1. Transformations de l’État, participation et gouvernance
p. 25-42
Texte intégral
1De manière périodique, le thème de la participation des citoyens aux affaires publiques revient à l’avant-scène des préoccupations sociales et politiques. Alors que, traditionnellement, les demandes sociales des citoyens étaient tournées vers la lutte contre les inégalités incluant avant tout ce qui concerne la redistribution, aujourd’hui elles sont légalement mobilisées par des enjeux reliés à la reconnaissance en référence à l’affirmation d’identités et de différences sociales, culturelles, religieuses ou à l’approfondissement de valeurs postmatérialistes (Berry, 1999). Pour autant, la question des inégalités sociales figure toujours à l’ordre du jour politique et continue de préoccuper les acteurs sociaux. C’est particulièrement le cas à Montréal, où la pauvreté, si ce n’est l’appauvrissement de certains groupes sociaux, demeure une réalité préoccupante.
2Cet état de fait s’explique en partie par le caractère plus scolarisé de la population et la transformation de la société industrielle (Bell, 1976 ; Inglehart, 1988). Un certain nombre de logiques, à la fois internes et externes à l’État, se conjuguent depuis une vingtaine d’années et ont pour résultat d’induire sa recomposition, à la fois dans sa structure et dans le cadre opératoire des politiques publiques (Beck, 1997). Le besoin de participation ainsi que « l’impératif délibératif » (Blondiaux, Sintomer, 2002), résultent pour certains auteurs de l’émergence d’une nouvelle culture politique qui fait de la quête de la participation aux affaires publiques l’une des principales revendications de nouveaux groupes sociaux dotés d’un capital culturel et économique plus élevé (Clark et Hoffmann-Martinot, 1998). Cette quête s’inscrit également dans un ensemble d’autres dynamiques qui remettent en question un mode d’organisation qualifié de « stato-centré » (Jouve, 2005). Celui-ci correspondrait à l’État-providence et trouverait dans le keynésianisme l’idéologie nécessaire à sa légitimité, allant de pair avec un certain mode de relations, voire de régulation entre l’État, la société civile et les entreprises privées.
3C’est ce modèle qui est entré en crise dans les années 1970-1980 et dont on dit qu’il est actuellement en pleine recomposition à la faveur d’un virage néolibéral, touchant pratiquement tous les États. Pour formaliser cette transition et en saisir les dynamiques, les sciences sociales ont de plus en plus recours à la notion de gouvernance, dont le statut épistémologique s’avère très incertain. Tantôt comprise comme une notion à part entière, tantôt identifiée davantage comme un programme de recherche, la gouvernance sert à désigner un processus de transformation du système politique qui cesse d’être centré sur l’État. Le débat sur la gouvernance pose l’hypothèse générale d’une reconfiguration des régimes politiques à travers notamment l’ouverture des arènes décisionnelles aux représentants de la société civile. La participation constitue, dans ce cadre général, un vecteur essentiel de cette transformation. Nous allons voir que ce débat est également traversé par des controverses scientifiques importantes et qu’il est nécessaire d’utiliser ce terme avec précaution.
LES TRANSFORMATIONS DE L’ÉTAT CONTEMPORAIN
4Les transformations contemporaines de la sphère publique remettent en question un ordre politique dans lequel les administrations d’État jouaient un rôle essentiel par rapport à la régulation des sociétés modernes ainsi que dans l’imposition à ces mêmes sociétés de normes censées représenter l’intérêt général en opposition aux intérêts particuliers. C’est indéniablement ce modèle qui est entré en crise du fait de la sédimentation d’un certain nombre de revendications et de processus contestataires. En effet, dès le milieu des années 1970, les premiers signes d’essoufflement du modèle stato-centré apparaissent. Dans un rapport, Michel Crozier, Samuel Huntington et Jȧoji Watanuki évoquaient alors une « crise des démocraties » occidentales qui s’exprimait essentiellement par l’incapacité des États à faire face à l’ensemble des demandes sociales leur étant transmises. La surcharge de l’appareil d’État engendrait une incapacité d’action et, de ce fait, une remise en question de sa légitimité fonctionnelle (Crozier et al., 1975). Dans les années 1980, sur fond de révolution conservatrice aux États-Unis et en Grande-Bretagne, cette thématique de la crise disparaît, un temps, de l’agenda politique. Le recours à des recettes libérales reposant sur la déréglementation et la privatisation explique en partie cette évolution.
