Version classiqueVersion mobile

Hommes et sociétés, dans l’Europe de l’an mil

 | 
Pierre Bonnassie
, 
Pierre Toubert

a) Archéologie et cadres de la vie matérielle

Les sociétés de l’An Mil

Quelques apports et questionnements de l’archéologie

Michel Colardelle et Eric Verdel

Texte intégral

  • 1 Voir Anonyme, 1982 ; M. de Boüard a été le premier à proposer une vue synthétique du phénomène des (...)
  • 2 Dès le xixe siècle, certains archéologues ont reconnu la différence entre les « buttes féodales », (...)
  • 3 Par exemple, dans la région Rhône-Alpes, les « céramiques à fond marqué » (Faure-Boucharlat, 1980)
  • 4 On trouvera une illustration de cette attitude chez l’un des plus déterminés adversaires du « muta (...)

1L’archéologie a été à plusieurs reprises interpellée sur la question de la « mutation de l’An Mil », autrement appelée « mutation féodale », c’est à dire le mouvement qui a conduit à une société médiévale dont la caractéristique essentielle serait la tripartition mise en avant par Georges Duby (1996, 1re éd. 1978). La période du Moyen Âge central, en effet, essentielle pour l’historien, ne dispose de sources écrites que lacunaires et inégales selon les régions et les thèmes concernés ; mais elle a fait l’objet de nombreuses fouilles et études au cours du tiers de siècle écoulé, pour diverses raisons. On énumérera, de manière non limitative, l’histoire de l’archéologie médiévale en France et le rôle pionnier joué par Michel de Boüard1, servi par l’exceptionnel intérêt des sites historiques de la Normandie et des Pays de Loire ; la particulière lisibilité, dans le paysage, de l’une des formes architecturales spécifiques de ce moment qu’est la « motte castrale », qui a très tôt intrigué archéologues et historiens2 ; enfin, du fait même du redémarrage économique qui en constitue le socle, l’existence dans plusieurs régions de productions artisanales bien caractérisées qui forment autant de « fossiles directeurs » propres à aider les chercheurs dans la datation des horizons stratigraphiques concernés3. Cependant, loin d’apporter à l’historien des matériaux utiles à ses raisonnements, l’archéologie a été au pire tenue en suspicion, au mieux utilisée en illustration plus ou moins pertinente d’une théorie historique, quand elle n’était pas instrumentalisée, au mépris des règles épistémologiques sans lesquelles les risques de surinterprétation ou de contresens se multiplient – comme dans toute discipline scientifique –, voire purement et simplement ignorée4. Il est vrai que cette discipline est récente, et qu’elle n’a pas encore acquis l’assurance et la notoriété de la préhistoire ou de l’archéologie antique. Il est donc normal qu’elle ne s’introduise que progressivement dans les raisonnements que l’on est amené à proposer lorsque l’on tente des synthèses (Chapelot et Fossier, 1980 ; Bourin, 1990 ; Debord, 1991).

2L’objectif que nous poursuivons ici est donc, en faisant le point le plus factuellement possible sur l’état de la recherche, de tenter d’en tirer, après critique, des propositions susceptibles de s’intégrer dans la problématique d’ensemble de la période. Cette dernière ne peut que ressortir en large part de l’histoire, dans la mesure où c’est de cette discipline qu’ont émergé la plupart des paradigmes qui sont aujourd’hui en débat : continuité ou rupture, nature et causalité des changements, toutes propositions dont les contradictions, parfois radicalisées par une excessive polémique, ne peuvent se comprendre que rapportées aux présupposés idéologiques qui en sous-tendent la formulation ou sur lesquels on tente de les plaquer, ce qui en amoindrit d’ailleurs la richesse. C’est l’histoire qui désigne les questions, qui définit les problématiques (Pesez, 1990b, p. 8). On peut aller au-delà, et si la problématique doit effectivement tenir surtout à l’histoire, l’archéologie a parfois des questions à poser aux historiens (Helas, 1990, p. 38-39).

3Pas plus que le texte, le fait archéologique – objet, gisement – ne constitue une vérité en soi, pour l’étude des xe-xie siècles comme pour toute autre : la représentativité de l’élément non inséré dans une série ou dans un ensemble est discutable, l’interprétation interfère avec l’observation et donc avec la description. L’écrit a ses vertus propres, celles du fait archéologique sont différentes : pour la période qui nous concerne ici et en particulier pour son début, c’est certainement le nombre plus élevé des gisements, leur meilleure répartition dans le territoire et dans l’éventail des catégories sociales que celle des chartes, puisque l’on est, à quelques notables exceptions près, en pleine crise documentaire, qui présentent le plus grand intérêt.

4En cela, l’archéologie du haut Moyen Âge en général et celle de « l’An Mil » en particulier rejoignent leurs homologues des âges sans textes, pré et protohistoire par exemple, alors qu’elles se démarquent de périodes où les textes, plus nombreux et plus représentatifs, priment. Il est facile de prétendre que l’archéologie n’est pas encore en état de présenter des sociétés de l’An Mil un tableau convaincant : fouilles en nombre insuffisant, inégalement implantées dans le territoire, trop fragmentaires ou conduites sur des sites choisis davantage en fonction de contingences extra-scientifiques (le « sauvetage » essentiellement) que de problématiques véritables. On pourra encore ajouter des publications incomplètes, éparses dans des revues peu diffusées voire confidentielles et des essais de synthèse insuffisants.

  • 5 Ainsi dans l’habitat rural (curtis) de Lausen-Bettenach, non loin d’Augst en Suisse, où l’intérêt (...)

5Effectivement, la documentation archéologique aujourd’hui disponible pèche de plusieurs points de vue. Par exemple, la période carolingienne est archéologiquement peu représentée, à quelques notables exceptions près, faute probablement de bons fossiles directeurs (mais cela traduit peut-être aussi une réalité qui, si elle était vérifiée, serait en contradiction avec le discours historique traditionnel, celui d’une « renaissance carolingienne ») ; c’est pourtant surtout de la comparaison diachronique que procède le raisonnement archéologique. Les échelles chronologiques, parfois précises, s’élargissent souvent, faute d’arguments typologiques décisifs, à des périodes pluridécennales, incertitude à laquelle les historiens sont peu accoutumés5. D’ailleurs, les critères de datation sont fluctuants car ils dépendent de progrès techniques dans des domaines sophistiqués malaisément accessibles aux non-spécialistes, ce qui complique la critique pourtant méthodologiquement nécessaire (que l’on pense par exemple aux récentes évolutions de l’utilisation du 14C ou de la dendrochronologie). Des faits historiques majeurs, parfaitement avérés même si la réalité de leur impact reste sujette à débat, échappent presque totalement pour l’instant à l’archéologie, comme, pour la période immédiatement précédente, les « invasions » ou incursions sarrasines, normandes ou hongroises. De même, certaines activités ne sont représentées qu’indirectement, par exemple celles dont les objets spécifiques possédaient un prix réel ou symbolique élevé, et que l’on perdait ou jetait rarement, comme les épées ou les socs de charrue. Enfin, les risques de biais dans les raisonnements sont nombreux. Le plus dangereux est celui d’une déduction erronée à partir d’une absence de trace, l’archéologie ne pouvant être réellement probante que sur la base d’indices positifs ; mais il en existe bien d’autres, comme la difficulté d’appréciation de la représentativité du vestige étudié, les gisements archéologiques, particulièrement les mottes castrales qui vont nous intéresser ici, offrant malheureusement une grande fragilité comme le montre, parmi de nombreux autres le plus souvent non publiés, l’exemple d’Aiffres dans les Deux-Sèvres (Proust, 1984).

6Rien de tout cela n’est faux, mais il reste possible et même indispensable, en toute conscience de ces insuffisances, de tirer parti de l’archéologie pour ses richesses propres comme l’histoire des textes utilise le document écrit malgré ses faiblesses, mais en tenant compte d’elles après les avoir évaluées. C’est ce que nous avons tenté de faire, en choisissant trois questions essentielles à la problématique relative au changement social de cette période, déjà amplement débattues sur la base des documents d’archives, mais auxquelles il nous a semblé que l’archéologie était aujourd’hui en mesure d’apporter des éclairages nouveaux, en appui ou non des propositions des historiens : le château et la société militaire, l’église et son cimetière (qui touchent un aspect majeur quoique généralement ignoré des représentations collectives), l’essor économique, en particulier agraire, ce qui nous conduit à discuter de l’une des questions les plus sensibles, celle du climat.

LE CHÂTEAU ET LA SOCIÉTÉ MILITAIRE

7La question du château est bien sûr liée à celle de la « révolution féodale » dont G. Duby avait parlé parmi les premiers (1996, 1e éd. 1978, p. 609-627), et à l’irruption spectaculaire des caballarii et autres milites dans les textes de la charnière xe-xie siècles. M. Bloch (1989, 1re ed. 1939-40), F.-L. Ganshof (1982, 1re éd. 1957), R. Boutruche (1968, p. 230-231), P. Bonnassie (1975), G. Fournier (1962 et 1978), M. de Boüard (1975), R. Fossier (1990, 1e éd. 1982), A. Debord (1984), E. Bournazel et J.P. Poly (1991, 1998), D. Barthélémy (1997) et bien d’autres l’ont abordée sous différents angles et de différentes manières. Le passage au troisième millénaire a également été l’occasion de nombreuses mises au point ou synthèses de la problématique historique à laquelle elle se rattache (Bourin et Parisse, 1999 ; Bourin et Rosenwein, 1999 ; Debord, 2000 ; Lauranson-Rosaz, 2001). Naturellement, ce n’est pas à proprement parler de la relation féodo-vassalique que la documentation archéologique permettra de traiter, mais plus simplement de la généralisation de la seigneurie, considérée essentiellement sous son aspect économique (la seigneurie foncière), et parfois sous son aspect social sinon juridique (la seigneurie banale), l’un et l’autre étant susceptibles de se traduire, pour ce qui concerne le lieu emblématique du pouvoir dont ils dépendent, par des formes matérielles reconnaissables, celles qui définissent le « château ». Celui-ci est matériellement caractérisé par une triple fonction résidentielle (une famille et ses dépendants), défensive (fossés, levées de terre, palissades voire murailles, architectures de type tour) et économique (exploitation directe ou indirecte d’un domaine foncier, ateliers artisanaux etc.), et cette polyvalence fait s’interroger sur le ou les rôles exacts de cette forme architecturale (Debord, 1983A). La présence d’armes, d’accessoires de cavalerie, de jeux, de parures, jointe à ces caractéristiques, implique un statut différencié de celui des simples paysans, libres ou non.

Le phénomène castral

  • 6 « Les fortification de terre, en effet, peuvent tout autant avoir maintenu un système social (perp (...)

8L’interrogation qui sous-tend la réflexion sur le château est apparemment simple. Les mentions textuelles de châteaux, de seigneurs et de chevaliers se multiplient à partir des années 980, d’une manière tellement massive et rapide que l’on ne peut manquer d’éprouver l’impression d’un changement d’organisation sociale. L’Occident ne se couvre pas seulement « d’une blanche robe d’églises », il semble se « hérisser de forteresses » – pour reprendre une expression évidemment caricaturale –, ces mouvements s’accompagnant de l’augmentation numérique de la classe cléricale comme de la classe militaire. Cette dernière ne se limite d’ailleurs pas à l’aristocratie de vieille souche, mais elle s’étend à une soldatesque dont les fonctions s’individualisent, en faisant une catégorie particulièrement évolutive au sein d’un monde essentiellement rural que ne contrôlent totalement, sauf épisodiquement, ni l’autorité ecclésiastique ni l’administration comtale, a fortiori royale (Bonnassie, 1995). On le sait, les auteurs des xe-xie siècles (Florus, Adalbéron de Laon…) déplorent la violence des temps, mise au compte de la désagrégation d’une autorité royale qu’ils magnifient sûrement à l’excès, mais ni les conciles de paix ni les sources hagiographiques ne contredisent ces appréciations. L’augmentation du nombre des sources écrites, l’évolution du vocabulaire sont-elles responsables de ce constat ? Dans l’affirmative, il faudrait penser que les communautés sont hiérarchisées sensiblement de la même manière au xie siècle qu’aux ixe-xe et que l’accélération de l’évolution n’est qu’apparente. Ou bien cette transformation, perceptible d’ailleurs assez tardivement à partir des sources écrites – le xie siècle et le début du xiie pour l’essentiel – ponctue-t-elle une réelle modification de l’encadrement social et, partant, de la société toute entière, et dans ce cas il s’agirait d’une transformation radicale de l’organisation des pouvoirs, même si elle est moins soudaine qu’il n’y paraît et si elle ne fait qu’amplifier des évolutions précédemment engagées. A l’arrière-plan de ce débat, les questions fondamentales de la continuité juridique ou au contraire de l’anarchie. Ici l’archéologie peut apporter une information indiscutable, et même laisser entrevoir la chronologie du mouvement castral, ses modalités et son articulation éventuelle – ou au contraire son indépendance – avec les pouvoirs officiels d’un côté, avec l’économie et donc les paysans et les artisans de l’autre. Une synthèse magistrale des connaissances archéologiques et historiques a été tentée dès 1980, à l’initiative et sous la direction de M. de Boüard (Collectif, 1981). D’assez nombreuses fouilles archéologiques ont été conduites depuis, ce qui peut justifier une mise à jour ; mais, comme on le verra, les conclusions ne sont guère différentes (en particulier Debord, 1981), tant les travaux étaient déjà très avancés et, ce qui est moins glorieux, tant la politique de la recherche, en France du moins, a depuis délaissé ce domaine. Pour donner une crédibilité aux arguments archéologiques, il faudra répondre à la question posée de la signification historique du château6, contestée par certains historiens au motif que ce dernier pourrait n’avoir été qu’une forme nouvelle de l’exercice de pouvoir, ne changeant rien à ce pouvoir lui-même.

9Pour tenter de répondre à cette question par un raisonnement fondé sur les données archéologiques, il faut d’abord préciser les critères qui permettent de parler, pour cette époque où la construction de terre et bois prédomine largement (Pesez, 1985A), de châteaux. En effet, si la question ne se pose guère pour les châteaux de pierre qui existent bien sûr déjà, davantage dans le cadre traditionnel des forteresses publiques ou dans la dépendance des plus puissants seigneurs, certains ont douté de la fonction castrale des multiples « mottes », généralement peu conformes à l’idée que l’on se fait de la résidence seigneuriale. Effectivement, l’on chercherait vainement dans ces petites éminences, aux reliefs et aux fossés souvent atténués par l’érosion ou les travaux agricoles, les attributs défensifs, résidentiels et symboliques que le terme même de château suggère, par référence aux impressionnants édifices de pierre auxquels les siècles postérieurs nous ont accoutumés. Bien sûr, on pourra évoquer les célèbres représentations des mottes de Dinan, de Dol et de Rennes sur la broderie de Bayeux, même si la chronologie de cette œuvre particulièrement précieuse sur le plan documentaire est quelque peu plus tardive. Au moins démontrent-elles la pertinence de la terminologie, mais les textes étaient déjà clairs, puisque chez Adémar de Chabannes le castrum est bien le plus souvent une motte pourvue d’un donjon de bois (Debord, 1979) – encore que parfois le terme plus concret de terrale turris ait été employé, comme dans la seigneurie de Bellême (Louise, 1998, p. 13), et que l’on ne connaisse pas très bien la signification du terme « villa cum turre » que l’on trouve aussi bien en Languedoc pour le site de Teulet dans l’Hérault, remplacé par le castrum du Pouget, dépendant des vicomtes de Béziers, avant 1036 (Schneider, 1992, p. 15-26) qu’en Auvergne (Collectif, 1981, p. 25). De même la réalité de leur efficacité militaire, en ces temps où la guerre ne met en jeu d’effectifs et de moyens techniques que médiocres, en raison de la faiblesse économique de ses acteurs, est-elle explicite. L’archéologie permet d’aller plus loin.

Les mottes castrales

  • 7 Qu’elles ont probablement inspirés par la forte charge symbolique du pouvoir qu’elles avaient acqu (...)
  • 8 Ainsi, la motte d’Ecaillon disposait-elle d’une petite tour, davantage tour de guet d’après les fo (...)
  • 9 On trouve ce type de mottes dans la plupart des régions, et ce sont elles qui sont associées aux t (...)
  • 10 Ainsi, 150 silos ont été trouvés dans le village agricole (milieu ixe-milieu xie siècles) des Mura (...)

