1 Par contraste, une étude réalisée par deux chercheurs de l’Université de Paris I avec des données provenant de 4000 entreprises actives dans 25 pays émergents, spécialement de l’ancienne Europe de l’Est, et citée par Cédric Polère, « laisse [plutôt] supposer que la pratique lobbyiste se substituerait davantage au phénomène de corruption qu’elle ne le provoquerait » (2007 : 12).
2 Cette complexité incite parfois à croire impossible une définition adéquate du lobbying ! Ainsi, dans un article reproduit le 4 août 2008 par l’Agence RIA Novosti, le directeur de l’Institut international d’expertise politique, Evgueni Mintchenko, déclare : « Le lobbying est aujourd’hui une sphère d’activité tellement diversifiée qu’il est très difficile de définir dans la loi ce qui est considéré comme du lobbying et ce qui ne l’est pas. » (http://fr.rian.ru/russia/20080804/115671584.html)
3 Ces épisodes sont rapportés par Yves Carsalade (2004 : 112). On les retrouve aussi dans Martine Barthélemy (2000). Carsalade rapporte en outre que l’Assemblée décide de conserver la prohibition de coalition tout en précisant que, désormais, la répression s’appliquerait également aux patrons et aux ouvriers.
4 Le libéralisme, dans sa variante individualiste, n’est donc pas complètement évacué !
5 Ces données, et d’autres, sont tirées d’un document riche en informations sur le paysage associatif français (France, 2007).
6 C’est sans doute cette condition qui distingue le plus nettement les sciences humaines et sociales des sciences dites « naturelles » dont on peut analyser les objets hors de leurs conditions « normales ». Par exemple, la loi de l’accélération de la chute des corps dans le vide, indépendamment de leur masse, ne valait que dans des conditions artificiellement créées – et encore (avec le perfectionnement des instruments de mesure, les observations tendaient à des résultats inattendus, l’accélération des corps de moindre masse semblant légèrement plus accentuée) ! Les opérations de régressions multiples visent à atteindre des conditions comparables pour l’analyse des comportements humains et des faits sociaux, mais ne peuvent que bien imparfaitement créer de telles conditions ; les économistes lucides savent très bien que les choses ne sont jamais « égales par ailleurs » ! D’où la nécessité de tenir compte du contexte pour comprendre la traduction concrète de traits fondamentaux. D’ailleurs, les « lois de la nature » n’échappent pas non plus à pareils conditionnements.
7 L’intervention des intérêts organisés peut aussi se remarquer à l’étape de la mise en œuvre des politiques, comme le font ressortir des études empiriques (Contandriopoulos et autres, 2007).
8 Plusieurs auteurs s’y intéressent, dont Ken Kollman (1998).
9 Des multiples voies d’intervention disponibles, le choix est fonction du degré de compétition appréhendé dans un secteur d’activités (Holyoke, 2003).
10 Ce volet de la relation de lobbying a spécialement retenu l’attention de David Austen-Smith (1993). Par ailleurs, les informations ainsi transmises ne sont pas toujours également déterminantes à chaque étape de l’adoption d’une politique. Abby Stoddard (2006 : 186-187) montre ainsi, à travers son étude des positions du gouvernement des États-Unis en lien avec les crises de la Somalie (1990-1991), de la Bosnie (1992-1995) et du Kosovo (1998-1999), que les informations de terrain communiquées par les organisations non gouvernementales (ONG) du domaine humanitaire ont éclairé et influencé les décisions prises, mais n’ont pratiquement plus compté au stade de la mise en œuvre, dans les opérations de terrain..
11 Cornelia Woll (2007) parle précisément d’interdépendance pour caractériser les relations entre les lobbies d’affaires et les TCP, ces derniers retirant de ces relations des atouts stratégiques dans la conduite de leurs négociations dans l’arène internationale.
12 Dans son Petit traité de l’État (1990), Gérard Bergeron avance qu’en dépit de toute la puissance qu’on leur reconnaît, les multinationales demeurent relativement dépendantes de l’État, du fait même qu’elles n’ont « pas le dernier mot ».
