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Hommes et sociétés, dans l’Europe de l’an mil

 | 
Pierre Bonnassie
, 
Pierre Toubert

a) Culture et religion

Les modèles hagiographiques de l’An Mil

Patrick Corbet

Texte intégral

  • 1 Biographie und Epochenstyl im lateinischen Mittelalter, IV. Ottonische Biographie. Das hohe Mittel (...)
  • 2 Voir l’important tableau dressé pour la France par F. Dolbeau, « Les travaux français sur l’hagiog (...)

1Vouloir rendre compte en quelques pages des modèles hagiographiques du siècle de l’An Mil est sans doute une gageure. La première difficulté tient à l ‘ abondance de la production de biographies entre 950 et 1050, époque de hautes eaux pour ce genre littéraire qui renoue alors, selon W. Berschin1, avec son caractère dominant des temps mérovingiens. Espérer connaître l’ensemble de la documentation est illusoire, et des textes significatifs peuvent avoir échappé à l’analyse, même en limitant celle-ci à l’Empire et au royaume de France. Un second problème tient à la multiplication des études, liée à l’intérêt croissant pour l’hagiographie depuis deux à trois décennies2. Pour toutes ces raisons, cet article n’entend être qu’un essai, où, parmi les références, seront privilégiées, d’une part, les études classiques, notamment allemandes, et, de l’autre, les parutions des toutes dernières années.

  • 3 La formule (ou celle de modèle de sainteté) figure dans les titres suivants (liste non exhaustive) (...)
  • 4 Par exemple dans le cas de saint Christophe, évoqué par D. Rigaux, « Une image pour la route. L’ic (...)
  • 5 Les structures du Latium médiéval, Rome, Ecole française, 1973 (réimp. 1993), t. II, p. 806-840. P (...)
  • 6 Cette option rejoint aussi les formules utilisées par G. Philippart (« Le saint comme parure de Di (...)

2Il est un autre écueil, qui tient au concept de modèle hagiographique, largement utilisé3, mais dans des acceptions variées. C’est qu’il n’est guère de sainteté mise en littérature qui ne vise au progrès spirituel et moral de son auditeur ou de son lecteur. On a à bon droit parlé de modèle pour des figures de la sainteté chrétienne proposant des leçons de vertu très générales et même inscrites dans un contexte purement mythique4. Dans cette perspective, toute la production de vies de saints à notre période aurait pu être convoquée. Mais l’intérêt de l’exercice eut été limité. Nous avons donc pris ici la formule dans le sens choisi par P. Toubert, étudiant dans sa thèse classique le modèle hagiographique de l’évêque grégorien du xiie siècle5. Au-delà des particularités – bien réelles – de chaque vita analysée, l’historien du Latium dégageait un ensemble articulé de prescriptions proposées aux prélats contemporains. À sa suite, nous ne retiendrons ici que des textes à ambition programmatique, formulant des « manières de guide et de règle » (D. Iogna-Prat), situant leur héros dans des cadres institutionnels, statutaires essentiels à l’époque considérée et évoquant des attitudes et des décisions concrètes6.

  • 7 Sur les réécritures des xe-xie siècles, remarques de F. Dolbeau (n. 2), p. 67 et n. 138 (cas de Be (...)

3Toutefois, on s’est permis une limitation, qui consistait à ne s’attacher qu’à des saints ayant vécu dans le siècle en question, en éliminant donc des traditions émergeant tardivement ou encore réanimées à cette date, notamment par des réécritures7. Une réflexion de plus grande ampleur se devrait de prendre en compte de tels documents, mais le choix de personnalités des xe-xie siècles a cet avantage de faire ressortir nettement les observations.

  • 8 Das Heiligenleben im X. Jahrhundert, Leipzig, 1908. Voir la commode liste des textes examinés qui (...)

4Entrons dans le vif du sujet : quels furent entre 950 et 1050 les modèles hagiographiques proposés à la société chrétienne ? Le livre de L. Zoepf8, pris ici pour point de départ, a paru montrer que la production de modèles « réalistes » caractérise un espace politique, celui de l’Empire germanique. Quant à l’hagiographie du royaume de Francie occidentale, elle est plus rarement caractérisée par une orientation pastorale et ses tentatives sur ce terrain ne sont point dépourvues d’ambiguïté. C’est cette distinction géographique qui servira de base à l’exposé.

L’EMPIRE

Les vies des évêques d’Empire

  • 9 Sur ceux-ci, les derniers chapitres d’I. Wood, The missionary life. Saints and the evangelisation (...)

5La liste des vitae étudiées par Zoepf permet d’abord de vérifier une impression : la catégorie dominante vers l’An Mil est celle de l’hagiographie épiscopale. Sur les 34 vies répertoriées, 21 sont des biographies d’évêques et, parmi elles, 17 concernent les saints prélats d’Empire. Les quatre autres sont anglaises (Dunstan, Aethelwold) ou relatives à des figures de missionnaires (Adalbert de Prague, Brunon de Querfurt9), importantes, mais que nous laisserons à l’écart de l’étude. Face à cet ensemble apparaît un groupe de vitae abbatiales, au nombre de huit. Les autres catégories sont statistiquement faibles : deux vies de souveraines, deux vies d’abbesses, une vie d’ermite… Ces chiffres sont peut-être discutables : Zoepf a omis certains textes, notamment du côté français (la vita Roberti regis d’Helgaud, la vita Geraldi Auriliacensis, des œuvres clunisiennes). Mais il n’a pas non plus retenu la vie de Léon IX ou des biographies un peu tardives de prélats ottoniens (comme celle de Thierry Ier de Metz par Sigebert de Gembloux). Au total, les ordres de grandeur restent valides, et l’idée s’impose selon laquelle les vies d’évêques et spécialement de prélats impériaux écrasent les autres groupes.

