Chapitre 3. Désaccord politique, capital humain et gouvernance représentative au Canada
p. 73-104
Remerciements
Je voudrais exprimer toute ma gratitude aux membres de mon équipe de recherche pour leur remarques et leurs suggestions. Mes remerciements s’adressent aussi aux différentes personnes qui ont participé à nos rencontres et ont formulé des remarques d’une grande utilité : leur esprit critique constructif fut particulièrement éclairant. Enfin, pour terminer, je voudrais exprimer à Mme Judi Powell toute ma reconnaissance pour son remarquable travail de secrétariat. — Les fonds qui ont permis cette recherche proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Texte intégral
[...] Nous ne devons pas sous-estimer le potentiel de changement. [...] l’électorat des démocraties industrielles avancées a subi une transformation décisive durant la période de l’après-guerre. L’opinion publique reflète un processus dynamique ; nous devons donc éviter d’avoir une vision statique d’une population inchangée (ou inchangeable) [...]. Les démocraties doivent s’adapter à la politique actuelle et au nouveau style politique des citoyens (Dalton, 1996 : 38, 283).
1Tout indique que les attitudes à l’égard de la démocratie représentative au sein des États industriels avancés connaissent un certain flottement : la confiance dans les institutions gouvernementales a baissé1 et la méfiance envers les politiciens se répand très rapidement2. Des tendances comme celles-ci risquent de rendre la tâche de gouverner plus ardue3 et peuvent avoir des répercussions sérieuses sur l’avenir de l’engagement politique4. La confiance restreinte des gens envers les institutions gouvernementales et les autorités politiques diminue leur satisfaction à l’endroit de la démocratie représentative5 et pourrait altérer l’espoir qu’ils ont de voir le système répondre à leurs besoins6, ce qui, du même coup, risque d’affecter grandement leur désir de voter7.
2En revanche, cette frustration grandissante à l’égard des institutions et des autorités gouvernementales pourrait également conduire à un avenir plus sain pour les démocraties représentatives et à un changement (et non une détérioration) d’approche dans les choix électoraux8. L’appui au système de gouvernement représentatif demeure très fort dans plusieurs pays ; dans certains cas, on peut même dire que la situation s’améliore9. Les progrès dans les technologies de l’information, dans les médias ainsi que l’explosion de l'éducation ont contribué énormément au développement du capital humain10. Les citoyens d’aujourd’hui n’ont pas seulement un meilleur accès à l’information politique, ils ont une meilleure instruction et sont plus engagés dans le processus politique11. Des tendances comme celles-ci peuvent aider à renforcer les sentiments d’efficacité personnelle12 (ou interne) et à produire une nouvelle catégorie de citoyens plus « démocratiques », plus « critiques13 », qui comprennent mieux la politique et soient plus enclins à croire qu’ils ont une influence sur le processus politique14. L’amélioration du capital humain, s’ajoutant à de hauts niveaux d’efficacité interne, peut certainement influencer le raisonnement de l’électorat en affaiblissant l’attachement à des partis ou à des groupes sociaux15, et par conséquent en le libérant et en le rendant plus indépendant et plus subtil dans ses choix électoraux16.
3Le but de cet article est de vérifier laquelle de ces projections est la plus pertinente pour le Canada. La partie I de cette analyse examine jusqu’à quel point les Canadiens sont devenus désenchantés de leur propre système de gouvernement représentatif. Quel est le degré de confiance des Canadiens envers leurs institutions politiques ? Quelle est leur confiance dans le gouvernement élu ? Comment ces facteurs influencent-ils leurs évaluations globales de la performance du système ? Les Canadiens perçoivent-ils leur système politique actuel comme suffisamment préoccupé de leurs besoins et de leurs exigences ? Si non, comment cela s’explique-t-il ?
4La partie II examine de près les changements au sein du capital humain. Les Canadiens ont-ils plus accès à l’information ? Sont-ils mieux instruits ? Sont-ils plus engagés dans le processus politique ? Si tel est le cas, jusqu’à quel point les variations au sein du capital humain modifient-elles leurs conceptions de l’efficacité personnelle ? Les Canadiens comprennent-ils mieux la politique ? Sont-ils plus enclins à croire qu’ils peuvent influencer le système politique ?
5Finalement, la partie III examine le processus du choix électoral. Les Canadiens ont-ils moins envie de voter ? Montrent-ils un attachement plus faible à un parti ? Cela aura-t-il des répercussions sur les décisions électorales ? Le raisonnement actuel des électeurs est-il différent de celui des générations précédentes ? Si tel est le cas, qu’est-ce qui rend compte du changement d’approche du choix électoral ?
6La conclusion de cet article réfléchit sur l’avenir de la gouvernance représentative. Le désenchantement à l’égard des institutions gouvernementales et des autorités politiques constitue-t-il un défi sérieux à la démocratie représentative canadienne ? Les Canadiens vont-ils continuer à participer aux élections ? En quel sens les électeurs du XXIe siècle seront-ils différents de ceux des générations précédentes ? Quelles sont les implications pour les candidats et les partis politiques et pour la lutte électorale en général ?
La baisse de confiance envers les institutions gouvernementales et la méfiance croissante à l'endroit des politiciens
7Dans les démocraties représentatives, le système17 et la légitimité globale dépendent jusqu’à un certain point de l’idée que se fait la population des institutions gouvernementales et du gouvernement au pouvoir18. Ces derniers temps, nous voyons surgir un certain nombre de préoccupations : en cette dernière moitié du siècle, tout indique, en effet, que, dans plusieurs démocraties, y compris le Canada, le niveau de confiance de la population dans les institutions gouvernementales a chuté19. S’appuyant sur une étude exhaustive de 17 États industriels avancés, Dalton montre que, en l’espace d’une seule décennie, l’indice de confiance des citoyens du monde entier envers les institutions gouvernementales a baissé en moyenne de 6 %20. De même, Nevitte soutient que, durant les années 1980, la confiance des Canadiens envers le Parlement, la fonction publique, les forces armées et la police a baissé en moyenne de 7 %21.
8Tout aussi importante est la manière dont les citoyens perçoivent les politiciens. « En élargissant l’ampleur des données empiriques transnationales s’échelonnant sur plusieurs périodes », Dalton soutient qu’il y a « une érosion générale de l’appui aux politiciens22 ». Dans le même ordre d’idées, Clarke et ses collègues remarquent qu’entre 1988 et 1993, la confiance envers les politiciens canadiens a chuté dramatiquement de 17 %23. L'ampleur de ces changements est telle que « les populations des démocraties riches montrent moins de confiance en leurs dirigeants et leurs institutions politiques que les populations des pays en développement24 ».
9Une multitude de causes peuvent être à la racine du mécontentement de la population. Toutefois, certaines explications, comme la thèse d’Inglehart sur la postmodernisation (intergénérationnelle), sont plus pertinentes que d’autres25. Conforté par trois décennies de recherche et de résultats portant sur 70 % de la population, Inglehart constate qu’une part significative du problème vient de ce que les cultures politiques en évolution dans les sociétés postindustrielles ne sont plus compatibles avec les structures, hautement bureaucratiques, des gouvernements représentatifs élaborés durant la période industrielle26.
10« La société postmoderne se caractérise par le déclin des institutions hiérarchiques et des normes sociales rigides, ainsi que par l’expansion du règne du choix individuel et de la participation de masse27. » Des résultats provenant de 35 États indiquent qu’au cours des deux dernières décennies, les citoyens sont devenus en moyenne 6 % moins respectueux à l’égard de l’autorité28. Au Canada, cette absence de « respect » a été près de deux fois plus élevée29. On constate donc que la population est devenue « plus critique à l’égard des dirigeants politiques, et plus portée à participer à des activités qui défient les autorités30 ».
11Si ces changements persistent, leurs effets à long terme pourraient être très importants. Dans plusieurs cas, l’enjeu est l’appui à l’ensemble du système politique : l’appui aux autorités, en effet, selon Kornberg et Clarke, affecte l’appui aux institutions du régime, lequel à son tour influence l’appui à toute la communauté politique31. Par conséquent, il est possible que le désenchantement croissant envers les membres du gouvernement et les institutions diminue l’appui au système de gouvernance représentative. « Les citoyens d’une démocratie doivent avoir confiance dans leurs capacités de changer de dirigeants et de système lorsque les choses vont de travers32. » Si les électeurs manquent de confiance en leurs institutions gouvernementales et se méfient des politiciens, ils se sentent moins rassurés sur le fait que le système politique se préoccupe de leurs besoins et de leurs demandes ; dans ces conditions, ils peuvent se montrer moins intéressés et moins inspirés par leur tâche d’électeur. Seuls les citoyens qui sentent que le système est sensible à leurs besoins sont susceptibles de montrer leur appui à l’ordre politique en participant à des activités inspirées par le régime33.
