1Alors que les personnes de 65 ans et plus constituaient environ 5 % de la population québécoise pendant le premier tiers du xx^e siècle, elles en forment actuellement 13 %, atteindront 24 % en 2026, puis près de 30 % en 2051 : dans 25 ans à peine, un Québécois sur quatre sera âgé d’au moins 65 ans. Les jeunes, qui représentaient 39 % de la population au début du xx^e siècle, ont vu leur part relative se rétrécir à 20 % de nos jours et ne composeront plus, selon les hypothèses actuelles, que 13 % de l’ensemble de la population québécoise au milieu du présent siècle.

2Quelles sont les origines des changements survenus dans la structure de la population québécoise ? Les bouleversements qu’ont subis les différents phénomènes démographiques — fécondité, mortalité et migrations — en sont responsables. Comme pour l’ensemble des pays développés, la population du Québec a été l’objet de cette mutation que l’on nomme la transition démographique. Caractérisée par le passage d’une période où les niveaux de natalité et de mortalité sont élevés à une période où ces niveaux sont faibles, cette transition se fait par étapes.

3Autrefois, dans les populations agricoles et rurales, on devait conserver un niveau de fécondité élevé pour contrer les effets de la forte mortalité qui sévissait alors. Dans ces conditions, la population restait jeune, car très peu d’individus survivaient jusqu’à la vieillesse.

4Ultérieurement, à la suite de l’industrialisation et de l’urbanisation, la mortalité et la fécondité ont toutes deux évolué vers des niveaux beaucoup plus faibles, enclenchant ultimement une phase de décroissance caractérisée par un taux de natalité plus faible que le taux de mortalité. Cette inévitable décroissance de la population, que la théorie de la transition démographique n’avait pourtant pas prévue, accompagnera alors son vieillissement (Loriaux, 1990), car une population n’a qu’un choix possible : croître ou vieillir.

5Dès lors, la baisse de la mortalité modifie profondément le rôle des aînés au sein de la population. Bien que l’âge de 65 ans soit traditionnellement utilisé comme date charnière entre l’âge adulte et la vieillesse, un individu a maintenant de bien meilleures chances d’atteindre cet âge et peut espérer vivre bien plus d’années après ce seuil que les générations qui l’ont précédé (tableau 5.1). En conséquence, le fait de conserver l’âge de 65 ans comme seuil du vieil âge et de la retraite ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui (Desjardins et Légaré, 1984 ; Légaré et Desjardins, 1987). Parce que l’âge d’admissibilité aux pensions n’a pas été modifié, l’allongement de la vie prolonge la durée de la retraite des aînés. Qui plus est, on nous offre maintenant la possibilité d’une retraite plus hâtive, avancée de 5 ou même 10 ans afin d’en jouir le plus longtemps possible (le programme « Liberté 55 » en est le plus fameux exemple). Ce qui était appelé jadis le troisième âge pourrait fort bien être appelé de nos jours le « quatrième âge », ce qui confirmerait l’émergence d’« un nouveau troisième âge », commençant lors du passage à la retraite et se poursuivant jusqu’à la vieillesse (Laslett, 1989), alors qu’il n’y avait aucune démarcation entre les deux autrefois.

6Dans les quelques pages qui suivent, nous donnerons un aperçu des facteurs qui ont mené au vieillissement de la population québécoise, puis nous tenterons de brosser un tableau des répercussions que ce phénomène engendrera probablement.

Transition démographique et émergence du vieillissement

7Au cours du xx^e siècle, le comportement démographique des pays développés a connu des transformations d’une ampleur inédite. À travers les siècles, comme nous l’avons mentionné, la tendance des niveaux de fécondité et de mortalité était tout d’abord demeurée très haute, puis une baisse substantielle de la mortalité a été observée, surtout aux premiers âges de la vie. Quelques décennies plus tard, la fécondité, qui était elle aussi à un niveau très élevé, a chuté de façon importante. Paradoxalement, la transition démographique a eu comme effet immédiat de rajeunir la population. Puisque les premiers gains sur la mortalité touchaient principalement la mortalité des enfants, ceci a permis à un plus grand nombre de nouveau-nés d’atteindre l’adolescence.