10Celles de la fin du xe siècle et du xie (et celles-là seulement, car il faut veiller à éliminer du corpus les ouvrages d’autres périodes qui peuvent tromper par leur parenté formelle, du moins en l’absence de fouilles et d’analyse descriptive fine, telles que les terrassements de maisons fortes du bas Moyen Âge7 qui sont souvent plus nombreux que les mottes proprement dites ; cf. Affolter et Voisin, 1984) répondent généralement à une description assez uniforme, qui se décline ensuite en quelques variantes simples. En tronc de cône ou en mamelon, en tout cas plus souvent circulaires que quadrangulaires, elles possèdent des flancs assez pentus pour ralentir sérieusement l’attaque de fantassins ou de cavaliers. Le volume de matériaux déplacés (terre, le plus souvent ; mais aussi sable comme à Hastings, roche comme à Sugny dans le Semois, en Belgique, ou à Saint-Peyre dans les Bouches-du-Rhône ; cf. Mouton, 1994) pour leur érection (creusement des fossés, accumulation pour former la motte proprement dite, défenses de flanquement parfois) est à première vue impressionnant. Des calculs prudents montrent cependant que ces travaux sont en général à la portée d’un petit seigneur et ne nécessitent qu’un temps de réalisation assez réduit. Ainsi, la motte d’Ecaillon dans le Nord (xiie siècle), en tronc de cône de 3,7 m de haut pour 60 m de diamètre extérieur et 31 à 37 m de diamètre pour la plate-forme sommitale (environ 6500 m3) pourrait-elle avoir été construite par 20 à 25 manœuvres en deux mois (Compagnon et Louis, 1999, p. 4-50). Ces calculs sont corroborés par l’appréciation que l’on peut raisonnablement faire du temps nécessaire à la construction de la motte d’Hastings, soit deux semaines si elle a été achevée avant la bataille, ce qui est probable (Collectif, 1981, p. 29). La plate-forme sommitale est des plus réduites, apte à ne supporter qu’une architecture de faible superficie, tour ou petit bâtiment (d’ailleurs plus souvent de bois que de maçonnerie, sauf en Languedoc où quelques tours de pierre quadrangulaires sur mottes sont attestées fin xe-xie s., cf. Schneider, 1992 ; Ginouves, 1988) dont les traces sont rarement suffisantes pour permettre une restitution précise, du fait de l’érosion forcément plus active8. Ce système concentre la force de défense et écarte au contraire les assaillants. Un ou plusieurs fossés, en eau si l’on se trouve dans un terrain propice, secs et dans ce cas plus profonds et plus escarpés, renforcent le caractère défensif de l’édifice, qui comporte le plus souvent une ou plusieurs basses-cours elles-mêmes ceintes de fossés moins importants9. Plus vastes, ces basses-cours recèlent en général les vestiges d’habitats (bâtiments à poteaux de bois) et d’activités économiques agropastorales et artisanales. En-dehors de l’artisanat textile (les indices les plus fréquents étant les fusaïoles en terre cuite, les lissoirs en verre et les broches en os destinées à tasser les fils de trame, cf. Chandeveau, 2001, p. 96-115 ; mais on peut aussi trouver des peignes à carder comme au Camp de Péran à Plédran dans les Côtes d’Armor, cf. Nicolardot et Guigon, 1991) et de celui du bois (gouges, burins), le plus fréquent, ces dernières sont liées à l’activité agricole. La métallurgie d’extraction (bas-fourneau de réduction) comme à Décines-Charpieu (Rhône) (Bouvier et al., 1992, p. 241-242) et, plus communément, la petite forge ou la maréchalerie comme à Sugny relèvent certainement de cette catégorie, sans que l’on puisse exclure la fabrication d’armes légères telles que pointes de flèches ou de javelots, carreaux d’arbalètes etc., ni bien évidemment le ferrage des chevaux dont la présence (fers « étampeurs », clous) est attestée dans la quasi-totalité des cas. Les activités agropastorales y sont démontrées par les restes alimentaires (mais ils peuvent aussi témoigner de prélèvements, quelle qu’en ait été la forme, sur la production environnante) et par d’assez fréquentes trouvailles d’outils spécialisés, comme les houes en fer de Décines-Charpieu et du Châtelard de Chirens, la faucille, la houe, les forces et les trois haches du castrum d’Andone à Villejoubert, dans la Charente (Debord et Dieudonné-Glad, 1993 ; Debord, 1983b), les pelles, fourche et houe du Camp de Péran ou les trompes d’appel en céramique, généralement interprétées comme des accessoires du pastoralisme, dans les niveaux d’occupation de la motte du Mourrel à Molleville dans l’Aude (Dauzat, 1984, p. 39-40) ainsi qu’à Andone. Ces activités sont pour l’essentiel conformes à ce que l’on peut savoir par les sources écrites des conditions de subsistance de l’époque : polyculture à dominante céréalière et élevage majoritairement porcin au nord, ovin-caprin au sud, forment la base d’une production relativement auto-suffisante. Compléments obligés de cette économie, de très fréquents silos en fosses tronconiques dans lesquelles une fouille attentive permet presque toujours de retrouver des quantités de céréales suffisantes pour reconnaître les variétés choisies (blés, seigle, orge, millets et avoine, cette dernière essentiellement liée à l’élevage des chevaux). Depuis deux décennies, on s’est beaucoup intéressé à cette technique de conservation des grains dont l’efficacité, dans les conditions de l’économie antique et médiévale, ne fait pas de doute (Gast et Sigaut, 1979 ; Fournier, 1982). De tels silos se trouvent bien sûr dans nombre de sites d’habitats de cette époque ainsi que du haut Moyen Âge (Florin, 1983 ; le cas de l’habitat groupé de Genlis en Côte d’Or, abandonné au viiie siècle, est caractéristique avec 38 silos pour 3,5 ha d’habitats ; cf. Catteddu, 1992) : ils ne constituent donc pas un critère spécifique. Leur quantité, leur contenance, leur disposition quasiment en batterie dans certains cas suggèrent cependant qu’ils ne servaient pas seulement à la conservation du grain récolté par les seuls occupants, insuffisamment nombreux, mais qu’ils recevaient celui d’autres exploitations10. On peut donc conclure en général à la question de la fonction des basses-cours, par la proposition d’un espace semi-défensif d’habitat et d’activités à la fois techniques et économiques, réservé à un groupe peu nombreux, au pied d’un réduit défensif formé par la motte et la construction qu’elle porte. Cette description correspond étrangement à l’économie générale d’un château de pierre, à deux différences près : la faiblesse des constructions et l’absence d’une chapelle. Encore n’est-il pas exclu que certaines mottes en aient possédé une, mais difficilement reconnaissable à la fouille faute de sépulture s’il s’agissait d’une architecture de bois – on le verra plus loin, les tombes à ce moment se concentrent essentiellement dans les cimetières paroissiaux naissants, ou dans les égises de fondations monastiques en plein essor.

Les variantes

  • 11 À ne pas confondre avec les grandes enceintes protohistoriques ou du haut Moyen Âge, qui relèvent (...)

11Trois variantes principales de mottes se présentent. Dans la première, un relief ou un accident du paysage naturellement favorable a été utilisé, commandant des aménagements de la forme-type dont les grandes lignes demeurent néanmoins respectées (interfluves, éperons barrés, collines, rebords de plateaux ; cf. Fournier, 1961b, et Noye, 1976), par opposition aux mottes quadrangulaires et de fonds de vallée qui correspondent le plus souvent à des buttes de maisons fortes plus tardives. C’est notamment le cas dans les régions montagneuses ou collinéennes telles que les Alpes et les Pyrénées ainsi que leurs piémonts. C’est à ce type qu’appartient la spectaculaire fortification de Sugny. La seconde est une motte totalement artificielle, sur terrain plat, comme à la Fonderie de Douai, déjà citée, ou encore au Husterknupp près de Cologne, en Allemagne, où la curtis carolingienne est recouverte au xie s., en deux phases, par une motte qui sert de soubassement à un castrum de bois (Herrnbrodt, 1958 et 1980). C’est également à ce modèle qu’appartient le site de Mirville près de Bolbec en Seine Maritime, où la résidence d’un petit lignage seigneurial attesté à partir de 1079 affecte d’abord, lors de la fondation vers 1050, la forme d’un grand bâtiment de bois à l’intérieur d’une palissade, avant que soient créés un petit rempart de terre puis une véritable motte au début de xiie siècle (Le Maho, 1984a et b). La troisième est peut-être davantage qu’une variante, puisqu’elle présente une levée de terre annulaire11, initialement renforcée par une palissade, protégeant les bâtiments résidentiels. Beaucoup moins représentées, les fortifications de ce modèle, connues quasiment dans toute la France (Soyer, 1965), ont pu être interprétées (Davison, 1969 ; Le Maho, 1976 et 1998 ; Collectif, 1981, p. 39-71 et en particulier p. 48-51 et 59-67) comme plus anciennes que les mottes castrales classiques, dont la chronologie a souvent été légèrement rajeunie depuis une dizaine d’années, sans qu’on puisse encore savoir s’il s’agit d’une règle générale. Pour la Normandie par exemple, on constate que la plupart des mottes sont postérieures à 1040, alors que de nombreuses enceintes circulaires préexistent comme Longueil ou Bellecombe, en Seine-Maritime (Le Maho, 1998, p. 224-225). Elles présentent un mobilier fort proche, jusqu’à l’équipement du cavalier, de celui que livrent les mottes. Ainsi l’enceinte du Plessis-Grimoult près de Vire dans le Calvados, où la première fortification des environs de l’An Mil, fondation ex nihilo vraisemblablement, est le centre d’un grand honneur dépendant de l’évêque de Bayeux : on y a trouvé différents objets, parmi lesquels des éperons (Zadora-Rio, 1973-74 et 1987). Un bon exemple, fouillé de telle manière que l’on puisse connaître les conditions de sa naissance, est fourni par Notre-Dame de Gravenchon (Seine-Maritime), dépendance des comtes d’Evreux, où les premiers bâtiments de bois de la fin du xe siècle compris dans un grand enclos donnent naissance, vers 1025, à un véritable château à poteaux et sablières, toujours en bois, situé au cœur d’une triple enceinte de terre (Le Maho, 2001). Enfin, de nombreux sites présentent une mixité de construction, castrum antique réutilisé et complété par une levée de terre comme à Andone où le site comtal est abandonné au moment même où se multiplient les mottes en Angoumois et en Saintonge (Debord, 1979 et 1983b), levée de terre annulaire complétée d’éléments maçonnés comme au Camp de Péran à Plédran dans les Côtes d’Armor ou d’autres « bricolages » architecturaux, bien compréhensibles si l’on se reporte à la diversité des circonstances qui ont présidé à leur naissance.

Vue aérienne de la motte castrale de la Louvatière (Chirens, Isère). Une fouille partielle (M. Clermont-Joly / M. Bois) a permis d’y découvrir un silo et des restes d'architecture à poteaux de bois de la première moitié du xie siècle (cl. M. Colardelle, CPI, 2003).

12Enfin, on aurait tort de limiter l’enquête aux formes les plus courantes précédemment évoquées, puisque des sites comme ceux du lac de Paladru dans l’Isère (Colardelle et Verdel, 1993) et celui de Saint-Romain en Côte d’Or (Anonyme, 1987, p. 181-186 ; Grappin, 1988-90), l’un recourant à une technique de construction de bois, l’autre en pierres sèches, tous deux dans une curieuse position d’appui sur un rivage lacustre ou une falaise rocheuse, démontrent que la fonctionnalité, du moins au début, primait sur la volonté symbolique. Quoi qu’il en soit, ces vestiges peuvent, de l’avis de nombre d’archéologues, être rapportés au modèle du castrum ou de la curtis, dans la mesure où ils possèdent les trois fonctions caractéristiques ci-dessus décrites. Ils pourraient constituer les vestiges de l’habitat des paysans libres « encore survivants » comme ce Gontier près de Clermont, en Auvergne, paysan certes mais pourvu d’un équipement militaire et d’un cheval (Lauranson-Rosaz, 1987, p. 378-380) : souche en partie au moins de la future militia castri, fondement essentiel du pouvoir seigneurial.

La vocation militaire des sites

  • 12 Ainsi, le comte de Hainaut fait détruire par le feu le château sur motte de Hasnon près d’Ecaillon (...)
  • 13 Nombreux dans les couches d’occupation des ouvrages de terre et de bois les plus précoces comme ce (...)
  • 14 À Sugny, ce sont des pointes de flèches trouvées à hauteur de la palissade qui démontrent que le c (...)
  • 15 Malheureusement souvent découvertes anciennement, ces armes n’est pas toujours été conservées, au (...)
  • 16 La bibliographie de ces découvertes est presqu’infinie. On citera Guédon et Sabathié, 1997, pour d (...)

13Les dispositifs architecturaux la laissent supposer, et l’on pouvait la deviner à l’examen de la broderie de Bayeux comme à la lecture de quelques textes12. Elle est également confirmée par d’assez nombreuses découvertes d’armes, bien que leur prix et leur valeur symbolique en fassent des objets plus rares que les céramiques ou l’outillage artisanal. Les carreaux d’arbalètes en particulier13 – dont l’identité est maintenant parfaitement démontrée par la trouvaille de plusieurs fragments d’arbriers, d’arcs et de leurs accessoires à Charavines (Colardelle et Verdel, 1993) et sur certaines mottes ou autres formes de castra de noix d’arbalètes que la solidité de leur matériau, l’os, a permis de conserver (par exemple à Andone) – ainsi que les pointes de flèches14, y sont particulièrement abondants, mais ce sont parfois des fers de lances15, des umbos de boucliers voire des épées que l’on exhume (toujours au Camp de Péran). A cet armement s’ajoutent des accessoires d’équitation, depuis les innombrables fers à cheval jusqu’aux éperons en passant par les mors, les boucles de harnais, etc.16. Ces armes et ce matériel de cavalerie sont particulièrement significatifs d’un statut social élevé, qui contraste avec la pauvreté constatée dans nombre d’habitats paysans de la même époque, par exemple ceux de Melrand dans le Morbihan (André, 1982 ; Chalavoux, 1991) et des environs de Lyon (Boucharlat, 2001). A contrario, la présence d’armes, d’éperons et autres accessoires guerriers dans certains habitats ruraux qui ne paraissent pas fortifiés – mais les fouilles sont rarement assez complètes pour que l’on puisse en être sûr – posent question, comme à Riedisheim – Leibersheim dans le Haut-Rhin (Schweitzer, 1990, p. 141 et B).

  • 17 Ainsi, en Gironde, 128 fortifications de terre ont pu être identifiées avec une certaine imprécisi (...)
  • 18 Voir par exemple le plan de 1754 du château de Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais), qui offre a (...)
  • 19 Voir par exemple Agache, 1970, et Dausse, 1975, pour l’archéologie aérienne en Picardie ; Beresfor (...)

14La motte castrale est un type de fortification courant dans l’ensemble de la France, comme le démontrent les inventaires régionaux – qui se multiplient, mais qui ne suffisent pas dans la mesure où la typologie seule ne peut permettre d’apprécier une chronologie précise (Castellui, 1984 ; Zadora-Rio, 1985 ; Burnouf, 1985 et 1986) – et les fouilles, hélas en nombre insuffisant. C’est certainement en Provence et en Savoie qu’il est le moins répandu, sans que l’on puisse en établir avec certitude les raisons (peut-être la prévalence de formes d’habitat anciennes et solidement installées dans la première, la puissance du pouvoir comtal des Humbertiens dans la seconde). Partout ailleurs on en compte plusieurs dizaines par département17, l’inventaire étant bien entendu tributaire de la cartographie de la recherche dans la mesure où aucun programme national systématique n’a jamais été réellement mené à terme avec des moyens suffisants. La toponymie, l’examen des plans ou parcellaires anciens, fournissent des renseignements précieux18. L’archéologie aérienne, dans les régions de plaines cultivées notamment, a aidé les entreprises de prospection ; mais la typologie étant insuffisante pour dater, le trop faible nombre de fouilles et de sondages rend difficile l’exploitation scientifique de ces recensements19. Pour notre part nous en connaissons, à partir des publications, un peu moins de 2000, ce chiffre étant certainement bien en-dessous de la réalité, ne serait-ce que du fait de l’inégale conservation d’un patrimoine fragile à l’érosion naturelle, de surcroît particulièrement touché par les travaux agricoles qu’il gênait, et assez facile à niveler lorsque l’agriculture le demande.

Arçon de selle sculpté, bois, début du xie siècle ; habitat fortifié littoral de Colletière (lac de Paladru, Charavines, Isère) (fouilles M. Colardelle et E. Verdel)

  • 20 Ainsi à Liétor près de Murcie, où un habitat rural explicitement arabe (présence d’un mobilier car (...)

15Cette fréquence n’est pas propre à la France : l’Angleterre est tout aussi riche, et les mottes castrales, qui semblent se développer surtout à partir de la conquête normande pour asseoir les nouveaux pouvoirs territoriaux, constituent comme le démontrent les archéologues et historiens d’outre-Manche, la forme la plus courante du siège châtelain. Dans le Pays de Galles, la motte de Rhuddlan a été élevée par les Normands entre 1066 et 1073 (Collectif, 1981, p. 26-27). A Hen Domen (Montgomery), le premier château, de structure assez complexe quoiqu’en bois, doté d’une motte et d’une basse-cour caractéristiques entourées de fossés, a été construit par Roger de Montgomery dans les années 1070-1080 (Barker, 1989). A Goltho près de Lincoln, le site saxon est recouvert d’une motte vers 1080 également (Beresford, 1987). La Belgique, l’Allemagne occidentale, l’Autriche, la Suisse, l’Italie méridionale (Settia, 1982 et 1997 ; Noyé, 1980) en possèdent également, cette dernière explicitement sous influence normande comme à Scribla, construit en 1048 (Pesez et Noyé, 1989, p. 161-166). Il faut atteindre les régions scandinaves et slaves pour sortir de l’aire d’extension du type. Le Grod slave, « noyau proto-urbain », et la grande enceinte scandinave, ne répondent évidemment pas à la motte castrale occidentale ; quant aux innombrables « mottes » du Danemark, elles appartiennent à un horizon chronologique plus tardif, et procèdent d’un mouvement de création de maisons fortes (moated-site, Wasserburg), général à cette période en Europe. En Espagne, le type architectural existe bien que plus rare semble-t-il, alors même que l’habitat rural commence à être bien connu et que de spectaculaires découvertes archéologiques indiquent l’existence de « paysans-soldats » munis d’armes, d’équipements de cavalerie et d’outils agricoles et artisanaux très proches de ceux de leurs homologues du lac de Paladru20. Cette répartition est en elle-même un argument à l’appui d’une interprétation de ce phénomène castral comme un sérieux indice de la force de la transformation sociale à laquelle il correspond.

Relations avec l’environnement

16La relation de la motte castrale avec un habitat rural dépendant n’est pas aisée à établir, les conditions de la recherche étant rarement favorables du fait des discontinuités stratigraphiques et de l’extension des chantiers à laquelle il faudrait parvenir pour explorer toute la zone contiguïté. A Décines-Charpieu, il a ainsi été possible de repérer, sans le fouiller, un habitat situé en-dehors des défenses de la motte et de sa basse-cour. On ignore leur statut relatif, si ces éléments semblent bien contemporains (Bouvier et al., 1992, p. 246). Les indices fournis par des textes (d’ailleurs le plus souvent postérieurs) sont sujets à caution, la signification des termes employés étant souvent imprécise (ainsi, pour la poype du xie s. de Décines-Charpieu, le terme juxta utilisé pour lier poypa et ecclesia dans un document de 1261 ; cf. Bouvier et al., 1992, p. 235). De même, si l’on a parfois noté la proximité de la motte avec un prieuré pouvant, le cas échéant, constituer un petit centre paroissial, ce n’est pas une constante (Barrière, Cantié et Leblanc, 1983, p. 108 ; Barrière et Cantié, 1983). Il est certain que l’étude précise et systématique des relations entre lieux de culte, en particulier paroissiaux, et fortifications de terre, permettrait de mieux comprendre les conditions de la fixation des communautés rurales, la question essentielle étant celle de la précédence du château, avec chapelle castrale ou non, sur le village et son ensemble paroissial (cf. infra). Les situations semblent variables, les mottes paraissant parfois avoir été moins attractives pour l’habitat que les églises, mais le rapport entre motte et église, même séparées géographiquement, n’étant que rarement connu (Rémy, 1995). L’archéologie est ici susceptible d’apporter des indications intéressantes, dans le silence général des textes pour cette époque (Boucharlat, 1987).