13 La distinction extrêmement pertinente entre biens exclusifs et biens inclusifs est particulièrement mise en relief par Mancur Olson (1978, 1966).
14 Ces traits de la relation de lobbying sont l’objet d’un développement dans Raymond Hudon et Stéphanie Yates (2008 : 383-385).
15 Un exposé plus complet des caractéristiques respectives des relations de lobbying et de patronage constitue justement l’objet de l’article publié par Hudon et Yates, déjà cité.
16 Je ne fais pas de lobbying auprès de mon voisin, à moins qu’il ne soit aussi maire ; c’est alors précisément à ce titre que, comme « lobby », je le trouve « intéressant », et qu’il acquiert un statut de TCP… qui se détend dans son jardin ! En usage d’abord aux États-Unis (public office holders), la désignation des responsables de politiques publiques sous le vocable de TCP est couramment employée dans l’ensemble des lois et des règlements destinés à encadrer la pratique du lobbying.
17 Sur ce point, Hudon et Yates (2008 : 390) dessinent une version modifiée de leur schéma présenté à la figure 1 pour justement tenir compte d’opérations de lobbying ainsi orientées. Une application de cette théorie a été tentée sous forme de test pour éclairer la décision des groupes de joindre des coalitions (Hudon, Poirier et Yates, 2008). Shareen Hertel (2006 : 28) fournit un exemple très évocateur en faisant référence au problème des organisations qui, engagées dans des campagnes militantes, doivent tenir compte des préférences de leurs « mécènes » si elles veulent continuer à recevoir leurs contributions financières.
18 Citons le cas exemplaire de l’ancien adjoint au directeur du personnel à la Maison-Blanche sous la présidence de Ronald Reagan, Michael Deaver, devenu très rapidement multimillionnaire en « vendant » son réseau de contacts au sein de l’administration et en l’utilisant pour organiser des rendez-vous avec des membres de cette administration au profit de divers porteurs d’intérêts. Pour une meilleure connaissance du dossier, il faut consulter le rapport du Independent Counsel (1989) qui recommandait de soumettre le lobbying auprès de l’exécutif à des exigences de divulgation.
19 Il est par ailleurs classique que les manuels sur le lobbying ou les groupes d’intérêt y fassent référence.
20 L’italique est ajouté. L’action des tribunaux explique d’ailleurs en grande partie le processus de la construction européenne ; à ce sujet, voir Anne-Marie Burley et Walter Mattli (1993).
21 Pour une présentation de ce programme et de ses intentions, voir Linda Cardinal (2000). Plus spécifiquement sur l’extension post-Charte du programme, voir Ian Brodie (2002). Le gouvernement Harper a cependant décidé de ne plus accepter de nouvelles demandes de financement après le 25 septembre 2006. En juin 2008, toutefois, était annoncé le rétablissement du programme pour le volet touchant les minorités linguistiques, le PCJ étant axé désormais sur la médiation et devant entrer en vigueur en 2010.
22 EurActiv, Le rôle des think tanks dans l’élaboration des politiques européennes, mai 2009, disponible à l’adresse suivante : www.euractiv.com.
23 Voir, notamment sur ce point, notre étude de quatre projets d’infrastructures publiques qui, sauf pour l’un d’entre eux, se sont conclus en faveur des forces populaires protestataires (Hudon, Poirier et Yates). Le premier des cas étudiés, le projet avorté de construction de barrages hydroélectriques par Hydro-Québec dans la vallée de la rivière Jacques-Cartier dans la première moitié des années 1970, amène par contre à noter que l’arme de l’expertise a déjà eu un effet déstabilisateur chez les promoteurs de tels projets. On ne s’attendait apparemment pas, alors, à ce que la pression « populaire » se professionnalise de la sorte. Cette observation n’empêche pas, néanmoins, le fait que les groupes d’opposition populaire se rabattent sur l’invocation de l’expérience, qui conférerait une connaissance… inaccessible aux experts auréolés de la science. Au vu de l’évolution du projet de construction d’un port destiné à accueillir les super-méthaniers dans la région de Québec, ce type d’argumentaire apparaît plutôt fragile.
