Chapitre 5. Vieillissement et productivité : que savons-nous ?
p. 145-200
Texte intégral
Introduction : vieillissement de la population, travail et capacité de production
1Notre société est sur le point de connaître un tournant démographique. Bien que le XXe siècle ait été témoin de deux guerres terribles, d’holocaustes, de la grippe espagnole et du virus du sida, il a quand même enregistré les plus grands records de longévité humaine1 . La population du Canada a sans aucun doute suivi cette tendance. En 1851, la population âgée de plus de 65 ans comptait pour 2,7 % de la population du pays. En 1991, ce chiffre avait grimpé à 12 % ; il devrait maintenant atteindre 22 % d’ici 2036. À cette même date, les Canadiens âgés de 75 ans avaient une espérance de vie de 11 ans, ceux de 80 ans, de 9 ans, et ceux de 90 ans, de 5 ans. Pendant ce temps, la proportion de jeunes gens au sein de la population diminuait. En 1986, les enfants de 0 à 15 ans correspondaient à 23 % de la population, alors que ce chiffre était de 21 % cinq ans plus tard. De 1981 à 1991, la classe d’âge de 15 à 24 ans a chuté de 18 %. Par ailleurs, l’âge médian de la population est passé de 17 ans en 1851 à 26 ans en 1971, puis à 34 ans en 1992 ; on prévoit qu’il sera de 45 ans en 2036. Si on adopte la définition des Nations Unies selon laquelle une population âgée est une population dont plus de 7 % a au moins 65 ans, on doit admettre alors que le Canada est bel et bien en train de devenir une société « gériatrique »2 .
2Dès lors, il est raisonnable de se demander quelles seront les conséquences de ces changements démographiques, que certains spécialistes ont appelés « la plasticité de la mortalité à l’âge avancé ». Il n’est pas surprenant que certains adeptes de la « morne science » de l’économie aient prédit un avenir plus cahotique, vu le nombre croissant de travailleurs âgés et de préretraités durant les deux prochaines décennies. La retraite obligatoire à l’âge de 65 ans avait sa raison d’être durant la première moitié du XXe siècle, quand les jeunes travailleurs étaient plus nombreux que les plus âgés ; aujourd’hui, en ce XXIe siècle, elle ne l’a probablement plus. On oublie trop souvent que ce fut le chancelier Bismarck qui le premier a inventé un système social de sécurité de l’âge d’or, fixant à 65 ans l’âge d’admissibilité. Ses statisticiens lui avaient assuré que peu de Prussiens y parviendraient, et que les plus fortunés qui atteindraient cet âge ne vivraient de toute façon pas longtemps. Bismarck n’avait pas à se soucier du remplacement des travailleurs qui allaient prendre leur retraite ou mourir. Mais l’économie de Bismarck, les pressions démographiques et ses options politiques reflètent un temps et un lieu différents. Nous ne pouvons revenir en arrière, même si nous le voulions. Notre temps est le XXIe siècle, c’est-à-dire une époque de mondialisation de l’économie et de haute technologie. Le temps du chancelier allemand était celui de l’industrialisation et des industries manufacturières. La main-d’œuvre à cette époque augmentait rapidement, à cause des jeunes travailleurs. Aujourd’hui, notre main-d’œuvre vieillit de plus en plus et semble diminuer. Sommes-nous en face d’un véritable problème ? Si tel est le cas, quelle en est l’ampleur ?
3Commençons par examiner quelques chiffres. Les démographes estiment que, d’ici 2020, il n’y aura au Canada qu’une personne sur3 qui travaille. Pour Jacques Henripin, de tels changements spectaculaires dans les ratios de dépendances imposeront de sérieuses contraintes financières, car « plus une population est âgée, moins elle peut se reposer »4 . Dans les autres pays économiquement développés, une étude récente de l’ocde conclut :
Le vieillissement de la population va mettre de la pression sur les systèmes gouvernementaux d’imposition et de dépenses de pratiquement tous les pays de l’ocde, nécessitant ainsi des changements décisifs dans les systèmes sociaux existants si on veut éviter une augmentation de la dette publique. L’épargne privée chutera probablement, dans la mesure où les personnes âgées épargnent moins. [...] le vieillissement de la population aura [...] des conséquences importantes sur la croissance du potentiel de productivité et sur les niveaux de vie de tous les pays, que ceux-ci appartiennent ou non à l’ocde.
Sans une amélioration soutenue de la croissance des facteurs de productivité ou un changement dans les taux de participation de la main-d’œuvre, la croissance au sein de l’ocde est susceptible de ralentir durant les prochaines décennies. En l’absence d’ajustements politiques spécifiques, le vieillissement de la population aura également tendance à diminuer la qualité de vie des pays de l’ocde dans la mesure où la productivité des travailleurs sera partagée par une plus grande population. Ainsi, l’effet mécanique direct d’une croissance projetée du ratio de dépendance des niveaux actuels conduira à une réduction relative des niveaux de PIB par habitant d’environ 10,18 et 23 % pour les États-Unis, l’Union européenne et le Japon »5 .
4Une étude effectuée récemment par le National Bureau of Economic Research n’est guère plus rassurante. Les dix pays industriels avancés examinés ont enregistré un déclin prononcé des taux de participation de la main-d’œuvre pour les gens âgés de 65 ans et plus, mais également pour ceux qui ont entre 45 et 59 ans. Cet exode de la main-d’œuvre a eu pour résultat « une capacité de production inutilisée », allant de 67 % en Belgique à 40 % au Canada et à 22 % au Japon. Cette étude conclut qu’à moins de modifier le mécanisme de versement des généreuses pensions qui encouragent les retraites prématurées, la « capacité de production » de la main-d’œuvre de ces pays continuera de baisser d’année en année6 .
Le problème de la productivité et son contexte historique
5Cependant, tous les économistes ne sont pas convaincus que la retraite prématurée des travailleurs âgés est le véritable problème. Certains sont préoccupés par le fait que, dans le contexte des changements technologiques et de la concurrence mondiale accrue, les travailleurs plus âgés deviendront un fardeau pour la productivité, minant les avantages comparatifs d’un pays. Williams Johnston effectue une mise en garde :
Les défis qui se poseront aux nations industrialisées pour préserver leur position concurrentielle, tandis que leur main-d’œuvre vieillit, seront renforcés par les coûts élevés des travailleurs âgés et d’une société qui vieillit. Les travailleurs âgés ont généralement un salaire plus élevé compte tenu des systèmes de pension et d’ancienneté, et aussi du fait que les coûts des soins de santé grimpent durant les dernières années de leur vie active. Plus les travailleurs des nations industrialisées prennent leur retraite à l’approche du nouveau siècle, plus les taxes liées à la santé et aux pensions de vieillesse risquent d’augmenter également. À moins que cette hausse des coûts ne soit compensée par des gains de productivité, les employeurs et les nations qui ont une main-d’œuvre plus âgée risquent de perdre leur leadership compétitif dans les industries qui ont des technologies de production standardisées7 .
6Alan Reynolds, directeur de l’Institut Hudson, est en total désaccord avec cette assertion. Il doute qu’une population plus âgée pose un problème de productivité. Selon lui, « bien que le nombre absolu de travailleurs augmente lentement par comparaison avec les années 1970 et 1980, le vieillissement de la main-d’œuvre a pour résultat d’augmenter le nombre de travailleurs spécialisés qui, sans cela, aurait été insuffisant »8 . Du reste, « les travailleurs qui ont reçu une formation retardent, en règle générale, la date de leur retraite, précisément parce que leur travail est plus agréable, qu’il est mieux rémunéré, voire les deux »9 . Pour Reynolds, les travailleurs âgés possèdent des années d’expérience de travail et une compétence indéniable ; ce sont des employés responsables qui ont un dossier de loyauté et de dévouement. Pourquoi, dès lors, ces qualités devraient-elles être perçues comme un fardeau ? Pourquoi les gouvernements, les employeurs et les économistes ne reconnaîtraient-ils pas le potentiel de productivité des travailleurs plus âgés ?
7S’il faut en croire ces économistes et ces démographes, le nouveau millénaire apportera de sérieux problèmes de vieillissement et de productivité. Toutefois, les préoccupations concernant la taille de la main-d’œuvre et le déclin de la productivité n’est pas un phénomène nouveau. Les historiens de l’économie ont par exemple cherché pendant longtemps à établir un lien entre les changements dans la productivité, l’investissement, la formation du capital, le niveau de pauvreté et les changements dans les taux de croissance de la population. Thomas Malthus laissa entendre que les pressions sur le contrôle de la mortalité de la population ainsi que la « grande faucheuse » étaient responsables du renouveau de la croissance et du développement économique. Le penseur anglais, rappelons-le, voyait un cercle vicieux sans fin dans la croissance de la population, la nourriture et le bien-être économique. C’était la croix économique que l’humanité devait porter. Les prévisions apocalyptiques de Malthus au sujet de la stagnation économique et du mystère démographique continuent d’attirer un grand nombre d’adeptes.
8Phyliss Deane et W. A. Cole, dans une version néomalthusienne de l’argument, affirmèrent que « la variable significative dans la mouvance préindustrielle séculaire de la productivité semble avoir été le taux de croissance de la population. Quand la population croît, le produit par tête d’habitant chute : quand la population baisse, le produit augmente ». Il nous semble donc, sans vouloir tomber dans les clichés, que plus ça change, plus c’est pareil10 .
9Ces auteurs se sont surtout intéressés aux changements survenus dans la population lors de la révolution industrielle, changements qu’ils ont perçus comme étant un phénomène de « transition démographique ». Ils se sont peu préoccupés de la croissance de la productivité et du produit marginal propres aux classes d’âge : la composition de la main-d’œuvre, ainsi que la manière et l’ampleur selon lesquelles la variabilité de la taille des classes d’âge influence les taux de productivité, ne furent pas prises en compte. Ces chercheurs ont plutôt étudié les taux de fertilité, de mortalité et de morbidité en Grande-Bretagne sur plusieurs centaines d’années et ont établi des liens entre ces données et le taux d’industrialisation, la productivité par tête d’habitant et les revenus individuels. À cette époque, l’espérance de vie était courte, et il y avait peu de travailleurs âgés dont il fallait se préoccuper11 .
10Les économistes néoclassiques ont cherché à combler cette lacune. Ils ont soutenu pendant longtemps qu’une relation inverse existait entre une main-d’œuvre vieillissante et la productivité. Dans une étude classique, faite il y a plus de trente ans, où étaient analysées les répercussions économiques du vieillissement, Michael Brennan et ses collègues affirmèrent que les économistes, en commençant par Adam Smith, avaient raison de dire que le marché était à la fois décisif et irresponsable12 . L’âge ne confère aucun bénéfice particulier dans un monde où l’efficacité, le changement, la concurrence et le profit sont les règles du jeu. Qu’ils le veuillent ou non, les travailleurs, jeunes ou vieux, et les gouvernements ne peuvent changer les règles économiques immuables qui gouvernent l’univers. Les travailleurs âgés vont nécessairement devenir moins productifs avec le temps, leur valeur aux yeux de leur employeur diminuant et leur productivité absolue et marginale continuant de décliner. Il est vrai que la majorité des travailleurs âgés ont plus ou moins « fait leur part » lorsqu’il est question des pensions et de la retraite, mais ils sont maintenant devenus — comme ils le savent et comme le savent aussi leurs employeurs — moins intéressants du point de vue strict de la productivité. Ils ont dépassé leur plein rendement. Comme le dit la chanson, « personne ne veut de vous quand vous êtes vieux et gris ». Pour employer une image, les travailleurs plus âgés ont signé un contrat darwinien avec leur employeur et avec le marché en matière de productivité. Quand ces travailleurs ne sont plus productifs, il est temps de partir, le temps de se retirer et de prendre sa retraite ou de se faire remplacer. Seuls ceux qui sont productifs peuvent espérer survivre et avoir un emploi. Les travailleurs âgés ont compris et accepté ce fait.
11Selon Brennan et ses collègues, même si les travailleurs âgés sont toujours productifs et loyaux envers leur employeur, du moins si on les compare aux plus jeunes travailleurs, il y a d’« autres » facteurs économiques qui rendent leur embauche plus coûteuse :
Dans une économie dynamique, la demande pour des produits spécifiques change constamment, les méthodes de productivité étant sans cesse révisées. Ainsi des emplois sont abolis dans certains secteurs et sont créés dans d’autres. Tous les travailleurs sont soumis à ces forces du marché et doivent accepter d’être mutés [...]. Du point de vue de l’employeur, un travailleur plus âgé est plus coûteux à embaucher sur un marché ouvert, même s’il est aussi productif que le plus jeune apprenti, et cela en raison de son horizon de travail qui est limité par l’existence des régimes actuels des revenus de retraite »13 .
12On peut trouver une version plus récente de l’argument de Brennan chez l’économiste Stephen Peitchinis. Selon ce dernier, il n’y a aucun mys¬ tère concernant la performance de productivité des travailleurs âgés. L’expérience nous a montré que plus la main-d’œuvre avance en âge, plus la productivité diminue. Certes, l’âge apporte la sagesse, mais il entraîne aussi l’obsolescence technique et l’incapacité physique. Il est impossible de contourner le fait que « la relation entre une main-d’œuvre vieillissante et la productivité soit incontestablement négative. Rien ne peut être fait pour renverser la tendance qui incite les travailleurs âgés à prendre rapidement leur retraite et ainsi à libérer des postes pour les jeunes travailleurs »14 .
13Peitchinis soutient aussi qu’il y a deux raisons pratiques qui expliquent cette « relation négative » entre le vieillissement de la main-d’œuvre et la productivité. Comme Brennan, il ne croit pas que l’âge apporte un savoir-faire technologique ni une compétence plus grande. Dans un marché dominé par la haute technologie, on ne peut se permettre l’embauche de « paysans technologiques ». On ne peut rien faire pour arrêter la mondialisation ou la révolution informatique. Le luddisme et le dinosaure ont disparu de la surface de la terre ! Toute nouvelle percée technologique, comme nous le montre l’histoire, n’apporte pas que des bénéfices économiques mais également des coûts15 . Plus la technologie devient complexe et exigeante, plus la grande majorité de travailleurs âgés est dépassée, comme des fossiles en voie de disparition. Dans le passé, les jeunes travailleurs étaient embauchés pour venir en aide aux travailleurs plus âgés. Maintenant, ils sont engagés pour les remplacer. De nos jours, même la main-d’œuvre instruite est sous pression, afin de suivre les changements technologiques qui ont lieu. La technologie ne change pas seulement la nature et l’organisation du travail, elle élimine également plusieurs emplois et plusieurs fonctions, les travailleurs plus âgés étant les plus vulnérables.
14James Surowiecki est d’accord avec Peitchinis. Dans la nouvelle économie, soutient-il,
l’innovation remplace la tradition. Le présent, ou peut-être même le futur, remplace le passé. Rien n’importe plus que ce qui vient ; or ce qui vient ne Xpeut arriver que si ce qui existe actuellement est renversé. Ce système devient un endroit magnifique pour l’innovation, mais un lieu difficile à vivre, compte tenu du fait que la plupart des gens préfèrent des mesures de sécurité pour l’avenir à une vie vécue dans l’incertitude constante16 .
15Mais est-il raisonnable de dire que les travailleurs plus âgés ne sont rien d’autre que les victimes des forces économiques amorales qui sont au-delà de leur pouvoir ? N’y a-t-il rien qu’ils puissent faire pour s’aider eux-mêmes ? Est-ce que ces « vieux de la vieille » sont responsables de la baisse de productivité et de la perte d’emploi qui s’ensuit ? S’entêtent-ils vraiment à ne pas se tenir au courant des progrès technologiques qui ont lieu dans le domaine de l’informatique, des nouvelles productions et du numérique ? La plupart des études, comme nous allons le voir, montrent que ces groupes de travailleurs ont choisi de se tenir en dehors de la révolution économique en cours. Plusieurs économistes sont d’accord avec Peitchinis pour dire que les travailleurs âgés « trouvent difficile de s’adapter à de nouveaux instruments et processus, à de nouvelles formes d’organisation du travail, à de nouvelles attentes et à de nouvelles relations »17 . Prenant exemple sur Malthus, ils présupposent que tous les buts poursuivis sont traités comme des lois économiques empiriques, où la technologie augmente de façon géométrique et la capacité productive des travailleurs âgés de façon arithmétique. Pourtant, d’un point factuel, il y a peu de données quantitatives qui appuient un tel point de vue. Ce que nous avons, ce sont des hypothèses, non des démonstrations scientifiques.
16Peu de chercheurs contestent le fait que nous sommes entrés dans ce que l’on pourrait appeler la « nouvelle économie ». La plupart des observateurs contemporains (pas tous) croient, en effet, que la majorité des emplois bien rémunérés et dotés d’un statut enviable au XXIe siècle seront confiés à ceux qui ont une formation d’« analyste symbolique », c’est-à-dire aux travailleurs qui maîtrisent la haute technologie et la programmation informatique. Ce sont ces personnes hautement qualifiées qui, en définitive, déterminent la productivité et la compétitivité d’une entreprise ou d’un pays, autrement dit qui font « gagner » ou « perdre » ces unités de production dans l’économie mondiale. Un autre point très important, toujours selon ces commentateurs, est que ceux qui seront engagés, licenciés, forcés de se retirer prématurément ou encouragés à garder leur poste au-delà de l’âge requis pour la retraite dépendront de la maîtrise de ces capacités, capacités qui, aux dires de la majorité des futurologues, domineront inéluctablement la « nouvelle économie et deviendront synonymes de progrès »18 .
17Les prédictions sont toutefois une entreprise fort hasardeuse. Il est facile, en effet, de confondre une tendance avec le destin ou même avec un caprice. Il n’est pas surprenant que les économistes et les démographes soient passés maîtres dans l’explication et la justification de leurs considérations sur le futur tout en cherchant à garder leur sérieux scientifique. Malheureusement, si on s’en tient à leurs performances prévisionnelles, cela laisse plutôt à désirer. Paul Krugman fait la mise en garde suivante :
La meilleure façon de décrire la vision erronée des visionnaires de la fin du siècle est de dire qu’ils s’attendaient à peu près tous à l’arrivée d’une économie « immaculée », c’est-à-dire une économie dans laquelle les gens seraient tous libérés du travail physique [...]. En réalité, les prophètes de l’« économie de l’information » semblent avoir oublié les fondements même de l’économie, à savoir que, lorsqu’un bien devient abondant, il devient peu coûteux. Un monde envahi par l’information sera un monde où l’information en soi aura peu de valeur marchande19 .
18Cependant, il est important de souligner que la vision de Krugman n’est pas acceptée par tous. La plupart des économistes croient que l’« économie de l’icône » confirme l’importance du capital humain et de la formation au niveau des décisions d’investissement. Une compagnie investit dans la formation parce qu’elle s’attend à ce que les coûts occasionnés par la période de formation seront remboursés par les gains futurs en productivité et par les profits. Quand un employeur décide d’investir dans la formation, la question qu’il se pose est : combien cela va-t-il coûter, et cui bono, qui en bénéficiera, à quel rythme et dans quelle mesure ? La décision de former des employés, quel que soit leur âge, n’est jamais prise dans un vacuum et n’est certainement pas gratuite. Il y a toujours un but déterminé. Si l’on accepte l’argument économique pessimiste, la formation supplémentaire et continue des employés âgés n’est peut-être pas une décision économique éclairée, dans la mesure où les employeurs pensent qu’une main-d’œuvre plus âgée ne sera pas à même de rembourser les coûts de formation20 .
19Compte tenu que la population et la main-d’œuvre vieillissent, pouvons-nous affirmer qu’il y a danger que le Canada devienne une société gériatrique ou en fauteuil roulant ? Est-ce que l’augmentation de la durée de vie d’un nombre important de vieilles personnes contredit la croyance selon laquelle « la mortalité à un âge avancé est sans issue » ? Est-il raisonnable de penser qu’à moins d’une immigration massive ou d’une catastrophe (maladie ou guerre mondiale) les changements démographiques et de productivité sont inévitables et ne peuvent être contrecarrés21 ? En raison des changements démographiques, le marché du travail au Canada, ses modes et sa capacité de production devront-ils être radicalement restructurés pour ne pas dire réinventés ? Notre qualité de vie va-t-elle s’effondrer ? Les gouvernements vont-ils être débordés par les coûts pour maintenir une large population de citoyens âgés toujours plus dépendants d’une foule de services publics ?