12Tout le sérieux de cette argumentation est renforcé par les données d’Inglehart, qui indiquent que la participation électorale et la fidélité à un parti au sein des jeunes générations postmodernes (le Canada y compris) ont déjà commencé à diminuer34. Les nouvelles « cohortes » ne sont pas susceptibles d’accepter « l’autorité des organisations hiérarchiques et oligarchiques telles que les partis politiques traditionnels35 ». S’il n’y a aucun changement, Inglehart prévoit que l’appui à des types traditionnels et élitistes de participation politique comme le vote va certainement diminuer et que l’engagement au sein d'activités de protestation et de nouveaux mouvements sociaux va augmenter.
13Tous les chercheurs n’interprètent pas ces résultats de la même manière. Klingemann, Fuchs et quelques autres ne partagent pas le pronostic d’Inglehart. Selon eux, les données de l'Europe de l’Ouest ne montrent aucun signe d’affaiblissement systématique du processus démocratique actuel36 ; par ailleurs, les résultats de l’étude massive Beliefs in Government ne fournissent aucune donnée permettant de constater un déclin étendu de la confiance envers les institutions gouvernementales, ne montrent aucune tendance uniforme indiquant une méfiance accrue envers les politiciens et ne confirment en rien l’hypothèse selon laquelle la participation électorale serait en baisse37. Il est difficile de dire, comme le font remarquer Schmitt et Holmberg, si nous sommes « témoins des premiers signes du phénomène général de déclin de “l’esprit de parti" ou [...] si la baisse de celui-ci se limite à certains pays qui font l’expérience de circonstances particulières38 ». De plus, rien n’indique un retrait de l’appui à la démocratie ou un défi qui lui serait lancé39.
14« En effet, si on en croit Fuchs, Guidorossi et Svensson, la tendance qui prévaut est celle de la satisfaction accrue envers la démocratie [...]. Il n’y a eu aucun problème de légitimité dans les démocraties représentatives de l’Europe de l’Ouest depuis le milieu des années 1970 [...]. Il n’y a actuellement aucune crise de légitimité dans la constitution politique de l’Europe de l’Ouest. [...]. Il y a une grande probabilité pour qu'il n’y ait aucune crise de ce genre dans un avenir rapproché40. »
15Mais même Klingemann et ses collègues ne nient pas que le répertoire des initiatives politiques des citoyens se soit élargi et que les populations postmodernes soient devenues plus exigeantes et critiques à l’égard des politiciens et des institutions gouvernementales. Les progrès dans les techniques de l’information, l’explosion des médias et la croissance des niveaux de formation universitaire ont placé les actes et les décisions des politiciens sous la surveillance des citoyens. « Les opinions publiques engendrées par les médias ont un effet rétroactif sur les opinions et les préférences des électeurs ; [...] [ce qui a forcé] les acteurs politiques les plus importants à reconsidérer, de façon continuelle et systématique, les opinions et les préférences des électeurs41. » Cela dit, Klingemann et d’autres auteurs maintiennent que la participation électorale continue d’être le moyen privilégié par lequel les citoyens décident qui gouverne. Les actions politiques non institutionnalisées (ou non traditionnelles) sont simplement des tentatives pour mobiliser l’opinion publique ; elles peuvent, selon les cas, influencer ou ne pas influencer le choix électoral de la population. De plus, bien que l’éventail des actions politiques se soit élargi, de telles actions sont rarement utilisées. En d’autres mots, il y a toujours un fossé entre la protestation potentielle et le fait de protester. Du reste, « si nous mettons entre parenthèses la signature assez inoffensive de pétitions, la participation aux élections est de loin l’activité politique la plus fréquente pratiquée par les citoyens des démocraties occidentales42 ».
L’électeur, plus vif et mieux informé
16Que l’on soit persuadé par ce que Klingemann et ses collègues prétendent, ou bien par ce qu’Inglehart affirme, il n’en reste pas moins que leurs arguments sont pertinents. Ils illustrent, en effet, l’indétermination des résultats obtenus, en plus de souligner que la critique des citoyens à l’égard des politiciens et des institutions gouvernementales dépend en grande partie de leur connaissance de la politique et du fait qu’ils ont ou n’ont pas les capacités nécessaires et la motivation requise pour participer43. Jusqu’à tout récemment, les données empiriques indiquaient que la majorité des électeurs ne sont capables ni de raisonner politiquement ni de se sentir concernés par les affaires politiques. Des études ont montré que la masse des citoyens n'est pas intéressée ni motivée par les interventions gouvernementales44. En effet, lorsqu’il est question de politique, la plupart des électeurs paraissent « confus » (sans rigueur) ou « désorientés » (sans attitude authentique) — ou les deux45 ». Il est rare, semble-t-il, que les citoyens possèdent les types d’information « parfaite » et « complète » qui les rendent aptes à faire des choix politiques indépendants, rationnels et cohérents46. En réalité, le fait de voter a toujours été perçu comme étant fortement « conditionné par la loyauté à des groupes et par des considérations de personne47 ».
17Toutefois, ce point de vue traditionnel « minimaliste » a récemment essuyé de nouvelles critiques en raison de résultats indiquant une amélioration considérable du capital humain. Une large proportion d’électeurs dans les États industriels avancés possède maintenant les « [...] ressources politiques et les aptitudes nécessaires pour faire face aux complexités de la politique et pour prendre leurs propres décisions48 ». Si on considère le processus de « mobilisation cognitive », pour reprendre l’expression consacrée, il est indéniable que les citoyens postmodernes sont mieux informés, mieux instruits et plus engagés politiquement que ne l'étaient leurs prédécesseurs durant la première moitié du siècle49. La plupart des évaluations de l’électorat contemporain confirment cet état de fait50.
18Au cœur de cette transformation se trouvent deux forces principales51. La première est définie de manière générale comme « l’explosion de l’information » : le progrès des technologies de l’information et l’expansion des médias ont considérablement réduit le prix de la participation politique en améliorant de manière significative l’accès à l’information52.
19La croissance des médias électroniques, plus particulièrement de la télévision, fut exceptionnelle. D’autres sources importantes comme les livres et les magazines sont aussi en croissance. Encore plus révolutionnaire est la croissance du traitement de l’information électronique, tels les ordinateurs, les systèmes de données et d’information (comme l’Internet), les traitements de texte et les technologies qui s’y rattachent. L’information, désormais, n’est plus une denrée rare53.
20De plus, tout indique que les électeurs sont devenus plus attentifs à l’information : « les enquêtes d’opinions affirment qu’une grande partie de la population regarde régulièrement la télévision, lit les journaux et les magazines et écoute les nouvelles à la radio54 ». En outre, certains résultats indiquent que l’intérêt pour les nouvelles politiques est lié au sentiment d’efficacité interne. Semetko et Valkenberg, par exemple, démontrent qu’avec le temps, le fait d’être attentif aux nouvelles engendre un effet positif sur le sentiment de l’influence personnelle55. En fait, la solidité de ce lien est telle qu’elle demeure significative même après le contrôle des effets de l’âge, du sexe, de l’éducation et du statut socioéconomique.
21Bien entendu, il est important de garder à l'esprit que le lien entre les types d’information que les gens reçoivent et ses conséquences éventuelles est incroyablement complexe. S'exposer à différents médias d’information provoquera certainement des résultats différents. Par exemple, l’impact des nouvelles télévisées est plus grand que celui des annonces publicitaires56. Par ailleurs, les journaux diffusent constamment des messages contradictoires, les journaux locaux ayant, semble-t-il, plus d’effet que les journaux nationaux57. Qui plus est, alors qu’être exposé à des programmes radiophoniques modérés peut conduire à une meilleure information, une plus grande exposition à des discussions radio conservatrices contribue à la désinformation58. Par conséquent, le point décisif est que, même si l’information est plus facile à acquérir et les citoyens plus disposés à entendre des nouvelles politiques, il y a toujours la possibilité que celui qui lit les journaux locaux puisse avoir une compréhension différente de la politique de celui qui écoute la radio ou de celui qui regarde une annonce publicitaire politique à la télévision.
22Un autre facteur important qui agit sur les niveaux du capital humain est « l’explosion de l’éducation59 ». Avec un plus haut niveau de scolarité, on parvient à un sens plus aiguisé de la curiosité politique et à une meilleure aptitude à recevoir et à traiter l’information60. « Une proportion croissante de la population commence à avoir une compréhension et un intérêt suffisants pour la politique nationale et internationale, qui leur permettent de participer à la prise de décision se situant à leur niveau61. » Dès lors, l’électorat postmoderne doit être considéré non seulement comme plus cultivé, mais également comme plus engagé politiquement et plus actif dans les débats politiques62.
