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Une société marchande

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Patrice Poujade

Partie I. À dos de mulet : la montagne et le commerce

Chapitre 3. La circulation des marchandises : matières premières et produits transformés

Texte intégral

1Que ce soit le textile ou la sidérurgie, la montagne fuxéenne présentait un visage sinon industriel, du moins tourné vers la production de produits plus ou moins finis utilisant des ressources locales de matières premières ou recourant à des importations. C’est le cas de la laine dont nous avons déjà parlé. Le commerce des produits transformés (tissus, fer) devait représenter une part notable de la circulation des marchandises. Mais, avant cela, le trafic des matières destinées à connaître un processus de transformation, animait aussi, par tous les acteurs qu’il générait, le haut pays.

I. LA CIRCULATION DES MATIÈRES PREMIÈRES

2Ressources directement extraites de la nature pour être transformées, les matières premières pourraient représenter ainsi la quasi-totalité du commerce que nous étudions. En effet, produits agricoles et dérivés de l’élevage fournissent aussi ce que l’on pourrait appeler des matières premières. Toutefois, nous réserverons l’appellation, ici, aux ressources minières, minérales et forestières qui procurent ce dont certaines activités ont besoin ou des matériaux de construction. Parmi celles de la région, le minerai de fer est sans doute la plus importante.

A) Le minerai de fer

  • 1 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 605, me A. Gouzy, f° 26-63v°, château de Gudanes, 25/3-21/4/1615.
  • 2 Mouline de Siguelles, dans la vallée de l’Aston, dont il réserve, pour un an, à partir du 4/5/1615 (...)
  • 3 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 605, f° 69v°, me Gouzy, 8/5/1615, un muletier du village de Pech s’eng (...)
  • 4 M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, Paris, Genin, 1956, p. 559 et J. Bonhô (...)

3Les deux zones minières du pays, Rancié (vallée de Vicdessos) et Château-Verdun (près des Cabannes), répondaient à deux types juridiques différents. Signalé dans un accord de 1293 entre les comtes de Foix et les coseigneurs de Château-Verdun, la seconde était placée sous la domination de la famille seigneuriale des Gudanes et exploitée au profit du seigneur. Une quinzaine d’actes passés au printemps 1615 donnent des modalités de cette exploitation1. Vingt-et-un « mineurs », issus des trois villages voisins – sans doute des paysans, à l’exception du marchand des Cabannes, Ramond Loubes qui exploite lui-même une forge2 – signent, chacun, un contrat avec le seigneur de Gudanes, autorisant l’exploitation du minerai de douze miniers de la « montagne et minières » de Château-Verdun. Ensuite, ils « vendent » le fer qu’ils ont extrait – généralement à 10 sous les 2,5 quintaux – à un unique « acheteur », la demoiselle Aleonor d’Espagne, femme du baron de Gudanes. Celle-ci, s’adjoignant les services d’un muletier3, en prendra directement livraison au minier même, afin de l’utiliser, sans doute, dans une forge proche. La fin du xviie siècle et le début du xviiie siècle auraient été une période de grande activité, avant un déclin4.

  • 5 M. Chevalier, op. cit., p. 557-558.
  • 6 Id., p. 556, d’après document de la Table de Marbre de 1669.
  • 7 Arch. dép. des Pyrénées-Orientales, 3 E 56/407, actes des notaires de Cerdagne, 13/07/1666.
  • 8 Sur l’Andorre, cf. l’autorisation donnée par le lieutenant du procureur royal des comtés de Roussi (...)
  • 9 J. Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises. Une industrie à la montagne ( (...)

4La mine de Rancié, quant à elle, était la propriété indivise des habitants qui pouvaient y travailler pour eux : le minerai – la fameuse mine ferral ou ferrail dont parlent les documents – qu’ils extrayaient était ensuite vendu par leur soin en s’accordant avec un muletier ou avec un marchand. En tout cas pour la vallée de Vicdessos, ce système d’exploitation par des paysans devenant mineurs pour un temps, favorisa l’émergence d’assez nombreux muletiers ou voituriers et une certaine concentration de marchands et marchands ferriers dans les bourgs de la vallée. Le succès de ce minerai de fer, qui s’imposa au détriment d’autres petites mines, s’explique par son abondance et sa qualité avec une teneur de 40 à 55 %, qui pouvait être abaissée du fait des fraudes et des mélanges faits avec des matières stériles au moment de la vente5. La réputation du produit dépassa le local pour qu’on le trouve employé par exemple dans le Pays de Sault dans la seconde partie du xviie siècle6 ou en Couserans. Pour compléter, faisons état d’une mention de 1666 qui montre l’utilisation du minerai de la vallée de Carol (certainement de la mine de fer du Puymorens) dans les forges de Mérens7. La mine du Puymorens, à la limite des comtés de Foix et de Cerdagne, approvisionnait quelques forges voisines, d’Andorre8, de Catalogne, celles de Mérens et de L’Hospitalet. Inféodée depuis 1624 à la famille du chirurgien de Puigcerdà, Pere Costa, le minerai qui en sortait devait payer un droit de 10 sols par charge que les maîtres des forges de Mérens et L’Hospitalet refusèrent d’acquitter vers 1687, prétextant que la mine était sur leur territoire9.

  • 10 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal : diversité et complexité des échanges d (...)
  • 11 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 653, f° 33, me Delauriol, Tarascon, 13/2/1650.
  • 12 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 639, f° 179, me Ferrand, 25/10/1660 ; le contrat prévoit la livraison (...)
  • 13 Le 29/11/1557, Pierre Traversier, marchand ferrier de Niaux, doit se faire payer un mulet par 4 qu (...)
  • 14 Notons que la quantité moyenne par acte est plus élevée à Tarascon (plus de 193 quintaux en 1640-1 (...)

5L’approvisionnement des forges en fer explique la circulation dont faisait l’objet le minerai dans et hors du haut Pays de Foix puisque Rancié alimentait en 1669 quarante-trois ateliers du Comté, du Couserans, du Comminges, des diocèses de Mirepoix, Alet ou Narbonne10. Nous sommes cependant assez mal renseigné sur les mécanismes dans leur détail. La convention passée en 1650 entre un marchand ferrier et le sieur de Sulhat nous en apprend un peu plus sur certains processus : dans ce cas, celui qui paraît être le propriétaire des forges de Luzenac et Destanièrs ( ?) (Jean Marfaing, sieur de Sulhat), s’octroie une sorte de monopole pour approvisionner en minerai son fermier (Jean-Pierre Peyre, marchand ferrier de Luzenac) pendant trois ans, avec de la « mine ferral » prise de la maison d’un nommé Graciot Martin, aux Cabannes, à raison de 27 sous la charge11. En réalité, c’est le minerai de Rancié qui circule le plus. D’ailleurs, dix ans plus tard, le même Jean-Pierre Peyre était lié avec le marchand de Miglos Raymond Pujol, puis avec les frères Capdeville de Niaux, afin que ces derniers lui livrassent à Luzenac 194 quintaux de minerai de Rancié12. Chez les notaires d’Ax, en 1640 et 1641, ce ne sont pas moins de 31 dettes dont le règlement est prévu en livraison de ces minerais ; la plupart des contrats concernent d’ailleurs la vente de chevaux et mulets (77,42 %). Au total, ce sont environ 3 400 quintaux de minerai qui devront rejoindre Ax, les forges du Castelet, d’Orgeix, de Savignac. Les débiteurs habitent pratiquement tous la vallée de l’Ariège en amont de Tarascon et non celle du Vicdessos ; leur activité n’est indiquée qu’à trois reprises (deux voituriers, un laboureur voiturier) mais comme ils achètent des bêtes de somme, il est probable qu’ils consacrent au muletage une partie de leur temps, celui nécessaire au paiement de leur acquisition et celui pouvant la rentabiliser. On rencontre très ponctuellement un phénomène semblable à Tarascon dès nos dépouillements les plus anciens13 jusqu’au milieu du xviie siècle ; mais son ampleur est bien moindre, puisqu’il ne concerne que trois actes en 1640-1641 pour à peine 580 quintaux de minerai et en 1650-1651 (471 quintaux) ; le début des années 1660 se caractérise par une poussée de ce mécanisme avec douze actes pour 2 953 quintaux en 1660-166114.

Carte no 4. Localisation des mines, moulines et forges du haut Pays de Foix en amont de Tarascon, xvie et xviie siècles

Carte no 4. Localisation des mines, moulines et forges du haut Pays de Foix en amont de Tarascon, xvie et xviie siècles

Nom des forges :
1. Saurat
(Esqueranes)
2. Saurat (la
Mouline)
3. Lhomet
4. Lacombe
5. Arignac
6. Rabat
7. Ferrasiels
8. Allens
9. Niaux
10. Junac
11. Miglos
12. En Guinée
13. Guilhe
/ Gulhe
14. La Vexanelle
15. Cabre
16. Pont d’Artiès
17. Capounta 18. Ornac
19. Costes dardès
20. Pla de Magat
21. Pla de Nisard
22. Siguer
24. Les Cabannes
25. Château-
Verdun
26. Sigueilles
27. Esclarans
(dels Clarans)
28. Riette
29. Sirbal
30. Les Galis
31. Urs
32. Luzenac
33. Unac
34. Tignac
35. Perles /
Castelet
36. Savignac
37. Ascou
38. Orgeix
39. Orlu
40. Mérens
41. Mérens
42. L’Hospitalet

  • 15 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 525, f° 108, me S. Rolland, Tarascon, 2/6/1620 ; vente de Bernard Alla (...)
  • 16 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 570. Dans notre corpus (...)
  • 17 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 632, f° 138v°, me Ferrand, Tarascon, 4/10/1650.

6Ce que l’on trouve chez les notaires de Tarascon mais pas chez ceux d’Ax, ce sont les ventes et les achats de « mine » faisant intervenir, en deux étapes, marchands, marchands ferriers, voituriers locaux ou plus lointains. Premier mouvement : un voiturier établi près de la mine apporte le minerai chez un marchand tarasconnais qui l’a acheté ; puis, celui-ci le revend à des marchands ou voituriers provenant de zones limitrophes : Ax, mais surtout dans notre documentation la région languedocienne comprise entre Foix et Lavelanet (Lavelanet, Roquefixade, Leychert, Celles), sans doute en direction des forges de Celles et du Pays d’Olmes (Villeneuve, Montferrier, Montsegur, Bélesta). Ce marché peut en absorber de bonnes quantités : 600 quintaux de minerai de Rancié sont vendus par un voiturier tarasconnais à un marchand de Lavelanet en 162015. En revanche, rien ne se rattache véritablement à l’échange institutionnalisé pratiqué entre le Vicdessos minier et le Couserans forestier depuis l’accord de 1347. Pourtant, les données de la deuxième moitié du xviiie siècle parlent de 300 mulets qui sortent tous les jours de Vicdessos, pendant neuf mois de l’année, chargés de minerai et qui rapportent aux forges de la vallée plusieurs milliers de charges de charbon16. De façon exceptionnelle, un acquéreur extérieur à Tarascon se sert directement auprès d’un muletier du Vicdessos : tel est le cas en 1650 du bourgeois fuxéen Jean Laur qui veut se faire livrer 70 quintaux de minerai à Foix, mais rien n’indique – les données manquent malheureusement – qu’il en obtiendra un meilleur prix17.

  • 18 En 1723, la différence était de 1 à 1,375 et en 1731, de 1 à 1,5 d’après J. Cantelaube, op. cit., (...)
  • 19 J. Cantelaube, op. cit., p. 360-361.
  • 20 On ne peut tenir ces valeurs que pour une grossière approximation. Ajoutons de plus que les transa (...)

7En fonction des différences de prix selon les lieux à desservir, il est possible de calculer un prix moyen approximatif du transport du minerai. D’après nos calculs, le quintal de minerai de fer du Vicdessos, à la sortie de la mine, aurait, début des années 1660, une valeur d’environ 4 sols. Ces données peuvent-elles être vérifiées ? Jean Cantelaube explique que depuis une charte de 1414, le prix du minerai n’est théoriquement pas libre et que, d’autre part, il est toujours plus cher, pris à la mine, pour les étrangers à la vallée que pour les habitants18. En 1669, la charge (de deux quintaux semble-t-il) valait 7, 8, 10 et même 16 sols, auxquels s’ajoutaient deux liards (0,5 sol) pour le roi payés par les habitants de la vallée et un sol par les étrangers. Le prix ordinaire du minerai sorti de la mine serait d’environ 12 sols la charge, mais cela variait en fonction du travail et du nombre de voituriers présents19. Les prix que donne cet auteur pour Saurat (20 sols la charge) et la région d’Ax (36 sols) sont assez proches des nôtres. Dans ces conditions, le kilomètre coûterait 0,28 sol, ce qui signifie que sur un prix moyen de 8,7 sols le quintal livré à Tarascon, le transport représenterait près de 43 % de la valeur payée (54 % avec la leude), mais 68,75 % à Savignac (75 % avec la leude)20.

B) Le bois

  • 21 Le pays d’Olmes, la seigneurie de Mirepoix, la vallée de l’Hers sont aussi orientés vers cette act (...)
  • 22 Notons, à ce propos, une particularité linguistique qui pourrait être révélatrice. Alors que le mo (...)

8Pays de montagne, la zone que nous étudions est hautement forestière, même si les forêts y sont en danger, en particulier, du fait des prélèvements des forges, et si elles apparaissent en mauvais état. L’administration royale s’est préoccupée du sort des espaces boisés surtout dans le dernier tiers du xviie siècle, en liaison avec la politique de Colbert, la chose est assez bien connue et nous a valu les témoignages de Louis de Froidour. Le bois que l’on trouve dans les sources et qui fait l’objet d’un commerce plus ou moins étendu, a trois destinations et par conséquent, se présente sous trois formes différentes. La première, sans doute la plus grossière, celle des cannes de bois de chauffage ; la deuxième comprenant toutes sortes de planches, poutres ou chevrons ; la troisième, le charbon de bois dont la nécessité n’est pas à démontrer dans un pays de forges. Entre premier et deuxième type, le bois destiné à la construction peut être mis en vente sous forme de grumes non encore travaillées. Les marges orientales de notre zone (Pays de Sault, vallée de l’Aude) sont particulièrement orientées vers ce commerce21, et même en haut Pays de Foix nous en trouvons trace, mais il s’agit là, à comparer la documentation notariée de la vallée de l’Ariège et celle de la vallée de l’Aude, d’une activité négligeable dans la première : à Ax, au milieu du xviie siècle, pas plus de 1 % de l’activité comptabilisable des marchands est tournée vers ce genre de négoce. L’explication de cette observation pourrait tenir dans le fait que, l’Ariège n’étant pas flottable et le haut Pays de Foix ayant développé une activité sidérurgique grâce à la présence de mines de fer, le bois aurait trouvé un autre débouché (charbonnage). En revanche, les belles forêts du Pays de Sault ont pu profiter du flottage sur l’Aude alors que les forges ne s’y sont guère développées (cause ou conséquence ?)22.

  • 23 Le rol est l’arbre en grume ou un billot.
  • 24 Postam : ensemble de planches.
  • 25 Esclappe (occitan esclapa) désigne plusieurs choses. Ce peut être une bûche, un éclat de bois, une (...)
  • 26 Majorièr : poutre maîtresse d’une charpente.
  • 27 Bastarde : demi-poutre.
  • 28 Ch. Fruhauf, Forêt et société. De la forêt paysanne à la forêt capitaliste en pays de Sault sous l (...)

9Les registres des notaires quillanais regorgent de contrats portant sur le transport par flottage (« pactes de conduite de bois ») et la vente de bois de différentes essences (sapin le plus souvent, mais aussi hêtre – fau –) et appellations (rols23 rouls dans les documents –, bois à chauffer, bois à bâtir, bois long, postam24, esclappe25, merrain, majorièrs26, bastardes27), chacune répondant à une définition et une destination particulières. Pour ce qui est des essences, elles correspondent à ce qui était le peuplement des forêts concernées par ce trafic, c’est-à-dire pour l’essentiel le Pays de Sault et la haute vallée de l’Aude, et plus généralement de la montagne pyrénéenne, avec un avantage certain au sapin, essence caractéristique de ces forêts et de leurs voisines. Mais, comme le fait remarquer Christian Fruhauf, les documents de l’époque, même les plus descriptifs comme le rapport général de Louis de Froidour (1670), ne permettent de connaître en rien la part respective des deux essences principales, et encore moins des essences « secondaires » (chênes, pins, buis, « bois blancs » qui peuvent être des noisetiers, tilleuls, ormes, frênes, trembles)28.

  • 29 Deux documents des 20 et 30 janvier 1631 concernent le transport d’« esclappes » vers Narbonne. Le (...)
  • 30 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7725, f° 20, me Fr. Vallon, Quillan, 26/1/1655.
  • 31 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 81.
  • 32 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2263, me Authier, Ax, f° 241 et 242. Les documents ne décrivent pas le (...)
  • 33 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7713, f° 96, me Fr. Vallon, Quillan, 14/12/1641.

10Les diverses appellations que nous avons données plus haut se réfèrent à trois grands types de bois : le bois brut sous forme de billes (les rols), le bois de chauffage, et toute sorte de bois de construction en planches (postam), poutres ou chevrons de gabarits variables (majorièrs, bastardes), voire de chutes29. Les apparitions du commerce du bois en grume, les rols, sont plutôt rares. Celle que l’on possède, datant de 1655, signale que les 48 morceaux de troncs sont du hêtre, ont douze pams de long sur deux de large pour les plus étroits (environ 2,7 m x 0,45 m), pour un prix, chacun, de 25 sous30. Pour ce qui est des dimensions, nous sommes dans les « normes » données par Christian Fruhauf, quoique cet auteur utilise le cas du sapin31. Selon toute vraisemblance, ces rols sont destinés à être débités en planches dans les moulins à scie (ressècs), nombreux sur le plateau de Sault. La haute vallée de l’Ariège en abrite aussi quelques-uns qui fournissent des produits plus ou moins finis aux marchands d’Ax sous la forme d’un contrat semblable à ceux que l’on a pu rencontrer pour l’approvisionnement en peaux, cuirs ou suifs, ou à ceux sur le fer des forges. Le 4 septembre 1640, le marchand axéen François Aymeric signe deux conventions de ce type avec deux habitants de Savignac : tous les deux s’engagent à lui vendre tout le postam qu’ils scieront dans leur moulin de la vallée, pour une durée d’un an, prenant effet le jour de la signature. En contrepartie, Aymeric s’engage à aller chercher l’ensemble des planches (postam et mijanes) tous les samedis et de les leur payer à 13 sols 6 deniers la charge de postam et 32 sols 6 deniers celle de mijanes, qui en contient 1232. Le même type de contrat se rencontre à Quillan, à la même époque : le 14 décembre 1641, le sieur Jean-Rafèl Foix, habitant de Niort-en-Sault, vend au sieur Jean-Paul de Guiraud, habitant de Quillan, tout le postam qu’il fera dans le moulin à scier de Gelex ( ?) jusqu’à la Toussaint 1642, au prix de 18 sous la charge rendue à Quillan, en déduction de quoi Guiraud lui délivre 150 livres33.

  • 34 M. Chevalier, op. cit., p. 531.
  • 35 Cité par M. Chevalier, op. cit., p. 535, d’après les procès-verbaux de la Réformation.

