lesquelles une activité commerciale est indiquée, sans que la mention de marchand leur soit accolée, le nombre dépasse la quarantaine (soit autour de 30 % du total).

  • 7 Nous avons pris 1654 comme année-témoin dans la mesure où c’est l’année du grand logement des trou (...)
  • 8 À titre de comparaison, de tels taux seraient, dans l’Allemagne du xviiie siècle, parmi les plus é (...)
  • 9 C. Rome, Les bourgeois protestants de Montauban au xviie siècle. Une élite urbaine face à une mona (...)

3À Tarascon comme à Ax, les différences sont sensibles entre les documents fiscaux à notre disposition. Pour cela, nous avons essayé de prendre la mesure des marchands d’une autre façon, en relevant systématiquement les mentions de ceux qui en portent le titre dans les minutes notariales, à diverses périodes. Pour Ax, localité par laquelle nous avons commencé notre enquête, nous nous sommes limité aux périodes 1640-1641 et 1650-1651 ; les archives notariales donnent respectivement 61 et 52-53 marchands. Pour Tarascon, nous avons étendu notre relevé aux années 16547 et 1660-1661. Ici aussi, les résultats fournissent un nombre de marchands beaucoup plus élevé que dans les sources fiscales puisqu’on en compte une centaine en 1640-1641, environ 115 en 1650-1651, autour de 90 en 1 654 et 80 pour 1660-1661 : il y aurait donc quelque chose comme 100 marchands à Tarascon au xviie siècle et une soixantaine à Ax. Finalement, les deux types d’approche ne sont pas si divergentes dans la mesure où, selon les compoix, 12 % des chefs de feux à Ax, et 15 % à Tarascon, seraient marchands, et selon les listes que nous en avons reconstituées, autour de 10 % des hommes pouvant travailler le seraient à Ax et peut-être 17 % à Tarascon. Donc concluons, jusqu’à ce que de nouvelles recherches y reviennent peut-être, en disant que les marchands représentaient environ 10 % des actifs à Ax et 15 % à Tarascon, taux, somme toute, assez élevés8. Par exemple, comparés au milieu beaucoup plus urbain de Montauban, ils apparaissent effectivement élevés : dans la ville protestante, d’après les documents fiscaux, ils seraient entre 3,28 et 7,49 % des contribuables9.

  • 10 On en aurait maints exemples ; citons, me Arnaud Floraud, notaire royal de Tarascon, qui prend Pie (...)
  • 11 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 503, f° 77v°, me G. Rolland, Tarascon, 30/4/1652.
  • 12 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 485, f° 209v°, me G. Rolland, Tarascon, 27/9/1632.

4Le titre lui-même, pour être fluctuant, ne peut pas être suivi à la lettre pour tracer la ligne entre ceux qui seraient inclus dans le groupe des marchands et ceux qui ne le seraient pas. Bien sûr, il y a ceux qui ne posent pas de problème apparent et qui, d’un bout à l’autre, restent « marchands », mais il y a aussi ceux qui, en amont ou en aval, sont tantôt marchands, tantôt artisans, ou d’autres parfois marchands, parfois notaires ou bourgeois, etc. On verra dans une autre partie la mobilité qui peut exister et explique ce que nous disons, mais il faut tenir compte aussi de la fluctuation inhérente aux activités mêmes et qui se répercute sur ceux qui les exercent et sur ceux qui doivent les nommer. Que tel notaire soit aussi marchand – phénomène bien répandu10 – ou tel autre marchand, commis de la foraine, ne change pas vraiment la donne car cela ne concerne que quelques individus. On pourrait dire la même chose de ceux qui oscillent entre « marchands » et « bourgeois » voire de ceux qui, « bourgeois », nous sont connus par leur activité marchande. En revanche, pour ce qui est des pareurs de draps, chaussetiers ou autres bonnetiers, les choses sont peut-être moins simples tant l’activité de production et celle de commerce peuvent être imbriquées – quelquefois exprimées d’un même élan par des expressions comme marchand bonnetier ou marchand chaussetier –, même s’il semble exagéré de confondre un pareur avec un marchand. Mais avouons qu’un testament comme celui de Jean Choulet, appelé « marchand » par le notaire, n’aide pas à dissiper les doutes car ne lègue-t-il pas à son fils « une presse pour presser draps, le couble pour garnir les draps, trois timons (un gros et deux petits) avec leurs poids et tout autres outils servant à l’usage de pareur11 ». De même, il y a « une presse servant à presser les draps » dans la maison qu’achète le marchand Jean Bergasse à son confrère Odet Faure12.

  • 13 Voir ce que dit M. Bertrand, dans un tout autre contexte, de ces questions de définition d’un grou (...)
  • 14 Sur ces points, voir A. Radeff, Du café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime (Suisse (...)

5Donc, quoique largement basée sur le titre de « marchand » attribué à une personne, la définition que nous utiliserons pour définir notre groupe d’étude devra faire preuve d’une certaine souplesse afin de ne pas négliger, par trop, sur les marges, des acteurs du commerce que l’on voit agir comme tels, qui ne se voient pas constamment affubler du titre de marchand. Nous avons essayé d’appréhender le groupe par son unité professionnelle sans en occulter, autant que possible, la diversité interne, elle-même quelque peu gommée par les liens familiaux, relationnels, professionnels, noués entre eux, qui font qu’un marchand n’est jamais loin, par exemple, d’un pareur et vice-versa13. Toutefois, gardons-nous de tomber dans l’excès qui consisterait à voir des marchands dès qu’il y a commerce et à faire entrer, en conséquence, dans le groupe étudié tous ceux qui mettent des produits sur le marché, au premier rang desquels les artisans. La grande différence de ces derniers avec le marchand est qu’ils vendent généralement leur propre production, différence théorique cependant quand on sait la proximité de certains marchands avec la production, nous y reviendrons. De même, les paysans vendent des denrées, mais ce n’est pas pour autant que nous devions les retenir ici. En revanche, et on a pu les évoquer, artisans et paysans ne doivent pas être négligés lorsque l’on étudie le commerce lui-même et la circulation des marchandises puisqu’ils en sont des acteurs, occasionnels, mais réels14.

  • 15 Cité par C. Marquié, L’industrie textile carcassonnaise au xviiie siècle. Etude d’un groupe social (...)
  • 16 Sur la question des communautés professionnelles, voir A. Poitrineau, Ils travaillaient la France. (...)
  • 17 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 523, f° 11v°, me S. Rolland, 24/6/1618. Il s’agit d’un accord conclu e (...)

6Cette imbrication des activités n’est pas propre à Tarascon ; elle est aussi, par exemple, mise en évidence à Carcassonne dans un texte de 1636 qui disait que « les [marchands] drapiers ne se mesloient pas tant seulement de vendre des draps, comme il semble que le mot prins dans sa propre signification veuille le montrer, mais vendoient aussy soyes et laines tout ensemble, comme font aujourd’huy la plupart de nos marchands ; ils faisoient aussy des chausses comme faisoient les chaussetiers pour les vendre, aussy qu’appert par plusieurs instruments de debtes dud. Caich, tellement qu’ils estoient marchands drapiers, merciers et chaussetiers tout ensemble15 ». D’autre part, aucune mention, explicite ou implicite, à des statuts ou à un regroupement professionnel, n’autorise à supposer l’existence d’une communauté de métier – juré ou réglé – (« corporation ») rassemblant les marchands de nos villes. Le fait n’a rien d’étonnant, touchant des localités de petites dimensions16, même si on a pu retrouver pour Tarascon un acte indiquant une « entente » entre tisserands, sans que l’on puisse cependant parler de « corporation17 ».