  • 10 Cf. aussi sur ce point les remarques brèves, mais bien venues d’A. Vauchez, La sainteté en Occiden (...)
  • 11 G. Althoff, « Causa scribendi und Darstellungsabsicht : Die Lebensbeschreibungen der Königin Mathi (...)

6Ces œuvres ont-elles un caractère programmatique10 ? Visent-elles à proposer des exemples de comportement et d’actions ? La réponse est positive. Certes, on ne méconnaîtra pas une récente avancée de la recherche sur les biographies d’Empire. Les travaux de G. Althoff et St. Coué sur la causa scribendi de plusieurs textes ont montré qu’il y avait intérêt à connaître la conjoncture fine, les circonstances précises et les lieux de rédaction des œuvres11. Mais cet éclairage ne fournit qu’un apport second, tant il existe à propos des vitae épiscopales ottoniennes-saliennes un phénomène de série, caractérisé par l’existence d’un prototype, la vita Brunonis archiepiscopi Coloniensis du moine Ruotger de Saint-Pantaléon de Cologne, datée de 967. Avec lui se met en place un schéma longtemps en vigueur.

  • 12 Fr. Lotter, Die Vita Brunonis des Ruotger. Ihre historiographische und ideengeschichtliche Stellun (...)
  • 13 Rappelons que Brunon est mort en 965. Sur cet aspect, cf. Berschin, Biographie, p. 70. Même immédi (...)

7Arrêtons-nous un instant sur ce texte fameux et bien étudié12. On y trouve d’abord une définition renouvelée de la fonction épiscopale, vue comme un sacerdoce royal (regale sacerdotium) associant les devoirs spirituels et les obligations temporelles, celles-ci dirigées vers la pacification de la société menée aux côtés du pouvoir impérial et vers la réforme du clergé et du laïcat. L’action de l’évêque s’inscrit dans une double direction, intus et foris, selon une terminologie grégorienne repensée, puisque les exteriora sont désormais le maintien de l’ordre, la paix et la justice. L’idéal de la vita activa, l’engagement dans le siècle, est au cœur des devoirs du prélat du xe siècle. Associées à deux autres traits marquants, l’immédiateté de la rédaction du texte par rapport au décès du héros13 et la rareté des miracles qui lui sont prêtés, ces définitions vont marquer le modèle de la biographie épiscopale ottonienne.

  • 14 Das Bild des geistlichen Fürsten in den Viten des 10., 11., 12. Jahrhunderts, Berlin, 1935.
  • 15 Bel exemple dans la vita de saint Gérard de Toul par Werri, c. 3, MGH, SS, IV, 486 sq.
  • 16 Cf. W. Giese, « Zur Bautätigkeit von Bischöfen und Äbten des 10. bis 12. Jahrhundert », dans Deuts (...)

8En effet, comme l’a montré O. Köhler14, la démonstration de la vita Brunonis est la base des textes épiscopaux qui développent des schémas biographiques à peu près constants, dont le premier stade est bien connu : une naissance au sein d’une famille de la noblesse ; des études soignées auprès d’un évêque ; un passage à la Cour royale dans le cadre de la Hofkapelle ; une élection épiscopale où le rôle prépondérant, sinon unique, de la décision royale est soigneusement masqué derrière l’approbation unanime du clerus et populus local15. L’action à la tête du diocèse n’est pas moins soumise à des directives très stables : réforme du clergé ; reconstruction des églises et des cités16 ; amplification des trésors ecclésiastiques ; moralisation des mœurs ; souci de la paix et répression des désordres au bénéfice de l’État. À cela correspond un permanent système de vertus, qui associe une charité agissante envers les démunis, la combinaison de la dignitas du prélat avec l’humilitas du chrétien, enfin l’acceptation de la souffrance de celui qui lutte pour la justice au milieu des ennemis.

  • 17 Cf. J. Laudage, Priesterbild und Reformpapsttum im 11. Jahrhundert, Cologne-Vienne, 1984 et O. Eng (...)

9Ce modèle s’enrichit au xie siècle du phénomène important qu’est la sacerdotalisation de la figure épiscopale, marquée par les obligations sacramentelles et liturgiques, ainsi que par l’insistance sur les devoirs pastoraux des prélats17. Parvenue à ce point, l’hagiographie épiscopale ottonienne-salienne n’est plus très éloignée – sauf ce qui concerne l’allégeance à la royauté – du modèle des évêques grégoriens dégagé par P. Toubert.