5Ce n’est qu’au milieu des années 1990 que l’on évoque à nouveau une crise des démocraties modernes occasionnée par la mondialisation, la recomposition des États et des transformations sociologiques majeures. La terminologie change également. La crise des démocraties modernes se transforme en crise de gouvernabilité nécessitant de nouveaux outils de pilotage ou de gouvernance. Ce changement sémantique permet d’insister sur le fait que la crise n’a pas qu’une portée fonctionnelle ou ne s’exprime pas uniquement par une surcharge de l’appareil d’État mais, plus fondamentalement, qu’elle relève d’une double remise en cause : d’une part, des conditions mêmes de production des politiques publiques, d’autre part, de la légitimité de la puissance publique.
6L’ensemble de ces critiques a remis frontalement en question les deux principes cardinaux d’organisation du politique au sein des sociétés libérales. Partant du principe que le politique constitue l’ensemble des activités, procédures, institutions permettant de réguler les conflits au sein d’une société donnée, la démocratie libérale s’est constituée à partir d’un ensemble de registres particuliers permettant l’agrégation des groupes et des individus en vue de les organiser sous la forme d’une société. Le principe de la démocratie représentative et l’imposition par un ensemble d’organisations spécialisées de règles impersonnelles ont longtemps été considérés comme les deux mécanismes les plus adaptés pour rendre possible cette agrégation au sein des sociétés modernes. Marquées par un processus de segmentation accéléré, ces sociétés subissent une remise en question des liens de solidarité traditionnelle qui caractérisaient les communautés fermées, afin d’imposer une nouvelle division sociale du travail, redéfinissant les rôles et les fonctions sociales, les identités individuelles et collectives. On aura reconnu ici l’héritage laissé par les travaux incontournables de Max Weber, Émile Durkheim ou encore Ferdinand Tönnies.
7Or, nombreux sont les écrits qui insistent sur la crise de ce modèle d’agrégation et sur l’émergence de « citoyens critiques », pour paraphraser Pippa Norris (Norris, 1999) qui, sans remettre en question les valeurs mêmes de la démocratie libérale, sont de plus en plus sceptiques vis-à-vis de la capacité des institutions et du personnel spécialisé à traduire ces valeurs en actions : les élus et les administrations sont ainsi au centre de cette controverse. C’est en grande partie un mode d’agrégation politique de la société civile « par le haut » (Hamel et al., 2000) qui est le plus critiqué et qui conduit à remettre en question l’approche webérienne classique de l’État.
8L’administration d’État, à travers son organisation, les normes qu’elle véhicule dans la société civile et du fait de sa subordination théorique au politique, est ainsi directement interpellée par cet ensemble de remises en question. Ce processus est d’autant plus important que le développement de l’État-providence à partir de l’après-guerre a conduit à une « dilatation de l’espace administratif » que Jacques Chevallier analyse dans des termes qui nous sont devenus familiers :
La limitation de l’espace administratif, qui était au cœur du libéralisme traditionnel, a perdu dans la société contemporaine l’essentiel de sa portée : dans tous les pays, l’administration est investie de responsabilités étendues et aucun pan de la vie sociale n’échappe désormais à son regard. Dès lors, les frontières de l’espace administratif dilaté aux dimensions de la société tout entière deviennent floues. (Chevallier, 1986 :155)
9Il n’est ici ni question ni utile de revenir en détail sur les transformations économiques, politiques et idéologiques qui ont rendu cette dilatation possible dans les démocraties libérales. Tout au plus, peut-on mentionner et se référer au cadre général en vigueur utilisé jusqu’à maintenant pour penser ce processus (Donzelot, 1984 ; Offe et Keane, 1984 ; Rosanvallon, 1984 ; Lash et Urry, 1987 ; Esping-Andersen, 1990 ; Merrien, 1997).