20Une fois de plus, il est important de se rappeler que ces questions délicates ne sont pas récentes, même si, pour la plupart d’entre nous, elles semblent inédites par leur portée, leur ampleur et l’urgent besoin d’y répondre. La méthodologie et la théorie économique traditionnelle ont pendant longtemps tenté de comprendre les vecteurs du changement économique et démographique afin de mettre en lumière ce qui arrive et ce qui va arriver. John Maynard Keynes, qui fut un des plus grands économistes du XXe siècle, écrivit, par exemple, à la suite la Première Guerre mondiale, que « les grands événements de l’histoire sont souvent causés par des changements séculaires au sein de la croissance de la population et par d’autres causes économiques fondamentales qui, échappant à la vue des observateurs contemporains en raison de leur caractère graduel, sont attribuées à la folie des hommes d’État et au fanatisme des athées »22 .
21La démographie, après tout, est peut-être le fruit du destin. Il est clair que Keynes la considère comme une force qui échappe souvent « aux observateurs contemporains ». À cet égard, nous ne traiterons pas de la croissance générale de la population, qui, jusqu’à tout récemment, a retenu l’attention presque exclusive des universitaires et des politiques. Les économistes et les démographes ont redouté qu’« une grande fécondité, une grande fertilité » diminue la performance productive et étouffe la croissance économique. Se profilait à l’horizon le spectre des guerres du « Lebensraum », un tiers monde en devenir et un chaos politique étendu. Aujourd’hui, l’attention s’est portée sur l’impact social et économique du « faible taux de natalité » et sur la croissance spectaculaire de la classe des personnes âgées, spécialement celles qui ont plus de 55 ans. Si la croissance de la génération des baby-boomers peut réduire drastiquement la productivité, comme plusieurs économistes et démographes semblent le penser, et que la démographie, comme certains le soutiennent, est la cause principale des « événements économiques de l’histoire », alors est-il raisonnable de penser que faire basculer l’échelle à l’autre extrémité de la pyramide des âges va laisser indemne le niveau et le taux de productivité ? En résumé, est-ce qu’un problème démographique exige une « solution » démographique ? Par exemple, avoir plus d’enfants, plus d’immigrants ?
22Pour Richard Easterlin, la démographie, plus que la macro-économie ou la technologie, est ce qui va affecter les comportements économiques et la productivité de la main-d’œuvre de demain. Ce n’est pas que ces autres facteurs ne soient pas importants, mais la démographie sera un élément essentiel. La taille de la génération des baby-boomers fut en grande partie responsable de la pauvre performance qu’à peu près tous les pays industrialisés ont connu ces trente dernières années. Les hauts taux de chômage, les salaires réduits, les maigres chances de promotion et de développement d’une carrière ainsi que la productivité stagnante sont attribuables à la taille absolue de la main-d’œuvre et non pas aux changements dans la composition de celle-ci, c’est-à-dire au vieillissement. Les années 1970 et 1980 ont vu l’offre de travail dépasser largement la demande. Le véritable problème a tenu non pas au fait qu’il y avait un grand nombre de travailleurs âgés, mais au fait qu’il y a eu sur le marché du travail un trop grand nombre de jeunes travailleurs. Les baby-boomers sont responsables de la criminalité, de l’illégitimité et des taux de divorce qui ont caractérisé le dernier quart du XXe siècle. Ce groupe a eu de loin la plus grande utilisation de drogues ; il fut particulièrement violent, du moins si on s’en tient au nombre de crimes par habitant commis durant cette période. De plus, en raison de la concurrence féroce qui existait dans le domaine du travail, ce groupe d’âge a eu peu d’attentes envers le travail, le revenu et le statut social. Il ne fut pas non plus suffisamment formé. Cela explique pourquoi la productivité a crû lentement, malgré le grand nombre de jeunes travailleurs sur le marché. Il s’ensuivit que ces jeunes travailleurs furent enclins à ne pas se marier et à avoir moins d’enfants. Tous ces facteurs, conclut Easterlin, vont conduire à un « baby bust » : l’excès de travailleurs, jeunes ou vieux, disparaissant, nous allons entrer dans une croissance économique à haut cycle de productivité. Autrement dit, le cycle commercial traditionnel d’explosion et de faillite ne dépend pas, malgré ce que les économistes prétendent, de la technologie, de l’investissement et de la formation du capital, mais en grande partie des forces démographiques et de leurs conséquences sur la taille de la main-d’œuvre23 .
23L’analyse d’Easterlin soulève de sérieuses questions. Par exemple, la génération qui a précédé les baby-boomers a-t-elle si bien fait parce que les travailleurs plus âgés étaient moins nombreux, étant donné la Première Guerre mondiale et les 30 à 100 millions de morts causées par le virus de la grippe espagnole de 1918 ? Pouvons-nous prétendre, comme le fait Easterlin, que les générations qui vont suivre celle des baby-boomers seront plus productives en raison de leur taille plus petite ? Pouvons-nous espérer un équilibre optimal entre la taille de la main-d’œuvre et la demande d’emploi ? Existe-t-il vraiment une taille optimale de la main-d’œuvre, une distribution des groupes d’âge ou un âge moyen qui peut accomplir une productivité maximale, tout en évitant le double danger d’une hausse de l’inflation et d’un haut taux de chômage ? Si tel est le cas, quel est alors le nombre magique ? La formation, l’éducation, et l’introduction de nouvelles technologies ne feront-elles pas une différence significative dans l’accélération de la croissance de la productivité ? Et si c’est le cas, quelle sera l’ampleur de cette différence par rapport aux changements démographiques qui ont lieu actuellement ? Malheureusement, Easterlin ne fournit aucune réponse définitive à ces questions.
24Pour revenir à Keynes et à sa théorie de la dynamique des changements séculaires, une lecture attentive révèle que, selon lui, les changements démographiques ne peuvent à eux seuls provoquer une restructuration économique à long terme. Il est manifeste que la raison pour laquelle les choses changent est le progrès technologique. En plus de la démographie, les « causes économiques fondamentales » sont primordiales pour l’économie de demain. Mais quelles sont ces « causes fondamentales » ? Pour une vaste majorité d’économistes la réponse est l’innovation technologique. Les économistes croient que Keynes parlait véritablement de la technologie et sont d’accord avec le couplage croissance démographique-technologie conçu comme le fondement de la croissance et du développement économiques. William J. Baumol, Edward N. Wolff et Sue Ann Baey Blackman, dans leur grande étude sur la productivité, estiment que « pour de vrais miracles économiques, il faut s’en tenir à la croissance de la productivité. Et des miracles économiques, ce n’est pas ce qui manque »24 . Si, dès lors, nous sommes à la recherche d’un « miracle économique », nous ne pouvons pas affirmer simplement que la démographie détermine l’avenir. Soudainement, nous nous retrouvons de nouveau dans le monde du « ça dépend ».
Optimistes et pessimistes
25Il serait faux de conclure qu’il n’y a pas consensus sur le rôle que jouent la démographie et l’innovation technique dans la création de la croissance économique à long terme, dans la participation au travail et les taux de productivité, ainsi que sur leur importance dans la qualité de vie d’un pays. La majorité des économistes et des démographes se situent au milieu et choisissent rarement la position « blanc ou noir ». À vrai dire, il n’y a pas une manière précise de penser qui fasse l’unanimité au sujet du vieillissement et de la productivité. Les économistes et les démographes ne sont pas encore parvenus à nous fournir une théorie solide ou un modèle fiable qui pourrait guider à priori ceux qui prennent des décisions concernant les programmes, les politiques et les pratiques nécessaires à la prévention de ce que certains perçoivent comme une crise de longévité. Les partisans de l’orage qui se prépare [gathering storm], comme nous l’avons souligné, croient que, si les gouvernements ne font rien ou agissent lentement, nous nous dirigerons vers une crise économique majeure. Cette crise, qui n’en est encore qu’à ses débuts, va rapidement s’accentuer et devenir de plus en plus « vilaine et brutale », nous prenant en otage pour une bonne partie du siècle, tandis que les baby-boomers atteindront l’âge de la retraite.
26Le premier souci en matière de commerce d’un gouvernement responsable est de déterminer si, en effet, une main-d’œuvre vieillissante présente véritablement un danger de crise au sein de la productivité. Mais il y a deux autres questions, plus subtiles et non moins exigeantes, qui devront être abordées tôt ou tard : les changements doivent-ils venir d’en haut ou d’en bas, autrement dit la gestion, et non pas le gouvernement, doit-elle diriger les changements dans la main-d’œuvre, la technologie et l’organisation qui sont requis par une économie mondiale en rapide évolution ? Ou bien les compagnies et leurs gestionnaires doivent-ils, en coopérant avec le gouvernement, s’efforcer d’obtenir l’« engagement » de leurs travailleurs âgés en introduisant les changements nécessaires à l’amélioration de la productivité et de la compétitivité sur le marché ? La question n’est pas simplement d’intervenir ou de ne pas intervenir, mais plutôt de savoir si une telle intervention, dans la mesure où elle est jugée appropriée, doit venir d’en haut ou d’en bas. Actuellement, on est dans un véritable no man’s land universitaire, les spécialistes en gestion commençant à peine à reconnaître le sérieux de ce défi et le besoin de mieux en définir les contours25 .
27Il n’est dès lors pas surprenant de constater que le secteur public et le secteur privé se sont souvent tournés du côté des consultants en gestion et des spécialistes universitaires pour les aider à combler leurs lacunes, leur fournir des données et des recommandations qui leur permettent de prendre des décisions politiques plus éclairées. Dans cette section, nous allons donner un aperçu de ce que ces experts pensent de la situation actuelle et quelles sont les solutions qu’ils proposent. Notre approche sera d’opérer une « dichotomie » entre les points de vue conflictuels et inconciliables sur le vieillissement et la productivité, en les partageant entre « optimistes » et « pessimistes ». Nous sommes convaincus que cela peut se faire sans simplifications abusives et sans réduire ces points de vue à des caricatures. Une telle approche peut aider ceux qui prennent des décisions à mieux comprendre les compromis difficiles qu’ils seront amenés à faire pour adopter une politique mixte « plausible » (mais pas nécessairement « souhaitable »). Il n’est pas nécessaire de faire remarquer que les uns et les autres s’imaginent appuyer leurs raisonnements sur ce que l’on pourrait appeler des « lois nécessaires » dérivées de lois économiques universelles et immuables. En vérité, le débat actuel entourant les conséquences d’une main-d’œuvre vieillissante sur la productivité et sur ce que les politiques publiques doivent envisager et introduire est fondé non sur une recherche empirique et inductive solide, mais sur des théories économiques conflictuelles et sur des « oui mais » au sujet du comportement humain.
28Une question clé dans le débat entre les « optimistes » et les « pessimistes » touche le rôle de l’État, c’est-à-dire porte sur ce que celui-ci peut et ne peut pas faire pour accélérer la productivité. Cette question a été débattue durant des décennies par les économistes. Keynes, par exemple, croyait de manière optimiste que l’intervention de l’État pouvait réduire significativement les effets dangereux des changements économiques séculaires qui avaient été dans le passé acceptés de manière fataliste. Son point de vue, accepté par plusieurs spécialistes des sciences sociales, ne fait toutefois pas l’unanimité. Des prix Nobel comme Hayek et Mises (chefs de file de l’école autrichienne), Stigler et Friedman (de l’école de Chicago), ont soutenu que la solution de Keynes et de ses disciples était pire que la maladie. Ils se sont opposés fermement à l’intervention gouvernementale, en affirmant que les gouvernements ne peuvent pratiquement rien pour contrôler positivement la force ou la direction de l’économie. Selon eux, l’expérience nous montre qu’une « économie planifiée » avec ses planificateurs bureaucratiques s’écroule tôt ou tard, appauvrissant tout le monde et rendant la vie plus difficile. Pour ces pessimistes, qui préfèrent être appelés « réalistes », seul le génie du marché est compatible avec la complexité de l’économie moderne et, par extension, avec le mystère du phénomène vieillissement/productivité. On touche du doigt ici les limites de ce que les gouvernements peuvent faire ; il n’y a aucune honte à l’accepter. Du reste, il y a également des limites à notre savoir-faire économique.
29Robert Solow, qui est un pessimiste, adopte ce point de vue lorsqu’il affirme qu’« augmenter la productivité n’est pas chose facile. Si c’était si simple, pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? »26 . Pour Solow, la possibilité d’une intervention de l’État capable d’améliorer la productivité paraît très mince, si on s’en tient aux performances passées. Où sont, en effet, les succès qui semblent justifier une intervention de l’État ? Si on accepte l’argument pessimiste selon lequel les gouvernements ne sont pas en mesure d’intervenir efficacement sur les marchés ou de plier les lois économiques immuables à leur volonté, on doit admettre que la formation des travailleurs financée par les services publics ne fera pas des travailleurs âgés des gens plus productifs et ne réduira pas leurs carences de productivité. Les optimistes rétorquent que la connaissance, c’est le pouvoir, et que la recherche peut fournir des réponses qui garantissent que les politiques gouvernementales permettent d’augmenter la production. Le marché n’est pas, au contraire de ce que pensent les pessimistes, une cour des miracles.
30Étant donné les changements démographiques qui surviennent actuellement, la peur d’une baisse de productivité causée par le vieillissement de la main-d’œuvre et le débat sur ce qu’il convient de faire, il est facile de comprendre le sentiment que nous avons de nous diriger vers un futur rempli de dangers potentiels. Les optimistes toutefois ne voient pas cela comme un cauchemar qui se profilerait à l’horizon. Pour eux, la réduction de main-d’œuvre est un avantage économique, car elle va accélérer l’investissement dans la technologie et ainsi épargner du travail. La technologie va nous rendre plus efficaces, plus productifs, plus compétitifs, la révolution informatique fournissant les ressources nécessaires aux personnes âgées pour jouir confortablement de leurs derniers jours. Selon les optimistes, ce ne sera pas la première fois que les prophètes de malheur des « limites de la croissance » se verront discrédités. Pourquoi devrions-nous les écouter ?
31Les pessimistes répondent qu’il y a de fortes probabilités pour que la transformation technologique apporte une croissance sans emploi. Un grand nombre de retraités disposeront désormais de beaucoup de temps libre. De plus, le danger d’une rivalité intergénérationnelle et intragénérationnelle risque de s’accentuer, puisque les retraités plus âgés et plus démunis auront besoin d’une plus grande aide sociale pour être secourus, ce qui les rendra en fait complètement dépendants de l’État. Les gens qui perdent leur emploi seront désormais traités comme des pauvres ; ils n’auront plus de statut, de revenu, et ne jouiront même plus d’un certain respect. Même si la productivité ne dégringole pas, nous pouvons nous attendre à une croissance sans emploi qui augmentera les tensions et imposera des lourdes pressions financières à la société, lesquelles seront à leur tour transmises à l’industrie et aux travailleurs. Maintenir les travailleurs âgés sur le marché du travail est encore la meilleure façon d’éviter une « automutilation » et de réduire les dépenses publiques et les taxes. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que plus longtemps les travailleurs âgés travailleront et recevront un chèque de paie, plus ils paieront des impôts et moins ils dépendront de l’État.
Les travailleurs âgés : différents points de vue sur le travail
32Les optimistes soutiennent que les changements démographiques et économiques vont finir par améliorer la « culture civique » et encourager un grand nombre de retraités à devenir bénévoles en s’engageant dans un ensemble d’activités et de projets publics. Le « vieillissement productif », comme le décrit A. R. Herzog, est « toute activité qui produit des biens ou des services, rémunérés ou non, y compris des activités telles que le travail ménager, la garde d’enfants, le travail bénévole et le fait d’aider sa famille et ses amis »27 .Contrairement à ce que plusieurs économistes pensent, les optimistes affirment que le travail bénévole a une valeur marchande, ce type d’activités étant devenu un « pivot de la société ».
33Les bénévoles, dont plusieurs sont des retraités, contribuent en fait à la productivité canadienne. Malheureusement, nous n’avons pas encore réussi à quantifier la valeur financière d’une telle activité non rémunérée. Une tentative de Statistique Canada pour chiffrer la valeur du travail ménager a abouti à un montant situé entre 211 et 319 milliards de dollars par an, pour environ 25 milliards d’heures de travail. Les auteurs estiment que ces sommes peuvent représenter de 30 à 46 % du PIB. La valeur de ce « travail domestique non rémunéré se situe entre la moitié et les trois quarts de ce que le marché paie actuellement aux travailleurs salariés »28 . Les optimistes déclarent qu’il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg. Ils citent une étude récente de Kevin Coleman où est étudiée la valeur des activités non rémunérées des Américains âgés pour le potentiel de productivité du secteur tertiaire. Coleman signale que « la valeur au coût d’achat » des soins et des activités bénévoles était de 102 milliards en 1990, soit environ 2 % des 5500 milliards du PIB29 . La productivité des activités bénévoles se traduit donc par d’importantes épargnes : il est temps que nous l’admettions et que nous incluions ces chiffres dans le produit intérieur brut.
34Les pessimistes toutefois mettent en doute la valeur de ces études et soutiennent qu’elles sont erronées, parce qu’elles évitent le problème qui devra tôt ou tard être abordé par le public, par le gouvernement, par les employeurs et les travailleurs âgés, à savoir le problème de l’emploi, des salaires et de la productivité. Ils soulignent que la majorité des études décrivant les activités bénévoles non rémunérées pratiquées par des retraités reposent sur des hypothèses douteuses, des techniques et des méthodes statistiques peu crédibles et des définitions trop vagues. Pour le pessimiste, il est difficile de vérifier si une activité bénévole a une fonction productive ou une fonction de consommation. Si on veut être certain, les motifs privés doivent se traduire en création de richesse, produisant des biens et des services, des profits et des salaires. La chose est relativement facile à observer, les économistes ayant beaucoup d’expérience lorsqu’il est question de comparer et d’opposer les coûts des facteurs et la valeur ajoutée des produits. Cette évaluation s’avérant parfois difficile, les économistes ont mis au point des techniques qui permettent de mesurer la valeur des intrants et des extrants. En revanche, ils ont peu d’expérience pour quantifier avec précision la production du secteur bénévole.
35Qu’est-ce que ces chiffres signifient ? Sont-ils vraiment fiables ? De plus, si un acte est bénévole, pourquoi devrait-on lui assigner un prix ? Si un tel travail non rémunéré devient néfaste ou démontre un succès mitigé, devrait-il être calculé comme une perte de productivité ? Devrait-il être amorti ? Autrement dit, comment mesure-t-on cette productivité non rémunérée pour qu’elle ait un sens sur le plan économique ? Toutes les activités bénévoles sont-elles « productives », ou seulement certaines d’entre elles, ou certaines plus que d’autres ? Aux yeux des pessimistes, le plus grand problème est de redéfinir la notion de travail afin d’y inclure la productivité bénévole, mais cela implique que l’on « marchandise » toutes les activités et les relations humaines non économiques.
36Les pessimistes s’intéressent aux conséquences potentiellement déstabilisantes que subiront les nombreux retraités sans emploi, non seulement sur l’économie mais également sur le gouvernement. Ils craignent que ce groupe de non-travailleurs exige une intervention gouvernementale continue à grande échelle. Par-dessus tout, ces analystes s’attendent à ce que les gouvernements soient forcés de mettre en œuvre des programmes de redistribution des revenus. Si les politiciens veulent demeurer au pouvoir, ils feront face à d’énormes pressions pour contenir, par des mesures contraignantes, les retombées causées par les changements démographiques et économiques que Keynes évoquait. Dès lors, le « vrai » problème qui attend le Canada n’est pas la chute de la productivité causée par une main-d’œuvre plus âgée, que Peitchinis nomme le « problème fantôme », mais le défi de mettre en place un programme de maintien des revenus abordable et financièrement viable qui permette aux retraités de ne pas sombrer dans la pauvreté et le désespoir30 . Il est évident que la « guerre » pour la productivité est déjà perdue : désormais, nous n’avons d’autre choix que de faire le mieux possible pour en atténuer les conséquences.
