1C’est à une relecture personnelle de l’ouvrage qu’invite le thème même de ce livre, à chercher à mieux mesurer son apport et ses choix fondamentaux à la date de sa publication, à mieux saisir une substance que les rééditions successives n’ont pas altérée1.

2Le livre est d’abord à parcourir comme un témoin de la situation des études sur l’Antiquité à la date de sa publication. Le choix de l’écrire soulève la question de l’utilité de l’Histoire ancienne, de son actualité, c’est-à-dire de l’aptitude d’une discipline à relier le présent au passé, à faire comprendre, par le retour à la source d’une culture toujours bien identifiée, et pourtant déjà lointaine, les enjeux profonds des débats en cours sur le thème concerné. Les rapports entre éducation et organisation militaire, le problème de l’« embrigadement » de la jeunesse et de ce qu’il implique sont ainsi placés au centre de la réflexion d’un historien qui ne sépare jamais Rome de la Grèce, conformément aux habitudes de l’époque.

3Peut-on affirmer, en outre, que, dans son travail, Marrou a cherché à « évacuer le politique » ? L’érudit et l’historien qu’il était alors n’aurait pu se résoudre à adopter un ton et un style de militant, ce qui ne veut pas dire qu’il a renoncé à ses convictions, ni qu’il ignorait l’influence de l’environnement qui était le sien sur l’interprétation inévitable qu’il fallait proposer, ni qu’il refusait les « leçons » de l’histoire. Il hésite certes à prononcer un jugement tranché sur le rôle que doit tenir le pouvoir dans l’éducation ; ce n’est que dans la mesure où l’empire romain semblait avoir suivi une voie raisonnable, adaptée aux conduites en vigueur. L’intervention de l’État est cependant jugée indispensable, mais à condition que son action se bornât à organiser et à mettre en place des institutions susceptibles de garantir un accès universel à la culture et à l’éducation dont la raison d’être et la parole sont synonymes d’attachement à la liberté.

4Comment comprendre alors le chapitre VIII2 sur l’État romain et l’éducation dans l’Histoire de l’éducation dans l’Antiquité ? C’est-à-dire comment lire une étude de l’intervention des pouvoirs politiques dans des questions qui touchaient à la formation des citoyens et à l’école ? La réponse appelle une analyse scrupuleuse du contenu de la démonstration, de sa contribution à une meilleure intelligibilité de l’histoire même de Rome. Mais le déchiffrement du texte ne peut pas faire abstraction de l’historien de métier, engagé et conscient de l’influence des choix personnels sur l’écriture de l’histoire, ni de l’enseignant féru de pédagogie.

UNE HISTOIRE ROMAINE

5Replacé dans la progression d’ensemble de l’ouvrage, le chapitre VIII3 se situe à la transition entre la description de l’épanouissement à Rome de l’héritage classique et l’époque de la lente adaptation chrétienne au système gréco-romain (l’expansion du christianisme n’a pas été synonyme de révolution pédagogique). Le propos est donc d’abord chronologique, décrit des étapes rythmées par les transformations politiques, culturelles et religieuses. Mais il n’est pas indifférent d’observer que la réflexion sur le rôle de l’État complète le chapitre précédent consacré à « l’œuvre éducatrice de Rome ». La formulation même souligne la volonté de réhabilitation. La mise en valeur des limites d’une action politique dans le domaine de l’éducation n’en prend que plus de relief. Rome fit mieux que remplacer Sparte !4