11Les commandes peuvent être plus détaillées et donner noms, quantités et dimensions assez précises des bois achetés, que ce soient des poutres à bâtir de 20 ou 22 pams de longueur jusqu’à 4 cannes (environ 4-4,5 m), des saumièrs de 26 pams, des chevrons de 3 ou 4 cannes (près de 6 ou 8 m), et même des pièces de 5,5 cannes (une dizaine de mètres de long). On imagine les difficultés qu’il pouvait y avoir à transporter de telles pièces que les vendeurs s’engagent à livrer à l’acheteur. Au-delà de la relative diversité des produits demandés, il apparaît une constante : les fournisseurs de bois d’ouvrage à Tarascon proviennent, pour l’essentiel d’Albiès et Vèbre, deux villages voisins de Château-Verdun. Cela dit, on sait que le haut Pays de Foix ne fournissait que très peu de bois d’œuvre, tout au plus de quoi donner des planches34, ce qui le différenciait du Pays de Sault, du Donezan, de la région de Bélesta et même du Capcir, qui avait ses molines fusteres. Là, pays du sapin et de l’Aude, le bois d’œuvre trouvait un débouché vers la plaine et ce trafic avait généré un groupe de marchands spécialisés, implantés à Quillan, et de professionnels du transport, les carrassièrs, véritables voituriers de l’eau. Froidour avait bien remarqué, en son temps, l’intensité de ce courant, lorsqu’il écrivit que « dans tout le Bas-Languedoc, où se débitent les bois qui proviennent des dites forêts, on ne bâtit pas d’autre bois que du sapin qui se débite au port de Quillan35 ». Comment cela se passait-il ?

  • 36 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 37 et 90.
  • 37 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f° 22, me Fr. Vallon, Quillan, 6/2/1659. Le 16/7/1659, ils associe (...)
  • 38 Il ne semble pas qu’il faille confondre les marchands et marchands carrassiers, d’une part, et les (...)
  • 39 Dans notre petit corpus de 35 actes concernant la vente de bois à Quillan entre 1631 et 1672, 83 % (...)
  • 40 Les marchands de bois d’Esperaza peuvent aussi acheter directement en Pays de Sault ; par exemple, (...)
  • 41 C’est le chiffre que donne Ch. Fruhauf, op. cit., p. 81.

12En amont, un propriétaire de forêt vendait des arbres sur pied à des marchands qui, dans un délai défini par contrat, devaient se charger de les faire couper, tirer et conduire à Quillan, point de concentration du bois. C’est sur ce type de convention que s’accordent en février 1659, Marc-Antoine de Mauléon et de Narbonne, seigneur de Nébias, propriétaire du bois de Trabanet, « bonne sapinière en bois gras », peut-être une des plus belles du Pays de Sault36, et les marchands Pierre Arthosoul et Pierre Mauri, sortes d’entrepreneurs forestiers. Ces derniers achètent 3 430 arbres à faire merrain ( ?) et 3 170 à faire bastardes, vendus respectivement à 6 livres et 3 livres 10 sols l’unité, soit un total de 31 675 livres, et qu’ils feront couper et conduire dans quatre ans37. Un contrat était ensuite signé entre des carrassièrs, radeliers dont une proportion importante était installée à Esperaza, et un marchand quillanais. Celui-ci leur demande de « voiturer et conduire » un certain nombre de radeaux, composés de bois longs à bâtir (majorièrs et / ou bastardes) d’un « port » établi sur l’Aude, près des lieux de coupe, jusqu’à Quillan. Là, le marchand négocie le bois avec des marchands ou marchands carrassiers d’Esperaza38, qui semblent bien être spécialisés dans ce négoce39 et qui lui achètent une partie de la cargaison40. Ce bois se répartit en majorièrs, bastardes et aussi postam (planches) ; ce dernier type fournit peut-être le plus grand nombre de pièces (ce serait de loin le cas dans notre corpus si on affecte à chaque charge de postam 6 pièces41), mais en valeur, ce sont les majorièrs, avec plus de 50 %, qui arriveraient en tête, suivis des bastardes (autour de 30 %) et enfin des planches (autour d’une quinzaine de %).

  • 42 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f° 69v°, me Fr. Vallon, 21/5/1660.
  • 43 G. Larguier, Le drap et le grain en Languedoc. Narbonne et le Narbonnais 1300-1789, Perpignan, Pre (...)
  • 44 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7704, f° 10 et 14, me Fr. Vallon, Quillan, 20/1/1631 : conduite de 100 d (...)
  • 45 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 94, p. 160 pour les avirons ; p. 43 pour les ébauches de peignes.

13En 1660, un marchand de Montpellier acquiert, à trois marchands de Quillan, 24 majorièrs et 46 bastardes pour 540 livres42. Le bois qu’il achète est-il destiné à la capitale du Bas-Languedoc et dans ce cas, quel chemin pourrait-il emprunter une fois à Narbonne ? La route maritime est la plus probable quand on sait de plus, comme l’a montré Gilbert Larguier, que Narbonne est un port d’exportation de bois d’œuvre, descendant du Pays de Sault et du Donezan, vers le Languedoc et la Provence (Marseille en est une grande importatrice)43. D’ailleurs, certains contrats entre marchands de Quillan et du Bas-Languedoc pouvaient se passer à Narbonne même, comme celui que cite Gilbert Larguier, signé le 25 février 1658 avec un marchand de Villeneuve-les-Maguelone pour la vente de 50 radeaux de 2 900 pièces de majorièrs, bastardes, planches, esclappes, et autres bois de pin et hêtre. La descente jusqu’à Narbonne est explicitement mentionnée dans les deux cas de conduite d’esclappes qu’effectuent deux marchands carrassiers d’Esperaza pour le compte du Quillanais Antoine Olive44. Si le terme d’esclappe peut désigner un morceau de bois quelconque, pour Christian Fruhauf le mot s’applique à deux types de bois particuliers. Tout d’abord, des avirons de hêtre, pouvant se présenter par douzaines ; ensuite des ébauches en buis destinées à la fabrication des peignes45, spécialité du sud du diocèse de Mirepoix : la destination des chargements – Narbonne – fait penser qu’il s’agit plutôt de bois d’aviron.

  • 46 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 95-97 ; M. Chevalier, op. cit., p. 530.
  • 47 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7735, f° 84v°, me J. Bertrand, Quillan.
  • 48 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 97.
  • 49 Id., p. 97.

14Le bois à chauffer et à brûler, pour sa part, se trafique sous forme de piles ou de cannes. Il est fort probable que lui soient réservés le hêtre et les essences secondaires, impropres à être utilisés pour la construction ou la marine. La pile est l’unité de mesure que l’on rencontre à Quillan, qui s’applique au bois destiné à l’industrie sous forme de charbon ou de menade, alimentant les manufactures de draps de Limoux et de Carcassonne qui en ont obtenu l’autorisation46. Selon Christian Fruhauf, s’appuyant sur un règlement de 1653, ces piles mesureraient 4 pams de haut et de large sur 24 de long, soit 4 mètres cubes. Le 28 juin 1670, ce sont 350 « piles bois à chauffer » restant de la menade de l’année précédente faite dans les forêts du seigneur de Pibrac, à Marsa sur le Rebenty, qu’achètent Antoine Prats et ses associés, marchands de Limoux, à 4 livres 10 sols la pile47. Le sieur de Pibrac était un habitué de telles transactions, tout comme le sieur de Coustausa, la dame d’Escouloubre qui fit faire une coupe de 1 500 piles en 1668, ou le chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet48. La vente de 1670 que nous avons citée serait l’une des dernières « libres » car après la réformation, elles durent se faire dans le cadre de la maîtrise de Quillan et pour le compte du roi, à qui les forêts appartenaient théoriquement : ainsi, les premières ventes « contrôlées », portant sur 1 000 piles de hêtre et autres essences à feu, eurent-elles lieu en 167149.

  • 50 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2263, me Authier, Ax, 21/12/1640.
  • 51 J. Bonhôte, op. cit., p. 67 et M. Chevalier, op. cit., p. 520 d’après les archives de la Maîtrise (...)
  • 52 H. Marcaillou-d’Aymeric, Monographie de la ville d’Ax, Toulouse, Imprimerie Vialette et Ce, 1886, (...)
  • 53 Id., p. 101, rastèlh placé sur la Lauze, près de la place du Breil, 10/4/1636.

15Le bois à brûler, que les archives notariales du haut Pays de Foix mentionnent, se rencontre à Ax. Les marchands axéens apparaissent le plus souvent comme des acheteurs de cannes de bois par lots allant de 6 à 70 cannes. Ces quantités d’une vingtaine de m3 à 250 m3 environ sont loin d’être négligeables et on aimerait savoir si ces marchands revendaient ce bois en plus petites quantités, s’ils se le réservaient pour leur consommation domestique ou s’ils en faisaient une utilisation particulière. Précisons, toutefois, que les contrats de fourniture de bois à brûler pouvaient être établis pour plusieurs années et la quantité indiquée était ainsi livrée par termes annuels ; c’est le cas des 12 cannes que veut se faire livrer Bernard Gomma, par trois chargements de quatre cannes, aux mois d’avril 1641, 1642 et 164350. Soulignons un dernier point, même si sa généralisation ne peut être envisagée : les deux seules localisations de forêts d’où proviendrait le bois que nous ayons, font référence à Ascou, village proche d’Ax, dans la vallée de la Lauze. Or, comme le signale Jérôme Bonhôte, les habitants d’Ax prennent leur bois d’affouage uniquement dans les forêts d’Ascou où le bois, coupé en « rouls propres à convertir en bois de chauffage », est ensuite descendu lors des grandes eaux ou à la fonte des neiges par flottage51. Cet ancien flottage saisonnier n’allait pas sans entraîner des conflits entre les différents utilisateurs de l’eau. En 1612, le sieur Serda, qui possédait une forge sur la Lauze, voulut s’opposer à cette pratique parce que le bois, lors de son passage, détériorait la chaussée, ce à quoi répliquèrent les consuls d’Ax, le 30 mai, en décidant que « si le dit Serda continue d’empêcher l’usage de l’eau pour la conduite des bois à brûler, de la vallée d’Ascou à Ax, on lui démolira sa digue et l’on continuera à faire passer le bois comme est de toute ancienne et immémoriale coutume52 ». En outre, pour en faciliter la récupération à l’entrée de la ville, le Conseil politique fit placer une grille (rastèlh) qui arrêtait le bois et où les habitants allaient se servir53.

  • 54 J. Cantelaube, op. cit., p. 201-202.
  • 55 Id., p. 206-209.
  • 56 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 573.
  • 57 Par exemple, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 1029, me J. Galy, Vicdessos, 3/6/1659 : Jean Chambrière, (...)
  • 58 Par exemple, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 571, f° 88, me R. Rolland, Tarascon, 13/3/1641 : un charb (...)

16Les forêts de notre zone d’étude ont, finalement, subi plus que tout les assauts des charbonniers qui s’établissaient pour produire le charbon de bois dont les forges étaient très friandes et qui constituait l’unique combustible de la sidérurgie directe dans laquelle il intervenait à deux titres essentiels : comme agent thermique et comme agent de la réduction du minerai en métal54. La circulation charbonnière était très importante par conséquent et nous avons déjà signalé que son approvisionnement était à l’origine d’un accord d’échange entre le Vicdessos minier et le Couserans forestier, en 1347. La trentaine de forges qu’abritait au xviie siècle le haut Pays de Foix en amont du Tarasconnais pouvait consommer quelque chose comme 40 000 à 60 000 m3 de charbon de bois par an si on y applique les chiffres possibles de consommation avancés par Jean Cantelaube55. Tout comme le minerai, le combustible faisait l’objet d’une circulation qui, dans son cas, concernait le Couserans – avec l’échange pratiqué depuis le Moyen Âge –, la châtellenie de Rieux, le marquisat de Mirepoix et le plateau de Sault56. Il est rare que le charbon de bois soit, à lui tout seul, objet d’une transaction devant notaire ; il est en général associé au fer ou compris dans les modalités de règlement d’un achat57 ou de remboursement d’un prêt58.

  • 59 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 491, f° 120, me G. Rolland. Nous devons cette référence à l’amabilité (...)
  • 60 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 436, f° 2, me G. Rolland, Bédeilhac, 25/3/1560.
  • 61 Forge non localisée.
  • 62 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 1028, f° 38, me Galy, Vicdessos, 25/7/1655.

17Le bois à faire du charbon se négocie. Le marchand ferrier Bernard Chaubet en achète, pour 58 livres à Arignac, en 1638, pour le transformer en charbon dans des fourneaux établis dans un pré59. Au xviie siècle, les achats de charbon sont surtout nombreux chez les notaires de Vicdessos, alors qu’à Ax, plusieurs règlements – prêts, achats de bêtes de somme – sont prévus en transport de charbon. À Tarascon, les quelques ventes de charbon retenues par des notaires datent du xvie siècle comme, en 1560, celle de 250 charges devant alimenter le « four de la mouline ferralh » qu’effectuent deux habitants de Bédeilhac au marchand ferrier sauratois, Jean Dax, au prix de 10 écus petits (13,50 livres) chacune60. Si l’on a assez souvent des indications sur la destination du charbon (forges du Castelet, d’Orgeix, d’Aston, Château-Verdun, de Guilhe, de la Prade61, d’Ornac, de Capounta, de Cabre, etc.), en revanche, celles sur l’origine du charbon sont plus rares. Chez les notaires d’Ax, nous avons relevé les mentions du bouscage d’Ascou, ou de la vallée d’Ascou et les forêts d’Orlu et d’Orgeix, alors qu’à Vicdessos, la seule mention de ce type que nous ayons trouvée parle de « charbon que [le débiteur] ramassera aux endroits de la rivière dite d’Auzat62 », et nous avons déjà évoqué le charbon du bouscage d’Aston.

18Comme on vient de le voir rapidement, tout ce qui touche au commerce du bois a une grande importance dans les hautes vallées aux xvie et xviie siècles et pas uniquement pour approvisionner villes et industries du bas pays. C’est, certes, une grande partie du trafic qui anime sans cesse l’Aude, mais ce n’est pas ce qui suscite les prélèvements sérieux sur les forêts du haut Pays de Foix. Ici, c’est bien l’orientation industrielle – une trentaine de forges locales et celles des régions limitrophes – qui explique les nombreux transports de bois et de ses dérivés, qui comme le minerai de fer fait intervenir un nombre important de muletiers au service des maîtres de forges et de leurs fermiers. On verra, plus loin, que le fer marchand, issu de cette rencontre entre le minerai et le charbon de bois, était lui aussi l’objet d’une circulation active dont les marchands de nos petites villes profitaient assurément.

C) Quelques produits de l’extraction

19Pour terminer cette partie consacrée aux matières premières, nous ne pourrons donner que quelques mots, proches de l’anecdotique, sur un nombre limité de produits qui ont été dévoilés par les sources : la chaux et le plâtre, le jais et le jaspy, et oserait-on y ajouter la « neige » ? Mais avant, nous évoquerons un produit de grande importance, le sel, non pas produit localement, mais importé de Catalogne.

1. Le sel

  • 63 Cl. Pailhès, Du Carlit au Crabère, Terres et hommes de frontière, Foix, Archives départementales-C (...)
  • 64 Cl. Pailhès, « Les cadres de l’Ancien Régime (xvie-xviiie siècle) », Histoire de Foix et de la Hau (...)
  • 65 Cette somme est assez faible ; dans les années 1660, le minot valait 4 livres 15 sols en Pays de S (...)
  • 66 D’après Arch. dép. de l’Aude, 66 J 104, Conflit avec les fermiers de la gabelle en Pays de Sault, (...)

20En 1307, le comte de Foix Gaston Ier se serait réservé le monopole du sel de Cardona en en établissant des salins seigneuriaux à Ax, Tarascon et Foix dans lesquels les habitants du haut Comté devaient s’approvisionner63. En outre, le Pays de Foix était un pays « rédimé64 » dans lequel le prix du sel serait environ trois fois inférieur à celui du Languedoc voisin, pays de petite gabelle. En raison de sa situation géographique, dans les montagnes, aux confins des terres espagnoles, le Pays de Sault languedocien a aussi des privilèges, accordés par les rois de France, qui lui permettent de se fournir en sel d’Espagne. Ce privilège perdura jusqu’en 1623, quand les fermiers des gabelles, afin d’éviter la contrebande de sel d’Espagne vers le Languedoc, proposèrent aux habitants d’acquérir le sel « royal » au même prix que celui d’Espagne soit 3 livres 5 sols le minot65. En 1670, un accord signé avec Pierre-Paul Riquet, fermier de la gabelle en Languedoc et Roussillon, fixa le prix du minot à 6 livres 10 sols66.

  • 67 Arch. dép. de l’Ariège, 1 J 87, réponses no 3 et 4.
  • 68 Par exemple, le 1/12/1641, deux habitants d’Orlu doivent livrer 1,5 quintal de sel de Cardona à Or (...)
  • 69 Cas assez nombreux chez les notaires d’Ax. Ce sont essentiellement des Cerdans et des habitants de (...)
  • 70 A. Brives (Pyrénées sans frontière, rééd. Pau, Cairn, 2000, p. 100), à partir du cahier de péage d (...)
  • 71 Sel acheté à des marchands d’Ax par des marchands de Tarascon ou des voituriers de Foix (ex. : 100 (...)
  • 72 O. Codina, « Productes i xarxes. El comerç a Andorra i des d’Andorra en la primera meitat del segl (...)

21Les actes notariés se font largement écho du commerce du sel de Cardona dont le mémoire de 1680 sur les lies et passeries disait : « L’on ne saurait se passer du sel de Cardona pour la subsistance des bestiaux du pays67.» Le sel de Cardona avait une importance économique certaine puisqu’il était fréquemment utilisé comme substitut monétaire dans le cas d’emprunts68 ou, beaucoup plus souvent, pour payer des mulets, juments et poulains aux marchands axéens69. Selon les actes notariés, 75 % du trafic se concentre durant le printemps70 et est totalement absent de janvier à mars. Acheté par plusieurs quintaux, voire dizaines de quintaux, le sel empruntait, à dos de mulets, deux voies parallèles : Cardona-Cerdagne-Ax, par la vallée de Carol et l’Hospitalet dont plusieurs habitants sont précisément spécialisés dans le transport de sel ; Cardona-Andorra et de là vers Ax par Canillo. Arrivé à Ax, le sel était ensuite redistribué auprès des habitants de la localité ou des villages voisins ou poursuivait sa route vers le nord71. Selon la documentation andorrane si dans le premier tiers du xviie siècle, l’essentiel du sel venant par l’Andorre – de Cardona ou de Gerri – était consommé dans le Pays de Foix, à partir de 1635, il passait par chargements entiers vers Toulouse. Ainsi la compagnie andorrane Areny vit son volume de vente de sel multiplié par 14 de 1638 à 1639 et encore par deux en 1640. Ce sel, pour une dizaine d’années (1636 à 1648 environ), fut échangé, pour les mêmes valeurs, contre du poisson passé par Toulouse72.

  • 73 E. Serra et M. A. Sanllehy, « Comerç transpirinenc a Catalunya segons la documentació de la Genera (...)
  • 74 Voir, par exemple, les cas cités par C. Bourret, Les Pyrénées centrales du ixe au xixe siècle. La (...)
  • 75 Lettre de Trobat à Louvois, 14/9/1678, Service historique de l’Armée de Terre, citée par A. Ayats,(...)
  • 76 Philippe Wolff, dans son étude sur le commerce et les marchands de Toulouse à la fin du Moyen Âge, (...)
  • 77 Par exemple, 50 quintaux de sel de Cardona qu’un marchand de Chalabre (Languedoc) se fera livrer e (...)