  • 18 S. Cerutti, « Nature des choses et qualité des personnes. Le Consulat de commerce de Turin au xvii (...)

7Il reste donc des incertitudes sur les limites précises du groupe des marchands, dans la mesure où il ne s’agit certainement pas ici d’une catégorie juridique. Le même problème s’était posé, par exemple, au début du xviiie siècle, au Consulat de commerce de Turin qui devait définir qui était marchand, ne serait-ce que pour délimiter ses domaines de compétences. Or, les juges de ce tribunal professionnel choisirent une définition souple, extensible, éloignée de celle qui serait donnée à un statut, en affirmant que la qualité de marchand s’attribuait temporairement comme qualification sociale à celui qui, à un moment donné, faisait du commerce (« tout individu même non négociant se doit d’être considéré comme tel pour ce lieu particulier et pour le temps où il négocie et contracte » écrivaient-ils au roi en 1723)18. La qualité de « marchand » n’est alors pas obligatoirement durable ; elle fluctue dans le temps – voire dans l’espace ? – en fonction des pratiques et des actions. On peut interpréter peut-être de la même façon, en plus de leurs activités mal définies entre artisanat et commerce, les hésitations qui entourent certains individus, une fois pareurs, une autre fois marchands, par exemple. Au-delà de l’activité même, se pose la question de la perception qu’ont les autres d’une personne et de son travail et, partant, du titre qu’ils y attribueront, marque d’une reconnaissance et d’une acceptation.

8Si l’on ne retient que les marchands qui apparaissent activement dans des activités de commerce ou de crédit à travers les reconnaissances de dettes qui sont faites en leur faveur, leur nombre se réduit de façon assez brutale. Ainsi que nous l’avons déjà écrit pour la ville d’Ax, de 61 mentions en 1640-1641, ils passeraient à 31 et de 52-53 en 1650-1651, il n’en resterait que 27-28, soit, à chaque fois, une baisse de près de 50 %. Il en est de même à Tarascon puisque les marchands actifs sont 40 en 1640-1641, environ 55 en 1650-1651, 35 en 1 654 et 39 en 1660-1661 : dans tous les cas, la chute se situe entre 53 et 61 %, se rapprochant par là même des effectifs proposés par les compoix. Bien sûr, parmi ce groupe actif, les inégalités sont assez criantes comme nous l’avons montré pour Ax où le tiers des marchands les plus actifs concentre entre ses mains 75 à 80 % du nombre des reconnaissances de dettes, alors que le tiers le moins présent se contente d’à peine plus de 5 % de ces dettes. Pour Tarascon, les résultats traduisent la même présence inégale mais de façon un petit peu moindre car le dernier tiers des marchands est plus présent qu’à Ax. De même, les trois marchands les plus actifs de chaque période ne concentrent, en moyenne, que 37 % des actes de crédit (de 28 % en 1660-1661 jusqu’à 39-40 % en 1640-1641 et 1650-1651) alors qu’à Ax c’est autour de la moitié de ces mêmes actes qui sont aux mains des trois plus actifs.

Tableau no 8. Part du nombre de reconnaissances de dettes concernant les marchands de Tarascon

Tableau no 8. Part du nombre de reconnaissances de dettes concernant les marchands de Tarascon

9Les 40 ou 50 marchands tarasconnais qui ont une activité attestée par les actes notariés se regroupent en un certain nombre de groupes patronymiques et familiaux : 23 en 1640-1641, 45 en 1650-1651, 24 en 1 654 et 31 en 1660-1661, contre 19 à Ax en 1640-1641 et 18 en 1650-1651. Quelques familles font montre d’une certaine durée dans l’activité commerciale alors que d’autres ne semblent concernées qu’à un moment donné, peut-être au gré de certaines opportunités. Ainsi, seules treize d’entre elles sont-elles présentes en 1640-1641, 1650-1651 et 1660-1661. Il s’agit des patronymes Baure, Bergasse, Bosc, Claverie, Courtes, Deguilhem, Faure, Gautey, Lacombe, Mirouze, Pagés, Prévost, Teynier et Verger, qui forment, pour l’essentiel, une sorte de noyau dur de marchands. D’autres, en revanche, sont éphémères ou occasionnels, à l’instar, par exemple, d’Axat, Bertrand, Bissière, Chastang, Lafargue ou Pellissier, dont les noms n’apparaissent qu’à une période avant de disparaître. Il y a un mouvement d’agrégation de nouveaux membres, mais, inversement, d’autres patronymes – parfois les mêmes dans le cas de gens qui ne font que passer – disparaisssent. Ainsi, des noms comme Mercier, présent au milieu du xvie siècle, ou Coste, Malet, Lanes, observés dans les années 1560 et 1570, ont-ils totalement disparu au xviie siècle du monde des marchands tarasconnais. Enfin, il convient de préciser que les groupes patronymiques les plus pérennes sont ceux qui offrent, sauf exception, au moins deux individus différents à la fois (Bergasse, Faure, Verger, etc.), permettant une reproduction assurée.

  • 19 Nous reviendrons sur la question des âges, en particulier pour les mariages. Disons, pour l’heure, (...)

10Ce que nous venons d’évoquer pose le problème du renouvellement des marchands. Nous réfléchirons, dans une autre partie, aux origines sociales et géographiques possibles des marchands installés à Tarascon afin d’envisager les mouvements qui permettent de faire augmenter le stock ou émerger de nouvelles figures. Pour l’instant, intéressons-nous à l’évolution de l’âge moyen du groupe des marchands tarasconnais au cours du xviie siècle. À partir de notre base d’information, nous les avons répartis en classes d’âges décennales en sachant, bien sûr, comme nous aurons l’occasion de le redire, que ces indications sont approximatives19.