37Encore une fois, on peut se demander pourquoi les politiciens devraient accepter une vision si désolante de l’avenir ? Les pessimistes répondent que les travailleurs âgés ne sont pas prêts à déménager ou à changer d’emploi pour améliorer leur qualité de travail. « Une mobilité professionnelle et géographique qui diminue nuit à l’adaptation au marché et a un effet négatif sur la productivité et les taux de croissance économique »31 . Les travailleurs âgés ne peuvent à la fois avoir le beurre et l’argent du beurre. Autrement dit, s’ils ne vont pas là où sont les emplois et s’ils ne veulent pas résolument prendre part au marché, ce qui semble être le cas si l’on se base sur les expériences passées, alors ils vont devenir de plus en plus des personae non gratae face aux employeurs au fur et à mesure qu’ils approcheront de la retraite. Même leurs anciens emplois ne seront plus assurés. Kremer et Maskin (1995) affirment que l’inégalité des salaires augmente avec les changements technologiques, comme le fait la pression sur les employeurs pour appliquer des critères plus « serrés » en matière d’engagement, de formation et de licenciement du personnel. Les plans de carrière ne peuvent plus être tenus pour acquis, non plus que les engagements à long terme entre employeurs et employés lorsqu’il est question de sécurité d’emploi et d’ancienneté32 . De nombreux employés âgés ne restent plus en poste. À vrai dire, devant les critères serrés d’engagement et la diminution des possibilités d’emploi, ils ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’être « relocalisés ».
L’homo œconomicus et la retraite prématurée
38On pourrait se demander « pourquoi les travailleurs plus âgés ne sont pas disposés à s’initier aux nouvelles technologies et ainsi s’assurer un emploi continu et un salaire élevé ». Les pessimistes répondent que cette attitude manifeste un « repli sur soi instructif » et confirme la prémisse d’Adam Smith selon laquelle les hommes et les femmes sont des animaux économiques (homo oeconomicus). La baisse de productivité chez les travailleurs âgés est inévitable, comme le sont les éléments des cycles commerciaux ; en fait, la résistance au renouvellement est assez compréhensible chez des travailleurs qui envisagent la retraite pour bientôt. Autrement dit, le retrait massif du marché du travail et la tendance à la réduction de la productivité chez les travailleurs âgés mettent en évidence le pouvoir de l’analyse coûts-bénéfices dans laquelle s’engagent les travailleurs lorsqu’ils prennent certaines décisions concernant leur retraite, leur participation au marché de la main-d’œuvre et leur pension, Peitchinis écrit :
Vues de manière superficielle, ces caractéristiques paraissent être sociologiques et culturelles. Les décisions des travailleurs âgés au sujet du recyclage et de la mise à niveau ou au sujet des mutations ou des changements professionnels, sont motivées par des raisonnements économiques. De telles décisions impliquent différents montants de coûts supplétifs. Le recouvrement de ces coûts dépend de l’augmentation de la paie résultant de la décision de demeurer en place. Moins il reste d’années de travail, plus la paie doit être élevée afin de justifier les coûts de formation, de changement d’emploi ou encore des mutations33 .
39Les travailleurs âgés calculent simplement (et sagement) les moyens et les fins qui correspondent aux coûts et aux motivations touchant directement leurs loisirs et leurs objectifs financiers. À leurs yeux, il n’est pas raisonnable d’investir du temps, de l’argent et des efforts dans un supplément de formation. Il en va de même pour les employeurs : eux non plus ne sont pas intéressés à investir dans la formation des travailleurs âgés. En fait, pour les uns et les autres, c’est une option économique perdante. Des études récentes effectuées par le National Bureau of Economic Research semblent confirmer cette thèse. Andrew Samwick constate que les travailleurs américains vont retarder l’âge de leur retraite en travaillant un peu plus longtemps, si les fonds de pension de leurs employeurs réussissent à réaliser de meilleures rentes :
[...] ce sont les pensions privées, et non pas la sécurité sociale, qui déterminent principalement les changements dans la richesse du retraité [...]. Les changements dans la sécurité sociale, qui sont typiques du passé ou de la législation proposée [...], ont de faibles répercussions, réduisant la participation au marché du travail d’environ 1 %. Accroître les pensions garanties par l’employeur de 50 % provoque une plus grande baisse dans la participation au marché du travail : environ 5 % pour les travailleurs âgés de 50 à 70 ans. C’est à peu près 27 % de la réduction qui s’est produite entre 1955 et 1975 lorsque les pensions privées ont augmenté de 50 %34 .
40L’observation de Samwick selon laquelle la valeur financière des pensions influence directement l’âge de la retraite est reprise par Thomas Courchene. Pour ce dernier, le Canada ne diffère pas des États-Unis quant au refus des travailleurs âgés d’investir dans la formation et de travailler au-delà de l’âge de la retraite. S’il y a un potentiel de productivité inexploité chez les travailleurs âgés, alors il est clair que nous devons trouver les « bonnes » politiques pour les encourager à demeurer au travail et à reporter à plus tard les pensions généreuses qui les attendent. Pour Courchene :
la réforme du système de pension est probablement le défi politique le plus désespérant pour les années à venir. Ses dimensions sont ahurissantes : c’est une question qui va du « berceau au tombeau » ; elle implique un contrat social implicite ; c’est un véritable bourbier juridictionnel, miné par toutes les questions imaginables en matière d’équité. Il n’y a pas de réponses simples dans ce domaine35 .
41Pour Courchene, le problème ne réside pas, semble-t-il, dans le fait que la main-d’œuvre âgée soit nécessairement improductive parce que les travailleurs qui la constituent ne sont plus capables de travailler efficacement et de manière profitable. C’est plutôt la retraite prématurée des travailleurs âgés qui pose problème. En prenant leur retraite plus tôt, ces travailleurs vont réduire considérablement le potentiel de productivité du Canada. Les explications divergentes de Peitchinis et de Courchene concernant le fait que la productivité baisse en proportion du vieillissement de la population met en relief l’impasse politique devant laquelle se trouvent les politiciens. Chacun admet que la productivité de la main-d’œuvre diminue considérablement avec l’âge ; mais les raisons invoquées pour expliquer cette diminution divergent radicalement. L’un et l’autre voient différents défis politiques pour les gouvernements dans les années à venir, car ce processus fait son chemin dans notre société et notre économie. Pour Peitchinis, les gouvernements devront mettre au point un ensemble de programmes de maintien des revenus ; pour Courchene, le gouvernement doit réformer le système de retraite s’il veut que les travailleurs âgés demeurent sur le marché du travail au-delà de l’âge légal actuel de la retraite. Des incitatifs et des moyens financiers dissuasifs doivent être mis en place par Ottawa et par les provinces afin de prévenir un exode massif des baby-boomers.
42Peitchinis et Courchene s’accordent pour dire qu’il est urgent que les politiciens comprennent qu’un grand nombre de travailleurs âgés ne tourneront pas le dos aux avantages financiers généreux qui accompagnent leur retraite. Ils sont tous les deux d’accord pour admettre que la grande majorité des travailleurs âgés n’agira pas de manière irrationnelle, allant à l’encontre de leurs intérêts. La plupart de ceux-ci refuseront de travailler au-delà de l’âge légal de la retraite. Au fait, pourquoi le voudraient-ils36 ? La question qui se pose désormais est la suivante : les gouvernements peuvent-ils introduire des changements radicaux dans le système de telle manière que la retraite prématurée soit vue comme trop coûteuse par la majorité des travailleurs ? Peitchinis et les pessimistes économiques pensent que ce n’est pas politiquement réalisable : ce sont la politique et les votes qui décideront, et non pas la rationalité économique. Courchene, au contraire, croit que la nécessité économique servira de force conductrice et produira une restructuration radicale du filet de sécurité canadien. En réalité, la question est toujours en suspens.
Le travail dans le contexte mondial
43De nombreux commentateurs insistent sur le fait que la participation de la main-d’œuvre, des jeunes et des moins jeunes, sera façonnée par les exigences de l’économie mondiale. Plusieurs entreprises, à l’heure actuelle, et probablement toutes dans l’avenir, vont déplacer tôt ou tard les facteurs de travail onéreux qui interviennent dans la « chaîne des valeurs » vers des pays où la main-d’œuvre qualifiée est relativement bon marché et où la perte d’efficacité et de qualité est minimale. Jusqu’à présent, seuls quelques économistes ont réfuté l’idée selon laquelle le déclin des travailleurs manuels et la baisse des salaires seraient dus à l’introduction de nouvelles technologies substitutives et à la demande de travailleurs qualifiés plutôt qu’à des pratiques commerciales protectionnistes et à une mondialisation envahissante.
44Si nous suivons les conclusions logiques de cette analyse, il semblerait que toute tentative pour comprendre les répercussions futures du vieillissement sur la productivité doit tenir compte de la dynamique de l’économie mondiale et pas seulement des éléments incitatifs et dissuasifs des politiques liées aux pensions. Les données empiriques indiquent que, chaque année, un nombre croissant de Canadiens et de compagnies de l’ocde déplacent leur lieu de production, accélèrent la sous-traitance et engagent un grand nombre de travailleurs moyennement qualifiés et qualifiés en provenance de pays du tiers monde. Si on en croit les critiques, cette abondance de travail allant des pays riches aux pays pauvres, sans perte de productivité, est ce qui va mettre les travailleurs âgés au chômage. Les faibles coûts de production et la performance productive des travailleurs du tiers monde est un signal d’alarme. Les emplois bien rémunérés, jadis conçus comme faisant partie du domaine de la main-d’œuvre au Canada ne sont plus garantis, même pour les travailleurs âgés. Par ailleurs, le fait que ces derniers quittent le marché du travail ne renforcera pas la croissance de productivité de la main-d’œuvre en place.
45Selon l’ocde, « il est probable que le vieillissement de la main-d’œuvre va créer et accroître le besoin pour les travailleurs plus âgés de changer d’emploi, parce que plusieurs seront mis de côté »37 . Comme nous l’avons vu, tout le monde n’est pas d’accord avec ces lugubres prédictions. Ainsi, pour certains, la retraite prématurée est un bénéfice de l’État providence et une occasion de se réjouir : « la capacité de profiter d’une période de retraite après une vie consacrée au travail est un but social acceptable. Étant donné [...] que les pays se sont enrichis durant la dernière moitié du siècle, il n’est pas surprenant qu’ils utilisent une partie de cette richesse pour subventionner une partie des loisirs qui vient après une vie de travail »38 . Pourquoi serait-ce une mauvaise chose ? Peut-on vraiment dire qu’une main-d’œuvre vieillissante est un problème économique, ainsi que plusieurs le suggèrent ? Le sociologue James Schulz et ses collègues n’en croient pas un mot. En réalité, ils sont convaincus que le débat vieillissement/productivité est faible, flou, pauvrement documenté et erroné :
Les publications faisant mention du « poids des plus vieux » sont non seulement exagérément simplistes, mais elle nous encouragent à examiner des solutions aux mauvais endroits. Aujourd’hui comme par le passé, les plus importants facteurs du bien-être économique futur des personnes de tous âges sont les facteurs à long terme qui influencent la croissance dont discutent les économistes, à savoir la participation au marché du travail, l’épargne, l’investissement dans le capital commercial et humain, les changements technologiques, l’esprit d’entreprise, le management, les infrastructures gouvernementales, etc. Le débat sur la manière de gérer un système économique n’est pas d’abord une question de vieillissement. En fait, le vieillissement des populations a probablement peu à voir avec le résultat39 .
46Schulz et ses collègues soutiennent que, avant même d’avoir prouvé qu’il y a un véritable problème, plusieurs auteurs sont passés aux conclusions. D’habitude, les solutions qu’ils proposent sont au nombre de trois : 1) réduire les pensions accordées par l’État ; 2) cibler les interventions en faveur des personnes dans le besoin ; 3) encourager les gens âgés à travailler plus longtemps. Mais ces étapes sont-elles nécessaires ?
Que savons-nous vraiment du vieillissement et de la productivité ?
47Il faut souligner qu’il y a peu d’études rigoureuses consacrées à la relation entre le vieillissement et la productivité. Du reste, les chercheurs ne s’accordent pas sur la meilleure façon de mesurer les conséquences économiques à long terme de la croissance de la population et de la main-d’œuvre40 . Comme nous le verrons plus loin, l’idéologie ambiante s’appuie souvent sur des anecdotes, sur la théorie économique néoclassique (employée de manière sélective) et sur quelques études dont les résultats pourraient bien être une exception à la règle plutôt que la règle elle-même. Par exemple, l’étude récente de l’ocde, The Transition from Work to Retirement, affirme :
Une analyse du marché du travail pour les travailleurs âgés comporte des considérations sur les facteurs de demande et d’offre de travail propres à ce groupe d’âge, ainsi qu’une évaluation des tendances générales du marché. L’analyse de la demande aborde la question de la productivité des travailleurs âgés, leur salaire sur le marché, les coûts d’embauche et de formation des travailleurs et leur dossier de santé, en d’autres mots un profil des coûts totaux pour l’entreprise. L’analyse de l’offre aborde des facteurs comme la santé et le revenu domestique, la portée et la nature des bénéfices et des pensions disponibles, ainsi que la préférence accordée aux loisirs plutôt qu’au travail. Ce chapitre couvre à la fois les éléments de la demande et de l’offre qui influencent l’embauche des travailleurs âgés ; mais il faut reconnaître qu’il y a peu de données concernant les éléments qui composent la demande, surtout en ce qui concerne la productivité des travailleurs âgés41 .
48À propos du Canada, l’Institute for Human Development, Life Course and Ageing, de l’Université de Toronto, fait observer :
Les questions propres aux recherches que nous menons n’ont pas trouvé de solutions dans les études actuellement disponibles [...]. Il n’y a que peu ou pas de données qui concernent le niveau de conscientisation de la gestion du vieillissement de la main-d’œuvre et qui portent sur les efforts faits par les compagnies canadiennes pour adapter leur organisation de travail aux travailleurs âgés. Nous ne connaissons pas les circonstances spécifiques qui font que l’innovation dans l’organisation du travail conduise à l’appauvrissement de la formation ou à la mauvaise formation des travailleurs âgés ou à la combinaison de ces deux effets. Nous ne savons pas non plus s’il y a des avantages perçus ou réels ou des obstacles à l’adoption de nouvelles pratiques d’organisation du travail par les travailleurs âgés. Il semble que l’on ait affaire à des stéréotypes concernant la capacité des travailleurs âgés à changer et à s’adapter ; toutefois, nous sommes incapables de trouver des études empiriques qui ont examiné les expériences actuelles des travailleurs âgés par rapport aux nouvelles formes d’organisation du travail42 .
49Frank T. Denton et Byron Spencer vont dans le même sens. Dans leur récente étude sur les coûts potentiels d’une main-d’œuvre vieillissante, ils font remarquer ceci :
Un secteur important pour la recherche est le déclin de la participation des hommes âgés au marché du travail et le mouvement vers la retraite. Les raisons de ces tendances ne sont pas encore suffisamment claires, bien qu’elles soient présentes depuis longtemps. Le mouvement des hommes âgés vers la sortie du marché du travail pour devenir une « population dépendante » est sans aucun doute important. Car, si on évalue les effets du vieillissement de la population, on constate que cela augmente le nombre de personnes à charge et réduit la capacité de l’économie à leur apporter du soutien. Nous voudrions voir un programme de recherche bien subventionné afin de pouvoir examiner les questions pertinentes, et plus particulièrement le rôle joué par la rigidité institutionnelle dans les régimes de pension privés et publics [...]43 .
50Toutes ces questions non résolues ne sont pas nécessairement causées par des lacunes dans la recherche. Notre confusion, notre ignorance et nos incertitudes tiennent sans doute à la complexité de ces questions et au manque de données fiables, qui nous empêchent de répondre à ces questions d’une manière assurée. Comme Richard Disney l’admet dans son ouvrage Can We Afford to Grow Olderl A Perspective on the Economics of Aging, « il est difficile de répondre à la question du vieillissement et de la productivité parce qu’il est difficile de trouver des mesures de productivité plausibles afin d’examiner ces hypothèses. [...] Les effets de groupes, le facteur âge et d’autres facteurs de productivité peuvent tous interagir ; dès lors, mettre en lumière les effets nets des changements démographiques devient une tâche complexe »44 . Pouvons-nous faire confiance aux chiffres si nos techniques statistiques ne sont pas capables de mesurer correctement les « effets nets » d’une main-d’œuvre vieillissante sur la productivité ?
51Il semble que les répercussions sociales, financières et économiques des changements démographiques récents sont toujours inconnues ou mal évaluées. Toutefois, les gouvernements et les politiciens ne peuvent en toute conscience agir comme si de rien n’était. La responsabilité envers la population et l’intérêt propre éclairé soulignent le besoin de discerner avec prudence les tendances et de se préparer à un avenir qui sera différent du statu quo et invalidera les politiques publiques, les programmes et les stratégies existantes. À cet effet, il est important de considérer le lien entre le vieillissement de la population et le déclin de la productivité économique, de même que le corollaire politique qui affirme que, pour rajeunir la production stagnante du Canada, il faut mettre de côté les travailleurs âgés et faire place aux jeunes, lesquels, prétend-on, sont mieux formés, moins chers et plus dynamiques45 . Il est nécessaire aussi de souligner que les études dont sont tirées ces conclusions sont discutables. En effet, elles s’appuient principalement sur des sondages de recherche et des analyses statistiques (parfois périmées) qui portent presque exclusivement sur la main-d’œuvre américaine. En outre, elles sont non concluantes, imprécises, et ne répondent pas toujours aux questions. Ces études peuvent aider à constituer un programme de recherches, mais aucunement à tirer des conclusions solides. Il faut également mettre l’accent sur le fait que les possibilités d’emploi et la productivité des travailleurs âgés n’est pas exclusivement un problème économique ou technologique. Les perceptions, les attentes et les valeurs entrent aussi en jeu. Comme Glenn Loury l’a fait remarquer,
les économistes ont actuellement une influence remarquable sur les politiques ; en tant qu’économiste, cela me rend plutôt fier. Mais, à cause précisément de l’influence considérable qu’exerce ma discipline, il est important d’en comprendre les limites [...]. Lorsqu’il est question de détails [...], la vision du monde des économistes peut être étroite et réductrice [...]. L’attention unilatérale portée aux motivations et à la poursuite de l’intérêt propre qui caractérise l’analyse économique peut être une grande force, mais elle peut aussi constituer une erreur fatale [...]. Cela devient plus clair lorsque l’on considère que l’élaboration des politiques ne consiste pas seulement à fournir des solutions techniques aux problèmes de gouvernance. Il faut également prendre en considération les actions symboliques qui expriment les valeurs et les croyances des gens46 .
Profil des travailleurs canadiens âgés
52La proportion de personnes âgées qui font partie de la main-d’œuvre au Canada est remarquablement plus basse que dans les autres pays de l’ocde. Smeeding et Quinn (1997) signalent un taux de participation de 60 % chez les Canadiens de sexe masculin âgés de 55 à 64 ans. Ce chiffre correspond à ceux que l’on retrouve en Australie, au Royaume-Uni et en Allemagne ; par contre, il est plus bas que celui des États-Unis et celui de la Suède (66 % et 70 %). La comparaison est encore plus défavorable par rapport au Japon. L’ocde a récemment rapporté des taux de 92,1 % et 71,4 % pour les Japonais de sexe masculin âgés de 55 à 59 ans et de 60 à 64 ans47 . Plusieurs explications ont été proposées pour justifier cette différence stupéfiante dans les taux de participation :
- les pensions dans les pays autres que le Japon sont suffisamment généreuses pour décourager le travail à un âge avancé ;
- les gens âgés dans les nations occidentales n’ont pas une aussi bonne santé que les Japonais et sont de ce fait moins capables de travailler à un âge avancé ;
- les perspectives d’emploi pour les gens âgés sont plus grandes au Japon ;
- les gens âgés au Japon sont plus intéressés à travailler que les gens âgés des autres nations ;
- la société japonaise accorde plus de valeur au travail et à la productivité que les autres sociétés ;
- les initiatives et les motivations politiques pour l’embauche et le maintien des travailleurs âgés sont différentes au Japon par rapport aux autres pays48 .