23Ceci ne veut pas dire que tous les électeurs possèdent les ressources nécessaires pour pouvoir faire des choix politiques complexes. Au contraire, tous les ouvrages sur le sujet montrent avec force détails que les électeurs utilisent souvent des raccourcis informationnels pour compenser leurs inaptitudes et leurs manques de ressources63. Même s’ils ont un meilleur accès à l’information et sont plus instruits, certains citoyens continuent de se comporter médiocrement face à des connaissances factuelles64. Cependant, Jennings fait remarquer que les « nouvelles cohortes », c’est-à-dire les jeunes générations, ont tendance à être plus astucieuses politiquement que les vieilles générations65. La clé du problème, semble-t-il, est de contrebalancer soigneusement la complexité accrue de la politique par des améliorations dans les capacités du public66. La révolution de l’information et l’explosion de l’éducation indiquent que la population actuelle se fonde moins sur les partis et sur les groupes sociaux et qu’elle est plus apte à prendre des décisions politiques indépendantes et raisonnées. Quant à savoir ce que l'avenir nous réserve, c’est-à-dire savoir si oui ou non le désenchantement de la population envers les institutions représentatives et les autorités va affaiblir l’opinion qu’elle a de la manière dont le système se préoccupe de ses besoins, est une question à laquelle il est difficile de répondre. Est-ce que ce phénomène de désenchantement va supprimer le désir de voter, nul ne le sait. D’autre part, il est possible que les électeurs mieux informés et mieux instruits soient enclins à croire qu’ils peuvent avec succès influencer le système politique actuel et, par conséquent, soient plus portés à voter.
Données et méthodes
24Les données pour cette analyse sont tirées des Canadian Election Studies (CES), qui sont menées depuis le milieu des années 196067. Bien que les CES ne soient pas des recherches per se, elles constituent une des rares sources de données disponibles qui permettent de mener une analyse longitudinale/secondaire. Bien entendu, un tel effort soulève inévitablement le problème de la comparabilité. Avec le temps, les CES ont été administrées par des équipes différentes, qui ont toutes abordé leurs recherches avec des objectifs particuliers. Cela signifie que, même s’il y a suffisamment de données comparables, certains indicateurs sont mieux adaptés que d’autres à des analyses longitudinales68. Certains éléments d’enquêtes sont considérés comme plus ou moins standard et, par conséquent, sont sans cesse réexaminés d’une étude à l’autre. D’autres sont moins concordants et, par conséquent, plus difficiles à comparer. Malgré ces différences, les résultats de l’analyse indiquent que toutes les mesures utilisées sont fiables et que les tendances qu’ils définissent sont remarquablement stables. Même lorsqu’ils sont soumis à des tests statistiques rigoureux, ces changements deviennent hautement significatifs ; ils alimentent donc l’argumentation générale selon laquelle des changements ont vraiment eu lieu, et ont eu des effets importants.
Analyse
Partie I : l’appui à la gouvernance représentative
25La première question est de savoir jusqu’à quel point les Canadiens sont désenchantés à l’égard du gouvernement représentatif ? La question est complexe et la réponse est loin d’être claire. L’évaluation que font les citoyens de la gouvernance représentative n’est pas toujours sans hésitations69 : la population, en effet, peut faire, et fait, la « distinction entre les différents niveaux du régime, croyant souvent fortement dans les valeurs démocratiques (ou principes) tout en étant critique sur la manière dont les gouvernements démocratiques agissent dans la pratique70 ».
FIGURE 3.1. Confiance dans les institutions gouvernementales
Source : Canadian Election Studies, 1993-1997.
Remarque : les chiffres ci-dessus indiquent le pourcentage de répondants qui disent avoir « grandement confiance » ou « relativement confiance » dans les institutions gouvernementales.
Gouvernement fédéral : bêta = 0,10** ; n =3992.
Gouvernement provincial : bêta = 0,12** ; n = 3986.
Fonction publique : bêta = 0,12** ; n = 3938.
Police : bêta = 0,07** ; n = 3998.
Armée : bêta =-0,11** ; n = 3997.
** significatif à p < 0,01.
26Les figures 3.1 et 3.2 font la distinction entre le niveau de confiance que les Canadiens ont envers les institutions gouvernementales et le degré de confiance qu’ils accordent aux autorités politiques. Les résultats sont plutôt curieux, compte tenu des affirmations qui ont été faites dans le passé71. Par exemple, contrairement à ce qui s’est produit durant les années 1980, l’appui aux institutions gouvernementales durant les années 1990 semble avoir augmenté : ainsi, les Canadiens sont devenus en moyenne 10 % plus satisfaits des gouvernements fédéral et provincial, 11 % plus satisfaits des services gouvernementaux et 5 % plus satisfaits de la police. Cependant, la confiance envers les gouvernements fédéral et provincial et envers les services publics demeure considérablement plus faible que celle qu'inspire la police. Deux citoyens seulement sur cinq disent n’avoir confiance dans aucun gouvernement ou dans aucun service gouvernemental, alors qu’une forte majorité exprime sa confiance envers ceux qui font respecter la loi. Toutefois, ceux qui font respecter la loi ne sont pas tous perçus de la même manière : la confiance envers les forces armées, par exemple, a chuté de 11 %. En fait, ces résultats concernant l’armée n'ont rien d’étonnant, si on tient compte des difficultés qu’ont connues les militaires canadiens en Somalie et des différentes accusations pour mauvaise conduite qui ont été portées contre eux.
FIGURE 3.2. Confiance dans les politiciens
Source : Canadian Election Studies, 1965-1997.
Les personnes qui occupent des fonctions gouvernementales dilapident les impôts et les taxes (d’accord) : bêta = 0,22** ; n = 12408.
Les personnes qui occupent des fonctions gouvernementales sont des voleurs/sont malhonnêtes (d’accord) : bêta = 0,18** ; n = 11280.
** significatif à p < 0,01.
27De même, la confiance envers les politiciens ne présage rien de bon non plus pour la gouvernance représentative. Depuis 1965, le pourcentage de Canadiens qui sont prêts à dire que « ceux qui dirigent le gouvernement sont retors ou malhonnêtes » a doublé pour atteindre plus de 50 %72. Selon les plus récentes statistiques, près de trois Canadiens sur quatre croient que « les politiciens gaspillent l’argent des contribuables ». Cette tendance ayant déjà été très forte dans le passé, il est possible qu’il faille l’interpréter plutôt comme un mouvement idéologique général vers la « droite73 ». Au fond, ces résultats indiquent peut-être que les Canadiens, depuis peu, sont devenus plus exigeants concernant les contraintes fiscales, surtout lorsqu’il est question de la manière dont le gouvernement doit gérer les fonds publics74.
28La prochaine question devient donc : quels effets, s’il y en a, ces changements ont-ils sur l’évaluation générale de la gouvernance représentative ? Les Canadiens sont-ils satisfaits à l’heure actuelle du fonctionnement de leur démocratie ? Richard Nadeau, dans le chapitre 2 du présent ouvrage, examine cette question avec soin ; les résultats qu'il obtient projettent une sorte d’optimisme relatif. Même si, stricto sensu, il apparaît que les Canadiens sont assez satisfaits de la performance de leur régime actuel, une grande majorité de citoyens appuyant, depuis plusieurs années, le système lui-même, il n’en demeure pas moins que, si on compare ces résultats avec ceux obtenus en Norvège, au Luxembourg et au Danemark, les Canadiens ne sont pas aussi satisfaits que le dernier rapport des Nations Unies semble l’indiquer75. De plus, le niveau actuel d’appui politique semble extrêmement fragile : la satisfaction envers le système politique canadien est fortement dépendante de ce que les citoyens pensent de leurs institutions gouvernementales et des autorités politiques (voir, dans le présent ouvrage, Nadeau, tableau 2.4)76. Ainsi donc, si la confiance de la population envers les institutions gouvernementales recommençait à chuter, ou si la méfiance à l’égard des politiciens augmentait encore, il serait alors possible que l’appui général de la population au système de gouvernance représentative diminue.
29On pourrait dire la même chose de l’idée que se fait la population des préoccupations du gouvernement (ou « efficacité externe » comme on l’appelle parfois). L’enquête de Norris77 indique qu’il n’y a qu’un lien très faible entre le déclin de la confiance envers les institutions et le refus de participer aux formes traditionnelles de gestion politique. Cependant, il est possible que le bas niveau de confiance institutionnelle et la méfiance accrue aient tous deux un effet puissant sur l'idée que se fait le public des préoccupations du gouvernement et que cela puisse engendrer des conséquences sérieuses sur l’avenir des pratiques démocratiques de base comme les élections78. C’est pourquoi il est important de vérifier si les Canadiens perçoivent leur gouvernement et les élus comme étant moins préoccupés par leurs besoins et leurs demandes.