TABLEAU 5.1. Mortalité par génération et par sexe au Québec

8La baisse de la mortalité infantile a éliminé la nécessité de conserver une fécondité très élevée afin de compenser pour les décès en bas âge. Quelque temps après la baisse de la mortalité, on constate que la fécondité a connu à son tour une diminution notable et que la proportion actuelle des jeunes au sein de la population commence à diminuer (Chesnais, 1986).

9Une fois la mortalité aux jeunes âges descendue à un niveau très faible, les futurs gains sur la mortalité ne peuvent se faire qu’aux âges adultes et aux âges avancés. Ainsi, le vieillissement de la population, déjà amorcé par la réduction de la fécondité, ira en s’accentuant, car l’allongement de la vie permet aux aînés d’augmenter d’autant leur part relative au sein de la population (figure 5.1).

FIGURE 5.1. Part relative des 65 ans et plus au sein de la population québécoise, 1901-2051

10La fécondité, quant à elle, a diminué de façon importante depuis un siècle au Québec. La dimension moyenne des familles est passé de 4,3 enfants par femme en 1901 à 1,5 à la fin du siècle, et la tendance projetée pour les prochaines années n’anticipe aucune remontée au seuil de remplacement des générations, qui est de 2,1 enfants par femme (figure 5.2). Il ne faut cependant pas oublier qu’un accident historique est survenu dans les sociétés occidentales après la Seconde Guerre mondiale : le baby-boom. Le babyboom n’a pas été vécu de la même manière dans tous les pays : la figure 5.3 présente les variations du nombre moyen d’enfants par femme dans différents pays occidentaux entre 1940 et 1964 (Dupâquier, 1999). Après la Seconde Guerre mondiale, les démographes s’attendaient à une reprise de la fécondité, comme celle que l’on a constatée à la suite de la Première Guerre. Ce fut le cas en Europe, où on pourrait davantage qualifier cette période de rattrapage d’après-guerre plutôt que de véritable baby-boom. Cette recrudescence de la fécondité est en effet nettement plus marquée en Amérique du Nord qu’en Europe. Aux États-Unis, le nombre moyen d’enfants par femme, qui était de 2,3 en 1940, est passé à 3,8 en 1957 après quelques fluctuations. La tendance au Canada ressemble beaucoup à celle des États-Unis, mais le niveau de fécondité y est encore plus élevé durant toute la période. Il passe de 2,7 en 1940 à 3,9 en 1959, puis commence à diminuer.

FIGURE 5.2. Nombre moyen d’enfants par femme, Québec, 1926-2001

11En comparant le niveau de fécondité du Québec — dont il a été question précédemment — à celui de ces pays, on remarque que le baby-boom y a été encore plus prononcé. Le nombre moyen d’enfants par femme au Québec est passé de 3,4 en 1941 à 4,1 en 1957. Il est demeuré le plus élevé de tous jusqu’en 1959, moment où il a amorcé une chute vertigineuse pour passer sous la moyenne canadienne : pendant une période d’environ 20 ans — de 1946 à 1965 —, les niveaux de fécondité sont demeurés très au-dessus de la tendance séculaire. Mais dès 1960, la fécondité québécoise a connu un brusque revirement de situation et le nombre de naissances n’a cessé de décroître depuis ; par exemple, le nombre moyen d’enfants par femme a chuté de moitié en 10 ans, passant de 3,4 en 1964 à 1,7 en 1974. La très légère remontée de la fin des années 1980, sans doute en partie reliée à la politique familiale du gouvernement québécois, n’a été que momentanée et la fécondité actuelle se maintient à un niveau faible.

FICURE 5.3. Le baby-boom dans quelques pays occidentaux, 1940-1964

12Puisque le nombre de naissances enregistrées au Québec a connu un sommet pendant cette période (plus de 143 000 annuellement entre 1957 et 1959, contre environ de 80 000 à 90 000 avant et après le baby-boom), le poids relatif des baby-boomers comptera pour beaucoup dans l’évolution de la structure par âge de la population québécoise (figure 5.4). Bien que ces enfants aient contribué à maintenir l’âge moyen de cette population très bas pendant leur jeunesse, ce sera tout le contraire dans quelques années alors que ces mêmes baby-boomers atteindront l’âge de la retraite !