17En revanche, on a souvent soupçonné, en croisant les données textuelles et les analyses archéologiques, la relation des premiers châteaux avec un mouvement de déforestation. Ainsi, dans le Cinglais, c’est dans les forêts périphériques des anciens terroirs que s’installent les premières fortifications (Fixot, 1968) ; dans le Perche, on peut mettre en rapport l’essor des familles châtelaines (Rotrou et Bellême), dans un contexte d’affrontement à visée territoriale, avec la conquête agraire d’un espace forestier intersticiel entre la Normandie, le Maine, l’Anjou et le comté de Blois (Flambard-Héricher, Bernouis et Decaens, 2000). En Thiérache, c’est à l’essartage de terres revenues à la forêt qu’est lié le premier mouvement castral (Doyen, 2000). La carpologie ou la palynologie pratiquées sur des sites fouillés permettent parfois de remarquer cette coïncidence. Il en va ainsi dans les Ardennes pour la motte de Chanteraine dans la vallée de Thin (Bur et Richard, 1987), en Normandie pour la motte d’Olivet à Grimbosq dans le Calvados (Decaens, 1981, p. 190) ; pour la motte de Bourzac en Dordogne (Diot et Fayolle-Lussac, 1983) ; et pour les rocas de Languedoc, même s’il est probable qu’elles aient été implantées dans des paysages de forêts ayant reconquis des terrains antérieurement cultivés (Durand, Forest et al., 1997, p. 14-17). Des études plus générales sur l’évolution des terroirs, croisant sciences de l’environnement et textes, confirment le rôle des mottes comme l’une des bases du défrichement (par exemple, en Limagne d’Auvergne ; cf. Daugas et Tixier, 1977, p. 435). A contrario, les premiers châteaux ne jouent qu’un rôle secondaire dans les pays anciennement peuplés (Schneider, 1992).

18La position de nombreuses mottes sur un passage routier important, générateur de profits, et de quelques-unes dans le voisinage immédiat d’une exploitation minière comme à Brandes en Oisans est explicite (L’Alpe d’Huez, Isère, cf. Bailly-Maître et Bruno-Dupraz, 1994). La même hypothèse peut être avancée pour plusieurs châteaux du rebord méridional du Massif Central, lorsqu’ils sont cités dans les sources (Journot, 1992). On peut effectivement proposer une règle générale selon laquelle la majorité des fortifications de terre (comme des châteaux qui leur succèderont) sont installées de telle manière qu’elles contrôlent et en même temps protègent – ce qui équilibre au moins théoriquement l’échange – une ou plusieurs activités économiques, parmi lesquelles l’agriculture bien sûr. Les textes corroborent parfois cette hypothèse : A. Debord évoque, à partir de la chronique de Lambert d’Ardres, l’édification vers 1060 par le seigneur de Selnesse d’une motte à Ardres (Boulonnais), destinée à sa résidence mais surtout au contrôle de la route (Debord, 2000, p. 75). Sans texte cette fois, mais avec une convergence convaincante d’indices archéologiques, Pas-en-Artois laisse entrevoir un dispositif semblable, avec une motte tronconique placée sur un versant de vallée escarpé de la Quillienne, sur un site de passage obligé qu’emprunte d’ailleurs l’antique voie d’Amiens à Arras (Demolon, 1991, p. 26 et 206). En milieu urbain, nos connaissances sont beaucoup moins développées mais les cas de Douai et des villes des Pays-Bas méridionaux sont assez explicites : des mottes y ont été édifiées par des autorités supérieures, parfois en rivalité pour le contrôle de la cité, et si ces implantations ne semblent pas avoir eu de conséquences notables sur le développement urbain, il semble bien que le symbole d’autorité qu’ont manifesté très tôt les mottes y ait été privilégié (Demolon et al., 1990 ; Meulemeester, 1992).

Chronologie du mouvement

  • 21 Voir par exemple la difficulté à identifier la motte de Dol représentée dans la broderie de Bayeux (...)

19Il reste bien entendu à discuter de la chronologie exacte de ce mouvement. Les textes sont d’un faible secours, car il est exceptionnel de disposer d’indices suffisants pour être sûr qu’une mention s’applique à telle structure21 plutôt qu’à celle qui la précède ou lui succède peut-être, ou bien qui se trouve à quelque distance. La numismatique, la typologie des objets et particulièrement des céramiques dont des ateliers d’échelle régionale comme des importations commencent à être bien connus, voire les datations archéométriques de plus en plus précises et fiables sont préférables. Elles ont progressivement démonté le mythe d’une origine tardo-carolingienne et assuré une quasi-coïncidence des textes et de l’archéologie, en même temps que la question des origines, initialement proposée dans le nord de la France, se compliquait et qu’apparaissaient des fortifications de terre aussi précoces au sud (Boüard, 1964 et 1968 ; Fixot, 1973-74 et 1975 Colardelle et Mazard, 1979 et 1983 ; Pesez, 1990a). Plus exactement on peut maintenant penser que la diffusion du modèle architectural de la motte castrale (et du modèle social qui lui correspond), sous réserve de ce que nous avons dit pour les petites enceintes, commence durant les deux décennies qui encadrent l’An Mil et se généralise avant le milieu du xie siècle, ce qui le fait précéder de peu les indications textuelles. Mais cette proposition doit être maniée avec prudence : la typologie n’est qu’indicative, on doit la vérifier cas par cas ; et il ne faut pas confondre mottes et grandes enceintes, partout datées du haut Moyen Âge (Fournier, 1961a ; Noyé, Raimondo et Ruga, 1998, p. 432-439), ni petites enceintes, probablement intermédiaires entre les unes et les autres (cf. supra).

  • 22 C’est le cas, par exemple, pour la motte d’Orsas à Gaillac-Toulza (Haute-Garonne), où un petit lig (...)
  • 23 Ainsi la motte du Châtenet-en-Dognon (Haute-Vienne) est-elle modernisée sur place, des bâtiments d (...)

20La question de la fin de ce mouvement est bien entendu plus difficile, dans la mesure où les situations sont très variables, certains sites ayant perduré. Nombre de mottes sont abandonnées tôt – après une occupation variant de quelques années à quelques décennies – et dans ce cas rien ne vient prendre leur suite22 ; les autres demeurent, avec le statut de chef-lieu de châtellenie, et adoptent un jour ou l’autre, selon la fortune et le rang du lignage qui les occupe, une architecture plus à la mode et en rapport avec leur situation sociale23. Il est de moins en moins sûr, en tout cas, que toutes les fortifications de terre et de bois aient disparu au xiie siècle, s’il est probable que l’on n’en ait guère construit de nouvelles du type primitif à partir des années 1150.

Le statut des occupants des mottes castrales

  • 24 Par exemple, sur la motte de Loisy en Saône-et-Loire, où ont été découvertes plusieurs pièces en o (...)

21Sa détermination est, en vue de l’interprétation historique, particulièrement intéressante. L’archéologie démontre la prévalence des occupations militaires mais aussi la relation étroite avec l’exploitation de la terre (directe ou indirecte). Dans certains cas mieux documentés du fait de la présence de fonds d’archives riches, on peut à la fois distinguer une corrélation entre l’importance de l’ouvrage et celle des résidents ou propriétaires, comme en Limousin où les mottes vicomtales sont plus hautes que celles des simples milites, seules les premières étant désignées par le terme de castrum ou de castellum, en liaison avec l’exercice du pouvoir banal (Barrière, Cantié et Lombard, 1988). Le spectaculaire « tchesté » de la Roche à Sugny, déjà cité, est également comtal. En revanche, les mottes des ducs de Normandie ne paraissent pas avoir été les plus grosses (Le Maho, 1977), ces princes préférant d’ailleurs, à la fois probablement pour des raisons fonctionnelles et symboliques, conserver plus longtemps que d’autre familles princières un type d’origine plus ancienne, celui de la grande enceinte, expression peut-être aussi d’une tradition scandinave conservée (Renoux, 1989). De toute manière, les modes de vie s’apparentent au moins en partie à ceux de l’aristocratie, ainsi que le montre la fréquence d’objets à forte charge symbolique comme les pièces d’échecs et dans une moindre mesure de trictrac24, sans compter les armes et accessoires d’équitation déjà évoqués.

  • 25 Périodisation relative et non absolue, la véritable féodalité japonaise étant réputée ne s’install (...)

22Avant de conclure sur ce sujet, on doit constater la double et troublante ressemblance entre les systèmes sociaux médiévaux et les résidences fortifiées occidentaux et japonais ; la première a été soulignée dans des ouvrages récents (Souyri, 1998a et b) ; la seconde n’est guère connue, le sujet demeurant peu étudié au Japon même. Il est difficile d’en tirer parti pour l’instant, les termes de la comparaison étant particulièrement complexes s’agissant de régions aussi éloignées l’une de l’autre géographiquement, économiquement et culturellement. Par ailleurs, il faut se défier de simplifications excessives, susceptibles de légitimer à nouveau certaines positions idéologiques dangereuses. Les textes sont évidemment beaucoup plus nombreux au Japon, mais l’intérêt de l’archéologie pour la période de Nara et, en ce qui concerne les périodes suivantes (Heian et Kamakura notamment) pour les palais et les temples, a probablement empêché que l’on consente des efforts suffisants à des travaux nécessairement interdisciplinaires et longs. On ne dispose donc de chronologies que larges, et de convergences entre histoire et archéologie que rares. Il n’en reste pas moins que plusieurs des caractéristiques des fortifications de terre et de bois occidentales se retrouvent dans les châteaux médiévaux japonais. Innombrables, de tailles et de types divers mais assez proches justement, dans leur variété, de leurs homologues occidentaux, ils se multiplient durant les périodes de faiblesse des pouvoirs centraux à l’initiative d’une aristocratie foncière particulièrement mobile, d’extraction et de destin contrastés, toujours néanmoins fondée sur le contrôle des paysans, l’accaparement plus ou moins autorisé de fonctions régaliennes justifiant des redevances, et la force militaire qui se nourrit de la violence en même temps qu’elle la produit (Yoshihiko, 1994). La naissance d’une forme d’organisation sociale assez proche de celle de l’Europe occidentale sensiblement à la même période, que l’on appelle par commodité féodale mais qui, comme en Occident, correspond à des systèmes bien plus complexes et divers – et en tout cas bien moins absolus25 – de relations entre les pouvoirs officiels et les communautés paysannes, par l’intermédiaire de seigneurs de rangs variés, est contemporaine de la mise en place du réseau castral. Autre ressemblance, l’éveil économique du territoire, qui se manifeste par la multiplication des défrichements et l’extension des rizières. Qu’en conclure ? Qu’une piste de recherche s’ouvre, qui mériterait d’être explorée par les chercheurs japonais et européens en évitant d’exporter ici et là des paradigmes trop contraignants et fatalement non-pertinents, mais en examinant comparativement les manifestations de ces systèmes complexes et uniques, dont les similitudes et les différences peuvent justement aider à élucider les processus d’élaboration.

23Massif – impressionnant, devrait-on dire –, précoce, explicitement lié à une société militaire souhaitant dominer un territoire rural qu’elle ne voulait pas exploiter directement, fondement dans une large mesure si ce n’est en quasi-totalité du réseau châtelain de la fin du xie et du début du xiie siècle, le phénomène castral reflète une transformation radicale des rapports sociaux, même s’il est hors de doute que les prémisses en sont plus anciennes et qu’il ne fait qu’accomplir une évolution commencée au moins avec l’époque franque, où le port des armes (scramasax notamment) identifie l’homme libre. Il marque, autant et plus que l’église, la stabilisation d’un paysage rural qui formera la trame économique de l’Occident jusqu’à l’époque contemporaine.

L’ÉGLISE ET SON CIMETIÈRE : L’INTERPÉNÉTRATION DES MONDES DES VIVANTS ET DES MORTS

  • 26 R. Fossier pose la question aux archéologues, qui n’ont guère pris la peine de lui répondre (Colle (...)

24On n’a pas assez scruté, en travaillant sur la question de l’An Mil, une évolution majeure de l’un des aspects les plus profonds des mentalités, celui qui touche à la mort26. Sur le plan religieux, on a en revanche beaucoup publié sur la naissance de l’art roman, sur l’essor des ordres monastiques et sur celui des pèlerinages. Nous n’y reviendrons pas, mais ces acquis sont essentiels en toile de fond de la réflexion sur le cimetière.

25C’est à la fin de l’époque carolingienne que s’uniformise et se normalise la morphologie des sépultures, après un haut Moyen Âge caractérisé par une grande variété des formes d’inhumation, ne reflétant pas seulement des différences de catégories sociales, mais aussi des origines ethniques, des modes régionales, des croyances religieuses, une multiplicité d’influences aléatoires. Présence ou non de mobiliers funéraires en position d’usage ou groupés, matériaux et disposition des contenants et des superstructures, position des corps, répartition des sépultures, tout était éminemment variable. Ces tombes étaient jusqu’à récemment difficiles à sérier et à classifier, tant que des méthodes de fouille et des techniques de laboratoire sophistiquées n’avaient pas été adoptées, ce qui a longtemps brouillé la perception que l’on pouvait avoir d’une évolution dont les périodes d’aboutissement – les ixe-xiie siècles – ont été de surcroît en général peu étudiées dans la mesure où elles livraient peu ou pas de mobilier.

26On commence à présent à discerner les grandes lignes de cette évolution (Colardelle, 1983 ; Colardelle, Démians d’Archimbaud et al., 1996). On constate l’adoption d’un type uniforme de sépulture, caractérisé par une disposition serrée autour d’une église, de nombreux recoupements, un plan anthropomorphe ovale (de la fosse pour les simples enfouissements en pleine terre, des bordures de pierres sèches ou maçonnées pour le plus grand nombre ou du sarcophage pour les plus fortunés). De cette uniformisation, la position éminente, centrale du sanctuaire donne probablement l’explication essentielle sinon unique : l’unification religieuse, conjonction probable d’un encadrement clérical plus serré et de l’évolution des systèmes de sociabilité dans des communautés qui occupent plus densément les espaces agricoles disponibles. Les textes (Treffort, 1996) laissent également entrevoir le rôle joué par les moines et les prêtres dans la modification des pratiques entourant les funérailles à partir de l’époque carolingienne – la convergence chronologique est explicite.

27Mais l’aspect le plus spectaculaire réside dans la position spatiale respective de l’habitat et du cimetière. Jusqu’à l’époque carolingienne comprise, pas de tombe dans la ville intra-muros, ni à l’intérieur du village – on peut même discuter de l’application de ce terme à l’habitat rural groupé (Zadora-Rio, 1995). S’il existe bien des structures paroissiales – probablement plus précoces et plus nombreuses qu’on le croyait (Colardelle, 1991) –, progressivement mises en place entre le ve et le xe siècle, comme il existe des sièges paroissiaux dans tous les centres urbains importants issus de l’administration gallo-romaine, les cimetières s’organisent hors les murs, en accord avec la tradition codifiée à l’époque romaine dans la loi des Douze Tables (Reynaud, 1996) ravivée par des textes canoniques comme ceux du concile de Braga (563). La crainte des revenants, esprits et doubles, qu’illustrent nombre de pratiques et coutumes antiques et que confirme la littérature, est forte. Dans la ville, l’enceinte, matérialisation explicite de l’ancien concept religieux et juridique du pomerium, ne recèle donc aucune tombe, si ce n’est dans la cathédrale, mais très rarement, le sarcophage d’un évêque à partir des Ve-VIe siècles (exemples de Genève, cf. Bonnet, 1993 ; des villes de l’Italie du Nord, cf. Lambert, 1996, etc. ; certains n’hésitent pas à parler à leur propos de cathédrales « martyriales »). Dans ce cas d’ailleurs, il s’agit de corps saints, intercesseurs vers l’au-delà, davantage reliques que véritables sépultures. La seule exception, à notre connaissance, est celle de Digne, où tout semble démontrer qu’une église du groupe cathédral primitif possède une fonction véritablement funéraire (Démians d’Archimbaud, 1992). C’est justement lorsque l’ancien groupe épiscopal tombe en désuétude au profit d’une église unique dont les subdivisions architecturales disparaissent progressivement au profit d’un volume unique, regroupant l’ensemble des fonctions liturgiques, baptême compris, qu’apparaît et se développe très vite le cimetière de la cathédrale. Ce dernier donne au territoire de l’évêque et de son chapître, après la réforme de Chrodegang qui avait engendré une réorganisation de l’espace canonial, son aspect médiéval définitif. La même évolution se manifeste dans les groupes paroissiaux du haut Moyen Âge.

28Les morts, à partir de la fin du xe siècle – toute datation plus précise et généralisable reste aujourd’hui impossible, mais déjà cette approximation est d’importance – pénètrent en nombre dans l’espace bâti et habité. Dira-t-on qu’on ne les craint plus, ou qu’on les craint moins ? Certainement, car c’est à présent autour de l’église, paroissiale ou non, et de son cimetière dont le statut juridique est, pour l’essentiel, dans la continuité de celui de l’église elle-même, que sont organisées les communautés, à la ville comme à la campagne. Les cimetières ruraux en aire ouverte ont été progressivement abandonnés, sauf si une église paroissiale y a été créée ou si un prieuré s’y est installé. Le clergé administre la terre consacrée qui reçoit les dépouilles des chrétiens – c’est-à-dire pratiquement tout le monde, si l’on considère comme chrétien celui qui a reçu le baptême – et, si la mort ne donne lieu à aucun sacrement particulier et reste juridiquement du domaine de la famille, il s’empare progressivement de l’organisation des funérailles, dont il tire d’ailleurs un revenu substantiel. Etre enterré près de l’église, ou mieux encore si l’on est clerc, noble ou bourgeois nanti, à l’intérieur, et ainsi profiter des prières des vivants tout en vivifiant par le souvenir les solidarités de la communauté paroissiale, devient l’un des déterminants de la « bonne mort ». Ce phénomène ne prendra que plus de force avec la « naissance du purgatoire » à la fin du xiie siècle, et avec la multiplication des prières d’intercession, de cérémonies commémoratives et de fondations de chapelles qui l’accompagneront (Le Goff, 1996). Après le cimetière de la cathédrale, c’est celui des édifices religieux intra-muros initiés par les princes laïcs qui prendra le relais et attirera les tombes des grands nobles et des dignitaires (Colardelle, 1996, p. 119-122).

