Chapitre 7. Clinton et le départ forcé de Suharto en 1998

p. 109-129


Texte intégral

1C’est dans un contexte de décolonisation sur fond de guerre froide que l’Indonésie, un archipel de plus de 13 000 îles, devint au cours des années 1950 un dossier prioritaire de la politique étrangère des États-Unis – dont l’objectif était de maximiser les intérêts américains dans la région de l’Asie du Sud-Est. Comme cela avait été le cas avec le développement des relations entre Lumumba et l’URSS, le rapprochement diplomatique et idéologique entre l’Indonésie indépendante de Sukarno et la Chine communiste de Mao Tsé-toung au début des années 1960 inquiétait au plus haut point la Maison-Blanche. Washington n’allait pas rester les bras croisés en regardant l’Indonésie – l’État qui comptait le plus d’adhérents communistes en dehors du bloc sino-soviétique – basculer du côté adverse. À cet égard, nous avons retrouvé un document ultra-secret du Pentagone daté de 1964, dans lequel la hantise d’un effet domino communiste en Asie du Sud-Est est clairement associée au rapprochement sino-indonésien pendant l’ère Sukarno :

Outre la reprise de l’activité soviétique en Asie du Sud-Est, celle de la Chine communiste semblait également menaçante. Alarmés par le retrait brutal de la participation de l’Indonésie aux Nations unies orchestré par Sukarno, certains responsables américains se sont déclarés préoccupés par la mise en place d’un « axe Pékin-Jakarta » destiné à promouvoir la révolution en Asie. Le Vietnam du Nord et la Corée du Nord étaient considérés comme des alliés naturels qui pourraient s’associer à Sukarno et former un regroupement international exerçant un attrait sur d’autres États asiatiques pour faire concurrence aux Nations unies. Pékin était vu comme l’instigateur et le premier bénéficiaire d’un tel regroupement1.

2Dès lors, l’Indonésie devint un laboratoire contre-insurrectionnel où, pour déstabiliser le régime de Sukarno, l’administration de Lyndon B. Johnson devait pouvoir compter sur un affidé farouchement anti-communiste, qu’elle trouva en la personne d’un jeune général ambitieux du nom de Suharto. Pour installer ce dernier au pouvoir, la CIA offrit son aide au général Suharto afin qu’une dictature militaire sympathique aux intérêts de Washington s’enracine à Jakarta. Avec l’arrivée à la présidence de ce militaire, la Maison-Blanche pouvait « imperméabiliser » une région stratégique à toute forme d’influence communiste. Les propos de l’ambassadeur Paul J. Gardner en poste à Jakarta à cette époque résumaient ainsi ce qui avait porté les États-Unis à choisir Suharto :

L’Indonésie a donc conservé une culture autoritaire, qu’elle a laissée seulement pendant quatre années très catastrophiques, soit durant la période démocratique où le gouvernement a été fragmenté par de nombreuses et très profondes divisions ethniques, religieuses et linguistiques. D’une certaine manière, nous avons estimé que, même s’il s’agissait d’un régime autoritaire, il n’y avait pas d’autre véritable option à ce moment-là. [...] À ce stade, il s’agissait vraiment d’une politique de survie2.

3Du côté de Washington, c’est un euphémisme de dire que l’arrivée au pouvoir de Suharto enchanta la Maison-Blanche. Les propos de Paul M. Cleveland sont éloquents à cet égard :

La victoire de Suharto fut accueillie avec un grand soulagement. Notre relation avec l’Indonésie a connu un virage à 180 degrés. À partir de la fin de 1965, nous avons eu accès aux Indonésiens, ce qui nous a permis de mieux évaluer l’évolution de la situation économique et politique et de coopérer efficacement3.

4Suharto se montra vite à la hauteur de la confiance qu’avait placée en lui Washington en menant une purge qui élimina près de un demi-million de sympathisants socialistes ou de collaborateurs de l’ancien régime, et comme l’ambassadeur Jack Lydman le disait « la partie a été sauvée, à la manière javanaise typique, par ce général relativement obscur4 ». La raison d’État prévalant sur les droits de la personne, la Maison-Blanche ne condamna pas les exactions du nouveau régime puisqu’elles étaient dirigées contre des éléments subversifs.

La pré-crise

5Une fois la brèche communiste colmatée en Indonésie, la voie était libre pour une collaboration accrue entre Jakarta et Washington tout au long de la guerre froide où Suharto, contrairement à son prédécesseur, était motivé à intégrer la sphère d’influence capitaliste. Comme se le rappelait Paul M. Cleveland, le chargé d’affaires (economic officer) de l’ambassade à Jakarta de 1965 à 1968 :

Bien entendu, l’ambassade a bien accueilli le changement de Sukarno à Suharto. L’ancien président – et son entourage – avait été un dirigeant aussi difficile que ceux avec lesquels nous avions à lutter dans le monde. Nous avions été très préoccupés par la crainte que l’Indonésie devînt communiste. Cela aurait été un coup dur pour nous au milieu des années 1960, alors que nous entamions un effort majeur au Vietnam. Ainsi, l’Indonésie était considérée comme une question centrale, même si elle n’était pas à l’avant-plan, dans la lutte entre le communisme et le monde libre5.

6Lorsqu’il fut interrogé sur son impression générale dudit nouvel ami, un ancien membre du département d’État sous Nixon du nom de Frederick W. Flott déclarait : « Il coopérait avec nous, faisant des choses que nous recherchions aussi à bien des égards. […] Nous avons eu de bonnes relations avec lui et une coopération sur tout ce qui comptait vraiment pour nous6. » Fort de l’appui des États-Unis à l’extérieur, Suharto décida d’envahir le Timor oriental en 1975 – alors en proie à une radicalisation gauchiste « périlleuse » selon lui – dans le but de l’annexer à son territoire. Cette campagne militaire décima près du quart de la population timoraise, soit environ 200 000 personnes.