6Le contenu de la vingtaine de pages auxquelles correspond le chapitre ne se laisse pas résumer aisément, tant il est dense et nuancé. Plusieurs indices de l’intervention de l’État, de signification différente, sont décelables dans la documentation. Les collegia iuvenum, voulus par Auguste, inspirés de l’éphébie, mais aussi d’une tradition italique d’intégration de la jeunesse, tournés vers la célébration de cultes précis (Hercule, Mars, Diane) autant que vers l’éducation sportive et – surtout ensuite dans les provinces – militaire, manifestent l’intérêt des empereurs pour les problèmes des jeunes. La « politique scolaire » ne visait pas à organiser l’enseignement, ni à le rendre obligatoire. Les empereurs protégèrent par des exemptions fiscales les enseignants, non sans restrictions ni limitations. Ils créèrent à partir de Vespasien des chaires officielles (« d’État »), rémunérées par l’empereur5. Limitée à Rome au départ, l’initiative fut étendue à Athènes par Marc Aurèle. Les institutions alimentaires, inaugurées par Trajan en Italie, complètent, selon Marrou, les mesures recensées par une disposition favorable cette fois aux élèves. Quoi qu’il en soit, le pouvoir impérial se comportait en la matière en évergète, stimulant par son exemple des comportements identiques chez les élites : « Le Haut-Empire n’a pas connu une éducation nationale étatisée : l’œuvre de ces grands empereurs se projette toujours dans le contexte caractéristique de la civilisation hellénistique6.» Les cités ne furent pas en reste. Non seulement en Italie, mais aussi ailleurs en Occident et en Orient, les écoles municipales se multiplièrent et soulignèrent l’intérêt porté par les notables et le pouvoir romain à l’enseignement7. Toutefois, les enseignants protégés par les pouvoirs ne représentaient qu’une partie de l’éducation. Les maîtres exerçant pour leur propre compte, les précepteurs échappant à la nomination des empereurs et des cités indiquent la persistance de l’enseignement privé.

7L’« Empire libéral » fit place après la crise à une monarchie bureaucratique. S’il apparaît démontré, selon une idée alors à contre-courant, que les empereurs-soldats ne se détournèrent pas de la culture et que le Bas-Empire sut conserver intact le prestige de la culture classique, l’intervention de l’État se fit plus pressante et trouva son aboutissement dans la création d’une Université d’État à Constantinople en 4258. Les professeurs renommés furent plus que jamais sollicités, comme ils l’avaient été dans le passé, pour être les précepteurs des princes. Que cela ait été ou non le cas, beaucoup étaient récompensés par des fonctions élevées (consulat, préfecture du prétoire, archonte-proconsul de Constantinople). Défenseur naturel de la culture, l’empereur du Bas-Empire9 avait aussi en vue l’intérêt de l’administration. L’éducation ouvrait la porte des hautes charges et à l’échelon inférieur la maîtrise de la sténographie et de la tachygraphie offrait la perspective d’une carrière remplie que reflète l’importance des notaires, c’est-à-dire des experts en prise de notes, travaillant dans le secret du conseil impérial. Mise au service du pouvoir étatique, l’éducation antique renforcée par l’action de Rome avait engendré une « culture de scribes10 ».

8La trame événementielle sert de support à la révision de quelques idées reçues. Deux points me paraissent fondamentaux et se rattachent à la démonstration d’ensemble du livre : d’une part, la remise en question de l’image de Rome et de son attitude par rapport à la culture ; d’autre part, la délimitation de l’action du pouvoir central. L’idée a priori surprenante que l’empire a représenté une phase plus décisive pour la culture et l’éducation que la république est au cœur du chapitre. Elle fait écho à la notion de continuité gréco-hellénistique et à l’affirmation de la faible influence de Cicéron, y compris dans le domaine de l’éloquence : « Sous l’Empire, Rome, en quelque sorte rattrape son retard et tend à se conformer aux normes en vigueur dans le monde grec11.» Venant après « l’archaïsme relatif des institutions romaines par rapport au monde hellénistique12 », la remarque autorise à créditer le pouvoir impérial d’une certaine modernité. La culture fut mise au service de la société par l’intermédiaire de l’État soucieux de recruter des agents rompus à l’art de bien penser et de bien écrire et capables de montrer l’exemple. La critique est évidente : « La culture romaine, greffe de l’hellénisme tardif, avait toujours été un peu « scolaire » : ce caractère n’a pu que se renforcer avec le temps13.» Ni techniques, ni désintéressées, l’éducation et la culture portaient la marque de l’État. Mais, au moins sous l’Empire, les Romains avaient su tourner le dos à leur rusticité et à leur goût prononcé de la chose militaire pour « enraciner » leur civilisation dans l’héritage grec et hellénistique14. Cela ne signifiait pas abandonner toute forme de fidélité à la tradition latine.