10Alors que le libéralisme politique du XIXe et du début du XXe siècle en Europe contenait un certain nombre de contraintes très fortes quant à la possibilité de mettre en place des États interventionnistes dans le champ social et économique, ces limites vont être contournées et vont même contribuer à généraliser et diffuser un modèle d’action tourné vers les services publics, conférant surtout un nouveau rôle aux administrations étatiques. La transformation des États dans leur relation organique aux sociétés civiles nationales va de fait s’opérer en grande partie par une modification substantielle de la mission et de la raison d’être de leurs administrations.
11Le premier vecteur de recomposition des sociétés occidentales est passé par une transformation en profondeur du capitalisme industriel, selon des rythmes différents en fonction des pays. La révolution industrielle et le processus de concentration qui en a résulté ont conduit à l’exacerbation des tensions sociales et des contradictions entre ces deux pôles essentiels que sont le capital et le travail. Afin de réguler ces tensions, l’État est alors intervenu de manière très empirique dans un premier temps – c’est-à-dire sans baser son intervention sur une idéologie trop prononcée – par des politiques que l’on qualifiera plus tard de sociales et qui avaient pour objectif principal de corriger les inégalités de développement les plus criantes (par exemple dans le domaine du logement, de la santé publique...). La Première Guerre mondiale, la crise économique consécutive à l’effondrement boursier d’octobre 1929, puis la Deuxième Guerre mondiale ont contribué à fausser le fonctionnement naturel de la libre entreprise et du marché et amené l’État à agir à titre d’acteur économique pour prendre en charge des contradictions internes au système capitaliste que ce dernier ne pouvait gérer seul. Cette période a eu pour conséquence d’inscrire dans la durée la mise en place de divers mécanismes de régulation économique et de protection sociale, incluant une régulation du marché du travail.
12Cette intervention dans le champ économique a eu pour effet de télescoper un ensemble d’évolutions proprement politiques comme la montée en puissance du mouvement ouvrier, l’émergence de partis politiques se revendiquant du socialisme, lesquels sont devenus par la suite des forces incontournables dans la vie parlementaire des démocraties libérales. Dans les années 1930, plusieurs de ces partis ont accédé au pouvoir (France, Scandinavie) et élaboré un nouveau corps de doctrine – la social-démocratie – dont l’objectif était de contrôler, par l’intervention étatique, les effets les plus néfastes de la libre entreprise. L’intervention de l’État dans le champ économique n’a pas uniquement été le fait des régimes sociaux-démocrates : les États européens totalitaires de l’époque (Italie, Allemagne) ont développé des mécanismes identiques qui visaient à subordonner l’économie à la primauté de projets politiques. La logique sera poussée à son paroxysme en URSS où on tentera de bouleverser radicalement les rapports sociaux de production.
13La transformation du rapport idéologique entre l’État et la société civile a également constitué une dynamique majeure. L’État n’a plus été conçu comme une instance relativement distante des groupes d’intérêts et en charge uniquement des équilibres globaux. Il a été investi de la mission de moderniser la société et de veiller au progrès social. C’est à travers le keynésianisme que cette mission s’est trouvée clairement articulée à des valeurs politiques dans la mesure où ce projet visait à rendre compatible à la fois le développement économique et la justice sociale. La solidarité et la protection sociale allaient devenir un des mécanismes essentiels de la croissance de l’économie de marché, car elles permettaient de concilier le plein-emploi et le soutien de la demande globale.
14L’idéologie keynésienne a conféré également une nouvelle mission aux administrations nationales. Ce sont elles, et non pas uniquement le pouvoir exécutif, législatif ou juridique, qui devaient décliner cette nouvelle dialectique, plaçant les besoins, les attentes, les préférences des citoyens au cœur du processus de modernisation et de rationalisation. Pour réaliser ce projet, l’administration prenait appui sur une augmentation considérable du système juridique et de la production législative.