53Toutefois, aucune de ces hypothèses n’est appuyée par une recherche actuelle. John Creighton Campbell a plutôt mis de l’avant une autre possibilité, à savoir des différences d’attitude. Au Japon, les travailleurs âgés ne sont pas considérés comme des fardeaux économiques ; au contraire, ils sont perçus comme des atouts et sont encouragés à demeurer actifs.
Les efforts pour aider les gens âgés à travailler est l’aspect le moins surprenant des politiques japonaises à l’égard des aînés. La plupart des pays européens ont cherché à écarter les gens âgés du marché du travail afin de trouver une solution au problème de l’emploi chez les jeunes. Les États-Unis se sont efforcés d’éliminer les barrières légales qui permettaient aux gens âgés de préserver leur emploi, [...], mais ils ont peu fait pour améliorer les capacités de ceux-ci à travailler ou pour encourager les employeurs à les engager ou à les garder. Seul le Japon poursuit une politique positive et constante de préservation et de création d’emplois pour les gens âgés ; lui seul a mis au premier plan des politiques gouvernementales d’emploi qui tiennent compte du vieillissement de la société49 .
La participation au marché du travail au Canada
54Les taux de participation des travailleurs âgés sont en baisse au Canada et dans la plupart des pays de l’OCDE. Smeeding et Quinn ont calculé une chute moyenne de 0,6 à 1,5 % par an pour les taux de participation de tous les pays de l’OCDE de 1970 à 1985. Pendant cette période, le Canada et les États-Unis ont également fait l’expérience d’une baisse des taux de participation d’une moyenne de 1 % par an50 . Suzanne Methot rapporte une tendance similaire et note que les « niveaux d’emplois » pour les Canadiens âgés de plus de 65 ans ont chuté rapidement ces dernières décennies. « Au même moment, il y a eu une hausse du travail à temps partiel volontaire chez les Canadiens âgés qui travaillent toujours. De même, seul un petit pourcentage de la population des plus de 65 ans qui ne sont pas sur le marché du travail se disent disposés à travailler ». Entre 1966 et 1994, le taux de participation pour les hommes âgés de 55 à 64 ans a chuté de 86 à 60,3 %. Pendant cette même période, les femmes du même âge ont augmenté leur taux de participation de 28,4 à 39 %. Toutefois une grande partie des emplois occupés par les femmes était à temps partiel : les chiffres étaient de 2,3 % pour les hommes et de 25,5 % pour les femmes en 1980, et de 2 et 27,2 % en 199051 . Les mêmes tendances ont été observées dans la plupart des pays de l’OCDE, le Japon faisant encore exception.
55La baisse continue des taux de participation des travailleurs âgés est habituellement reliée à la hausse des retraites prématurées. Sunter et Bowlby avancent des hypothèses sur les causes de ce phénomène :
[...] ce n’est pas seulement le résultat des départs obligés du marché du travail. En fait, les raisons de la retraite, telles qu’elles ont été mesurées par l’Enquête sociale générale de Statistique Canada, ont changé de façon marginale entre l’expansion des années 1980 et la récession du début des années 1990. Bien que la proportion de gens qui ont pris leur retraite en raison d’incitatifs ait presque doublé, passant de 7 % à 12 %, la proportion de ceux qui ont quitté par manque d’emploi n’a grimpé que de 10 % à 12 %. Les décisions personnelles et la santé demeurent les raisons principales de la retraite au début des années 199052 .
56Selon l’ocde, la hausse continue du travail à temps partiel chez les gens qui ont l’âge de la retraite provient largement d’un retrait volontaire graduel des travailleurs âgés du marché du travail53 . Ceux qui optent pour un travail à temps partiel, que l’on appelle souvent « emploi tampon », gagnent un salaire moins élevé. David P. Ross et Richard Shillington signalent que les Canadiens qui prenaient ces « emplois tampons » alors qu’ils arrivaient à l’âge de la retraite, voyaient leur salaire diminué de près de deux tiers54 .
57Un modèle passablement plus complexe semble être apparu aux États-Unis. En 1959, les trois quarts des hommes de plus de 65 ans étaient toujours sur le marché du travail. Le taux de participation de 66 % en 1995 fut plus bas ; mais le taux avait fini de chuter en 1985. Selon Joseph Quinn, « l’ère des retraites de plus en plus prématurées semble s’être arrêtée brusquement »55 . Entre-temps, le nombre d’hommes et de femmes travaillant à temps partiel semble avoir augmenté. Sum et Fogg (1990) signalaient qu’en 1987, le taux chez les travailleurs âgés de 55 à 59 ans était de 20 %, deux points de plus qu’en 196856 . En revanche, Christopher Ruhm (1996) observe qu’il n’y a pas eu un grand changement dans le nombre de travailleurs âgés qui travaillent à temps partiel57 . De son côté, Olivia S. Mitchell et Joseph Quinn (1995) estiment que « la vaste majorité des Américains âgés qui travaillent à temps partiel disent qu’ils le font de façon volontaire ». Mais ils affirment aussi que les travailleurs âgés quittent le marché de l’emploi en raison des incitatifs et des éléments financiers dissuasifs, tels que les plafonds salariaux déterminés par la Sécurité Sociale et les restrictions salariales imposées par les régimes de pensions à bénéfices définis58 .
Le chômage chez les Canadiens âgés
58Le taux de chômage varie chez les Canadiens âgés selon les régions. Au Québec et dans les provinces de l’Atlantique, le risque de chômage est pratiquement le double de la moyenne nationale. Les causes probables de ce phénomène résident dans les différences de concentration des industries traditionnelles par rapport aux entreprises « modernes », dans la taille des compagnies, la nature cyclique de l’économie, l’éducation, la mobilité et la dépendance de l’assistance sociale. Une cause, toutefois, peut être écartée, à savoir la différence de proportion des citoyens âgés par rapport à la main-d’œuvre totale, les concentrations étant plus ou moins les mêmes partout au pays.
59Dans tout le Canada, les travailleurs âgés se tirent mieux d’affaires en moyenne que les autres groupes d’âge. En 1997, le taux de chômage pour les travailleurs âgés de 55 à 64 ans était de 6,7 % ; parmi les travailleurs âgés de 25 à 54 ans, il était de 7,9 %. Les travailleurs âgés font mieux, même s’ils n’ont pas le même niveau d’éducation. En 1995, les travailleurs âgés qui n’avaient pas de diplôme d’études secondaires avaient un taux de chômage de 11,4 % ; pour les mêmes travailleurs âgés de 25 à 44 ans, le taux était de 16,7 %. Statistique Canada fait remarquer que « rien n’indique un écart plus grand ou plus faible à long terme »59 . Il faut toutefois souligner que, pour les femmes, le taux de chômage des jeunes et celui des moins jeunes ont commencé à converger depuis peu. En 1997, par exemple, les femmes âgées avaient un taux de 7,3 %, en comparaison d’un taux de 7,9 % pour les jeunes femmes. Les taux de chômage diffèrent entre ces deux groupes parce que les travailleuses âgées ont de meilleures positions et une meilleure sécurité ; les jeunes travailleuses, en tant que groupe, sont extrêmement vulnérables au congédiement et aux changements économiques. Par exemple, entre 1981 et 1984,7 % des personnes âgées de 55 à 64 ans ont perdu leur emploi à temps plein en raison des compressions, des fermetures ou des congédiements ; parmi les travailleuses dans la force de l’âge, le taux était de 10 %.
60Mais il serait faux de conclure que les travailleurs âgés échappent aux effets du chômage. Quand ils n’ont plus d’emplois, ils ont plus de difficulté que les autres groupes d’âge à se trouver un autre emploi. Plusieurs études estiment qu’ils sont sujets à des « congédiements permanents »60 . B. Casey et S. Wood (1994) révèlent qu’en Angleterre les taux de chômage sont relativement élevés parmi les jeunes et les vieux, et plus bas chez les gens d’âge moyen61 . La même situation existe au Canada et aux États-Unis. Seulement 39 % des Canadiens âgés qui ont perdu leur emploi entre 1981 et 1984 furent embauchés avant 1986 ; pour les travailleurs âgés de 25 à 54 ans, les chiffres étaient de 65 %. De plus, les travailleurs âgés ont pris en moyenne plus de temps pour se réinsérer dans la vie active : 37 semaines en comparaison de 27 pour les travailleurs âgés de 25 à 54 ans. Une étude datant de 1996 confirme cette tendance. Une fois remercié, un travailleur âgé avait 63 % de probabilité de ne pas avoir d’emploi un an plus tard, contrairement à 30 % chez les travailleurs d’âge moyen. Cette étude signalait également que parmi ces travailleurs qui n’avaient toujours pas trouvé d’emploi un an plus tard, 47 % seulement cherchaient toujours un emploi, alors que 70 % des jeunes travailleurs n’avaient pas abandonné62 .
61L’expérience de plusieurs pays de l’ocde est du même ordre. Aux État-Unis, entre 1985 et 1990,14 % des travailleurs remplacés étaient âgés de 55 à 64 ans. L’ancienneté n’offrait même plus de protection. Près de 40 % de ceux qui furent congédiés perdirent un emploi qu’ils avaient depuis plus de 20 ans. Seuls 53 % de ces travailleurs furent en mesure de trouver un autre emploi avant 1990 ; parmi les travailleurs d’âge moyen, les chiffres étaient de 72 %. Le U. S. Bureau of Labor Statistics signale que près d’un tiers des Américains âgés ont été écartés de façon permanente du marché de la main-d’œuvre durant cette période, cette proportion étant beaucoup plus élevée que la moyenne de 14 %63 .
62Kelly Morrison, pour sa part, a constaté que 53 % des Canadiens qui perdirent leur emploi au début des années 1990 n’ont pas subi de perte de salaire lorsqu’ils ont trouvé un autre emploi. En règle générale, le problème du salaire n’a pas joué un rôle décisif dans la réinsertion des travailleurs plus âgés64 . La situation est la même dans les autres pays de l’OCDE, et particulièrement aux États-Unis. Plusieurs travailleurs américains licenciés ont accepté des salaires moins élevés au moment de leur retour au travail ; toutefois, ces travailleurs âgés étaient plus susceptibles que les jeunes de subir des réductions de salaires, celles-ci atteignant parfois 20 %. Les explications fournies étaient en général la discrimination générationnelle, la perte de connaissances spécifiques et un manque de formation postsecondaire.
63Les auteurs d’une étude récente de l’ocde, Ageing in oecd Countries : A Critical Policy Challenge, donnent plusieurs explications de cette réticence à embaucher des travailleurs âgés. La première est qu’ils sont moins productifs, étant donné qu’en l’absence d’une formation continue, leur savoir-faire et leur expérience deviennent vite dépassés. Une autre hypothèse est que la productivité de la main-d’œuvre, qui, selon certaines études, continue d’augmenter jusqu’à l’âge de 55 ans, baisse rapidement par la suite, en raison de la détérioration de la condition physique et des connaissances des intéressés. En définitive, les auteurs de cette étude soutiennent que la relation normale entre l’ancienneté et les salaires rend peu économique l’embauche des travailleurs âgés. C’est la raison pour laquelle la chute du taux de participation des travailleurs âgés n’a pas entraîné une baisse du taux de chômage général. Les mises à pied ou la retraite forcée des travailleurs âgés, selon ces auteurs, ont probablement « aggravé le problème à long terme », en augmentant les impôts sur le salaire nécessaires à entretenir de tels programmes de retraite65 .
L’éducation et la tendance au travail spécialisé
64Au Canada, les travailleurs âgés ont généralement moins d’éducation que leurs collègues plus jeunes. Un sondage de Statistique Canada (1991) a utilisé comme critère d’alphabétisation la capacité de lire une étiquette de médicaments. Cette étude a permis de constater que 33 % des adultes âgés de 55 à 69 ans étaient analphabètes, 21 % des gens âgés de 44 à 55 ans et plus ou moins 9 % des jeunes travailleurs. Les Canadiens âgés étaient encore plus nombreux à être analphabètes : 40 % en comparaison de 12 % pour les jeunes66 . Dans le même ordre d’idées, Schellenberg (1994) a observé que les travailleurs âgés sont susceptibles d’être plus analphabètes que les jeunes travailleurs ; la grande majorité d’entre eux n’a pas de diplôme d’études secondaires ou postsecondaires67 . Ainsi, en 1994, 18,5 % seulement des travailleurs âgés de 55 à 64 ans avaient une scolarité supérieure à une 8e année, alors que les travailleurs âgés de 25 à 44 ans étaient à peu près tous scolarisés à ce niveau (-2,9 %). Morrison (1996) souligne que 24 % des travailleurs d’âge moyen étaient susceptibles de participer à un programme de formation de travail, en comparaison de 10 % pour ceux qui étaient âgés de 55 à 64 ans. La disparité dans les niveaux d’éducation est plus prononcée chez les femmes. Un sondage de 1997 estimait que 31 % des travailleuses de plus de 55 ans n’avaient pas terminé leurs études secondaires. Les chiffres indiquaient 12 % pour les femmes âgées de 25 à 54 ans68 .
65Les différences d’éducation semblent avoir un effet sur l’emploi. Le Développement des ressources humaines du Canada estime que le congédiement des travailleurs âgés est inversement proportionnel à leur niveau d’éducation. En 1995 et 1996,56 % des travailleurs âgés qui avaient été remerciés n’avaient pas de diplôme d’études secondaires, autrement dit « plus de 3 fois la proportion des travailleurs âgés qui ont un diplôme d’études secondaires ». De plus, les deux tiers des travailleurs âgés qui n’avaient pas de secondaire étaient toujours sans emploi un an plus tard, alors qu’un tiers seulement de ceux qui avaient un diplôme universitaire était toujours à la recherche d’un emploi69 . L’éducation apporte aussi une « prime » salariale. Une autre étude du Développement des ressources humaines au Canada estime que, de 1981 à 1993, le salaire moyen pour ceux qui ont une éducation postsecondaire représentait environ le double de celui des travailleurs qui ne possédaient qu’entre 9 et 13 années de scolarité. La prime salariale était de 21300 $ pour les hommes et de 14 900 $ pour les femmes. Les hommes âgés de 45 à 54 ans sont ceux qui ont le plus profité d’une éducation poussée. Leur prime salariale moyenne de 30 000 $ était quatre fois plus élevée que celles des travailleurs âgés de 17 à 24 ans. Les femmes âgées s’en tiraient beaucoup mieux ; leur prime salariale de 15 600 $ était deux plus fois plus élevée que celle des femmes âgées de 17 à 24 ans70 .
66Il n’est pas certain qu’une éducation supérieure ajoute véritablement à la productivité d’un travailleur. L’éducation est souvent utilisée comme un moyen de sélectionner les candidats. En fait, la prédominance des travailleurs instruits peut simplement refléter les forces de l’offre et de la demande. Si un diplôme de 1" cycle est maintenant aussi commun qu’un diplôme d’études secondaires, les compagnies pourront tout aussi bien engager un diplômé universitaire. Pourtant, il n’y a pas si longtemps des employeurs refusaient d’embaucher des diplômés en sciences humaines ou en sciences sociales ; malgré leur diplôme universitaire, ils n’étaient pas perçus comme de bons investissements ou comme possédant un potentiel leur permettant de contribuer à la productivité et à la rentabilité des entreprises. Qu’est-ce qui a changé ?
67L’absence de scolarisation des travailleurs âgés est particulièrement significative par rapport aux tendances récentes des offres d’emploi. Les industries traditionnelles comme les entreprises manufacturières et l’agriculture ont souffert du manque de croissance, du déclin de la productivité, de la plus grande concurrence et de la volatilité du marché. En revanche, durant ces 25 dernières années, « les travailleurs instruits » ont augmenté plus rapidement que tous les autres facteurs de production. En 1971, ils représentaient 6,3 % de tous les travailleurs ; en 1996, ce nombre était passé à 13,1 %71 . Les travailleurs instruits ont augmenté deux fois plus vite que les autres travailleurs dans le secteur des services. Kathryn McMullen, chercheuse au Canadian Policy Research Network, a constaté une tendance similaire :
- À la fin de 1994,43 % des employés dans les firmes qui ont participé à l’enquête utilisaient une technologique informatique (computer-based technology — cbt).
- De 1992 à 1994, l’introduction de ces technologies eut pour résultat la création d’emplois professionnels spécialisés et l’élimination des emplois ne nécessitant aucune formation.
- La part des emplois techniques professionnels a augmenté pendant cette période.
- Parmi les groupes occupant des emplois peu ou pas spécialisés, les exigences de connaissances se rapportant à la « résolution des problèmes » ont augmenté.
- Environ 80 % des répondants qui ont mis en place ces technologies durant la période étudiée ont admis que celles-ci ont entraîné une réorganisation des processus de travail.
- Des trois obstacles les plus fréquemment cités à l’introduction de ces techniques, on retrouve, entre autres, le manque de personnel qualifié72 .
68Norman Leckie signale que l’introduction des ordinateurs et des nouvelles technologies a augmenté la « complexité cognitive » du travail moyen de 12 %73 . De telles tendances sont encore plus impressionnantes si on se fie aux données récentes qui estiment que « la mise à niveau et la formation » pour des fins de travail a presque disparu parmi les travailleurs âgés74 .
69En matière d’éducation, plusieurs études montrent que les travailleurs âgés aux États-Unis ont fait de grands progrès par rapport aux générations précédentes. Bien qu’ils soient moins instruits que les jeunes travailleurs, ils ont toutefois, ces vingt dernières années, fait l’effort d’obtenir un diplôme d’études secondaires, parfois même postsecondaires. Ainsi, en 1968, deux tiers des gens âgés de plus de 55 ans n’avaient pas terminé leur secondaire ; en 1987,41 % seulement des travailleurs âgés étaient dans cette situation. Durant cette même période, la proportion de travailleurs âgés ayant achevé leurs études secondaires et postsecondaires est passée de 34 % à 58 %, la part des travailleurs ayant fait au moins une année universitaire, de 14 à 24 %, et celle de ceux qui étaient titulaires d’un diplôme universitaire, de 7 à 12 %. Le salaire horaire et le salaire annuel des travailleurs âgés a augmenté également durant cette période. Par contre, leur taux de participation au marché de la main-d’œuvre et les perspectives d’emploi n’ont pas changé. Au Canada, comme aux États-Unis, les travailleurs âgés possédant peu d’instruction sont plus susceptibles que les jeunes travailleurs d’être mis à pied ou écartés du marché du travail75 . Notons également que, selon le Conférence Board of Canada (1997), 40 % des Canadiens adultes ont un diplôme d’études postsecondaires, par rapport à 30 % aux États-Unis et 20 % en moyenne pour les autres pays de l’OCDE76 .
70Les tendances selon les secteurs d’emploi chez les travailleurs âgés sont également plus favorables aux États-Unis. Entre 1968 et 1987, la proportion de travailleurs âgés engagés par des industries traditionnelles passa de 36,5 à 30,6 %. La plupart d’entre eux allèrent vers des emplois dans le domaine de la finance, des assurances ou de l’immobilier ; en 1987, 41 % d’entre eux travaillaient dans le secteur des services, par rapport à 33 % en 1968. Toutefois, un bon nombre de travailleurs américains demeurèrent dans les industries traditionnelles. Leur transition ne se réalisa pas sans difficultés. Le Bureau of Labor Statistics rapporte que durant la transition, les travailleurs âgés subirent des pertes salariales, de longues périodes de chômage et des retraits du marché de la main-d’œuvre au-dessus de la moyenne77 .