9« Pour une part, l’originalité romaine, vis-à-vis de la Grèce, est faite de cet archaïsme rémanent. Rome ne s’affranchira jamais tout à fait de l’idéal collectif qui consacre l’individu à l’État ; elle ne consentira jamais à y renoncer, même quand l’évolution des mœurs s’en sera éloignée ; elle s’y reportera sans cesse avec nostalgie, s’efforcera périodiquement d’y revenir15 …» C’est une des clés de l’attitude de l’État du iv^e siècle après J.-C. et en particulier de l’empereur Julien en réaction contre le christianisme16. Mais l’intervention même de l’État ne doit pas être confondue avec une volonté de contrôle absolu des activités consacrées à l’éducation et à la culture. C’est évident à l’époque de l’empire libéral. Les empereurs se comportèrent alors en épigones des rois hellénistiques évergètes et mécènes. Quand, plus tard, il s’agit de servir l’intérêt d’une institution utile à l’État, l’emprise fut plus forte, mais les motivations restèrent légitimes, à savoir préserver l’école et la culture : « Il y a là beaucoup plus qu’un effet du développement général de la mainmise de l’État sur toutes les manifestations de l’activité publique, mais bien une vigilance particulière, une sollicitude voulue17.» Les derniers mots, qui illustrent la parfaite maîtrise de la rhétorique dont l’auteur savait faire la preuve (la formule introduit à la défense de la culture au Bas-Empire), limitent la portée d’une mise en tutelle présentée comme bureaucratique. C’est moins l’État qui est ici en question. L’historien de l’éducation et de la culture se place déjà à contre-courant de la communis opinio qui s’en tenait à la décadence et au déclin irrémédiable de la civilisation romaine dans l’ultime période18.

10Le caractère novateur et vivant du livre est mis en évidence par les brèves remarques qui précèdent. Le travail s’inscrit dans une recherche critique sur Rome et son rôle historique. Le point de vue s’affranchit d’un certain nombre de préjugés dans un domaine où aucune synthèse comparable n’existait alors. Ce constat, allié au fait que Marrou privilégie surtout le terrain des institutions et de leur fonctionnement, montre qu’il s’agissait de contribuer à une histoire des politiques éducatives rythmée par les grandes évolutions de la culture et de sa conservation. L’historien chrétien tente de comprendre objectivement dans quelles conditions et sur quelles bases l’Église fut mise en situation de reprendre le flambeau.

ÉTAT ROMAIN ET HISTOIRE AU PRÉSENT

11Spécialiste de Rome, Marrou était inévitablement tributaire d’un état donné de la science historique relative à l’époque romaine19. Soucieux de progrès scientifique (une meilleure compréhension des documents fondée sur une érudition exhaustive), il ne prétendait pas apporter une réponse définitive aux questions soulevées. Il pensait en outre que « l’œuvre ressentie comme la plus personnelle sera souvent celle où, sans qu’il l’ait prévu, l’historien, cherchant la solution de son problème, répondra en fait à la question qui importait le plus aux hommes de son temps20 ». Extérieur, comme de nombreux historiens de l’Antiquité, à l’école fondée par M. Bloch et L. Febvre21, il en connaissait les apports, et l’Histoire de l’éducation pouvait apparaître comme un souci partagé de chercher dans la longue durée la signification profonde des évolutions historiques. Pour l’historien de l’Antiquité, il est vrai, le recours à l’analyse séculaire ou pluriséculaire des phénomènes sociaux, culturels, politiques ou religieux, parfois par la force des choses, était (et reste) une pratique ordinaire et indispensable à la mise en évidence des changements et des permanences.