15L’administration d’État s’est donc trouvée au cœur de la régulation politique des sociétés occidentales. C’est par son intermédiaire que les arbitrages entre groupes sociaux et territoires étaient produits, que les politiques de redistribution étaient mises en œuvre et que l’idéologie accompagnant le keynésianisme était diffusée dans le corps social. Ce mode d’organisation apparaît alors caractéristique du « projet hégémonique » de la période fordiste (Jessop, 1995) : un État centralisé, qui pilote la société, garant des équilibres sociaux, institutionnalisant les conflits entre le capital et les salariés et se positionnant en situation surplombante par rapport aux intérêts issus de la société civile.
16L’agrégation de ces intérêts était rendue notamment possible par le développement d’un appareillage technologique et de nouvelles méthodes de travail basées sur la planification et la monétarisation des choix publics. Initié d’abord aux États-Unis dans les années 1960 au sein du département d’État à la défense, le Planning, Programming and Budgeting System (PPBS), plus tard francisé en Rationalisation des choix budgétaires (RCB), a représenté la quintessence de ce type d’organisation bureaucratique et technocratique (Laufer et Paradeise, 1982).
17À l’échelle des États modernes, c’est au cours des années 1980 et 1990 que la relation hiérarchique entre l’administration d’État et les sociétés civiles a été remise en question et que la thématique de l’« ingouvernabilité » des sociétés modernes est apparue. Cette thématique et celle de l’antigouvernement ont particulièrement été développées aux États-Unis, en partie après l’accession au pouvoir des républicains en 1980, mais également du fait du candidat Bill Clinton qui, souhaitant recentrer le Parti démocrate, en fera un des thèmes majeurs de sa première campagne en 1992. Elle est aussi largement reprise dans le champ universitaire, au grand dam d’un Claus Offe, qui insiste sur la dimension proprement idéologique du thème de l’ingouvernabilité et de son instrumentalisation par les gouvernements conservateurs soucieux de réduire la taille de l’appareil d’État et de réduire les dépenses publiques (Offe, 1985).
18Les causes de la mise en procès du projet hégémonique accompagnant l’État keynésien sont nombreuses :
- la remise en question d’un mode d’exercice du politique reposant sur la domination (Kooiman, 1993) ;
- la critique d’un mode d’agrégation des préférences basé sur la légitimité légale-rationnelle monopolisée par l’État et ses administrations (Habermas, 1975) ;
- la confiance même dans le politique et dans sa capacité à traiter l’ensemble des problèmes des sociétés modernes ainsi que l’émergence d’une société civile de plus en plus revendicatrice quant à l’organisation du pouvoir (Keane, 1998) ;
- la contestation d’un mode décisionnel reposant sur la représentation politique (donc sur la centralité du personnel politique élu) et sur la primauté de l’expertise scientifique détenue par des administrations se réfugiant derrière leur monopole de la technique (Callon et al., 2001) ;
- l’émergence de nouvelles problématiques (environnement, exclusion, intégration...) ne se prêtant plus à un traitement par des politiques sectorielles, mais qui nécessitent une intégration des approches et la recherche de synergies entre institutions dont les logiques d’action, les cultures, les temporalités ne se recoupent pas (Duran et Thoenig, 1996) ;
- la redéfinition de la citoyenneté, dans sa traduction libérale et universaliste, par des groupes sociaux revendiquant un traitement « communautaire » permettant, selon eux, de passer outre à des politiques qui, sous couvert de libéralisme politique, reposent sur la discrimination des groupes dominés (en fonction du genre, de la langue, des origines ethniques, des pratiques religieuses, de l’orientation sexuelle...) (Beiner et Norman, 2001).
19C’est dans ce contexte général que (ré)émerge dans le champ des sciences sociales la notion de gouvernance pour saisir l’ensemble des transformations auxquelles doivent faire face les États modernes. Les premiers travaux utilisant cette notion datent des années 1920 et proviennent de Ronald Coase. Ils portent à l’époque sur l’analyse des formes de coordination entre firmes. Dans les années 1990, le thème fait un retour remarqué dans le programme scientifique d’abord, puis politique, non sans quelques ambiguïtés.