La productivité des travailleurs âgés
71Plusieurs études établissent un rapport entre l’âge et la productivité. Mary Jablonski, Kent Kunze et Larry Rosenblaum ont utilisé les salaires afin d’évaluer la productivité, en partant de l’hypothèse que dans une économie concurrentielle dominée peu les compagnies qui maximisent le profit, le salaire payé à des groupes de travailleurs spécifiques est égal à la valeur de leur produit marginal. Étant donné que les travailleurs âgés ont plus d’expérience, ils s’attendent à trouver un rapport positif entre l’âge et la productivité. Cette hypothèse s’est vue confirmée par des données s’échelonnant de 1948 à 1986. Les auteurs de cette recherche ont constaté que, compte tenu de la composition de la main-d’œuvre, de l’éducation et du taux de croissance de la productivité horaire, la productivité des travailleurs augmentait jusqu’à l’âge de 40 ans, puis baissait très légèrement par la suite :
La productivité des travailleurs atteint 90 % de la performance optimale (avec l’une ou l’autre exception) chez les hommes et les femmes de 60 ans et atteint 80 % chez les personnes âgées de plus de 65 ans. La faible baisse de productivité chez les travailleurs âgés est confirmée par les équations salariales [...]. Les travailleurs âgés plus instruits gagnent toujours un salaire supérieur à la moyenne économique (et ont une productivité plus haute que la moyenne). Ce groupe inclut les hommes possédant au moins un diplôme d’études secondaires et les femmes qui ont une formation universitaire. Lorsque ces travailleurs choisissent de prolonger leur carrière plutôt que de prendre leur retraite, il en résulte une composition du travail et une croissance de productivité plus élevées que s’ils choisissaient la retraite78 .
72Une étude datant de 1985 par Yankelovich, Skelly et White pour l’American Association of Retired Persons chercha à examiner les attitudes des employeurs américains envers les travailleurs de plus de 50 ans. Ces auteurs constatèrent que le climat des affaires avait changé totalement par rapport aux années 1960 et 1970, où un esprit égalitaire prédominait, mettant l’accent sur les droits plutôt que sur le mérite. Les années 1980, disent-ils, introduisirent un « nouveau réalisme » ; les dirigeants commerciaux s’engagèrent activement à mettre en place des « buts réalistes » et à imposer des « limites réalistes » dans leur volonté d’optimiser les coûts. Dans ce contexte, les travailleurs âgés furent plus susceptibles d’être surveillés. Il est d’autant plus remarquable d’ailleurs, qu’au moment de leur étude, les travailleurs âgés étaient perçus par les « gardiens » du commerce américain non comme des fardeaux mais comme de bons investissements. Les employeurs avaient en estime leur expérience, leur connaissance, leurs habitudes de travail et leur attitude. Les travailleurs âgés recevaient les meilleures cotes de productivité, les employeurs accordant également une très grande valeur à leur engagement envers la qualité et à leur « dossier spectaculaire de performance ». Rien n’indiquait une forme de discrimination à l’endroit des travailleurs âgés ; ce qui n’empêcha pas les directeurs de compagnies de s’opposer aux nouvelles réglementations gouvernementales en vue d’améliorer leurs droits. Huit des dix compagnies sondées s’accordèrent pour dire que la majorité de leurs employés désiraient travailler le plus longtemps possible. Les directeurs insistèrent toutefois sur le fait que l’emploi continu doit dépendre des capacités de l’employé à produire et à contribuer aux objectifs de la compagnie. Les travailleurs âgés ne recevront pas de traitement de faveur ; ils sont comme n’importe quel autre travailleur, une valeur de production qui doit être utilisée pleinement. Les directeurs croyaient que la performance dépendait exclusivement de l’individu, non de l’âge ou de l’ancienneté79 .
73Par ailleurs, Yankelovich et ses collègues relevèrent le fait que les plus grandes compagnies s’inquiétaient de certaines faiblesses touchant davantage les travailleurs âgés, à savoir la résistance au changement, la peur ou l’inconfort envers les nouvelles technologies, un manque d’esprit d’entreprise, une incapacité d’acquérir de nouvelles aptitudes rapidement et des limites physiques. Ce fut le cas plus particulièrement des compagnies qui avaient effectué de substantiels investissements technologiques et informatiques. Yankelovich et ses collaborateurs ne furent pas en mesure de déterminer si cette résistance perçue à la technologie était due à l’incompétence ou à un « sain scepticisme ». Les compagnies ayant une grande proportion de travailleurs âgés s’inquiétaient des coûts possibles ; mais, d’une manière générale, elles ne pensaient pas qu’il y avait là un problème, l’avantage d’avoir des travailleurs âgés dans leur personnel faisant contrepoids aux coûts. En fait, en matière d’assurance-maladie, les travailleurs âgés étaient bien moins chers que leurs collègues plus jeunes :
16 % seulement des surveillants évaluaient les travailleurs de 55 ans et plus comme étant très coûteux à assurer. En revanche, une personne de 30 ans avec 2 personnes à charge était considérée comme dispendieuse par 34 % des répondants. La différence est encore plus spectaculaire dans les grandes compagnies : les surveillants étaient trois fois plus susceptibles d’attribuer de hauts coûts d’assurance aux jeunes employés avec des personnes à charge qu’ils l’étaient pour les travailleurs de 50 ans et plus, bien que peu de grandes compagnies (49) aient considéré les coûts de santé pour les travailleurs âgés comme « insignifiants » par rapport aux compagnies en général80 .
74Finalement, alors que la moitié des compagnies sondées croyaient que la formation des travailleurs âgés améliorerait leur performance, moins d’un tiers avaient mis en place de tels programmes. Yankelovich conclut que l’avenir des travailleurs âgés est incertain, du point de vue de la direction d’entreprises ; ils ont en main les clés de leur destin.
75Michael Barth et ses collaborateurs estiment que seules quelques études ont examiné le vieillissement et la production à l’aune de toutes les industries. Peu de compagnies conservent des données systématiques de productivité sur les employés, et il y a encore moins de données concernant la relation âge/productivité. Les directeurs semblent peu intéressés par les différences d’âge au niveau des coûts et de la productivité des employés. Les quelques études qui portent sur l’ensemble des industries, ajoutent-ils, ont constaté une faible corrélation entre l’âge et le déclin de la productivité, en tout cas pas suffisante pour justifier des politiques de retraite obligatoire. La productivité des cols bleus diminue avec l’âge ; en tant que groupe, ils sont plus susceptibles de prendre leur retraite plus tôt que les cols blancs. Dans leur propre étude des Days Inn of America et de B&Q pic (une grande chaîne de magasins britannique), ils ont observé que les travailleurs âgés étaient aussi compétents que les plus jeunes, et « concurrençaient largement leurs jeunes collègues au niveau de l’efficacité des coûts et des qualités »81 .
76Richard Belous (1990), de la National Planning Association, a passé en revue plus de 50 études consacrées à la façon dont les travailleurs âgés étaient touchés par les changements dans le monde du travail aux États-Unis et aux pratiques salariales des années 1980. Il a constaté que les employeurs modifiaient les systèmes de compensations afin de lier les salaires et les bénéfices plus étroitement aux réalités économiques et moins aux habitudes et à la tradition ; que la politique de l’emploi était plus mouvante et plus soucieuse des besoins de l’entreprise. Les travailleurs temporaires ne se voyaient plus attribuer des contrats à long terme et devaient faire face à d’éventuels licenciements dès les premiers signes de baisse de régime, de pertes financières ou de revirement. L’emploi occasionnel augmentait plus rapidement que la moyenne de la main-d’œuvre entière. Ces compagnies qui maintenaient des relations à long terme avec leurs employés essayaient toujours de rendre ces relations plus souples. L’emploi à vie continua de diminuer, remplacé de plus en plus par un modèle de travail « au jour le jour ». La productivité devint une grande priorité pour les entreprises. Par exemple, en 1978 la productivité se classait au quatrième rang dans la liste des priorités des employeurs (la première étant les « modèles industriels ») ; alors qu’en 1983, elle occupait le premier rang. Les entreprises cessèrent de fonder leurs politiques salariales sur le comportement des autres compagnies et commencèrent à utiliser des critères internes : des changements dans les coûts de travail par unité de production et dans les profits escomptés. Les employeurs étaient convaincus que des emplois plus flexibles et occasionnels augmenteraient les chances d’emplois pour les travailleurs âgés qui désiraient demeurer sur le marché du travail ; leurs salaires et bénéfices moins élevés les rendraient plus séduisants aux yeux des employeurs. Belous souligne toutefois : « si le manque de travail n’est pas sérieux, plusieurs employeurs ne voudront peut-être pas faire l’effort d’effectuer des ajustements dans leur programme de recrutement. Si les programmes de recrutement ne sont pas établis en fonction des besoins et des préoccupations des travailleurs âgés, leur embauche n’augmentera pas malgré l’intérêt des employeurs à les engager »82 .
77Les travailleurs âgés qui sont intéressés à travailler à temps partiel ou sur une base temporaire n’étaient pas considérés comme de sérieux obstacles à l’amélioration de la productivité d’une compagnie. Les directeurs d’entreprises les percevaient comme ayant un grand sens éthique et de bons dossiers ; ils s’attendaient à ce qu’ils soient très productifs même au-delà de l’âge normal de la retraite (bien que la direction fût tout de même préoccupée de leur adaptation aux nouvelles technologies).
78Dans une étude récente (1998) pour la Towson University Center for Productive Aging, Donna Wagner s’est efforcée de découvrir les facteurs influençant la décision d’engager des travailleurs âgés. Elle constate que 70 % des employeurs sondés ne considèrent pas les coûts liés aux soins de santé comme un problème. Quatre-vingt-dix pour cent des compagnies ne croient pas qu’engager un grand nombre de travailleurs âgés ternirait l’image de leur entreprise. Les employeurs sont davantage prêts à conserver les travailleurs âgés et n’estiment pas, comme dans le passé, que la productivité et l’âge sont inversement proportionnels. Par contre, 50 % répondent que les niveaux de savoir-faire et de connaissances sont « des obstacles considérables à l’insertion de travailleurs âgés dans le marché de la main-d’œuvre ». Wagner ajoute : « Malgré le fait que l’Amérique vieillit et que nous avons de faibles taux de chômage jumelés à une forte économie, trop d’employeurs perçoivent les travailleurs âgés comme des marginaux ou, pire, comme des travailleurs nuisibles au succès économique de leur compagnie »83 . Près de la moitié des compagnies sondées envisagent d’augmenter le nombre de travailleurs âgés sur leur liste de paie. Soixante pour cent affirment qu’il est difficile de trouver des travailleurs âgés. Mais, si on va un peu plus loin, on s’aperçoit qu’une compagnie sur cinq seulement admet avoir mis en place un programme de recrutement des travailleurs âgés et que 10 % seulement ont une stratégie d’avenir pour l’embauche de ces mêmes travailleurs. Wagner recommande que le Department of Labour élabore une stratégie « pour augmenter la conscientisation des employeurs au sujet des changements démographiques qui auront une influence sur leurs besoins de travailleurs âgés dans le futur »84 .
79Glen McEvoy et Wayne Cascio (1989) ont passé en revue 96 études qui abordent la question de l’âge et de la productivité. Ces études furent publiées sur une période de 22 ans dans 96 revues scientifiques de tendance behavioriste. Ils n’ont constaté aucune relation entre l’âge et la performance au travail. Par ailleurs, les auteurs signalent que ces résultats n’ont pas été affectés par le type de mesure de performance utilisé ou le type d’emploi considéré (professionnel/non professionnel). Ils reconnaissent toutefois que leurs travaux ont porté sur des études transversales et qu’ils ont été incapables de dresser un tableau plus précis du lien entre l’âge et la productivité. Des études longitudinales et de petites études plus rigoureuses qui auraient vérifié les différences démographiques pour les différents groupes d’âge auraient été nécessaires85 .
80E. A. Hammel (1983) a étudié la productivité des chimistes et des mathématiciens à l’Université de Californie. Il trouve plusieurs raisons de remettre en question le « folklore » au sujet du vieillissement et de la productivité des universitaires âgés. Il n’a pas constaté que les universitaires âgés étaient plus productifs que les jeunes, ni non plus que l’âge avait un impact négatif86 .
81Paul R. Sparrow et D. R. Davis (1988), de leur côté, ont utilisé un échantillon de 1308 ingénieurs au service d’une compagnie multinationale fabricant des équipements de bureau, afin d’examiner les effets de l’âge, du titre, du niveau de formation et de la complexité du travail sur la performance. Dès le départ, ils signalent qu’une petite proportion seulement des travailleurs étudiés était âgée de 46 à 55 ans et qu’ils ont eu de la difficulté à vérifier les résultats par rapport à l’âge. Ils constatèrent qu’en moyenne la qualité de la performance augmentait dans les premières années, atteignait un sommet à l’âge moyen, et tombait par la suite. Toutefois, ils découvrirent également de grandes différences de performance entre les cas individuels. Il y eut aussi d’« amusantes » surprises. Selon eux, si l’âge a un effet statistique significatif sur la qualité et la rapidité de la performance, son effet est « minime ». La relation entre l’âge et la performance au travail n’est pas non plus, comme il fallait s’y attendre, affectée par la complexité du travail. La différence de performance peut être attribuée à la formation plutôt qu’à l’âge. Les ingénieurs ayant peu ou pas de formation se sont situés en deçà de la moyenne, quel que soit leur âge87 . Les recherches de Charness et Bosman (1994) vont dans le même sens. Alors qu’une baisse de la performance perceptive et cognitive est inévitable lorsque la main-d’œuvre vieillit, la formation et « l’intervention appropriée » peut véritablement pallier et contrôler les « conséquences négatives ». C’est, par conséquent, un « mythe » de prétendre que les travailleurs âgés sont moins productifs que les plus jeunes88 .
82Le Canadian Aging Research Network (carnet) a étudié les différences dans la manière dont les travailleurs âgés et les jeunes travailleurs s’adaptent aux nouvelles technologies à la Sun Life Assurance of Canada89 . Sun Life fut choisie parce qu’elle devance les entreprises dans son domaine, qu’elle est grande et très avancée sur le plan technologique, et qu’elle compte une main-d’œuvre âgée. Les chercheurs ne trouvèrent aucune différence d’adaptation ; les travailleurs âgés tout autant que les jeunes voyaient d’un bon œil l’introduction et l’application des nouvelles technologies. Le carnet souligne toutefois que certaines préoccupations se sont manifestées quant à la capacité des travailleurs âgés à s’adapter. En fait, les travailleurs âgés étaient prêts à assumer l’introduction des nouvelles technologies dans la compagnie, mais ils craignaient que celles-ci aient des répercussions sur leur emploi et sur leur mobilité. La moitié des travailleurs sondés (au moins) désirait se retirer avant l’âge obligatoire de 65 ans. Ceux qui étaient les plus disposés à prendre leur retraite prématurément étaient ceux dont le salaire était le plus élevé, qui avaient vécu des grands changements technologiques et dont la santé n’était pas très bonne.
83Toutes les études ne sont pas aussi positives concernant la relation âge/productivité. Entre 1956 et 1964, le U.S. Bureau of Labor Statistics examina de manière comparative la performance au travail relativement à l’âge, en prêtant une attention particulière à la production horaire des travailleurs dans le domaine du soulier et du meuble. Il constata que les travailleurs âgés de 25 à 34 ans étaient plus productifs que les travailleurs âgés de moins de 25 ans ou âgés de 55 à 64 ans. Dans l’industrie du soulier, les hommes âgés de 25 à 34 ans recueillirent 100,3 sur un index de rendement horaire, alors que les hommes âgés de 55 à 64 ans atteignaient le chiffre de 92,5. Les hommes de 65 ans et plus eurent des scores encore plus bas, recueillant 81,1. Il faut toutefois souligner que la même étude trouva également des variations considérables dans les taux de rendement au sein même de certains groupes. En examinant cela de plus près, les auteurs finirent par conclure que les variations de rendement n’étaient pas vraiment reliées à l’âge. Plusieurs travailleurs âgés par exemple, avaient en moyenne un meilleur rendement horaire que ceux qui avaient de 35 à 44 ans. Dans l’analyse finale, la productivité moyenne ne baissa pas vraiment avec l’âge, sauf pour les travailleurs de plus de 59 ans90 .
84E. Lazear (1979) remet en question les interprétations de Jablonski et de ses collègues, qui attribuent les salaires élevés des travailleurs âgés à une plus grande productivité. Il estime que les compagnies versent des salaires plus élevés aux travailleurs âgés non pas parce qu’ils sont plus productifs, mais afin de susciter de plus grands efforts de la part des jeunes travailleurs, qui deviendront un jour des travailleurs plus âgés. Par ailleurs, payer les jeunes travailleurs en deçà de leur rendement durant les premières années de travail est une manière habile de réduire les coûts de renouvellement du personnel et d’encourager la permanence91 . Dans le même sens, James L. Medoff et Katharine G. Abraham (1980) nient que les travailleurs âgés soient plus productifs. Selon eux, la corrélation apparente entre l’âge et la productivité provient simplement du fait que les travailleurs âgés sont plus susceptibles de se voir attribuer un travail approprié. En fait, les travailleurs ayant plus d’expérience ont tendance à être moins productifs, mais sont protégés par des contremaîtres avec qui ils travaillent depuis longtemps. Une autre possibilité est que les salaires élevés des travailleurs âgés proviennent de l’insistance des syndicats sur le principe d’ancienneté et non sur l’expérience supérieure ou la productivité92 .
85K. J. Gibson, W. J. Zerbem et R. E. Franken (1992), après avoir sondé 651 compagnies de Calgary, ont observé que 50 % des répondants ne pensaient pas que les travailleurs âgés étaient productifs ou devraient être encouragés à demeurer sur le marché travail après l’âge normal de la retraite. Plusieurs croyaient que les travailleurs âgés manquaient d’éducation et de formation appropriée, « limités par leur connaissance du métier, [...] étrangers aux nouvelles technologies, [...] craignant les mises à jour, [...] résistants aux changements, incapables de changer de carrière, et lents à apprendre ». Qui pis est, les employeurs croyaient que les travailleurs âgés n’avaient pas les qualifications nécessaires pour l’emploi, et n’étaient pas de bons candidats pour « recouvrer les frais de formation ». Embaucher de jeunes travailleurs représentait la voie à suivre, car ceux-ci pouvaient être « formés rapidement et demeuraient avec la compagnie plus longtemps »93 .
86Une étude commandée par le American Association of Retired Persons (AARP), Valuing Older Workers : A Study of Costs and Productivity (1994), révèle que les directeurs d’entreprises évaluent positivement les travailleurs âgés en raison de leur expérience, de leur jugement, de leur engagement, de leur présence, de leur ponctualité, et aussi en raison du fait qu’avec eux ils n’ont pas à renouveler constamment le personnel. Toutefois, les travailleurs âgés ne donnent pas une image aussi satisfaisante lorsqu’il est question de flexibilité, d’adaptation, de capacité d’apprentissage et d’habileté physique à exécuter leur travail. Les deux tiers des directeurs croient que les travailleurs âgés, loin d’accepter les nouvelles technologies, les craignent, ce qui les rend, de ce point de vue, moins attrayants94 .
87James Kahn et Jong-Soo Lim (1998) constatèrent qu’entre 1958 et 1991, la croissance de la productivité s’est manifestée surtout dans les industries manufacturières. Le facteur premier de l’augmentation de la productivité ne fut pas l’investissement dans l’équipement, comme plusieurs économistes le croient, mais l’aptitude des travailleurs qualifiés à maîtriser le nouvel équipement. En réalité, les nouvelles technologies diminuent la productivité en l’absence de travailleurs qualifiés95 . Ils croient que ceci explique les résultats de Timothy Dunne, John Haltiwanger et Kenneth R. Troske (1996), qui affirment que, durant les vingt dernières années, les usines les plus productives ont « modifié fondamentalement la manière dont elles produisent leurs biens compte tenu de la diversité de leurs travailleurs »96 . Si on se fie aux résultats de l’étude du AARP que l’on vient de citer, il est possible que les compagnies travaillant avec de nouvelles technologies ont plutôt hâte de laisser partir les travailleurs âgés lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite et de se concentrer sur la formation des jeunes remplaçants. En fait, si les travailleurs âgés ne possèdent pas les aptitudes requises, ils seront sans doute encouragés à prendre leur retraite prématurément.