Tableau no 9. Âge des marchands de Tarascon par classes décennales

Tableau no 9. Âge des marchands de Tarascon par classes décennales

11Ces données laisseraient entrevoir un léger vieillissement des marchands entre 1620 et 1680 puisque l’âge moyen serait passé d’environ 36 ans à plus de 42 ans. Par conséquent, la part de ceux qui dépassent 50 ans s’est accrue (15-16 % en 1620 ; 10-11 % en 1640 ; 22-23 % en 1650 ; autour de 20 % en 1660 ; autour de 30 % en 1680), mais, parallèlement, la proportion des moins de 30 ans – malgré quelques fluctuations – s’est maintenue au même niveau, c’est-à-dire au tiers des effectifs. Ainsi, ce seraient finalement les marchands dans la « force de l’âge », entre 30 et 50 ans, qui auraient décru dans les plus fortes proportions puisque, s’ils représentaient les plus gros bataillons de 1620 jusqu’en 1660 (autour de 50 %), à partir de 1670, leur présence ne pèserait plus qu’environ 40 %. En fonction de ce que l’on observe en 1630, 1640 et 1650, nous avons calculé la part respective des anciens et des nouveaux marchands et celle des marchands encore vivants, décennies après décennies, sur un corpus donné afin de mettre en lumière le rythme moyen de renouvellement des marchands à Tarascon au cours du xviie siècle. Au cours de la période comprise entre 1630 et 1700, les nouveaux venus représenteraient autour de 20 % des effectifs de chaque décennie permettant ainsi un renouvellement, quasi permanent, du monde des marchands. Pour affiner cette approche, nous nous sommes intéressé, à cinq dates différentes (1630, 1640, 1650, 1660 et 1670), aux cohortes des marchands âgés de 18 à 27 ans afin de les suivre sur plusieurs décennies. Il apparaît, dans tous les cas, que tous les individus de la cohorte disparaissent, du fait de leur vieillissement, entre la sixième et la septième décennie et que dès la quatrième décennie (alors âgés de 60-65 ans environ), la moitié environ d’entre eux a disparu. Ce fait est confirmé par le calcul de l’âge moyen au décès des marchands tarasconnais au xviie siècle qui s’établit autour de 59-60 ans, la médiane étant, quant à elle, à 60 ans. Ici aussi, il est bien entendu que nous sommes condamnés à en rester à une approximation plus ou moins grossière à cause des limites déjà signalées plus haut concernant les imprécisions de certaines données relatives aux âges. Toutefois, nous pouvons construire le graphique suivant.

Graphique no 1. Âge au décès des marchands de Tarascon au xviie siècle (en %)

Graphique no 1. Âge au décès des marchands de Tarascon au xviie siècle (en %)
  • 20 A. Bideau, J. Dupâquier, H. Gutierrez, « La mortalité quantifiée », Histoire de la population fran (...)

12Ce graphique et les données qui le précédaient donnent une image, pour quelque imprécise qu’elle soit, de ce que pouvait être l’espérance de vie d’un marchand de Tarascon ayant atteint environ 20 ans ; cette espérance de vie, à 20 ans, s’établirait autour de 40 ans, ce qui rapproche ces marchands de groupes « privilégiés » du xviie siècle qui ont pu être étudiés, comme des rentiers, des religieux, les catégories favorisées de Genève, par exemple20. Calculée à 40 et 60 ans, l’espérance de vie des marchands est respectivement – et approximativement – de 24 et de 13 ans, en accord avec les exemples cités précédemment. Les décès précoces de marchands jeunes peuvent être liés à leur activité qui comporte des risques physiques. Ainsi Jacques Bergasse a-t-il perdu deux de ses fils marchands, tous les deux prénommés Jean, à 3 ans et demi d’intervalle, l’un âgé d’environ 26 ans mort et enterré à Lérida (novembre 1671), l’autre, de 24 ans, mort noyé à Toulouse (avril 1675), où il fut enseveli.

  • 21 Sur l’ensemble des marchands de notre corpus, on arrive à près de 48 % des marchands qui reçoivent (...)

13Le monde de la marchandise touche, à Tarascon comme à Ax, plusieurs dizaines d’individus constituant un groupe aux contours souvent flous et mouvants. En effet, situés entre l’artisanat et la bourgeoisie, comme une sorte d’étape entre les deux catégories, les marchands peuvent être proches de l’un ou de l’autre. Ainsi, une hiérarchie apparaît entre ceux dont le statut et les appellations oscillent entre pareur de draps et marchands et ceux qui, de marchands, sont parfois assimilés à des bourgeois. Cette « partition » au sein des marchands se reflète par l’emploi ou non du titre de « Sire » – au xvie siècle et au début du xviie siècle – puis celui de « Sieur », précédant le nom. À Tarascon, de façon globale, près de la moitié des marchands y a droit, peut-être moins à Ax21. De même, la coexistence de plusieurs activités à des périodes différentes, parfois simultanément, ne favorise pas la définition précise d’un groupe qui se distingue d’abord par son implication dans la circulation des marchandises.

II. UNE ACTIVITÉ TOURNÉE VERS LE COMMERCE

A) La place des marchands dans les actes

  • 22 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2311.
  • 23 Ce niveau n’a rien d’extraordinaire puisque, même un petit notaire rural comme maître Jean Lanes, (...)
  • 24 La reconnaissance de dette indiquant les conditions et les délais (généralement à court termes) de (...)

14Afin de mieux évaluer le poids des marchands de nos petites villes de montagne dans l’ensemble de l’activité économique observable, nous avons fait un sondage, qui ne peut avoir qu’une valeur purement indicative, dans les minutes du notaire d’Ax, maître Ferriol, en 1640-164122. Ces deux années, le notaire enregistre 292 actes23 dont plus du tiers (102) sont des reconnaissances de dettes24. De celles-ci, 54 sont faites à des marchands : c’est donc près du cinquième de tous les actes de ce notaire qui est accaparé par des dettes dues à des marchands, proportion loin d’être négligeable. Si nous ajoutons à cela que dans 60 % des baux à cheptel (gasailles), les bailleurs sont des marchands, et qu’ils sont aussi au centre de 56 % des cessions et des subrogations de dettes, on voit bien le rôle central qu’ils jouent comme manieurs de monnaie et des instruments de crédit. En revanche, chez ce notaire d’Ax, ils ne sont à l’origine que de moins de 8 % des achats immobiliers et de moins de 16 % des arrentements, comme pour souligner la composition plus mobilière qu’immobilière de leur fortune. Pour y voir un peu plus clair, nous avons calculé, pour le milieu du xviie siècle, le rapport entre les dettes, les gasailles, les achats, les affermes et arrentements des marchands d’Ax et de Tarascon, dont nous présentons les résultats dans le tableau suivant.

  • 25 Le terme, reprécisons-le, désigne dans la documentation les reconnaissances de dettes ; nous l’avo (...)

Tableau no 10. Place des dettes25, gasailles, achats affermes et arrentements des marchands à Ax et Tarascon au milieu du xviie siècle (dettes = indice 100)

Tableau no 10. Place des dettes25, gasailles, achats affermes et arrentements des marchands à Ax et Tarascon au milieu du xviie siècle (dettes = indice 100)

15La comparaison de la répartition des actes concernant les marchands des deux localités met clairement en lumière la suprématie des dettes sur tout autre type d’acte. Dans les années 1640-1650, malgré quelques variations affectant tel ou tel notaire, les niveaux de gasailles sont voisins (avec un petit avantage à Tarascon) et se maintiennent à la même hauteur sans variation excessive. Il n’en est plus de même à Tarascon, où nous avons poursuivi le dépouillement, au début des années 1660. Là, sans qu’elles l’emportent – sauf chez maître Jean Rolland – les gasailles ont pratiquement triplé leur représentation. Que s’est-il passé ? En réalité, on ne note pas une ruée vers ce type de placement, qui passe de 79 contrats en 1650-1651 à 71 en 1660-1661, mais un effondrement des reconnaissances de dette (de 322 à 100 pour les mêmes dates), alors que les deux avaient crû dans des proportions voisines entre 1640-1641 et 1650-1651 (dettes : multipliées par 3,62 ; gasailles : multipliées par 3,76). Cela est peut-être la traduction de ce qu’il faut bien appeler une crise, consécutive à la guerre et au logement des soldats de 1654 : l’année 1 654 avait connu, au moins à Tarascon, un très faible niveau de dettes qui étaient passées de presque 160 (moyenne 1650 et 1651) à moins de 60 en 1 654. À partir de là, le niveau du début des années 1660 (moins de 50 dettes en moyenne en 1660 et 1661) ne fait que refléter ce qui s’est produit quelques années auparavant. Il sera utile, le moment venu, d’essayer d’apprécier le poids de la conjoncture dans l’activité de ces marchands. A contrario, l’importante augmentation des activités de crédit commercial qui ressort de la documentation notariale entre 1640 et 1650 peut traduire une croissance que le soulèvement catalan de 1640 a pu, peut-être, favoriser. Tout ceci n’est que simple hypothèse que l’étude du commerce transpyrénéen avait déjà permis d’évoquer. En tout cas, en dix ans, (1640-1641 et 1650-1651), le nombre d’actes qui rapportent une activité marchande a été multiplié par 4,75, ceux de crédits par 2,78 dans la même proportion que les gasailles, achats immobiliers, affermes et arrentements réunis. À Ax, le mouvement est beaucoup moins marqué car, si augmentation des actes concernant le commerce il y a, elle est très faible – et par là même non représentative – puisqu’elle n’est que de 1,15.