LA GOUVERNANCE : LES TERMES DU DÉBAT
20La gouvernance est devenue un terme qui a investi presque tous les champs disciplinaires des sciences sociales ainsi que le vocabulaire du politique. À tel point que l’on peut se demander à juste titre ce qui en fonde la cohérence scientifique et, surtout, le statut épistémologique. Pour autant, comme le note G. Hermet,
on tourne en rond, sans répondre de manière substantielle à l’interrogation sur la relation de la notion de gouvernance avec la démocratie, avec tout au plus, en ce qui me concerne, ce réconfort que ce brouillard de mots fait ressurgir à mon esprit les deux questions primordiales qu’Aristote posait sur l’exercice de la politique comme pouvoir. Première question : quel est le meilleur gouvernement ? Seconde question : qui est en droit de gouverner ? (Hermet, 2004).
21Quel statut faut-il accorder à ce terme ? Peut-on penser qu’il est adapté à la transformation de l’ordre politique contemporain ? Chose certaine, son utilisation a progressivement été étendue à la recomposition des États modernes, sur fond de remise en question des rapports d’autorité entre les bureaucraties et la société civile (Jouve, 2003). Le champ des relations internationales n’échappe pas non plus à cette diffusion : gouvernance de l’ordre politique international rime dans ce cas avec multilatéralisme. Appliqué à la gestion des firmes, le terme sert à désigner le retour à des pratiques managériales fondées sur l’éthique et les mécanismes de contrôle garantissant la transparence et l’imputabilité des décisions entre les actionnaires et les dirigeants des grandes entreprises. Si le terme a mis un certain temps à « percoler » le champ des sciences administratives et celui de la réforme de l’État, c’est parce que la nouvelle gestion publique, ou encore plus récemment la réingénierie, occupent déjà depuis une quinzaine d’années le cœur de la ligne d’action scientifique et politique et qu’ils renvoient à des pratiques et des techniques de réorganisation du travail administratif bien balisées (Pollitt, 1995).
22On le voit, les perspectives sont différentes, les champs d’intérêt très divers. Et pourtant, toutes ces approches partagent un point commun. La gouvernance est systématiquement utilisée comme un terme permettant de déterminer de nouvelles pratiques collectives, de nouvelles formes d’action publique (sur fond essentiellement de recomposition des États-nations et de mondialisation). Celles-ci ne reposeraient plus sur la domination et la violence légitime, chères à Max Weber, mais sur des négociations entre acteurs économiques, sociaux et politiques, voire sur un partenariat fondé sur des principes éthiques et moraux. Comme l’écrit Jean-Pierre Gaudin en faisant un bilan de l’utilisation de ce terme,
les observateurs des nouvelles relations internationales après la chute du mur de Berlin, ceux des régionalisations et décentralisations qui s’expérimentaient, ont alors pensé découvrir un monde politique nouveau, modelé par des acteurs plus diversifiés et moins hiérarchisés. Beaucoup ont jugé que cela requérait de nouveaux dispositifs négociés de régulation politique. Tandis que d’autres se demandaient s’il n’y avait pas dans cette nouvelle gouvernance des appels trop insistants au consensus et, surtout, des logiques extensives de marchandage. (Gaudin, 2002 :134)
23La généralisation de ce terme tient en bonne partie à la transformation accélérée des États modernes depuis une vingtaine d’années : le terme ayant à la fois une valeur descriptive et analytique, ce qui ne contribue pas à clarifier son statut.
24Le thème de la gouvernance apparaît durant les années 1980-1990 et vise à formaliser les transformations de la puissance publique, notamment la recomposition des relations entre l’administration et la société civile qui ne peuvent plus être fondées sur une asymétrie totale. La participation de la population à la prise de décision et à la gestion est conçue comme une source d’efficacité dans la résolution des problèmes auxquels doivent faire face les États (Wildavsky, 1991).
25La question du statut juridique exact à conférer aux acteurs issus de la société civile et participant aux affaires publiques a par ailleurs été posée et reflète en ce sens les difficultés qu’ont les sciences sociales d’établir ce type d’interrogation dans le champ plus général des questions relatives à l’étude des formes de médiation entre la puissance publique et la société civile. L’exemple suivant est parfaitement révélateur de cette difficulté : dans le mode de classification emprunté à la Library of Congress, très largement utilisé par les bibliothèques universitaires, les ouvrages abordant la thématique des liens entre l’administration et la société civile sont classés entre les livres traitant des groupes d’intérêts et ceux analysant les phénomènes de corruption...