  • 27 Les textes comme les documents archéologiques sont sans ambiguïté, même si les publications s’inté (...)
  • 28 La relation des fondations paroissiales avec le réseau castral, fondations qui sont pourtant le pl (...)
  • 29 Une lettre de Sylvestre II à l’archevêque de Reims, datée entre 1000 et 1003, mentionne un conflit (...)

29Ainsi, les morts sont entrés en ville, comme ils sont au cœur des villages27, anciennes villae ou habitats groupés en un endroit favorable par rapport aux reliefs et aux voies de communication, comme nouvelles fondations plus ou moins proches de castra que la création des seigneuries châtelaines et les défrichements ont contribué à multiplier à la campagne28. Dans les espaces suburbains, les basiliques martyriales sont nombreuses, on le sait pour de grandes villes comme Lyon ou Metz pour lesquelles les textes sont explicites, on le découvre grâce à l’archéologie dans des cas moins documentés29. Elles étaient déjà, avec les communautés monastiques qui s’étaient créées pour gérer les pèlerinages et autres manifestations de piété qui s’y déroulent, des centres d’activité où l’on ne peut exclure la résidence de quelques pauvres bénéficiant des aumônes. Rien ne vient plus à présent entraver la création de véritables vici suburbains, de burgi dont les fonctions commerçantes et artisanales apparaissent extrêmement tôt : J. Heers (1990, p. 160-165) a souligné la relation logique qui existe, dès l’origine, entre pèlerinages qui concentrent les voyageurs, clercs qui les surveillent, et marchés ou foires. Et il semble bien que le rapport particulier des communautés monastiques avec leurs morts ait joué en faveur d’une modification des mentalités dans le sens d’une meilleure acceptation des défunts près de la résidence des vivants (Galinié, 1996, p. 21). A Reims, Lyon, Dijon, Bourges, Tours, Chalon ou Orléans, c’est au ixe siècle que ces bourgs sont mentionnés dans les textes mais ces quartiers péri-urbains se cantonnent dans la France centrale (Chédeville, 1992, p. 59-61). Ces exemples restent néanmoins, à ce qu’il semble, l’avant-garde de ce qui se produira plus massivement, et sur tout le territoire, à la fin du xe et au xie siècle, à savoir une croissance rapide de la ville sous forme de faubourgs centrés sur les basiliques (système « polynucléaire »), comme Metz ou Paris en fournissent le modèle spectaculaire. Chaque basilique avec son cimetière, ou bien garde son statut monastique auquel s’ajoute un titre paroissial, ou encore devient simple paroisse. Cette nouvelle structuration, qui favorise la stabilité de la population, joue un rôle non négligeable dans la dynamique économique qui commence peu à peu à se faire sentir. Le même phénomène est à l’œuvre pour le village, qui tend à se fixer autour d’une église paroissiale qui rassemble des fonctions liturgiques naguère séparées (Fixot, 1989, p. 18 ; Zadora-Rio, 1995).

30Dans cette évolution dessinée à trop larges traits pour rendre compte de tous les possibles, mais qui paraît néanmoins ressortir des apports récents de la recherche archéologique, la place différente donnée aux morts par les vivants au fil du temps, l’évolution du sentiment religieux, des pensées eschatologiques, sont essentielles. La ville et le village médiévaux font une large place au cimetière, qui devient d’ailleurs en leur sein un espace particulier de sociabilité, lieu paradoxal de la norme comme de la marge. La relative rapidité de l’interpénétration du cimetière et de l’espace habité – de l’ordre d’une cinquantaine d’années, au plus, probablement moins, accentue l’interrogation sur les racines de cette transformation. On a évoqué le rôle probablement joué par les communautés monastiques, comme semble le montrer la précédence anglaise dans ce domaine (Galinié, 1996, p. 19-20) ; et même si les particularités de l’Angleterre, en ce qui concerne tant son contexte culturel que les conditions de sa christianisation, font que l’argument ne peut être reçu comme indiscutable, il est certain que ce sont les moines qui, les premiers, ont entremêlé leurs bâtiments résidentiels et leurs sépultures comme ils s’étaient installés au voisinage des basiliques suburbaines dès l’époque paléochrétienne.

31S’il ne fait aucun doute que ce nouveau paysage physique répond à un nouveau paysage mental, il reste à déterminer si cette dernière évolution a joué un rôle dans le développement villageois et urbain, ou si c’est simplement la dynamisation de l’économie, avec l’accroissement de la pression sur la terre qu’elle a générée, qui a détaché les hommes de leurs conceptions millénaires du rapport entre les vivants et les morts. La chronologie semble plaider en faveur de la première hypothèse, mais on peut aussi tout simplement en déduire que le changement de mentalité a facilité le peuplement des faubourgs et donc seulement aidé à l’essor urbain. Faute de preuve, nous laisserons cette question ouverte, en soulignant toutefois que le Moyen Âge est un temps à la fois de profond sentiment religieux et de force des liens sociaux de toute sorte, familiaux, paroissiaux, corporatifs, féodo-vassaliques. C’est certainement cet « ordre médiéval » qui, après le coup de fouet démographique des décennies qui entourent l’An Mil, a perpétué jusqu’à la récession du xive siècle le dynamisme économique occidental. Il n’est donc pas impossible que le changement de regard des vivants sur les morts ait fait davantage que rendre possible l’essor du village et de la ville, et qu’il en ait été l’un des facteurs déterminants.

L’ESSOR ÉCONOMIQUE

32La croissance démographique, se manifestant surtout par une densification et une extension des terroirs, n’est plus guère discutée pour la période qui nous occupe. Les historiens l’aperçoivent grâce aux textes (Duby, 1996, 1re éd. 1973, p. 201-206), la toponymie complète ces derniers lorsqu’ils sont par trop lacunaires. L’archéologie funéraire, pour l’instant, ne permet guère de la mesurer, faute de séries suffisamment nombreuses. L’archéologie de l’habitat, lorsque l’on dispose de synthèses comme celle récemment publiée sur les travaux conduits lors d’opérations de fouilles préventives sur des habitats civils ruraux de la région lyonnaise (Faure-Boucharlat, 2001, p. 34-36 en particulier), la confirme en revanche, qu’il s’agisse de créations nouvelles ou de réoccupations voire tout simplement de densification. La chronologie de cette croissance, en revanche, est en débat, comme ses moteurs (Collectif, 1990). Elle est peut-être plus précoce au sud (Bonnassie, 1990), ainsi que dans le voisinage des cités principales. Dans le nord ou le nord-est, ainsi que dans la région parisienne (Foucray, 1996), on la constate dès l’époque carolingienne également. Mais d’une manière générale, c’est autour de l’An Mil que le mouvement démarre vraiment.

La continuité de l’habitat rural et du terroir depuis le haut Moyen Âge

33Un débat existe, parmi les archéologues et les historiens, sur cette question. Les uns, comme Robert Fossier, estiment que jusqu’à l’aube du xie siècle l’habitat n’est pas fixé, le village n’adoptant qu’à ce moment la structure classique qui sera la sienne ensuite – avec des variantes non secondaires, d’ailleurs – les autres estimant, à la suite de fouilles comme celles de Mondeville (Calvados) près de Caen et de nombreux résultats, non publiés pour la plupart, de fouilles de sauvetage récentes (Lorren, 1981 et 1999 ; Lorren et Périn, 1995, p. XIII-XIV et 1997) que dans ses grandes lignes, au contraire, la répartition du peuplement est acquise entre le viie et le ixe siècle. De nombreux travaux récents, croisant données archéologiques (prospections, sondages, fouilles) et données historiques, insistent sur la complexité des phénomènes et sur les risques que fait encourir une simplification excessive (Schneider, 1992). D’autres, plus axés sur la documentation historique sans cependant exclure a priori l’archéologie, insistent sur la variété des situations, tout en constatant la relative uniformité du développement démographique (Bourin et Parisse, 1999, p. 21-22 ; Delort et Walter, 2001, p. 220-221). La question n’est donc pas facile, et des cas d’espèce peuvent masquer les tendances générales, en l’absence de fouilles extensives publiées en nombre suffisant. L’enjeu de cette discussion n’est en tout cas pas mince, l’essor ou la stagnation – et même la poursuite d’une tendance légèrement haussière plus ancienne – ayant des significations très différentes du point de vue qui nous occupe.

34On peut tenter de reprendre ce débat sous deux angles, celui de la répartition – et de l’évolution quantitative – de l’occupation du terroir et celui de la continuité de l’habitat, c’est-à-dire de l’enracinement des communautés. Bien évidemment, il existe une relation entre les deux, mais un terroir peut ne pas se modifier pour l’essentiel, alors que l’habitat qui lui correspond se déplacera.

35En ce qui concerne la répartition, il est certain que les terroirs les plus proches des agglomérations d’origine antique – qui perdurent évidemment pour la plupart, même si elles connaissent des régressions d’emprise durant le haut Moyen Âge ainsi probablement qu’une diminution de leur densité – demeurent dans leurs grandes lignes occupés. Les innombrables fouilles préventives conduites durant la seconde moitié du xxe siècle le confirment avec éclat.

  • 30 Dans l’Isère, des travaux précis de prospection archéologique croisés avec les données archivistiq (...)
  • 31 Voir Durand, 1992.
  • 32 Voir, dans ce volume, l’article d’Aline Durand.

36En ce qui concerne la continuité, on peut remarquer le grand nombre d’habitats ruraux dont l’abandon, démontré par les fouilles archéologiques, se situe à la fin de l’époque mérovingienne. Il en est ainsi de Sannerville (Pilet et al., 1992), où la fin du viie s. marque l’interruption définitive d’un habitat quasi-permanent depuis la fin de La Tène, aussi bien que de l’habitat (villa ?) du Camp de Larina à Hières-sur-Amby dans l’Isère (Porte, 2001). La seconde grande période d’abandon se situe autour de l’An Mil, en particulier pour les habitats de fondation tardive. C’est par exemple le cas pour les nombreux « proto-villages » de la moyenne vallée du Rhône (Faure-Boucharlat, 2001). Le même phénomène est constaté dans le nord, à l’exception de sites urbains tels que Douai (Demolon, 1980). Il en va de même pour de nombreux habitats de la région parisienne encore non publiés exhaustivement, tels que Bussy-Saint-Georges, Vert Saint-Denis et Servan en Seine et Marne. Abandon encore des Gaudines à Vieux dans le Calvados (xe s.), de Juvigny dans la Marne et de Torcy-le-Petit dans l’Aube (ixe s.) (Lorren et Perin, 1995). Dans l’ouest parisien, où l’archéologie a fourni de nombreux indices, pour le xie siècle, « la majorité des centres villageois… semble issue de la promotion d’une fraction des habitats antérieurs » (Bourgeois, 1995, p. 423), ce qui implique discontinuité et réorganisation. Mais tout démontre, qu’il s’agisse de l’évolution du peuplement30 ou de celle des peuplements forestiers grâce aux méthodes de la palynologie, de la carpologie, de l’anthracologie et de la dendrologie, que les terroirs cultivés ont connu une notable et rapide expansion à la charnière des millénaires. Ainsi en est-il en Languedoc31 et d’une manière plus générale des régions méditerranéennes32 mais on verra plus loin que le cas est général. Si le fait est indiscutable, il reste en revanche à en comprendre les causes. Il faudra aussi s’interroger sur les raisons de la coïncidence chronologique de la fixation des villages en Scandinavie (Nissen-Jaubert, 1995).

37L’activité artisanale du monde rural peut également apporter des arguments essentiels en faveur de la thèse d’un essor généralisé. Parmi les exemples privilégiés par l’archéologie, on citera celui des ateliers de potiers, dont on connaissait depuis longtemps le nouveau dynamisme à partir de l’époque carolingienne et surtout du xie siècle dans les centres rhénans (Badorf, Pingsdorf), ceux de Rouen et du Beauvaisis, mais dont les fouilles récemment publiées de Fosses et de la vallée de l’Ysieux près de Paris montrent à la fois la mixité avec l’activité agricole – on peut parler de « paysans-potiers » – et le dynamisme à partir du début du xie siècle (Guadagnin, 2000, p. 261-264). Et si la découverte du lieu – ou des lieux – de production de la céramique à fonds marqués de la moyenne vallée du Rhône manque encore, c’est à la même catégorie qu’appartiennent vraisemblablement ses ateliers (Faure-Boucharlat, 1980).

  • 33 C’est ce que laissent apparaître les sources catalanes (Bonnassie, 1975), mais aussi dauphinoises (...)
  • 34 Le rôle de la grande aristocratie issue de la classe dominante carolingienne est-il suffisant pour (...)
  • 35 L’amélioration de l’outillage agricole en fer est souvent alléguée, mais sur quoi se fonde-t-elle  (...)
  • 36 En Languedoc, A. Durand note la coïncidence de la mise en œuvre d’une rotation triennale (céréales (...)

38Les causes de cet essor agraire, qui se traduit également par la renaissance d’une économie monétaire – certes, autour de l’An Mil, n’en est-on qu’aux prémisses – et par le développement d’ateliers artisanaux à l’échelle régionale, sont difficiles à identifier. Probablement s’agit-il d’une conjonction complexe de causes diverses parmi lesquelles les facteurs sociaux endogènes (renforcement de l’encadrement religieux, disparition progressive de l’esclavage33, etc.) ne doivent être sous-estimés. Mais l’ampleur du mouvement démographique qui le fonde oblige à rechercher d’autres raisons, ce d’autant que l’explication classique proposée en particulier par A. Verlhust34 ne résiste pas dès lors que l’on a admis, devant la massivité et l’autonomie, dans la plupart des cas, du mouvement de construction des châteaux de terre et de bois et d’installation de nouveaux pouvoirs dont il témoigne, la faiblesse, pour un temps du moins, de l’ancienne aristocratie carolingienne. Celle d’un progrès technologique, tentante, ne tient guère. Les métaux ne sont pas plus abondants, ni meilleurs : la technologie du haut Moyen Âge était déjà excellente35, et en tout cas on en reste au système du bas-fourneau et aux minerais riches, l’archéologie le démontre amplement. Assolements, amendements des sols36, systèmes d’attelage, tout cela ne précède pas mais suit, et en tout cas rien ne vient, à partir des textes, prouver une évolution technologique déterminante (Comet, 1992). La multiplication des moulins hydrauliques au milieu du xe s. dans l’Europe méridionale puis, au xie, ailleurs – le moulin à vent est plus tardif – est plutôt une conséquence qu’une cause (Fossier, 2001, p. 19-20), de même que l’équipement de certains cours d’eau qui reçoivent, outre les moulins, pêcheries et aménagements de navigation (Chapelot et Rieth, 1995).

Le réchauffement climatique

39Des historiens encore, et particulièrement de Georges Duby (1996, 1e ed. 1973, p. 11-15) puis surtout de Robert Fossier (1990, 1e éd. 1982, p. 9-10), ont élaboré cette hypothèse qui pourrait, par l’amélioration des rendements agricoles qu’il aurait permis, avoir joué un rôle non négligeable dans l’essor démographique des environs de l’An Mil, en diminuant la malnutrition qui était la règle jusque-là. Cet optimum climatique a été repéré depuis longtemps (Lamb, 1965) mais son ampleur était difficile à évaluer à l’aide des seules sources écrites (Le Roy Ladurie, 1967 ; Alexandre, 1977 et 1987), explicitement démontré par l’interruption de la formation des tourbières de l’Oberharz par exemple (Noël, 1972, p. 75), mais sa datation restait imprécise et surtout sa relation de causalité éventuelle avec un redémarrage par ailleurs constaté, succédant à un recul au xe s. (ibid., p. 82-83), discutée.

40Cette hypothèse, mise en cause par nombre d’historiens peu enclins à adhérer à une proposition qui leur paraît par trop déterministe, a reçu de nombreux renforts au fur et à mesure du développement des analyses paléoenvironnementales jusque-là presque exclusivement appliquées au domaine de l’archéologie pré et protohistorique, historiquement plus liée aux sciences naturelles et habituée à établir, du fait de sa connivence avec la paléontologie humaine, des relations causales entre milieu et sociétés, leurs traits culturels et leurs systèmes d’organisation. En France, les études menées par une équipe pluridisciplinaire dans le bassin du lac de Paladru, autour du site de Colletière à Charavines, ont joué un rôle de révélateur qui ne peut être passé sous silence, mais qui doit être considéré simplement comme l’un des plus spectaculaires exemples des possibilités nouvelles ouvertes à la recherche dès lors que l’on ne fait pas un préalable du refus de considérer l’évolution du milieu naturel comme l’un des déterminants – dans quelle proportion, voilà la question – des transformations sociales.

41Il nous semble donc utile de reprendre cet exemple, en actualisant les données disponibles et en les corrélant avec les indications fournies par d’autres sites français et européens.

42Le lac de Paladru est presque exclusivement tributaire des eaux pluviales et de ruissellement pour son alimentation. De nos jours encore, malgré une régulation artificielle qui amortit ses fluctuations, la bathymétrie y varie avec une très forte amplitude en quelques mois et suivant le rythme des précipitations (Feyt, 1982 ; Picard, Colardelle et Verdel, 1989). Ce plan d’eau est donc un excellent enregistreur de la pluviosité saisonnière et annuelle, à laquelle il répond fidèlement. Les observations que les sciences paléoenvironnementales liées à l’archéologie permettent d’y réaliser sont donc particulièrement significatives.

43Sur la séquence millénaire de ses oscillations, telles qu’on les restitue à partir de l’étude paléolimnologique, le xe siècle – nous ne parlerons pas des périodes protohistoriques et gallo-romaines, hors de propos ici – semble la période où le niveau du lac a le plus diminué, après une période mérovingienne probablement assez contrastée et un épisode de hautes eaux du viiie à la fin du ixe siècle (Brochier, 2001). Une première phase de fort abaissement intervient entre les années 895 et 946 (datation déterminée à partir du 14 C couplée à la sédimentologie), où des épisodes chauds et secs se succèdent. Ils trouvent une confirmation dans les sources narratives médiévales, surtout en 921 et 928 (Alexandre et al., 1993, p. 304). Elle est ensuite suivie par une légère remontée qui se prolonge jusqu’en 974, date à partir de laquelle la baisse reprend pour atteindre son maximum entre 994 et les années 1015. A partir de cette période, le niveau lacustre s’élève à nouveau, au point de rendre progressivement inhabitables les sites littoraux, simultanément désertés vers 1040.