10Ainsi peut se présenter à grands traits cette hagiographie épiscopale d’Empire dont les tendances sont confirmées par d’autres œuvres du temps, histoires, chroniques (comme celle de Thietmar de Mersebourg), gesta episcoporum surtout. Mais peut-on rapprocher de cet ensemble d’autres groupes de textes hagiographiques ?

Avancées hagiographiques autour des biographies épiscopales

  • 18 Édition et traduction récente de M. Parisse, La vie de Jean, abbé de Gorze, Paris, 1999.
  • 19 G. Barone, « Jean de Gorze, moine bénédictin », L’abbaye de Gorze au xe siècle, éd. M. Parisse et (...)

11Les premiers textes de la série et spécialement la vita Brunonis de Ruotger semblent s’inscrire dans un mouvement lotharingien qui a produit d’autres vies exemplaires et notamment un modèle monastique représenté par la vita Johannis Gorziensis (+ 974) de Jean de Saint-Arnoul (vers 980)18. Selon l’exégèse de G. Barone, on est là en présence d’un speculum monachorum à l’usage des religieux gorziens, fondé sur la règle de saint Benoît et illustré de détails nombreux et concrets, et aussi pauvre en miracles19. Cette tendance, dit le même auteur, se retrouve dans un texte non-lotharingien, la vita d’Odon de Cluny par Jean de Salerne (vers 945) et paraît caractéristique du xe siècle.

  • 20 F. Graus, Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger, Prague, 1965 ; R. Folz, Les saints (...)
  • 21 Vita Mahthildis posterior, éd. B. Schütte, Die Lebensbeschreibungen der Königin Mathilde, mgh ss r (...)

12On est surtout tenté d’attribuer à la littérature d’Empire les avancées remarquables de l’An Mil en matière de sainteté royale. Avant nos propres recherches, le fait a été exploré par F. Graus, R. Folz et L. Bornscheuer20. On sait à présent que l’époque considérée voit la fin de l’antinomie entre royauté et sainteté. Une série de vitae menée par la première vie de sainte Mathilde, reine de Germanie (+ 968), affirme la compatibilité entre fonction royale et vie chrétienne authentique. La démonstration est d’abord conduite relativement à des reines, pour lesquelles il n’est plus question d’une période de vie monastique décrite comme décisive dans l’équation de sainteté. Celle-ci est acquise par la vertu fondamentale de l’humilité, vue comme refus de l’orgueil né de la dignité terrestre, par l’exercice de la charité et par le soutien aux maisons religieuses. Avec le grand texte, écrit vers 1002, qu’est la vita Mathildis posterior (qui comprend aussi un portrait synthétique du saint évêque, en la personne de Brunon de Cologne, fils de la reine21), l’évolution atteint son point d’achèvement : le type du souverain confesseur est forgé.

  • 22 Pour une analyse détaillée de ce texte, Corbet, Les saints ottoniens (n.12), IIIe partie, p. 155-2 (...)
  • 23 Nous avons, parallèlement à H. Platelle et dom Jean Leclercq (voir leurs articles dans La femme au (...)

13Le fait est connu. On ajoutera à partir du même texte que les clercs de la Reichskirche ont su affirmer un modèle de sainteté nouveau, celui d’une perfection acquise dans le mariage et la vie familiale. La vita Mathildis posterior développe un triple portrait22. Celui de la sainte mère, aimante et dévouée pour ses enfants, sensible à leur présence, attentive à leur concorde. L’image maternelle est d’ailleurs dominante dans cette œuvre qui ignore le type traditionnel de la virago. Celui, plus hardi encore, de la sainte épouse, unie à son mari par des liens d’amour, de confiance mutuelle et de collaboration dans la vie religieuse. Ajoutons aussi l’absence de pudibonderie dans l’évocation des relations charnelles, définies grâce au terme de castitas conjugalis comme un exercice sain et sans déviation de la sexualité. Quant au portrait de la sainte veuve, il est loin, avec la reine de Germanie, de se conformer aux schémas du haut Moyen Âge, qui hors du cloître ne voyaient point de salut pour les épouses privées de leur compagnon. Mathilde reste dans sa famille (ou non loin d’elle, dans des établissements religieux qu’elle contrôle et surveille sans être abbesse) et surtout, par le moyen des suffrages (prières, aumônes, messes…), demeure « la gardienne aimante de l’âme de son mari défunt »23.

  • 24 Au stade de la vita Mathildis posterior, on n’est pas si loin d’une « éthique de la vie ordinaire  (...)

14La deuxième vie de sainte Mathilde constitue un modèle de comportement offert aux femmes de la maison royale et de l’aristocratie24. Sa visée est confirmée par des œuvres contemporaines comme la chronique de Thietmar de Mersebourg, qui montre que les dominae nobles vivaient dans un cadre où pouvaient s’appliquer ces prescriptions. Mais on soulignera surtout, à la fin de cette première partie, combien un tel modèle est consonant avec les vitae épiscopales, elles aussi inspirées par la préoccupation pastorale, le souci du siècle, la valorisation du temporel, la christianisation de la société.

  • 25 P. Toubert, La théorie du mariage chez les moralistes carolingiens, Il matrimonio nella societa al (...)