22La fraude touchait le commerce du sel catalan. En 1600, deux habitants de Puigcerdà, un marchand et un pareur, estimaient que c’étaient 1 000 à plus de 1 800 charges annuelles (120 à plus de 200 tonnes) de sel qui passaient en contrebande afin de ne pas acquitter 5 % de droit du Général. De plus, depuis 1599, tous ceux qui passaient du sel devaient le déclarer à Puigcerdà – où une quittance leur était délivrée – avant d’entamer le chemin du Carol et du Puymorens, sous peine de confiscation et d’une amende de 10 livres barcelonaise par charge passée en fraude73. Après l’introduction de la gabelle dans la nouvelle province de Roussillon (1661), la vallée de Carol se convertit en un important axe de la contrebande du sel de Cardona, dont la répression donna lieu à de multiples escarmouches entre gardes de la gabelle et contrebandiers, souvent soutenus par la population74. L’importance de la voie carolane est telle que Ramon de Trobat, conseiller et futur président du Conseil Souverain du Roussillon, écrivait à Louvois en 1678 que « tout le sel qui vient de Cardonne en Foix passe par cette vallée [de Carol]75 ». Le sel qui entrait légalement en Pays de Foix se transformait en sel de contrebande alimentant le Languedoc76 ? En tout cas, il dépassait les limites du Comté77.

  • 78 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 674, f° 4v°, me J. Rolland, Tarascon, 12/1/1650.
  • 79 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 653, me Delauriol, f° 111v°, 7/10/1650.
  • 80 N. Sales, Història de Catalunya. Els segles de la decadència, Barcelone, Edicions 62, 1989, p. 393
  • 81 Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont (Vicdessos), f° 241, 8/7/1541.
  • 82 D’une façon générale, la question du commerce du sel en Pays de Foix mériterait des approfondissem (...)

23D’autres sources d’approvisionnement en sel existaient. En janvier 1650, un voiturier de Foix acheta à Tarascon deux balles de sel de Canet afin, dit-il, de les vendre dans sa ville78. Le 7 octobre suivant, la communauté de Prades vendit à deux marchands de Tarascon 67 quintaux de sel de Canet79. Lieux traditionnels d’approvisionnement en sel de la plaine roussillonnaise jusqu’à leur fermeture en 1661-166280, les salins de Canet avaient donc un marché plus large puisqu’on le retrouvait sur les terres mêmes de celui de Cardona. Un acte de la fin de la première moitié du xvie siècle passé à Vicdessos laisse entrevoir une autre provenance pour le sel : le 8 juillet 1541, Gaspar Puyas, d’Alins en Vallferrera (Pallars), promet de fournir à un habitant de Vicdessos une charge de sel à prendre à Alins81. Ce sel pourrait provenir des salines voisines de Llavorsí ou de Gerri de la Sal qui alimentaient aussi le Couserans, le Val d’Aran ou l’Andorre. La documentation, bien lacunaire pour le Vicdessos du xviie siècle, ne nous permet pas de dire si ce type d’échange s’est maintenu82.

2. Autres produits

  • 83 M. Chevalier, op. cit., p. 564.
  • 84 La température doit être supérieure à 1 000-1 200° C.
  • 85 M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, Fayard, 1997, p. 440.
  • 86 M. Chevalier, op. cit., p. 564-565.
  • 87 Ph. Wolff, Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450), Paris, Plon, 1954, p. 279.
  • 88 L’Encyclopédie, art. « Lainerie » (la laine ainsi obtenue est la laine pelade ou pelhada) et art. (...)
  • 89 Arch. dép. de l’Ariège, me J. Rolland, 5 E 674, 20/11/1650 et 5 E 675, 18/11/1651.
  • 90 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 623, f° 260, me Ferrand, 11/12/1641.
  • 91 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 637, f° 16, me Ferrand, 3/2/1657, Deux setiers de plâtre en poussière (...)
  • 92 Transaction chez me Barba, citée par H. Ruffié, Le minutier Barba, 1510-1513 (lecture et traductio (...)

24Même si elle était produite un peu partout83, la chaux (oxyde de calcium) demandait des installations particulières. En effet, c’est « en chauffant à grand feu84 du carbonate de calcium [calcaire] dans un four à chaux pour le débarrasser de son gaz carbonique85 », que l’on obtient la chaux vive. On peut penser que sa destination était la construction locale (fabrication de mortier) et qu’elle ne faisait pas l’objet d’un commerce de longue distance comme celle produite en Comminges et Volvestre qui, par la Garonne, rejoignait Toulouse pour y être consommée86, ou celle d’Auterive, sur l’Ariège, qui au milieu du xive siècle, avait la même destination87. La chaux était aussi utilisée par les mégissiers pour détacher la laine des peaux de brebis et moutons abattus par les bouchers et sa causticité la rendait utile dans la préparation des cuirs88. Trois transactions sur la chaux nous sont livrées par les registres notariés de Tarascon dont deux chez le même notaire, à un an presque jour pour jour d’intervalle et avec pratiquement les mêmes protagonistes. Donc, par deux fois, au début de la deuxième quinzaine de novembre (1650 et 1651), le sieur Mathieu Pagés jeune, bourgeois de Tarascon, passe commande et paie – à un prix non précisé – autour de 100 charges de chaux vive, que quatre habitants de Quié s’engagent à lui livrer à la fin de l’hiver ou au début du printemps suivants (Mardi Gras dans le premier cas, fin mars dans le deuxième)89. Nos recherches n’ont pas pu préciser si ces achats étaient réguliers, ce que ces deux actes pourraient laisser croire. En 1641, c’est en décembre, pour une livraison prévue en mai suivant « dès que lad. chaux sera faite », qu’Antoine Bosc en achète 55 charges en pierres à prendre au fourneau de Niaux, à 9 sous la charge90. Sur le plâtre, nos informations sont encore plus imprécises : on sait qu’il s’en échangeait à Tarascon au milieu du xviie siècle91. Autre matériau servant à la construction : l’ardoise (la lauze) dont la description des maisons vendues montrent qu’elles en sont généralement couvertes ; il s’en vend 50 cannes à Vicdessos en 151292.

  • 93 On a vu ce que disait l’intendant Lamoignon de Basville à la fin du xviie siècle : « On y voit [da (...)
  • 94 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3256, f° 4, me P. Thournier, Chalabre, 4/2/1640.
  • 95 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3291, f° 198, me Ph. Rieutord, Chalabre, 10/11/1650.
  • 96 Mention d’achat de jayet brut ou travaillé dans la région de Castelnaudary par des Lyonnais, dans (...)
  • 97 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3302, f° 124, me Pressoires, Chalabre, 21/6/1667.
  • 98 Le vendeur s’engage à le livrer à Carcassonne : y sera-t-il retiré par l’acheteur ?

25La région de Chalabre, La Bastide-sur-l’Hers, Le Peyrat, Vilhac, Sainte-Colombe, Bélesta, dans le diocèse de Mirepoix, est le lieu de la production d’objets en jais, et ce grâce aux « mines » qu’elle récèle93. Ce lignite très riche en carbone, dur et d’un noir brillant, servait à la confection de bijoux, parures diverses, boutons, chapelets. Nos sondages dans les registres des notaires de Chalabre montrent l’achat, par un marchand jayetier du Peyrat, de 50 milliers « mongets de bon jayet bien travaillés », la moitié se présentant d’une certaine façon et d’une certaine grosseur, l’autre moitié d’une autre façon et grosseur, sans plus de précision sur ces façons94. Cela, on en conviendra, ne nous apprend pas grand chose, d’autant plus que nous ne savons pas ce que sont ces mongets et si les nombres annoncés sont importants. La seconde mention concerne la vente de 23 quintaux 5 livres (près d’une tonne) de jayet en roche par le sieur Jean Etienne, marchand de Marseille à un habitant du hameau de Rivals, à Sainte-Colombe : la vente faite pour le prix de 288 livres 2 sols 6 deniers sera payée par la remise, en cinq termes mensuels égaux, de jais « bien travaillé » par l’acheteur au marchand95. Si le système décrit est intéressant (la fourniture d’une quantité de matière première brute par un marchand à une personne qui la transformera puis la remettra pour commercialisation au marchand fournisseur de la matière et du travail), en revanche, nous sommes limités dans son interprétation par le manque de données plus « sérielles », ne serait-ce que pour identifier le marchand en question (d’où est il : s’agit-il de Marseille ou d’un autre lieu comme par exemple le village de Marceille, aujourd’hui dans la commune de Limoux ?) et pour savoir si une telle pratique était courante96. Quant à ce « jaspy » dont un marchand chalabrais vend, en 1667, 200 livres (au prix de 17 sols 4 deniers la livre) à un marchand narbonnais97, il pourrait s’agir de jaspe, variété de quartz, dont la couleur varie suivant les impuretés qu’il comprend. D’où venait-il ? Était-il destiné à Narbonne98 ?

  • 99 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 664, f° 235v°, me Delauriol, Tarascon, 26/6/1662.
  • 100 Voir F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Co (...)
  • 101 Nous nous sommes appuyés pour cette description rapide sur J. Mallol Ferràndiz, « El comerç de la (...)

26Enfin, pour terminer, évoquons un dernier produit, exagérément peu documenté pour que nous osions en parler : la neige. Nous la plaçons avec les autres substances issues de l’extraction de richesses naturelles, car c’est elle-même une de ces richesses, et son mode de collecte peut évoquer celui des produits que nous venons de voir dans la mesure où ils étaient souvent l’objet d’une exploitation superficielle et extensive. Cela dit, le commerce lié à la neige ne nous apparaît que dans un acte de 166299, ce qui fait peu pour plusieurs milliers de documents de ce type exploités pour les régions d’Ax, Tarascon et Vicdessos. Résumons donc l’affaire dont il est question afin de voir ce qu’il est possible d’en tirer et les problèmes qu’elle pose. Le 26 juin 1662, le sieur Jean Cassin, maître tailleur de Béziers, agissant au nom du sieur Pierre Fourcaud, marchand de la même ville, fait les comptes de ce qu’il a dépensé depuis la veille de Pentecôte pour faire transporter de la neige des montagnes à Toulouse, semble-t-il, en frais divers et en particulier de certains « serpelhages » et cordages ; le texte évoque la ville d’Ax et le lieu de Miglos d’où pourraient provenir les neiges. Malheureusement, le document est flou. On sait que les montagnes fournissaient la glace utilisée dans les villes pour conserver certains aliments ou pour préparer sorbets et rafraîchissements, pratique qui s’est développée au cours de l’époque moderne100. La neige, devenue glace, arrivait en ville après sa collecte, puis son entreposage dans des « puits », cavités naturelles ou non dans lesquels la glace se formait et qu’il fallait protéger avec tout un attirail de branchages, peut-être tissus, et isolants divers afin qu’elle ne fondît pas. La dernière opération était le transport au cours duquel les pertes pouvaient atteindre 30 %, voire plus101. Donc, un tel commerce demandait une organisation : où étaient les puits de glace ? qui étaient les transporteurs ? pourquoi sont-ce des gens de Béziers, qui plus est un maître tailleur, qui participent – pour le moins – à ce courant vers la plaine ? Autant de questions qui n’ont pas, ici, de réponse.

27Les principales matières premières qui font l’objet d’une circulation intense dans les hautes vallées de l’Ariège et de l’Aude – minerai de fer, bois auxquels il conviendrait d’ajouter la laine –, de production locale pour la plupart, sont destinées à être transformées.

II. LES PRODUITS TRANSFORMÉS

  • 102 On a retrouvé plusieurs noms de marchands savonniers.
  • 103 Voir G. Caster, Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse, 1450-1561, Toulouse, Privat, 19 (...)
  • 104 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3261, f° 33, me P. Thournier, Chalabre, 6/7/1650. À cette date, le voitu (...)

28Deux grandes familles de produits issus de la transformation des matières premières se partagent notre zone, comme d’ailleurs beaucoup d’autres : le textile et le fer. D’autres peuvent apparaître, occasionnellement, mais les données dont nous disposons ne nous permettent pas de leur consacrer une partie. C’est le cas du savon à Chalabre, que nous avons vaguement évoqué dans le chapitre présentant la région d’étude. Une ou plusieurs102 savonneries fabriquaient du savon, mais à partir de quel corps gras (huile, graisse animale ?) et avec quelle soude ? Sous quelle présentation ? Du savon mou, comme à Toulouse au xvie siècle103 ? Et pour quelle utilisation et destination ? Peut-être industrielle ? En tout cas, le marchand savonnier Jean Poulharies en a vendu à un voiturier du Cabardès, contrée des contreforts de la Montagne Noire au nord de Carcassonne, où sont produits des « draps de la montagne104 ».

A) Le textile

  • 105 Pour les définitions, nous renvoyons au glossaire placé en fin de volume.
  • 106 Évocations de cette « industrie » dans H. Marcaillou d’Aymeric, op. cit., p. 184-185 ; M. Chevalie (...)
  • 107 J.-M. Minovez, L’impossible croissance en Midi Toulousain ?, Paris, Publisud, 1997, p. 120-122, d’ (...)
  • 108 R. Descimon, « Structures d’un marché de draperie dans le Languedoc au milieu du xvie siècle », An (...)

29La production textile, on le sait, était très répandue et participait souvent de l’économie domestique. Les paysans fabriquaient ce dont ils avaient besoin à partir de fibres tirées de leur « jardin » ou de leur troupeau. Mais à côté de cette activité sans but commercial, il existait à Tarascon, à Ax et, de façon encore plus active, à Laroque d’Olmes au xvie siècle et à Chalabre, une production textile « de petites étoffes », tissées en partie avec des laines andorranes ou catalanes, dont le cordelat105 était l’élément phare106. Les enquêtes de 1692, 1703, 1708, 1716 et 1724, citées par Jean-Michel Minovez, permettent de dresser un tableau, certes tardif par rapport à notre propos de la production textile du haut Pays de Foix107. À l’extrême fin du xviie siècle et au tout début du xviiie siècle, Tarascon avec ses 700 ou 800 pièces de cordelats (cordillats), de burat et serges était le centre le plus important du Pays, avant Pamiers (300-400 pièces de cadis, rases, burats, crépons) et Foix (autour de 200 pièces de draps en 1692, 400 en 1703). Ax n’apparaît que dans l’enquête de 1708 comme abritant deux fabricants de cordelats ; en 1716, la ville serait en tête de la production avec 360 pièces de cordelats, subtilisant la première place à Tarascon qui n’en produirait plus que 210, alors que les 32 pièces de cadis de Foix font triste figure et que Pamiers a disparu, ce que confirme le document de 1724. Cette année-là, la stagnation de Tarascon (201 pièces de cordelats) et de Foix (28 pièces) permettent à Ax, avec 291 pièces de cordelats, de rester en tête. Ces chiffres, à prendre avec prudence, montrent bien l’importance des deux centres textiles de la haute vallée de l’Ariège, au moins au xviiie siècle, mais l’absence d’Ax avant 1708 est-elle le signe d’un déclin qu’avait connu la ville ? Cette activité avait entraîné dans ces villes, le développement d’un groupe de marchands spécialisés dans le commerce des draps et souvent eux-mêmes liés à la production, soit parce qu’ils fournissaient laine et travail à des « artisans », soit parce qu’ils fabriquaient et vendaient. Il est probable qu’à Chalabre, comme à Laroque au xvie siècle, la plus grande partie des marchands était spécialisée dans le textile et que le commerce était la principale activité. Si les archives notariales peuvent nous aider à le comprendre, il est possible qu’elles ne nous en montrent pas toute l’ampleur car une grande partie de la production était écoulée dans les grandes foires régionales sur lesquelles notre information fait défaut. On peut penser que nos villes participaient à ce que, vu des foires de Montagnac, Robert Descimon appelle la « magnifique vitalité » des vallées pyrénéennes, de l’Aude et de l’Ariège108. Que 1 ou 2 % de l’activité des marchands d’Ax et Tarascon recensée chez les notaires soit consacrée à la vente de tissus au milieu du xviie siècle, reflète-il la réalité ?

  • 109 Voir les ventes dans les minutes de me A. Manzos, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 445, 1590.
  • 110 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 230v°, me G. Rolland, Tarascon, 5/10/1605.
  • 111 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, f° 128, me Delauriol, 12/10/1661.
  • 112 Cité par H. Marcaillou d’Aymeric, op. cit., p. 185, d’après délibération du Conseil politique du 1 (...)

30La documentation signale Tarascon comme un centre de négoce de certains textiles, au premier rang desquels les cordelats locaux. On rencontre aussi des cadis qui méritent une petite mention car, à la fin du xvie siècle, un tisserand, Arnaud Sant-Jean en livre à diverses reprises des dizaines de cannes109, alors que dans les années 1640 et 1660, ce sont des Fuxéens et Saint-Gaudinois qui en apportent : les ventes internes à Tarascon n’apparaissent-elles plus chez les notaires ou bien ce qui avait pu être un produit local a-t-il disparu ? Sur la moyenne durée pour laquelle nous avons des informations (1590-1675), on peut distinguer deux grands types de marchés des cordelats : le local et le toulousain. Localement, ils s’échangent entre tisserands et chaussetiers ou entre marchands. Parfois, ils peuvent intervenir dans le règlement d’une dette ou être l’objet d’un prêt eux-mêmes. Pour le premier cas, citons parmi d’autres le pareur de draps de Saurat, François Pagés qui, pour payer une partie des 162 livres 10 sols de laine d’Andorre qu’un autre pareur de Tarascon lui a vendue, livrera 60 cannes de cordelat blanc pour une valeur de 81 livres110. Quant au prêt en nature, c’est une pièce de cordelat, un louis d’or et quelques pièces que reçoit Marguerite de Soulié du marchand André Catala, le 12 octobre 1661, le tout pour une valeur de 29 livres 8 sous111. S’acquitter d’une dette – fût-elle une imposition – par du cordelat se retrouve à Ax lorsque, en 1629 « le sieur Caussonnel, marchand de la dite ville, a donné des cordeillats en paiement au trésorier des recettes de la bourse commune du pays de Foix112 ».

  • 113 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 252, me G. Rolland, Tarascon, 24/10/1605.
  • 114 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 465, f° 151v° et 154, me G. Rolland, Tarascon.
  • 115 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2305, me Dupérier, Ax, 18/8/1553, vente à Quérigut ; vente à un marcha (...)
  • 116 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 546, f° 101, me R. Rolland, Tarascon, 3/10/1615 ; il s’agit de cordela (...)
  • 117 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 612, f° 132, me Gouzy, 22/4/1623 et 5 E 618, f° 263v°, me Gouzy, 29/4/ (...)
  • 118 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, f° 122, me Delauriol, 4/10/1661.
  • 119 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3256, f° 4v°, me Pierre Thournier, 4/1/1640.

31Le marché toulousain, en tout cas les marchands toulousains, est intéressé par le cordelat. On voit en 1600, comme en 1605 ou en 1610 et encore en 1675, divers marchands de Toulouse venir acheter les tissus ou se les faire livrer. Il est vrai qu’ils sont souvent représentés par un agent, facteur ou serviteur, ou par un marchand tarasconnais. Les Toulousains s’approvisionnent auprès des marchands de Tarascon ou de pareurs de draps de Foix. Si ce n’est en paiement d’un autre produit (par exemple, le 24 octobre 1605 : deux associés de Toulouse vendent pour 426 livres 10 sols de capes à un marchand de Tarascon qui les paiera avec plus de 262 cannes de cordelats teints de Tarascon113), les cordelats sont attendus par les marchands toulousains en paiement de la laine andorrane qu’ils vendent. Livrent-ils la laine pour la fabrication ou les deux produits sont-ils indépendants ? De toute façon, c’est bien avec 14 quintaux de laine surge d’Andorre que le capitoul Pierre Carrière et son associé Guillaume Raymond achètent 280 cannes de cordelats blancs à deux pareurs de Foix les 8 et 15 novembre 1610114. On peut penser que le marché toulousain fut le plus fructueux, mais il ne fut pas le seul. Effectivement, au milieu du xvie siècle, des balles de tissus partant d’Ax sont achetées par des habitants du Donezan, de Villefranche-de-Lauragais ; du cordelat rejoint Foix dans les années 1580115 ; à Tarascon, dans le premier tiers du xviie siècle, du cordelat est acheté – contre des capes – par un marchand béarnais de Nay116, et un voiturier se charge d’en apporter, à plusieurs reprises, à Béziers au marchand Barthélemy Pastre117. À la foire de Saint-Michel 1661, à Tarascon, c’est un marchand bonnetier de Chalabre – pourtant lieu de production – qui achète 6 pièces de cordelat118. Or, à Chalabre, l’achat de cordelats à l’extérieur ne paraît pas un phénomène totalement isolé. Ne lit-on pas dans un acte de 1640 qu’un pareur de draps chalabrais, qui plus est commissionnaire de deux marchands de Lyon, avait acheté 264 cannes 7 pams de cordelats à Jean Gomma, marchand de la ville d’Ax119. Que signifient de tels achats ? Les cordelats axéens étaient-ils confondus avec ceux de Chalabre et suivaient-ils les mêmes canaux de diffusion ?