7Ayant le vent en poupe, Suharto put aussi s’appuyer sur une croissance rapide pour faire oublier les ponctions monétaires abyssales qu’il effectuait à même les coffres de l’État pour enrichir sa famille et favoriser une élite militaire qui lui demeurait fidèle. Nonobstant cette rapine institutionnalisée par laquelle le couple aurait détourné au moins 15 milliards de dollars US, selon les chiffres de EarthTrends, le PIB per capita connut une hausse ininterrompue durant la guerre froide, passant de 53 $ US en 1967 à 564 $ US en 1989. Cette croissance économique était due à l’ouverture de l’Indonésie aux capitaux étrangers. Pour Philip C. Wilcox, agent politique et économique en Indonésie en 1972 pour le département d’État, la corruption endémique du régime n’était pas à cette époque une préoccupation majeure en raison de l’ampleur des ressources naturelles indonésiennes : « À ce moment-là, la corruption ne dérangeait pas trop puisqu’il y avait beaucoup d’argent à dépenser, la production de pétrole et de gaz ainsi que les investissements étrangers étaient en croissance, bref l’économie était en expansion7. » En somme, durant la guerre froide, Suharto se livra à plusieurs dérives cautionnées par Washington. Si bien qu’au début des années 1990, malgré l’âge avancé du dictateur indonésien et l’éruption sporadique de manifestations vite matées, rien ne semblait indiquer un changement de garde à la tête de l’Indonésie.

Le début de la crise

8À l’aube du New World Order de George H. W. Bush, après un quart de siècle à la barre, Suharto semblait indétrônable et la Maison-Blanche appréciait encore sa relation privilégiée avec l’homme fort de Jakarta. Ainsi que le faisait remarquer le diplomate américain Edmund McWilliams, en poste à Jakarta de 1996 à 1999 : « Le gouvernement des États-Unis était très proche de Suharto depuis le coup d’État de 1965 et il avait été un allié précieux pendant la guerre contre les Soviétiques durant la guerre froide et même après. Ce que j’ai découvert, c’est que c’était comme si notre politique avait été en mode de pilotage automatique8. » Quant à un changement de garde à la tête de l’Indonésie au début des années 1990, les propos de Richard W. Teare, le directeur des affaires indonésiennes sous George H. W. Bush, montrent qu’il n’était pas encore en vue :

Notre estimation était que Suharto resterait aussi longtemps qu’il le voudrait. Il voulait probablement mourir les bottes aux pieds. À la fin des années 1980 ou au début des années 1990, quand les pratiques de corruption de son clan familial furent devenues trop évidentes et trop sérieuses, il a probablement voulu rester en place ne serait-ce que pour protéger ses enfants des poursuites et des sanctions […]. Bien sûr que viendrait le jour de la reddition de comptes, question à laquelle Suharto ne s’attardait pas assez. C’est-à-dire qu’il pourrait protéger sa famille tant qu’il serait en vie et en poste, mais qu’en serait-il quand il mourrait ? En outre, il était évident qu’il ne se préparait pas de successeur. Il ne voulait pas que quelqu’un puisse le défier. Ainsi, il avait tendance à changer de vice-président chaque session et à démettre ceux qui montraient des signes d’ambition9.

9Malgré tout, c’est bien à cette époque, au début des années 1990, que la situation commença à tourner au vinaigre. Si la chute de Suharto en mai 1998 fut relativement rapide, les origines de cette dernière remontent aux manifestations revendiquant l’indépendance du Timor oriental qui menèrent au tragique événement connu comme le « Massacre de Dili ». Le 12 novembre 1991, l’armée indonésienne postée dans la région du Timor oriental, fidèle à son habitude et à ses ordres, ouvrit le feu sur une foule de manifestants pacifistes, dont 270 périrent. Si l’ampleur de la force utilisée par Suharto n’était pas chose nouvelle pour lui face à ce type de crise, la couverture médiatique qui l’entoura révéla au monde entier la brutalité de son régime. Le problème cette fois-ci pour Suharto était qu’une vidéo montrant l’armée en train de tirer sur la foule avait été tournée par une équipe de journalistes américains qui était sur place. Quelques mois plus tard, la sortie du documentaire In Cold Blood : The Massacre of East Timor eut l’effet d’une bombe. Du côté américain, sans pour autant représenter un « cas de divorce », la publicité négative affectant le régime suhartiste après cette tuerie faisait mal paraître la collaboration militaire entre Jakarta et Washington. À la suite du massacre de Dili, le Congrès décida de sanctionner Suharto en limitant l’aide fournie à l’Indonésie par l’IMET (l’International Military and Education Training). Pourtant, la Maison-Blanche fut loin d’abandonner Suharto à ce stade embryonnaire de sa chute. D’ailleurs, en opposition au Congrès, le président George H. W. Bush se prononça contre l’adoption de la requête voulant couper les vivres à l’armée indonésienne.

10Par la suite, à quelques détails près, la même stratégie de tolérance qui avait eu cours durant l’administration Bush envers Suharto et les écarts de conduite de son régime continua sous l’administration Clinton. En marge d’une volonté initiale de distanciation d’avec les instances militaires de la part de l’administration Clinton, une collaboration économique et diplomatique profonde entre Jakarta et Washington se poursuivit de plus belle après la fin de la guerre froide. Puis la Maison-Blanche leva le moratoire sur la vente d’armes et le financement de l’IMET en 1995. De plus, le président Clinton reçut Suharto en grande pompe à la Maison-Blanche le 27 octobre de la même année. L’ambassadeur Edmund McWilliams, en poste à Jakarta à partir de 1996, décrivait ainsi la pérennité de la politique étrangère américaine post-guerre froide à l’égard de Suharto :

[L]a vieille clique responsable de l’Indonésie au département d’État et, dans une certaine mesure, au Pentagone, aimait vraiment travailler avec le régime de Suharto. Elle savait comment traiter avec ces personnes. […] C’était une relation confortable pour eux. Aussi corrompus qu’ils [les dirigeants indonésiens] pouvaient l’être, vu qu’il s’agissait d’une vieille relation souvent fondée sur des relations personnelles, celle-ci se poursuivit sur le pilote automatique. […] C’était une relation confortable pour eux [le département d’État et le Pentagone]10.

11En fait, la présence de Suharto au pouvoir permettait à la Maison-Blanche de maintenir son influence sur l’archipel et par conséquent, à ce stade, Washington n’avait pas intérêt à lâcher Suharto. Même s’il y eut des sanctions de la part de la Maison-Blanche, celles-ci furent timides et, comme d’habitude, Suharto ne subit pas trop de pressions pour démocratiser son régime. Un ancien consultant américain du programme de financement de la United States Agency for International Development (USAID) devant soutenir la progression démocratique en Indonésie allait jusqu’à dire en toute confidence que dans les années 1990 : « Cette composante du programme touchant à la démocratisation n’a pas façonné la base de la politique [américaine], qui consistait à soutenir Suharto qui avait fait tant de bonnes choses pour les États-Unis11. » Également à micro fermé, un ancien ambassadeur américain posté à Jakarta disait lui aussi sans détour que les efforts de démocratisation en Indonésie avaient toujours été négligeables durant cette décennie : « Nous avons soutenu des programmes de démocratie [en Indonésie] pendant des décennies. Mais ils n’ont rien donné. Ils n’étaient là que pour amadouer nos groupes d’intérêts nationaux12. » Contre toute attente, trois ans plus tard, le régime de Suharto implosa subitement à la suite de manifestations étudiantes qui se mutèrent rapidement en émeutes populaires.