44Les indices convergents qui permettent d’évaluer à 3 ou 4 mètres la baisse des eaux du lac de Paladru au xe siècle et de l’attribuer à une oscillation climatique sont fournis par plusieurs disciplines. Le phénomène est d’abord attesté par la palynologie (Borel, 1993) qui constate le graduel assèchement des rives par le développement des aulnes et d’autres espèces végétales typiques des rivages exondés. Il l’est également par la sédimentologie (Brochier et Druart, 1993) qui interprète une couche de craie blanche, sous-jacente aux dépôts archéologiques du xie s., comme le signe d’un réchauffement des eaux littorales. Il l’est encore par la dendrochronologie du hêtre, qui distingue un déficit hydrique et de fortes températures estivales dans la seconde moitié du xe s., avec une accélération à partir de 970. Le chêne enregistre la succession des années pluvieuses 942, 943 et 944 mais aussi la sécheresse des années 990 (Lambert et Lavier, 2001), en accord avec les annales monastiques de l’époque. Enfin, la mesure du rapport oxygène 16/oxygène 18 sur les cernes d’un chêne qui a commencé à pousser en 899 pour être abattu en 1022 au plus tôt et en 1038 au plus tard, a montré une teneur moyenne en 18 O plus élevée que celle des chênes locaux actuels – nous sommes pourtant indiscutablement dans une période de réchauffement. Cette variation traduit une évapotranspiration plus importante pendant la vie de l’arbre (Ferhi, 1993) et quelques singularités correspondent à de courts épisodes climatiques repérés par d’autres méthodes : les valeurs les plus élevées paraissent contemporaines des années sèches 921-928 et les plus basses, aux années pluvieuses de la décennie 940-950. Plus intéressants encore, les résultats de l’analyse suggèrent que pendant la croissance du sujet, le déficit pluviométrique moyen devrait être de l’ordre de 130 mm/an, mais des écarts plus importants, allant jusqu’à 360 mm/an, sont restituables lors des maxima et des minima. Comparés à la moyenne actuelle des précipitations dans la région (1150 mm/an environ), ces chiffres correspondent à des déficits compris entre 12 et plus de 30 %.

45Or, plusieurs textes d’archives extra-régionaux confirment que le dernier quart du xe siècle, au cours duquel les hauts fonds du lac de Paladru émergent, est effectivement caractérisé une succession d’années exceptionnellement sèches. Ces dernières sont mentionnées par les annales des monastères de Corbie, Liège, Cologne, Hersfeld, Quedlimburg et Saint-Gall (Alexandre et al., 1993). D’autres sources écrites, portant sur la production vitivinicole en Allemagne occidentale, indiquent également que les quatre dernières décennies du xe et le début du xie siècle sont scandées par une fréquence soutenue de bonnes vendanges (964, 975, 977, 983, 984, 987, 988, 990, 993, 994, 995, 1000, 1004 et 1007 (Muller, s.d.). Connaissant la sensibilité de la vigne aux aléas climatiques, on ne peut manquer d’établir le lien entre déficit pluviométrique/ températures moyennes élevées et récoltes favorables.

46Certes, il est toujours possible d’invoquer une simple coïncidence d’événements météorologiques, de les attribuer à des circonstances purement locales, ou encore de faire valoir que des observations effectuées sans précision scientifique n’ont qu’une valeur relative et qu’elles se définissent par rapport à la situation précédemment connue de ceux qui les consignent. Il n’en reste pas moins que des faits analogues sont également enregistrés par la végétation contemporaine en divers lieux géographiquement éloignés. Ils pourraient être liés à une phase de forte activité solaire (donc à une diminution de la production du 14 C atmosphérique) et à un réchauffement des températures moyennes estivales de l’ordre de 1 à 1,5 °C. Par exemple, une occurrence identique a pu être clairement prouvée entre 970 et 980 par la largeur des cernes du Pin maritime dans les Alpes méridionales françaises, reflétant des conditions de croissance inusitées (Serre, 1978). On a aussi démontré que la Hollande avait connu au xe siècle une longue période de sécheresse qui avait rendues accessibles des formations tourbeuses (Heidinga, 1984 et 1987). Ou encore que les cernes des arbres de Fennoscandie (Finlande, Suède et Norvège) indiquent des températures estivales plus chaudes pour les décennies 920-940 et 960-1000 que pour les décennies 850-870 ou 1110-1160 (Briffa et al., 1990 et 1992). C’est à la même période (précisément le deuxième quart du xie siècle) que sont mis en culture les marécages jusque-là impraticables de l’embouchure de l’Adige, à l’initiative de l’abbaye de Pomposa (Schmiedt, 1966). Dans ces conditions, ne pourrait-on considérer que des cycles secs simultanément attestés depuis le littoral méditerranéen jusqu’à la Scandinavie, en passant par le lac de Paladru et le monde germanique, participent d’un phénomène de grande ampleur qui aurait touché l’ensemble de l’Europe occidentale, voire l’hémisphère nord, car des signes comparables existent aussi sur les séquences dendrochronologiques du continent nord-américain ? Dans cette hypothèse, il faut rappeler, à titre d’exemples concomitants, que les indiens Pueblos de l’Arizona ont été confrontés à de graves difficultés pour l’irrigation de leurs cultures de maïs, précisément vers l’An Mil (Schneider, 1984), évoquer le développement de la culture de Thulé, dans le Grand Nord Canadien, qui, à la même époque, accompagne un réchauffement relativement important de l’Arctique (Le Mouel, 1991) et ne pas oublier la colonisation par les Vikings de régions aujourd’hui aussi inhospitalières et difficiles d’accès par la mer que l’Islande ou le Groenland, en 930 et 985 (Anderson, 1984).

47La succession d’indices convergents ne suffit évidemment pas pour établir définitivement la démonstration d’un réchauffement climatique global qui paraît néanmoins probable, qui exige de multiplier les références extra-européennes par le dépouillements des chroniques extrêmes-orientales encore trop peu exploitées (comme les Ko-Rynsa coréens, consignant des observations météorologiques pluriséculaires), le collationnement des données dendrochronologiques nord-américaines, la vérification des activités fluviales, des mouvements glaciaires et des pourcentages de carbone 14 résiduel dans l’atmosphère. Entreprise considérable, rendue d’autant plus difficile que les spécialistes de ces domaines travaillent ordinairement sur des échelles de temps beaucoup plus longues et qu’il est souvent difficile de les inciter à porter leur attention sur des périodes courtes, d’autant que les interactions entre climat et phénomènes culturels ne figurent pas parmi leurs priorités de recherche.

48Mais la question essentielle, au-delà des conditions climatiques particulières à l’An Mil, au sein d’un mouvement d’amélioration qui, amorcé comme une tendance générale à la fin de l’Antiquité se prolonge avec des irrégularités jusqu’au tournant des xiie-xiiie siècles (le petit optimum médiéval), est celle de la relation entre modifications des conditions naturelles et évolutions socioculturelles. Car même si le haut Moyen Âge a pu connaître, en divers lieux, une lente croissance économique, l’importance de celle des xe-xie siècles ne peut être mise en doute, de même que le mouvement massif de défrichement qui l’accompagna. En effet, la polyculture à dominante céréalière extensive de l’époque est, comme aujourd’hui dans nombre de pays du tiers-monde, soumise aux aléas climatiques. Tout assèchement, dans une région tempérée plutôt largement arrosée, renforce la productivité, ce qui détermine une amélioration nutritionnelle susceptible de favoriser une augmentation significative de la population en quelques générations (avec une croissance de 0,5 %, on obtiendrait un doublement de la population), phénomène depuis longtemps connu des chercheurs travaillant dans des pays où règne la malnutrition (c’est surtout sur la mortalité infantile que ce facteur agit, mais dans des proportions considérables ; cf. Anonyme, 1956 ; Crubezy et al., 2000, p. 35 ; a contrario, l’étude de certains cimetières montre que la mortalité infantile est inversement proportionnelle à la richesse ; cf. Fugedi, 1969). L’accroissement des précipitations en revanche, et c’est patent dans les quelques textes explicites sur ce sujet (Raoul le Glabre, pour les années 1030-1034 en Bourgogne), est un facteur de pourrissement des céréales, de colonisation des épis par des parasites aux conséquences graves sur la santé (l’ergotisme, le Mal des Ardents médiéval), et de récoltes maigres, donc de famine et de mortalité. Ce point a été vigoureusement contesté par les partisans de la « mutation endogène », selon lesquels les sociétés humaines produisent elles-mêmes les conditions de leurs changements (Bois, 1989) ou par ceux qui réfutent – souvent par anthropocentrisme – l’influence du milieu sur ces évolutions dès que l’on sort du contexte préhistorique.

Aspects sociaux

  • 37 Ici, l’archéologie apporte certainement une réponse à la question « Caballarius signale-t-il un pr (...)
  • 38 Serment de paix de Verdun-sur-le-Doubs, entre 1019 et1021, cité par Barthélémy, 1997, p. 275.
  • 39 Colardelle et Verdel, 1993, p. 215-216 et 253-254.

49L’archéologie précise donc la connaissance que l’on pouvait avoir, à partir des textes, de certains aspects du Moyen Âge central, et parfois la modifie. On discerne mieux les traits d’un monde rural en pleine crue démographique, une pression humaine accentuée sur la terre dont profite, sous prétexte de services rendus mais en réalité par une violence dont témoigne la généralisation étonnamment rapide du modèle castral élémentaire (la fortification privée de terre et de bois) et l’augmentation fulgurante du nombre des armes et des accessoires d’équitation dans les sites archéologiques37, une classe militaire que peinent à contenir les détenteurs de l’autorité publique et les représentants de l’Eglise – mais ils y parviendront évidemment, au prix de concessions et en y mettant le temps, comme le démontrent la réduction durant la seconde partie du xie siècle du nombre des châteaux et la primauté des églises dans l’organisation stable de l’habitat. Cette classe militaire, certes, était en gestation depuis longtemps. L’archéologie a montré l’importance symbolique des armes de l’homme libre mérovingien, mais le fait nouveau, à ce moment, c’est le château qui en abrite une partie au moins. Les membres de cette militia, que l’on ne peut appeler chevaliers qu’au prix d’une approximation dans la mesure où ils n’ont encore que peu à voir avec la chevalerie médiévale classique – il vaudrait probablement mieux les appeler guerriers –, se recrutent probablement dans toutes les parties évolutives de la société, ce qui explique certainement les « cavaliers-paysans » de Charavines et d’ailleurs, tel ce caballarius ad carrucam38 que les textes avaient déjà laissé apercevoir. Effectivement, les porteurs d’armes des environs de l’An Mil sont proches des paysans à qui leurs modestes mais efficaces fortifications de terre et de bois leur permettent d’imposer les malae consuetudines ; mais on ne peut contester, lorsqu’on analyse la position presque systématique de domination des mottes castrales qui sont le plus souvent leurs résidences par rapport aux lieux de l’activité économique, la réalité du contrôle de proximité qu’ils sont d’ailleurs seuls à pouvoir assurer. Ce contrôle, ils l’exercent dans un contexte d’insécurité au moins épisodique, il vaudrait mieux dire endémique, qu’attestent, sinon les preuves archéologiques de destruction violente (les incendies semblent avoir été nombreux, mais ils ne sont pas forcément dus à des épisodes militaires), du moins l’importance numérique d’un armement omniprésent. On peut caractériser cet armement par la prééminence de la cavalerie – cela, on le savait même si l’on ne connaissait pas forcément le statut, parfois fort modeste, des cavaliers – et de l’arbalète, fait maintenant totalement démontré et qui échappe aux textes avant la fin du xie siècle39. Il faut d’ailleurs probablement voir dans la généralisation de l’arbalète, arme de fantassin par excellence, le complément de la motte que l’on défend d’en haut et dans un combat de près, ce qui correspond bien aux aptitudes d’une arme légère, beaucoup plus facile à manier que le grand arc certes plus puissant, mais moins rapide et probablement moins précis. Cette insécurité favorise les milites en donnant quelque consistance à l’espoir de protection qu’ils constituent pour ceux qui deviennent ainsi leurs dépendants. Au fond, la violence constitue un cadre général, un système de confrontation des pouvoirs dont on sait, par les études ethnologiques, qu’il ne signifie pas obligatoirement « anarchie » puisque les rapports peuvent être équilibrés. En revanche, que l’équilibre soit rompu, et effectivement les désordres apparaissent. L’organisation féodo-vassalique qui, avec plus ou moins d’efficacité, va peu à peu s’installer, constitue une tentative pour l’éviter. La violence, paradoxalement, est donc l’une des conditions de l’émergence puis du maintien du pouvoir châtelain, l’autre étant sûrement l’abondance de la main d’œuvre. Celle-ci, en ce temps de technologie et de capacité d’investissement faible, est la principale richesse, qui permet la reprise de la conquête agraire et favorise, dans la mesure où elle provoque de nombreux déplacements d’individus ou de familles, la mobilité sociale.

50Une civilisation européenne, à l’échelle de l’Europe occidentale du moins : on est frappé, en effet, par la ressemblance des conditions de vie, économie, techniques, modèles architecturaux, organisations et bien sûr croyances et pratiques religieuses, perceptibles notamment au travers des rites d’inhumation : nul doute que si l’on ne se trouvait pas au cœur d’une période historique, on nommerait cet âge « civilisation des mottes castrales et des églises », comme on avait pu parler pour la période pré-romaine de « civilisation des oppida », en proposant bien sûr des nuances régionales et des évolutions internes.

51La place de la croissance démographique, dans cet essor, apparaît plus centrale, avec sa conséquence, dont les effets continueront à se faire sentir longtemps, le mouvement de mise en valeur de terres sauvages ou retournées à la nature. Ces défrichements partout identifiables, de la Flandre à la Catalogne, paraissent moins la conséquence d’un projet cohérent qu’auraient pu avoir des organisations hiérarchiques efficaces, laïques ou religieuses, que celle d’un accroissement des besoins à la faveur duquel essaiment les communautés, se modifie l’assiette des richesses et s’établissent plus ou moins durablement de nouveaux pouvoirs, totalement adultérins dans les temps d’effacement de l’autorité publique – il n’est que de constater la multiplication des châteaux en Normandie durant la minorité de Guillaume ou dans les années qui suivent sa mort (pour le Pays de Caux, Le Maho, 1976) ou pendant les conflits féodaux tels que ceux ayant opposé Bellême et Rotrou (Decaens, 1994) –, intégrés et en quelque sorte utilisés au profit des grandes familles d’origine ancienne qui dans la majorité des cas se sont maintenues, le reste du temps.

***

  • 40 Pour le Viennois, on peut montrer la croissance des transactions foncières aux xe-xie s. – essenti (...)

52Révolution, mutation, évolution ? Réduite à la vérification d’une « théorie mutationniste » caricaturée dans son excessif simplisme, la réponse n’est pas plus claire à l’issue de cet examen laborieux des ressources archéologiques disponibles. La révolution castrale, elle, ne fait plus doute. L’archéologie démontre en tout cas l’enchaînement rapide, hors de toute conscience collective, fût-elle millénariste, d’un essor démographique, d’une conquête agraire, d’une reprise artisanale et commerciale ainsi que monétaire – certainement est-ce le plus modeste de ces mouvements40 –, de l’accaparement de l’autorité publique par une classe militaire aux origines variées mais plus rarement noble que paysanne, et du développement d’un encadrement religieux qui contribue, au moins autant que le château, à fixer pour la première fois le village. Grâce aux disciplines paléo-environnementales qui lui sont associées, elle attire l’attention sur un phénomène écologique indépendant, en large part, de l’activité humaine, qui ne peut avoir manqué, à tout le moins, de favoriser cette évolution en accroissant la productivité agricole, base de toute richesse comme elle l’est de tout progrès sanitaire dans un monde qui ne connaît ni ne pratique d’autre soin qu’empirique, et dont la sous-nutrition est le fléau le plus redoutable.

53Révolution ou pas, peu importe : la flexure est lisible, et là est l’essentiel, car le contraste qu’offre a posteriori son spectacle est accusé par la lenteur (certainement mieux discernable du point de vue archéologique qu’historique du fait de la place qu’occupent les sources ecclésiastiques, partielles et partiales, dans l’élaboration du concept de la « renaissance carolingienne ») des évolutions antérieures. Ainsi en est-il de la démographie, négative ou au mieux stagnante durant le ixe et la première moitié du xe siècle, positive ensuite pour devenir franchement dynamique autour de l’An Mil. Dans la vie des sociétés comme dans celle des écosystèmes, les évolutions les plus spectaculaires correspondent en réalité à des ruptures consécutives à des modifications partielles, et ces ajustements sont d’autant plus violents que la résistance des systèmes a été longue et efficace. Il ne semble pas inconcevable que le phénomène castral et la militarisation de la société à laquelle il correspond aient été l’une des conséquences, la plus visible peut-être, de l’affaiblissement progressif des autorités civiles éminentes durant la fin de l’époque carolingienne conjugué avec un essor démographique que servent à la fois la disparition de l’esclavage et des conditions sanitaires liées à une alimentation plus abondante.

54Il reste difficile, bien entendu, de démêler la part relative de ces différents facteurs de transformation, et il serait dangereux de proposer un modèle partout efficient et donc extrapolable, comme le montre la comparaison esquissée avec le cas japonais pour le mouvement castral et la mise en place de la féodalité nippone. La place du château de terre et de bois, en particulier, reste à évaluer dans cette évolution dont il est pour nous un révélateur mais dont il a été, pour les hommes d’alors, l’un des instruments, d’ailleurs curieusement uniforme au milieu d’une grande diversité de matériaux et de formes, suivant les régions, pour l’habitat civil. On connaît le rôle symbolique que joue l’architecture dans la vie des sociétés, et l’on sait, même s’il a certainement été modifié à nos yeux par la mémoire révolutionnaire et par les analyses marxistes, celui du château « féodal ». La motte castrale a-t-elle été un effet ou une cause, et dans quelle proportion, des transformations ? Dans l’accaparement de l’autorité publique, elle a certainement constitué un moyen efficace. Dans la perception des revenus fiscaux – voire dans l’instauration de nouveaux –, tout porte à penser qu’elle a joué le même rôle, aux dépens de tous ceux qui auparavant n’y étaient pas soumis (alleutiers, églises…) ou qui, l’éloignement du pouvoir aidant, avaient de moins lourdes charges. Dans la mise en place du lignage patrilinéaire, c’est le nom du château familial qui va s’imposer (Debord, 1984, p. 224). Bien sûr, toutes les mottes, beaucoup s’en faut, n’ont pas donné naissance à des châtellenies ; mais elles constituent indéniablement le premier essai, très morcelé, de découpage châtelain, qui s’équilibrera ensuite dans une géographie plus large, plus efficace économiquement, où la place de l’ancienne aristocratie de souche carolingienne sera plus apparente, preuve d’ailleurs de son maintien aux leviers essentiels du pouvoir.