15Voilà pourquoi il paraît loisible de distinguer une hagiographie pastorale ottonienne-salienne, cohérente, construisant des modèles clairs et opérationnels et située dans la continuité des tendances du ixe siècle, celles du moralisme carolingien et de l’application des devoirs d’état25. En face de cet ensemble, émanation évidente de l’Église impériale et de ses grands prélats, qu’observe-t-on dans le royaume de France ?

LE ROYAUME DE FRANCE

  • 26 Pour la moitié sud de cet espace, synthèse de P. Bonnassie, P.A. Sigal et D. Iogna-Prat, « La Gall (...)
  • 27 « König und Bischöfe in Frankreich und im Deutschen Reich 936-1060 », dans Bischof Burchard von Wo (...)
  • 28 André de Fleury, Vie de Gauzlin, abbé de Fleury, éd. R.H. Bautier et G. Labory, Paris (Sources d’h (...)
  • 29 Cf. Hoffmann, art. cité n. 27, p. 84, qui souligne la minceur des données sur la carrière épiscopa (...)

16La situation y apparaît d’emblée différente26. Une première constatation vient d’être réaffirmée par H. Hoffmann27 : « Unter den erzählenden Quellen gibt es eine Gattung, die im Frankreich des 10. und des frühen 11. Jahrhunderts – anders als im Deutschen Reich – fast gar nicht vorhanden ist : nämlich die Bischofsvita. » Une hagiographie épiscopale comparable à celle de l’Empire est inexistante en Francie occidentale. Les sanctifications d’évêques sont exceptionnelles et les textes bio-hagiographiques rares. Même les contre-exemples se révèlent significatifs : la vita de Gauzlin (+ 1030), archevêque de Bourges, rédigée peu après 1040 par André de Fleury28, s’interprête comme une vie d’abbé plutôt que comme celle d’un chef de diocèse29.

  • 30 Chronique ou livre de fondation du monastère de Mouzon, éd. et trad. M. Bur, Paris, Sources d’hist (...)
  • 31 M. Bur, éd. citée, p. 112-115.
  • 32 Cf. H.H. Anton, « Zum politischen Konzept karolingischer Synoden und zur karolingischen Brüdergeme (...)

17Soulignons aussi combien les tendances ottoniennes ne se repèrent pas dans les régions où elles auraient pu inspirer les hagiographes : dans le nord de la France, la Champagne, la Bourgogne. Les grands prélats de ces régions, Gérard de Cambrai, Adalbéron de Reims, Brunon de Roucy, ne bénéficièrent pas d’une aura sanctitatis et de vitae. Et quand leur action fut décrite, comme pour Adalbéron dans la Chronique de Mouzon30, leur rôle proprement politique est très prudemment abordé, ainsi qu’on le faisait encore en Germanie vers 950, à l’époque où s’élevaient de vives résistances à la construction du Reichskirchensystem.31 Dans ces zones septentrionales, les conceptions hincmariennes de séparation des sphères temporelles et spirituelles interdisaient la pénétration des thèmes impériaux32. Enfin, hors de ces régions qui auraient pu accueillir les schémas lotharingiens, l’affaiblissement du pouvoir épiscopal, la vie difficile des chapitres cathédraux, le repli des préoccupations sur le politique le plus immédiat formaient un contexte de crise trop profonde pour permettre l’épanouissement d’un mouvement d’affirmation du haut clergé séculier.

18Mais l’absence d’une hagiographie épiscopale n’est pas le seul trait notable. Nous avons vu que les auteurs ottoniens avaient été à l’origine d’innovations marquantes en matière de sainteté royale et de sainteté « laïque ». Qu’en est-il en France ? On y constate l’existence de textes à certains égards comparables. Mais ils ont la particularité de curieuses ambiguïtés.

  • 33 En dernier lieu, les pages de P. Bonnassie, dans Hagiographies (n. 26), p. 292-294 et D. Iogna-Pra (...)
  • 34 Cf. parmi d’autres la formule de J. Schneider, « Aspects de la société dans l’Aquitaine carolingie (...)

19Tel est d’abord un des documents-clés du xe siècle, la vita Geraldi Auriliacensis d’Odon de Cluny. Il n’est pas nécessaire de reprendre ici l’analyse de ce texte fameux (vers 930), entreprise par nombre d’historiens de premier plan33. Rappelons seulement que si la vie de Géraud propose assurément un modèle de sainte vie nobiliaire34, elle omet ce qui est en ce temps l’élément spécifique du laïcat, le mariage. En refusant – peut-être, il est vrai, à partir de données biographiques objectives – toute part à la vie familiale, ce miroir de l’aristocratie demeure singulièrement partiel. L’on ajoutera que ce grand texte est resté, de l’aveu de tous, bien isolé dans la littérature du temps.

  • 35 Helgaud de Fleury, Epitoma vitae regis Roberti pii, éd. R.H. Bautier et G. Labory, Paris (Sources (...)
  • 36 Cl. Carozzi, « La vie du roi Robert par Helgaud de Fleury : historiographie et hagiographie », dan (...)