24 Les professionnels de l’information ne sont par ailleurs pas dupes, tout en assurant leur soin à vérifier la fiabilité de leurs sources et des informations transmises.
25 C’est du moins ce qu’établit Susan Herbst (1998) quand elle rend compte de la conception que se font de l’opinion publique les policy staffers.
26 Pierre Fournier (1979) a déjà documenté cette thèse, il y a plus de trente ans, en présentant les résultats d’une enquête portant précisément sur les accès de divers acteurs économiques auprès des TCP (premier ministre, ministres, députés).
27 Anne Binderkrantz (2005) met en garde contre pareille catégorisation, somme toute inadéquate.
28 En avril 1994, sept fabricants avaient nié, devant le Congrès à Washington, tout risque d’un tel lien de dépendance.
29 Extrait du site www.monchoix.ca/about.html.
30 Extrait du site www.info-tabac.ca. En 2009, les cigarettiers ont mis fin à ce financement corporatif, plaçant monchoix.ca dans une situation précaire.
31 Pourtant, les dérives ne sont pas absolument exceptionnelles. Samantha King (2006) en fournit une belle illustration en décrivant, à travers l’action de la National Breast Cancer Coalition aux États-Unis, la perversion d’une intention de compassion en une activité commerciale.
32 Le contexte et l’espace disponible ne permettent pas une discussion poussée de la controverse et des protestations provoquées par les comportements de la compagnie Merck dans l’offre de ce médicament aux effets néfastes pour une grande proportion de patients. Pour une information de base, voir Fortin et Beaulieu (2005).
33 Faisons référence à seulement quelques titres tirés d’une abondante littérature : Critser (2005) ; Goozner (2004) ; Kassirer (2005) ; Moynihan et Cassels (2005).
34 C’est notamment la thèse de Richard Epstein (2006) selon laquelle l’extrême prudence qui entoure les essais cliniques risque de diminuer la capacité d’innovation.
35 Hélène Constanty et Vincent Nouzille parlent de « jeux de pouvoirs souterrains » où l’argent « reste omniprésent » (2006 : 10).
36 En réalité, la croissance du nombre de groupes (ou associations) se vérifie dans tous les domaines d’intervention (Baumgartner et Leech, 1998 : 109), et ces tendances se remarquent tout autant au Québec et au Canada (Hudon, 2007b). Cette croissance est cependant plus prononcée dans les domaines où sont présents les groupes qui ont épousé les causes liées aux nouvelles valeurs. Le résultat est paradoxal : la multiplication du nombre de groupes réduit, pour les groupes spécifiques, la capacité d’influencer les TCP qui, du fait même, font des gains d’autonomie (Salisbury, 1990).
37 Salah Oueslati (2005) a éloquemment évoqué ce passage avec les groupes contestataires devenus lobbies.
38 Elisabeth Clemens (1997) rend spécialement compte de cette première phase dans la « démocratisation » du lobbying.
39 Un livre de John Warhurst (2007), journaliste australien, traduit éloquemment l’état de cette opinion.
40 Dans sa dernière version entrée en vigueur en 2008, la loi fédérale sur le lobbying (LC 1985, ch. 44 - 4e suppl.) oblige à déclarer toutes les communications de ce type sans poser l’intention d’influencer comme condition.
41 Par curiosité, on peut consulter un article de Meir Javedanfar (« Iran : Lobbying, Schmoozing and Scheming ») publié le 1er septembre 2009 dans Real Clear World, disponible à l’adresse suivante : www.realclearworld.com.