16Une différence intéressante entre le comportement des marchands de Tarascon et ceux d’Ax est leur rapport à l’immobilier, apprécié à travers les achats de terres et maisons qu’ils effectuent et les biens qu’ils mettent en location (affermes et arrentements). Autour de 1640, les Axéens sont à l’origine de 8,39 fois moins d’achats et de locations que de prêts, alors que chez leurs collègues tarasconnais le rapport entre les deux types de contrats n’était que de 1 à 1,89 en faveur des reconnaissances de dette. Il s’agit d’un déséquilibre très net qui pourrait s’expliquer par des terres plus rares dans le cas axéen et peut-être aussi, par une présence plus forte parmi les propriétaires fonciers de bons bourgeois ou de nobles. Mais il faut remarquer qu’à Ax, le rapport dont nous parlons s’est très nettement réduit dix ans plus tard, puisqu’il n’est plus que de trois, à peine alors supérieur à celui de Tarascon (2,88) qui, lui, s’est creusé, avant de diminuer (1,56) avec les difficultés commerciales connues par la ville. Pour Ax, ce mouvement traduit-il un plus grand intérêt pour l’investissement et les revenus fonciers ? Toujours est-il qu’au début des années 1650, les achats immobiliers – marginaux dix ans plus tôt – y ont rattrapé et même dépassé les gasailles. À Tarascon, au contraire, ce sont les gasailles qui ont augmenté le plus vite (plus 276 % entre 1640-1641 et 1650-1651 contre plus 132 % pour les achats et 144 % pour les locations). Si, compte tenu de l’évolution de l’activité totale, le nombre de locations est plus faible en 1660-1661 qu’en 1650-1651, en proportion, il représente presque la moitié des dettes. Tout fonctionne comme si les marchands tarasconnais avaient développé leur activité de bailleurs, de bêtes (gasailles) et de terres, profitant alors d’une situation de « rentiers ».

Tableau no 11. Évolution de la structure des actes notariés des marchands de Tarascon entre 1640-1641 et 1660-1661 (en % du total des actes passés à Tarascon pour chaque période)

Tableau no 11. Évolution de la structure des actes notariés des marchands de Tarascon entre 1640-1641 et 1660-1661 (en % du total des actes passés à Tarascon pour chaque période)
  • 26 P. Poujade, « Marchands, commerce, frontière dans le haut Pays de Foix. art. cit., p. 102.
  • 27 Nous travaillons, avec ces 22-23 marchands, sur 73 % des dettes, 81 % des gasailles, 76,5 % des ac (...)

17Derrière cette évolution générale, les différences sont grandes entre les personnes qui sont très présentes sur le « marché » des gasailles et celles dont l’activité enregistrée essentielle concerne les prêts, avec des degrés intermédiaires. On peut distinguer en gros trois grands types de tendances : le marchand bailleur de gasailles, le marchand créditeur, le marchand acheteur foncier. Pour la ville d’Ax, du milieu du xviie siècle, nous avions évoqué les exemples de Pierre Lulhet, le plus important créditeur du corpus, et de Raymond Verniolle qui réalise 33 % des achats fonciers des marchands et est à l’origine de 35 % des baux, alors que quelqu’un comme Arnaud Perpère ne réalise aucun achat et ne donne aucun bien en location26. Malgré tout, ce sont les dettes qui constituent le gros (de 57 à 69 %) des opérations de ces trois marchands. Pour Tarascon, nous avons essayé d’opérer une classification entre les trois grandes orientations dont nous venons de parler, en y ajoutant un quatrième groupe où, sans qu’il y ait aucunement un équilibre, l’orientation du marchand est moins marquée. Nous pouvons ainsi, pour les années 1650-1651, travailler sur 22-23 personnes totalisant 72 % des opérations effectuées par l’ensemble des marchands27.

B) Les types de marchands

Tableaux no 12. Les types de marchands à Tarascon au milieu du xviie siècle. I. Type de marchands bailleurs de gasailles

Tableaux no 12. Les types de marchands à Tarascon au milieu du xviie siècle. I. Type de marchands bailleurs de gasailles

9,36 % du total des actes des marchands

II. Type de marchands créditeurs

II. Type de marchands créditeurs

40,35 % du total des actes des marchands

III. Type de marchands acheteurs de biens immeubles

III. Type de marchands acheteurs de biens immeubles

4,48 % du total des actes des marchands

IV. Type de marchands : moins de 33 % de gasailles et moins de 50 % de créances

IV. Type de marchands : moins de 33 % de gasailles et moins de 50 % de créances

13,84 % du total des actes des marchands

  • 28 P. Lacassagne est marié avec une femme du village d’Arignac, veuve d’un potier d’étain, puis d’un (...)
  • 29 On peut évaluer, à peu près, la valeur de ce bétail à 600 livres.
  • 30 Nuançons en rappelant que certains ne proposent aucune gasaille, ou plutôt que chez les notaires d (...)