20Une limitation plus nette encore caractérise une autre œuvre majeure, la vie du roi Robert le Pieux par Helgaud de Fleury35. Là encore, si l’auteur entérine une sainteté royale autonome, acquise dans le siècle, elle offre une vision très monastique du souverain. Même si son propos, comme l’a montré C. Carozzi, est plus subtil qu’on ne le découvre à première vue, la part des schémas traditionnels y demeure patente par rapport à la franchise des portraits des saintes reines ottoniennes36. N’a-il pas écrit que « l’image définitive de la sainteté du roi Robert semble toujours échapper » ?

  • 37 D. Iogna-Prat, « La place idéale du laïc à Cluny (v. 930-v. 1150). D’une morale statutaire à une é (...)
  • 38 D. Iogna-Prat, Agni immaculati. Recherches sur les sources hagiographiques relatives à saint Maieu (...)

21En définitive, la logique des problèmes apparaît le mieux dans l’étude de la littérature clunisienne. Le thème des modèles laïcs à Cluny a été récemment réexaminé37. La conclusion pour notre propos est que les moines bourguignons d’avant 1050 savaient en connaisseurs de la littérature carolingienne les axes possibles d’une moralisation par l’hagiographie des milieux royaux et aristocratiques. À plusieurs reprises, les idées directrices des vitae-miroirs ottoniens figurent sous leur plume. L’épure la plus limpide de la sainteté royale de l’An Mil s’observe dans une œuvre d’Odilon de Cluny, l’epitaphium Adelheide imperatricis (vers 1002). Comme l’a montré L. Bornscheuer, c’est là qu’apparaît le mieux le motif central de la théologie politique impériale de l’An Mil, la combinaison de l’humiliatio et de l’exaltatio du souverain christomimétique. De même, le programme du couple chrétien idéal se découvre dans la vie de Maïeul de Cluny par le moine Syrus évoquant Otton Ier et Adélaïde, tous deux auditeurs de l’Évangile, tous deux unis dans le Christ, tous deux sauvés au nom de saint Paul38.

  • 39 Voir notre analyse de ce texte dans Les saints ottoniens (notamment p. 107-110).
  • 40 Ajoutons que l’epitaphium et son héroïne sont demeurés marginaux dans la « communication » et la c (...)

22Mais le fait frappant est que ces modèles d’existence ne sont jamais vraiment développés. Assurément remarquable, le double portrait de la vita Maioli ne dépasse pas quelques lignes et s’insère dans un texte consacré à un autre saint. Quant à l’epitaphium Adelheidis, il ne donne de la souveraine qu’une image désincarnée, sans accent féminin, sans environnement familial, sans geste personnel imitable (sauf quand, à la fin de sa vie, elle s’incline devant Odilon et confie son âme à la prière des moines)39. À la différence des observations relatives à la vita Mathildis posterior, lire dans ce texte un modèle concret, adapté à un public laïc, paraît relever de la surinterprétation40.

  • 41 Voir D. Iogna-Prat, « Panorama de l’hagiographie abbatiale clunisienne », dans Manuscrits et trava (...)

23Il est aisé de conclure que les moines réformés, qui tiennent par l’influence et le prestige le premier rang dans l’Église du temps, ne s’attachent nullement, bien qu’ils possèdent les thèmes de la morale statutaire, à produire des modèles programmatiques. Telle n’est point leur fonction dans la société. La même tendance s’observe d’ailleurs dans les textes relatifs à leurs propres dirigeants : les vitae abbatiales clunisiennes n’entendent pas non plus proposer des exemples de comportement à destination des supérieurs des établissements religieux41. Le souci qui animait les auteurs gorziens du xe siècle plus haut évoqués n’est pas de mise dans la grande abbaye bourguignonne.

CONCLUSION

  • 42 Sur cette forme de sainteté, pages d’A. Vauchez, La sainteté (n. 10), p. 173-183. Le motif figure (...)
  • 43 En dernier lieu, K.-F. Werner, « La légende de saint Alexis : un document sur la religion de la ha (...)

24Telle est l’esquisse que nous proposons. Elle ne vise d’abord qu’à susciter une réflexion plus approfondie sur les rapports entre l’hagiographie, les méthodes d’admonition du clergé et la pastorale. D’autre part, elle s’est volontairement centrée sur les œuvres et les tendances les plus officielles, les plus organisées. Il conviendrait de ne pas omettre d’autres modèles. Plus spontanés, comme ceux de la sainteté populaire, qui conduisait vers l’An Mil aussi à vénérer d’émouvantes figures de pauvres ou de pélerins cruellement assassinés42. Plus spiritualisés et plus exigeants, comme la dévotion à saint Alexis, qui, à la même époque, commence, en un modèle de rupture, à s’imposer dans l’aristocratie occidentale43. Ces textes et ces exemples constituent le complément des phénomènes « dirigés » que nous avons tenté de décrire.

Notes

1 Biographie und Epochenstyl im lateinischen Mittelalter, IV. Ottonische Biographie. Das hohe Mittelalter (920-1220). Erster Halbband, 920-1070, Stuttgart, 1999. Plutôt que 950-1050, cet auteur retient pour l’Empire une phase significative allant de 960 à 1070.

2 Voir l’important tableau dressé pour la France par F. Dolbeau, « Les travaux français sur l’hagiographie médio-latine (1968-1998) », dans Hagiographica, VI, 1999, p. 23-68.