  • 120 G. Larguier, op. cit., p. 607-609, 623-624.
  • 121 Voir les tableaux des sorties des marchandises des foires de Narbonne entre 1587 et 1590 établis p (...)
  • 122 G. Larguier, op. cit., p. 649.
  • 123 Marchands de Savoie et du Maine, Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3302, f° 13, me Pressoires, Chalabre, 3 (...)
  • 124 Les paiements sont prévus à trois des quatre foires de Lyon : Pâques, Août, Toussaint.
  • 125 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3291, f° 162v°, me Ph. Rieutord, Chalabre, 20/10/1650 et 3 E 3223, f° 93 (...)

32Dans la région de Chalabre, réputée pour ses cordelats, le textile animait une économie dont la vitalité est déjà évidente au xvie siècle. Ce dynamisme, comme l’a écrit Gilbert Larguier, est l’affaire d’un assez grand nombre de marchands qui, avançant matière première et argent aux habitants des villages, se font livrer cordelats et estamets, font travailler pareurs et teinturiers, entreposent dans leurs boutiques et font vivre les voituriers qui convoient pour eux les marchandises à Narbonne. Parfois, ils vont eux-mêmes à Narbonne où ils apparaissent comme les plus dynamiques des marchands languedociens, se déplacent en foire pour expédier leur marchandise vers les marchands niçois chez qui ils ont un débouché, lorsque ce ne sont pas ces derniers qui viennent aux foires chalabraises ; le Niçois Marcel Blanc doit être de ceux-là, qui déclare, le 12 mai 1588 au moment d’embarquer balles de cordelats, draps et anisses sur un navire marseillais, que cette marchandise provient de la foire de Chalabre120. Car, c’est bien sur le marché de Nice, comme aussi sur celui de Marseille, que se placent les draps chalabrais expédiés du port de Narbonne121, sans négliger pour autant le débouché lyonnais122. La lecture, par coups de sonde, de certains registres notariés chalabrais des années médianes du xviie siècle (1640-1666) confirme ce dynamisme. Tout d’abord, on y voit la présence de marchands venant de Narbonne, Béziers, Montpellier, Nîmes, Marseille, sans doute de Lyon, de Savoie même et du Maine123, un voiturier gévaudanais de Florac, etc., et des affaires faites avec plusieurs marchands toulousains. Ensuite, les mentions de lettres de change à tirer sur des marchands drapiers lyonnais, au profit des Chalabrais, sont nombreuses124 et dénotent, au moins, la fréquentation des foires de Pézenas et Beaucaire. Ainsi, le marchand chalabrais Paul Duranat cède-t-il plusieurs lettres de changes tirées à Pézenas et Beaucaire sur des marchands marseillais et lyonnais125.

  • 126 C. Pont, Histoire de la terre privilégiée anciennement connue sous le nom de Pays de Kercorb, 1879 (...)
  • 127 La seigneurie de Rivel aurait été acquise, par exemple, en janvier 1592, à faculté de rachat, de l (...)

33Casimir Pont rapporte une anecdote qui, mythe ou réalité, entend expliquer l’enrichissement d’un marchand chalabrais à la fin du xvie siècle. Elle est riche d’enseignements sur le dynamisme local et l’esprit – réel ou supposé – de certains de ses acteurs126. Jean Pressoires était un fabricant de draps parmi d’autres mais il avait multiplié ses relations extérieures grâce à la fréquentation des « principales villes de la province » (foires ?), avait acquis une bonne réputation et s’était créé un bon réseau d’affaires, ce qui lui valut de se faire nommer comme mandataire unique des marchands de la ville aux grandes foires provinciales et en particulier à celle de Beaucaire. C’est ainsi qu’un mois de juillet (année ?), il s’achemina vers cette ville. Mais, au lieu d’aller à la fameuse foire de la Madeleine comme prévu, il poursuivit sa route vers Marseille. Là, négociant avec un armateur, il embarqua pour le Levant où, il savait, nous dit Pont, « que ses draps avaient acquis depuis longtemps un grand renom » : son but était donc de faire de la vente directe et de multiplier son bénéfice. Et effectivement, il n’eut aucun mal à vendre sa cargaison, et rentra au port chargé de « produits de l’Orient ». Et ce serait là l’origine de la fortune de Jean Pressoires qui acheta alors plusieurs seigneuries (Puivert, Sainte-Colombe, Rivel, Saint-Benoît, etc.) et devint, signe du marchand enrichi, Jean de Pressoires de Tournebouys127. Cette histoire, même romancée, indique assez bien ce que représentait la place textile chalabraise et le marché du Levant pour elle.

  • 128 Pour des développements plus importants sur ce commerce, nous renvoyons à notre étude, « Une mobil (...)
  • 129 V. Lespy et P. Raymond, Dictionnaire, op. cit., article « capa ». Le mémoire de l’intendant Lebret (...)
  • 130 Par exemple, F. Brumont, « Des relations sans frontières : le commerce franco-navarrais au début d (...)
  • 131 C. Desplat, Pau et le Béarn au xviiie siècle, Biarritz, J. et D. Editions, 1992, p. 41.
  • 132 La vente au détail est plus que discrète dans la documentation que nous utilisons. Toutefois, le 4 (...)
  • 133 Pour la Narbonne du xviie siècle, Gilbert Larguier a aussi montré la présence des capes et des mar (...)
  • 134 Pour Ax, voir P. Poujade, « Marchands, commerce, frontière dans le haut Pays de Foix. La ville d’A (...)
  • 135 En fait, une seule mention du 5/10/1674 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 698, me J. Rolland) quand Dav (...)

34Une place particulière doit être faite ici au commerce des capes béarnaises destinées aux marchés catalan et andorran128. L’intendant Lebret avait écrit qu’on « fabriquait à Pontacq des étoffes appelées capas, dont on fait des capes pour l’usage des païsans du païs et de provinces voisines129 ». Ces provinces voisines peuvent être gasconnes mais les capes participaient aussi au commerce transfrontalier, vers la Navarre par exemple130, pour ce qui reste, somme toute voisin, ou vers la Catalogne, marché plus lointain. Le courant qui nous intéresse ici, longe le nord des Pyrénées d’ouest en est ; il est encore attesté au tout début du xixe siècle : Christian Desplat écrit à son propos que « longtemps le marché de Pontacq vendit ses capes de bure dans la région toulousaine et dans les pays ariégeois. Il s’agissait de productions de médiocre qualité destinées à une clientèle exclusivement populaire131 ». À Ax et Tarascon, les capes vendues par les marchands de Pontacq sont faites de drap de Bourdettes, de Bruges, de Rébénacq, de Jasses et d’Arros-de-Nay, villages situés de 15 à 60 kilomètres à l’ouest de Pontacq. Le marché des capes est tenu par un certain nombre de marchands de cette ville qui, généralement, vendent leur marchandise par plusieurs dizaines ou centaines d’unités à des marchands locaux qui, à leur tour, les revendront en gros à des marchands installés en Andorre ou en Catalogne, voire au détail, pour un certain nombre d’entre d’eux132. Dans quelques rares cas, les capes transitent par les mains d’intermédiaires toulousains ou saint-gironnais qui écoulent ensuite la marchandise qu’ils détiennent à des marchands d’Ax, d’Andorre ou à des voituriers de l’Hospitalet, porte vers la Catalogne. De la documentation dépouillée, aussi bien à Tarascon qu’à Ax, émerge la figure de Vital Teynier qui exerce la profession de notaire, mais pour qui le commerce est une activité très prenante. Les marchands du haut Pays de Foix sont donc des relais dans le commerce de longue distance des capes entre les lieux de production béarnais et la Catalogne133. À Ax, peut-être plus qu’à Tarascon, il n’est pas rare qu’un marchand béarnais vende directement ses capes à des Catalans, parfois en échange de laine134. Après 1652, alors que la présence de marchands capiers de Pontacq est toujours bien attestée dans la documentation, les mentions d’un commerce transfrontalier se font de plus en plus rares ce qui ne signifie pas que celui-ci ait décliné mais il aurait pu prendre d’autres voies ou ne plus faire l’objet de transactions devant notaire135.

  • 136 L’imprécision qui règne autour des marchandises caractérise aussi le commerce de gros avec l’Espag (...)
  • 137 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2305, me Duperier, Ax., f° 13v° : 03/03/1553, dette de 100 ducats d’ha (...)
  • 138 O. Codina, « Productes i xarxes. », art. cit., p. 465-467.
  • 139 Un Caldemaison est marchand à Ax dans les années 1660. Bertrand figure parmi les marchands les plu (...)
  • 140 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, me Delauriol, Tarascon, f° 124v°, 7/10/1661.
  • 141 À titre d’exemples, nous avons trouvé dans les archives notariales de Puigcerdà, conservées à l’Ar (...)
  • 142 S. Rovira i Gómez, « Els marxants occitans a Reus (1607-1620) », Actes del IV Congrés d’història m (...)
  • 143 E. Jarque Martínez et J. A. Salas Auséns, « Pequeños comerciantes y buhoneros franceses en el Alto (...)

35Pour terminer, signalons ces marchandises que les sources ne précisent pas, qui sont de plus en plus nombreuses dans le sens nord-sud, à partir du milieu du XVIIe siècle et qu’emportent des marchands de Catalogne ou d’Andorre dans les boutiques de certains tarasconnais136. S’agit-il de balles de tissus ? Certains indices nous entraîneraient sur cette voie, d’autant plus que l’on a mention de vente de toiles au milieu du XVIe siècle137. Ne voit-on pas que la compagnie andorrane Areny achetait par Tarascon de nombreux produits textiles qu’elle redistribuait ensuite en Andorre et surtout en Catalogne138. Ne signale-t-on pas un Bertrand Caldamaison, marchand du Massif Central installé en Catalogne, qui passe souvent par Puigcerdà avec des étoffes139 ? Un des plus actifs marchands tarasconnais, pour ce qui est du commerce transpyrénéen, n’achète-t-il pas des pièces de cadis à un marchand saint-gaudinois140 et Tarascon ou Ax ne sont-ils pas des centres de production textile, en particulier de cordelats, sans parler de centres plus éloignés mais très actifs comme Chalabre ? De plus, les boutiques andorranes et catalanes ne sont-elles pas spécialisées dans la vente de tissus141 ? De la même façon, les marchands installés à Reus sont des maillons de la chaîne de redistribution des tissus qu’ils achètent dans le royaume de France, en particulier à Toulouse auprès de grossistes comme Antoine Castanhier142 et les marchands de toiles toulousains Azam et Bruils ont des débiteurs à Barbastro, au xviiie siècle143. Toujours est-il que les textiles animaient un négoce non négligeable dans les deux villes du haut Pays de Foix et dans la région de Chalabre-Laroque d’Olmes, centre, ce dernier, de loin le plus dynamique commercialement.

B) Le commerce du fer

  • 144 Arch. dép. de l’Ariège, 1 B 11/237, 1682.
  • 145 J. Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises, op. cit., p. 526.
  • 146 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2393, f° 479 v°, me Tardieu, Ax, 16/1/1652.
  • 147 Arch. dép. de l’Ariège, 1 B 4/81-83, 1675.
  • 148 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 503, f° 101, me G. Rolland, 23/5/1652.
  • 149 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 653, f° 33, me Delauriol, 13/2/1650.
  • 150 J. Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises, op. cit., p. 541.

36Le minerai de fer, de Rancié ou d’ailleurs, et le charbon de bois servaient à produire dans les forges que nous avons signalées plus haut, du fer marchand sous différentes appellations et qualités. Autant que l’on puisse en juger, ces forges n’appartenaient généralement pas à des marchands de Tarascon, parfois à des marchands d’autres localités, comme Raymond Loubes, ferrier des Cabannes, qui semble posséder la moitié de la forge des Galis, en 1641, surtout de Vicdessos à l’exemple de François Deguilhem qui aurait acheté celle de Capounta144 ou de divers « particuliers » de la vallée (Jean-Antoine Galy, marchand de Vicdessos, Mathieu Cazes, Bertrand Matouille, Capoulat Escaich, François Cambon del Sauzel, Jean-François Vergniès ou la famille Rousse qui en possède une à Siguer en 1670 et en achète une autre en 1701)145. Le plus souvent s’était l’aristocratie locale, celle des « nobles » et des « sieurs de », qui les détenait. Par exemple, celle de Savignac appartenant à noble Jérôme de Fornier, sieur de Garanou, affermée en 1652 aux marchands de Rabat Antoine et Felip Deguilhem, père et fils146, celle de Campelles, à Orlu, possédée par noble Louis de Fornier, seigneur du lieu, donnée à ferme en 1672 à Pierre Roussilhou, marchand ferrier de Savignac147, celle d’Urs, propriété de noble Pierre de Traversier, sieur de Fantilhou, affermée au marchand de Tarascon Bernard Chaubet en 1652148 ou encore celles d’Estanières et de Luzenac, possessions de Jean Marfaing, sieur de Sulhat, qui les loue en 1650 à Jean Peyre, marchand ferrier de Luzenac149, sans parler de celles du seigneur de Gudanes, dans la baronnie de Château-Verdun. Une partie de ces familles est toutefois issue de marchands du xvie siècle, à l’exemple des Fornier, à Ax, procureurs du roi, seigneurs de Savignac, d’Orlu et de Garanou, en 1600, ou des Traversier, anoblis au début du xvie siècle, dont les différentes branches sont seigneurs d’Arnave, de Croquié, d’Allens, de Château-Verdun, barons d’Alliat ou de Niaux, propriétaires de forges dans les vallées de l’Ariège et du Vicdessos150.

  • 151 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2, me Authier, Ax, 12/11/1640.
  • 152 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 655, f° 99v°, me Delauriol, Tarascon, 26/5/1652.
  • 153 Ce fer viscay (ou biscay) était obtenu par les moulines à la « biscayenne » qui firent leur appari (...)

37Pour si importante qu’elle soit, la vente de fer représente une faible part de l’activité des marchands vue au prisme des actes notariés : 1 à 5 % à Ax en 1640-1650, sensiblement plus à Tarascon où on est autour de 10 % à la même période avant ce qui apparaît bien comme un déclin. En effet, par les sondages effectués à Tarascon, les transactions sur le fer nous sont régulièrement connues du milieu du xvie siècle au milieu du xviie siècle (la dernière que nous ayons est de 1660). En revanche, le minerai de fer continue, lui, de s’échanger dans la ville, et le fer marchand est encore présent à Vicdessos. À moins qu’il ne s’agisse que d’un effet de source, quelque chose a dû se produire à Tarascon, peut-être en relation avec les difficultés consécutives au logement des soldats de 1654, l’endettement qui en a résulté et les redistributions que cela a pu entraîner. Le fer mis sur le marché, repéré chez les notaires de Tarascon et de Vicdessos entre le milieu du xvie siècle et le milieu du xviie siècle, met très clairement en évidence la supériorité numérique du fer « mol » (ou « molh ») sur le fer fort dans des proportions de l’ordre de 80-90 % contre 10-20 %. En dehors des marchés de Tarascon et Vicdessos, les données éparses confirment largement cette observation. Par exemple, les deux marchands de Villeneuve de Montferrier et de Laroque d’Olmes, qui achètent, par anticipation pour trois ans, 1 260 charges de fer à deux marchands de Luzenac, précisent qu’ils veulent 1 200 charges de fer molh façonné pour seulement 60 charges de fer fort151. Forte proportion aussi de fer molh qui compose 35 des 40 charges qu’achète Bernard Gautey en 1652, les cinq restantes étant du fer fort152 ; le plus souvent les ventes concernent donc du fer mol à environ 90 %. À la fin du xvie siècle, on trouve des mentions du fer fort viscain / visquay qui était encore produit153.

  • 154 E. Barbe, Extraits des minutes de Me Claude de Grandmont, notaire à Vicdessos au xvie siècle, Foix (...)
  • 155 Le massé (masser) est la masse de fer en fusion et de cristaux de fer obtenue dans le bas fourneau (...)
  • 156 Vente de 9 quintaux de fer cedat (cedat de 3 ou 4 cedes) par Jean Lulhet, marchand d’Ax, à un marc (...)

38Il faut distinguer entre ce qui relève effectivement de la qualité (mol ou fort) et ce qui a trait à la présentation (fer verguette)154. Fer mol et fer fort sont obtenus lors d’une même réduction, dans un même massé155 et dépendent du degré de carburation du métal. Plus rare, le fer fort était aussi le plus recherché, avec le fer cedat dont notre documentation est fort avare156 : ce sont des aciers naturels que la forge à la catalane, lorsqu’elle s’impose au xviie siècle, produit en plus grande quantité. Ces deux métaux sont d’un tissu très serré, le cedat encore plus que le fort ; ils conviennent par exemple pour fabriquer des outils aratoires, des pièces de résistance et de frottement. Le fer mol est le fer doux qui ne contient pas ou très peu de carbone, et se distingue donc de l’acier. Verguette, il se présentait en sortes de rondins (verga) pour la fabrication de clous, voire de fil de fer. Le fer tersat, quant à lui, recevrait deux tiers de fer fort et un tiers de fer doux, mais les appellations de « fer mol vergette tersat » ou « fer mol tersat » cachent-elles une telle proportion ?

  • 157 J. Cantelaube, op. cit., p. 291.
  • 158 Id., p. 291-292.
  • 159 Toutefois, nous confirmons la valeur élevée du fer cedat qui s’échange à 6,66 livres le quintal da (...)
  • 160 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 87 et f° 140, me G. Rolland, Tarascon, 11/4/1605 et 16/5/1605.
  • 161 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 571, f° 5, me R. Rolland, Tarascon, 1/1/1641.

39Ces différentes qualités, fer doux et fers plus ou moins aciérés, suggèrent des différences de prix. Jean Cantelaube l’énonce très clairement : « Le fer cédat a une valeur beaucoup plus grande que le fer fort qui se vend lui-même plus cher que le fer doux157 », même si ses données ne concernent que les xviiie et xixe siècles ; lorsque la comparaison est possible, l’écart de prix peut aller de 10 à 29 %, mais à la forge d’Oust, en 1856, fers mol et fort s’échangent au même prix158. Pour notre part, il nous est difficile d’établir une différence de prix car les données sont soit manquantes, (peu de fer fort), soit trop imprécises159. Ainsi, quand le 11 avril 1605, Jean Pera achète 116 charges de fer molh et fer fort, le prix de la charge est fixé uniformément à 14 livres ; de même, un mois plus tard, c’est au prix de 16 livres 10 sols la charge qu’un marchand de Toulouse achète 30 quintaux de fer molh ou fort160, ou à 19 livres 5 sols qu’en 1641 se vend la charge de fer molh et fort de la forge des Galis, sans distinction161. S’agissant de l’achat de l’ensemble d’une production, il devait être impossible de fixer un prix pour chaque qualité de fer. Une hégémonie de fer doux dans nos sources, des prix qui ne tiennent pas compte des types du métal, les prix que nous pouvons donner n’ont rien qui les associent à une statistique rigoureuse et il serait périlleux d’en tirer des conclusions tranchées. Néanmoins, on remarque une certaine stabilité du prix du quintal de fer, autour de 5 livres, de la fin du xvie siècle à la fin du premier tiers du xviie siècle, puis une première augmentation, avec un maintien autour de 6,5 livres entre 1635 et 1649, suivie d’une deuxième dès la fin des années 1640 (jusqu’à 7,5 livres vers 1650), et finalement une chute sensible à partir du milieu de la décennie 1650 (6,66 livres vers 1660-1664).