55Le schéma qui se dessine donc nous semble être celui d’un développement agraire relativement spontané, accompagné de l’émergence de pouvoirs essentiellement adultérins découpés à la pointe de l’épée, dont la base est la fortification de terre et de bois. Un second temps vient ensuite, qui voit se constituer à la fois des regroupements territoriaux économiquement plus pertinents – là encore l’exemple normand démontre que durant les périodes de ressaisissement du pouvoir « central », c’est militairement qu’en cas de refus sont détruits les châteaux secondaires – et une progressive mise en interdépendance des communautés rurales et des pouvoirs civils. Celle-ci articulera à partir de la seconde moitié du xie siècle, de manière plus ou moins efficace suivant la puissance comtale, une structure féodo-vassalique dont une fois encore le château, motte ou forteresse de pierre, constituera l’instrument et le symbole, lieu d’exercice de la justice. C’est autour de lui que s’établiront de nombreux bourgs, ou autour de prieurés d’initiative châtelaine. La même question, d’ailleurs, doit être posée au sujet de l’architecture religieuse, manifestation en même temps qu’instrument d’un encadrement social s’appuyant sur l’adhésion de tous à une croyance reposant sur une égale crainte de la mort et un égal espoir de résurrection, que rappellent à tout instant le couple église-cimetière au centre de l’habitat.

56Ces propositions reflètent l’état momentané d’une recherche et ne sauraient être d’autre utilité que de contribuer à déplacer le regard. La complexité des phénomènes ne peut être réduite, et l’essentiel est d’accepter pour l’histoire des ressources nouvelles, susceptibles, comme celles offertes par les textes, de donner lieu à d’autres hypothèses. Celles-ci viendront sûrement de recherches archéologiques et paléoenvironnementales rendues plus indépendantes des nécessités du sauvetage de sites menacés, plus extensives, mieux corrélées à des études d’archives, plus problématisées et mieux réparties sur des territoires pertinents.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

Affolter, E. ; Voisin, J.C. 1984. L’habitat seigneurial dans les pays de la Haute-Saône (xie- xviie), Vesoul.

Agache, R. 1970. Détection aérienne de vestiges protohistoriques, gallo-romains et médiévaux dans le bassin de la Somme et ses abords, bspn, Amiens.

Agache, R. ; Perreau, F. ; Seillier, Cl. (dir.). 1977. « Mottes féodales du nord de la France (Nord, Pas-de-Calais, Somme) », catalogue de l’exposition, Septentrion, 7, p. 58-84.

Alexandre, P. 1977. « Les variations climatiques au Moyen Âge (Belgique, Rhénanie, Nord de la France) », Annales esc.

Alexandre, P. 1987. Le climat en Europe au Moyen Âge : contribution à l’histoire des variations climatiques de 1000 à 1425 d’après des sources narratives de l’Europe occidentale, Paris.

Alexandre, P. ; Lambert, G.N. ; Lavier, C. 1993. « Dendrochronologie et climat », dans Colardelle M. et Verdel E. (dir.), Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement. La formation d’un terroir au xie siècle, Paris, daf, 40, p. 289-304.

Anderson, J.L. 1984. « History and climate : some economic models », dans Climate and History, Cambridge.

André, P. 1982. « Un village breton du xie siècle, Lann Gouh, Melrand », Archéologie médiévale, XII, p. 155-174.

Anonyme. 1956. « Schémas de variation de la mortalité selon l’âge et le sexe – Tables types de mortalité pour les pays sous-développés », Études démographiques, 22, Nations-Unies, New York.

Anonyme. 1987. « Bourgogne médiévale, la mémoire du sol – 20 ans de recherche archéologique », catalogue de l’exposition, Dijon.

Arrouy, F. ; Charniguet, A. ; Vie, R. 1995. « Camps fortifiés et mottes castrales de la région de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) », Archéologie des Pyrénées Occidentales et des Landes, 14, p. 229-257.

Bailly-Maître, M.C. ; Bruno-Dupraz, J. 1994. « Brandes en Oisans. La mine d’argent des Dauphins (xiie-xive siècles) », Lyon, dara, 9.

Barker, P.A. 1989. « Timber castles of the Welsh border with special reference to Hen Domen, Montgomery », dans Galinié H. (dir.), Les Mondes Normands (viiie-xiie s.), Société d’archéologie médiévale, p. 135-147.

Barrière, B. ; Cantié, G. 1983. « Les mottes castrales de la Tour-Saint-Austrille », Travaux d’archéologie limousine, 3, p. 59-68.

Barrière, B. ; Cantié G. ; Leblanc, R. 1983. « Fortifications médiévales en Haute-Marche et Combrailles », Travaux d’archéologie limousine, 4, p. 107-123.

Barrière, B. ; Cantié G. ; Lombard, R. 1988. « Fortifications médiévales aux confins du haut et du bas-Limousin », Travaux d’archéologie limousine, 9, p. 77-109.

Barthélémy, D. 1992. « La mutation féodale a-t-elle eu lieu ? (Note critique) », Annales esc, p. 767-777.

Barthélémy, D. 1997. « La mutation de l’An Mil a-t-elle eu lieu ? », Paris.

Beresford, G. 1987. « Goltho. The development of an early medieval manor, c. 850-1150 », London, Archeological Report, 4.

Beresford, M.W. ; Saint Joseph, J.K.S. 1979. Medieval England, an aerial survey, (2e ed.).

Bloch, M. 1989. (1re ed. 1939-40), La société féodale, Paris.

Bois, G. 1989. La mutation de l’An Mil : Lournand, village mâconnais de l’Antiquité au féodalisme, Paris.

Bonnassie, P. 1975. La Catalogne du milieu du xe siècle à la fin du xie siècle ; croissance et mutations d’une société, Toulouse.

Bonnassie, P. 1990. « La croissance agricole du haut Moyen Âge dans la Gaule du midi et le nord-est de la péninsule ibérique », dans « La croissance agricole du Haut Moyen Âge. Chronologie, modalités, géographie », Flaran, 10, Auch, p. 13-35.

Bonnassie, P. 1995. « Les milites en Pays d’Oc au xie siècle, d’après les sources hagiographiques », dans Les voies de l’histoire – Le groupe aristocratique en Languedoc, xie-xiiie siècle, Heresis, 8, p. 45-79.

Bonnet, C. 1993. « Les fouilles de l’ancien groupe épiscopal de Genève, 1976-1993 », Cahiers d’archéologie genevoise, 1.

Borel, J.L. 1993. « Restitution des paysages végétaux : la paléopalynologie », dans Colardelle, M. et Verdel, E. (dir.), Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement, Paris, daf, 40, p. 71-76.

Boüard, M. (de). 1964. « Quelques données françaises et normandes concernant le problème des origines des mottes », Château-Gaillard, II, p. 19-26.

Boüard, M. (de). 1968. « Quelques données archéologiques concernant le premier âge féodal », Annales du Midi, 80, p. 41-62.

Boüard, M. (de). 1973-74. « De l’aula au donjon. Les fouilles de la motte de la Chapelle à Doué-la-Fontaine (xe-xie siècles) », Archéologie médiévale, III – IV, p. 5-110.

Boüard, M. (de). 1975. Manuel d’archéologie médiévale : de la fouille à l’histoire, Paris.

Boucharlat, E. 1987. Châteaux de terre : de la motte à la maison forte, catalogue de l’exposition, Décines.

Bourgeois, L. 1995. Territoires, réseaux et habitats – L’occupation du sol dans l’ouest parisien du ve au xe siècle, thèse de doctorat, Université Paris I-Sorbonne.

Bourin, M. 1990. « Historiens et archéologues en Languedoc médiéval : l’expérience de l’historien », Heresis, 2, p. 25-34.

Bourin, M. ; Durand, A. 1994. « Eglise paroissiale, cimetière et castrum en bas-Languedoc (xe-xiie s.) », dans Fixot M. et Zadora-Rio E. (dir.), L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales, Paris, daf, 46, p. 98-106.

Bourin, M. ; Parisse, M. 1999. L’Europe de l’An Mil, Paris.

Bourin, M. ; Rosenwein, B.H. (dir.). 1999. L’An Mil en 2000, Médiévales, 37, p. 5-140.

Bournazel, E. ; Poly, J.P. 1991. (1re ed. 1980). La mutation féodale, xe-xiie siècles, Paris.

Bournazel, E. ; Poly, J.P. (dir.). 1998. Les féodalités, Paris.

Boutruche, R. 1968. (2e ed.). Seigneurie et féodalité. Le premier âge des liens d’homme à homme, Paris.

Bouvier, A. ; Faure-Boucharlat, E. ; Monnier, J. 1992. « La motte castrale de Décines-Charpieu (Rhône) », Archéologie médiévale, XXII, p. 231-307.

Brochier, J.L. 2001. « Variations climatiques de 500 à 1500 A.D. : corrélations entre la séquence lacustre de Colletière et les milieux terrestres les plus proches », dans Colardelle M. et Verdel E. (dir.), L’habitat fortifié médiéval de Colletière à Charavines et le pays du lac de Paladru – recherches archéologiques, historiques et paléoenvironnementales – rapport triennal 1999-2001, p. 10-17.

Brochier, J.L. ; Druart, J.C. 1993. « Le milieu lacustre », dans Colardelle M. et Verdel E. (dir.), Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement, Paris, daf, 40, p. 39-58.

Briffa, K.R. ; Bartholin, T.S. ; Eckstein, D. ; Jones, P.D. ; Karlen, W. ; Schweingruber, F.H. ; Zetterberg, P. 1990. « A 1400 year tree ring record of summer temperatures in Fennoscandia », Nature, 346, 6283, p. 434-439.

Briffa, K.R. ; Jones, P.D. ; Bartholin, T.S. ; Eckstein, D. ; Schweingruber, F.H. ; Karlen, W. ; Zetterberg, P. ; Eronen, M. 1992. « Fennoscandian summers from AD 500 : temperature changes on schort and long timescales », Climate Dynamics, 7, p. 111-119.

Bur, M. ; Richard, H. 1987. « Histoire et palynologie. Occupation du sol et peuplement dans la vallée de Thin (Ardennes) au haut Moyen Âge », Archéologie médiévale, XVII, p. 93-103.

Burnouf, J. 1985 et 1986. « Les mottes castrales en Alsace », Revue d’Alsace, 111, p. 3-45 ; 112, p. 3-48.

Cantié, G. 1985. « Le château à motte du Dognon, siège de châtellenie (commune du Châtenet-en-Dognon, Haute-Vienne) », Travaux d’archéologie limousine, 6, p. 65-84.

Castellui, G. 1984. « Les mottes castrales du Roussillon. Inventaire et problèmes soulevés (Pyrénées-Orientales) », Archéologie du Midi médiéval, II, p. 15-26.

Catteddu, I. 1992. « L’habitat rural mérovingien de Genlis (Côte-d’Or) », Revue archéologique de l’Est et du Centre-Est, 43, p. 39-98.

Chalavoux, J. 1991. « Ferme archéologique de Melrand, bilan d’activité 1988-1991 », rapport dact., s.l. 179 p.

Chandeveau, F. 2001. « La tabletterie et les petits artefacts de la motte castrale de Boves (Somme) », mémoire de maîtrise, Université d’Amiens.

Chapelot, J. ; Fossier, R. 1980, Le village et la maison au Moyen Âge, Paris.

Chapelot, J. ; Rieth, E. 1995. Navigation et milieu fluvial au xie siècle : l’épave d’Orlac (Charente-Maritime), Paris, daf, p. 112-152.

Chedeville, A. 1992. « L’essor urbain et ses formes, les bourgs », dans Chedeville A. et Le Goff J. (dir.), « Histoire de la France urbaine », 2, Paris, p. 59-101.

Colardelle, M. 1983. « Sépulture et traditions funéraires du ve au xiiie siècle ap. J.-C. dans les Alpes françaises du nord », Grenoble, sadrah.

Colardelle, M. ; Mazard, C. 1979. « Premiers résultats des recherches sur les mottes médiévales en Dauphiné et en Savoie », Archéologie médiévale, IX, p. 63-69.

Colardelle, M. ; Mazard, C. 1983. « Les mottes castrales et l’évolution des pouvoirs dans les Alpes du nord, aux origines de la seigneurie », Château-Gaillard, XI, p. 70-89.

Colardelle, M. 1991. « Les paroisses rurales », dans Duval N. (dir.), Naissance des arts chrétiens, Paris, p. 122-133.

Colardelle, M. ; Verdel, E. (dir.) 1993. Les habitats du lac de Paladru dans leur environnement. La formation d’un terroir au xie siècle, Paris, daf, 40.

Colardelle, M. ; Démians d’Archimbaud, G. ; Raynaud, C. 1996, « Typo-chronologie des sépultures du Bas-Empire à la fin du Moyen Âge dans le Sud-Est de la Gaule », dans Galinié H. et Zadora-Rio E, (dir.), Archéologie du cimetière chrétien, Revue archéologique du Centre de la France, 11e suppl. p. 271-303.

Colardelle, M. 1996. « Saint-Laurent et les cimetières de Grenoble au ive siècle », dans Galinié H. et Zadora-Rio E. (dir.), Archéologie du cimetière chrétien, Revue archéologique du Centre de la France, 11e suppl., p. 111-124.

Colardelle, M. ; Moyne, J.P. ; Verdel, E. À paraître. « Les étapes du peuplement de la région du lac de Paladru (Isère) jusqu’au milieu du xive s. », Hommage au Professeur Walter Janssen.

Collectif. 1981. « Les fortifications de terre en Europe occidentale du xe au xiie siècles », Archéologie médiévale, XI, p. 5-123.

Collectif. 1990. « La croissance agricole du haut Moyen Âge : chronologie, modalités, géographie », Flaran, 10, Auch.

Comet, G. 1992. Le paysan et son outil : essai d’histoire technique des céréales, Rome.

Compagnon, E. ; Louis, E. (dir.) 1999. « Ecaillon et Estrées – Deux mottes féodales du Douaisis (Nord) », Archeologia Duacensis, 14.

Crubezy, E. ; Lorans, E. ; Masset, C. ; Perrin, F. ; Tranoy, L. 2000. L’archéologie funéraire, Paris.

Daugas, J.P. ; Tixier, L. 1977. « Les variations du paysage de la plaine de la Limagne d’Auvergne durant l’Holocène, du Tardiglaciaire à l’époque actuelle », in « Archéologie du paysage », Caesarodunum, 13, 2.

Dausse, P. 1975. « Quelques ouvrages de terre du haut bassin de l’Oise – Essais de projection aérienne en milieu non labouré », Cahiers archéologiques de Picardie, Histoire, p. 77-84.

Dauzat, M. 1984. « La motte du Mourrel à Molleville et la motte de Puy Redon à Laurac (Aude) », Archéologie du Midi médiéval, 2, p. 27-45.

Davison, B.K. 1969. « Early earthwork castles : a new model », Château-Gaillard, Londres, p. 37-47.

Debord, A. 1979. « Castrum et castellum chez Adémar de Chabannes », Archéologie médiévale, IX, p. 97-114.

Debord, A. 1981. « Rapport III. Châteaux et pouvoirs de commandement », dans Collectif, « Les fortifications de terre en Europe occidentale du xe au xie siècles », Archéologie médiévale, XI, p. 72-102.

Debord, A. 1983a. « À propos de l’utilisation des mottes castrales », Château-Gaillard, XI, p. 91-99.

Debord, A. 1983b. « Les fouilles du castrum d’Andone », Aquitania, I, p. 173-197.

Debord, A. 1984. La société laïque dans les pays de la Charente, xe-xiie s., Paris.

Debord, A. 1991. « L’archéologie médiévale », dans L’histoire médiévale en France, bilan et perspectives, Paris, p. 219-245.

Debord, A. ; Dieudonné-Glad, N. 1993. « Andone (Charente) : étude structurale d’outils et d’armes du xe siècle – Apports à la connaissance de l’artisanat du fer », Archéologie médiévale, XXIII, p. 107-129.

Debord, A. 2000. Aristocratie et pouvoir – Le rôle du château dans la France médiévale, Paris.

Decaens, J. 1981. « La motte d’Olivet à Grimbosq (Calvados), résidence seigneuriale du xie siècle », Archéologie médiévale, X, p. 167-202.

Decaens, J. 1994. « De la motte de conquête (xie s.) à la seigneurie châtelaine (xiie s.). L’exemple de Rivray à Condé-sur-Huisne (Orne) », Château-Gaillard, XVI, p. 109-120

Decaens, J. 1998. « Les châteaux du xie au xiiie siècle dans l’actuel département de l’Orne. Essai d’inventaire et de classement », dans Fajal B. (dir.), « Autour du château médiéval », Alençon, Mémoires et documents, 1, p. 25-35.

Delort, R. ; Walter, F. 2001. Histoire de l’environnement européen, Paris.

Démians d’Archimbaud, G. 1992. « Mourir à Digne : interrogations et apports nouveaux », Provence historique, 167-168, p. 223-241.

Demolon, P. 1980. « L’habitat rural du haut Moyen Âge », Septentrion, 10, p. 35-39.

Demolon, P. ; Louis, E. 1982. « Douai. Une ville face à son passé. Bilan de 6 années de recherches archéologiques », Société archéologique de Douai.

Demolon, P. ; Louis, E. ; Ropital, J.F. 1988. « Mottes et maisons-fortes en Ostrevent médiéval », Archeologia Duacensis, 1.

Demolon, P. ; Halbout, H. ; Louis, E. ; Louis-Vanbauce, M. 1990. « Douai – Cité médiévale », Archeologia Duacensis, 3.

Demolon, P. (dir.). 1991. « Mottes et maisons-fortes en Artois médiéval », Archeologia Duacensis, 4.

Demolon, P. ; Louis, E. 1994. « Naissance d’une cité médiévale flamande. L’exemple de Douai », dans Archéologie des villes dans le Nord-Ouest de l’Europe (viie-xiiie siècles), Société d’archéologie médiévale, p. 47-58.

Diot, M.F. ; Fayolle-Lussac, B. 1983. « Analyse palynologique d’un site médiéval : la motte de Bourzac (Dordogne) », Aquitania, 1, p. 156-172.

Doyen, B. 2000. « Châteaux, abbayes et peuplement en Thiérache aux xie-xiiie siècles », Revue archéologique de Picardie, 3-4, p. 119-153.