3 La formule (ou celle de modèle de sainteté) figure dans les titres suivants (liste non exhaustive) : J.Y. Tilliette, « Les modèles de sainteté du ixe au xie siècle d’après le témoignage des récits hagiographiques en vers métriques », dans Santi e demoni nell’alto Medioevo occidentale (secoli V-XI), Spolète (Settimane 36), 1989, p. 381-409. A. Vauchez, « La sainteté du laïc dans l’Occident médiéval : naissance et évolution d’un modèle hagiographique (xiie-début xiiie siècle) », dans Sainteté et martyre dans les religions du livre, Bruxelles, 1989, p. 57-66. J.-Ch. Picard, « Le modèle épiscopal dans deux vies du xe siècle : S. Innocentius de Tortona et S. Prosper de Reggio Emilia », dans Les fonctions des saints dans le monde occidental (iiie-xiiie siècles), Actes du colloque de Rome, 27-29 octobre 1988, Rome, École française, 1991, p. 371-384. A. Barbero, « Santi laici e guerrieri. Le trasformazioni di un modello nell’agiografia altomedievale », dans Modelli di santità e modelli di comportamento. Contrasti, intersezioni, complementarità, éd. G. Barone, M. Caffiero, F. Scorza Barcellona, Turin, 1994, p. 125-140 (que je n’ai pu consulter).

4 Par exemple dans le cas de saint Christophe, évoqué par D. Rigaux, « Une image pour la route. L’iconographie de saint Christophe dans les régions alpines (xiie-xve siècles) », dans Voyages et voyageurs au Moyen Âge, 21e Congrès de la shmes, Paris, 1996, p. 235-253 (p. 249).

5 Les structures du Latium médiéval, Rome, Ecole française, 1973 (réimp. 1993), t. II, p. 806-840. Pages réimprimées isolément : « Essai sur les modèles hagiographiques de la Réforme grégorienne », dans Études sur l’Italie médiévale (ixe-xive siècles), Londres, Variorum Reprints, 1976, no IX.

6 Cette option rejoint aussi les formules utilisées par G. Philippart (« Le saint comme parure de Dieu, héros séducteur et patron terrestre d’après les hagiographes lotharingiens du xe siècle », dans Les fonctions des saints, colloque cité n. 3, p. 123-142 (p. 138) opposant dans les vies de saints un modèle héroïque, inimitable, à une hagiographie pastorale, présentant le saint comme un modèle réaliste. Et d’ajouter : « si la plupart des textes hagiographiques invitent à prendre le saint pour modèle, rares sont ceux qui mettent en scène des situations dans lesquelles les auditeurs devront s’inspirer des exemples donnés ». Voir aussi, dans le même volume, p. 161-172, A. Vauchez, « Saints admirables et saints imitables : les fonctions de l’hagiographie ont-elles changé aux derniers siècles du Moyen Âge ? »

7 Sur les réécritures des xe-xie siècles, remarques de F. Dolbeau (n. 2), p. 67 et n. 138 (cas de Besançon et Châlons-en-Champagne) et de G. Bührer-Thierry, Evêques et pouvoir dans le royaume de Germanie. Les Églises de Bavière et de Souabe, 876-973, Paris, 1997, p. 147 (à propos de Strasbourg).

8 Das Heiligenleben im X. Jahrhundert, Leipzig, 1908. Voir la commode liste des textes examinés qui termine l’ouvrage. Elle inclut les biographies de la première moitié du xie siècle.

9 Sur ceux-ci, les derniers chapitres d’I. Wood, The missionary life. Saints and the evangelisation of Europe, 400-1050, Harlow, 2001.

10 Cf. aussi sur ce point les remarques brèves, mais bien venues d’A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, Rome, 1981, p. 333-334. Cf. également sur les vitae épiscopales C. Stephen Jaeger, « The courtier bishop in vitae from the tenth to the twelfth century », dans Speculum, avril 1983, p. 291-325. Je n’ai pu consulter St. Haarländer, Vitae episcoporum : eine Quellengattung zwischen Hagiographie und Historiographie, untersucht an Lebensbeschreibungen von Bischöfen des Regnum Teutonicum im Zeitalter der Ottonen und Salier, Stuttgart (Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 47), 2000.

11 G. Althoff, « Causa scribendi und Darstellungsabsicht : Die Lebensbeschreibungen der Königin Mathilde und andere Beispiele », dans Litterae medii aevi. Festschrift J. Autenrieth, hg. v. M. Borgolte und H. Spilling, Sigmaringen, 1988, p. 117-133 ; St. Coué, « Acht Bischofsviten aus der Salierzeit-neu interpretiert », dans Die Salier und das Reich, Band III : Gesellschaftlicher und ideengeschichtlicher Wandel im Reich der Salier, hg. v. St. Weinfurter, Sigmaringen, 1992, p. 347-415 ; Ead., Hagiographie im Kontext. Schreibanlass und Funktion von Bischofsviten aus dem 11. und vom Anfang des 12. Jahrhunderts, Berlin-New York, 1997 (étude sur les vies de Burchard de Worms, de Godehard d’Hildesheim (deux), d’Héribert de Cologne, de Bardon de Mayence (deux), d’Altmann de Passau, d’Annon de Cologne). Mme Coué distingue dans ce corpus trois ensembles : 1° les vitae proposant des comportements-types (notamment vis-à-vis de l’entourage canonial). 2° les vitae à caractère documentaire, fournissant un dossier relatif à un conflit. 3° les vitae de propagande en faveur d’une ville ou d’un établissement ecclésiastique.