88David Autor et ses collaborateurs estiment que plusieurs industries, spécialement celles qui utilisent des ordinateurs, ont rapidement mis à niveau les aptitudes de leurs employés. C’est une des raisons pour laquelle la demande de diplômés universitaires a augmenté dernièrement. Tout indique qu’il sera difficile pour les travailleurs âgés ne possédant pas une formation dans le domaine des nouvelles technologies de se démarquer sur le marché du travail97 . Berman et ses collègues estiment que, dans une économie ouverte, les changements technologiques accroissent la demande pour des travailleurs qualifiés et favorisent une augmentation des salaires de ceux-ci par rapport aux travailleurs qui le sont moins98 . S. Machin et J. Van Reenen (1998) ont observé qu’au Danemark, en France, en Allemagne, au Japon, en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis, « l’intensité de la RD » a fait augmenter la demande de formation et de travailleurs qualifiés. Dans de telles circonstances, subventionner les salaires des travailleurs âgés pour les garder plus longtemps sur le marché du travail est de toute évidence une mauvaise décision, trop coûteuse et en définitive ne servant pas les intérêts des employeurs99 .
89Par certains côtés, la situation des travailleurs âgés se détériore également au Japon. L’ocde indique que la retraite obligatoire (maintenant fixée à 60 ans) augmente constamment. Soixante-dix pour cent des employés travaillent maintenant dans des compagnies qui ont des politiques de retraites obligatoires, alors qu’en 1966 le chiffre était de 46,6 %. La retraite obligatoire est encore plus prépondérante dans les grandes entreprises. Les pressions syndicales et les initiatives gouvernementales ont accéléré avec succès le rythme des retraites. Mais ces gens qui prennent leur retraite se portent-ils véritablement mieux financièrement ? Les données dont nous disposons indiquent que les revenus de ces retraités qui dépendent principalement des pensions versées par leur compagnie sont sensiblement plus bas que ceux des travailleurs qui continuent de travailler au-delà de l’âge de retrait100.
90D’autre part, on constate également des développements favorables. Certaines compagnies, surtout les plus grandes, ont commencé à réengager des travailleurs âgés occupant des postes moins importants et à des salaires moins élevés. Voulant donner du travail aux personnes âgées qui ont dépassé l’âge de retraite, le gouvernement japonais a établi des centres de ressources humaines, c’est-à-dire des agences de travail offrant des occasions d’emploi aux travailleurs âgés. Le gouvernement offre également des subventions de formation pour travailleurs âgés et des bourses de développement du travail pour les retraités. Les « Silver Manpower Centres » ont été créés afin de fournir du travail temporaire et à temps partiel. Ces deux types de centres représentent des opérations de plusieurs millions de dollars et ont connu beaucoup de succès. Selon Sara Rix,
Les efforts japonais en faveur des travailleurs âgés ont des résultats franchement positifs : d’une part, les employeurs obtiennent une main-d’œuvre moins chère et productive, et, d’autre part, les travailleurs continuent de gagner un salaire. Dans la mesure où ils allongent la durée de travail au-delà de ce qui était prévu sans ces mesures, le gouvernement se permet de réduire son fardeau des pensions101.
91Il faut noter toutefois que plusieurs de ces politiques ont été introduites alors que l’économie du Japon était dans sa phase ascendante. Il y avait de nombreux emplois disponibles, la productivité était élevée et continuait de faire des gains importants, le pays était prospère et jouissait, du moins aux yeux de plusieurs Japonais et des observateurs étrangers, de la possibilité d’une croissance infinie. Aux yeux de beaucoup d’analystes, le Japon était le pays du commerce par excellence ; c’était un lieu commun d’entendre dire que le XXIe siècle serait le siècle du Japon ! Tout cela a dramatiquement changé durant la dernière décennie. Le Japon se remet péniblement d’une longue et profonde récession ; les années 1990 ont vu ce pays s’efforcer de prévenir un chaos financier et freiner la vague des faillites ; la productivité a chuté et le chômage a fortement augmenté ; le pays est toujours au milieu d’une difficile restructuration économique. On craint que, pour rester compétitif et regagner les marchés perdus, les compagnies japonaises soient obligées de déménager leur capacité manufacturière et de relocaliser leurs capitaux d’investissement à l’étranger, réduisant ainsi le nombre d’emplois et les occasions de travail pour les travailleurs âgés. De nombreux commentateurs financiers craignent que le Japon ne prenne du temps pour regagner son ancienne gloire économique. Étant donné ces circonstances peu encourageantes, il n’est pas certain que le Japon pourra se permettre de favoriser autant ses travailleurs âgés.
Conclusion : beaucoup de questions, peu de réponses
92Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes, la question « que savons-nous au sujet de l’âge et de la productivité ? » est très complexe. On ne dispose d’aucune réponse à portée de la main, à titre de solution fiable et efficace. Pire encore, dans notre quête de réponses, nous nous trouvons aux prises avec de plus en plus de données et de moins en moins de questions à traiter. Il serait par conséquent utile de dresser une liste des questions les plus pressantes afin de trouver les réponses les plus pertinentes.
93En premier lieu, il serait opportun peut-être de se poser les questions suivantes. Une main-d’œuvre vieillissante va-t-elle jouer un « rôle déterminant » dans la croissance économique, le développement et la qualité de vie au Canada ? Pouvons-nous nous attendre à ce que la productivité, dans le sens absolu et relatif du terme, diminue tandis que la population laborieuse vieillit progressivement ? Un rapport récent de l’ocde sur le Canada, qui compare de manière pessimiste notre productivité présente et future par rapport à celle des États-Unis et à celle de nos partenaires étrangers, est-il un cri d’alarme, un cas prématuré et incertain de nervosité économique, ou simplement un exemple transparent d’orgueil visionnaire102.
94Le gouvernement a-t-il un rôle spécifique à jouer en vue de s’assurer que nos travailleurs âgés demeurent sur le marché de la main-d’œuvre après l’âge réglementaire de la retraite, en raison de leurs capacités inexploitées pouvant contribuer à la croissance future de la production ? Si oui, quels doivent être les objectifs des initiatives futures concernant le vieillissement et la productivité ? Cette « responsabilité particulière » vat-elle entraîner une rupture fondamentale avec les anciennes stratégies et politiques gouvernementales, ou bien se traduira-t-elle par une expansion et une accélération des programmes déjà mis en place ?
95La composition des groupes d’âge par rapport aux différentes aptitudes des travailleurs est-elle la principale responsable de la détérioration de la productivité des biens et des services qui s’est produite durant les deux dernières décennies ? Ou bien la productivité des travailleurs âgés est-elle liée aux valeurs individuelles, à la santé, à l’intelligence, à l’éducation et à l’éthique du travail ? Si la réponse est oui, alors dans quelle proportion ? Les transformations économiques qui ont lieu actuellement rendent-elles les travailleurs âgés moins nécessaires parce qu’ils sont moins pertinents au sein de ce que les futuristes appellent un lieu de travail mondial, c’est-à-dire un contexte de travail fondé sur la connaissance et l’information ?
96Ne serait-il pas plus prudent que les gouvernements concentrent leurs efforts et leurs ressources sur l’augmentation des capitaux d’investissement et le niveau de formation des jeunes travailleurs, tout en accélérant le rythme de la recherche et du développement, le libre-échange et l’adoption des nouvelles technologies ? Plutôt que de se limiter aux jeunes, les gouvernements ne devraient-ils pas redoubler d’efforts et augmenter leurs dépenses pour mettre en place des programmes destinés aux travailleurs de plus de 45 ans et favoriser une plus grande affluence d’immigrants instruits dans le pays ? Le cours politique le plus prudent ne serait-il pas, comme plusieurs le recommandent, de chercher à réviser le contrat social en réduisant ou en éliminant, entre autres choses, les incitatifs de retraite considérés comme les principaux responsables de l’augmentation constante des retraites prématurées103 ? Autrement dit, le problème est-il du côté de l’offre ? Ne serait-il pas du côté de la demande, ce qui exigerait de la part du gouvernement une attention particulière ?
Le voile de l’ignorance
97Dans notre recension des publications consacrées au sujet, nous avons cherché à montrer, directement et indirectement, l’état actuel de la réflexion, ses divisions, ses données empiriques ; nous avons également cherché à montrer en quoi les théories et les prévisions économiques et démographiques divergent. Étant donné que les politiques publiques ne sont pas élaborées dans une éprouvette, les réponses et les futures décisions politiques dépendront en grande partie de ce que nous savons des répercussions du vieillissement de la main-d’œuvre sur la productivité à venir. Si nous nous basons sur les ouvrages consultés, il est certain que nous ne pouvons pas répondre avec certitude à la plupart des questions qui ont été soulevées.
98Il reste bien du travail à faire pour comprendre les répercussions du vieillissement sur la productivité individuelle et collective, tout spécialement au Canada. Nous avons à peine effleuré le problème. Les études démographiques, macro et micro-économiques, les études de secteurs spécifiques et de compagnies particulières à notre disposition sont peu nombreuses, obsolètes, ambiguës, théoriques, parfois même contradictoires. Bruce Little n’a pas tort lorsqu’il dit que « la productivité dépend de l’observateur » et est un « délice pour le sceptique »104.
99Quelques tentatives ont été faites, par exemple, pour quantifier la manière dont une main-d’œuvre vieillissante peut être affectée, au niveau de sa performance, par des changements au sein de la structure économique105. Il est vrai que les prévisions à long terme sur les changements de structure économique sont parfois risquées : compte tenu de nos résultats en matière de prévision, un tel exercice paraît plutôt une invitation à lire dans une boule de cristal ou à épancher son orgueil savant.
100Jacob Viner nous rappelait, il y a de cela 40 ans, que « quel que soit le raffinement ou la complexité d’une analyse, si celle-ci repose essentiellement sur une vue à court terme, elle sera [...] une structure bâtie sur des sables mouvants »106. Du reste, il y a toujours une tendance chez maints économistes à déterminer plusieurs variables et à assumer à priori que les changements futurs dans l’économie seront plus ou moins conformes à nos modèles existants. Paradoxalement, alors que plusieurs économistes parlent de mondialisation, de révolution informatique et de changements démographiques, ils pensent souvent de façon linéaire, selon un prisme d’immuabilité et d’inévitabilité. Il n’est pas faux de dire que les économistes, comme les généraux, refont toujours la dernière guerre. À vrai dire, il est fondamental de reconnaître ses limites, de préciser ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, et d’expliciter ce que nous devons savoir si nous avons à intervenir de manière efficace et ponctuelle sur le plan politique.
101Sachant cela, nous devons être prudents et distinguer soigneusement entre les vérités basées sur des faits et les vérités basées sur des théories. Malheureusement, les économistes ont tendance à confondre les unes et les autres. On peut les accuser à juste titre de ne pas admettre que l’application de nos modèles actuels de productivité exige de la modestie, « de la délicatesse et de la sensibilité au toucher »107. Si nous avons raison, il leur appartient de relever le défi de la productivité du vieillissement et de mener la recherche qui a été négligée jusqu’à présent, tout en comblant les lacunes de ce qui a déjà été fait. Ce faisant, ils atteindront la rigueur dont ils dénoncent le manque dans les autres sciences sociales.
102Un des secteurs qui a été le plus négligé est « la psychologie de la main-d’œuvre vieillissante ». Les chercheurs en sciences sociales ont cru pendant longtemps que, lorsque des situations sont perçues comme étant de vraies situations, elles sont traitées comme telles. Nous ne sommes donc pas seulement concernés par la technologie et par les changements dans les modes de production, de distribution, de transport et de communication, mais aussi par les représentations, les systèmes de valeurs et l’ego de ceux qui mènent les recherches. Pouvons-nous vraiment comprendre l’énigme du vieillissement et de la productivité et le rôle que les travailleurs âgés sont appelés à jouer si nous laissons de côté les valeurs, les conceptions et les attentes des travailleurs et de leur famille, des employeurs et des actionnaires ? À peu d’exceptions près, nous ne savons pas si les compagnies qui comptent plusieurs employés âgés ont vu leur production chuter ou s’améliorer, ni de combien. Par ailleurs, nous en savons peu au sujet de l’effet du remplacement des travailleurs âgés ou du mélange des groupes d’âge sur le rendement des employés108. En effet, nous ne savons pas si les emplois des travailleurs âgés remplacés qui ont trouvé une autre occupation signifie un changement dans la composition des emplois ou une perte nette d’emploi. À cet égard, nous ne discernons pas bien non plus les types d’emplois transférables ; pourtant, il s’agit là d’une question importante lorsque l’on traite du remplacement des travailleurs109.
103En dernier lieu, lorsque nous parlons du vieillissement et de la productivité, nous n’avons franchement aucune idée des coûts occasionnés si un nombre considérable de travailleurs âgés décident de demeurer ou de quitter une industrie ou un poste particulier. De quelle manière un tel exode peut-il se répercuter sur la productivité par secteur, par région et au niveau national ? La question reste entière. Et même si l’on comprenait mieux ces tendances, nous sommes toujours incapables de dire avec certitude comment les travailleurs âgés vont se porter dans quelques années. Cela dépendra en grande partie de la performance future de l’économie canadienne et de celle des provinces, tant d’un point de vue relatif que d’un point de vue absolu.
104Il n’est donc pas insensé de conclure que, comme l’un des critiques de la recherche contemporaine l’a affirmé, nous sommes entrés dans une ère politique caractérisée par la « pénombre des faits et des théories », où la tentation est grande « de laisser les mots faire le travail que ne peuvent accomplir les faits ou la logique »110. Cette évaluation négative s’appuie sur les travaux de David Turner et de ses associés de l’ocde. Après avoir étudié les conséquences qu’une main-d’œuvre vieillissante pourrait avoir sur la macroéconomie des États membres, ils concluent qu’« une main-d’œuvre âgée peut être moins dynamique et innovatrice, et par conséquent avoir un impact sur la croissance de la productivité, ou encore, le manque de ressource peut agir en stimulant le progrès technique et engendrer une croissance de productivité »111.
105Qui peut dire alors, sauf en le faisant ex cathedra, qu’une main-d’œuvre « gériatrique » est le prélude d’une période économique sombre ? Qui, en outre, peut proposer avec confiance une liste de prescriptions politiques conçues dans le but de stimuler et de maintenir une augmentation de la productivité, si nous ne comprenons pas parfaitement les facteurs qui augmentent la productivité et que nos modèles et théories ne sont pas fondés sur des hypothèses et des explications vérifiées112 ? Malheureusement, la majorité des études dont nous disposons actuellement ne sont pas faciles d’accès à ceux qui sont responsables de l’élaboration et de la mise en place des politiques publiques. Pour les gouvernements et ceux qui élaborent les politiques, la véritable question sans réponses est celle-ci : de quelle manière les analyses divergentes des pessimistes et des optimistes peuvent-elles expliquer ce que Richard Disney appelle les « effets dynamiques » d’une main-d’œuvre vieillissante sur la productivité générale au Canada ?
106Pour le politicien confus et sur lequel on fait pression, une telle divergence de point de vue et de prescriptions politiques se traduit par la maxime « malheur à toi si tu le fais, malheur à toi si tu ne le fais pas », qui est une manière inconfortable de faire de la politique. Il n’est donc pas surprenant qu’une main-d’œuvre vieillissante et ses conséquences probables sur les performances de production du Canada ne soit pas seulement une question économique, mais également une question politique. Shawn McCarthy, après avoir examiné le débat concernant l’acuité des sombres prévisions de l’ocde sur la productivité du Canada, fait remarquer ce qui suit :
C’est l’équivalent politique du « bébé dindon de la farce » de Brer Rabbit, car des ministres du cabinet peu vigilants peuvent se retrouver coincés au fur et à mesure que ces influences varient d’un secteur à l’autre et d’une organisation à l’autre, de même qu’avec le temps [...]. Les analyses statistiques varient beaucoup dans leur évaluation des causes [...]. Un grand nombre d’analystes ont examiné ces questions ; mais, en utilisant des données et des techniques d’analyse différentes, ils aboutissent à des conclusions qui diffèrent considérablement d’un point de vue quantitatif [...]. Cela constitue un sérieux obstacle, car nous ne savons guère quelle est l’importance de chacune des causes dans le ralentissement de la productivité, voire dans son accélération113.
Le tableau n’est pas si sombre
107Il serait facile de se décourager, puisque nous ne savons à peu près rien de ce qui va se passer dans l’avenir. Mais il faut se rappeler qu’il y a des choses que nous savons. Tout d’abord, nous pouvons nous réconforter du fait que nous savons que nous ne sommes pas totalement dans l’obscurité lorsqu’il est question de performance de productivité et du vieillissement de la main-d’œuvre. Selon les chefs d’entreprise, les travailleurs âgés ont démontré qu’ils sont véritablement productifs et qu’ils n’ont pas à s’excuser de leur performance de travail. Nous savons également que les prévisions des prophètes de malheur néomalthusiens se sont avérées inexactes sur le plan empirique et historique. Nous savons que subventionner les travailleurs âgés ne fonctionnera pas si les objectifs sont d’améliorer la productivité à court terme. Nous savons également que, au Canada et dans les pays de l’ocde, les incitatifs économiques visant à maintenir les travailleurs âgés au travail au-delà de l’âge de la retraite sont inexistants. Nous savons que, d’un point de vue rentabilité, qui tient compte du nombre des années de travail restantes, des augmentations de salaire requises pour justifier les coûts de formation et de déplacement, des compensations bénéfices/fardeau des pensions, les travailleurs, dans une large mesure, ne sont pas préparés à subir une formation prolongée et rigoureuse ; d’autre part, la plupart des compagnies sont réticentes à procéder à de tels investissements en faveur de travailleurs qu’elles voient prêts à prendre bientôt leur retraite.
108De plus, nous savons qu’apparier, trier, engager et retenir des travailleurs est une décision complexe qui n’est pas basée seulement sur l’âge de la main-d’œuvre. La taille d’une entreprise, qu’elle soit canadienne ou étrangère (avec un atelier organisé ou non), le rythme et la sophistication de la technologie utilisée, le type de biens produits et commercialisés, d’une part, la taille du marché, l’ampleur de la concurrence, et les parts du marché, d’autre part, affectent tous directement les investissements, les entrées et les décisions liées au travail. Si, par exemple, la croissance des emplois est plus grande dans les petits établissements manufacturiers, mais que la productivité y est plus basse, nous avons une meilleure idée de l’endroit où nous devons concentrer nos ressources. Autrement dit, nous ne baignons pas dans l’obscurité et n’utilisons pas nos ressources de façon aléatoire. C’est dans cet ordre d’idée que J. C. Haltiwanger, J. I. Lane et J. R. Spletzer nous rappellent le danger de trop généraliser à propos du marché du travail :
Si on considère l’ensemble des travailleurs (à supposer même qu’on contrôlerait les caractéristiques démographiques), les salaires et l’emploi varient énormément : il y a des fluctuations de travailleurs quantifiables d’un type d’emploi à un autre dans l’économie. Ces fluctuations sont intimement liées aux résultats des entreprises, reflétant en grande partie les changements constants au sein des ressources allant des employeurs moins productifs aux employeurs plus productifs114.
109En outre, nous savons que beaucoup de travailleurs âgés ne quittent pas subitement le marché de la main-d’œuvre, mais travaillent à temps partiel, afin de réaliser la transition avec leur retraite. Estimer comme certains l’ont fait, que la « force irrésistible » d’une population vieillissante se heurte à « l’objet immuable » des programmes de retraite est risqué115. On retrouve aussi le point de vue selon lequel les travailleurs âgés forment un groupe homogène, autrement dit le point de vue que tous les groupes d’âge agissent de façon semblable, quels que soient le temps, le lieu et les circonstances. Cette erreur est aussi naïve que stupide. Les gens qui ont 55 ans aujourd’hui risquent d’être très différents de ceux qui auront 55 ans dans l’avenir, du point de vue de l’éducation, de l’expérience et des attentes. C’est un truisme. Chaque génération, après tout, écrit sa propre histoire politique, sociale et économique.