La perte de contrôle

12En raison de l’état lamentable de l’économie depuis 1996, les choses s’envenimèrent rapidement pour Suharto entre février et mai 1998. Avec le recul, sa chute commença avec l’occupation pacifique des campus universitaires par les étudiants pour protester contre l’autocratie du régime. Si l’armée réagit vigoureusement au début des manifestations, les attroupements sur les campus étaient désormais scrutés par les médias du monde entier et Suharto, contrairement à son habitude, dut demander à ses généraux de donner l’ordre de ne pas intervenir tant que la protestation demeurait confinée aux agoras universitaires. En même temps, la crise alimentaire qui sévissait balaya le peu d’appui populaire qu’il avait encore et il ne fallut que quelques semaines pour que la protestation estudiantine devînt une vindicte populaire qui, après avoir investi les rues de Jakarta, se propagea aux autres grands centres urbains de l’archipel. Cependant, apparaissant comme la meilleure – voire la seule – option sur la table, Suharto pouvait encore compter sur un appui indéfectible de Washington. Durant l’aggravation de cette crise interne, les options étaient limitées pour la Maison-Blanche puisque Suharto manœuvrait habilement pour être le seul en piste, et ainsi que se le rappelait l’ambassadeur McWilliams :

Quand je suis arrivé en 1996, le régime de Suharto était intact, il n’y avait aucun challenger ni aucun défi à son règne, la seule problématique était sa santé – son âge frisait les 80 ans à ce moment-là –, mais je pense que personne ne s’attendait à ce qu’il s’abstienne de briguer un nouveau mandat, et c’est bien ce qu’il a fait, prolongeant son règne jusqu’en 199813.

13En somme, bien que l’Indonésie traversât des moments difficiles, l’administration Clinton, en raison de l’ascendant que Suharto possédait encore sur son régime et des intérêts économiques que l’archipel abritait, était loin d’envisager son abandon précipité. Le dilemme cornélien auquel la Maison-Blanche faisait maintenant face est très bien résumé par les propos que tenait un investisseur américain vivant en Indonésie à ce moment : « Intellectuellement, je sais que ce serait mieux pour l’Indonésie si Suharto se retirait. Mais, en tant qu’homme d’affaires... je souhaite que le jour de son départ soit reporté le plus longtemps possible14. » En raison de la rapidité de la perte de contrôle de Suharto sur son régime, l’administration Clinton fut à la remorque des événements ; quelques jours auparavant, elle pensait encore que l’autocrate javanais allait mourir en poste.

Les options de la Maison-Blanche

14Suharto ayant toujours manigancé pour éliminer la concurrence, la tâche décisionnelle n’était pas simple pour l’administration Clinton en Indonésie au printemps de 1998. D’une part, Suharto permutait constamment les postes de ses généraux pour s’assurer de leur loyauté. D’autre part, en divisant pour mieux régner, Suharto avait volontairement affaibli le pouvoir du gouvernement un an plus tôt par la nomination intempestive du vice-président Bacharuddin Jusuf Habibie, un ingénieur de formation – qui contrairement à lui n’avait pas vraiment d’autorité sur l’armée. Bref, s’il devait y avoir un changement à la tête de l’Indonésie, Suharto devrait paradoxalement faire partie de la solution post-Suharto.

15Pour épouser cette complexité, deux options furent simultanément choisies en 1998 par la Maison-Blanche : d’une part, ne pas trop effaroucher Suharto dans la tourmente du fait qu’il gardait encore le contrôle de l’armée et de la police, mais surtout, d’autre part, entretenir un dialogue constant avec les principaux généraux de l’armée, puisque cette dernière représentait la clef de voûte d’une commutation de l’influence acquise de Washington à Jakarta. Tandis qu’au début du mois de mai 1998 rien n’allait plus à Jakarta, l’amiral Joseph Prueher, commandant en chef de la section du Pacifique, tenait des propos qui résumaient bien la posture qu’allait adopter Washington tout au long de la crise : « Il est important de maintenir les contacts avec les militaires, l’Indonésie est importante pour les États-Unis et nous avons intérêt à ce que l’Indonésie passe au travers de cette crise15. » En conservant un lien privilégié avec l’armée indonésienne, la Maison-Blanche pensait pouvoir être en mesure de conserver son influence sur le régime, avec ou sans Suharto à sa tête. À preuve, trois jours avant l’abdication de Suharto, soit le 18 mai 1998, un rapport secret de Larry Niksch réalisé pour le compte du Congrès affirmait ceci : « La capacité des États-Unis à influencer l’armée indonésienne sera probablement le facteur déterminant de leur capacité à influencer les développements politiques futurs. L’armée jouera un rôle crucial dans tous les scénarios possibles16. »

16Justement, deux militaires étaient en lice pour le changement de garde à venir à Jakarta. Le premier challenger n’était nul autre que le gendre de Suharto, un jeune général du nom de Prabowo. Tandis que le second, le général Wiranto – vieux frère d’armes et ami personnel de Suharto –, fédérait de son côté plusieurs membres influents de l’armée indonésienne en en représentant la vieille garde, laquelle était justement rebutée par Prabowo et le népotisme par lequel sa carrière avait été pistonnée. Les États-Unis approchèrent la suite des choses avec une stratégie d’observation et de retenue pour soutenir celui ou ceux qui allaient remplacer Suharto à la tête de l’Indonésie entre le vice-président Habibie, le général Prabowo et le général Wiranto. Du côté de l’opposition politique indonésienne, même si une candidate du Parti démocratique indonésien (PDI) du nom de Megawati Sukarnoputri, fille de l’ex-président Sukarno, sortait du lot, Washington ne la pensait pas capable de fédérer assez d’appuis pour être en mesure de gouverner après Suharto17.