12Un regard sur la bibliographie, mise à jour jusqu’à l’édition de 1975, montre que le discours n’a guère été modifié profondément sur le fond et que tout ou presque était à faire sur l’État romain et l’éducation en 1948. La base n’était constituée que par le travail de l’Italien Barbagallo, paru en 191122, fondé, comme le dit Marrou, sur un contresens : Barbagallo voyait en effet dans le procurateur a studiis – dont on sait bien depuis Hirschfeld qu’il était chargé des recherches préparatoires à la confection des dossiers soumis à l’empereur – un véritable ministre de l’Éducation nationale23. S’il ne s’attarde pas sur le contresens qu’il a l’indulgence d’excuser, Marrou s’efforce en revanche, nous l’avons vu, de réagir contre l’idée d’une politique scolaire centralisée et étatisée. C’est aussi par l’actualité des débats au sein de la corporation qu’il convient d’expliquer le développement sur les collèges de jeunes24 et la brève note sur les alimenta de Trajan. Pour le reste, l’histoire de l’empire que le chapitre véhicule est tributaire des conceptions dominantes parmi les romanistes. L’empire libéral a vécu tant que les cités ont pu préserver leur autonomie. La crise du III^e s. a aggravé les tendances autoritaires et le contrôle par l’administration des communautés locales qui a eu raison de leur liberté. Mais la culture échappait en partie à l’histoire politique.

13L’État romain n’est pas défini, ce qui ne saurait étonner dans un ouvrage de synthèse destiné à un public plus large que celui des spécialistes. Certaines incidentes indiquent que Marrou suit les révisions en cours de la doctrine mommsénienne et des excès de juridisme qui la caractérisaient. Auguste est présenté comme un privatus cum imperio, doté de l’auctoritas autrefois apanage du sénat25. L’empereur du iv^e siècle est censé incarner l’intérêt collectif26. Il est cependant difficile de hasarder une interprétation précise, car ni le livre, ni la bibliographie ne permettent de savoir jusqu’à quel point la question de la forme et de la nature de l’État romain était essentielle pour l’histoire de l’éducation. L’historiographie n’a posé que récemment la question de la validité même du concept d’État pour une construction politique telle que l’Empire romain27. S’il est évident que le pouvoir impérial romain ne disposait pas d’une constitution et n’était pas établi, y compris sous Auguste, sur une délégation issue du peuple (imperium et potestas), il est contestable de le réduire à une monarchie personnelle de type despotique. Sans doute privé des légitimations théoriques modernes de la souveraineté et d’instruments très développés de gouvernement, l’État romain monarchique disposait néanmoins d’une administration stable et efficace, d’archives28, d’un droit et d’une justice, de moyens financiers et militaires qui lui permettaient de préserver les intérêts des citoyens romains dans leur ensemble, de veiller au maintien de l’unité impériale et d’user d’un pouvoir de contrainte légale. Il suffit à Marrou qu’ait existé une puissance publique quelle qu’elle fût, distincte des intérêts privés au sens où Aristote définissait la communauté politique.

14En revanche, l’action de l’État et ses manifestations posent un problème plus essentiel aux yeux de Marrou qui ne peut s’empêcher d’y voir à certaines époques de l’évolution impériale la réapparition de ce qu’il appelle clairement l’idéal totalitaire, « le vieil idéal collectif qui consacre l’individu à l’État29.» Peu importe qu’il pense ou non directement aux persécutions de Dioclétien. Le vocabulaire rapproche la réflexion de l’historien des réalités contemporaines et indique que l’avènement des fascismes et des socialismes avec les conséquences tragiques que l’on sait ne peut pas laisser le spécialiste de Rome antique à l’écart des préoccupations et des conflits du présent. On sait bien qu’en 1939, R. Syme avait, dans sa Révolution romaine, joué habilement de la comparaison non dite entre Mussolini et Octave devenu Auguste30. Mais, à lire Marrou, l’État romain le plus autoritaire n’a jamais cherché à diriger l’activité scolaire et intellectuelle des citoyens, ni à instaurer une politique de formation ni d’embrigadement idéologique de la jeunesse31. Quand Auguste entreprit de rétablir l’État et la société, il favorisa les collèges de jeunes, mais en s’appuyant sur des traditions italiques autant que grecques et en limitant leur recrutement et leur rôle. Tout parallèle avec les organisations allemandes, italiennes ou communistes semble nul et non avenu. À l’autre bout de la chaîne chronologique, l’empire tardif, comme on dit aujourd’hui à la suite de Marrou parmi d’autres, est distingué des régimes bureaucratiques et technocratiques, ne serait-ce qu’en raison du dédain pour la technicité que manifestait l’éducation antique32.