13Examinons par exemple l’âge médian de la population, c’est-à-dire l’âge charnière qui permet de séparer la population en deux, une moitié étant plus jeune et l’autre plus vieille que cet âge. Entre 1941 et 1971, l’âge médian était relativement stable aux alentours de 25 ans. Depuis, il augmente d’environ 5 ans par décennie : il s’établit à 38 ans au recensement de 2001 et devrait atteindre 47 ans en 2031, lorsque tous les baby-boomers auront atteint l’âge de 65 ans (figure 5.5).

FIGURE 5.4. Nombre de naissances, Québec, 1921-2001

14Les deux pyramides des âges qui suivent montrent aussi ce fait. La première (figure 5.6a) se rapporte à 2001, et montre bien l’impact de la dépression des années 1930, la présence des baby-boomers aux âges actifs et la diminution importante des naissances qui a suivi le baby-boom : le baby-bust. En outre, le ralentissement récent de la fécondité est facilement repérable dans la couche inférieure. Les strates plus larges représentant les baby-boomers continueront à monter graduellement dans les pyramides subséquentes, comme c’est le cas dans celle de 2031 (figure 5.6b).

15Le baby-boom aura eu de nombreuses répercussions sur la structure par âge de la population québécoise et en provoquera d’autres jusqu’au milieu du xxi^e siècle. En effet, puisqu’il a retardé d’une vingtaine d’années le début du vieillissement démographique, le baby-boom en fera un phénomène plus brusque que ce qu’il aurait dû être, puisqu’il comprimera en un laps de temps plus court l’augmentation de la proportion d’aînés. Comme nous l’avons déjà souligné, c’est lorsque les baby-boomers arriveront à l’âge de la retraite que le vieillissement atteindra son apogée.

FIGURE 5.5. Âge médian de la population québécoise, 1901-2051

16Afin de voir à quel point le baby-boom a influencé la structure par âge de la population québécoise, qui était déjà entrée dans une phase de mutation, nous avons tenté de voir comment le vieillissement aurait évolué en son absence. Pour ce faire, nous avons analysé la fécondité au cours du xx^e siècle (figure 5.2). Selon la tendance séculaire que nous avons établie, on voit clairement que le nombre moyen d’enfants par femme était en baisse avant même la Seconde Guerre mondiale et que le phénomène a été accentué par la crise économique. La fécondité a connu une remontée inattendue qui s’est résorbée environ 20 ans plus tard de manière tout aussi soudaine, pour revenir à des niveaux qui auraient été atteints de toute façon si la baisse de la fécondité avait été graduelle. Donc, pour chaque année où le nombre de naissances a été supérieur à la tendance séculaire, nous allons diminuer ce nombre pour le faire correspondre au nombre attendu selon la tendance.

17Le fait d’éliminer ainsi le « surplus » des naissances générées par le baby-boom élimine également les enfants et petits-enfants qui auraient été engendrés par ces personnes et implique que la population du Québec aurait été moindre que celle observée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Or, d’après nos calculs, il faudrait pour cela que le nombre moyen d’enfants par femme demeure aux alentours de 2 au cours des 40 prochaines années au moins, alors que les projections de référence de l’Institut de la statistique du Québec proposent 1,5 enfants par femme. Nous considérerons donc comme étant plus probable l’hypothèse qu’il n’y aurait pas eu une telle compensation.

FIGURE 5.6a. Pyramide des âges, Québec, 2001

Futurs enjeux démographiques et socioéconomiques

18En examinant l’âge médian des deux populations (figure 5.5), on constate en effet que le vieillissement aurait débuté plus tôt en l’absence du baby-boom, car ce dernier a causé un rajeunissement temporaire, suivi d’un vieillissement plus brutal. Si la différence d’âge médian entre la population réelle et la population sans baby-boom est d’environ cinq ans en 1971, elle se résorbe au rythme d’environ une année entre les décennies. On remarque que les valeurs sont presque identiques en 2011. La même chose peut être observée lorsqu’on examine la part relative des 65 ans et plus, à quelques différences près : le plus grand écart entre les deux valeurs est prévu pour 2011 et les deux courbes ne se rejoignent que vers 2026 (figure 5.1).

FIGURE 5.6b. Pyramide des âges, Québec, 2031

19Nous avons bien là les preuves de ce que nous avancions précédemment, à savoir que le baby-boom a contribué d’une part à retarder le vieillissement en introduisant un nombre élevé de jeunes dans la société, mais d’autre part, lorsque ces derniers avanceront en âge, le vieillissement qui surviendra alors sera d’autant plus brusque, ce qui est assez inusité en démographie, où les changements fondamentaux se produisent ordinairement à un rythme beaucoup plus lent et sans à-coups.