La décision

17Après que l’armée eut ouvert le feu sur une foule de manifestants pacifiques le 13 mai, tout s’embrasa et en date du 15 mai, on dénombrait déjà 1200 morts après le début des mouvements de masses. Dans la tourmente, la réaction de l’administration Clinton à l’égard de l’armée et de son chef Suharto fut circonspecte. Trois jours avant l’abdication de ce dernier, le secrétaire d’État adjoint pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, Stanley Owen Roth, affirmait que son administration ne voulait pas « remuer la marmite dans une situation très tendue et obtenir éventuellement un résultat que nous [le département d’État] ne voulons pas », ni se prononcer sur le type de réformes à mettre en place. « Nous avons précisément évité de faire cela, ce sont des choses que les Indonésiens doivent résoudre eux-mêmes18. » Ainsi, ce n’est qu’une fois exposée à une déroute complète de la gestion de la crise par Suharto – soit la veille de son abdication – que la secrétaire d’État, Madeleine Albright, lui asséna le coup de grâce. Affichant un manque d’optimisme évident quant aux chances de Suharto de demeurer en poste, la secrétaire d’État demeurait néanmoins des plus obséquieuses, sans directement lui indiquer la porte de sortie : « Il a maintenant la possibilité d’accomplir un acte historique comme homme d’État, un geste qui préservera son héritage en tant que décideur qui non seulement a dirigé son pays, mais a aussi assuré la transition démocratique19. »

18En marge du discours d’Albright, un membre du département d’État qui souhaitait garder l’anonymat résumait la stratégie américaine de la sorte : « Ce n’est pas comme tel un appel explicite pour forcer Suharto à démissionner. [Mais] il est nécessaire que la transition vers un gouvernement post-Suharto commence. Nous pensons que cela devrait être un processus démocratique20. » Si ce point de bascule était exprimé à demi-mot, cela tenait au fait que, quels que fussent les dénouements possibles à Jakarta, Washington devait faire attention à ne pas trop froisser son ancien ami, car même en tant qu’ex-président, Suharto allait demeurer un acteur important après la passation des pouvoirs. C’est donc en date du 21 mai que Suharto se rendit à l’évidence et abdiqua après trente-deux ans de règne en laissant les rênes du pouvoir au vice-président B. J. Habibie. Or, de ce fait, le changement à la tête de l’Indonésie s’effectuait plus en continuité qu’en rupture avec le régime suhartiste puisque, comme l’affirmait un diplomate américain en poste en mai 1998, l’establishment au pouvoir restait en place21.

19Le départ de Suharto – qui n’en fut pas un dans la mesure où il put demeurer à Jakarta jusqu’à sa mort dix ans plus tard – était donc plus une mise en tutelle du régime où Habibie se retrouvait curateur du gouvernement durant une phase de transition. N’empêche qu’en cédant les rênes du pouvoir à un régent qui n’était pas un proche de l’armée, Suharto arrivait à conserver un ascendant même après son départ. Dans ce contexte, la Maison-Blanche doutait de la capacité de Habibie à stabiliser le régime. Contrainte par le temps – et ne sachant pas trop sur qui jeter son dévolu pour commuter son influence –, la Maison-Blanche usa de prudence en reconnaissant le nouveau régime avec Habibie à sa tête, mais décida de miser sur une valeur plus sûre pour stabiliser le régime, à savoir l’armée indonésienne. Comme le disait un membre de l’administration Clinton sous le couvert de l’anonymat quelques heures après l’arrivée en poste du nouveau président indonésien : « Nous devons regarder au-delà de Habibie, car personne ne l’acceptera longtemps comme président. C’est une poignée de généraux de l’armée qui vont maintenant déterminer ce qui se passe22. »

20Il était donc impératif pour la Maison-Blanche de conserver les liens précédemment tissés avec l’armée indonésienne. En particulier, en marge de l’accueil positif offert à Habibie par Clinton, la Maison-Blanche se devait de se rapprocher – du moins au départ – des deux généraux pressentis pour diriger l’armée indonésienne, sans encore savoir lequel des deux l’emporterait. Un membre de l’administration Clinton expliquait ainsi : « Nous voulons encourager les commandants militaires [le général Prabowo et le général Wiranto] à progresser vers la démocratie et vers de nouvelles élections dès que possible. À ce stade, nous ne connaissons pas bien ces types-là et nous ne savons pas s’ils vont nous écouter. Mais ils sont notre meilleur espoir23. » Ce flou ne dura pas puisque Wiranto décida de soutenir Habibie. Hélas pour les ambitions de Prabowo, celui-ci fut rétrogradé le jour même. En acceptant de soutenir Habibie dès le départ, Wiranto sécurisait son poste en s’assurant l’appui de nouveau président et, en retour, ce dernier pouvait compter sur le soutien de l’armée nécessaire pour gouverner en Indonésie.

Deux épilogues : Habibie est chargé du gouvernement de tutelle (NR/ARP) et Wahid arrive au pouvoir après des élections (NR/NRP)

21Demeurant dubitative quant aux intentions réelles de libéralisation d’Habibie ou même à sa capacité à gouverner assez longtemps pour la mettre en branle, la Maison-Blanche savait néanmoins que celui-ci avait tout avantage à se montrer conciliant avec elle, n’ayant pas les moyens de se passer de l’aide financière américaine, par le truchement du Fonds monétaire international (FMI), s’il voulait sortir son pays de la crise économique et alimentaire. Washington fut ainsi en mesure de conserver un maximum d’influence acquise – malgré l’arrivée en poste d’Habibie et l’élection de Wahid ensuite – grâce à la dépendance de l’économie indonésienne à l’égard de l’aide financière américaine. Car loin d’être « un chèque en blanc » du FMI, l’aide financière allait être conditionnelle à la bonne conduite du nouveau tandem Habibie/Wiranto et à la collaboration de Wahid. Comme l’historien Benedict Anderson le faisait remarquer : « De plus, la crise économique persistante a rendu le régime d’Habibie vulnérable et dépendant des demandes des créanciers étrangers24. » En somme, ce chantage économique permettait à l’administration Clinton de conserver encore un maximum d’influence acquise à Jakarta malgré le départ de Suharto.