18Les neuf ou dix marchands créditeurs (type II) que nous avons inclus dans le tableau présentent en moyenne près de 82 % de reconnaissances de dettes dans l’ensemble des actes que nous avons retrouvés ; certains comme Vidal Teynier ou Charles Laqueune n’ont, d’ailleurs, que cette activité. Mais il s’agit là de deux cas particuliers que nous prenons en compte à cause de leurs pratiques commerciales qui en font des acteurs du commerce, mais qui sont marginaux chez les marchands. En effet, Teynier est un notaire, fils et père de marchands certes, et lui-même souvent appelé marchand dans la documentation. En outre, c’est en tant que marchand que nous le connaissons car nous n’avons aucune trace de ses minutes notariales qui, pourtant, ont existé. Laqueune, quant à lui fils et gendre de marchands, qui joue un rôle important dans le commerce tarasconnais, receveur au bureau de la foraine puis procureur du roi, est le plus souvent affublé du titre de « bourgeois ». À l’opposé, quelqu’un comme Pierre Lacassagne, marchand du Bout du Pont et fermier du droit de pontanage du Grand Pont, qui ne sait pas signer et dont on ne connaît pas l’origine sociale (mais si on se réfère à son mariage on peut douter qu’elle soit marchande28), offre un autre cas de figure. Sur l’ensemble de ses actes, les dettes sont les plus nombreuses (75 %) mais elles ne pèsent que peu dans le total de ce type d’actes (moins de 2 % de toutes les dettes des marchands), car que peuvent compter six de ces actes face aux 66 d’un Charles Laqueune. D’ailleurs, si nous nous plaçons dix ans plus tard, Lacassagne sera à l’origine de neuf gasailles mais de seulement trois reconnaissances de dettes, plaçant ainsi 82 ovins, 28 chèvres, 3 juments et un poulain, une truie et un pourceau29. Ce changement d’orientation caractérise aussi quelqu’un comme Barthélémy Courtés, dont on sait l’importance des gasailles. Il est à noter que ce sont les deux personnes du groupe qui, en 1650-1651, avaient déjà le taux de gasailles le plus élevé (25 %). Mais pour Courtés, c’est l’effondrement du nombre de ses créances qui explique le changement plutôt qu’un intérêt plus marqué pour les mises en gasailles. En effet, en 1650-1651 et 1660-1661, nous enregistrons chez lui une diminution de 88 % des créances. Remarquons, pour terminer, que ces créditeurs réunissent aussi sous leurs noms plus du cinquième de l’ensemble des gasailles des marchands, et de 15 à 20 % des achats et locations : ils ne négligent donc aucun domaine30.

  • 31 En 1650-1651, B. Courtés met en gasaille 38 ovins, 12 chèvres, 10 vaches, 2 veaux, 2 bœufs et 4 po (...)

19L’évolution suivie par B. Courtés nous a fait déjà entrer dans le monde des bailleurs de bêtes en gasailles. Restons-y. Comme on le constate, dans ce groupe, le poids global des gasailles (54 %) est bien inférieur à ce qu’étaient les créances dans le précédent (82 % environ), près d’un tiers de leur activité est encore orientée vers les prêts, mais ils représentent cependant peu dans ce domaine face au reste des marchands (un marchand du groupe ne rassemble que moins de 1 % des dettes contre huit fois plus pour le groupe précédemment étudié). D’autre part, si Jean Dax, en 1650-1651 comme en 1660-1661, révèle un attrait pour la gasaille, cela se fait dans un cadre extrêmement réduit où le nombre d’actes le concernant est très peu nombreux (respectivement trois et cinq) mais représentent 100 % de son activité ! De toute façon, même tourné vers les gasailles, avec quatre vaches, six veaux ou génisses et une pouliche, en 1660-1661, pour une valeur de 200 livres, il est loin de Pierre Lacassagne que nous avons évoqué plus haut. Même Jean vieux Bourg, malgré ses cinq gasailles (sept vaches, sept génisses, une jument) d’une valeur totale de 266 livres, fait pâle figure à côté de Lacassagne, et il n’est pas la peine de convoquer les quatorze gasailles de Barthélémy Courtés31 pour indiquer le caractère limité du capital de ces bailleurs. Seul, finalement, Mathieu Teynier pourrait soutenir la comparaison avec ses neuf gasailles de huit vaches, un veau, un bœuf et dix chèvres, mais ce capital est inférieur à 200 livres et il est celui du groupe chez qui les gasailles sont les moins importantes (47 % de ses actes) ; en outre, il est le gendre de B. Courtés avec qui il partage son inclination pour les baux à cheptel.

20Les marchands investissant dans l’immobilier offrent-ils une plus grande cohérence ? Il est difficile de le dire car nous n’avons pu isoler pour la constitution de ce groupe que trois personnes parmi lesquelles Felip Axat présente le meilleur profil d’acheteur, avec ses sept achats en 1650-1651. Son appétit le pousse surtout vers les champs (il en achète environ trois hectares en six pièces pour plus de 500 livres, essentiellement à Garrabet, à sept kilomètres au nord de Tarascon) et très secondairement vers les vignes (deux pièces situées à Quié, aux portes de Tarascon, pour plus de 200 livres). Sans être, du moins à la période considérée, d’aussi grands acheteurs, d’autres personnes comme Paul Bosc, André Lacombe ou Jean Pilhes, investissent aussi dans le foncier. Le premier, en quatre achats entre avril 1650 et mars 1651, acquiert trois champs et un pré, tous situés à Arignac, et réalise ainsi un investissement de plus de 400 livres. Type du créditeur, dans notre classement, il ne dédaigne pas la terre, de sorte qu’il est aussi un loueur de champs, vignes et prés, à Arignac et à Ussat.

21André Lacombe a, à peu près, le même profil quoique ses reconnaissances de dettes pèsent moins et ses gasailles soient plus nombreuses, raison pour laquelle nous l’avons mis dans le type IV. Lui aussi achète (trois champs et un pré à Saurat et Bédeilhac, pour 344 livres et environ un hectare) et donne des terres en afferme. Jean Pilhes suit un modèle voisin, avec des achats plus nombreux en proportion (31,25 % de son activité enregistrée contre 19 % pour Lacombe) : champs, patus, vignes à Arnave et Ussat pour plus de 1 100 livres ; il donne en location, lui aussi, terres et métairies et est un bailleur de bêtes à laine en gasailles. Cela est à remarquer car, jusqu’à présent nous avons essentiellement vu des bailleurs de bovins, équins, quelques caprins et quelques ovins en nombre relativement réduit. Avec Pilhes, ce sont environ 130 ovins qui sont concernés en plusieurs actes dans notre corpus, allant peut-être même vers un phénomène de concentration puisque le 22 mai 1660, en un seul contrat, il baille 133 ovins pour six ans à un habitant d’Arnave. Antoine Longuevergne, que nous avons classé chez les bailleurs de gasaille (notre type I) incline aussi vers les ovins. On a vu, dans une précédente partie, que les bêtes à laine l’emportaient en nombre dans les troupeaux donnés en gasaille par les marchands de Tarascon, dans un rapport de un à quatre, mais en nombre de baux, le rapport s’inverse en faveur des bovins (une gasaille d’ovin pour 3,36 de bovins).

22Il nous reste à examiner un dernier point. Nous avons parlé, jusqu’à présent, de dettes ou de créances, sans vraiment dire ce qu’il y avait derrière. En effet, nous distinguons deux types de reconnaissances de dettes faites aux marchands. Tout d’abord, tout ce qui se rattache à un véritable endettement, qu’il s’agisse d’un prêt, en monnaie ou en nature, ou de sommes dues, pour des raisons diverses, depuis plusieurs années. Ensuite, les dettes qui trahissent une activité commerciale, c’est-à-dire une vente à crédit, souvent d’animaux de bât, parfois de produits textiles, ou une « commande » de laine, de minerai de fer, de fer, de sel, etc., même si un prêt peut se dissimuler derrière. La répartition entre ces deux types permet d’affiner l’activité de tel ou tel marchand. D’une façon globale, à Tarascon, comme à Ax, les reconnaissances de dettes se répartissent à peu près également entre les deux catégories (l’activité marchande représente 47 % à Ax en 1640-1641, 48,5 % en 1650-1651, 37 % à Tarascon en 1640-1641, 52,5 % en 1650-1651, 46,5 % en 1654, 57,75 % en 1660-1661). Il va sans dire que ces moyennes fluctuant autour de 50 % cachent des situations bien différentes en fonction des marchands. La comparaison de quelques-uns d’entre eux, ceux qui réalisent les plus grosses affaires, à Ax et à Tarascon, illustre le propos.