20En examinant le scénario de référence des projections publiées par l’Institut de la statistique du Québec, on peut clairement voir que les effets les plus visibles du vieillissement sont encore à venir. En effet, la part relative des aînés québécois devrait avoir plus que doublé d’ici 30 ans. Si 13 % de la population avait 65 ans ou plus en 2001, ce nombre devrait atteindre 27 % en 2031 et 30 % en 2051. L’âge médian, quant à lui, devrait passer de 38 ans en 2001 à 49 ans en 2051, ce qui signifie que presque un Québécois sur deux sera alors âgé de 50 ans ou plus.

21Les progrès attendus pour la mortalité devraient aussi avoir un effet sur la composition de la population âgée. Si les personnes de 80 ans et plus ne constituaient que près de 15 % de l’ensemble de la population québécoise âgée pendant la majeure partie du xx^e siècle et le premier quart du xxi^e siècle, il en sera tout autrement en 2051, puisque cette proportion aura alors doublé (32 %), confirmant ainsi l’émergence du « quatrième âge » dont nous avons déjà parlé plus tôt (figure 5.7).

22Au cours de la transition démographique, un événement inattendu s’est manifesté : les gains sur la mortalité ayant été généralement plus importants du côté féminin, l’écart entre les espérances de vie masculine et féminine est passé d’un an et demi en 1931 à environ sept ans aujourd’hui. Cela implique que la proportion de femmes dans la population âgée est supérieure à 50 % et que ce déséquilibre est de plus en plus marqué lorsqu’on avance en âge (figure 5.8). Cependant, en tenant compte du fait que les femmes sont de plus en plus nombreuses à adopter des comportements et un style de vie autrefois jugés essentiellement masculins, les données récentes tendent à montrer que ce phénomène se résorbe en partie (Nault, 1997).

FIGURE 5.7. Population de 80 ans et plus par rapport à celle de 65 ans et plus, sexes réunis, Québec, 1996-2051

23Il est généralement admis qu’en l’absence de migrations, une population doit avoir une fécondité au moins égale à 2,r enfants par femme si elle désire au moins éviter de décroître. Or, au Québec, ce niveau de fécondité a été observé pour la dernière fois en 1970. Bien qu’une forte immigration internationale ait retardé ce phénomène, la faible fécondité et les soldes migratoires souvent négatifs devraient faire en sorte que la population totale du Québec cessera de croître vers 2021, atteignant alors un sommet à 7 784 000 habitants, pour ensuite commencer à chuter pour atteindre 7 289 000 personnes en 2051 (figure 5.9). Rappelons que le recensement canadien de 2001 montrait que la population du Québec était alors de 7 410 500 habitants. Cela confirme le postulat que nous avons déjà formulé, à savoir qu’une population n’a qu’un choix : croître ou vieillir.

24Cette situation risque d’avoir une influence primordiale sur certains mécanismes mis en place afin d’assumer les coûts inhérents au vieillisse ment de la population (Légaré, 2001). Vers la fin des années 1960, en pleine période de croissance démographique et économique, les gouvernements ont instauré différents régimes de pensions basés sur le modèle d’un système de répartition. Communément appelé en anglais Pay as you go (payg), les gens qui sont actuellement sur le marché du travail fournissent les cotisations servant à payer les pensions aux plus âgés. Avec un vieillissement accéléré, une telle méthode s’avère beaucoup plus contraignante pour les travailleurs, puisqu’ils sont moins nombreux à se partager le fardeau que représente le versement des pensions. Le ratio des personnes d’âge actif (20-64 ans) par rapport au nombre de personnes pouvant bénéficier de pensions (65 ans et plus) a graduellement chuté de 10 pour 1 en 1941 à 3,6 pour 1 en 2001, et devrait atteindre 2 pour 1 en 2021. Autrement dit, les baby-boomers, qui ont choisi d’avoir moins d’enfants que leurs parents, obligeront leurs enfants à payer davantage pour obtenir les mêmes privilèges que ceux obtenus par les générations antérieures : les montants qu’un travailleur aurait à défrayer en 2021 sont équivalents à la part que cinq travailleurs assumaient en 1941 (figure 5.10).