110Il faut en dernier lieu noter que la majorité des études que nous avons examinées ne fournissent aucune donnée qui appuierait la formulation apocalyptique selon laquelle une main-d’œuvre vieillissante contribuerait à une chute marquée de la productivité. Si c’est le cas, le consensus est que la variation du rendement est plus grande au sein des groupes d’âge qu’entre les groupes d’âge. Pour utiliser un cliché, le diable se niche dans les détails.
111Compte tenu du manque d’études sérieuses et de la cacophonie inévitable des points de vue, il n’est pas surprenant que les gouvernements trouvent que leurs options politiques sont limitées. Ils peuvent décider de ne rien faire et se tirer d’affaire tant bien que mal en acceptant les recommandations d’Adam Smith de laisser les forces du marché créer l’équilibre optimal entre une main-d’œuvre vieillissante et le rendement croissant par travailleur. Mais, comme Keynes le faisait remarquer, à long terme nous mourrons tous. C’est ce que nous faisons ou ne faisons pas entretemps qui compte vraiment.
112Les gouvernements peuvent également agir de manière défensive et essayer des procédés ad hoc. En agissant défensivement, ils peuvent retourner à des stratégies protectionnistes que les nationalistes et les intérêts particuliers exigent. Ils peuvent également dépenser de grandes sommes d’argent dans des programmes de formation et même changer l’âge légal de la retraite et les programmes de pensions. Mais si nous devons apprendre de nos expériences passées, nous savons que de telles réponses vont échouer. Elles seront coûteuses, conflictuelles, et elles nous détruiront. Elles gagneront peut-être du temps et achèteront certains groupes, mais elles ne résoudront pas le mystère de la productivité. En tant que nation commerciale, nous serons tout simplement moins concurrentiels et notre qualité de vie s’en ressentira.
113Il y a toutefois une autre option. Appelons-la l’Option recherche. Les gouvernements peuvent commencer à subventionner des études à court et à moyen terme qui examineront systématiquement et globalement les conséquences d’une main-d’œuvre vieillissante sur la productivité individuelle et collective. De telles études devraient être ciblées et pourraient examiner, entre autres, les effets qu’ont les changements dans la composition des groupes d’âge sur des industries spécifiques, sur certains secteurs, sur certaines régions, sur la taille des entreprises, sur les remplacements, sur les salaires, etc. Une étude longitudinale se penchant sur des travailleurs de groupes d’âge différents, leur carrière, leurs attentes et ce que Joseph Quinn a appelé « la microéconomie de la retraite » devrait également être encouragée116.
114Finalement, le temps semble propice pour une étude qui examinerait ce que sera la main-d’œuvre du Canada dans vingt ans. Une telle étude porterait une attention particulière à la productivité et aux tendances régionales, et développerait des scénarios d’un Canada dominé par une économie de services et d’information et par la mondialisation et la libéralisation des marchés117. Le débat autour du secteur tertiaire et sa contribution à la productivité et au PIB est loin d’être terminé. Des fonds devraient être débloqués pour le développement de méthodologies statistiques capables de mieux évaluer les coûts des transactions, les rendements et la valeur marchande qu’un tel « volontarisme » produit aujourd’hui.
115Bien entendu, l’élaboration des politiques, comme toutes choses, ne se résume pas à une simple aternative. Les gouvernements ont raison de craindre qu’une forte dépendance à l’égard de la recherche puisse conduire un grand nombre d’études « ésotériques » et à une forme de néoscolastique. Mais cela n’est pas inévitable. Ce qu’il est important de retenir, c’est que, jusqu’à présent, les répercussions macroéconomiques du vieillissement de la main-d’œuvre, comme Richard Disney nous le rappelle, ont été largement ignorées et recouvertes par « les eaux tranquilles de l’économie »118. Heureusement, le Canada possède le temps nécessaire pour mener à bien les recherches indispensables afin de combler le manque d’informations, déployer les ressources nécessaires et permettre aux décideurs de planifier des politiques, des stratégies et des priorités visant à améliorer le marché du travail et la productivité. Les décideurs finiront par reconnaître que, pour aborder le problème du vieillissement et de la productivité, il faudra développer et mettre en place des stratégies et des programmes basés sur les meilleures recherches disponibles. Daniel Bell a fortement insisté sur ce point. Sur un ton plutôt « baroque », il écrit : « L’échelle montant vers le Paradis ne peut plus être une “échelle de la foi”, mais une échelle empirique ; une utopie doit spécifier où l’on veut aller, comment y aller, tout en précisant les coûts de l’entreprise, les réalisations et justifications de celui qui devra payer [...] »119.
116Bien que nous ne cherchions pas une utopie, nous avons besoin de solutions politiques efficaces. Si les gouvernements ne peuvent plus s’en remettre à « l’échelle de la foi », à la sagesse économique traditionnelle ni non plus espérer qu’ils seront épargnés par les « désagréables surprises » du futur, alors il s’ensuit que trouver des réponses à plusieurs des questions que nous avons posées au début de cette section est plus qu’un coûteux exercice théorique et fantaisiste, mais une initiative politique urgente. Voilà donc le défi : si nous ne subventionnons pas la recherche nécessaire pour mettre de l’ordre dans notre productivité et nous permettre de mieux comprendre comment utiliser notre main-d’œuvre grisonnante, « il sera probablement trop tard pour faire quoi que ce soit »120.
Notes de bas de page
1 Voir J. C. Takamura, « Statement Prepared for the Special Committee on Aging », Washington (DC), United States Senate, 1998, p. 1.
2 Les démographes s’entendent pour dire que notre population vieillit et que les taux de participation diminuent ; toutefois, des différences subsistent quant au rythme auquel le Canada vieillit, quant à la composition de la main-d’œuvre et quant au taux de croissance de la productivité requis dans l’avenir. Pour des prévisions récentes qui discutent certaines de ces questions, voir F. T. Denton, C. H. Feaver et B. G. Spencer, « The Future Population of Canada and Its Age Distribution », iesop Research Paper, no 3. Hamilton (ON), McMaster University, juin 1996. ; F. T. Denton et B. G. Spencer, « Population, Labor Force, and Long-term Economic Growth », IESOP Research Paper, no 25, Hamilton (ON), McMaster University, décembre 1997.
3 Alors que la Charte interdit toute discrimination reliée à l’âge, la Cour suprême du Canada n’a pas déclaré inconstitutionnelle la retraite obligatoire. Elle a admis que, dans certains cas, par exemple pour les pompiers, la retraite obligatoire à 65 ans était à la fois légale et souhaitable en raison des exigences physiques de ce travail. D’autres professions et occupations, qui n’ont pas encore été déterminées, ne pourront peut-être plus imposer une retraite obligatoire en raison de la clause de nondiscrimination de la Charte. Cependant, il faut faire remarquer que plusieurs régimes de pensions privés, spécialement ceux qui sont basés sur des contributions définies, imposent des pénalités à ceux qui travaillent au-delà de 65 ans. Pour un examen détaillé du débat sur la retraite obligatoire, voir R. V. Burkhauser et J. F. Quinn, « The Effects of Changes in Mandatory Retirement Rules on Labor Supply of Older Workers », Boston, Boston College, Department of Economics, avril 1981 ; R. V. Burkhauser et J. F. Quinn, « Is Mandatory Retirement Overrated ? Evidence from the 1970s », Journal of Human Resources, 18, no 3 (1982), p. 337-358. Pour une discussion plus récente, voir ocde, « The Transition From Work To Retirement », Social Policy Studies, no 16, Paris, 1995 ; ocde, « The Labour Market and Older Workers », Social Policy Studies, no 17, Paris, 1995 ; J. F. Quinn, « Retirement Trends and Patterns in the 1990s : The End of an Era ? », Public Policy and Aging Report, été 1997, p. 10-14 ; M. Gunderson, Flexible Retirement as an Alternative to 65 and Out, Toronto, C. D. Howe Institute, 1998 ; D. Lipovenko, « Job Losses Facing Early Retirement », The Globe and Mail, 8 septembre 1995, p. A3 ; Développement des ressources humaines du Canada, « Changing Notions of Retirement : A Phased-In Approach », Applied Research Bulletin, 2, no 2 (été-automne 1996).
4 Voir J. Henripin, « Financial Consequences of Population Aging », Canadian Public Policy, 20, no 1 (1994), p. 78-94.
5 Voir D. Turner et al., « The Macroeconomic Implications of Ageing in a Global Context », Economics Department Working Paper, no 193, Paris, ocde, 1997, p. 5 et 6. F. T. Denton et ses collègues font remarquer cependant que le « problème de la dépendance » n’est pas aussi sombre que le suppose L’ocde. Voir F. T. Denton, C. H. Feaver et B. G. Spencer, « Immigration, Labour Force and the Age Structure of the Population », iesop Research Paper, no 24, Hamilton (ONT), McMaster University, novembre 1997.
6 Voir J. Gruber et D. Wise, « Social Security and Retirement : An International Comparison », American Economic Review, 88, no 2 (1998), p. 158-163. Pour une analyse plus détaillée voir J. Gruber et D. Wise (dir.), Social Security and Retirement in the World, Chicago, University of Chicago Press, 1999.
7 Voir W. Johnston, « Global Work Force 2000 : The New World Labor Market », Harvard Business Review, mars/avril 1991, p. 119.
8 Voir A. Reynolds, « Restoring Work Incentives for Older Americans », Prepared for the U.S. Senate Subcommittee on Aging Forum on Older Workers, One Hundred and Fifth Congress, Serial No 105-107, Washington (DC), United State Senate, 1997, p. 18. Voir aussi R. W. Judy et C. D’amico, Workforce 2020 : Work and Workers in the 21st Century, Indianapolis (IN), Hudson Institute, 1997.
9 Ibid., p. 19.
10 Voir J. J. Spengler, « Demographic Factors and early Modem Economic Development », Daedalus, 97, no 2 (1968), p. 34. Voir aussi P. Deane et W. A. Cole, British Economic Growth : 1688-1959, Cambridge, Cambridge University Press, 1967.
11 On trouvera un bon examen historique de la littérature universitaire consacrée aux questions démographiques et au rôle que jouent les changements de population dans la croissance économique chez D. Landes, The Wealth and Poverty of Nations, New York, W. W. Norton, 1998.
12 M. J. Brennan et al., The Economics of Age, New York, W. W. Norton, 1967.
13 Ibid., p. 208.
14 S. G. Peitchinis, « Economic Implications of an Aging Population on Society », in J. S. Frideres et C. J. Bruce (dir.), The Impact of an Aging Population on Society, Calgary, University of Calgary, 1994, p. 99.
15 Voir F. Fukuyama, « The Great Disruption », The Atlantic Monthly, mai 1999, p. 56.
16 Cité dans T. L. Friedman, The Lexus and the Olive Tree. Disponible sur Internet : www://nytimes.com/books/first/f/friedman-lexus.html, p. 8.
17 Voir S. G. Peitchinis, « Economic Implications of an Aging Population on Society », p. 99.
18 Tous les observateurs n’acceptent pas « la promesse technologique des choses à venir ». Parmi les plus importants critiques, on trouve Robert Solow qui écrit : « On peut voir l’âge des ordinateurs partout sauf dans les statistiques ». Cité dans B. Lehr et F. Lichtenberg, « Information Technology and Its Impact on Firm-level Productivity : Evidence from Government and Private Data Sources, 1977-1993 », CSLS Conference on Service Sector Productivity and the Productivity Paradox, Ottawa, 11-12 avril, 1997, p. 1. Voir aussi A. Sharpe, The Productivity Paradox : An Evaluation of Competing Explanations, Canadian Business Economics, 6, no 1 (1997), p. 32-47 ; D. E. Sichel, The Computer Revolution, Washington (DC), The Brookings Institution, 1997.
19 R Krugman, « Why Most Economists’ Predictions are Wrong », The Red Herring, juin 1998, p. 1.
20 Mettant en évidence le fait que les travailleurs formés sont un atout pour une compagnie, H. FRAZIS et ses collègues déclarent : « Plusieurs soutiennent que les conditions qui ont rendu avantageuses les techniques de production en série n’existent plus et que les compagnies doivent se “transformer”, c’est-à-dire adopter des pratiques de “haute performance” ». Voir H. Frazis et al., Determinants of Training : An Analysis Using Both Employer and Employee Characteristics, Washington (DC), Bureau of Labor Statistics, 1998, p. 9-10.
21 F. Denton et al. ne sont guère optimistes par rapport au fait que l’immigration massive puisse réduire le vieillissement de la main-d’œuvre au Canada. Pour eux, « l’immigration ne semble pas être un instrument utile pour contrôler le ratio de dépendance [...] ni pour désamorcer le processus de vieillissement de la population : une grande augmentation de l’immigration serait nécessaire pour faire de petits gains [...] ». Voir F. T. Denton, C. H. Feaver et B. G. Spencer, « Immigration, Labor Force and the Age Structure of the Population », p. 20. D. Cutler et ses collègues signalent qu’entre 1960 et 1985 une tendance sans équivoque se manifesta : les pays industriels qui connaissaient une réduction de la croissance de leur main-d’œuvre virent également une augmentation de leur productivité, alors que, dans les pays où le marché du travail prenait de l’ampleur, comme aux États-Unis et au Canada, la productivité diminua. Voir D. M. Cutler, J. M. Poterba, L. M. Steiner et L. H. Summers, « An Aging Society : Challenge or Opportunity ? », Brookings Papers on Economic Activity, no 1,1990, p. 1-73. Denton et Spencer concluent que « tout compte fait, la littérature spécialisée semble indiquer qu’il n’y a aucune raison de prévoir une baisse de croissance de la productivité causée par le vieillissement. Du reste, il est possible qu’une croissance lente de la main-d’œuvre motive une croissance plus rapide de la productivité, du fait que le travail sera plus rare ». Voir F. T. Denton et B. G. Spencer, « Economic Costs of Population Aging », iesop Research Paper, no 32, Hamilton (ONT), McMaster University, décembre 1998, p. 53.
22 Voir J. M. Keynes, Les conséquences économiques de la paix, Paris, Gallimard, 1920. Voir aussi F. Vicarelli, Keynes : The Instability of Capitalism, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1984.
23 Voir R. Eastbrlin, Birth and Fortune : The Impact of Numbers on Personal Welfare, New York, Basic Books, 1980.
24 Voir W. J. Baumol, E. N. Wolff et S. A. Batey Blackman, Productivity and American Leadership : The Long View, Cambridge (MA), MIT Press, 1989, p. 9. De façon similaire, l’historien de l’économie J. Bradford DeLong décrit comment la technologie fut en mesure de contrôler les effets déstabilisants de l’explosion de la population qu’à connus le XIXe siècle, autant en Europe de l’Ouest qu’en Amérique du Nord. Voir J. Bradford Delong, « The Shape of Twentieth Century History », Federal Reserve Bank of Boston Regional Review, automne 1998.
25 Voir M. Beer et N. Nohria, Old Theories in the New Economy, Cambridge (MA), Harvard Business School Press, 2000.
26 Voir R. M. Solow, « On Golden Pond », The New York Review of Books, 46, no 8 (6 mai 1999), p. 18. Voir aussi H. Hazlitt, The Critics of Keynesian Economics, Lanham (MD), University Press of America, 1977.
27 Cité dans S. A. BASS (dir.), Older And Active, New Haven, Yale University Press, 1995.
28 Communication privée de Statistique Canada.
29 S. A. Bass, Older And Active.
30 P. Drucker par exemple, ne voit pas l’avenir comme un mystère. Voir P. Drucker, « The Future That Has Already Happened », The Harvard Business Review, septembre-octobre 1997, p. 20, où il écrit : « Le facteur dominant pour les affaires durant les 20 prochaines années — à part une guerre, la peste ou la collision avec une comète — ne sera ni économique ni technologique. Il sera démographique. Le facteur clé des affaires ne sera pas la surpopulation du monde, dont on est averti depuis plus de 40 ans. Ce sera la sous-population des pays développés comme le Japon, les pays européens et l’Amérique du Nord ». Toutefois, on ne s’entend pas pour préciser ce que sera le « vrai » problème auquel se heurteront les politiciens au fur et à mesure que la main-d’œuvre vieillira. Selon Denton et Spencer, « les défis principaux pour notre société ne sont pas de pallier une augmentation massive des “fardeaux de dépendance" ou des coûts, mais plutôt de répartir les ressources requises pour une population dont la composition selon l’âge évoluera dans les décennies à venir. Nous avons soutenu que la société sera plus à même de maintenir son système de soutien social si le “problème du vieillissement” est compris correctement, et si la planification à long terme est consacrée au système lui-même, prenant en considération la capacité de production future de l’économie ». Voir F. T. Denton et B. G. Spencer, « Population Aging and the Maintenance of Social Support Systems », iesop Research Paper, no 9, Hamilton (ON), McMaster University, septembre 1996, p. 12.
31 Voir Peitchinis, « Economic Implications of an Aging Population on Society », p. 100.
32 Voir M. Kremer et E. Maskin, « Wage Inequality and Segregation by Skill », nber Working Paper, No W5718, Cambridge (MA), National Bureau of Economic Research, 1996. E. L. Goshen et D. I. Levine contestent toutefois cette conclusion. Voir E. L. Goshen et D. I. Levine, « The Rise and Decline (?) of U.S. Internal Labor Markets », Federal Reserve Bank of New York Research Paper, no 9819, New York, Federal Reserve Bank of New York, 1998.
33 Voir S. G. Peitchinis, « Economic Implications of an Aging Population on Society », p. 99.
34 Voir A. Samwick, « New Evidence on Pensions, Social Security, and the Timing of Retirement », NBER Working Paper, no W6534, Cambridge (MA), National Bureau of Economic Research, 1998 ; L. Friedberg, « The Effect of Old Age Assistance on Retirement », NBER Working Paper, no W6548, Cambridge (MA), National Bureau of Economic Research, 1998.
35 Voir T. Courchene, « Generation X versus Generation XS : Reflections on the Way Ahead », in K. G. Banting et R. Boadway (dir.), Reform of Retirement Income Policy : International and Canadian Perspectives, Kingston (ON), Queeris University, School of Policy Studies, 1977, p. 330.
36 Pour une analyse en profondeur de la manière dont les pensions, les salaires et les épargnes affectent les comportements face à la retraite, voir S. F. Vendi et D. A. Wise, « The Cause of Wealth Dispersion at Retirement : Choice or Chance », American Economic Review, 88, no 2 (1998), p. 185-191. Voir aussi L. Friedberg, « The Effects of Government Programs on the Labor Supply of the Elderly », Proceeding of the 89th Annual Conference, National Tax Association, Boston, 1996, p. 203-210.
37 Voir ocde, « Work Force Ageing : Consequences and Policy Responses », Ageing Working Paper, AWP4.1, Paris, 1998, p. 145. Voir aussi J. G. Williamson, « Globalization, Labor Markets and Policy Backlash in the Past », Journal of Economic Perspectives, 12, no 4 (1998), p. 70.
38 Voir R. V. Burkhauser et J. F. Quinn, « Implementing Pro-Work Policies for Older Americans in the Twenty-First Century », in Preparing for the Baby-Boomers’ Retirement : The Role of Employment, Serial no 105-107, Washington (DC), United States Senate Special Committee on Aging, 25 juillet 1997, p. 62.
39 Voir J. H. Schulz et al., Economies of Population Aging, New York, Auburn House, 1991. p. 341.
40 Voir F. T. Denton et B. G. Spencer, « Population, Labour Force and Long-term Economic Growth », p. 23 et 53.
41 Voir ocde, « The Transition From Work to Retirement », p. 13.
42 Work Organization and the Aging Workforce : A Literature Review, Toronto, University of Toronto Librairies, s. d.
43 F. T. Denton et B. G. Spencer, « Economic Costs of Population Aging », iesop Research Paper, no 32, Hamilton (ON), McMaster University, décembre 1998, p. 57.
44 Voir R. Disney, Can We Afford to Grow Older ? A Perspective on the Economics of Aging, Cambridge (MA), MIT Press, 1996, p. 155.