Duby, G. 1996 (1re ed. 1973). Guerriers et paysans, viie-xiie siècles – Premier essor de l’économie européenne, Paris.

Duby, G. 1996. (1re éd. 1978). « Les Trois Ordres ou l’imaginaire du féodalisme », dans Féodalité, Paris, p. 453-824.

Durand, A. ; Forest, V. ; Gardeisen, A. ; Ruas, M.P. 1997. « Approches bioarchéologiques de l’habitat castral languedocien – Huit sites de la bordure méridionale du Massif Central (xe-xvie siècles) », Histoire et sociétés rurales, 8, p. 11-32.

Durand, A. 1992. « Dynamique biogéographique des boisements forestiers en Languedoc durant le Moyen Âge : l’impact de l’An Mil », Bulletin de la Société botanique de France, 139, p. 628-636.

Durand, A. 1995. « Les systèmes de culture dans les garrigues et premiers contreforts montagneux languedociens aux xie et xiie siècles », dans Mornet E. (dir.), Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Etudes offertes à Robert Fossier, Paris, p. 177-188.

Falque-Vert, H. 2001. « L’An Mil en Dauphiné. La mutation économique », dans Debelmas J. et Soulingeas Y. (dir.), Regards sur mille ans d’histoire du Dauphiné, Grenoble, p. 15-18.

Faure-Boucharlat, E. 1980. La céramique médiévale en Lyonnais et Dauphiné et recherche sur les moyens de production, thèse de 3e cycle, Université Lyon II.

Faure-Boucharlat, E. (dir.), 2001. Vivre à la campagne en Moyen Âge – L’habitat rural du ve au xiie siècle (Bresse, Lyonnais, Dauphiné) d’après les données archéologiques, Lyon, dara, 21.

Ferhi, A. 1993. « Oxygène 18 et paléoclimats », dans Colardelle M. et Verdel E. (dir.), Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement. La formation d’un terroir au xie siècle, Paris, daf, 40, p. 121-127.

Feyt, G. 1982. « Eléments d’études de l’hydrologie et de la paléohydrologie du lac de Charavines », mémoire de maîtrise Université de Grenoble.

Fixot, M. 1973-74. « La construction des châteaux dans la campagne d’Apt et de Pélissanne du xie au xiiie siècle », Archéologie médiévale, III – IV, p. 245-296.

Fixot, M. 1975. « La motte et l’habitat fortifié en Provence médiévale », Château-Gaillard, VII, p. 67-93.

Fixot, M. 1968. Les fortifications de terre et les origines féodales dans le Cinglais, Caen.

Fixot, M. 1980. « Nouvelles trouvailles de silos médiévaux en Provence », Provence historique, p. 387-404.

Fixot, M. 1989. « Les lieux de culte et le terroir du village », dans Fixot M. et Zadora-Rio E. (dir.), « L’église, le terroir », C.R.A., Monographie 1, cnrs, Paris, p. 17-19.

Fixot, M. ; Pelletier, J.P. 1983. « Une forme originale de fortification provençale : le Castellas de Cucuron (Vaucluse) », Archéologie médiévale, XIII, p. 89-115.

Flambard-Hericher, A.M. ; Bernouis, Ph. ; Decaens, J. 2000. « La butte du château à Bretoncelles, un exemple de la conquête territoriale des Rotrou », Château-Gaillard, XIX, p. 75-82.

Florin, B. 1983. « Les silos à grains du haut Moyen Âge en Cambrésis », Revue du Nord, LXV, 256, p. 105-121.

Fossier, R. 1990 (1re ed. 1982). Le Moyen Âge. L’éveil de l’Europe – 950-1250, Paris.

Fossier, R. 2001. « L’artisanat rural au Moyen Âge : bilans et problèmes », dans Mousnier M. (dir.), L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, Flaran, 19, Toulouse, p. 7-32.

Foucray, B. 1996. « Les Ruelles de Serris, habitat aristocratique et paysan du haut Moyen Âge (fin viie-xe s.) », Pamatky Archeologické (suppl.), p. 203-210.

Fournier, G. 1961a. « Les enceintes en terre en Auvergne », Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, LXXXI, 592, p. 89-110.

Fournier, G. 1961b. « Vestiges de mottes castrales en Basse-Auvergne : inventaire provisoire et essai de classement », Revue d’Auvergne, 75, 4, p. 137-176.

Fournier, G. 1962. « Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le haut Moyen Âge », Paris.

Fournier, G. 1978. Le château dans la France médiévale, Paris.

Fournier, G. 1982. « Usages et techniques de la vie quotidienne : vaisselle de bois, silos », Mélanges d’archéologie et d’histoire médiévales en l’honneur du doyen Michel de Boüard, Paris-Genève, p. 155-169.

Fugedi, E. 1969. « Pour une analyse démographique de la Hongrie médiévale », Annales esc, 6, p. 1299-1312.

Galinié, H. 1996. « Le passage de la nécropole au cimetière : les habitants des villes et leurs morts, du début de la christianisation à l’An Mil dans Galinié H. et Zadora-Rio E. (dir.), Archéologie du cimetière chrétien, Revue archéologique du Centre de la France, 11e suppl., p. 17-22.

Galinié, H. ; Zadora-Rio, E. (dir.). 1996. Archéologie du cimetière chrétien, Revue archéologique du Centre de la France, 11e suppl.

Ganshof, F.L. 1982 (1re ed. 1957). Qu’est-ce que la féodalité, Bruxelles.

Gast, M. ; Sigaut, F. (dir.). 1979. Les techniques de conservation des grains à long terme – Leur rôle dans la dynamique des systèmes de culture et des sociétés, Paris.

Ginouvez, O. ; Schneider, L. 1988. « Un castrum des environs de l’An Mil en Languedoc central : le rocher des Vierges à Saint-Saturnin (Hérault) », Archéologie du Midi médiéval, 6, p. 101-122.

Guadagnin, R. 2000. Fosses – Vallée de l’Ysieux. Mille ans de production céramique en Ile-de-France. I. Les données archéologiques et historiques, Caen.

Guedon, F. ; Sabathie, J. 1996-1997. « La motte castrale de Bazillac (Hautes Pyrénées) », Revue du Comminges et des Pyrénées centrales, CXI, p. 527-560 et CXII, p. 19-40.

Grappin, S. 1988-1990. « Les fouilles au lieu-dit « Le Verger », commune de Saint-Romain (Côte-d’Or) », rapport de synthèse, Saint-Romain.

Heers, J. 1990. La ville au Moyen Âge, Paris.

Heidinga, H.A. 1984. « Indications of severe drought during the 10th entury A.D. from an inland dune area in the central Netherlands », Geologie en mijnbouw, 63, p. 241-248.

Heidinga, H.A. 1987. Farm life in a carolingian village, Van Gorcum, Assen / Maastricht

Helas, J.-C. 1990. « L’apport de l’archéologie à la connaissance historique », Heresis, 2, p. 35-62.

Herrnbrodt, A. 1958. « Der Husterknupp : eine Niederrheinische Burgenlage des frühen Mittelalters », Neue Ausgräbungen in Deutschland, Berlin, p. 542-563.

Herrnbrodt, A. 1980. Der Husterknupp, Köln-Graz.

Journot, F. 1992. « Châteaux du Languedoc montagnard aux xe et xie siècles (Hérault) », Archéologie du Midi médiéval, X, p. 39-62.

July, F. 1975-76-77. « Essai sur les enceintes du département de la Haute-Vienne », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, CII, p. 27-39 ; CIII, p. 41-62 ; civ, p. 27-44.

Lamb, H. 1965. « The early medieval warm epoch and its sequel », Paleogeography, Paleoecology and Paleoclimatology, 1, p. 13-37.

Lambert, C. 1996. « L’entrée des morts dans les villes d’Italie du Nord », dans Galinié H. et Zadora-Rio E. (dir.), Archéologie du cimetière chrétien, Tours, p. 31-35.

Lambert, G.N. ; Lavier, C. 2001. « Dendrochronologie du chêne », dans Colardelle M. et Verdel E. (dir.), L’habitat fortifié médiéval de Colletière à Charavines et le pays du lac de Paladru. Recherches archéologiques, historiques et paléoenvironnementales – Rapport triennal 1999-2001, p. 20-22.

Lanos, Ph. 1982. « Les mottes castrales de l’arrondissement de Saint-Malo », Dossiers du Centre régional archéologique d’Alet, 10, p. 73-105.

Lassure, C. et J.M. 1980. « La motte féodale no 1 de Panassac (Gers) », Revue du Comminges et les Pyrénées centrales, p. 191-211.

Lauranson-Rosaz, C. 1987. L’Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan) du viiie au xie siècle – La fin du monde antique ?, Le Puy-en-Velay.

Lauranson-Rosaz, Chr. 2001. « Le débat sur la « mutation féodale ». État de la question », dans Urbanczyk P. (dir.), Europe around the year 1000, Warszawa, p. 11-40.

Le Goff, J. 1996 (1re ed. 1981). La naissance du purgatoire, Paris.

Le Maho, J. 1976. « L’apparition des seigneuries châtelaines dans le Grand Caux à l’époque ducale », Archéologie médiévale, VI, p. 5-148.

Le Maho, J. 1977. « De la curtis au château. L’exemple du pays de Caux », Château-Gaillard, VIII, p. 171-183.

Le Maho, J. 1984a. La motte seigneuriale de Mirville (xie-xiie siècles). Recherches historiques et archéologiques, Rouen.

Le Maho, J. 1984b. « Le Moyen Âge », dans Collectif, Aspects de la construction en bois en Normandie du Ie siècle au xive siècle, Annales de Normandie, numéro spécial, p. 49-100.

Le Maho, J. 1998. « Notes de castellologie haut-normande : châteaux à mottes, enceintes et églises fortifiées (xie-xiie s.) », dans Fajal B. (dir.), Autour du château médiéval, Alençon, Mémoires et documents, 1, p. 219-243.

Le Maho, J. 2001. L’enceinte fortifiée de Notre-Dame de Gravenchon (Seine-Maritime) – xie-xiiie siècles, Ville de N.D. de Gravenchon.

Le Mouel, J.F. 1991. Bulletin des expéditions polaires françaises, no 25, p. 73.

Le Roy Ladurie, E. 1967. Histoire du climat depuis l’An Mil, Paris.

Leroy, M. ; Forrieres, Cl. ; Ploquin, A. 1990. « Un site de production sidérurgique du haut Moyen Âge en Lorraine (Ludres, Meurthe et Moselle – Étude des conditions de réduction du minerai lorrain », Archéologie médiévale, XX, p. 141-179.

Lorren, Cl. 1981. « Le village de Saint-Martin de Mondeville (Calvados). Premiers résultats des fouilles (1978-80), De Merovingische Beschaving in de Scheeldevallei, p. 169-198.

Lorren, Cl. 1999. « Le village en Gaule du Nord pendant le haut Moyen Âge. Quelques remarques et hypothèses suscitées par l’observation des résultats des fouilles archéologiques récentes », dans Decaens J. et Flambard-Héricher A.-M. (dir.), Actes du IIIe colloque européen des professeurs d’archéologie médiévale, 1996, Caen, p. 116-132.

Lorren, Cl. ; Périn, P. (dir.). 1995. L’habitat rural du haut Moyen Âge (France, Pays-Bas, Danemark et Grande-Bretagne), Mémoires de l’afam. VI, Rouen.

Lorren, Cl. ; Perin, P. 1997. « Images de la Gaule rurale au vie siècle », dans Gauthier, N. et Galiné, H. (dir.), Grégoire de Tours et l’espace gaulois, Revue Archéologique du Centre de la France, 13e suppl., Tours, p. 93-109.

Louise, G. 1998. « La mise en place du réseau castral sur les confins de la Normandie et du Maine dans le cadre du futur territoire du département de l’Orne (xe-xiiie siècles) », dans Fajal B. (dir.), Autour du château médiéval, Alençon, Mémoires et documents, 1, p. 9-24.

Ménard, A. 1983. Inventaire d’archéologie rurale dans le Vercors, ve-xiie siècle, mémoire de maîtrise, Université Grenoble II.

Meulemeester, J. (de) 1992. « La fortification de terre et son influence sur le développement urbain de quelques villes des Pays-Bas méridionaux », Revue du Nord – Archéologie, LXXIV, 296, p. 13-28.

Meulemeester, J. (de) ; Matthys, A. 2000. « Châteaux et guerres : quelques exemples issus des fouilles de châteaux à motte dans l’espace belge », Château-Gaillard, XIX, p. 33-42.

Mouton, D. 1994. « Deux mottes d’un terroir provençal en transformation : Saint-Paul-les Durance, xie-xiiie s. », Archéologie médiévale, XXIV, p. 199-249.

Muller, K. s.d. « Geschichte des Badischen Weinbaus », Verlag von Moritz Schauerburg, Baden, p. 246-250.

Nicolardot, J.P. ; Guigon, Ph. 1991. « Une forteresse du xe siècle : le camp de Péran à Plédran (Côtes d’Armor) », Revue Archéologique de l’Ouest, 8, p. 123-157.

Nissen-Jaubert, A. 1995. L’habitat rural au Danemark vers 200-1200. État des recherches », dans Lorren C. et Perin P. (dir.), L’habitat rural du Haut Moyen Âge (France, Pays-Bas, Danemark et Grande-Bretagne, Mémoires de l’afam, VI, p. 213-221.

Noël, R. 1972. Les dépôts de pollens fossiles, Turnhout.

Noyé, G. 1976. « Les fortifications de terre dans la seigneurie de Toucy du xe au xiiie siècle. Essai de typologie », Archéologie médiévale, VI, p. 149-217.

Noyé, G. 1980. « Féodalité et habitat fortifié en Calabre dans la deuxième moitié du xie siècle et le premier tiers du xiie siècle », dans Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (xe-xiiie siècle). Bilan et perspectives de recherche, Rome, p. 607-628.

Noyé, G. ; Raimondo, Ch. ; Ruga, A. 1998. « Les enceintes et l’église du Monte Tiriolo en Calabre », dans Noyé G. et Poisson J.M. (dir.), Calabre et Sicile normandes. Sociétà e insediamento in Italia meridionale nell’Età dei Normanni – Il caso della Cabria. La Sicile des Emirs aux Barons – Châteaux et formes de pouvoir, Rome, p. 431-471.

Palazon, J.N. ; Robles-Fernandez, A.R. 1996. Liétor, formas de vida rurales en Sarq Al Andalus a travès de una ocultacion de los siglos X-XI, Murcia.

Pesez, J.M. 1985a. « La terre et le bois dans la construction médiévale », dans Architectures de terre et de bois, daf, 2, p. 159-168.

Pesez, J.M. 1986. « Maison forte, manoir, bastide, tour, motte, enceinte, moated site, Wasserburg, ou les ensembles en archéologie », dans Bur M. (dir.), La maison forte au Moyen Âge, Paris, p. 331-339.

Pesez, J.M. ; Noyé, G. 1989. « Archéologie normande en Italie méridionale et en Sicile », dans Galinié H. (dir.), Les Mondes Normands (viiie-xiie s.), Société d’archéologie médiévale, p. 155-169.

Pesez, J.M. 1990a. « Conclusion – Où l’on voit que le Sud ressemble au Nord, ce qui ne va pas sans poser quelques questions », dans Collectif, « Sites défensifs et sites fortifiés au Moyen Âge entre Loire et Pyrénées », Aquitania, 4e suppl., p. 203-207.

Pesez, J.M. 1990b. « Histoire et archéologie médiévales », Heresis, 2, p. 7-24.

Picard, J.Y. ; Verdel, E. ; Colardelle, M. 1989. « Essai de corrélation des résultats fournis par les études du paléoenvironnement avec les données actuelles de la météorologie et de la bathymétrie », rapport dactylographié, Grenoble.

Pilet, C. ; Alduc-le Bagousse, A. ; Blondiaux, J. ; Buchet, L. ; Pilet-Lemière, J. 1992. « Le village de Sannerville, « Lirose » – Fin de la période gauloise au viiie siècle après J.-C. », Archéologie médiévale, XXII, p. 1-189.

Porte, P. 2001. Le domaine rural de Larina, de l’Antiquité tardive au haut Moyen Âge (Hières-sur-Amby, Isère), thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille I.

Proust, R. 1984. « Comment disparaît une motte. Aiffres (Deux-Sèvres) », Archéologie médiévale, XIV, p. 267-270.

Rémy, I. 1995. « Étude archéologique et architecturale du site castral de Ratières (Drôme) », Archéologie du Midi médiéval, XIII, p. 171-185.

Renoux, A. 1989. « Châteaux et résidences fortifiés des Ducs de Normandie aux xe et xie siècles », dans Galinié H. (dir.), Les Mondes Normands (viiie-xiie s.), Société d’archéologie médiévale, p. 113-124.

Reynaud, J.F. 1996. « Les morts dans les cités épiscopales de Gaule du ive au xie siècle », dans Galinié H. et Zadora-Rio E. (dir.), Archéologie du cimetière chrétien, Tours, p. 23-30.

Rippmann, D. ; Neumeister-Taroni, B. (dir.), 2000. « Les mangeurs de l’An Mil – Archéologie et alimentation », catalogue de l’exposition, Vevey.

Schmiedt, G. 1966. « Contributo della foto-interpretazione alla ricostruzione del paesaggio agrario altomedievale », dans Agricoltura e mondo rurale in Occidente nell’alto medioevo, Spolète, Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 13, p. 773-849.

Schneider, S.H. 1984. « The coevolution of climate and life », New York, p. 110-114.

Schneider, L. 1992. « Habitat et genèse villageoise du haut Moyen Âge. L’exemple d’un terroir du Biterrois nord-oriental », Archéologie du Midi médiéval, X, p. 3-37.

Schweitzer, J. 1990a. « L’habitat rural alsacien au haut Moyen Âge : l’exemple du Haut-Rhin », dans Schnitzler B. (dir.), Vivre au Moyen Âge – 30 ans d’archéologie médiévale en Alsace, catalogue de l’exposition, Strasbourg, p. 139-143.

Schweitzer, J. 1990b.« Le site de Riedisheim-Leisbersheim », dans Schnitzler, B. (dir.), Vivre au Moyen Âge – 30 ans d’archéologie médiévale en Alsace, catalogue de l’exposition, Strasbourg, p. 143-144 et p. 406-407.