FIGURE 5.8. Proportion de femmes et d’hommes par groupes d’âges, Québec, 2001

FIGURE 5.9. Population selon les grands groupes d’âges, Québec, 1901-2051

FIGURE 5.10. Estimation du nombre de travailleurs par pensionné, Québec, 1941-2051

25L’urgence de la situation peut aussi être illustrée par une comparaison entre les effectifs de travailleurs qui viennent d’entrer sur le marché du travail (disons les 20-34 ans) et ceux qui s’apprêtent à le quitter (les 50-64 ans). S’il y avait 4 sortants pour 10 entrants au début du xx^e siècle et 9 pour 10 en 2001, cette tendance devrait se poursuivre et se renverser dans deux ou trois décennies, puisqu’on devrait compter 12 sortants pour 10 entrants dès 2015, proportion qui devrait se stabiliser par la suite (figure 5.11). Cela signifie concrètement que le coût des pensions deviendra une charge de plus en plus lourde si aucune mesure n’est prise pour remédier à cette situation.

26Une solution à ce problème est de supplémenter le régime de répartition (payg) en amenant les futurs pensionnés à débourser maintenant des cotisations plus élevées qui, après capitalisation dans une réserve, leur permettront de défrayer leur propre retraite, comme dans le cas de leur régime enregistré d’épargne-retraite (reer) actuellement. Cela permettrait de soulager les générations actuellement en âge de travailler, moins nombreuses que celles qui les ont précédées, obligeant ainsi les baby-boomers à compenser pour les enfants qu’ils n’ont pas eus.

FIGURE 5.11. Nombre de sortants pour 10 entrants sur le marché du travail, Québec, 1996-2051

27Il serait également possible de repousser l’âge de cessation d’activité ou du moins l’âge minimum ouvrant l’accès aux pensions de l’État, afin de retrouver, dans une certaine mesure, un certain équilibre avec la situation du début du siècle. Bien qu’envisageable, cette solution s’avère difficile à instaurer et ne sera probablement pas appréciée par les premiers à en subir les frais. C’est ce qui se dessine néanmoins chez nos voisins du Sud, où l’on prévoit aux États-Unis faire passer à moyen terme l’âge donnant accès aux pensions de vieillesse de 65 à 67 ans.

28Un autre aspect non négligeable du vieillissement est son impact sur les coûts futurs reliés au domaine de la santé. Nous avons déjà vu dans quelles proportions les effectifs âgés vont devenir un segment plus important de la population, mais il faut ajouter que la part relative des aînés vivant en institution ou dont le niveau de besoin d’aide est élevé ou très élevé sera en hausse au sein même de la population de 65 ans et plus, fait attribuable en partie au poids grandissant des 80 ans et plus.

29Nonobstant le fait que ces populations âgées de demain auront été davantage scolarisées, que les femmes qui en feront partie, grâce à leur expérience de travail, seront plus autonomes et mieux informées (Marcil-Gratton et Légaré, 1987), il n’en demeure pas moins que l’on devra faire face à une augmentation de la population à risque qui n’est pas à prendre à la légère. Bien que le bilan ici esquissé puisse ne pas s’avérer si catastrophique, notamment grâce aux facteurs mentionnés ci-dessus, il est tout de même nécessaire de prévoir longtemps à l’avance la marche à suivre afin de satisfaire aux besoins de la population âgée de demain.

Perspectives

30Le vieillissement démographique est un phénomène inédit, découlant de profondes modifications dans les comportements démographiques qui ont été exceptionnels par leur ampleur. Il a démarré au milieu du xx^e siècle et se poursuivra jusque tard dans le présent siècle.

31Le baby-boom n’aura fait que retarder le vieillissement de la population québécoise, tout en rendant le passage d’une population jeune à une population plus âgée beaucoup plus brusque. Par conséquent, le Québec doit se préparer à revoir les fondements d’une société en mutation, où les aînés auront à jouer un rôle beaucoup moins effacé que par le passé, puisque leurs caractéristiques socioéconomiques et démographiques auront énormément changé et leur présence relative au sein de la population québécoise, qui est déjà le double de ce qu'elle était en 1961, sera appelée à doubler une nouvelle fois au cours des 25 prochaines années. Néanmoins, comme au-delà de 2031 les baby-busters passeront à l’âge de la vieillesse, nous assisterons vraisemblablement à une réduction graduelle du nombre de personnes âgées au Québec.