45 Il existe plusieurs études qui examinent la productivité médiocre du Canada, des États-Unis et des pays de l’ocde. Pour le Canada, voir A. Sharpe, « The Productivity Paradox : An Evaluation of Competing Explanations », Canadian Business Economics, 6, no 1 (1997), p. 32-47 ; J. Baldwin et N. Dhaliwal, « Labour Productivity Differences Between Domestic and Foreign-Controled Establishments in the Canadian Manufacturing Sector », Analytical Studies Branch Research Paper Series, no 118, Ottawa, Statistique Canada, 2000 ; S. Gera et al, « Foreign Direct Investment and Productivity Growth ; The Canadian Host-Country Experience », Micro-Economic Policy Analysis Branch Papers, Ottawa, Industry Canada, 1998 ; D. Hostland, « Real Wages, Labour Productivity and Employment in Canada : A Historical Perspective », Applied Research Branch, Strategic Policy Reports, R-96-5E, Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1996 ; D. Galarneau et J.-P. Maynard, « Measuring Productivity », Perspectives on Labour and Income, printemps 1995, p. 26-32 ; D. Galarneau et C. Dumas, « About Productivity », Perspectives on Laborand Income, printemps 1993, p. 39-48 ; J. F. Helliwell et al., « Economie Growth and Productivity in Canada, 1955-1990 », University of British Columbia, Department of Economies Discussions Paper, no 84-30 (1984) ; B. Little, « Canada Seen Lagging in Productivity Race », The Globe and Mail, 17 octobre 1997, p. B.1.
Pour les États-Unis, voir S. Roach, « In Search of Productivity » Harvard Business Review, septembre-octobre 1998, p. 153-160 ; J. Bradford Delong, « Have Productivity Levels Converged ? Productivity Growth, Convergence, and Welfare in the Very Long Run », Department of Economics Papers, Berkeley, University of California, février 1988 ; J. Bradford Delong, « Productivity Growth and Investment in Equipment : A Very Long Run Look », Department of Economics Papers, Berkeley, University of California, septembre 1991 ; M. Abramovitz, Thinking About Growth, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; W. J. Baumol et K. Mclennan (dir.), Productivity Growth and U.S. Competitiveness, New York, Oxford University Press, 1985 ; S. A. Levitan et D. Wernecke, Productivity : Problems, Prospects, and Policies, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1984 ; R. R. Nelson, « Research on Productivity Growth and Productivity Differences : Deals Ends and New Departures », Journal of Economic Literature, 19 septembre 1981, p. 1029-1064.
Pour L’ocde, voir D. Pilat, « Labour Productivity Levels in OECD Countries : Estimates for Manufacturing and Selected Service Sectors », Economic Department Working Papers, no 69, Paris, 1996 ; ocde, Technology, Productivity and Job Creation, volumes 1 et 2, Paris, 1996.
46 Voir G. C. Loury, « The Hard Questions : Color Blinded », The New Republic, 17 et 24 août 1997, p. 12.
47 T. Smeeding et J. F. Quinn, « Cross-National Patterns of Labor Force Withdrawal », in P. Flora et al, (dir.), The State of Social Welfare, Aldershot, Ashgate Publishing, 1998, p. 85. Voir aussi D. Sunter et G. Bowlby, « Labour Force Participation in the 1990s », Canadian Economic Observer, octobre 1998, 3.1-3.11 ; ocde, « The Transition from Work to Retirement », et ocde, « The Labour Market and Older Workers », p. 154.
48 Voir S. A. Bass, « An Overview of Work, Retirement, and Pensions in Japan », in S. A. Bass et al. (dir.), Public Policy and the Old Age Revolution in Japan, New York, The Haworth Press, 1996, p. 62.
49 Ibid., p. 67.
50 Voir T. Smeeding et J. F. Quinn, « Cross-National Patterns of Labor Force Withdrawal », p. 91.
51 Voir S. Methot, « Employment Patterns of Elderly Canadians », Canadian Social Trends, automne 1987, p. 8.
52 Voir D. Sunter et G. Bowlby, « Labour Force Participation in the 1990s », 3.6-3.7.
53 Voir ocde, « The Transition From Work To Retirement », p. 35-37. Voir aussi P. Hicks, « The Policy Challenge of Ageing Populations », The oecd Observer, no 212 (1998), p. 7-9.
54 Voir D. P. Ross et R. Shilington, Flux : Two Years in the Life of the Canadian Labour Market, Ottawa, Statistique Canada, 1991.
55 Voir J. F. Quinn, « Retirement Trends and Patterns in the 1990s : The End of An Era ? », p. 10.
56 Voir A. M. Sum et W. N. Fogg, « Profile of the Labor Market for Older Workers », in E B. Doeringer (dir.), Bridges to Retirement, Ithaca (NY), ILR Press, Cornell University, 1990, p. 53.
57 Voir C. Ruhm, « Career Jobs, Bridge Employment, and Retirement. », in P. B. Doeringer (dir.), Bridges to Retirement, Ithaca (NY), ILR Press, Cornell University, 1990, p. 102-105.
58 Voir O. S. Mitchell et al., « 1994-95 Advisory Council On Social Security : Technical Panel on Trends and Issues in Retirement Saving. Final Report », Population Aging Research Center, Working Paper Series, nos 95-106, Philadelphie, University of Pennsylvania, 1995, p. 5.
59 Voir Statistique Canada, Labour Force Update : Older Workers, Catalogue no 71-005-XYB, Ottawa, Statistique Canada, 1998, p. 19.
60 Voir B. C. Fallick, « A Review Of The Recent Empirical Literature on Displaced Workers », Industrial and Labor Relations Review, 50, no 1 (1996), p. 5-16.
61 Voir B. Casey et S. Wood, « Great Britain : Firm Policy, State Policy and the Employment and Unemployment of Older Workers », dans F. Naschold et B. deVroom (dir.), Regulating Employment and Welfare, New York, Walter de Gruyter, 1994, p. 95.
62 Voir Développement des ressources humaines du Canada, « Job Loss and the Older Worker », Applied Research Bulletin, 2, no 1 (hiver 1995-1996). Voir aussi D. Lauzon, « Worker Displacement : Trends, Characteristics and Policy Responses », Applied Research Branch, Strategic Policy Reports, R-95-3, Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1995 ; D. Gray et G. Grenier, « Jobless Durations of Displaced Workers : A Comparison of Canada and the United States », Applied Research Branch, Strategic Policy Reports, W-97-16E, Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1996 ; G. Picot et al., « An Overview of Permanent Layoffs », Perspectives on Labour and Income, automne 1997, p. 46-51 ; K. A. Couch, « Late Life Job Displacement », Aging Studies Program Series, no 6, Syracuse (NY), Center for Policy Research, Maxwell School of Citizenship and Public Affairs, Syracuse University, 1997.
63 Voir Bureau of Labor Statistics, « Who’s Not Working », Issues in Labor Statistics, Summary, 98, 4, Washington (DC), U.S. Department of Labor, Bureau of Labor Statistics, 1998 ; S. Hipple, « Worker Displacement in an Expanding Economy », Monthly Labor Review, décembre 1997, p. 26-39.
64 Voir K. Morrison, « Canada’s Older Workers », Applied Research Branch, Strategic Policy Reports, Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1996.
65 Voir ocde, Ageing in oecd Countries : A Critical Policy Challenge, Paris, ocde, 1996.
66 Voir Développement des ressources humaines du Canada, Adult Education and Training in Canada, Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1994.
67 Voir G. Schellenberg, The Employment Challenge Facing Today’s Experienced Workers, Ottawa, One Voice, The Canadian Seniors Network, 1997, p. 14.
68 Voir K. Morrison, « Canada’s Older Workers », p. 20.
69 Voir Statistique Canada, Labour Force Update : Older Workers, p. 20.
70 Voir Développement des ressources humaines du Canada, « Earnings, Education and Age...The Low End Goes Lower », Applied Research Bulletin, 2, no 1 (hiver 1995-1996), p. 71.
71 E. Prescott a soutenu que la théorie des facteurs totaux de productivité ne parvient pas à expliquer les différences de revenus sur le plan international et pourquoi certaines économies sont plus productives que d’autres.Voir E. C. Prescott, « Lawrence R. Klein Lecture 1997. Needed : A Theory Of Total Factor Productivity », International Economic Review, 39, no 3 (1998), p. 547. Voir aussi W. J. Baumol et al., Productivity and American Leadership : The Long View.
72 Voir K. McMullen, « Working With Technology : Changing Skill Requirements in the Computer Age », Applied Research Bulletin, 2, no 2 (1996), Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1996, p. 2.
73 Cité dans Développement des ressources humaines du Canada, « Increasingly Complex Jobs = Higher Skills », Applied Research Bulletin, 2, no 2 (1996).
74 Voir ocde, « The Transition From Work To Retirement », p. 27.
75 Voir W. H. Crown (dir.), Handbook on Employment and the Elderly, Westport (CT), Greenwood Press, 1996.
76 Voir Conference Board of Canada, Performance and Potential : Assessing Canada’s Social and Economic Performance. Member’s Briefing, Ottawa, Conference Board of Canada, 1996, p. 14.
77 Voir A. M. Sum et W. N. Fogg, « Profile of the Labor Market for Older Workers », p. 47-49.
78 Voir M. Jablonski et al., « Productivity, Age, and Labor Composition Changes in the U.S. Workforce », in I. Bluestone, R. J. V Montgomery et J. D. Owen (dir.), The Aging of the American Workforce : Problems, Programs, Policies, Detroit, Wayne State University Press, 1990, p. 335.
79 Voir Yankelovich, Skelly et White INC., « Workers Over 50 : Old Myths, New Realities », NewYork, 1985, passim.
80 Ibid., p. 11-12.
81 Voir M. C. Barth et al., « Older Americans as Workers », in S. A. Bass (dir.), Older and Active, New Haven, Yale University Press, 1995, p. 41.
82 Voir R. S. Belous, « Flexible Employment : The Employer’s Point of View », E B. Doeringer (dir.), in Bridges To Retirement, p. 124.
83 Voir D. L. Wagner, « Testimony Before the U.S. Senate Special Committee on Aging », Towson (MD), Center for Productive Aging, Towson University, 1998, p. 1-2.
84 Ibid., p. 2.
85 Voir G. McEvoy et W. Cascio, « Cumulative Evidence of the Relationship between Employee Age and Job Performance », Journal of Applied Psychology, 74, no 1 (1989), p. 11-17.
86 Voir E. A. Hammel, « The Productivity of Chemists and Mathematicians at the University of California : A Cohort Analysis », Program in Population Research Working Paper, no 11, Berkeley, University of California, 1983.
87 Voir E R. Sparrow et D. R. Davies, « Effects of Age, Tenure, Training, and Job Complexity on Technical Performance », Psychology and Aging, 3, no 3 (1988), p. 307-314.
88 Voir N. Charness et E. A. Bosman, « Age-Related Changes in Perceptual and Psychomotor Performance : Implications for Engineering Design », Experimental Aging Research, 20, no 6 (1994), p. 45-59.
89 Voir Développement des ressources humaines du Canada, « The Aging Workforce — Still Capable After All These Years », Applied Research Bulletin, 1, no 2 (été 1995).
90 Voir Bureau of Labor Statistics, « Comparative Job Performance By Age : Large Plants in the Men’s Footwear and Household Furniture Industries », Bulletin, no 1223, Washington (DC), U.S. Department of Labor, Bureau of Labor Statistics, 1957.
91 Voir E. Lazear, « Why Is There Mandatory Retirement ? », Journal of Political Economy, 87, no 6 (1979), p. 1261-1284.
92 Voir J. L. Medoff et K. G. Abraham, « Experience, Performance and Earnings », Quarterly Journal of Economics, 95, no 4 (1980), p. 703-736.
93 Voir K. J. Gibson et al., « Job Search Strategies for Older Job Hunters : Addressing Employers’Perceptions », Canadian Journal of Counselling, 26, no 3 (1992), p. 168-170.
94 Cité dans Preparing For The Baby Boomers’ Retirement : The Role Of Employment, Serial no 105-107, Washington (DC), United States Senate Special Committee on Aging, 25 juillet 1997, p. 56.
95 Voir J. A. Khan et J. S. Lim, « Skilled Labor Augmenting Technical Progress in U. S. Manufacturing », Federal Reserve Bank of New York, Staff Reports, no 47, New York, octobre 1998.
96 Voir T. Dunne et al., « Technology and Jobs : Secular Changes and Cyclical Dynamics », NBER WorkingPaper, no 5656, Cambridge (MA), National Bureau of Economic Research, 1996.
97 Voir D. H. Autor et al., « Computing Inequality : Have Computers Changed the Labor Market », Quarterly Journal of Economics, 113, no 4 (1998), p. 1169-1213.
98 Voir E. Berman, J. Bound et S. Machin, « Implications of Skill-Biased Technological Change », Quarterly Journal of Economics, 113, no 4 (1998), p. 1245-1279.
99 Voir S. Machin et J. VAN Reenen, « Technology and Changes in Skill Structure : Evidence from Seven OECD Countries », Quarterly Journal of Economics, 113, no 4 (1998), p. 1215-1244.
100 Voir ocde, « The Labour Market and Older Workers », p. 158.
101 S. Rix, « The Challenge of an Aging Work Force : Keeping Older Workers Employed and Employable », in S. A. Bass et al. (dir.), Public. Policy and the Old Age Revolution in Japon, New York, Haworth Press, 1996, p. 92.
102 Voir ocde, oecd Economic Surveys : Canada, Paris, 1998.
103 L. Mcdonald, et ses collègues ont remis en question ce que l’on pourrait appeler le « syndrome du retraité volontaire » en soulignant que plusieurs Canadiens âgés sont remerciés à cause des réductions de personnel et des changements en vue de baisser les coûts afférant aux pensions ; suite à cette retraite forcée, ils connaissent des difficultés économiques et des problèmes émotionnels. Voir L. Mcdonald et al., « The Economic Casualties of Retiring Because of Unemployment », iesop Research Paper, no 30, Hamilton (ON), McMaster University, 1998.
104 Voir B. Little, « Productivity In the Eye of the Beholder », The Globe and Mail, 10 avril 1999, p. D1.
105 Cela ne veut pas dire que les chercheurs en sciences sociales et les gouvernements ont été indifférents à la mondialisation ou aux changements structuraux qui ont lieu actuellement dans les économies modernes. Au contraire, ils s’y sont intéressés. Il existe une vaste série de publications, toujours plus développée, sur ces questions ; cependant, on a accordé peu d’intérêt à la relation entre le vieillissement de la main-d’œuvre et la croissance future de la productivité. Voir par exemple, R. J. Gordon, « U. S. Economic Growth Since 1870 : One Big Wave ? » American Economic Review, 89, no 2 (1999), p. 123-128 ; D. W. Jorgenson et K. J. Stiroh, « Information Technology and Growth », American Economic Review, 89, no 2 (1999), p. 109-115 ; T. L. Idson et W. Y. Oi, « Workers Are More Productive in Large Firms, American Economic Review, 89, no 2 (1999), p. 104-108.
106 Cité dans W. J. Baumol et al., Productivity and American Leadership : The Long View, p. 9. Les études suivantes fournissent un bon aperçu du débat actuel sur les facteurs tenus responsables de la croissance de la productivité : R. Disney, Can We Afford to Grow Olderl A Perspective on the Economics of Aging, Center for the Study of Living Standards, Productivity : Key to Economic Success, Ottawa, Atlantic Opportunities Agency, 1998 ; A. Sharpe, « The Productivity Paradox : An Evaluation of Competing Explanations », Canadian Business Economics, 6, no 1 (1997), p. 32-47 ; E. N. Wolff, « The Productivity Paradox : Evidence from Indirect Indicators of Service Sector Productivity Growth », Canadian Journal of Economics, 32, no 2 (1999), p. 281-307 ; B. Lehr et F. Lichtenberg, « Information Technology and Its Impact on Firm-level Productivity : Evidence from Government and Private Data Sources, 1977-1993 ».
107 N. Georgescu-Roegen, dans L. Silk, The Economists, New York, Avon Books, 1976, p. 239.
108 Une étude récente qui s’est efforcée de trouver des réponses à ces questions est celle de J. C. Haltiwanger, J. I. Lane et J. R. Spletzer, « Productivity Differences Across Employers : The Roles of Employer Size, Age, and Human Capital », American Economic Review, 89, no 2 (1999), p. 94-98.
109 B. C. Fallick dit clairement au début de son étude que les conséquences du remplacement des travailleurs sont plus complexes et controversées qu’on ne pourrait le supposer. Il écrit : « Il y a plusieurs désaccords dans la littérature universitaire quant à la manière de définir “un travailleur remplacé". » La question de la définition n’est pas simplement théorique. Les programmes gouvernementaux sont souvent justifiés par le fait qu’une société devrait compenser ceux qui pâtissent des changements structuraux à l’avantage de ceux qui font partie de la majorité, surtout si ces changements sont causés par une modification des politiques gouvernementales. En raison d’un manque de consensus au sujet de la définition des « travailleurs remplacés », le nombre estimé de travailleurs remplacés, et par conséquent le nombre de ceux qui sont admissibles à des programmes gouvernementaux de prestations compensatoires, varie énormément. Voir B. C. Fallick, « A Review Of The Recent Empirical Literature on Displaced Workers », p. 5.
110 R. Lewontin a critiqué une grande partie de la recherche faite aujourd’hui en sciences naturelles. Cependant, je suis convaincu que son jugement pourrait être étendu à plusieurs études sur la productivité menées actuellement. Cf. « Science and “The Demon-Haunted World” : An Exchange », New York Review of Books, 44, no 4 (3 mars 1997I, p. 52.
111 Voir D. Turner et al., « The Macroeconomic Implications of Ageing in a Global Context », p. 4 et 7.
112 Voir R. Disney, Can We Afford to Grow Olderï A Perspective on the Economics of Aging.
113 S. McCarthy, « Productivity, a Political Issue », The Globe and Mail, 10 avril 1999, p. D3.
114 J. C. Haltiwanger et al, « Productivity Differences Across Employers : The Roles of Employer Size, Age, and Human Capital », p. 94. Voir aussi M. Campbell, « Firms Question Wisdom of Ejecting the Experienced », The Globe and Mail, 5 juillet 1999, p. A5.
115 Voir la critique de R. Solow dans « On Golden Pond ».
116 Voir J. F. Quinn et al., « The Microeconomics of the Retirement Decision in the United States », Department of Economics, Working Paper, no 203, Paris, ocde, 1998.
117 Voir, par exemple, R. W. Judy et C. D’amico, Workforce 2020 : Work and Workers in the 21st Century, sur l’approche adoptée par l’Institut Hudson dans son étude récente concernant les changements que le marché de la main-d’œuvre américain va subir durant les 25 prochaines années. Voir aussi H. S. Parnes (dir.), Work and Retirement : A Longitudinal Study of Men, Cambridge (MA), MIT Press, 1981.
118 R. Disney, Can We Afford to Grow Older ? A Perspective on the Economics of Aging, p. 155.
119 D. Bell, « The End of Ideology Revisited-Part II », Government and Opposition, 23, no 3,1988, p. 328.
120 Voir W. J. Baumol et al., Productivity and American Leadership : The Long View, p. 2-3.
Auteur
Titulaire d’une maîtrise ès arts du Brooklyn College (City University of New York) ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en sciences économiques de l’Université Princeton. Il a été directeur de la planification pour le ministère des Finances de la Saskatchewan, poste qu’il a occupé jusqu’à sa retraite. Joel Prager a été également le premier membre du nouvel Institut de politique publique de la Saskatchewan. Il fut conseiller technique du groupe de travail intergouvememental qui a réformé le régime de pension canadien, et a fait partie du groupe de travail parlementaire qui a étudié le marché canadien de l’emploi et les possibilités d’embauche. Il fut un conseiller apprécié du parti progressiste-conservateur à l’occasion du rapatriement de la Constitution. Il a aussi enseigné au Brooklyn College, à l’Université Princeton, à l’Université Fordham et à l’Université de Calgary, où il est actuellement professeur adjoint.
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