30La figure 3.3 montre que, de 1977 à 1990, l’idée que se fait la population des préoccupations des gouvernements s’est nettement détériorée. En 1993, plus de quatre Canadiens sur cinq s’accordaient pour dire « que les gouvernements élus perdent rapidement contact avec la population », un Canadien sur quatre seulement n’étant pas d’accord avec le fait que « le gouvernement ne se soucie pas de ce que des gens comme moi pensent ». Récemment, on a constaté une légère amélioration dans la façon dont les citoyens perçoivent les préoccupations du gouvernement.
FIGURE 3.3. Perceptions des préoccupations du gouvernement à l’endroit de la population (efficacité externe)
Source : Canadian Election Studies 1974-1997.
Le gouvernement ne se préoccupe pas beaucoup de ce que des gens comme moi pensent (désaccord) : bêta = 0,03** ; n = 12065.
Les élus perdent rapidement contact avec la population (désaccord) : bêta = - 0,05** ; n = 11 747. ** significatif à p < 0,01.
31La figure 3.4 examine de plus près les facteurs qui influent sur la capacité du gouvernement à réagir. Il n’est pas surprenant que certains facteurs soient plus importants que d’autres. Sur la base de ces résultats, on peut dire que la façon dont le public conçoit la capacité du gouvernement à réagir est largement dépendante de ses sentiments envers le gouvernement fédéral, et, dans une moindre mesure, de sa confiance dans l’intégrité des politiciens et dans la bureaucratie. Moins les citoyens font confiance au gouvernement fédéral et aux services gouvernementaux, plus ils perçoivent les politiciens comme retors et malhonnêtes et moins ils perçoivent leur système politique comme capable de répondre à leurs besoins et à leurs demandes. Quelle sera la répercussion de cet état de choses sur l’avenir de la participation électorale ? L’idée que se font les citoyens de la capacité du gouvernement à satisfaire leurs demandes aura-t-elle des répercussions sur le processus décisionnel électoral ? Si tel est le cas, cela va-t-il changer la manière dont les Canadiens décident de voter ?
FIGURE 3.4. Indicateurs des perceptions des préoccupations du gouvernement à l'endroit de la population (efficacité externe)
Source : Canadian Election Studies 1965-1997.
Remarque : les effets de la confiance dans le gouvernement fédéral et dans les gouvernements provinciaux sont considérés indépendamment des effets de la confiance dans des institutions telles que l’armée, la fonction publique et la police.
Coefficients **bêta significatifs à p < 0,01.
Partie II : la nature changeante du capital humain
32Avant d’aller plus loin dans cette analyse du lien qu’il pourrait y avoir entre la participation électorale et l'idée que se fait le public des capacités gouvernementales, il est important de ne pas écarter la possibilité que les niveaux changeants du capital humain (c’est-à-dire la gamme des connaissances et des aptitudes que les citoyens acquièrent durant leur vie)79 puissent également jouer un rôle significatif dans le processus électoral, par une transformation des convictions et de l’efficacité personnelle. Selon l’argument de la « mobilisation cognitive », les électeurs possèdent actuellement les ressources et aptitudes nécessaires pour participer de manière plus indépendante à la politique80. Il est un fait que l’amélioration des technologies de la communication et des médias facilite l’accès des citoyens à l’information politique81. La figure 3.5 permet de valider cet argument en démontrant qu’au cours des trois ou quatre dernières décennies, un nombre croissant de familles canadiennes se sont équipées de deux radios ou plus et de la télévision par câble. La vente des quotidiens a également été multipliée par 50 ; la vente des livres et des encyclopédies par 70 ; la vente des magazines par 20. Par ailleurs, durant la dernière décennie, le nombre de foyers possédant un ordinateur, un modem et un accès Internet a pratiquement doublé82. Il faut admettre que l’usage d'Internet est principalement lié au revenu familial83. Toutefois, les derniers résultats montrent que, même dans certains foyers à revenu familial peu élevé, 7 % des occupants utilisent Internet à la maison, 6 % à l’école, 4 % au travail et 3 % à la bibliothèque84.
33D’autre part, le niveau de formation universitaire s’est également amélioré85. La figure 3.6 montre que le nombre de Canadiens âgés de plus de 15 ans qui possèdent un diplôme universitaire dépasse le nombre de citoyens qui ont moins qu’une 9e année. Depuis le début des années 1950, le nombre de Canadiens qui obtiennent un diplôme universitaire a augmenté de plus de 1500 %. De tels changements structurels renforcent l’affirmation selon laquelle l’électorat canadien actuel est mieux informé et plus apte à participer à la politique86.
FIGURE 3.5. Accès à l’information
Sources : Market Research Handbook, 1975-1998 et Cansim.
FIGURE 3.6. Niveaux d'éducation
Source : Guppy et Davis (1998) et Statistiques Canada, Recensement 1996.
34Bien entendu, il demeure possible que les Canadiens ne soient pas vraiment intéressés par la politique ni très attentifs aux nouvelles dans ce domaine. L’analyse de Nevitte87, par exemple, montre que, pour les Canadiens, la politique occupe le dernier rang des préoccupations par rapport au travail, à la famille, aux amis, aux loisirs et à la religion. Toutefois, ces résultats ne doivent pas être interprétés comme indiquant que les Canadiens sont totalement inconscients de ce qui se passe dans leur monde politique. Au contraire, la figure 3.7 montre que, si l’on compare cette situation à celle qui existait il y a 30 ans, les citoyens d’aujourd’hui sont plus portés à regarder les nouvelles à la télévision, à lire les nouvelles dans les journaux et à écouter les nouvelles à la radio. En plus d’être mieux instruits, les Canadiens sont plus intéressés par la politique et plus engagés dans les débats de ce genre. Plus de trois Canadiens sur cinq peuvent maintenant être considérés comme hautement « mobilisés » sur le plan cognitif.
35Les effets de ces changements se remarquent dans l’efficacité interne du citoyen. Autrement dit, l’amélioration du capital humain enrichit la faculté de compréhension de la politique qu’ont les citoyens, et les rend plus susceptibles de penser qu’ils peuvent influencer le système politique88. La figure 3.8, par exemple, indique que les Canadiens qui sont hautement mobilisés sur le plan cognitif sont doublement susceptibles d’être en désaccord avec l'affirmation : « Des gens comme moi n'ont rien à dire sur ce que fait le gouvernement », et près de quatre fois plus susceptibles d’être en désaccord avec l’affirmation : « parfois la politique et le gouvernement sont si complexes qu’une personne comme moi ne peut rien y comprendre ». Reste à voir, toutefois, comment les améliorations du capital humain et de l’efficacité interne influencent le vote. Quel effet ces changements ont-ils sur le processus décisionnel électoral ?
FIGURE 3.7. Niveaux de mobilisation cognitive
Source : Canadian Election Studies, 1965-1997.
Écoute de l'information (hauts niveaux) = fréquence de visionnement de la télévision + lecture des journaux + écoute de la radio.
Alpha de Cronbach = 0,9 ; bêta = 0,10** ; n = 17508.
Compétences et intérêt politiques (hauts niveaux) = intérêt pour la politique + intérêt pour les campagnes électorales + fréquence des discussions politiques + niveau d’éducation.
Alpha de Cronbach = 0,5 ; bêta = 0,30** ; n = 17 861.
FIGURE 3.8. Efficacité interne de la mobilisation cognitive
Source : Canadian Election Studies, 1965-1997.
Mobilisation cognitive = écoute de l'information (indice) + mobilisation cognitive (indice).
Alpha de Cronbach = 0,6.
Des gens comme moi n'ont aucune influence sur les agissements du gouvernement (désaccord) : bêta = 0,13** ; n = 10208.
Parfois la politique et les agissements du gouvernement sont très compliqués (désaccord) : bêta = 022** ; n = 10246.
** significatif à p < 0,01.
Partie III : la participation électorale, la fidélité à un parti et la cohérence relative du raisonnement électoral
36À partir des seules statistiques de participation électorale, il est difficile de prévoir si les Canadiens vont continuer d’aller voter, la tendance reportée dans la figure 3.9 étant relativement instable et par conséquent difficile à évaluer. Si on examine la dernière décennie, les données paraissent comparables à celles des autres États industriels avancés89 : les Canadiens, eux aussi, votent moins. Si, toutefois, nous comparons le point le plus bas des années 1990 aux taux de participation de 1980, ou encore de 1974, la chute récente de la participation électorale ne semble pas différente de ce que nous avons connu dans le passé. Avec la « bonne » élection (la prochaine ?), il n’est pas impossible que nous fassions l’expérience encore une fois d’une hausse de la participation électorale.