Tableau no 13. Répartition des créances entre activité marchande et crédit chez quelques marchands du haut Pays de Foix au milieu du xviie siècle

Tableau no 13. Répartition des créances entre activité marchande et crédit chez quelques marchands du haut Pays de Foix au milieu du xviie siècle
  • 32 Les taux sont plus approximatifs pour cet individu car quelques actes ont pu être oublies par inad (...)

Note 3232

23La spécificité de chaque marchand est éclairée : les uns se consacrent massivement au crédit (par exemple Jean-François Martin ou Pierre Lulhet à Ax, ou encore Barthélémy Courtés à Tarascon) ; les autres sont tournés vers le commerce dans les mêmes proportions que les premiers le sont vers le crédit (Jean-François Aymeric à Ax, Pierre Bourrel, Dominique Augé et même le notaire Vital Teynier, à Tarascon). Pour certains, si « penchant » il y a, il est nettement moins marqué que chez les précédents. Ainsi, si à Ax dans les années 1650, Raymond Verniolle est plutôt un créditeur ou à Tarascon, Charles Laqueune plutôt un « commerçant », ce n’est que dans une proportion d’une soixantaine de % de leur activité enregistrée chez les notaires. Paul Bosc offre même un profil plus équilibré avec 45/55 % en faveur d’un type ou de l’autre. En effet, il suffit que l’on prenne un critère ou un autre, en l’occurrence le nombre des actes ou la valeur de ces actes, pour que la perspective soit changée : créditeur en nombre d’actes, avec un taux de 54,55 %, il devient « commerçant » (à hauteur de 56,4 %) si l’on s’intéresse à la valeur de ses opérations. D’où la nécessité de raisonner à plusieurs niveaux. De fait, la valeur moyenne des opérations diffère sensiblement selon les acteurs et le type. Par exemple, en matière commerciale en 1650-1651, la moyenne des créances s’élève à 82 livres pour Pierre Bourrel, 111 pour Vidal Teynier et même 137 pour Charles Laqueune. Du côté des opérations financières, les reconnaissances de dettes dues à Courtés étaient deux fois plus élevées (96 livres) alors que pour Bosc, Teynier ou Bourrel, en 1650-1651, ou encore Felip Nigoul en 1660-1661, elles étaient inférieures du tiers. Ces différences peuvent s’expliquer par les « spécialités » de chacun et les capacités de leurs partenaires.

  • 33 La moyenne des 35 % de ses créances pour activité marchande est de 46 livres ; celle des 65 % de s (...)
  • 34 On ne connaît pas l’activité professionnelle des gens de Miglos, Auzat ou Junac, mais on peut supp (...)
  • 35 En 1654, la moyenne des créances de B. Courtés était de 71 livres. Il est possible que cette chute (...)

24De la sorte, on ne s’étonnera pas, tout d’abord, que c’est généralement chez ceux qui ont une orientation commerciale affirmée (à Tarascon, dans nos exemples, les Teynier, Laqueune, Augé, Nigoul) que les créances sont les plus élevées. Ensuite, ces différences doivent beaucoup au type de « clientèle » à qui ces marchands ont affaire. Prenons Barthélémy Courtés en 1650-1651 : la moyenne de l’ensemble de ses créances s’établit à un peu moins de 79 livres33. 81 % de ses débiteurs proviennent de la vallée du Vicdessos (Auzat, Junac, Miglos) et seuls 6 % sont des artisans de Tarascon34. A contrario, Vidal Teynier, avec une moyenne de 108 livres par créance ou Charles Laqueune avec 148,5 livres négocient avec beaucoup plus de marchands (respectivement pour ces deux personnages, 18 % et 24 %), de voituriers (respectivement 32 % et 16 %), de gens de Tarascon (18 % et 11,5 %), d’autres villes (50 % pour Teynier, dont la totalité d’Ax d’où sa mère et sa femme sont originaires), de lieux situés sur la route du Languedoc, à l’est de Foix (10 % pour Laqueune) et de Catalogne (4,3 % pour Laqueune). Et d’autres données confirmeraient cela, comme le poids des marchands (72 %) dans les partenaires de Dominique Augé en 1660-1661 ou celui des voituriers (50 %) pour Felip Nigoul à la même époque. Or nous avons là aussi, dans un ensemble largement orienté vers le commerce dans des proportions dépassant les deux tiers et pouvant arriver aux quatre cinquièmes, des créances moyennes assez élevées (135,5 livres pour Nigoul, 225 livres pour Augé) à comparer aux 53 livres d’un Barthélémy Courtés, certes en bout de course35.

25En partant de l’exemple de 1650-1651 à Tarascon, on remarque que la valeur des créances, que ce soit pour une activité commerciale ou un endettement, est généralement plutôt faible puisque plus de 70 % d’entre elles s’élèvent à moins de 100 livres ; les plus grosses, dépassant 500 livres, ne sont, alors, qu’une petite minorité (autour de 3 %).

Tableau no 14. Les créances dues aux marchands de Tarascon 1650-1651 (répartition par classe de valeur)

Sommes

Cause commerciale

Endettement

1-49,99 livres

41,64 %

42,83 %

50-99,99 livres

31,09 %

28,27 %

100-199,99 livres

15,25 %

19,45 %

200-299,99 livres

4,99 %

2,75 %

300-399,99 livres

2,35 %

3,35 %

400-499,99 livres

1,76 %

0,61 %

500-599,99 livres

0,59 %

1,22 %

600-699,99 livres

-

0,61 %

700-799,99 livres

0,59 %

-

800-899,99 livres

-

0,61 %

900-999,99 livres

-

-

1000 livres et plus

1,76 %

0,3 %

Total

100,00 %

100,00 %

26Peut-on déceler une différence de comportement nette entre les plus gros créditeurs et les autres marchands, en dehors, bien sûr, du fait que les plus gros accaparent une bonne part du marché ? D’ailleurs, cette part peut-elle être évaluée avec une certaine précision ? L’essentiel des marchands, c’est-à-dire suivant les époques et les lieux, un à deux tiers – plus proche d’une grosse moitié à Tarascon et d’un tiers à Ax –, n’est concerné que par une reconnaissance de dette enregistrée chez un notaire, par an. À Tarascon, la part de ceux à qui en sont reconnues plus de deux est très faible, malgré une poussée au début des années 1650 où leur taux oscille entre 35,5 et 45 % alors qu’il était inférieur à 10 % dix ans auparavant. À Ax, il a été toujours plus élevé (26 à 45,5 % en 1640-1641, puis 45,5 à 62 % en 1650-1651) indiquant une plus grande concentration des créances dans les mains de quelques marchands. Ainsi, ceux qui en comptent dix nouvelles et plus par an, se situent autour de 9 à 14 % à Ax mais seulement 7 % à Tarascon en 1650-1651. Par conséquent, le nombre moyen de créances par individu est plus élevé à Ax : 4-5 contre moins de quatre à Tarascon dans les meilleurs moments (1650-1651), plutôt 2-2,5 en général. On a bien les 33 créances de Charles Laqueune en 1650 et en 1651, les 23 de Barthélémy Courtés en 1651, les 20 du même en 1641 ou encore les 17 de Vidal Teynier en 1650, mais à Ax, les cas de marchands se faisant reconnaître plus de 15 dettes sont quelque peu plus fréquents et montrent peut-être une plus grande constance : 25 dettes reconnues à Pierre Lulhet en 1641, 13 en 1650, 22 en 1651 ; 27 à Jean-François Martin en 1640 et 18 en 1641 (12 encore en 1650) ; 18 à Raymond Verniolle en 1650, 23 en 1651. À l’opposé, bien sûr, un plus grand nombre n’apparaît qu’une ou deux fois, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont inactifs le reste du temps ; ils peuvent l’être, certes, mais ils peuvent aussi trafiquer sur des quantités qui ne nécessitent pas de recours au notaire, ou encore travailler – comme facteurs, par exemple – pour un marchand plus important. L’absence de comptabilité marchande ne nous permet pas d’aller au-delà de ces quelques hypothèses.