Le premier épilogue : Habibie assume le pouvoir dans un gouvernement de tutelle (NR/ARP)

22Bien qu’il y eût bel et bien un changement à la tête de l’État indonésien en mai 1998, le corps de l’État demeura le même, ce qui simplifia la tâche à Washington. Malgré le peu de confiance que l’administration Clinton plaçait en lui autant avant qu’après le départ de Suharto, Habibie, avec Wiranto à ses côtés, arriva néanmoins à surprendre les plus incrédules à Washington. L’année et demie que passa Habibie au pouvoir donna lieu à une vague de libéralisation sans précédent pour l’Indonésie, permettant à Washington de pouvoir mieux étayer son discours sur les droits de l’homme tout en y conservant son influence. Sur le plan empirique, la commutation de l’influence réussie entre Washington et Jakarta était manifeste dans l’alignement des décisions prises par le nouveau régime sur les objectifs américains en matière de politique étrangère dans la zone d’Asie du Sud-Est.

23Pour la Maison-Blanche, le règne d’Habibie fut davantage une courte parenthèse entre le point de bascule américain à l’égard de Suharto et l’instauration des conditions nécessaires pour la tenue d’un suffrage universel. Avec l’adoption de plusieurs réformes, Habibie resta dans les bonnes grâces de l’administration Clinton en plus d’attirer les investisseurs étrangers – les Américains en particulier. Ainsi que l’affirmait Dewi Fortuna Anwar, le conseiller politique principal d’Habibie durant cette période : « La libéralisation du système politique indonésien était perçue par le président Habibie comme un moyen d’attirer l’appui de la communauté internationale aux efforts de relance économique et de transformer l’image de l’Indonésie après trois décennies de régime autoritaire25. » En somme, comme le résumait l’ambassadeur McWilliams à propos de l’homme politique indonésien : « Il a “tenu le fort” et maintenu les choses en place. Dieu merci, il n’y a pas eu de transition militaire26. » Cela dit, malgré cette bonne entente avec le gouvernement de tutelle, les élections indonésiennes d’octobre 1999 furent bien accueillies par la Maison-Blanche. William A. Pierce, le consul américain de la ville de Subaraya, résumait ainsi la période de tutelle d’Habibie :

M. Habibie a été assez astucieux pour s’apercevoir qu’il n’avait pas toutes les cartes que Suharto avait auparavant dans son jeu pour imposer sa volonté. Il a entamé un processus de « reformasi » [réforme] assez convenable […] pour essayer de redresser la situation, de rendre l’Indonésie plus ouverte, plus libre en ce qui concerne la presse, la liberté de parole et le processus politique. Ce qu’il a réussi. Et puis aussi il a organisé des élections en 1999, qu’il a perdues et au terme desquelles il a démissionné. [...] Ce sont des choses qu’il a faites dans un délai très court27.

24Rappelons ici que notre théorie avance qu’une démocratisation est envisageable pour Washington à moyen terme si, et seulement si, la Maison-Blanche pense que la commutation de son influence sera encore possible après les élections. Dans ce cas précis, la durée du « moyen terme » aura été de dix-sept mois qui auront permis de construire le berceau de la démocratisation en Indonésie.

Le deuxième épilogue : Wahid arrive au pouvoir après s’être fait élire (NR/NRP)

25Durant la phase Habibie, les États-Unis ne craignaient pas l’avènement de la démocratie à Jakarta puisque Washington savait qu’après les élections, le nouveau gouvernement aurait nécessairement besoin de leur aide financière et que l’armée indonésienne leur demeurerait fidèle. En 1999, le résultat des élections comptait moins aux yeux des États-Unis que la tenue des élections même puisque les États-Unis seraient en mesure de conserver leur influence sur Jakarta quoi qu’il advînt. Les attentes américaines ne furent pas déçues puisque l’arrivée au pouvoir de Abdurrahman Wahid (surnommé Gus Dur) permit une commutation de l’influence américaine. Notons que Wahid n’était ni un nouveau venu ni un danger pour la relation américano-indonésienne. Comme le disait Dennis G. Harter, qui avait travaillé à l’ambassade de Jakarta de 1984 à 1987 : « Wahid était connu comme un réformateur et un ardent défenseur des droits de l’homme. L’un des officiers de la section politique, Gene Christy, a connu Wahid lors de sa première tournée en Indonésie et me l’a présenté. Je suis devenu son principal contact à l’ambassade et nous nous rencontrions tous les deux mois pour discuter de questions politiques et sociales28. » De son côté, Robert L. Barry, l’ambassadeur de l’Indonésie de 1992 à 1995, disait que Wahid était l’un de ses bons amis durant son mandat29. Après avoir été élu, le nouveau président demeura proche de la Maison-Blanche. Tandis que William A. Pierce affirmait que nommer Wahid à la présidence du pays avait été un choix électoral positif30, McWilliams, l’ambassadeur à Jakarta, disait de lui que c’était un « type intéressant », qui avait bien « tenu le fort » après son arrivée au pouvoir31. Bref, l’élection de Wahid – dans un pays qui constituait dès lors la troisième plus grande démocratie au monde – fut saluée par Washington pour qui le scénario NR/NRP s’avérait. Par conséquent, l’accueil positif réservé à l’élection démocratique du nouveau président Abdurrahman Wahid constitue un cas secondaire qui valide les prédictions de notre théorie.

26Soulignons enfin que cette confiance en la suite des choses n’avait rien à voir avec un acte de foi naïf en la démocratie puisqu’en marge de la démocratisation du régime, comme nous l’avons dit, Washington continuait d’entretenir des liens solides avec l’armée indonésienne. McWilliams indiquait ceci à propos de l’importance de la relation militaro-diplomatique entre Jakarta et Washington :

Bien sûr, c’était le mandat de Clinton à la Maison-Blanche. Mais je pense que les personnes qui, à Washington, ont dominé notre politique à l’égard de l’Indonésie pendant des années et des années ont essentiellement conservé les mêmes intérêts. C’est-à-dire maintenir une relation aussi bonne que possible avec l’armée et sécuriser l’environnement pour les investissements américains. Et je pense qu’à ce jour ces objectifs continuent d’être les intérêts dominants de Washington [en Indonésie]32.

27Ces propos tendent à valider notre argument théorique qui postule que malgré les retournements politiques possibles en Indonésie et les discours de Clinton sur les bienfaits de la démocratisation, le même calcul s’applique en Indonésie depuis son indépendance, où la conservation maximale de l’influence acquise passe en grande partie par des liens solides avec l’armée indonésienne.