FIGURE 3.9. Participation électorale au Canada
Source : Canadian Global Almanac, 1997.
Remarque : le bêta de participation électorale utilisant les données CES est de -0,16**.
37Toutefois, tous ne sont pas d’accord avec cette idée. Inglehart, par exemple, conçoit la chute de la participation électorale comme le symptôme d’un déclin plus général, celui du lien « partisan à long terme90 ». Les électeurs postmodernes, plus jeunes, ne sont pas susceptibles de continuer à appuyer les partis politiques traditionnels, surtout s’ils sont hiérarchiques et oligarchiques. Du fait que les partis continuent à avoir de la difficulté à mobiliser les électeurs, la participation électorale est susceptible de chuter.
38Au premier coup d’œil, il semble que les résultats canadiens concordent avec les remarques d’Inglehart : la figure 3.10 montre que, durant les deux dernières décennies, le nombre de vrais adeptes d’un parti, autant sur le plan fédéral que sur le plan provincial, a chuté de 12 %. Rappelons-nous toutefois que les Canadiens sont reconnus comme étant très hésitants dans leur fidélité à un parti : « Plutôt que d’avoir un engagement stable envers un parti politique, lors des élections fédérales ou provinciales, [l’électeur canadien moyen] est plus enclin à s’engager faiblement et à changer de parti91. » L’affaiblissement de la fidélité à un parti n’est peut-être pas la meilleure indication des habitudes électorales, du moins au Canada. De toute manière, un niveau plus élevé de mobilisation cognitive indique que les électeurs actuels sont moins susceptibles de se fier aux programmes des partis et plus susceptibles d’être indépendants et rationnels lorsqu’il est question de choix électoral.
FIGURE 3.10. Intensité de l’adhésion à un parti fédéral et à un parti provincial
Source : Canadian Election Studies, 1965-1997.
Attachement provincial très fort : bêta = - 0,06** ; n = 14637.
Attachement fédéral très fort : bêta = - 0,04** ; n = 10138.
** significatif à p < 0,01.
39La figure 3.11 cherche à vérifier cette proposition en évaluant la cohérence du raisonnement des électeurs. Jusqu’à quel point les décisions électorales des Canadiens coïncident-elles avec leur évaluation générale des dirigeants des partis ? En quoi les choix électoraux correspondent-ils à l’idée que se font les électeurs du parti le plus apte à répondre à leurs besoins92 ?
40Les résultats indiquent une amélioration frappante de la cohérence du raisonnement des électeurs. En d’autres mots, le raisonnement derrière le choix électoral semble devenir de plus en plus cohérent. Alors que, durant les années 1970, un Canadien sur trois seulement votait pour un parti dont il préférait le leader, lequel était considéré comme capable de gérer des questions préoccupantes, aujourd’hui plus de la moitié des électeurs s’oriente dans cette direction.
FIGURE 3.11. Cohérence du choix électoral
Source : Canadian Election Studies, 1974-1997.
Remarque : cet indice de rationalité des électeurs mesure la cohérence entre leur façon de voter, leur préférence pour un leader, les enjeux électoraux et leur conception du parti le plus apte à gérer les problèmes qui se posent. Par exemple, si un électeur choisit un parti dont il apprécie le chef et qu'il croit capable de résoudre deux problèmes importants, il reçoit un score de 3, score qui signifie « très cohérent ». Si, en revanche, il appuie un parti dont il n'apprécie pas le chef et dont il ignore le programme, il reçoit le score de 1, score qui signifie « pas très cohérent ».
Alpha de Cronbach = 0,8 ; bêta = 0,14** ; n = 14047.
** significatif à p < 0,01.
41Mais qu’est-ce qui explique cette amélioration remarquable ? L’analyse présentée dans le tableau 3.1 indique que plusieurs facteurs interviennent, certains plus que d’autres. Les résultats les plus surprenants renvoient au fait que le sentiment d’efficacité, interne comme externe, a un effet négligeable. Par exemple, l’idée que se fait l’électorat des capacités du gouvernement à répondre à ses besoins n’a aucun effet visible sur la prise de décision électorale. Contrairement aux remarques précédentes93, les résultats montrent que les Canadiens qui sont d’accord pour dire que « le gouvernement au pouvoir perd rapidement contact avec la population », ont davantage tendance à utiliser une approche cohérente à l’égard du choix électoral. De la même manière, les électeurs qui ont une grande efficacité interne sont plus susceptibles de faire un choix électoral cohérent, résultats qui vont dans le même sens que l’argument de Roese (voir son chapitre dans le présent ouvrage) selon lequel « l’autoefficacité prévoit l’action ».
42L’influence générale la plus forte provient directement des différences dans le capital humain. Les décisions électorales les plus cohérentes sont prises par les Canadiens qui sont très mobiles sur le plan cognitif, ce qui signifie qu’ils portent plus attention aux nouvelles, qu’ils sont plus instruits et qu’ils manifestent un intérêt plus marqué pour la politique. En effet, le rôle joué par le capital humain est encore plus important que l’intensité de l’attachement à un parti ou que des éléments liés à différents groupes sociaux comme le sexe, l’âge, la langue et la religion94. Si on s’en tient aux constatations qui précèdent, les électeurs cohérents semblent plus indépendants lorsqu’il est question de choix électoraux, car ils fondent leur décision sur l’information qu’ils acquièrent et sur leur savoir-faire politique plutôt que sur des groupes sociaux traditionnels ou un attachement à un parti.
Conclusion
43Qu’indiquent ces résultats quant à l’avenir de la gouvernance représentative ? Le désenchantement à l’endroit des institutions gouvernementales et des autorités politiques constitue-t-il une menace pour le système actuel de gouvernement représentatif ? Les données indiquent un optimisme relatif : alors que la majorité des Canadiens semble satisfaite de la manière dont la démocratie fonctionne (cf. Nadeau, supra), elle apparaît moins satisfaite lorsqu’on la compare aux Européens. De plus, l'appui au système politique actuel est très fragile : une accentuation du déclin de la confiance institutionnelle ou une hausse de la méfiance envers les politiciens pourrait accélérer l’érosion de l’appui au système. De la même manière, une détérioration accrue de la confiance envers le gouvernement fédéral, les services de l'État ou par rapport à l’intégrité des politiciens pourrait affaiblir l’idée que se fait la population des capacités du gouvernement à répondre à ses besoins. Des études plus poussées seront nécessaires afin de déterminer les niveaux optimaux de confiance institutionnelle et de confiance envers les autorités politiques et le niveau de satisfaction envers la démocratie représentative.
TABLEAU 3.1. Indicateurs de la cohérence des choix électoraux (analyse régressive : coefficients bêta)
Source : Canadian Election Studies, 1965-1997.
** significatif à p < 0,01.
44Quant au fait de savoir si les Canadiens vont continuer de voter ou pas, la réponse est malaisée. L’intensité de la fidélité à un parti, fédéral ou provincial, semble chuter ; du reste, les Canadiens sont reconnus pour leur attachement fort relatif à un parti95 ; par conséquent, il serait très risqué de prédire une réduction de la participation électorale en se basant exclusivement sur les bas niveaux d’appartenance à un parti. De plus, les résultats provenant des années précédentes indiquent que certaines élections produisent une plus grande participation que d’autres, même dans les cas où la participation électorale semblait en baisse. Il se peut donc qu’avec une « bonne » élection, la prochaine ou la suivante, nous puissions assister à une hausse de la participation électorale.
45Ce qui est certain, c’est que les électeurs canadiens actuels, si on les compare à ceux d’il y a 30 ans, sont plus mobiles sur le plan cognitif, ce qui signifie qu’ils sont mieux informés, mieux instruits et plus engagés dans le processus politique. De telles améliorations du capital humain permettent aux électeurs de mieux comprendre les enjeux politiques et d’avoir l’impression d’exercer une plus grande influence sur le processus en cours. En outre, de hauts niveaux d’efficacité interne sont en partie responsables de l’amélioration de la cohérence du raisonnement des électeurs. De hauts niveaux de mobilisation cognitive signifient que les électeurs actuels sont davantage capables de faire des choix indépendants et calculés, comme fonder leur vote sur de l’information acquise et sur leurs ressources politiques, plutôt que sur des groupes sociaux traditionnels ou sur des programmes de partis. Il est surprenant de constater que les opinions négatives que se font les électeurs sur la capacité du système à répondre à leurs besoins, loin de ralentir ceux-ci, les poussent au contraire à adopter une approche plus cohérente.