40L’approvisionnement en fer des marchands de Tarascon provient à 90 % de deux sources principales : la première, des habitants de la vallée du Vicdessos et, la deuxième, des ferriers et marchands ferriers de la même vallée pour l’essentiel ou d’autres forges voisines. Une grande différence se dessine entre ces deux sources : la quantité livrée par les gens du Vicdessos, parfois pour régler une dette, une vente, etc., est finalement minime et concerne, chaque fois un total réduit (en moyenne 8,235 quintaux par acte) alors que les achats aux ferriers sont beaucoup plus importants, s’opèrent par grandes quantités (plus de 100 quintaux par transaction d’après les reconnaissances de dettes, 2,5 fois plus si on prend en compte aussi les contrats d’achat de fer) et représentent, en fin de compte, la plus grande partie de l’approvisionnement en fer des marchands tarasconnais (autour de 77 % en ne prenant en compte que les reconnaissances de dettes, 90 % en incluant des contrats d’achat).

Tableau no 6. Origine du fer que reçoivent les marchands de Tarascon d’après les reconnaissances de dettes (mi xvie-mi xviie siècle)

Part du nombre de cas en %

Part de la quantité en %

Quantité moyenne par transaction

habitants de la vallée de Vicdessos

59,25 %

12,48 %

8,235 quintaux

marchands de Tarascon

3,70 %

8,33 %

88,0 quintaux

marchands hors Tarascon

3,70 %

2,27 %

24,0 quintaux

ferriers et marchands ferriers

29,63 %

76,63 %

101,0 quintaux

habitants d’autres lieux

3,70 %

0,28 %

3,0 quintaux

NB : – le calcul porte sur l’équivalent de 130 tonnes de fer et sur 81 actes.
– la quantité moyenne par transaction est de 39 quintaux.

  • 162 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 632, me Ferrand, f° 37, 5/3/1650 et f° 99v°, 11/5/1651.

41Lorsqu’un marchand signe un contrat avec un marchand ferrier pour la livraison de fer, il indique la quantité à fournir, le lieu de livraison et diverses autres modalités, mais le prix du produit n’est pas toujours précisé. C’est le cas de la convention que signent Jean-Antoine Galy, marchand ferrier d’Auzat, et François Lucantes, de Tarascon, le 5 mars 1650. Galy s’engage à apporter jusqu’à Noël, 600 charges de fer chez son acheteur, lequel lui a avancé la somme de 2 000 livres, somme qu’il devra avancer à nouveau quand il aura reçu autant de fer que sa première avance le justifiait. L’acte passé devant notaire a son importance et permet aux parties de revendiquer leur dû. Et dans le cas que nous examinons, cela fut utile. En effet, le 11 mai 1651, Galy n’avait livré que 150 charges de fer mais avait reçu 4 000 livres de paiement ce qui semble correspondre à 210-240 charges ! Après un procès infructueux devant le Sénéchal de Foix, Galy se décide à rembourser le trop perçu162.

  • 163 J.-L. Ruffié, Une population de montagnards dans les tribulations de l’histoire. Le consulat de Vi (...)

42Si les marchands de Tarascon s’approvisionnent essentiellement auprès des ferriers, ceux-ci écoulent-ils tout leur fer à ceux-là ? À la lecture des actes notariés, nous pouvons, pour une centaine de tonnes et une trentaine de cas exploitables, établir un tableau de la clientèle des ferriers. Les résultats sont probants : les marchands de Tarascon se portent acquéreurs dans de très fortes proportions du fer commercialisé par marchands ferriers et ferriers ; les ventes directes à d’autres acteurs sont, à ce que l’on en voit, très minoritaires. Et comme il s’agit de fer qu’eux-mêmes ont produit, fait produire ou acheté, en particulier dans le Vicdessos, on peut dire que Tarascon en contrôle une grande partie de la commercialisation163.

Tableau no 7. Clients des ferriers et marchands ferriers (à Tarascon et Vicdessos)

Part du nombre de cas en %

Part de la quantité de fer en %

Quantité moyenne achetée

marchands de Tarascon

74,19 %

87,35 %

90,15 quintaux

marchands de Pamiers

3,23 %

2,95 %

70,0 quintaux

marchands de Toulouse

6,45 %

2,02 %

24,0 quintaux

marchands ferriers

3,23 %

2,53 %

60,0 quintaux

autres « acheteurs »

13,0 %

5,15 %

30,5625 quintaux

  • 164 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2, me Authier, 12/11/1640. Villeneuve de Montferrier, aujourd’hui Vill (...)
  • 165 Par exemple, achat de 478 livres 2 sols 6 deniers de fer par deux habitants de Prades, Arch. dép. (...)

43Qui sont les clients des marchands tarasconnais ? La première chose est une assez grande dispersion des acheteurs : marchands, voituriers, cloutiers, habitants de divers villages plus ou moins éloignés de Tarascon. Cette dispersion met en relief une première aire de diffusion de la production sidérurgique du Vicdessos essentiellement : les régions de Foix, Lavelanet, le nord du Pays de Foix, Toulouse. À Ax, on a déjà signalé un contrat passé pour trois ans par deux marchands de Luzenac qui vendent, à raison de 420 charges par an, du fer mol et du fort à deux marchands de Villeneuve de Montferrier et Laroque d’Olmes164 ; le fer d’Ax allait aussi vers le Pays d’Alion, à l’entrée du Pays de Sault165. Outre la pluralité d’acteurs, ce que reflètent les documents sont les quantités acquises : les plus gros enlèvements sont le fait des marchands (plusieurs dizaines de charges, soit plusieurs tonnes) alors que voituriers et autres acheteurs sans précision se contentent de quelques quintaux. Les voituriers doivent revendre leur marchandise par petites quantités auprès d’une clientèle locale d’utilisateurs occasionnels ou plus réguliers (forgerons ?) ; les marchands font un commerce de plus grande envergure et le fer acheté doit rejoindre ensuite des marchés plus lointains. Les achats des clavetiers (fabricants de clous) confirment l’utilisation dont nous parlions plus haut du fer mol en verguette pour faire des clous et parmi eux il y a un clavetier de Ganac, village de la vallée de la Barguillière qui fut, grâce à ses martinets, un important centre de production de ces objets.

  • 166 G. Larguier, op. cit., p. 823-824.
  • 167 Il y a de très grandes fluctuations annuelles, mais une présence constante : par exemple, 5 quinta (...)
  • 168 Sur les destinations, voir G. Larguier, op. cit., annexes 8 à 12, p. 1281-1312.

44Tout au long du xviie siècle, le port de Narbonne affirme son rôle dans l’exportation du fer des forges du Pays de Foix166. Bon an, mal an, 1 500 à 3 000 quintaux167 de ce fer sont embarqués vers Montpellier, Marseille, Beaucaire et quelques autres ports provençaux ou languedociens (Toulon, Sanary, Six-Fours, Agde, Palavas, etc.)168. Il s’agit principalement de fer brut, le très rare fer ouvré se limitant à quelques caisses de clous ou quelques charrues. Ce phénomène pose le problème de l’alimentation de ce courant méditerranéen. Tout d’abord, s’agit-il uniquement de fer fuxéen ? Ensuite, quels circuits empruntait ce fer ? Était-il contrôlé par des marchands locaux ? Passait-il par les mains de marchands toulousains ? Des Narbonnais intervenaient-ils en amont de l’embarquement ? En tout cas, il faut souligner que Narbonne était important pour la commercialisation de différentes productions d’une grande partie de la zone que nous étudions : textiles de Chalabre, bois du pays de Sault et du Donezan, fers de la montagne fuxéenne.

  • 169 J. Cantelaube, op. cit., p. 634 et 636.
  • 170 F. Moreil, L’intendance de Languedoc, op. cit., p. 230. Basville écrit : « Elle [=la ville de Toul (...)
  • 171 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 488, me G. Rolland, Tarascon, 11/5/1635.
  • 172 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 491, me G. Rolland, f° 163v° et 184, Tarascon, 15 et 30/9/1638.
  • 173 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 584, me R. Rolland, Tarascon, 4/5/1654.

45Une question importante reste en suspens : quel est le rôle de Toulouse et de ses négociants dans le marché du fer ? Jean Cantelaube, citant les Mémoires de l’histoire du Languedoc publiés en 1633 par Guillaume de Catel, puis s’appuyant sur des témoignages de la Bourse des Marchands de Toulouse de la fin du xviie siècle, note que Toulouse était le centre de redistribution des fers des forges du Pays de Foix169, comme le suggérait aussi, en 1698, l’intendant Lamoignon de Basville170. On a dit qu’une partie du fer se dirigeait vers la capitale du Haut-Languedoc par les achats que pouvaient en faire certains marchands, mais nous ne saurions le quantifier. Les Toulousains s’approvisionnaient directement à la source, par exemple à la forge de Niaux où Dominique Pierre en achète le 11 mai 1635171, ou par l’intermédiaire de Tarasconnais. Le marchand de Toulouse Jean Rivière achète ainsi, en septembre 1638, tout le fer molh que Bernard Chaubet, marchand de Tarascon, a lui-même réservé auprès du fermier de la forge du Castelet, près d’Ax172. Plus tard, dans les années 1650, nous avons l’exemple de Jean Pelissier, originaire de Montcabrier dans le diocèse de Toulouse, commissionnaire à Tarascon de marchands toulousains (Naufari Garric ou Ganil ( ?) en 1652, Jacques Sicard en 1657) à qui il expédie diverses quantités de fer. On voit aussi, en 1654, quatre habitants de Tarascon – des marchands qualifiés de bourgeois – désigner trois de leurs collègues comme leurs procureurs pour aller vendre à Toulouse « à telles ou telles personnes qu’ils trouveront, telle quantité de fer, pour les sommes qu’ils jugeront avoir besoin et à tel prix qu’ils conviendront173 »: c’est donc de la vente directe que veulent faire ces Tarasconnais. Cela s’inscrit-il dans une habitude ou est-ce une tentative ? Dans ce dernier cas, fut-elle couronnée de succès et a-t-elle conduit à une attitude durable ?

  • 174 Arch. dép. de l’Ariège, 3 J 5.
  • 175 Ce qui est dénoncé dans cette protestation est la concurrence déloyale de Laquière qui, en proposa (...)
  • 176 Gudas, situé en Languedoc à une dizaine de km au nord-est de Foix, est limitrophe de Ventenac d’où (...)
  • 177 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 657, f° 43, me Delauriol, Tarascon, 4/3/1654. Un Antoine Tarabelle, ma (...)

46Il ne nous est pas non plus possible de dire si le relais appaméen avait déjà au xviie siècle le rôle qui pouvait être le sien au milieu du xviiie siècle si l’on suit une protestation du marquis de Gudanes, datée de la fin de l’année 1742174. À l’occasion d’un conflit sur les prix du transport du fer et d’une tentative de monopoliser ce dernier, on voit que le fer du haut Pays de Foix se concentre, à Pamiers, dans des entrepôts d’où trois marchands principaux, les sieurs Benet et Laquière, et la demoiselle Daran, l’expédiaient vers Toulouse au nom de marchands de cette dernière ville dont ils seraient des commissionnaires. Plusieurs muletiers, contractés par eux et attirés par une politique d’augmentation des prix de transport175, travaillaient à ce trafic. Pour le xviie siècle, la seule référence à Pamiers que nous ayons trouvée est contenue dans un acte notarié dans lequel un marchand de Toulouse, représenté par un Tarasconnais se plaint que Jean Ville, de Gudas176, n’a pas livré les quatre charges de fer qu’il devait apporter chez un nommé Taravelle à Pamiers177.

  • 178 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 633, f° 187v°, me Ferrand, Tarascon, 30/10/1651.
  • 179 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 467, f° 137v°, me G. Rolland, Tarascon, 9/10/1612 : référence à l’acte (...)
  • 180 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 229, me G. Rolland, 3/10/1605 ; la promesse de livraison aurai (...)
  • 181 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 556, f° 26, me R. Rolland, 16/6/1626 et 5 E 558, f° 72, me R. Rolland, (...)
  • 182 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 649, f° 88v°, me Ferrand, Tarascon, 15/5/1670.

47Une partie du fer est commercialisée et traitée localement. Nous avons parlé du fer doux qui alimente les clouteries comme celle de Ganac ou comme celle que donnent en louage, pour quatre ans et une rente de 54 livres annuelles, deux marchands fuxéens associés, Benoît Acoquat et Jean-Pierre Arexy, à Guillaume Rouzaud originaire de Celles (Languedoc, à l’est de Foix) mais résidant à Urs (entre Tarascon et Ax), et dans laquelle se trouve « un martinet à faire clous » constitué de six troncs de bois « garni des ferrements propres à l’usage de la claveterie178 ». Ces productions trouvaient des débouchés, par exemple vers Toulouse d’où le marchand Antoine Dubec en avait commandé 25 milliers en 1582179. Il nous faut parler aussi de ces outils aratoires ou agricoles qui doivent être fabriqués avec l’acier des forges, dans les « ateliers » du Pays de Foix et qui font l’objet d’un commerce sur des distances honorables : nous en avons quelques exemples intéressants, à des moments différents. En 1605, ce sont dix charges de relhas (socs de charrue) que le marchand toulousain Jean Bessou avait commandées à Jean Surre, de Saurat180, ou en 1626, vingt charges que les héritiers de son confrère Roland Rey attendaient de quatre marchands ferriers sauratois181. En mai 1670, le marchand de capes béarnais Samuel de Labat commande pour la valeur de 428 livres de dalhas (faux) au chevalier de Labat, noble François de Montaut qui devra les livrer à la foire de Saint-Michel, en septembre suivant182.

  • 183 08/07/1541, échange de 2 quintaux de laine contre 4 quintaux de fer (dont la moitié fer « en verga (...)
  • 184 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 578 ; à partir des tra (...)
  • 185 Il doit s’agir du propriétaire-fondateur de la forge de Canillo, associé ensuite avec Guillem Aren (...)
  • 186 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 652, me Delauriol, Tarascon, 13/05/1649, f° 67. Les 100 charges seront (...)
  • 187 O. Codina, « Xarxes i productes. », art. cit, p. 459-460 et « Marchés sidérurgiques et forges : le (...)
  • 188 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 578.
  • 189 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 662, me Delauriol, Tarascon, 04/10/1663, f° 402v°. Il s’agit de fer «  (...)

48Un commerce de fer transpyrénéen est attesté, aussi bien avec l’Andorre que la Cerdagne ou le Pallars. Vers ce dernier et l’Andorre, la documentation concerne l’époque la plus haute, c’est-à-dire le milieu du xvie siècle183. Les études récentes sur la sidérurgie fuxéenne et andorrane montrent, qu’ensuite, dans la première partie du xviie siècle, l’Andorre se mit à exporter du fer, de ses forges nouvellement créées – avant d’en importer à nouveau du Pays de Foix jusqu’à la reconstruction des forges et leur développement au xviiie siècle184. Ainsi, Miquel Adellach dit Le Gascon, de Canillo185, vend-il 100 charges de fer molh à François Deguilhem, marchand des Cabannes, en 1649186. Sur le versant andorran, ce courant d’exportation de fer vers le Pays de Foix est mieux documenté. Olivier Codina calcule qu’au début du xviie siècle, c’est environ 40 % de la production sidérurgique andorrane qui était achetée par les marchands du Sabarthès qui la commercialisaient ensuite, confondue avec le fer fuxéen, vers le Languedoc. Ces ventes étaient en moyenne de 624 kilogrammes contre 250 kilogrammes pour celles faites en Haut Urgell et 100 à 140 kilogrammes pour celles réalisées en Andorre même, ce qui tendrait à prouver qu’il s’agissait d’achats en gros pour une mise sur le marché et non pour une utilisation propre187. Les achats fuxéens n’étaient donc pas destinés à la consommation locale, mais à contrôler, en quelque sorte, et à alimenter les réseaux de commercialisation du fer produit sur quelque versant de la montagne que ce soit. C’étaient les forges de Siguer et de Vicdessos qui achetaient, mais la crise économique du milieu du xviie siècle mit fin, pour un temps, à l’activité sidérurgique andorrane et tarit le flux, de sorte que les vallées d’Andorre devinrent importatrices188. Pour ce qui est de la Cerdagne, le 4 octobre 1663, deux marchands, fermiers de la forge de Porteye (vallée de Carol), vendent tout le fer qu’ils produiront entre ce jour et la saint André (30 novembre) à un marchand de Tarascon189. Le contexte politique ayant changé avec le traité des Pyrénées, peut-on penser que ce courant cerdan existait avant 1659 ou est-il une conséquence de la nouvelle donne politique ?

  • 190 Mention de cet achat dans le testament de son père car Vidal Teynier acheta ce poisson avec les 1  (...)
  • 191 G. Le Bouëdec, « Le cabotage sur la façade atlantique au xviiie siècle », La circulation des march (...)
  • 192 G. Caster, Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse de 1450 environ à 1561, Toulouse, Pri (...)
  • 193 Tarif de Tarascon, Arch. dép. de l’Ariège, 135 EDT/CC 6 et tarif du Donezan, Arch. dép. de l’Arièg (...)

49Productions textiles, sidérurgiques et métallurgiques sont à l’origine d’une circulation de marchandises, matières premières et produits finis ou semi-finis, assez importante, qui anime les hautes vallées que nous étudions. Circulation interne d’abord : le minerai de fer et le charbon de bois vont vers les forges du pays, comme la laine va vers les centres locaux de production ; circulation vers l’extérieur ensuite : les cordelats, le fer marchand, le bois, le savon de Chalabre, mais aussi les animaux de travail, bât et boucherie, et en partie le minerai, sont destinés aux marchés extérieurs ; enfin, produits venus du dehors et dont le pays a besoin ou qui ne font que transiter : grains et vin, bien sûr, mais aussi productions venant de l’autre côté des Pyrénées (laine d’Andorre et de Cerdagne, huile d’olive, sel, parfois même du fer, etc.), et arrivant par l’ouest (capes), le nord (poisson de l’Atlantique, pastel) ou par l’est (huile d’olive languedocienne). Le poisson, dont nous n’avons pas eu encore l’occasion de parler, illustre assez bien la circulation des marchandises qui touche nos montagnes. Le congre, la morue, les sardines arrivent à Tarascon apportés par des marchands venant de Toulouse – ou des voituriers agissant en leur nom –, achetés par des marchands de la ville, parfois des voituriers, il sont redistribués auprès de marchands de Vicdessos, d’Ax, de Sainte-Colombe (diocèse de Mirepoix), de Catalogne, et d’Andorre. Dans les années 1640, Vidal Teynier acheta 90 ou 100 quintaux de morue et sardines dans la boutique du marchand toulousain Raymond, pour les vendre à la foire de mai190. À Ax, les quelques ventes que l’on en a, le montrent allant vers Mérens et l’Hospitalet, peut-être prêt pour prendre le chemin d’outre-mont. Gilles Caster a montré, en son temps, le rôle de Toulouse dans le commerce de redistribution du poisson. Celui-ci arrivait de Bretagne et d’Angleterre, plus rarement de Galice, par cabotage191 à La Rochelle et Bordeaux d’où il remontait la Garonne, parfois acheminé par des transporteurs de Haute-Auvergne, pour rejoindre les marchés du Languedoc et, à partir de Toulouse, ceux de nos montagnes. En Comté de Foix, pour la période étudiée par Gilles Caster, la redistribution directe des Toulousains ne semble pas dépasser le nord, c’est-à-dire Lézat et Pamiers. Le merlus, ou colin, était le plus vendu dans la capitale du Haut-Languedoc suivi, sans doute, du hareng salé puis de la morue ; la sardine était aussi bien présente alors que le saumon salé était assez rare192. Ce sont ces poissons, avec du congre, que l’on retrouve dans notre documentation et qui apparaissent dans les tarifs des leudes. Par exemple, celui de Tarascon mentionne, dans son article 6, « toutes sortes de poisson sallé, comme mourue, congre, harancs, sardines, saumon, et autres espèces venant par balles ou passant pour l’étranger » et celui du Donezan parle de « peix salat193 ».