12 Fr. Lotter, Die Vita Brunonis des Ruotger. Ihre historiographische und ideengeschichtliche Stellung, Bonn, 1958 et H. Hoffmann, « Politik und Kultur im ottonischen Reichskirchensystem. Zur Interpretation des vita Brunonis des Ruotger », dans Rheinische Vierteljahrsblättter, 22, 1957, p. 31-55. Plus récent, Heinz Hofmann, « Profil der lateinischen Historiographie im zehnten Jahrhundert », dans Il secolo di ferro : mito e realità del secolo X, Settimane de Spolète 38, 1991, p. 837-905 (p. 868sq). En français, nos remarques synthétiques dans Les saints ottoniens. Sainteté dynastique, sainteté royale et sainteté féminine autour de l’an Mil, Sigmaringen (Beihefte der Francia, 15), 1986, p. 74-80.

13 Rappelons que Brunon est mort en 965. Sur cet aspect, cf. Berschin, Biographie, p. 70. Même immédiateté (moins de dix ans) pour un autre texte majeur, la vita prima d’Ulrich d’Augsbourg (+ 973) par le prévôt Gerhard. Cf. Bührer-Thierry, op. cit. n. 7, p. 147.

14 Das Bild des geistlichen Fürsten in den Viten des 10., 11., 12. Jahrhunderts, Berlin, 1935.

15 Bel exemple dans la vita de saint Gérard de Toul par Werri, c. 3, MGH, SS, IV, 486 sq.

16 Cf. W. Giese, « Zur Bautätigkeit von Bischöfen und Äbten des 10. bis 12. Jahrhundert », dans Deutsches Archiv, 38, 1982, p. 388-438.

17 Cf. J. Laudage, Priesterbild und Reformpapsttum im 11. Jahrhundert, Cologne-Vienne, 1984 et O. Engels, « Der Reichsbischof in ottonischer und frühsalischer Zeit », dans Beiträge zur Geschichte und Struktur der mittelalterlichen Germania sacra, hg. v. I. Crusius, Göttingen, 1989, p. 136 sq. Voir aussi notre article, « Interdits de parenté, hagiographie et politique. La Passio Friderici episcopi Traiectensis (ca 1024) », dans Jus commune. Zeitschrift für Europäische Rechtsgeschichte, t. 23, 1996, p. 1-98 (p. 25-27). St. Haarländer, « Die Vita Burchardi im Rahmen der Bischofsviten seiner Zeit », dans Bischof Burchard von Worms, 1000-1025, hg. v. W. Hartmann, Mayence, 2000, p. 129-160 détecte dans les vitae du premier tiers du xie siècle des réticences devant le poids du servitium regis.

18 Édition et traduction récente de M. Parisse, La vie de Jean, abbé de Gorze, Paris, 1999.

19 G. Barone, « Jean de Gorze, moine bénédictin », L’abbaye de Gorze au xe siècle, éd. M. Parisse et O.G. Oexle, Nancy, l993, p. 141-158 (importante conclusion pour nos perspectives p. 155 sq). Du même auteur, « Jean de Gorze, moine de la réforme et saint original », dans Religion et culture autour de l’an Mil. Royaume capétien et Lotharingie, éd. D. Iogna-Prat et J. Ch. Picard, Paris, 1900, p. 31-38.

20 F. Graus, Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger, Prague, 1965 ; R. Folz, Les saints rois du Moyen Âge en Occident (vie-xiiie siècles), Bruxelles, 1984 et Les saintes reines du Moyen Âge en Occident (vie-xiiie siècles), Bruxelles, 1992 (à la suite de nombreuses monographies) ; L. Bornscheuer, Miseriae regum. Untersuchungen zum Krisen- und Totengedanken in den herrschaftstheologischen Vorstellungen der ottonisch-salischen Reich, Berlin, 1968.

21 Vita Mahthildis posterior, éd. B. Schütte, Die Lebensbeschreibungen der Königin Mathilde, mgh ss rer. Germ., 1994, p. 162.

22 Pour une analyse détaillée de ce texte, Corbet, Les saints ottoniens (n.12), IIIe partie, p. 155-234.

23 Nous avons, parallèlement à H. Platelle et dom Jean Leclercq (voir leurs articles dans La femme au Moyen Âge, éd. M. Rouche et J. Heuclin, Maubeuge, 1990), étudié ces aspects : « Pro anima senioris sui. La pastorale ottonienne du veuvage », dans Veuves et veuvage dans le haut Moyen Âge, éd. M. Parisse, Paris, 1993, p. 233-253.

24 Au stade de la vita Mathildis posterior, on n’est pas si loin d’une « éthique de la vie ordinaire » que certains historiens pensent anachronique avant le xviie siècle. Voir les remarques de D. Iogna-Prat, « La place idéale », contribution citée infra n. 37.