46Les résultats de ces changements auront plusieurs conséquences importantes, en particulier pour les élus, les partis et la lutte électorale en général. L’électorat comprenant des niveaux plus élevés de capital humain sera sensiblement plus intelligent, plus exigeant, plus difficile à satisfaire. Les partis tout autant que les politiciens ne devront rien prendre pour acquis et devront même se méfier de l’« allégeance » traditionnelle à laquelle ils se fient habituellement. Afin d’acquérir un appui électoral, les partis et les politiciens auront à s’impliquer davantage s’ils veulent convaincre les citoyens que leurs politiques sont plus importantes que celles des autres ou même supérieures. Les électeurs les plus intelligents et les mieux informés n'appuieront pas un politicien simplement parce qu’ils l’ont élu dans le passé. Cela signifie que les partis et les représentants de partis devront travailler plus fort pour demeurer en contact avec les besoins et les demandes des citoyens qu’ils représentent ; ils auront également à trouver des moyens innovateurs pour répondre à ces préoccupations, tout en demeurant dans le cadre institutionnel. Le gouvernement élu devra mieux communiquer avec les électeurs et mieux représenter leurs intérêts, sinon il sera tenu plus directement responsable de ses interventions96. Il est également important pour les politiciens de maintenir une grande intégrité : l’avenir de notre système politique pourrait en dépendre.
47Qui plus est, la nature de la lutte électorale telle que nous la connaissons aujourd’hui sera probablement appelée à changer également. L’électorat comprenant des niveaux de capital humain plus élevés sera probablement plus critique et plus réfléchi chaque fois qu’il sera appelé à voter. Lorsque se présenteront des solutions de rechange crédibles au gouvernement en place, les électeurs prendront certainement plus de temps pour prendre une décision, car il est très possible qu’ils soient plus au fait de ce qui se passe réellement. Des résultats d’élections inattendus et de fréquents changements au sein du gouvernement ne sont plus hors de question ; même les politiciens jouissant d’une grande popularité ne sont pas sûrs d’être réélus. Les électeurs sont enclins à prendre des décisions politiques en se basant sur les nouvelles qu'ils reçoivent des médias et sur leur propre expérience du gouvernement en place et du système politique en général97. À l’avenir, le souci principal des électeurs sera celui de savoir quel parti ou quel candidat est le plus apte à traiter des questions qui les préoccupent98. Par conséquent, l’utilisation stratégique des médias (tant imprimés qu’électroniques) deviendra certainement plus importante pour attirer l’appui des électeurs. La lutte intense entre les candidats pourra nécessiter l’usage accru de la « publicité négative » et/ou de la communication ciblée99. En d’autres mots, les communicateurs les plus efficaces seront les mieux placés pour recueillir l’appui des électeurs. Des recherches plus approfondies dans ce domaine seront nécessaires non seulement pour développer des stratégies de communication plus efficaces, mais aussi pour explorer plus à fond la perspective des nouveaux médias tels que l’Internet.
Notes de bas de page
1 S. M. Lipset et W C. Schneider, The Confidence Gap : Business Labor, and Government in the Public Mind, New York, Free Press, 1983 ; J. S. Nye, E D. Zelikow et D. C. King (dir.), Why People Don’t Trust Government, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1997 ; N. Nevitte, The Decline of Deference : Canadian Value Change in Cross-National Perspective, Peterborough (Ont.), Broadview Press, 1996.
2 R. J. Dalton, « Political Support in Advanced Industrial Democracies », in P. Norris (dir.), Critical Citizens : Global Support for Democratic Governance, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; voir aussi l’article de N. Roese dans le présent ouvrage.
3 P. Norris (dir.), Critical Citizens : Global Support for Democratic Governance, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; R. Inglehart, Modernization and Postmodernization : Cultural Economie, and Political Change in 43 Societies, Princeton, Princeton University Press, 1997.
4 P. Norris, « Introduction : The Growth of Critical Citizens? », in P. Norris (dir.), Critical Citizens ; J. S. Nye jr, « Introduction : The Decline of Confidence in Government », in J. S. Nye, P. D. Zelikow et D. C. King (dir.), Why People Don’t Trust Government.
Je me sers ici de la notion eastonienne (cf. D. Easton, A System Analysis of Political Life, New York, Wiley, 1965) de « soutien diffus » pour un système politique très large, par rapport au caractère « spécifique » du soutien à des politiques gouvernementales particulières. Pour une brève discussion sur la différence entre ces deux notions, voir A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community : Political Support in a Representative Democracy, New York, Cambridge University Press, 1992.
5 P Norris (dir.), Critical Citizens ; A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community ; voir aussi l’article de R. Nadeau dans le présent volume.
6 G. A. Almond et S. Verba, The Civic Culture : Political Attitudes and Democracy in Five Nations, Princeton, Princeton University Press, 1963 ; B. G. Farah, S. H. Bames et F. Heunks, « Political Dissatisfaction », in S. H. Barnes et M. Kaase (dir.), Political Action : Mass Participation in Five Western Democracies, Beverly Hills, Sage Publications, 1979.
7 R. Inglehart, « Postmodernization Erodes Respect for Authority, but Increases Support for Democracy », in P. Norris (dir.), Critical Citizens.
Selon la sagesse traditionnelle, les citoyens efficaces sont davantage enclins à participer à l’action politique : cf. C. Pateman, Participation and Democratic Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1970 ; voir aussi l’article de Roese dans le présent ouvrage. Les idées qu’on se fait de la réceptivité du système (ou sentiments de l’efficacité externe) sont liées, de façon significative, aux formes traditionnelles de la participation politique ; cf. B. G. Farah, S. H. Barnes et F. Heunks, « Political Dissatisfaction », p. 435. Par conséquent, plus un gouvernement est sensible aux revendications, plus grandes sont les chances que les citoyens exercent leur droit de vote.
8 R Norris (dir.), Critical Citizens ; R. J. Dalton, Citizen Politics : Public Opinion and Political Parties in Advanced Democracies, 2e édition, Irvine (CA), University of California Press, 1996 ; R. J. Dalton et M. P Waltenberg, « The Not So Simple Act of Voting », in A. Finifter (dir.), Political Science : The State of the Discipline II, Washington (DC), The American Political Science Association, 1993 ; D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State, Oxford, Oxford University Press, 1995 ; M. Kaase et K. Newton, Beliefs in Government, Oxford, Oxford University Press, 1995.
9 R. Inglehart, « Postmodernization Erodes Respect for Authority, but Increases Support for Democracy » ; D. Fuchs, G. Guidorossi et P. Svensson, « Support for the Democratic System », in D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State ; voir aussi l’article de R. Nadeau dans le présent ouvrage.
Si l’on se base sur le Freedom House Index (cf. R Norris, « Conclusions : Electoral Reform and Political Change », in P Norris (dir.), Critical Citizens ; la proportion des démocraties dans le monde est passée de 34 % en 1983 à 41 % en 1997 : « Sur les 194 États dans le monde (si on exclut les territoires), 81 pays peuvent être considérés comme des démocraties [...], 60 comme des démocraties incomplètes ou démocraties et 53 comme des États non démocratiques [...] » (ibidem, p. 265). La démocratie représentative est donc, dans la plupart des pays, préférée aux autres systèmes de gouvernement.
10 Sous sa forme générique, l’expression « capital humain » renvoie à un niveau de connaissances et d’aptitudes acquises par les individus. Cette expression a connu un certain développement dans l’œuvre de G. S. Becker : G. S. Becker, « Investment in Human Capital : A Theoretical Analysis », in Journal of Political Economy, 70, 5, (1962), partie 2, supplément, p. 9-49 ; G. S. Becker, Human Capital : A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education, 1re et 2e éditions, New York, National Bureau of Economic Research, 1964 et 1975, et chez T. W. Schultz, « Investment in Human Capital », in The American Economic Review, 51 (1) (1961), p. 1-17 ; T. W. Schultz, « Reflections on Investment in Man », in Journal of Political Economy, 70 (5) (1962), partie 2, supplément, p. 1-8.
11 R. Inglehart, « Cognitive Mobilization and European Identity », in Comparative Politics, octobre 1970, p. 45-70 ; R. Inglehart, Culture Shift in Advanced Industrial Society, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; R. Inglehart, Modernization and PostModernization ; R. J. Dation, « Cognitive Mobilization and Partisan Dealignment in Advanced Industrial Democracies », in Journal of Politics, 46 (1984), p. 264-284 ; R. J. Dation, Citizen Politics : Public Opinion and Political Parties in Advanced Democracies, 1re édition, Irvine (CA), University of California Press, 1988 ; R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996 ; T. N. Clark et M. Rempel, Citizens Politics in Postindustrial Societies, Boulder (CO), Westview Press, 1997 ; S. H. Barnes et M. Kaase (dir.), Political Action ; M. K. Jennings et J. W. van Deth, Continuities in Political Action, New York, Walter de Gruyter, 1989 ; R. J. Dation et M. Kuechler, Challenging the Political Order : New Social and Political Movements in Western Democracies, Oxford, Oxford University Press, 1990.