  • 194 Par exemple, 18 quintaux de molue vendus par Rogièr Sabatier à un habitant d’Encamp (Andorre) le 1 (...)
  • 195 Affaire de vol de 0,5 quintal de congre au port de Siguer, par un Andorran, en 1675, à l’Arxiu Nac (...)
  • 196 Sardine salée.
  • 197 J. M. Vidal i Guitart, Història d’Andorra, Barcelone, Antalbe, 1984, p. 77.
  • 198 O. Codina, « Productes i xarxes. », art. cit., p. 465.

50L’Andorre et la Catalogne bénéficient des entrées de ce poisson194 qui se rencontre aussi dans une grande partie des autres passages pyrénéens, en Navarre, à Broto, en Aran. Une part pouvait être consommée en temps de Carême, mais le vol en plein été d’un demi-quintal de congre au Port de Siguer prouve que cette utilisation n’était pas exclusive195. De la même façon que la Navarre pour l’Aragon, ou le Val d’Aran, l’Andorre peut être une porte d’entrée du poisson en Catalogne comme on le voit lorsque le vice-roi de Catalogne autorise les Andorrans, en 1637, à vendre dans le Principat les « trescents quintars de pesca salada, congre y arangades196 » achetés en France197. Les vallées andorranes auraient profité, du milieu des années 1630 au milieu des années 1640, d’une sorte d’échange entre le sel catalan qu’elles faisaient passer vers Toulouse et le poisson qui leur arrivait de cette ville198.

  • 199 Voir, par exemple, G. Pérez Sarrión, « Emigrantes y traficantes entre Francia, Navarrra y Aragón e (...)
  • 200 A. Radeff, op. cit, p. 236 et 242 ; pour les Pyrénées centrales modernes, voir C. Bourret, « La sp (...)

51Si nous pouvons reconstituer le commerce transpyrénéen dans ses grandes lignes, nous ne pouvons pas tirer de conclusions quantitatives de l’étude de nos documents. Notre hypothèse de travail est que ce que nous trouvons dans les actes fournit un échantillon, plus ou moins représentatif, de la partie de l’activité commerciale la plus liée aux grands courants, représentée par cinq ou six produits « phares ». Et quand bien même disposerions-nous des sources typiquement quantitatives, l’image qu’elles reflèteraient serait-elle, du fait de la contrebande, celle de la réalité ? Tout au plus, pourrions-nous affirmer qu’elle s’en rapprocherait. En ce sens, la contrebande, sujet en elle-même, ne peut être qu’évoquée. Les privilèges commerciaux en limitent le recours, mais ne la suppriment pas pour autant. Ainsi, certains marchands négligent-ils de déclarer la marchandise qu’ils transportent au moment de passer les cols, ou en réduisent-ils la quantité. Des produits comme le sel, on l’a dit, se prêtent bien à la fraude, du fait de la différence de prix entre les deux versants. Le commerce interlope, pour ce qui en a été étudié, portait généralement sur les mêmes produits que ceux qui faisaient l’objet du commerce ordinaire, auxquels s’ajoutaient la monnaie et les livres prohibés qui, eux, ne pouvaient passer qu’illégalement199. La contrebande, ici comme ailleurs, a dû être un des aspects, pour reprendre une expression d’Anne Radeff, « de l’économie globale d’Ancien Régime et pas seulement une activité marginale et accessoire », permettant « à des milliers de personnes de vivre un peu mieux pour la plupart, de s’enrichir pour quelques-uns200 ».

  • 201 E. Serra et M. A. Sanllehy, « Comerç transpirinenc a Catalunya segons la documentació de la Genera (...)
  • 202 H. Lapeyre, Une famille de marchands : les Ruiz. Contribution à l’étude du commerce entre la Franc (...)
  • 203 Id. Sur l’industrie cartière dans la France moderne, voir E. Belmas, Jouer autrefois. Essai sur le (...)
  • 204 Chaque jeu devait acquitter un droit de passage d’un sou catalan (E. Serra et M. A. Sanllehy, art. (...)

52Nos observations à partir des notaires du nord de la chaîne se rapprochent assez, finalement, des données recueillies dans les registres de « douanes » catalans, récemment publiées par Eva Serra et Maria Àngels Sanllehy201, même si, évidemment, elles nous font découvrir des marchandises ignorées chez les notaires. C’est le cas des cartes à jouer qui se rencontraient au passage de Tírvia, débouché de la vallée du Vicdessos (vingt jeux du 24 au 31 décembre 1602). La provenance n’est pas indiquée, mais Henri Lapeyre rappelait que le royaume de France en avait développé la fabrication et que l’Espagne en était la cliente privilégiée puisqu’elle n’en fabriqua qu’assez tardivement, au xviie siècle202. Au xvie siècle, la ville auvergnate de Thiers, foyer papetier important, était vraisemblablement le plus grand centre producteur, mais d’autres villes en liaison avec la péninsule en produisaient aussi, comme Rouen, Limoges ou Toulouse203. Sont-ce donc des cartes toulousaines qui entrent en Catalogne ? De toute façon, les vingt jeux passés en une semaine ne sauraient représenter un commerce en eux-mêmes ; sans doute étaient-ils un appoint, peut-être parfois de contrebande204, tant il devait être facile d’en glisser un dans une poche…

  • 205 Même chose, par exemple, en Aragon. J. I. Gómez Zorraquino, La burguesía mercantil en el Aragón de (...)

53Le panorama commercial dévoilé par les reliques des livres des douanes catalanes confirme ce que nous avons vu, surtout pour les sorties de Catalogne qui se limitent – ici comme ailleurs205 – à la fameuse trilogie ibérique (sel, laine, huile). Pour les entrées, la diversité prime : mules, capes, poisson, productions textiles et vestimentaires que ce soient les toiles et étoffes diverses ou les bas, les rubans, les articles de mercerie, ou encore les couvre-chefs. Et on peut certainement constater, comme aux passages aragonais, un déficit du commerce du sud vers le nord. Finalement, tout cela converge qui montre que le haut Pays de Foix s’insérait dans les grands réseaux commerciaux qui reliaient le Languedoc et la Gascogne à la péninsule Ibérique et qui alimentaient la Catalogne intérieure, jusque dans des zones assez proches de Barcelone. Il y aurait alors deux grandes voies pratiquement parallèles, la méditerranéenne, maritime, et la pyrénéenne, terrestre, en partie contrôlée par nos marchands de la montagne.

***

54Malgré des entraves notables à la circulation, que ce soit pour des raisons physiques (relief et météorologie, état des routes et des ponts), fiscales – mais des privilèges existent –, à cause de l’insécurité des chemins aggravée ou, pour le moins entretenue, par un contexte politique peu favorable (guerres de la deuxième moitié du xvie siècle et celles du xviie siècle), les marchandises se déplaçaient dans et à travers ces montagnes placées aux confins de deux monarchies. Le commerce d’un certain nombre de produits était un élément, peut-être moteur, d’une vie économique assez active, qu’il est toutefois difficile de reconstituer dans le détail. La saisonnalité de la circulation est un élément important qui n’est pas uniquement fonction des conditions météorologiques. En effet, le bon moment pour échanger, vendre ou acheter, doit tenir compte du calendrier de la transhumance – d’où l’importance des foires de printemps et d’automne –, de celui de certains travaux, peut-être des disponibilités financières, en plus des rythmes propres imposés par l’état de chemins plus ou moins praticables. La question de l’état des routes, de leur entretien et de leur amélioration, ne peut être négligée lorsque l’on parle de circulation des marchandises, mais les Pyrénées, par l’usage du transport par bât (« la civilisation du bât »), voire le colportage, à défaut du roulage, offrent une flexibilité sans doute plus grande que dans bien des cas.

55Les hautes vallées, qu’elles soient situées sur un versant ou sur un autre, avaient des besoins de produits provenant des plaines, comme les céréales ou le vin, qu’elles importaient. C’est d’abord sur ces denrées que les populations s’étaient fait reconnaître des exemptions fiscales : que l’on songe aux cas de l’Andorre ou du Val d’Aran, mais aussi au Pays de Foix, exempt de foraine pour les produits entrés dans la province et destinés à la consommation propre de ses habitants. C’est aussi à partir de tels privilèges que toutes les fraudes étaient possibles, et c’est toujours leur « entretien » ou celui de leur vallée que les marchands invoquent aux commis et gardes de la foraine qui les ont surpris avec des ballots non déclarés. Sur place, ces marchandises, surtout destinées à l’alimentation et à l’habillement, participaient au commerce de redistribution dans lequel les marchés hebdomadaires, et aussi les boutiques, jouaient un grand rôle. C’est sur ce type de transits que nous sommes le plus mal renseignés, parce qu’ils n’apparaissent guère à travers les sources que nous utilisons prioritairement.

  • 206 Arch. dép. de l’Ariège, 135 EDT/CC6, Perpignan, 9/5/1732 et 1 J 323, selon déclaration du 25/5/176 (...)

56Mais abondance de source n’est pas nécessaire pour savoir que les populations se nourrissaient et se vêtaient ; de plus, les tarifs de leudes ou d’autres prélèvements, donnent des listes de produits alimentaires qui entraient sur les marchés, « à col ou dans des paniers » : œufs, beurre, fruits, bois de construction et à brûler, la pierre et sable – sans doute en petites quantités ! –, foin, volailles, gibier, grains, farines, légumes verts et secs206. Ce qui apparaît à travers l’archive notariale est surtout le commerce de transit, voire de longue distance, en particulier celui qui traverse les Pyrénées et créa un couloir d’intense circulation par les cols du Puymorens, de Siguer et d’autres encore. Laine, sel, huile passent par le Pays de Foix, s’y arrêtent parfois, rejoignent le Languedoc et la Gascogne, d’autres fois. La laine a une importance capitale pour les « manufactures » de cordelats installées à Ax, Tarascon, Chalabre. Dans l’autre sens, tissus, capes, grains, poisson, rejoignent d’abord les hautes vallées, comme l’Andorre, et ensuite, pour certains, la Catalogne intérieure.

  • 207 Arch. dép. de l’Ariège, 1 C 85.

57L’activité industrielle locale, c’est aussi, et peut-être d’abord, la sidérurgie. L’extraction du minerai de fer, son transport, sa transformation dans les forges, la commercialisation des fers ainsi produits génèrent une circulation qu’assurent des caravanes de mulets menées parfois par des paysans-mineurs-muletiers qui trouvent là un supplément de revenu. Ce fer alimente le marché toulousain et celui du Languedoc. Sans parler de prospérité, disons que tout ce commerce devait apporter quelques compléments bien appréciables. Bien sûr, cela reste très difficile à apprécier. Un document, tardif, pour notre période d’étude puisqu’il date de 1740, le « bordereau général de la portée des rôles de la capitation roturière du pays de Foix207 », mais qui est le seul du genre que nous ayons su trouver se rapprochant le plus du xviie siècle, donne les sommes de la capitation du Pays de Foix, communauté par communauté. Nous l’avons soumis à un grossier traitement : nous avons calculé la somme de la capitation per capita pour chaque lieu, en partant de la population du recensement de 1806.

  • 208 C’est le cas de Tarascon-Ussat (1765 : 1 500 hab., 1806 : 1 541 hab.), Saverdun (1752 : 2 808 hab. (...)

58Évidemment, cette méthode n’est pas très scientifique car il est risqué, pour la rigueur des résultats, de travailler avec des chiffres distants de près de 70 ans, qui plus est pour essayer de connaître une situation beaucoup plus ancienne… Pour soutenir sa pertinence relative, nous dirons que les quelques données du xviiie siècle que nous possédons sur la population se rapprochent assez de celles de 1806208. Les résultats, répartis par classes (capitation de 6 à 15 livres par habitant ; 15 à 25 livres ; etc.) et reportés sur une carte (voir la carte ci-dessous), font apparaître des phénomènes intéressants, sans doute en liaison avec tout ce que nous avons décrit précédemment. La première chose qui apparaît de façon éclatante est l’opposition bas-comté / haut-comté : avec une capitation toujours supérieure à 46 livres par habitant – et même plus de 75 livres dans le nord-est –, le bas pays (subdélégation de Pamiers) montre sa plus grande richesse. Mais, au sud de Varilhes, la situation n’est pas du tout homogène : à côté de communautés à capitation faible (du sud de Varilhes au nord de Tarascon et en amont d’Ax), avec 16 à 25 livres par tête, sauf autour de Foix où elle passe de 36 à 45 livres ; dans le Vicdessos et l’Aston avec, ici, moins de 15 livres, des points plus « prospères » surgissent. D’abord, toute la région en aval d’Ax, la ville comprise, avec une capitation moyenne de 46-55 livres par habitant, et peut-être surtout Tarascon qui apparaît comme un îlot de richesse : la vocation commerciale de ce petit centre montagnard n’explique-t-elle pas ce phénomène ? Sans doute est-il alors intéressant d’approcher de plus près les acteurs mêmes de cette circulation de marchandises, à l’origine probable de ce que nous venons d’observer.

Carte no 5. Capitation par tête en Pays de Foix vers le milieu du xviiie siècle (en livres)

Carte no 5. Capitation par tête en Pays de Foix vers le milieu du xviiie siècle (en livres)

Notes

1 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 605, me A. Gouzy, f° 26-63v°, château de Gudanes, 25/3-21/4/1615.

2 Mouline de Siguelles, dans la vallée de l’Aston, dont il réserve, pour un an, à partir du 4/5/1615, le fer, à la femme du seigneur (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 605, f° 62, me Gouzy, 21/4/1615).

3 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 605, f° 69v°, me Gouzy, 8/5/1615, un muletier du village de Pech s’engage à transporter du minerai à la forge de Riette, pour la demoiselle d’Espagne. Cette forge (no 28 sur la carte p. 86) est située en amont de la vallée de l’Aston, à une dizaine de kilomètres de Château-Verdun, à environ 1 100 m d’altitude.

4 M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, Paris, Genin, 1956, p. 559 et J. Bonhôte, Forges et forêts dans les Pyrénées ariégeoises. Pour une histoire de l’environnement, Aspet, Pyrégraph, 1998, p. 133.

5 M. Chevalier, op. cit., p. 557-558.

6 Id., p. 556, d’après document de la Table de Marbre de 1669.

7 Arch. dép. des Pyrénées-Orientales, 3 E 56/407, actes des notaires de Cerdagne, 13/07/1666.

8 Sur l’Andorre, cf. l’autorisation donnée par le lieutenant du procureur royal des comtés de Roussillon et Cerdagne, en 1623, à Antoni Pal, d’Ordino, pour exploiter les mines du Puymorens pendant un an, publiée par D. Bascompte Grau, Diplomatari de la Vall d’Andorra, segle xvii , Andorra, Govern d’Andorra-Ministeri de Cultura-Arxiu Històric Nacional, 1997, p. 153-155, 28/11/1623 (document des Arch. dép. des Pyrénées-Orientales, B 442).

9 J. Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises. Une industrie à la montagne ( xviie- xixe  siècle), Toulouse, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, collection « Méridienne », 2005, p. 333-334. Pour sa part, V. Izard, « Le fer et la forêt dans un « pays frontière ». Enjeux économiques et sociaux et crises séculaires de la métallurgie au bois dans la « province du Roussillon » (xviie-xixe siècle) », p. 108-109, Pays pyrénéens et pouvoirs centraux ( xvie- xxe s.), Foix, Association des Amis des Archives de l’Ariège, 1994, tome 1), évoque ce minerai et son utilisation, non convaincante, dans les forges d’Ax, Orlu ou Le Castelet.

10 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal : diversité et complexité des échanges de la sidérurgie ariégeoise dans les Pyrénées (xviie-xixe siècle) », Circulation des marchandises et réseaux commerciaux dans les Pyrénées ( xiiie- xixe siècles), Toulouse, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, collection « Méridiennes », 2005, p. 571.

11 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 653, f° 33, me Delauriol, Tarascon, 13/2/1650.

12 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 639, f° 179, me Ferrand, 25/10/1660 ; le contrat prévoit la livraison de 8 quintaux hebdomadaires.

13 Le 29/11/1557, Pierre Traversier, marchand ferrier de Niaux, doit se faire payer un mulet par 4 quintaux de minerai de Sem (Rancié). Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 434, me J. Cotet. Pour des attestations plus anciennes, voir H. Ruffié, Le minutier Barba, 1510-1513 (lecture et traduction), dactylographié, 1997, p. 4 : le notaire de Vicdessos Claude de Grandmont vend une mule harnachée, le 7/12/1529, à un habitant de Sem à payer en minerai de fer de Vicdessos.

14 Notons que la quantité moyenne par acte est plus élevée à Tarascon (plus de 193 quintaux en 1640-1641, 157 quintaux en 1650-1651, 246 quintaux en 1660-1661) qu’à Ax (un peu plus de 110 quintaux), car le prix du quintal, qui a sensiblement le même poids dans les deux villes, est plus élevé à Ax, compte tenu certainement du coût du transport. C’est ainsi qu’il est précisé le 11/04/1661 que le quintal sera payé à 10 sols, livré à Tarascon, et à 16 sols, livré à Savignac (aux portes d’Ax), ce qui fait varier la quantité de minerai de 150 à 240 quintaux pour une somme due de 120 livres ; le prix était même de 16 sols le quintal pour Tarascon et de 32 sols pour Savignac le 17/3/1661 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, me Delauriol, f° 64 et f° 41 ; les deux cas concernent Antoine Deguilhem).

15 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 525, f° 108, me S. Rolland, Tarascon, 2/6/1620 ; vente de Bernard Allard, voiturier de Tarascon, à Jean Peytavy, marchand de Lavelanet, à 9 sous le quintal. La livraison prévue devrait s’étaler sur 2,5 mois.

16 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 570. Dans notre corpus, le courant vers le Couserans se résume à du minerai destiné à une forge de la vallée de Massat : un même marchand ferrier, François Deguilhem, des Cabannes, délivre un ou deux mulets à un marchand (Jean-Antoine Vergne) ou marchand ferrier (Jean Chambrière) de Vicdessos qui s’engage à lui apporter du minerai à la forge massatoise pour régler une partie de son achat (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 502, f° 101 et 101v°, me G. Rolland, 10/05/1651).

17 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 632, f° 138v°, me Ferrand, Tarascon, 4/10/1650.

18 En 1723, la différence était de 1 à 1,375 et en 1731, de 1 à 1,5 d’après J. Cantelaube, op. cit., p. 361.

19 J. Cantelaube, op. cit., p. 360-361.

20 On ne peut tenir ces valeurs que pour une grossière approximation. Ajoutons de plus que les transactions enregistrées entre mi-septembre 1660 et février 1661 sont déclarées « quittes de leude » ; le prix du quintal n’en est pas pour autant obligatoirement moins élevé mais il peut l’être, dans deux ou trois cas (autour de 1-1,5 sol de moins par quintal).