25 P. Toubert, La théorie du mariage chez les moralistes carolingiens, Il matrimonio nella societa altomedievale, Sett. Spolète, xxiv, 1977, p. 233-282.

26 Pour la moitié sud de cet espace, synthèse de P. Bonnassie, P.A. Sigal et D. Iogna-Prat, « La Gallia du Sud, 930-1130 », dans Hagiographies, dir. G. Philippart, vol. 1, Turnhout, 1994, p. 289-344.

27 « König und Bischöfe in Frankreich und im Deutschen Reich 936-1060 », dans Bischof Burchard von Worms, 1000-1025, op. cit. n. 17, p. 79-127 (p. 83-84). Même constatation chez W. Hartmann, « L’évêque comme juge : la pratique du tribunal épiscopal en France du xe au xie siècle », dans Hiérarchies et services au Moyen Âge, Aix (Publications de l’Université de Provence), 2001, p. 71-92 (p. 76-77).

28 André de Fleury, Vie de Gauzlin, abbé de Fleury, éd. R.H. Bautier et G. Labory, Paris (Sources d’histoire médiévale), 1969.

29 Cf. Hoffmann, art. cité n. 27, p. 84, qui souligne la minceur des données sur la carrière épiscopale de Gauzlin. Même insignifiance, dit Hoffmann, pour la vita de l’évêque Thierry d’Orléans (bhl 8053).

30 Chronique ou livre de fondation du monastère de Mouzon, éd. et trad. M. Bur, Paris, Sources d’histoire médiévale, 1989.

31 M. Bur, éd. citée, p. 112-115.

32 Cf. H.H. Anton, « Zum politischen Konzept karolingischer Synoden und zur karolingischen Brüdergemeinschaft », dans Historisches Jahrbuch, 99, 1979, p. 123-129.

33 En dernier lieu, les pages de P. Bonnassie, dans Hagiographies (n. 26), p. 292-294 et D. Iogna-Prat, « La vita Geraldi d’Odon de Cluny : un texte fondateur ? », à paraître dans Guerriers et moines. Conversion et sainteté aristocratiques dans l’Occident médiéval (ixe-xiie siècles), Nice (Collection d’études médiévales, 4), en 2002. Je remercie mon collègue et ami de m’avoir fait parvenir ces pages (ainsi que celles indiquées infra n. 37) avant leur publication.

34 Cf. parmi d’autres la formule de J. Schneider, « Aspects de la société dans l’Aquitaine carolingienne d’après la vita sancti Geraldi Auriliacensis », dans craibl, 1973, p. 8-19 : « l’intention (d’Odon de Cluny) était de proposer à ses contemporains un modèle » (p. 18).

35 Helgaud de Fleury, Epitoma vitae regis Roberti pii, éd. R.H. Bautier et G. Labory, Paris (Sources d’histoire médiévale, 2), 1965.

36 Cl. Carozzi, « La vie du roi Robert par Helgaud de Fleury : historiographie et hagiographie », dans L’historiographie en Occident du ve au xve siècle, Annales de Bretagne, 87, 1980, no 2, p. 219-235. Id., « Le roi et la liturgie chez Helgaud de Fleury », dans Hagiographie, culture et sociétés, Paris, 1981, p. 417-432.

37 D. Iogna-Prat, « La place idéale du laïc à Cluny (v. 930-v. 1150). D’une morale statutaire à une éthique absolue ? » (à paraître à Nice comme indiqué n. 33).

38 D. Iogna-Prat, Agni immaculati. Recherches sur les sources hagiographiques relatives à saint Maieul de Cluny (954-994), Paris, 1988, p. 368 sq.

39 Voir notre analyse de ce texte dans Les saints ottoniens (notamment p. 107-110).

40 Ajoutons que l’epitaphium et son héroïne sont demeurés marginaux dans la « communication » et la commémoration clunisiennes, comme vient de le démontrer Fr. Neiske, « La tradition nécrologique d’Adélaïde », dans Adélaïde de Bourgogne. Genèse et représentations d’une sainteté impériale, Actes du colloque d’Auxerre (décembre 1999), éd. P. Corbet, M. Goullet, D. Iogna-Prat, Dijon, 2002.

41 Voir D. Iogna-Prat, « Panorama de l’hagiographie abbatiale clunisienne », dans Manuscrits et travail des hagiographes, éd. M. Heinzelmann, Sigmaringen (Beihefte der Francia, 15), 1992, p. 77-118 (notamment p. 108 sq).

42 Sur cette forme de sainteté, pages d’A. Vauchez, La sainteté (n. 10), p. 173-183. Le motif figure chez Flodoard, dans la Chronique de Thietmar de Mersebourg (saint Coloman de Melk) et celle de Mouzon (saint Arnoul). Références dans M. Bur éd., Chronique de Mouzon (n. 30), p. 99-103.

43 En dernier lieu, K.-F. Werner, « La légende de saint Alexis : un document sur la religion de la haute noblesse vers l’an mil », dans Haut Moyen Âge. Culture, éducation et société. Études offertes à Pierre Riché, La Garenne-colombes, 1990, p. 531-546 (rééd. dans Id., Einheit der Geschichte. Studien zur Historiographie, hg. v. W. Paravicini, Sigmaringen, 1999, p. 227-242).

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