  • 36 Notons, toutefois, que dix ans plus tard, les rapports ont évolué pour les catégories. Chez les si (...)
  • 37 On observe le même phénomène à Ax, où par exemple, la moyenne des créances commerciales de Jean-Fr (...)

27Pour mieux apprécier la différence entre « gros » et « petits », nous avons effectué un calcul simple sur les reconnaissances de dettes des marchands tarasconnais pour 1640-1641, en divisant le corpus entre les 42 actes exploitables dus aux six plus importants créanciers et les 44 actes relevant des 30 autres marchands étant intervenus durant cette période. Le résultat est intéressant. En premier lieu, les six premiers marchands ou assimilés (rappelons qu’il y a parmi eux un notaire et un receveur de la foraine) sont vraiment orientés vers le crédit avec seulement 32 % d’actes commerciaux dans leurs créances (représentant 10 % de la valeur de celles-ci), contrairement à l’autre groupe qui présente un rapport de 70 %-30 % en faveur du commerce (aussi bien en nombre qu’en valeur)36. Ensuite, ces six gros marchands rassemblent entre leurs mains 49 % des créances, représentant un peu plus de 40 % de la valeur de celles-ci. Du côté des strictes reconnaissances de dettes, les résultats sont assez voisins : 48 % des actes pour 46,5 % de leur valeur. Mais là où les choses peuvent étonner, c’est en ce qui concerne leurs créances pour activité commerciale : ils en contrôlent 52 %, mais cette grosse moitié ne totalise que 18 % de la valeur de ce type de créances émises en faveur des marchands tarasconnais. C’est que, avec une moyenne de 31,5 livres par acte commercial, ils ne peuvent rivaliser avec les 145,5 livres des trente autres marchands37. En revanche, rapporté au nombre de marchands, la valeur moyenne de leurs créances commerciales (71 livres pour les plus gros, 63 livres pour les autres) se rééquilibre. Celle de leurs autres créances (prêts, etc.) est 4,33 fois plus élevée chez les six marchands les plus importants que chez les autres (651 livres contre 150,5 livres). On voit, par là même, l’écart qui peut exister à l’intérieur du groupe des marchands tarasconnais.

28Nous avons vu que les marchands sont très présents chez les notaires, d’abord grâce aux dettes qu’ils se font reconnaître et qui, dans une certaine mesure (variable suivant les circonstances), attestent d’une activité commerciale. Mais ils sont aussi très présents sur le marché du crédit dont ils contrôlent une grande partie, en tout cas quelques-uns d’entre eux. Cela reflète en réalité une hétérogénéité assez forte entre ceux qui se situent en haut de l’échelle et ceux qui sont quelques échelons plus bas, mais qui évidemment, n’ont d’autre ambition que de monter.

Notes

1 Pour les problèmes posés par la définition des catégories sociales de l’Ancien Régime, les dénominations et le travail classificatoire, voir F. Cosandey (éd), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, 338 p., en particulier l’introduction, p. 9-43.

2 Voir l’introduction de S. Cerutti, La ville et les métiers. Naissance d’un langage corporatif (Turin, xviie- xviiie siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p. 7-23.

3 P. Poujade, « Marchands, commerce, frontière dans le haut Pays de Foix. La ville d’Ax au milieu du xviie siècle », Identités méridionales. Entre conscience de soi et visions de l’autre, Paris, CTHS, 2003, p. 95-98.

4 Arch. dép. de l’Ariège, 135 EDT/CC 1.

5 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 44.

6 Arch. dép. de l’Ariège, 8 J 43.

7 Nous avons pris 1654 comme année-témoin dans la mesure où c’est l’année du grand logement des troupes qui entraîne un fort endettement de la communauté et des difficultés commerciales.

8 À titre de comparaison, de tels taux seraient, dans l’Allemagne du xviiie siècle, parmi les plus élevés. En effet, E. François distingue, tous niveaux démographiques confondus, trois types de villes allemandes : celles où les marchands sont « très minoritaires » (moins de 5 %) ; celles où ils sont 8-10 % et celles où ils sont plus de 10 % (E. François, « Négoce et culture dans l’Allemagne du xviiie siècle », Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995, p. 30-32).

9 C. Rome, Les bourgeois protestants de Montauban au xviie siècle. Une élite urbaine face à une monarchie autoritaire, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 53. Le calcul est fait à partir des rôles de taille de 1624 et 1682 et du registre de capitation de 1706. Montauban est dix fois plus peuplée environ que les localités de Tarascon et d’Ax.

10 On en aurait maints exemples ; citons, me Arnaud Floraud, notaire royal de Tarascon, qui prend Pierre Soula comme apprenti « pour lui apprendre et enseigner l’estat et l’office de marchand en sa boutique » (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 547, f° 19v°, me R. Rolland, 6/4/1616).

11 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 503, f° 77v°, me G. Rolland, Tarascon, 30/4/1652.

12 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 485, f° 209v°, me G. Rolland, Tarascon, 27/9/1632.

13 Voir ce que dit M. Bertrand, dans un tout autre contexte, de ces questions de définition d’un groupe d’étude, dans « Familles, fidèles et réseaux : les relations sociales dans une société d’Ancien Régime », Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, cnrs, Éditions, 1998, p. 172-173.

14 Sur ces points, voir A. Radeff, Du café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime (Suisse occcidentale, Franche-Comté et Savoie), Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 1999, plus particulièrement le chapitre V, « Les acteurs du commerce », p. 139-249.

15 Cité par C. Marquié, L’industrie textile carcassonnaise au xviiie siècle. Etude d’un groupe social : les marchands-fabricants, Carcassonne, Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1993, p. 214 d’après A. Mahul, Cartulaire et Archives des communes de l’ancien diocèse et de l’arrondissement civil de Carcassonne, 1867-1882, tome VI, p. 96.

16 Sur la question des communautés professionnelles, voir A. Poitrineau, Ils travaillaient la France. Métiers et mentalités du xvie au xixe siècle, Paris, A. Colin, 1992, p. 11-57. Sur les problèmes posés par les communautés, J. Revel, « Corps et communautés dans la France d’Ancien Régime », Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, Éditions de l’ehess, 1995, p. 555-575.