21 Le pays d’Olmes, la seigneurie de Mirepoix, la vallée de l’Hers sont aussi orientés vers cette activité ; on en trouve des exemples pour le xvie siècle, avec les problèmes posés par le passage du bois près des chaussées des moulins, dans S. Olive et F. Pasquier, Archives du château de Léran. Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis-Mirepoix, tome 5, procès du xiiie à la fin du xviiie siècle, Toulouse, Privat, 1927, p. 265-268.

22 Notons, à ce propos, une particularité linguistique qui pourrait être révélatrice. Alors que le mot carràs désigne dans la haute vallée de l’Aude comme dans la haute vallée de la Garonne (au Val d’Aran en particulier), toutes les deux flottables, le radeau formé par le bois de flottage, le même mot désigne en haut Pays de Foix le traîneau terrestre servant au transport du foin ou autres produits.

23 Le rol est l’arbre en grume ou un billot.

24 Postam : ensemble de planches.

25 Esclappe (occitan esclapa) désigne plusieurs choses. Ce peut être une bûche, un éclat de bois, une plaquette de bois destinée à la production de peigne ou encore un aviron de hêtre.

26 Majorièr : poutre maîtresse d’une charpente.

27 Bastarde : demi-poutre.

28 Ch. Fruhauf, Forêt et société. De la forêt paysanne à la forêt capitaliste en pays de Sault sous l’Ancien Régime (vers 1670-1791), Paris, Editions du CNRS, 1980, p. 29.

29 Deux documents des 20 et 30 janvier 1631 concernent le transport d’« esclappes » vers Narbonne. Le sens le plus général du mot (occitan esclapa) est éclat de bois, mais aussi bûche. Les textes ne sont pas suffisamment précis pour savoir de quoi il s’agit ; nous y reviendrons (Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7704, f° 10 et 14, me Fr. Vallon, Quillan).

30 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7725, f° 20, me Fr. Vallon, Quillan, 26/1/1655.

31 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 81.

32 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2263, me Authier, Ax, f° 241 et 242. Les documents ne décrivent pas les types de planches en question ; en Pays de Sault, selon Ch. Fruhauf, op. cit., p. 81, les mijanes seraient des planches trois fois plus épaisses que les planches normales ayant une largeur d’une cinquantaine de centimètres.

33 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7713, f° 96, me Fr. Vallon, Quillan, 14/12/1641.

34 M. Chevalier, op. cit., p. 531.

35 Cité par M. Chevalier, op. cit., p. 535, d’après les procès-verbaux de la Réformation.

36 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 37 et 90.

37 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f° 22, me Fr. Vallon, Quillan, 6/2/1659. Le 16/7/1659, ils associent leur collègue Etienne Rouzaud à la société qu’ils ont scellée pour exploiter ce bois (id., f° 69v°). Le seigneur de Nébias leur fait aussi un prêt de 700 setiers de blé. D’après les archives de la Table de Marbre, Ch. Fruhauf, op. cit., p. 55, considère que le seigneur de Nébias pratique des coupes irrégulières, non annuelles, et qu’il aurait vendu en quatre ans, c’est-à-dire peu avant 1668 (donc entre 1663-1664 et 1667-1668), pour 30 000 à 36 000 livres dans sa seule forêt de Trabanet : le document que nous exploitons montrerait qu’il pourrait s’agir de la vente faite aux trois marchands quillanais.

38 Il ne semble pas qu’il faille confondre les marchands et marchands carrassiers, d’une part, et les carrassiers, d’autre part. Les premiers agissent individuellement alors que les deuxièmes le font par groupes de 5 à 11 individus pour la conduite, physique, du bois sur l’Aude.

39 Dans notre petit corpus de 35 actes concernant la vente de bois à Quillan entre 1631 et 1672, 83 % des acheteurs sont des Esperazanais.

40 Les marchands de bois d’Esperaza peuvent aussi acheter directement en Pays de Sault ; par exemple, Arch. dép. de l’Aude, 3 E 6758, f° 227v°, me Bertrand, Belcaire, 14/3/1684 : Joan Badet, marchand de bois d’Esperaza achète 400 charges de planches (220 livres) à Marc Fornier, marchand de Belcaire.

41 C’est le chiffre que donne Ch. Fruhauf, op. cit., p. 81.

42 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7729, f° 69v°, me Fr. Vallon, 21/5/1660.

43 G. Larguier, Le drap et le grain en Languedoc. Narbonne et le Narbonnais 1300-1789, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 1996, p. 824-826 et tableaux des sorties de bois du port (1600-1703), p. 1324-1325.

44 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7704, f° 10 et 14, me Fr. Vallon, Quillan, 20/1/1631 : conduite de 100 douzaines d’esclappes ; 30/1/1631 : conduite de 30 douzaines. Dans les deux cas, le bois devra être conduit avant Pâques.

45 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 94, p. 160 pour les avirons ; p. 43 pour les ébauches de peignes.

46 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 95-97 ; M. Chevalier, op. cit., p. 530.

47 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 7735, f° 84v°, me J. Bertrand, Quillan.

48 Ch. Fruhauf, op. cit., p. 97.

49 Id., p. 97.

50 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2263, me Authier, Ax, 21/12/1640.

51 J. Bonhôte, op. cit., p. 67 et M. Chevalier, op. cit., p. 520 d’après les archives de la Maîtrise de Pamiers des Eaux et Forêts. Il est probable que ces bois provenaient de la zone dégradée en taillis, dominée par le hêtre, plutôt que de l’amont de la vallée, domaine du sapin en futaie.

52 H. Marcaillou-d’Aymeric, Monographie de la ville d’Ax, Toulouse, Imprimerie Vialette et Ce, 1886, p. 100.

53 Id., p. 101, rastèlh placé sur la Lauze, près de la place du Breil, 10/4/1636.

54 J. Cantelaube, op. cit., p. 201-202.

55 Id., p. 206-209.

56 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 573.

57 Par exemple, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 1029, me J. Galy, Vicdessos, 3/6/1659 : Jean Chambrière, de Vicdessos, paiera un quart de la valeur du cheval qu’il vient d’acquérir du marchand ferrier Jean Mallaurens ; de plus, ce charbon qu’il apportera dans la forge de Capounta, pour la valeur de 100 livres, sera travaillé à migère (à moitié), selon ce qui se pratique en Vicdessos, entre le créditeur et le débiteur. Les mentions de travail à moitié entre une personne qui apporte du minerai (un ferrier, sans doute) et une autre du charbon (un charbonnier ?), ne sont pas rares chez les notaires de Vicdessos au xviie siècle.

58 Par exemple, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 571, f° 88, me R. Rolland, Tarascon, 13/3/1641 : un charbonnier de Saurat, doit se libérer de l’emprunt qu’il a contracté auprès du ferrier astonnais Arnaud Authier, en lui apportant du charbon du « bocage » d’Aston, compté à 7 sols la charge. Les vastes forêts d’Aston approvisionnent les forges de la baronnie de Château-Verdun (voir J. Bonhôte, op. cit., p. 155-161).

59 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 491, f° 120, me G. Rolland. Nous devons cette référence à l’amabilité de M. H. Ginesty.

60 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 436, f° 2, me G. Rolland, Bédeilhac, 25/3/1560.

61 Forge non localisée.

62 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 1028, f° 38, me Galy, Vicdessos, 25/7/1655.

63 Cl. Pailhès, Du Carlit au Crabère, Terres et hommes de frontière, Foix, Archives départementales-Conseil Général de l’Ariège, 2000, p. 304, d’après Arch. dép. de l’Ariège E 6, II, no 81.

64 Cl. Pailhès, « Les cadres de l’Ancien Régime (xvie-xviiie siècle) », Histoire de Foix et de la Haute Ariège, Toulouse, Privat, 1996, p. 95.

65 Cette somme est assez faible ; dans les années 1660, le minot valait 4 livres 15 sols en Pays de Sault alors qu’il se vendait à 10 livres 4 sols dans tout le Roussillon.

66 D’après Arch. dép. de l’Aude, 66 J 104, Conflit avec les fermiers de la gabelle en Pays de Sault, xviiie siècle.

67 Arch. dép. de l’Ariège, 1 J 87, réponses no 3 et 4.

68 Par exemple, le 1/12/1641, deux habitants d’Orlu doivent livrer 1,5 quintal de sel de Cardona à Orlu même, pour rembourser l’emprunt fait à un marchand d’Ax (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2311, me Ferriol, Ax, f° 448) ; autres cas le 20/06/1641 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2390, me Tardieu, Ax, f° 891v°) ou le 24/04/1651 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2263, me Autier, Ax, f° 1333).

69 Cas assez nombreux chez les notaires d’Ax. Ce sont essentiellement des Cerdans et des habitants de Mérens-l’Hospitalet qui sont concernés.

70 A. Brives (Pyrénées sans frontière, rééd. Pau, Cairn, 2000, p. 100), à partir du cahier de péage de Torla (1642) note que le sel passe surtout entre juillet et septembre.

71 Sel acheté à des marchands d’Ax par des marchands de Tarascon ou des voituriers de Foix (ex. : 100 quintaux achetés par deux voituriers de Foix, à 4 livres 10 sous le quintal, le 17/12/1650. Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2314, me Ferriol, f° 1).

72 O. Codina, « Productes i xarxes. El comerç a Andorra i des d’Andorra en la primera meitat del segle xvii », Circulation des marchandises, op. cit., p. 464-465.

73 E. Serra et M. A. Sanllehy, « Comerç transpirinenc a Catalunya segons la documentació de la Generalitat de Catalunya (s. xvi-xvii) », Circulation des marchandises, op. cit., p. 484.

74 Voir, par exemple, les cas cités par C. Bourret, Les Pyrénées centrales du ixe au xixe siècle. La formation progressive d’une frontière, Aspet, Pyrégraph, 1995, p. 116 (avril 1703) ou p. 302 (mars 1691, janvier 1696). Le cas de mars 1691, qui concerne la vallée de Carol, est aussi décrit, à partir des archives du Service Historique de l’Armée de Terre, par A. Ayats, Louis XIV et les Pyrénées catalanes de 1659 à 1681. Frontière politique et frontières militaires, Canet, El Trabucaire, 2002, p. 260.

75 Lettre de Trobat à Louvois, 14/9/1678, Service historique de l’Armée de Terre, citée par A. Ayats, Louis XIV et les Pyrénées catalanes, op. cit., p. 636.

76 Philippe Wolff, dans son étude sur le commerce et les marchands de Toulouse à la fin du Moyen Âge, signale en 1454, à Toulouse, la saisie d’un marchand d’Ax pour vente illégale de sel de Cardona (Ph. Wolff, Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450), Paris, Plon, 1954, p. 219).

77 Par exemple, 50 quintaux de sel de Cardona qu’un marchand de Chalabre (Languedoc) se fera livrer en juin 1670, à Sant Julià (Andorre) au prix de 4 livres le quintal, ce qui correspond, grosso modo, à 4 livres 15 sols ou 5 livres le minot, c’est-à-dire un prix voisin à celui du Pays de Sault (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 649, me P. Ferrand, Tarascon, 14/05/1670).

78 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 674, f° 4v°, me J. Rolland, Tarascon, 12/1/1650.

79 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 653, me Delauriol, f° 111v°, 7/10/1650.

80 N. Sales, Història de Catalunya. Els segles de la decadència, Barcelone, Edicions 62, 1989, p. 393.

81 Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont (Vicdessos), f° 241, 8/7/1541.

82 D’une façon générale, la question du commerce du sel en Pays de Foix mériterait des approfondissements. Ainsi, qu’en est-il de ces interdictions faites aux habitants du Comté de Foix, en 1610 et 1612, d’user de sel d’Espagne (Arch. dép. de l’Hérault, B 31) ? G. Arnaud (Mémoire sur les Etats de Foix (1608-1789), Toulouse, Privat, 1904, p. 104) écrit-il : « Un privilège, qui ne fut jamais contesté, fut l’exemption de la gabelle. Mais les Etats [de Foix] eurent plus d’une fois l’occasion de le défendre » et de citer une affaire qui eut lieu en 1601-1604.

83 M. Chevalier, op. cit., p. 564.

84 La température doit être supérieure à 1 000-1 200° C.

85 M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, Fayard, 1997, p. 440.

86 M. Chevalier, op. cit., p. 564-565.

87 Ph. Wolff, Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450), Paris, Plon, 1954, p. 279.

88 L’Encyclopédie, art. « Lainerie » (la laine ainsi obtenue est la laine pelade ou pelhada) et art. « Chaux ».

89 Arch. dép. de l’Ariège, me J. Rolland, 5 E 674, 20/11/1650 et 5 E 675, 18/11/1651.

90 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 623, f° 260, me Ferrand, 11/12/1641.

91 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 637, f° 16, me Ferrand, 3/2/1657, Deux setiers de plâtre en poussière pour payer une jument ; nous devons cette référence à H. Ginesty, que nous remercions. P. Dardenne dans son Essai sur la statistique du département de l’Ariège composé en 1805, décrit, pour le tout début du xixe siècle, l’exploitation du plâtre à Bédeilhac : une fois extraites et transportées vers les fours à plâtre, les pierres étaient chauffées pendant 24 heures, à l’issue desquelles elles étaient concassées puis broyées par des meules pour être réduites en poussière.

92 Transaction chez me Barba, citée par H. Ruffié, Le minutier Barba, 1510-1513 (lecture et traduction), dactylographié, 1997, acte du 5/12/1512 ; le document précise que la canne sera payée 15 ardits à Vicdessos mais seulement 8 à Siguer, peut-être plus proche du lieu d’extraction ( ?) (il y avait une carrière d’extraction d’ardoises à Siguer au xixe siècle).

93 On a vu ce que disait l’intendant Lamoignon de Basville à la fin du xviie siècle : « On y voit [dans le diocèse de Mirepoix] aussi des mines de jais dans les terres de Léran et de Lavelanet » (Fr. Moreil, L’intendance de Languedoc à la fin du xviie siècle. Edition critique des mémoires « pour l’instruction du duc de Bourgogne », Paris, CTHS, 1985, p. 236).

94 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3256, f° 4, me P. Thournier, Chalabre, 4/2/1640.

95 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3291, f° 198, me Ph. Rieutord, Chalabre, 10/11/1650.

96 Mention d’achat de jayet brut ou travaillé dans la région de Castelnaudary par des Lyonnais, dans la première moitié du xvie siècle dans G. Larguier, « L’or blanc au pays de cocagne. Laine et pastel en Lauragais dans la première moitié du xvie siècle », Annales du Midi, octobredécembre 2001, p. 494.

97 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3302, f° 124, me Pressoires, Chalabre, 21/6/1667.

98 Le vendeur s’engage à le livrer à Carcassonne : y sera-t-il retiré par l’acheteur ?

99 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 664, f° 235v°, me Delauriol, Tarascon, 26/6/1662.

100 Voir F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin, 1987 (1re édition 1949), tome I, p. 25-26 qui donne des exemples méditerranéens de cet engouement.

101 Nous nous sommes appuyés pour cette description rapide sur J. Mallol Ferràndiz, « El comerç de la neu a Alacant al segle xviii : aspectes geogràfics », Afers, no 9, 1990, p. 89-100 et A. García Espuche, Un siglo decisivo. Barcelona y Catalunya, 1550-1640, Madrid, Alianza Editorial, 1998, p. 247-262.

102 On a retrouvé plusieurs noms de marchands savonniers.

103 Voir G. Caster, Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse, 1450-1561, Toulouse, Privat, 1962, p. 289-290. Toulouse achetait du savon à Limoux à 25 km de Chalabre.

104 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3261, f° 33, me P. Thournier, Chalabre, 6/7/1650. À cette date, le voiturier lui doit encore 96 livres 18 sols pour compte final.

105 Pour les définitions, nous renvoyons au glossaire placé en fin de volume.

106 Évocations de cette « industrie » dans H. Marcaillou d’Aymeric, op. cit., p. 184-185 ; M. Chevalier, op. cit., p. 598-599 ; Cl. Pailhès in Histoire de Foix et de la haute Ariège, Toulouse, Privat, 1996, p. 146 ; J. Bayle, « L’industrie dans la région de Mirepoix au xvie siècle », Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1999, p. 116-118.

107 J.-M. Minovez, L’impossible croissance en Midi Toulousain ?, Paris, Publisud, 1997, p. 120-122, d’après les séries F12 et G7 des Archives nationales de France et le manuscrit no 8037 de la BNF.

108 R. Descimon, « Structures d’un marché de draperie dans le Languedoc au milieu du xvie siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, novembre-décembre 1975, p. 1415.

109 Voir les ventes dans les minutes de me A. Manzos, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 445, 1590.

110 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 230v°, me G. Rolland, Tarascon, 5/10/1605.

111 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, f° 128, me Delauriol, 12/10/1661.

112 Cité par H. Marcaillou d’Aymeric, op. cit., p. 185, d’après délibération du Conseil politique du 11/8/1629.

113 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 252, me G. Rolland, Tarascon, 24/10/1605.

114 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 465, f° 151v° et 154, me G. Rolland, Tarascon.

115 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2305, me Dupérier, Ax, 18/8/1553, vente à Quérigut ; vente à un marchand de Villefranche-de-Lauragais, id., 29/1/1553 ; vente à un Fuxéen, id., 16/11/1583.

116 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 546, f° 101, me R. Rolland, Tarascon, 3/10/1615 ; il s’agit de cordelat teint dont le paiement est prévu à Toulouse à la Saint-André (30 novembre), jour de foire.

117 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 612, f° 132, me Gouzy, 22/4/1623 et 5 E 618, f° 263v°, me Gouzy, 29/4/1630. On trouve le même voiturier (Matali Delpech, de Ventenac, en Languedoc) achetant 48 cannes 1 pam de cordelats à Tarascon mais pour une destination que nous ne connaissons pas (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 546, f° 13, me R. Rolland, 24/1/1615).

118 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, f° 122, me Delauriol, 4/10/1661.

119 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3256, f° 4v°, me Pierre Thournier, 4/1/1640.

120 G. Larguier, op. cit., p. 607-609, 623-624.

121 Voir les tableaux des sorties des marchandises des foires de Narbonne entre 1587 et 1590 établis par G. Larguier, op. cit., p. 1281-1295.

122 G. Larguier, op. cit., p. 649.

123 Marchands de Savoie et du Maine, Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3302, f° 13, me Pressoires, Chalabre, 31/8/1667 ; le Savoyard avait déjà pris de la marchandise le 10/10/1666 à Chalabre ; la présence d’un marchand du Maine est aussi attestée de façon plus insolite à Siguer, le 4/1/1664 : le sieur Guillaume Arrousel, « marchand françois, de la ville de Labal, dans la Maine » achète des marchandises de la boutique d’un marchand local (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 342, me Jaille). G. Larguier, « L’or blanc au pays de cocagne… », art. cit., p. 493, signale des marchands de Laval, dans la première moitié du xvie siècle, dans la région de Castelnaudary où ils apportaient des toiles.

124 Les paiements sont prévus à trois des quatre foires de Lyon : Pâques, Août, Toussaint.

125 Arch. dép. de l’Aude, 3 E 3291, f° 162v°, me Ph. Rieutord, Chalabre, 20/10/1650 et 3 E 3223, f° 93, me P. Bonvespre, Chalabre, 17/5/1660.

126 C. Pont, Histoire de la terre privilégiée anciennement connue sous le nom de Pays de Kercorb, 1879, réédition, Rennes-le-Château, Philippe Schrauben Editeur, 1989, p. 201-208.

127 La seigneurie de Rivel aurait été acquise, par exemple, en janvier 1592, à faculté de rachat, de la famille de Joyeuse, pour 37 275 livres, puis définitivement en 1609.