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28À la lueur de ce quatrième test théorique, il appert que notre théorie du point de bascule explique bien le comportement qu’adopta l’administration Clinton à l’égard de la démission de Suharto en mai 1998, après trente-deux ans au pouvoir. Qui plus est, notre théorie de la CMIA semble bien réussir à expliquer l’évolution en quatre temps de l’orientation de la politique étrangère américaine à l’égard de l’Indonésie : la réjouissance entourant le départ de Sukarno et l’arrivée de Suharto en 1965, l’abandon de ce dernier en mai 1998, la pression diplomatico-financière exercée sur Habibie pour qu’il tienne des élections démocratiques en 1999 et enfin, l’accueil positif accordé à l’élection de Wahid la même année. Certes, le point de bascule à l’endroit Suharto s’est fait attendre longtemps après la fin de la guerre froide, cependant nous avons observé qu’en raison du manque de solutions de rechange, la présence de Suharto était encore ce qui permettait le mieux à Washington de maintenir son influence dans l’archipel.

29Sujette à la même pression que Suharto lorsque la crise étudiante s’amplifia au point de devenir un mouvement de masse à la mi-mai 1998, l’administration Clinton vit, avec l’élargissement des manifestations étudiantes en un mouvement de protestation général, le temps venu de se repositionner pour la suite des choses. En marge des contacts privilégiés constamment maintenus avec l’armée, cette dernière passa alors par une période de transition où une situation finale de « Nouveau Régime/Ancienne Relation Positive » avec Habibie fut « commuée », après une vague de réformes démocratiques encouragées par la Maison-Blanche, en un autre type de scénario que nous avons défini comme celui d’un « Nouveau Régime/Nouvelle Relation Positive » avec l’élection de Wahid. En fin de compte, à travers tous ces bouleversements, l’administration Clinton a été en mesure d’accueillir positivement l’arrivée successive de ces deux nouveaux présidents, Habibie et Wahid, parce qu’en vertu de l’octroi conditionnel de l’aide financière, elle était en mesure de commuter son influence acquise à chaque reprise. Le tableau 7.1 reprend chacun des stades empiriques de la chute en 1998 de Suharto en les comparant avec nos prédictions théoriques.

tableau 7.1. Le bilan du départ forcé de Suharto en 1998

Stade de la crise Années concernées La théorie du point de bascule prédit que… Cours des événements empiriques Applicabilité Oui/Non
Pré-crise 1966-1991 En l’absence de révolte, la Maison-Blanche appuie un dictateur ami pour sa propension à collaborer avec Washington. Suharto bénéficia de l’appui de la Maison-Blanche puisqu’il était garant de la stabilité et des intérêts américains en Asie du Sud-Est. Oui
Début de la crise Du massacre de Dili en 1991 aux manifestations étudiantes du début de mai 1998 Le déclenchement d’une vague de contestation représente un élément perturbateur qui, à court ou à long terme, peut mener un dictateur ami à sa chute. La durée dépend de l’intensité de l’insurrection et de la capacité du dictateur ami à garder le contrôle de son régime. La diffusion mondiale du massacre de Dili aura été l’élément déclencheur du début de la fin pour Suharto. Or, durant les sept ans qui suivirent, soit avant le début de mai 1998, Suharto gardait toujours le contrôle de son régime. Par conséquent, la Maison-Blanche le soutenait encore malgré la répression excessive qu’il utilisait pour mater toute forme de dissidence. Oui
Durant la crise Du 11 au 20 mai 1998 Malgré la répression initiale, l’insurrection peut perdurer à court ou à long terme. Dans un contexte de crise économique et alimentaire, la situation s’embrase rapidement au moment où le peuple rejoint les étudiants dans les rues partout au pays. Cependant, si à ce stade les États-Unis mettaient de la pression pour que Suharto use de retenue dans ses actions pour rétablir l’ordre, jamais ils ne l’exhortèrent à partir. Oui
Examen des options Mi-mai 1998 En l’absence de perte de contrôle d’un dictateur ami sur son régime, il n’y a pas de point de bascule à son égard puisque le statu quo est encore possible. L’étau se resserrant rapidement sur Suharto, la Maison-Blanche était à la remorque des événements. Toutefois, en l’absence de solutions de rechange, la Maison-Blanche le soutenait encore en encourageant le dialogue. Oui
Décision américaine Le 20 mai 1998 Si le statu quo de la relation n’est plus possible en raison d’une aggravation de la crise à court terme et si la Maison-Blanche pense être en mesure de commuter son influence sans le dictateur ami en poste, celle-ci l’abandonne. La Maison-Blanche abandonna finalement à demi-mot Suharto le 20 mai 1998 après que celui-ci eut perdu le contrôle de son régime. En entretenant des contacts fréquents avec les généraux de l’armée indonésienne, l’administration Clinton pensait qu’elle pourrait conserver son influence acquise avec l’arrivée du numéro deux du gouvernement B. J. Habibie, ce qui fut le cas durant son règne transitoire. Oui
Résultats 1re situation finale 1998-1999
2e situation finale après les élections de 1999
Dans une situation de NR/ARP (Nouveau Régime/Ancienne Relation Positive), Washington peut commuter son influence puisque le régime conserve le même parti politique ou les mêmes généraux au pouvoir après le départ du dictateur ami.
La démocratisation est possible à moyen terme si le pouvoir en place permet la tenue d’élections. La Maison-Blanche va appuyer le nouveau gouvernement élu démocratiquement si elle pense être en mesure de commuter son influence acquise avec le ou les nouveaux dirigeants. Si la Maison-Blanche conserve son influence après l’élection d’un nouveau gouvernement, c’est le scénario NR/NRP qui constitue la situation finale.
L’arrivée du vice-président Habibie à la présidence représenta plus une mise en tutelle du pouvoir de Suharto qu’une rupture avec l’ancien régime. Ce faisant, la Maison-Blanche était en mesure de conserver son influence acquise à Jakarta.
Ensuite, Habibie organisa la tenue d’élections voulues par les États-Unis. Habibie perdit les élections de 1999 aux mains de Wahid. En raison du levier diplomatique que constituait la possibilité d’octroyer ou de retirer l’aide financière américaine versée annuellement à l’Indonésie, Washington pensait pouvoir commuter son influence acquise avec l’arrivée de ce nouveau président. La bonne entente entre Washington et Jakarta se poursuivit après l’arrivée au pouvoir de Wahid.
Oui
Oui

Notes de bas de page

1« In addition to renewed Soviet activity in Southeast Asia, that of Communist China also appeared ominous. Fanned by Sukarno’s abrupt withdrawal of Indonesia’s participation in the U.N., some U.S. officials voiced concern over the development of a “Pekin-Jakarta axis” to promote revolution in Asia. North Vietnam, together with North Korea, were seen as natural allies who might join in and form an international grouping exerting an attraction on other Asian states to counter that of the U.N. Pekin was viewed as the instigator and prime benefactor of such a grouping. » Voir Pentagone Papers, Report of the Office of the Secretary of Defense Vietnam Task Force [lxxxiv], 1964-1968, 2011, p. 78.