17 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 523, f° 11v°, me S. Rolland, 24/6/1618. Il s’agit d’un accord conclu entre 22 tisseurs de cordelats au sujet des dimensions des pièces de tissus fabriquées et du salaire à prendre. Seuls deux de ces tisserands savent signer, dont Odet Faure qui porte le nom d’un marchand (est-ce le même ?) ; excepté celui-ci et un ou deux autres, les patronymes des tisserands sont différents de ceux des marchands.

18 S. Cerutti, « Nature des choses et qualité des personnes. Le Consulat de commerce de Turin au xviiie siècle », Annales. Histoire, Sciences sociales, novembre-décembre 2002, p. 1509-1510.

19 Nous reviendrons sur la question des âges, en particulier pour les mariages. Disons, pour l’heure, que, dans certains cas, nous avons dû nous contenter des indications fournies au moment du décès qui, lorsque la vérification est possible, s’avèrent, effectivement, généreusement arrondies (dans un sens ou un autre). C’est surtout vrai, bien sûr, pour les plus âgés des marchands, nés au xvie siècle, ou pour ceux nés ailleurs.

20 A. Bideau, J. Dupâquier, H. Gutierrez, « La mortalité quantifiée », Histoire de la population française, 2, De la Renaissance à 1789, Paris PUF, 1988 (rééd. coll. « Quadrige », 1995), p. 234-239 et S. Beauvalet-Boutouyrie, La démographie de l’époque moderne, Paris, Belin, 1999, p. 262-263.

21 Sur l’ensemble des marchands de notre corpus, on arrive à près de 48 % des marchands qui reçoivent ce titre ; le taux est exactement le même pour ceux qui apparaissent en 1650-1651 mais dépasse 54 % en 1660-1661 ; il faut sans doute tenir ces proportions pour des minimums dans la mesure où il pourrait y avoir des oublis. À Ax, en 1650-1651, seuls 37,5 % des marchands portaient le titre de « Sieur » de façon clairement documentée.

22 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2311.

23 Ce niveau n’a rien d’extraordinaire puisque, même un petit notaire rural comme maître Jean Lanes, de Montgailhard, rédige 90 % de ce niveau dans ses années d’activité du milieu du xviiie siècle (cf. P. Poujade, « Contribution à l’étude du notariat rural au xviiie siècle : l’exemple de maître Lanes, notaire de Montgailhard (1731-1786) », Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1993, p. 172).

24 La reconnaissance de dette indiquant les conditions et les délais (généralement à court termes) de remboursement d’une dette, appelée ici simplement « dette », ailleurs « obligation », était le moyen de paiement systématique utilisé auprès des marchands que nous étudions, pour les achats à crédit de marchandises ou les emprunts faits auprès d’eux. En dehors de Chalabre, la lettre de change n’apparaît pas pour les opérations commerciales enregistrées chez les notaires utilisés.

25 Le terme, reprécisons-le, désigne dans la documentation les reconnaissances de dettes ; nous l’avons conservé ici parce que c’est celui qui est employé par les notaires, mais, derrière ce mot, ce sont les créances des marchands qui se cachent.

26 P. Poujade, « Marchands, commerce, frontière dans le haut Pays de Foix. art. cit., p. 102.

27 Nous travaillons, avec ces 22-23 marchands, sur 73 % des dettes, 81 % des gasailles, 76,5 % des achats immobiliers, mais sur seulement 51 % des locations de terres, effectués par les mar

28 P. Lacassagne est marié avec une femme du village d’Arignac, veuve d’un potier d’étain, puis d’un cordonnier. Si l’on ajoute à cela qu’il ne sait pas signer et demeure au Bout du Pont, on peut soupçonner une origine assez populaire.

29 On peut évaluer, à peu près, la valeur de ce bétail à 600 livres.

30 Nuançons en rappelant que certains ne proposent aucune gasaille, ou plutôt que chez les notaires de Tarascon dont on conserve les minutes, certains ne proposent aucune gasaille ; en moyenne, un marchand de ce groupe serait à l’origine de 3,26 % des gasailles, contre 0,85 % pour le groupe des acheteurs, mais 6,58 % pour celui des bailleurs de gasailles.

31 En 1650-1651, B. Courtés met en gasaille 38 ovins, 12 chèvres, 10 vaches, 2 veaux, 2 bœufs et 4 poulains pour une valeur totale d’environ 550-600 livres.

32 Les taux sont plus approximatifs pour cet individu car quelques actes ont pu être oublies par inadvertance, du fait de son appellation de « receveur », « commis » de la foraine, ou de « bourgeois  ».

33 La moyenne des 35 % de ses créances pour activité marchande est de 46 livres ; celle des 65 % de ses créances pour activité de crédit est de 96 livres.

34 On ne connaît pas l’activité professionnelle des gens de Miglos, Auzat ou Junac, mais on peut supposer que ce sont des paysans.

35 En 1654, la moyenne des créances de B. Courtés était de 71 livres. Il est possible que cette chute, enregistrée en 1660, ait quelque chose à voir avec sa santé, puisqu’il meurt entre juin et octobre 1660. Une partie des créances de 1660-1661 sont, en réalité, le fait de ses héritiers.

36 Notons, toutefois, que dix ans plus tard, les rapports ont évolué pour les catégories. Chez les six plus gros marchands de 1650-1651, il s’est inversé en faveur du commerce qui regroupe alors 61,5 % des créances ; dans le groupe des autres marchands, par contre, le crédit l’emporte avec 55 % du nombre des créances contre 45 % pour le commerce.

37 On observe le même phénomène à Ax, où par exemple, la moyenne des créances commerciales de Jean-François Martin (un des plus importants créanciers en 1640-1641) n’est que de 42,5 livres alors que celles de ses créances pour prêts s’élèvent en moyenne à plus de 99 livres. Par contre, pour quelqu’un comme Arnaud Perpère (qui contracte près de six fois moins d’actes que le précédent), les créances commerciales atteignent une moyenne de 90 livres.

Table des illustrations

Titre Tableau no 8. Part du nombre de reconnaissances de dettes concernant les marchands de Tarascon
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-1.jpg
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Titre Tableau no 9. Âge des marchands de Tarascon par classes décennales
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-2.jpg
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Titre Graphique no 1. Âge au décès des marchands de Tarascon au xviie siècle (en %)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
Titre Tableau no 10. Place des dettes25, gasailles, achats affermes et arrentements des marchands à Ax et Tarascon au milieu du xviie siècle (dettes = indice 100)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 78k
Titre Tableau no 11. Évolution de la structure des actes notariés des marchands de Tarascon entre 1640-1641 et 1660-1661 (en % du total des actes passés à Tarascon pour chaque période)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 117k
Titre Tableaux no 12. Les types de marchands à Tarascon au milieu du xviie siècle. I. Type de marchands bailleurs de gasailles
Légende 9,36 % du total des actes des marchands
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 159k
Titre II. Type de marchands créditeurs
Légende 40,35 % du total des actes des marchands
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 201k
Titre III. Type de marchands acheteurs de biens immeubles
Légende 4,48 % du total des actes des marchands
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 144k
Titre IV. Type de marchands : moins de 33 % de gasailles et moins de 50 % de créances
Légende 13,84 % du total des actes des marchands
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 166k
Titre Tableau no 13. Répartition des créances entre activité marchande et crédit chez quelques marchands du haut Pays de Foix au milieu du xviie siècle
Légende Note 3232
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11127/img-10.jpg
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