12 H. Semetko et P. Valkenberg, « The Impact of Attentiveness on Political Efficacy : Evidence from a Three-Year German Panel Study », in International Journal of Public Opinion Research, 10, 3 (1998), p. 195-210.
13 P. Norris (dir.), Critical Citizens.
14 Au niveau de l’État, par exemple, Rogowski fait remarquer qu’il y a un lien étroit entre des hauts degrés de capital humain et une demande accrue pour la démocratie. Ce type de lien est même plus fort en définitive que celui qui existe entre la santé et la démocratie. Cf. R. Rogowski, « Eckstein and the Study of Private Governments : An Appreciation, Critique, and Proposal », in Comparative Political Studies, 31, 4 (1998), p. 444-463 ; R. Rogowski, « Democracy, Capital, Skill and Country Size : Effects of Asset Mobility and Regime Monopoly on the Odds of Democratie Rule », in P. Drake et M. McCubbins (dir.), The Origins of Liberty, Princeton, Princeton University Press, 1998.
15 R. J. Dation, S. C. Flanagan et R A. Beck, Electoral Change in Advanced Industrial Democracies : Realignment or Dealignment ?, Princeton, Princeton University Press, 1984 ; I. Crewe et D. Denver, Electoral Change in Western Democracies : Patterns and Sources of Electoral Volatility, Londres, Coom Helm, 1985 ; M. Wattenberg, The Decline of American Political Parties : 1952-1988, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1990 ; H. D. Clarke et M. Stewart, « The Decline of Political Parties in the Minds of Citizens », in Annual Review of Political Science, 1 (1998), p. 357-378 ; M. Franklin, T. Mackie et H. Valen, Electoral Change : Responses to Evolving Social and Attitudinal Structures in Western Countries, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; P Norris, Electoral Change Since 1945, Cambridge (MA), Blackwell Publishers Ltd., 1997.
16 R. J. Dalton et M. R Wattenberg, « The Not So Simple Act of Voting ».
17 G. A. Almond et S. Verba, The Civic Culture.
18 R Norris (dir.), Critical Citizens ; A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community.
19 S. M. Lipset et W. C. Schneider, The Confidence Gap ; J. S. Nye, R D. Zelikow et D. C. King (dir.), Why People Don’t Trust Government ; voir aussi l'article de Roese dans le présent ouvrage.
20 R. J. Dalton, « Political Support in Advanced Industrial Democracies ».
21 N. Nevitte, The Decline of Deference.
22 R. J. Dalton, « Political Support in Advanced Industrial Democracies », p. 63.
23 H. D. Clarke, J. Jenson, J. L. LeDuc et J. H. Pammett, Absent Mandate : Canadian Electoral Politics in an Era of Restructuring, 3e édition, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Ltd., 1996. Pour une analyse plus fouillée de ce que les Canadiens pensent de leurs politiciens, voir M. Mancuso, M. Atkinson, A. Blais et N. Nevitte, A Question of Ethics : Canadians Speak Out, Don Mills (Ont.), Oxford University Press, 1998.
24 R. Inglehart, « Postmodernization Erodes Respect for Authority, but Increases Support for Democracy », in R Norris (dir.), Critical Citizens, p. 250 ; R. Inglehart, Modernization and Postmodernization.
25 J. Nye jr et R D. Zelikow, « Conclusion : Reflections, Conjectures, and Puzzles », in J. S. Nye, R D. Zelikow et D. C. King (dir.), Why People Don’t Trust Government ; R Norris, « Introduction : The Growth of Critical Citizens? » ; A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community.
26 R. Inglehart, The Silent Revolution : Changing Values and Political Styles Among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977 ; R. Inglehart, Culture Shift ; R. Inglehart, Modernization and Postmodernization.
27 R. Inglehart, Modernization and Postmodernization, p. 29-30.
28 R. Inglehart, « Postmodernization Erodes Respect for Authority, but Increases Support for Democracy », p. 250.
29 N. Nevitte, The Decline of Deference.
30 R. Inglehart, « Postmodernization Erodes Respect for Authority, but Increases Support for Democracy », p. 250. Les citoyens sont plus prompts aujourd’hui à signer des pétitions, à soutenir des boycotts, à participer à des manifestations illégales, à suivre des mots d’ordre de grèves illégales, à occuper des bâtiments et à adhérer aux nouveaux mouvements sociaux. Pour une analyse plus poussée de ce nouveau genre de participation politique, voir S. H. Barnes et M. Kaase (dir.), Political Action ; M. K. Jennings et J. W. van Deth, Continuities in Political Action ; R. J. Dalton et M. Kuechler, Challenging the Political Order ; N. Nevitte, The Decline of Deference.
31 A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community.
32 Ibidem, p. 136.
33 B. G. Farah, S. H. Barnes et E Heunks, « Political Dissatisfaction ».
34 R. Inglehart, Modernization and Postmodernization. Voir aussi R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996 ; M. Dickerson et T. Flanagan, An Introduction to Government and Politics : A Conceptual Approach, Scarborough (Ont.), ITP Nelson, 1998, chapitre 28 ; M. Stewart et H. Clarke, « The Dynamics of Party Identification in Federal Systems : The Canadian Case », in American Journal of Political Science, 42 (1998), p. 197-216.
35 R. Inglehart, Modernization and Postmodernization, p. 311.
36 D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State.
37 M. Kaase et K. Newton, Beliefs in Government ; O. Listhaug et M. Wiberg, « Confidence in Political and Private Institutions », in D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State ; O. Listhaug, « The Dynamics of Trust in Politicians », in D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State ; R. Topf, « Electoral Participation », in D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State.
38 H. Schmitt et S. Holmberg, « Political Parties in Decline », in D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State, p. 122.
39 D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State.
40 D. Fuchs, G. Guidorossi et P. Svensson, « Support for the Democratie System », p. 350-351.
41 D. Fuchs et H.-D. Klingemann (dir.), Citizens and the State, p. 437.
42 Ibidem, p. 436.
43 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996 ; A. Downs, « An Economic Theory of Political Action in a Democracy », in Journal of Political Economy, 65 (1957), p. 135-135-150 ; S. Rosenstone et J. Hansen, Mobilization, Participation, and Democracy in America, New York, Macmillan Publishing Company, 1993 ; S. Verba, K. L. Schlozman et H. Brady, Voice and Equality : Civic Voluntarism in American Politics, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1995.
44 Voir, par exemple, B. R. Berelson, P. F. Lazarsfeld et W. N. McPhee, Volting :A Study of Opinion Formation in a Presidential Campaign, Chicago, University of Chicago Press, 1954, chapitre 14.
45 P. Sniderman, « The New Look in Public Opinion Research », in A. Finifter (dir.), Political Science : The State of the Discipline II, p. 219.
46 P. E. Converse, « The Nature of Belief Systems in Mass Publics », in D. E. Aper (dir.), Ideology and Discontent, New York, Free Press, 1964 ; H. McClosky, « Consensus and Ideology in American Politics », in American Political Science Review, 58 (1964), p. 361-382.
47 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996, p. 17.
48 Ibidem, p. 21 ; R. J. Dalton, « Cognitive Mobilization and Partisan Dealignment in Advanced Industrial Democracies » ; R. J. Dalton, Citizen Politics, 1re édition, 1988.
49 R. Inglehart, The Silent Revolution : Changing Values and Political Styles Among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977 ; R. Inglehart, Culture Shift ; R. Inglehart, Modernization and Postmodernization.
50 R. J. Dalton, Citizen Politics, 1re édition, 1988.
51 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996.
52 S. Rosenstone et J. Hansen, Mobilization, Participation, and Democracy in America ; S. Verba, K. L. Schlozman et H. Brady, Voice and Equality.
53 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996, p. 7 ; C. S. White, « Citizen Participation and the Internet : Prospects for Civic Deliberation in the Information Age », in The Social Studies, janvier/février 1997, p. 23-28 ; D. L. Paletz, « Advanced Information Technology and Political Communication », in Social Science Computer Review, 14,1 (1996), p. 75-77 ; W. G. Mayer, « The Polls-Poll Trends : The Rise of the New Media », in Public Opinion Quarterly, 58 (1994), p. 124-146.
54 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996, p. 24.
55 H. Semetko et E Valkenberg, « The Impact of Attentiveness on Political Efficacy ».
56 X. Zhao et S. H. Chaffee, « Campaign Advertisements versus Television News as Sources of Political Issue Information », in Public Opinion Quarterly, 59 (1995), p. 41-65.
57 D. R. Shaw et B. H. Sparrow, « From the Inner Ring Out : News Congruence, CueTaking, and Campaign Coverage », in Political Research Quarterly, 52, 2 (1999), p. 323-351 ; R. J. Dalton, P. A. Beck et R. Huckfeldt, « Partisan Cues and the Media : Information Flows in the 1992 President Election », in American Political Science Review, 92, 1 (1998), p. 111-126.