2« So Indonesia continued in an authoritarian culture which it had left only for about four years and some very catastrophic years, their democratic period […]. The government split apart at numerous and very deep ethnic, religion and linguistic divisions. In a way we felt that, while this was an authoritarian regime, there was no real alternative at the present time. The country had been organized politically, unfortunately, along these religious, linguistic and cultural divisions within the society. This meant you really had a politics of survival. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training, Foreign Affairs Oral History Collection, « Interview with Paul F. Gardner », 4 novembre 1991, ADST, 1998, p. 32, https://adst.org/wp-content/uploads/2013/12/Gardner-Paul-F.toc_pdf.

3« The Suharto victory was received with great relief. Our relationship with Indonesia took a 180 % turn. After the end of 1965, we had access to Indonesians, thereby enabling us to better assess both economic and political developments and to engage effectively. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Paul M. Cleveland », 20 octobre 1995, p. 218-219, http://adst.org/Readers/Indonesia.pdf.

4« The game was saved, as you know, in typical Javanese fashion by this relatively obscure general. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Jack Lydman », 27 avril 1988, ADST, 1998, p. 15, https://adst.org/OH%20TOCs/LydmanJack.toc.pdf.

5« The Embassy of course welcomed the change from Sukarno to Suharto. The former – and his cohorts – had been as difficult a leader as we had to contend with around the world. We had been greatly concerned about Indonesia going communist. That would have been a real blow to us in the mid-1960s as we were entering into our major effort in Vietnam. So Indonesia was viewed as a very central if lower profile issue in the struggle between communism and free world. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Paul M. Cleveland », op. cit., p. 30, https://www.adst.org/OH%20TOCs/CLEVELAND,%20Paul.toc.pdf.

6« He was cooperative with us, doing things we sought in many respects ; obviously pursuing Indonesian interests […]. We had good relations with him and cooperation on all the things that really mattered to us. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Frederick W. Flott », 27 octobre 1992, p. 330, http://adst.org/Readers/Indonesia.pdf.

7« At that time, it had not reached the crisis stage, since there was plenty of money to go around, oil and gas production and foreign investment were was [sic] growing, and the economy was expanding. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Philip Wilcox », 27 avril 1998, ADST, 2002, p. 19, https://www.adst.org/OH%20TOCs/Wilcox,%20Phillip%20C.toc.pdf.

8« U.S. government had been very close to Suharto since the coup back in 1965 and he had been a very close ally in the war against the Soviets, the Cold War and so on. But what I found was it was as if our policy were on autopilot. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Edmund McWilliams », 1er décembre 2005, ADST, 2007, p. 115, https://www.adst.org/OH%20TOCs/McWilliams,%20Edmund.pdf?_ga=2.59597419.756740242.1554409450-1480527775.1553658151.

9« Our estimate was that Suharto would stay as long as he chose to. He probably wanted to die with his boots on. By the late ‘ 80s or early ‘ 90s, anyway, when the problem of family corruption had become so evident and so serious, he probably wanted to remain in office if only to protect his children from prosecution and retribution for their money-grubbing ways. […] of course that there was a day of reckoning for which Suharto was not really planning effectively. That is, he could protect the family as long as he was alive and in office but when he died what would happen ? Also it was quite evident that he was not grooming a successor. He didn’t want anybody out there that could conceivably challenge him. Thus he tended to change Vice Presidents each term and also to sidetrack other people who showed signs of getting too strong. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), « Interview with Richard W. Teare », 31 juillet 1998, ADST, 2006, p. 131, https://www.adst.org/OH%20TOCs/Teare,%20Richard%20W.toc.pdf?_ga=2.164769529.756740242.1554409450-1480527775.1553658151.

10« [T]he old Indonesia clique in the State Department and to some extent in the Pentagon genuinely liked working with the Suharto regime, they knew how to deal with these people. As corrupt as they were it was an old relationship, often personal relationships, that things just kind of kept going on autopilot. […] It was a comfortable relation for them [State Department and Pentagon]. » Voir Library of Congress, « Interview with Edmund McWilliams », op. cit., p. 119.

11« [This democracy-building component] didn’t shape the basic [U.S.] policy which was to support Soeharto who had done so many good things for the U.S. » Voir Edward Aspinall et Marcus Mietzner, From Silkworms to Bungled Bailout : International Influences on the 1998 Regime Change in Indonesia, Stanford, Stanford University, Center on Democracy, Development and the Rule of Law (CDDRL), 2008, p. 21.

12« We supported democracy programs [in Indonesia] for decades. But they achieved nothing. They were just sops to our domestic constituencies. » Voir ibid.

13« When I arrived the Suharto regime was intact, there were no challengers or challenges to its rule, the only question being his health, he was in his middle to late 70s at that point but I think no one anticipated that he would not actually seek a new term, which he did, of office, extending his rule in ‘ 98. » Voir Library of Congress, « Interview with Edmund McWilliams », op. cit., p. 130.

14« Intellectually, I know it would be better for Indonesia if Suharto stepped aside. But… as a businessman, I want to postpone the day of reckoning for as long as possible. » Voir Adam Schwarz, « Indonesia after Suharto : Can change be peaceful ? », Foreign Affairs, juillet-août 1997, https://www.foreignaffairs.com/articles/asia/1997-07-01/indonesia-after-suharto.

15« It is important to maintain military-to-military contacts, Indonesia is important to the United States, and it is in our interest that Indonesia gets through this. » Voir Dana Priest, « Working to pierce an army’s veil », The Washington Post, 15 mai 1998, http://www.washingtonpost.com/wp-srv/inatl/longterm/indonesia/stories/military051598.htm.

16« The ability of the United States to influence the Indonesian military probably will be the key determinant of the American ability to influence future political developments. The military would play the crucial role in all of the above scenarios. » Voir Larry Niksch, Indonesia : May 1998 Political Crisis and Implications for U.S. Policy », CRS Report for Congress (98-468 F), 18 mai 1998, p. 5, https://www.everycrsreport.com/files/19980518_98-468_365e053ef1a509d622d2d0076b2a57d78bdb005e.pdf.