128 Pour des développements plus importants sur ce commerce, nous renvoyons à notre étude, « Une mobilité marchande. Les marchands de Pontacq (Béarn) et le commerce des capes vers la Catalogne à l’époque moderne », communication au Congrès de la Fédération Historique de Midi-Pyrénées, Tarbes, juin 2005.

129 V. Lespy et P. Raymond, Dictionnaire, op. cit., article « capa ». Le mémoire de l’intendant Lebret date du début du xviiie siècle ; manuscrit du temps de Lespy, il a été publié en 1905-06 dans le Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau.

130 Par exemple, F. Brumont, « Des relations sans frontières : le commerce franco-navarrais au début du xviie siècle », Frontières, Paris, CTHS, 2002, p. 233-234.

131 C. Desplat, Pau et le Béarn au xviiie siècle, Biarritz, J. et D. Editions, 1992, p. 41.

132 La vente au détail est plus que discrète dans la documentation que nous utilisons. Toutefois, le 4/2/1620, le marchand de Tarascon Bertrand Mirouze vieux constitue son procureur pour aller à Alins (Vall Ferrera) afin de se faire payer d’une cape achetée par un habitant de la vallée (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 609, me Gouzy).

133 Pour la Narbonne du xviie siècle, Gilbert Larguier a aussi montré la présence des capes et des marchands de Pontacq, avec des pratiques ressemblant à celles que nous décrivons (G. Larguier, op. cit., p. 957).

134 Pour Ax, voir P. Poujade, « Marchands, commerce, frontière dans le haut Pays de Foix. La ville d’Ax au milieu du xviie siècle », p. 106-107, Identités méridionales, Paris, CTHS, 2003, où nous développons le cas de Jean Lavie, marchand capier de Pontacq, qui passa contrat le 25/4/1647 avec un habitant de la Tour de Carol lequel s’engageait à lui livrer, à Ax, 15 quintaux de laine surge alors que Lavie promettait, pour sa part, de lui livrer 100 capes.

135 En fait, une seule mention du 5/10/1674 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 698, me J. Rolland) quand David Durey vend 80 capes pour 320 livres à Joan Antoni Rossell, Andorran d’Ordino. G. Larguier (« Les échanges franco-catalans à la fin du xvie et dans la première moitié du xviie siècle », Circulation des marchandises, op. cit., p. 537) fait une remarque qui va dans le même sens que le nôtre lorsqu’il constate, au passage, la disparition des capes de Béarn passant par le Roussillon, après le traité des Pyrénées.

136 L’imprécision qui règne autour des marchandises caractérise aussi le commerce de gros avec l’Espagne des marchands toulousains du milieu du xvie siècle, étudiés par Francis Brumont dans son article « La géographie du commerce des draps à Toulouse au milieu du xvie siècle », Annales du Midi, no 236, octobre-décembre 2001, p. 506.

137 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2305, me Duperier, Ax., f° 13v° : 03/03/1553, dette de 100 ducats d’habitants de Meritxell (Andorre) à un marchand d’Ax pour des charges de toiles. La provenance de ces toiles n’est pas précisée.

138 O. Codina, « Productes i xarxes. », art. cit., p. 465-467.

139 Un Caldemaison est marchand à Ax dans les années 1660. Bertrand figure parmi les marchands les plus actifs au passage de Puigcerdà en 1663 ; selon les relevés d’E. Serra et M. A. Sanllehy, art. cit., du 15/07 au 31/12/1663, il serait passé et repassé 10 fois.

140 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 661, me Delauriol, Tarascon, f° 124v°, 7/10/1661.

141 À titre d’exemples, nous avons trouvé dans les archives notariales de Puigcerdà, conservées à l’Arxiu Històric Comarcal de la ville cerdane, un certain nombre de dettes contractées par des paysans capcinois ou cerdans auprès de boutiquiers de la ville « per roba presa » (pour étoffe prise ou pour vêtement pris), en particulier, dans les années 1640, auprès de Francesc, de Jaume ou de Pere Malla, « botiguerio pannorum et telarum ». Toutefois, nous ne pouvons préciser d’où proviennent ces produits textiles. Arxiu Històric Comarcal de Puigcerdà, fonds des notaires Francesc Degollada et Benet Cases.

142 S. Rovira i Gómez, « Els marxants occitans a Reus (1607-1620) », Actes del IV Congrés d’història moderna de Catalunya, Pedralbes, 1998, p. 186.

143 E. Jarque Martínez et J. A. Salas Auséns, « Pequeños comerciantes y buhoneros franceses en el Alto Aragón a fines del siglo XVIII », Circulation des marchandises, op. cit., p. 238.

144 Arch. dép. de l’Ariège, 1 B 11/237, 1682.

145 J. Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises, op. cit., p. 526.

146 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2393, f° 479 v°, me Tardieu, Ax, 16/1/1652.

147 Arch. dép. de l’Ariège, 1 B 4/81-83, 1675.

148 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 503, f° 101, me G. Rolland, 23/5/1652.

149 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 653, f° 33, me Delauriol, 13/2/1650.

150 J. Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises, op. cit., p. 541.

151 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2, me Authier, Ax, 12/11/1640.

152 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 655, f° 99v°, me Delauriol, Tarascon, 26/5/1652.

153 Ce fer viscay (ou biscay) était obtenu par les moulines à la « biscayenne » qui firent leur apparition dans les années 1560 en vallée de Saurat ; sa définition se heurte aux lacunes documentaires. On en trouve produit dans les moulines de Rabat ou d’Aston.

154 E. Barbe, Extraits des minutes de Me Claude de Grandmont, notaire à Vicdessos au xvie siècle, Foix, Topographie veuve Pomiès, 1900 ; E. Laval, « Les forges du pays de Foix et le commerce des fers au xviiie siècle », Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1929 ; J. Bonhôte, J. Cantelaube, C. Verna, « De la mouline à la forge à la catalane : six siècles de sidérurgie directe dans les Pyrénées ariégeoises (xiiie-xixe siècle) », Les hommes et leur patrimoine en Comminges, Saint-Gaudens, Société des Etudes du Comminges, 2000 ; J. Cantelaube, op. cit., p. 257-294.

155 Le massé (masser) est la masse de fer en fusion et de cristaux de fer obtenue dans le bas fourneau et destinée à être travaillée par le marteau hydraulique.

156 Vente de 9 quintaux de fer cedat (cedat de 3 ou 4 cedes) par Jean Lulhet, marchand d’Ax, à un marchand de Tarascon et de Pamiers, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 607, f° 249v°, me Gouzy, 3/10/1618.

157 J. Cantelaube, op. cit., p. 291.

158 Id., p. 291-292.

159 Toutefois, nous confirmons la valeur élevée du fer cedat qui s’échange à 6,66 livres le quintal dans le cas que nous avons trouvé lorsque le prix moyen du fer est d’environ 5,5 livres, soit 20 % de plus.

160 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 87 et f° 140, me G. Rolland, Tarascon, 11/4/1605 et 16/5/1605.

161 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 571, f° 5, me R. Rolland, Tarascon, 1/1/1641.

162 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 632, me Ferrand, f° 37, 5/3/1650 et f° 99v°, 11/5/1651.

163 J.-L. Ruffié, Une population de montagnards dans les tribulations de l’histoire. Le consulat de Vicdessos à l’orée du monde moderne, 1510-1710. Étude sociale, politique, religieuse, économique, Paris, EHESS, vers 2003, p. 777, note aussi la présence des Tarasconnais qui représentent environ les deux tiers des acheteurs directs du fer du Vicdessos ; plus du cinquième du fer est, en outre, acheté par des marchands de la vallée pour être revendu aux Tarasconnais, par qui passe finalement une grande proportion de la production (autour de 90 %).

164 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2, me Authier, 12/11/1640. Villeneuve de Montferrier, aujourd’hui Villeneuve d’Olmes, avait pourtant une forge.

165 Par exemple, achat de 478 livres 2 sols 6 deniers de fer par deux habitants de Prades, Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2390, f° 941v°, me Tardieu, 7/10/1641.

166 G. Larguier, op. cit., p. 823-824.

167 Il y a de très grandes fluctuations annuelles, mais une présence constante : par exemple, 5 quintaux en 1600 ou 26 en 1653 mais 2825,29 en 1630, 2991 en 1638 ou 2929,02 en 1682. Sur les volumes, voir G. Larguier, op. cit., annexe 15, p. 1326-1327.

168 Sur les destinations, voir G. Larguier, op. cit., annexes 8 à 12, p. 1281-1312.

169 J. Cantelaube, op. cit., p. 634 et 636.

170 F. Moreil, L’intendance de Languedoc, op. cit., p. 230. Basville écrit : « Elle [=la ville de Toulouse] a par la rivière de l’Arriège tout ce que produit le pays de Foix, le fer, l’acier et tout ce qu’il faut pour bâtir »).

171 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 488, me G. Rolland, Tarascon, 11/5/1635.

172 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 491, me G. Rolland, f° 163v° et 184, Tarascon, 15 et 30/9/1638.

173 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 584, me R. Rolland, Tarascon, 4/5/1654.

174 Arch. dép. de l’Ariège, 3 J 5.

175 Ce qui est dénoncé dans cette protestation est la concurrence déloyale de Laquière qui, en proposant plus que les autres, attire vers lui les muletiers et tente de se constituer un monopole pour le commerce des fers vers Toulouse. La pratique est d’autant plus mal vue qu’il la dissimule, frauduleusement, en inscrivant sur les billets de voiture 16 sous mais en donnant en réalité 18 sous 3 deniers par charge aux voituriers, pour le transport jusqu’à Auterive, où le fer est embarqué sur l’Ariège pour rejoindre Toulouse.

176 Gudas, situé en Languedoc à une dizaine de km au nord-est de Foix, est limitrophe de Ventenac d’où sont issus des voituriers ; ce Ville pourrait être un voiturier, mais le document ne le précise pas.

177 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 657, f° 43, me Delauriol, Tarascon, 4/3/1654. Un Antoine Tarabelle, marchand de Toulouse, achète du fer à Tarascon en 1606 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 511, f° 227, me S. Rolland, Tarascon, 4/10/1606) ; présence aussi d’un Antoine Tarabelle dit Gascot, marchand, comme témoin d’un acte concernant le commerce du fer en 1623 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 553, f° 92, me R. Rolland, Tarascon, 6/10/1623).

178 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 633, f° 187v°, me Ferrand, Tarascon, 30/10/1651.

179 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 467, f° 137v°, me G. Rolland, Tarascon, 9/10/1612 : référence à l’acte fait à Toulouse le 11/4/1582.

180 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 460, f° 229, me G. Rolland, 3/10/1605 ; la promesse de livraison aurait été faite le 5/9/1605 pour une livraison dans les trois semaines.

181 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 556, f° 26, me R. Rolland, 16/6/1626 et 5 E 558, f° 72, me R. Rolland, 12/7/1628.

182 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 649, f° 88v°, me Ferrand, Tarascon, 15/5/1670.

183 08/07/1541, échange de 2 quintaux de laine contre 4 quintaux de fer (dont la moitié fer « en verga », c’est-à-dire en rondin pour la fabrication de clous ou de fil de fer) entre un Pallarais d’Alins et un habitant de Vicdessos (Arch. dép. de l’Ariège, E 360, me Gramont, Vicdessos) ; 18/05/1557, un habitant de Canillo (Andorre) demande passeport au commis de la foraine pour faire entrer un demi quintal de fer en Andorre (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2305, me Duperier, Ax, f° 344v°).

184 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 578 ; à partir des travaux andorrans, cet auteur cite plusieurs exemples d’achats de fer effectués par des Andorrans de 1668 à 1691.

185 Il doit s’agir du propriétaire-fondateur de la forge de Canillo, associé ensuite avec Guillem Areny, d’Ordino, à la fin des années 1630 (O. Codina, « Productes i xarxes. », art. cit., note 12 p. 461).

186 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 652, me Delauriol, Tarascon, 13/05/1649, f° 67. Les 100 charges seront livrées chez l’acheteur au prix de 2 600 livres.

187 O. Codina, « Xarxes i productes. », art. cit, p. 459-460 et « Marchés sidérurgiques et forges : les espaces du fer andorran (1600-1876) », Annales du Midi, no 251, juillet-septembre 2005, p. 387-391. Ce commerce aurait duré jusqu’au milieu du xviie siècle.

188 J. Cantelaube, « Minerai de fer, charbon de bois et métal… », art. cit., p. 578.

189 Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 662, me Delauriol, Tarascon, 04/10/1663, f° 402v°. Il s’agit de fer « carrat long, carrat court de sept barres et plate de cinq », à 20 livres la charge, rendue à Tarascon. Nous ne sommes pas en mesure de localiser cette forge de Porteye (Portella ?), peutêtre Portè, dont une forme ancienne serait Portea, où il pouvait y avoir une forge au xviie siècle ; il y avait aussi une forge au hameau de Carol.

190 Mention de cet achat dans le testament de son père car Vidal Teynier acheta ce poisson avec les 1 650 livres que son père lui avait données pour acheter des capes, estimant peut-être que le poisson était plus prometteur que les capes (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 577, f° 60, me R. Rolland, Tarascon, testament de Mathieu Teynier, 4/2/1647).

191 G. Le Bouëdec, « Le cabotage sur la façade atlantique au xviiie siècle », La circulation des marchandises dans la France d’Ancien Régime, Paris, Comité pour l’Histoire économique et financière de la France, 1998, p. 55 et 59.

192 G. Caster, Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse de 1450 environ à 1561, Toulouse, Privat, 1962, p. 319-329.

193 Tarif de Tarascon, Arch. dép. de l’Ariège, 135 EDT/CC 6 et tarif du Donezan, Arch. dép. de l’Ariège, 1 J 662.

194 Par exemple, 18 quintaux de molue vendus par Rogièr Sabatier à un habitant d’Encamp (Andorre) le 14/05/1647 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2313, me Ferriol, Ax) ; vente pour 361 livres de congre à Jaume Marquell, marchand de Solsona le 05/04/1651 (Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 633, me P. Ferrand, Tarascon).

195 Affaire de vol de 0,5 quintal de congre au port de Siguer, par un Andorran, en 1675, à l’Arxiu Nacional d’Andorra, Arxiu de les Set Claus no 884, sentence du 31/08/1675 (publiée par D. Bascompte, Diplomatari op. cit., p. 320-322). L’exemple navarrais, développé à partir des registres des douanes par Francis Brumont, montre que le poisson, même frais, circule toute l’année, en particulier le congre (présent 9 mois de l’année) et la morue (10 mois sur 12). (F. Brumont, « Des relations sans frontières… », art. cit., p. 231-233).

196 Sardine salée.

197 J. M. Vidal i Guitart, Història d’Andorra, Barcelone, Antalbe, 1984, p. 77.

198 O. Codina, « Productes i xarxes. », art. cit., p. 465.

199 Voir, par exemple, G. Pérez Sarrión, « Emigrantes y traficantes entre Francia, Navarrra y Aragón en el siglo xviii », Circulation des marchandises, op. cit., p. 101-102 ; A. M. Azcona Guerra, Comercio y comerciantes en la Navarra del siglo xviii , Pampelune, Gobierno de Navarra, 1996, p. 220 ; A. Radeff, Du café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime (Suisse occidentale, Franche-Comté et Savoie), Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 1996, p. 237 ; A. Ferrer, « La circulation des marchandises de contrebande dans l’est de la France au xviiie siècle », La circulation des marchandises dans la France de l’Ancien Régime, op. cit., p. 85-101. Les livres interdits sont évoqués par A. Radeff et A. Ferrer pour le XVIIIe siècle ; pour un exemple pyrénéen du xvie siècle (en l’occurrence, 1568 et la saisie de 5 ou 7 livres « luthériens »), voir P. Poujade, « La Vall d’Aran i les fronteres al segle XVI », Afers, 1998, p. 151.

200 A. Radeff, op. cit, p. 236 et 242 ; pour les Pyrénées centrales modernes, voir C. Bourret, « La spécificité d’une zone frontalière : la contrebande en haut Couserans (xviie-xviiie-xixe siècles) », D’un versant à l’autre des Pyrénées, Saint-Girons, 1998, p. 207-223.

201 E. Serra et M. A. Sanllehy, « Comerç transpirinenc a Catalunya segons la documentació de la Generalitat de Catalunya (s. xvi-xvii) », Circulation des marchandises, op. cit., p. 473-522.

202 H. Lapeyre, Une famille de marchands : les Ruiz. Contribution à l’étude du commerce entre la France et l’Espagne au temps de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1955, p. 565.

203 Id. Sur l’industrie cartière dans la France moderne, voir E. Belmas, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne ( xvie- xviiie siècle), Seyssel, Champ Vallon, 2006, p. 243-286. À Toulouse, Gilles Caster signale l’existence, en 1518, de quinze maîtres cartiers, appelés naypiers, mot renvoyant au terme espagnol (naipe) désignant la carte à jouer ; l’utilisation du terme de naypier ne signifie pas, toutefois, qu’il y ait une obligatoire influence espagnole ; le terme de « naip » existait en occitan médiéval. Sur les problèmes posés par son origine – qui n’est pas sans incidence sur les relations avec la péninsule Ibérique – voir les propositions discutées par J. Coromines, Diccionnari etimològic i complementari de la llengua catalana, Barcelone, Curial, 1985, art. « naïp », p. 871-875.

204 Chaque jeu devait acquitter un droit de passage d’un sou catalan (E. Serra et M. A. Sanllehy, art. cit., p. 482).

205 Même chose, par exemple, en Aragon. J. I. Gómez Zorraquino, La burguesía mercantil en el Aragón de los siglos xvi y xvii (1516-1652), Saragosse, Diputación General de Aragón, 1987, p. 91.

206 Arch. dép. de l’Ariège, 135 EDT/CC6, Perpignan, 9/5/1732 et 1 J 323, selon déclaration du 25/5/1763, tarifs de Tarascon.

207 Arch. dép. de l’Ariège, 1 C 85.

208 C’est le cas de Tarascon-Ussat (1765 : 1 500 hab., 1806 : 1 541 hab.), Saverdun (1752 : 2 808 hab., 1806 : 2 993 hab.), Verniolle (1730 : 950 hab., 1806 : 1 071 hab.), etc., même si pour d’autres communautés, parmi les plus importantes, il y a des divergences (Ax : 1752 : 1 470 hab., 1806 : 1 773 hab. ; Foix : 1765 : 3 194 hab., 1806 : 3 959 hab. ; Pamiers : 1750 : 4 500 hab., 1806 : 6 125 hab. – il s’agit du cas le plus flagrant).

Table des illustrations

Titre Carte no 4. Localisation des mines, moulines et forges du haut Pays de Foix en amont de Tarascon, xvie et xviie siècles
Légende Nom des forges :1. Saurat(Esqueranes)2. Saurat (laMouline)3. Lhomet4. Lacombe5. Arignac6. Rabat7. Ferrasiels8. Allens9. Niaux10. Junac11. Miglos12. En Guinée13. Guilhe/ Gulhe14. La Vexanelle15. Cabre16. Pont d’Artiès17. Capounta 18. Ornac19. Costes dardès20. Pla de Magat21. Pla de Nisard22. Siguer24. Les Cabannes25. Château-Verdun26. Sigueilles27. Esclarans(dels Clarans)28. Riette29. Sirbal30. Les Galis31. Urs32. Luzenac33. Unac34. Tignac35. Perles /Castelet36. Savignac37. Ascou38. Orgeix39. Orlu40. Mérens41. Mérens42. L’Hospitalet
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/11118/img-1.jpg
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Titre Carte no 5. Capitation par tête en Pays de Foix vers le milieu du xviiie siècle (en livres)
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