58 C. R. Hostetter, D. Barker, J. T. Smith, G. M. Zari et T. A. Ingrassia, « Information, Misinformation, and Political Talk Radio », in Political Research Quarterly, 52, 2 (1999), p. 353-369.
59 T. N. Clark et M. Rempel, Citizens Politics.
60 N. H. Nie, J. Junn et K. Stehlik-Barry, Education and Democratic Citizenship in America, Chicago, University of Chicago Press, 1996.
61 R. Inglehart, Culture Shift.
62 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996.
63 Voir, par exemple, R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996 ; P. Sniderman, R. Brody et P. Tetlock, Reasoning and Choice : Explorations in Political Psychology, New York, Cambridge University Press, 1991 ; S. Popkin, The Reasoning Voter : Communication and Persuasion in Presidential Campaigns, Chicago, University of Chicago Press, 1991 ; J. Zaller, The Nature and Origins of Mass Opinion, New York, Cambridge University Press, 1992.
64 Voir R. Johnston, A. Blais, E. Gidengil et N. Nevitte, The Challenge of Direct Democracy, Montréal et Kingston, Mc-Gill-Queen’s University Press, 1996 ; E. Gidengil et N. Nevitte, « Know More : Information, Interest and the Constitutional Proposals », rencontre du CPSA, Ottawa, 1993.
65 M. K. Jennings, « Political Knowledge Over Time and Across Generations », in Public Opinion Quarterly, 60 (1996), p. 228-252. Dans le même ouvrage, Jennings affirme que plus les jeunes générations vieillissent, plus elles prennent conscience de l’actualité, tandis que l'étendue de leurs connaissances factuelles tend à se stabiliser à l’âge mûr.
66 R. J. Dalton et M. P. Waltenberg, « The Not So Simple Act of Voting ».
67 Sont comprises dans cette analyse les données contenues dans les Canadian Election Studies de 1965, 1974, 1979, 1980, 1984, 1988, 1993 et 1997.
68 Pour les différences précises dans la formulation des questions, se référer aux instruments d’enquête CES. On peut les consulter à l’Institute for Social Research (ISR) de l’Université York, Toronto, et à l’Inter-University Consortium for Political and Social Research (ICPSR) de l'Université du Michigan, Ann Arbor (MI).
69 Voir P. Norris (dir.), Critical Citizens ; A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community.
70 P. Norris, « Introduction : The Growth of Critical Citizens? », p. 9 ; H. Klingemann, « Party Positions and Voter Orientations », in P. Norris (dir.), Critical Citizens ; R. J. Dalton, « Political Support in Advanced Industrial Democracies ».
71 Voir N. Nevitte, The Decline of Deference.
72 De la même façon, l’analyse de Roese, dans le présent ouvrage, montre que les Canadiens ont moins tendance aujourd’hui « à croire que le gouvernement d’Ottawa agit correctement ».
73 Voir N. Nevitte, A. Blais, E. Gidengil, R. Johnston et H. Brady, « The Populist Right in Canada : The Rise of the Reform Party of Canada », in H. G. Betz et S. Immerfall (dir.), The New Politics of the Right : Neo-Populist Parties and Movements in Established Democracies, New York, St.Martin’s Press, 1998.
74 Pour d’autres interprétations des raisons pour lesquelles les Canadiens font de moins en moins confiance aux élus, voir, dans le présent ouvrage, les articles de Roese (chapitre 5) et de Docherty (chapitre 6).
75 S. Edwards, « Canada’s No. 1, United Nations Says Anew », in National Post, jeudi 29 juin 2000.
76 De toute évidence, ce ne sont pas les seuls facteurs, mais aussi les facteurs les plus importants.
77 P. Norris, « Conclusions : Electoral Reform and Political Change ».
78 A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community, B. G. Farah, S. H. Barnes et F. Heunks, « Political Dissatisfaction » ; G. A. Almond et S. Verba, The Civic Culture.
79 Voir M. Laroche, M. Merette et G. C. Ruggeri, « On the Concept and Dimensions of Human Capital in a Knowledge-Based Economy Context », in Canadian Public Policy, 25, 1 (1999).
80 R. Inglehart, « Cognitive Mobilization and European Identity » ; R. J. Dalton, « Cognitive Mobilization and Partisan Dealignment in Advanced Industrial Democracies ».
81 R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996 ; T. N. Clark et M. Rempel, Citizens Politics in Postindustrial Societies.
82 Certains de ces changements sont, de toute évidence, attribuables à une augmentation de la population. Néanmoins, ces données montrent clairement que l’accès à l’information politique a augmenté considérablement.
83 Voir R Dickinson et J. Ellison, « Plugged into the Internet », in Canadian Social Trends, Statistiques Canada-Catalogue, no 11-008, hiver 1999 ; P. Dickinson et G. Sciadas, « Canadians Connected », in Canadian Economic Observer, février 1999.
84 P. Dickinson et J. Ellison, « Plugged into the Internet », p. 8.
85 Pour une analyse plus en profondeur, voir N. Guppy et S. Davies, Education in Canada : Recent Trends and Future Challenges, Gouvernement du Canada, Ministère de l’Industrie, 1998.
86 P. Sniderman, « The New Look in Public Opinion Research » ; P Sniderman, R. Brody et P. Tetlock, Reasoning and Choice.
87 N. Nevitte, The Decline of Deference.
88 Cette approche est celle que Ton retrouve chez H. Semetko et P. Valkenberg, « The Impact of Attentiveness on Political Efficacy ».
89 Voir R. Inglehart, Culture Shift ; R. Inglehart, Modernization and Postmodernization ; R. J. Dalton, Citizen Politics, 2e édition, 1996 ; R. J. Dalton, S. C. Flanagan et E A. Beck, Electoral Change in Advanced Industrial Democracies.
90 R. Inglehart, Modernization and Postmodernization.
91 H. D. Clarke, J. Jenson, J. L. LeDuc et J. H. Pammett, Absent Mandate, p. 50 ; H. D. Clarke, J. Jenson, L. LeDuc et J. H. Pammett, Political Choice in Canada, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Ltd., 1980.
92 Il faut, bien sûr, garder à l’esprit que cette analyse ne tient pas compte d’une possibilité de vote stratégique, qui peut être envisagée de façon indépendante et calculée, sans pour autant être cohérente. Sur ces questions, voir A. Blais et R. Nadeau, « Measuring Strategic Voting : A Two-Step Procedure », in Electoral Studies, 15 (1996), p. 39-52 ; A. Blais, R. Nadeau, E. Gidengil et N. Nevitte, Voting Strategically Against the Winner : The 1997 Canadian Election, communication présentée au Congrès annuel de la Midwest Political Science Association, Chicago, 23-26 avril 1998 ; N. Nevitte, A. Blais, E. Gidengil et R. Nadeau, Unsteady State : The 1997 Canadian Federal Election, Toronto, Oxford University Press, 2000.
93 G. A. Almond et S. Verba, The Civic Culture, A. Kornberg et H. D. Clark, Citizens and Community ; B. G. Farah, S. H. Barnes et F. Heunks, « Political Dissatisfaction ».
94 Selon certaines études sociodémographiques, les électeurs les plus cohérents seraient tendanciellement les hommes, les Canadiens anglais et ceux qui habitent à l'ouest du Canada Atlantique !
95 H. D. Clarke, J. Jenson, L. LeDuc et J. H. Pammett, Political Choice in Canada ; H. D. Clarke, J. Jenson, L. LeDuc et J. H. Pammett, Absent Mandate.
96 Voir l’article de D. C. Docherty, dans le présent ouvrage.
97 Ibidem.
98 Voir J. H. Pammett, « The 1988 Vote », in A. Frizzell, J. H. Pammett et A. Westell (dir.), The Canadian General Election of 1988, Ottawa, Carleton University Press, 1989 ; J. H. Pammett, « Tracking the Votes », in A. Frizzell, J. H. Pammett et A. Westell (dir.), The Canadian General Election of 1993, Ottawa, Carleton University Press, 1994 ; J. H. Pammett, « Analyzing Voting Behaviour in Canada : The Case of the 1993 Election », in H. G. Thorburn (dir.), Party Politics in Canada, Scarborough (Ont.), Prentice Hall, 1996 ; J. H. Pammett, « TheVoters Decide », in A. Frizzell et J. H. Pammett (dir.), The Canadian General Election of 1997, Toronto, Dundurn Press, 1997.
99 R. K. Carty, W. Cross et L. Young, Rebuilding Canadian Party Politics, Vancouver, UBC Press, 2000.
Auteur
Département de science politique. Université de Calgary
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