17« It was very authoritarian. There was no crack in the facade. There was an opposition lead by Megawati Sukharoputri, the current president, but it had no traction and periodically her headquarters were burned down or something like that because the Suharto’s forces were not allowing any opposition to take place. » Voir Library of Congress, The Association for Diplomatic Studies and Training Foreign Affairs Oral History Project (ADST), 1996, « Interview with Robert L. Barry », 2 octobre 1996, ADST, 2016, p. 83-84, https://adst.org/wp-content/uploads/2013/12/Barry-Robert-L.pdf.

18« Assistant Secretary of State Roth said on May 18 that the administration did not want to “stir the pot in a very tense situation and possibly get an outcome we don’t want”. The administration, he said, also would not spell out the kind of political reforms it believed should take place in Indonesia. “We have specifically avoided doing that [...] these are things the Indonesians have to work out.” » Voir John Bresnan, « The United States, the International Monetary Fund and the Indonesian Financial Crisis », Columbia University Discussion Papers no 8, 30 juin 1998, p. 18, https://www8.gsb.columbia.edu/apec/sites/apec/files/files/discussion/bresnan2.pdf.

19« Now he has the opportunity for an historic act of statesmanship – one that will preserve his legacy as a man who not only led his country, but who provided for its democratic transition. » Voir Brian Knowlton, « Albright nudges Suharto to resign : “An opportunity for statesmanship” », The New York Times, 21 mai 1998, https://www.nytimes.com/1998/05/21/news/albright-nudges-suharto-to-resign-an-opportunity-forstatesmanship.html.

20« Not an explicit call per se for Suharto to step down. [But] [t]here is a need for the transition [to the post-Suharto government] to begin. We think it should be a democratic process. » Voir Norman Kempster, « Albright calls on Suharto to step aside », Los Angeles Times, 21 mai 1998, http://articles.latimes.com/1998/may/21/news/mn-52219.

21« [T]he power establishment has not been thrust out of office. » Voir Seth Mydans, « Indonesia’s top military leader shows his strength », The New York Times, 23 mai 1998, http://partners.nytimes.com/library/world/asia/052398indonesia.html.

22« We have to look beyond Habibie because no one will accept him as President for more than a short time. It’s a handful of army generals who will now determine what happens. » Voir Philip Shenon, « The fall of Suharto : Clinton welcomes Suharto’s exit but says Indonesia still needs “a real democratic change” », The New York Times, 21 mai 1998, http://www.nytimes.com/1998/05/21/world/fall-suharto-policy-clinton-welcomes-suharto-s-exit-but-says-indonesia-still.html.

23« Administration officials said that the United States would try to forge a closer relationship with the two rival military leaders who are now seen as the true power in the Indonesian Government : Gen. Wiranto, the armed forces commander, and Gen. Prabowo, the head of an elite army unit and Mr. Suharto’s son-in-law. “We want to encourage the military commanders to move toward democracy, toward new elections as soon as feasible,” the senior official said. “At this point we don’t know these guys well and we don’t know if they’ll listen. But they are our best hope.” » Voir Philip Shenon, « The Fall of Suharto : U.S. Welcomes Resignation But Is Cool to The Successor », The New York Times, 22 mai 1998, https://www.nytimes.com/1998/05/22/world/fallsuharto-policy-us-welcomes-resignation-but-cool-successor.html.

24« The continuing economic crisis, moreover, left the Habibie regime vulnerable to, and dependent on, the demands of foreign creditors. » Voir Benedict Anderson, Violence and the State in Suharto’s Indonesia, Ithaca, Southeast Asia Program Publication, Cornell University, 2001, p. 233.

25« [L]iberalizing Indonesia’s political system was also seen by President Habibie as a means to attract international support for Indonesia’s recovery effort and transform Indonesia’s international image after three decades of authoritarian rule”. » Voir Kathryn Stoner et Michael McFaul, Transitions to Democracy : A Comparative Perspective, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2013, p. 159.

26« [H]e [Habibi] basically held the fort and held things together and we didn’t have a military transition, thank goodness […]. » Voir Library of Congress, « Interview with Edmund McWilliams », op. cit., p. 134.

27« Mr. Habibie was astute enough to realize that he didn’t have the full deck Suharto did to impose his will. He began a pretty decent process of “reformasi,” which was what the students lad called for, and had been taken up by the nation, trying to turn things around, more open, freer, in terms of the press, in terms of the right to free speech, and in terms of the political process. Which he did. And then also to arrange the elections in ‘ 99, which he lost and stepped down from. Also his other call, which many Indonesians question, is the plebiscite in East Timor. These were things that he did within a very short time. » Voir Library of Congress, « Interview with William A. Pierce », 29 janvier 2001, ADST, 2009, p. 167, https://memory.loc.gov/service/mss/mfdip/2010/2010pie01/2010pie01.pdf.

28« Wahid was known as a reformer and a strong advocate of human rights. One of the officer’s in the Political Section, Gene Christy, had known Wahid during his first tour in Indonesia, and he introduced me to Wahid. Because he was now the head of the NU, I became his chief contact at the Embassy, and we used to meet every couple of months to discuss political and social issues. » Voir Library of Congress, « Interview with Dennis G. Harter », 17 mars 2004, ADST, 2011, p. 258, https://cdn.loc.gov/service/mss/mfdip/2011/2011har01/2011har01.pdf.

29« One of my good friends at the time [1992-1995] was Abdurahman Wahid, who later became president of Indonesia. » Voir Library of Congress, « Interview with Robert L. Barry », op. cit., p. 135, https://cdn.loc.gov/service/mss/mfdip/2004/2004bar10/2004bar10.pdf.

30« Mr. Abdurrahman Wahid, Gus Dur, was a positive selection as president of the country. » Voir Library of Congress, « Interview with William A. Pierce », op. cit., p. 180, https://memory.loc.gov/service/mss/mfdip/2010/2010pie01/2010pie01.pdf.

31« [Habibie] was succeeded by the cleric, Abdurrahman Wahid Gus Dur, he was an interesting fellow who basically held things together. » Voir Library of Congress, « Interview with Edmund McWilliams », op. cit., p. 134.

32« This is the Clinton white house [sic], of course. But I think essentially those people who had dominated our policy for years and years and years in Washington towards Indonesia essentially retained the same interests. That is to say to maintain as good a relationship as possible with the military and secure the environment for U.S. investment, major U.S. investment. And I think to this day that continues to be the dominating interests of our administration. » Voir ibid., p. 129.


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