42 Le cas de la France mérite une attention particulière. Ce document, accessible à cette adresse : www.assemblée-nationale.fr, Représentants d’intérêts à l’Assemblée nationale, a été adopté le 2 juillet 2009 par le Bureau de l’Assemblée nationale (mis en œuvre en octobre 2009) : « Les représentants d’intérêts publics ou privés figurant sur une liste fixée par le Bureau ou sa délégation compétente, et rendue publique, bénéficient, à leur demande, de badges valables une journée donnant accès à la grande Rotonde, au salon de la paix et à la salle des Quatre colonnes, sauf pour cette salle les mardis et mercredis, une heure avant l’ouverture de la séance de l’après-midi et jusqu’à la fin des questions au gouvernement. Pour pouvoir figurer sur cette liste, les représentants d’intérêts s’engagent à respecter le code de conduite les concernant adopté par le Bureau. Le Bureau pourra décider, sur proposition de sa délégation, de retirer de la liste, à titre provisoire ou définitif, le représentant d’intérêts qui n’aura pas respecté ce code. » Telle qu’établie en date du 9 février 2010, la liste des représentants d’intérêts comprend des acteurs de diverse nature : associations, entreprises privées, organisations professionnelles et organismes publics (comme EDF, SNCF).
43 Les quatre provinces sans texte législatif sont la Saskatchewan, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard.
44 Plus précisément, la ville d’Ottawa a discuté de la possibilité d’établir des règles relatives au lobbying, et la ville de Kingston interdit toute communication d’une entreprise ou d’un lobbyiste avec l’administration municipale entre le moment où un appel d’offres est lancé et celui où est attribué le contrat. Quant au Québec, la loi de 2002 établit que l’encadrement des pratiques de lobbying dans les municipalités est assuré à partir du palier provincial ; font ainsi partie des TCP concernés par la loi « les maires, les conseillers municipaux ou d’arrondissements, les préfets, les présidents et autres membres du conseil d’une communauté métropolitaine, ainsi que les membres de leur personnel de cabinet ou du personnel des municipalités et des organismes visés aux articles 18 ou 19 de la Loi sur le régime de retraite des élus municipaux » (art. 4, 5). Le texte intégral des lois en vigueur au Canada et aux États-Unis (sauf les villes dans ce dernier cas) peut être consulté à partir de l’adresse suivante : http://commissairelobby.qc.ca.
45 Pour des compléments d’information tirés d’une analyse comparée de la loi québécoise, on peut consulter Raymond Hudon (2007b).
46 Une autre mesure de cette croissance des pratiques de lobbying se révèle assez spectaculaire. Selon les données compilées par le Center for Responsive Politics, les dépenses en lobbying auprès du Congrès et des agences fédérales à Washington sont passées de 1,44 à 3,30 milliards de dollars en l’espace de dix ans (1998-2008). Données disponibles à l’adresse suivante : www.opensecrets.org.
47 Témoignage d’un ex-ministre fédéral, membre du Conseil des ministres au moment de la réalisation de ce projet en 1993. Pour des informations plus complètes sur ladite entente, on peut lire T. D. Regher et Ken Norrie à l’adresse suivante : www.thecanadianencyclopedia.com.
48 En février 2002, le premier ministre du Québec avait promis d’adopter très rapidement ce qui serait, selon lui, « la loi la plus sévère du monde » sur le contrôle du lobbying ! Devant la résistance manifestée par plusieurs attachés politiques liés à des ministres de son gouvernement – qui ne voulaient pas voir se resserrer trop brutalement les possibilités d’emploi (comme lobbyistes) après avoir quitté le monde politique –, il a toutefois dû faire preuve de plus de patience. Par contraste, il est intéressant de noter qu’en lien avec le Parlement européen, les postes d’assistants parlementaires semblent exercer un attrait qui tend à limiter le passage du monde politique à celui du lobbying (Michon, 2005).
49 K Street est la rue emblématique où l’on trouve, à Washington, une forte concentration de bureaux de lobbyistes.
50 Ces données ont été compilées et diffusées par le Center for Responsive Politics, et sont accessibles à l’adresse suivante : www.opensecrets.org. À voir ce qui se passe dans différents bureaux d’avocats, d’ingénieurs ou autres au Québec, il semble plus difficile de se dégager des ornières partisanes, quoique des évolutions commencent à être observées.
51 Données rapportées à l’adresse suivante : http://projects.publicintegrity.org.
52 Sur la base d’un mandat d’initiative défini en 1997, une commission de parlementaires québécois avait justement retenu l’option de presser les lobbyistes d’établir eux-mêmes leurs règles de conduite et avait écarté l’idée de le faire à leur place.