Settia, A.A. 1982. « Motte e castelli a motta nelle fonti dell’Italia settentrionale. Dati e problemi », dans Mélanges d’archéologie et d’histoire en l’honneur du doyen Michel de Boüard, Paris-Genève, p. 371-383.

Settia, A.A. 1997. « Motte nell’Italia settentrionale », Archeologia medievale, XXIV, p. 439-444.

Serre, F. 1978. « The dendrochronological value of the European Larch (Larix decidua Mill.) in the French Maritim Alps », Tree-ring Bulletin, 38.

Souyri, P. 1998a. Histoire du Japon. Le monde à l’envers. La dynamique de la société médiévale, Paris.

Souyri, P. 1998b. « La féodalité japonaise », dans Bournazel E. et Poly J.P. (dir.), Les féodalités, Paris, p. 715-749.

Soyer, J. 1965. « Les fortifications circulaires isolées en France », Annales de Normandie, p. 353-414.

Tabutaud, S. 1996. « La motte castrale d’Arzague ou Orsas, Commune de Gaillac-Toulza (Haute-Garonne) », Revue du Comminges et des Pyrénées Centrales, CXI, p. 177-196.

Treffort, C. 1996. « Du cimiterium christianorum au cimetière paroissial : évolution des espaces funéraires en Gaule du vie au xe siècle », dans Galinié H. et Zadora-Rio E., Archéologie du cimetière chrétien, Revue archéologique du Centre de la France, 11e suppl., p. 55-63.

Trystram, Fl. 2000. « Histoire de Gerbert, le pape de l’An Mil », Le Regain – Société cantalienne du Livre.

Valais, A. 2002. « Le village carolingien des Murailles », Archeologia, 386, p. 58-66.

Yoshihiko, A. 1994. « Le Moyen Âge japonais et quelques questions qu’il pose aux historiens d’aujourd’hui », Cipango, Cahiers d’études japonaises, 3, p. 125-158.

Zadora-Rio, E. 1973-74. « L’enceinte fortifiée du Plessis-Grimoult (Calvados). Contribution à l’étude historique et archéologique de l’habitat seigneurial au xie siècle », Archéologie médiévale, III – IV, p. 111-243.

Zadora-Rio, E. 1979. « Construction de châteaux et fondation de paroisses en Anjou aux xie-xiie siècles », Archéologie médiévale, IX, p. 115-125.

Zadora-Rio, E. 1985. « Les essais de typologie des fortifications de terre médiévales en Europe : bilan et perspectives », Archéologie médiévale, XV, p. 191-196.

Zadora-Rio, E. 1987. « Le Plessis-Grimoult (Calvados), enceinte fortifiée », dans Barral, I Altet, X. (dir). Le Paysage monumental de la France autour de l’An Mil, Paris, p. 567 sq.

Zadora-Rio, E. 1995. « Le village des historiens et le village des archéologues », dans Mornet E. (dir.), Campagnes médiévales : l’homme et son espace, Etudes offertes à Robert Fossier, Paris.

Zadora-Rio, E. ; Galinié, H. 2001. « La fouille du site de Rigny, viie-xixe s. (commune de Rigny-Ussé, Indre-et-Loire) : l’habitat, les églises, le cimetière. Troisième et dernier rapport préliminaire (1995-1999) », Revue archéologique du Centre de la France, 40, p. 167-242.

Notes

1 Voir Anonyme, 1982 ; M. de Boüard a été le premier à proposer une vue synthétique du phénomène des fortifications de terre médiévales (Boüard, 1975, p. 76-105).

2 Dès le xixe siècle, certains archéologues ont reconnu la différence entre les « buttes féodales », comme on les appelait parfois, et les tumuli protohistoriques avec lesquels leur forme pouvait parfois les faire confondre.

3 Par exemple, dans la région Rhône-Alpes, les « céramiques à fond marqué » (Faure-Boucharlat, 1980).

4 On trouvera une illustration de cette attitude chez l’un des plus déterminés adversaires du « mutationisme » : « […] ces traces ne sont-elles pas aussi lacunaires et aléatoires que la documentation écrite ? Quand bien même elles le seraient moins, la chronologie en est-elle sûre, le lien avec les textes, indiscutable ? Surtout, une mutation du paysage, de l’habitat ou des techniques de combat conduit-elle toujours au changement social ? » (Barthelemy, 1997, p. 27-28). Evidemment, si tout dans la culture matérielle peut changer sans que cela traduise une transformation sociale, l’archéologie n’est plus qu’un aimable divertissement, et les structures de la société sont certainement les mêmes aujourd’hui qu’au Paléolithique... De même, à propos de la signification sociale du phénomène des mottes castrales, récuse-t-il sans autre argumentation la fonction de résidence seigneuriale de ces dernières (ibid., p. 237-328) : manière commode d’évacuer une question dérangeante !

5 Ainsi dans l’habitat rural (curtis) de Lausen-Bettenach, non loin d’Augst en Suisse, où l’intérêt de l’apport des sciences paléo-environnementales à la connaissance de la production agricole est relativisé par une périodisation trop large, dans un site qui semble avoir été occupé sans grand changement fonctionnel ou social depuis l’Antiquité jusqu’aux xiie-xiiie siècles (Rippmann et Neumeister-Taroni, 2000, en particulier p. 104-112).

6 « Les fortification de terre, en effet, peuvent tout autant avoir maintenu un système social (perpétuant la fameuse “oppression des puissants”) que l’avoir transformé (aggravant cette oppression). L’archéologie en elle-même ne décide rien, pour ou contre le mutationnisme ; celui-ci fait seulement partie de la “connaissance rapportée” par les archéologues actuels (le Background Knowledge de K. Popper). Au xixe siècle, on trouvait bien la “race franque” dans les sépultures du vie siècle, parce que l’on était imprégné de la lecture d’A. Thierry et de quelques autres. Aujourd’hui, rien d’étonnant à ce qu’on utilise les mottes pour prouver l’extension des pouvoirs privés » (Barthélémy, 1992, p. 775).

7 Qu’elles ont probablement inspirés par la forte charge symbolique du pouvoir qu’elles avaient acquise (Pesez, 1986, p. 335-337).

8 Ainsi, la motte d’Ecaillon disposait-elle d’une petite tour, davantage tour de guet d’après les fouilleurs que donjon, construite sur poteaux ; et vers 987, les gros poteaux de chêne du bâtiment comtal carolingien du site de la Fonderie de Douai, emmotté (période IVB et C), forment-ils les montants de la tour qui surmonte la motte (Demolon et Louis, 1982, p. 62-63 ; 1994). Ces données sont conformes à l’iconographie (tapisserie de Bayeux) comme aux rares textes tels la fameuse chronique de Lambert d’Ardres, citée par Jean-Marie Pesez (Pesez, 1985A, p. 160) : ... super dunionem Ardeae miro carpentariorum artificio domum ligneam fecit, ch 167, mgh, ss t. XXIV.

9 On trouve ce type de mottes dans la plupart des régions, et ce sont elles qui sont associées aux textes les plus anciens mentionnant un castrum ou un lignage militaire, comme à Bocsozel (Isère, 1000), à Castelbajac (Hautes-Pyrénées, 1026 ; cf. Arrouy, Charniguet et Vie, 1995, p. 242-244), à Mortemart (Haute-Vienne, entre 980 et 1020 ; cf. July, 1977, p. 37-39).

10 Ainsi, 150 silos ont été trouvés dans le village agricole (milieu ixe-milieu xie siècles) des Murailles près de Distré (Maine-et-Loire) dans le Saumurois, en association avec un mobilier qui, sans atteindre le niveau des sites aristocratiques, présente cependant un faciès exceptionnel puisqu’il comporte des accessoires d’équitation (éperons notamment) et des armes, ce qui indique un statut social élevé pour une partie au moins de ses habitants (Valais, 2002) ; mais on pourra, a contrario, citer les spectaculaires découvertes de silos dans des contextes castraux précoces en Dauphiné ou en Provence (Fixot, 1980). Dans le cas du Castellas de Cucuron (Vaucluse), la présence de 17 silos comme l’absence de mobilier aristocratique caractérisé ont inspiré aux chercheurs l’hypothèse d’une structure n’appartenant pas à l’encadrement castral, mais à un « lieu défensif collectif distinct du castrum classique […] (pouvant) servir occasionnellement de lieu de refuge pour une population implantée de manière étrangère aux principaux noyaux de peuplement […] (et gardant la fonction) de lieu de conservation des récoltes ». On peut discuter cette interprétation fondée sur un argument a silentio, il n’en demeure pas moins que les éléments majeurs d’une motte d’éperon par ailleurs en tous points classique ont bien une fonction d’ensilage céréalier (Fixot et Pelletier, 1983).

11 À ne pas confondre avec les grandes enceintes protohistoriques ou du haut Moyen Âge, qui relèvent non seulement d’un modèle typologique différent mais aussi d’un système social qui ne peut être confondu avec ce que nous étudions (Fournier, 1961 A).

12 Ainsi, le comte de Hainaut fait détruire par le feu le château sur motte de Hasnon près d’Ecaillon peu avant 1065 : « castellum omne igni dedit, cujus nihil reliquum fecit. Insuper valli aggerem humili terrae istar aequoris coequavit » (Demolon, Louis et Ropital, 1988, p. 92).

13 Nombreux dans les couches d’occupation des ouvrages de terre et de bois les plus précoces comme ceux du Languedoc (Dauzat, 1984), du Dauphiné ou du Velin.

14 À Sugny, ce sont des pointes de flèches trouvées à hauteur de la palissade qui démontrent que le château a été attaqué. Il n’a probablement pas été pris, car on ne trouve aucune trace d’incendie (Meulemeester et Matthys, 2000).

15 Malheureusement souvent découvertes anciennement, ces armes n’est pas toujours été conservées, au contraire de matériels plus modestes qui fournissent des clés de datation ; ainsi en est-il de la motte de Boule-Billon dans l’Isère, sur une motte castrale liée à l’importante seigneurie de Bressieux ; à Panassac dans le Gers (Lassure, 1980, p. 198) etc.

16 La bibliographie de ces découvertes est presqu’infinie. On citera Guédon et Sabathié, 1997, pour des objets tels que carreaux d’arbalète ou fers à chevaux typologiquement attribuables au xie comme au xiie siècle.

17 Ainsi, en Gironde, 128 fortifications de terre ont pu être identifiées avec une certaine imprécision chronologique bien sûr (Pesez, 1990A, p. 203) ; dans l’Orne, 140 (Decaens, 1998).

18 Voir par exemple le plan de 1754 du château de Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais), qui offre avant même examen du terrain des indications fonctionnelles précises (Agache, Perreau et Seillier, 1977, p. 68-69 et 78).

19 Voir par exemple Agache, 1970, et Dausse, 1975, pour l’archéologie aérienne en Picardie ; Beresford et al. 1979, pour l’Angleterre.

20 Ainsi à Liétor près de Murcie, où un habitat rural explicitement arabe (présence d’un mobilier caractéristique, telle une grande lampe sur pied revêtue d’inscriptions gravées) dénote, malgré la différence d’appartenance culturelle, un statut social mixte (Palazon et Robles-Fernandez, 1996).

21 Voir par exemple la difficulté à identifier la motte de Dol représentée dans la broderie de Bayeux (Lanos, 1982, p. 77-83).

22 C’est le cas, par exemple, pour la motte d’Orsas à Gaillac-Toulza (Haute-Garonne), où un petit lignage chevaleresque connu par les textes au xiie siècle, mais dont le mobilier céramique trouvé sur la motte montre une fortification plus précoce, dispose à partir de son castrum d’une petite seigneurie, qui disparaîtra lors de la fondation de la bastide de Gaillac-Toulza en 1268 (Tabutaud, 1996).

23 Ainsi la motte du Châtenet-en-Dognon (Haute-Vienne) est-elle modernisée sur place, des bâtiments de pierre venant remplacer du xiie au xive siècle les édifices de bois primitifs du xie siècle (Cantié, 1985). Cet exemple est représentatif d’un cas fréquent, mais château de pierre médiéval sur motte ne signifie pas obligatoirement succession motte-château, comme le montre l’exemple en cours de fouille d’Albon dans la Drôme, où J.M. Poisson et J. de Meulemeester pensent à présent que la motte et la tour succèdent directement, au xiie siècle, à une résidence palatiale non fortifiée de la puissante famille des Albon, bientôt premiers comtes de Viennois, autour de l’an Mil. L’une des fouilles les plus importantes pour la question des mottes, celle de Doué-la-Fontaine, avait quant à elle prouvé qu’une résidence aristocratique maçonnée avait ensuite été emmottée (Boüard, 1973-74).

24 Par exemple, sur la motte de Loisy en Saône-et-Loire, où ont été découvertes plusieurs pièces en os ou en bois de cervidé sculpté (Anonyme, 1987, p. 168-173).

25 Périodisation relative et non absolue, la véritable féodalité japonaise étant réputée ne s’installer réellement qu’à partir de l’émergence du système shogunal ; mais cette féodalité caractérisée par une hiérarchie assez rigoureuse du vasselage pourrait bien avoir été précédée, aux xie et xiie siècles – le temps des guerriers – par une première et non uniforme floraison du châteaux.

26 R. Fossier pose la question aux archéologues, qui n’ont guère pris la peine de lui répondre (Collectif, 1981, p. 113-114) ; la seule synthèse aujourd’hui proposée sur ce sujet se trouve dans les Actes du colloque d’Orléans en 1994 (Galinié et Zadora-Rio, 1996), mais elle ne distingue pas suffisamment sépultures privilégiées dans la cathédrale et véritable cimetière de la cathédrale, cimetière paroissial et cimetière paroissial intra-muros, ce qui en limite la portée des conclusions.

27 Les textes comme les documents archéologiques sont sans ambiguïté, même si les publications s’intéressent en général peu à ce fait, souligné par exemple pour le bas-Languedoc (Bourin et Durand, 1994, p. 100-101) ; malheureusement, le nombre de fouilles exploitables selon cette problématique est faible, ce qui ne donne que plus de prix à l’étude exemplaire conduite à Rigny-Ussé (Indre-et-Loire), qui montre à la fois la complexité de l’évolution relative du cimetière, de l’église et de l’habitat, le caractère déterminant des transformations des xie-xiie siècles durant lesquels est rompue la « partition » des vivants et des morts, et remet en cause le rôle de l’initiative monastique de l’abbaye au xe siècle (Zadora-Rio et Galinié, 2001).

28 La relation des fondations paroissiales avec le réseau castral, fondations qui sont pourtant le plus souvent d’initiative castrale puis seigneuriale, n’est pas systématique (par exemple, en Anjou, Zadora-Rio, 1979).

29 Une lettre de Sylvestre II à l’archevêque de Reims, datée entre 1000 et 1003, mentionne un conflit entre ceux qui « souhaitent être enterrés dans la ville, et (ceux qui désirent une inhumation) en-dehors, dans l’ancien cimetière Saint-Rémi », preuve que la question se posait alors en termes de règles, et de référence à l’autorité religieuse qui, au seul niveau épiscopal, ne pouvait apporter de réponse assurée (Trystram, 2000, p. 362-363).

30 Dans l’Isère, des travaux précis de prospection archéologique croisés avec les données archivistiques signalent à la fois l’occupation nouvelle, vers l’an Mil, des massifs pré-alpins tels que le Vercors et la Chartreuse, dont les parties habitables sont à une altitude moyenne de 800 à 1000 m (Ménard, 1983), jusque-là faiblement peuplés, et l’essor démographique durant la première moitié du xie siècle des piémonts collinéens (Colardelle, Moyne et Verdel, à paraître).

31 Voir Durand, 1992.

32 Voir, dans ce volume, l’article d’Aline Durand.

33 C’est ce que laissent apparaître les sources catalanes (Bonnassie, 1975), mais aussi dauphinoises ou bourguignonnes ; ou a pu même parler de la « promotion sociale » des esclaves (Bois, 1989, p. 28).

34 Le rôle de la grande aristocratie issue de la classe dominante carolingienne est-il suffisant pour expliquer le développement alors que celui-ci se manifeste partout, peut-être même surtout dans des régions depuis toujours ou momentanément hors de toute réelle autorité ancienne ?

35 L’amélioration de l’outillage agricole en fer est souvent alléguée, mais sur quoi se fonde-t-elle ? Les arguments positifs à partir des textes manquent en tout cas (Duby, 1996, 1re éd. 1973, p. 185-208). D’ailleurs, bien avant l’an Mil, de grands centres de production métallurgique d’excellente qualité existaient, comme le montre l’exemple de Ludres en Meurthe-et-Moselle (Leroy et al., 1990), daté par le C14 des ixe-xe siècles.

36 En Languedoc, A. Durand note la coïncidence de la mise en œuvre d’une rotation triennale (céréales d’hiver, orge ou froment ; avoine ; jachère), de l’accélération du défrichement et de l’augmentation d’une production d’avoine dont les textes laissent entrevoir qu’elle est liée à la classe militaire (Durand, 1995) ; mais la chronologie de cette évolution reste à préciser.

37 Ici, l’archéologie apporte certainement une réponse à la question « Caballarius signale-t-il un progrès décisif de l’équitation ? » (Barthélémy, 1992, p. 770), de même que l’importance nouvelle prise par l’avoine dans l’agriculture.

38 Serment de paix de Verdun-sur-le-Doubs, entre 1019 et1021, cité par Barthélémy, 1997, p. 275.

39 Colardelle et Verdel, 1993, p. 215-216 et 253-254.

40 Pour le Viennois, on peut montrer la croissance des transactions foncières aux xe-xie s. – essentiellement au profit final de l’église –, la part de plus en plus grande prise par la vigne, preuve d’une spéculation foncière, en même temps qu’une dépréciation monétaire qui met à la portée des plus pauvres l’acquisition de biens (Falque-Vert, 2001, p. 17-18). A Charavines, le nombre de deniers et d’oboles d’argent lyonnaises et viennoises démontre l’existence d’un certain volume de transactions.

Table des illustrations

Légende Vue aérienne de la motte castrale de la Louvatière (Chirens, Isère). Une fouille partielle (M. Clermont-Joly / M. Bois) a permis d’y découvrir un silo et des restes d'architecture à poteaux de bois de la première moitié du xie siècle (cl. M. Colardelle, CPI, 2003).
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/10141/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 278k
Légende Arçon de selle sculpté, bois, début du xie siècle ; habitat fortifié littoral de Colletière (lac de Paladru, Charavines, Isère) (fouilles M. Colardelle et E. Verdel)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/10141/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 348k

© Presses universitaires du Midi, 2004

Licence OpenEdition Books

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search