15Le vocabulaire utilisé achève d’éclairer le dialogue entre l’historien et son temps. Il n’est pas seulement question de pédagogie à l’adresse du lecteur, bien qu’il faille tenir compte du souci constant de se mettre à la portée d’un esprit curieux peu familier des controverses et des débats spécialisés visant à dessiner un monde romain éloigné des réalités qui lui étaient familières. L’exemple des chaires d’État instituées par Vespasien en est une bonne illustration. Marrou traduit33 en effet l’expression e fisco latinis graecisque rhetoribus annua centena constituit de Suétone, Vesp., 18, par « établit des chaires officielles etc. », évoquant immédiatement le système universitaire et sa dépendance à l’égard de la bonne volonté des maîtres du pouvoir34. C’est aussi de façon intentionnelle que sont utilisés des termes tels que « vie parlementaire35 », « service d’intérêt public36 », « enseignement privé37 » ou « enseignement technique38 ». L’idée même, déjà évoquée, d’une culture romaine qui demeura toujours un peu « scolaire » fait écho à une réflexion large et contemporaine. Derrière tous ces mots s’ébauche en effet un questionnaire d’historien citoyen sur les vertus du système d’éducation, sur ses relations avec la culture, sur les responsabilités de l’État et des communautés dans la formation et l’éducation de la jeunesse. En s’intéressant à l’éducation antique et à son originalité romaine, Marrou s’interrogeait sur le progrès humain par la connaissance et réaffirmait la primauté de l’éducation et de la culture dans le contexte des institutions publiques dont il souligne le rôle tout en désignant les risques et les dangers. La culture antique était restée une « culture d’essence aristocratique », réservée à une élite39. L’accès du plus grand nombre à l’école et à la culture n’avait jamais préoccupé vraiment les autorités grecques ou romaines. Mais, sans l’État impérial, le destin historique de la culture antique n’aurait pas été ce qu’il fut.

16L’analyse dans l’ouvrage de Marrou de la relation qu’entretiennent le passé et le présent dans le travail de l’historien témoigne d’une conception personnelle et nuancée de l’utilité de l’histoire ancienne qui n’est pas différente de celle de l’histoire en général et fonde son actualité. Tout simplement, elle est une composante de l’héritage présent, enracinement et prise de conscience des autres et de soi-même dans la relativité des expériences et de la connaissance que l’on peut en avoir. Marrou, citoyen engagé, met en lumière, par une réflexion dans la longue durée sur l’histoire de l’éducation antique, ce qui unissait étroitement christianisme et paideia40, expérience religieuse et humanisme. La « transmission des héritages » définit au fond l’idée maîtresse d’une démonstration d’historien.

17Un livre érudit et novateur, mais aussi marqué par la culture et l’historiographie de son temps, telle était l’Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. Ce n’est rien ôter aux mérites de l’ouvrage que de reconnaître certaines limites dues à l’ambition même du projet, ni que de constater des lacunes, des insuffisances apparues avec les progrès du travail de recherche accompli dans son sillage. À dire vrai, on attend toujours une synthèse qui puisse le remplacer. Ce n’est sans doute pas un hasard. Les approches, comme on dit, ont changé, et la vie scolaire a cédé la place en histoire romaine à l’alphabétisation et à l’illettrisme, à la famille et à l’individu, à la vie privée ou à l’étude sociale41. Restent la méthode et la leçon d’histoire au meilleur sens du terme42. La réflexion savante et libre à la fois sur le rôle de l’État (indépendamment de l’évolution des conceptions des spécialistes dans ce domaine depuis une cinquantaine d’années) m’a paru pour cela exemplaire43 tant elle imbrique profondément le passé et le présent pour mieux faire vivre l’un et l’autre.