26De plus, derrière les différences de terminologie employée pour qualifier ce statut, se joue un affrontement idéologique entre les tenants d’une approche reposant sur la régulation par le marché et les tenants d’une démarche plus soucieuse de garantir l’égalité de traitement : faire référence aux « clients », aux « usagers » ou aux « citoyens » n’est pas simplement un jeu sémantique, mais participe de différentes positions vis-à-vis de la transformation de la relation entre l’administration et son environnement social et politique à partir des années 1980. Comme l’ont noté Guy B. Peters et Donald J. Savoie,
de nombreux pays portèrent au pouvoir des formations de droite qui entreprirent, inspirées par la nouvelle idéologie dominante, de modifier radicalement la fonction du secteur public. La gauche, elle-même, là où elle conserva le pouvoir, adopta plusieurs des méthodes de la droite. Ce changement de direction a consisté pour l’essentiel à modeler le fonctionnement de l’administration sur celui de l’entreprise privée. L’hypothèse sous-jacente se formule ainsi : si les gouvernements emboîtaient le pas à l’entreprise privée, la plupart des problèmes seraient résolus, car les réformes ainsi adoptées visaient toutes à assurer un mode de gouvernance qui soit à la fois compétent, efficace et démocratique. (Peters et Savoie, 1995 : 9)
27Le thème de la nouvelle gestion publique s’est ainsi diffusé très largement avec pour principaux objectifs de modifier la répartition du pouvoir et de l’autorité au sein de la fonction publique et de transformer la culture organisationnelle des administrations. Les relations avec les clients/usagers/citoyens ont été un des vecteurs de cette transformation. En une quinzaine d’années, les perspectives analytiques ont considérablement évolué. En effet, en 1980, l’un des ouvrages français de référence analysait dans les termes suivants ces relations :
L’administration ne peut survivre si elle n’obtient pas le soutien de l’opinion publique. Les administrateurs doivent s’attacher à expliquer leur action, à comprendre les besoins des administrés. C’est dire l’importance de la représentation de l’administration dans l’opinion publique, du choix entre le système secret et celui de la publicité de l’action administrative et d’une politique intelligente de relations publiques. (Debbasch, 1980 :762)
28On n’ose imaginer de nos jours la réaction de nombreux administrés face à cette approche somme toute paternaliste.
29Dès le début des années 1980, la sociologie des organisations a contribué à changer l’analyse des dynamiques de relations entre les agents de base et les assujettis en insistant précisément sur la capacité d’action réelle des fonctionnaires de premier rang à transformer les normes administratives pour les adapter aux attentes réelles et aux conditions particulières des « administrés » (Lipsky, 1980). Les travaux de politologues se référant à l’éthnométhodologie vont également permis de raffiner notre compréhension de cette capacité d’action à travers l’analyse détaillée des situations d’interaction entre les agents administratifs et la population (Warin, 1992). Dans le même temps, Jacques Godbout a mis de l’avant toute l’ambiguïté de la notion de coproduction des services publics en attirant notre attention sur le fait que « l’organisation de production aura toujours tendance à vouloir représenter et à se représenter l’usager comme un producteur à la fois parce que c’est son univers, son monde mais aussi parce que de cette façon elle neutralise le caractère dangereux, voire subversif, de l’usager pour l’organisation » (Godbout, 1991 :76). Par rapport à cet ensemble de travaux de recherche particulièrement riche, il convient de positionner le recours à la gouvernance en tant que notion permettant de saisir sous un angle différent les relations entre administrés et administrations publiques.
30Au cours des années 1990, l’utilisation du terme « gouvernance » s’est généralisée, sans que l’on sache très bien, encore aujourd’hui, s’il s’agit d’un programme de recherche sur les recompositions de l’ordre politique contemporain, d’une notion permettant d’appréhender ces processus ou encore d’un outil normatif au service de ces dynamiques (Leresche, 2001). Une chose par contre est acquise : la gouvernance sert à désigner les nouveaux mécanismes et procédures par lesquels des politiques publiques sont produites par la coopération entre acteurs et institutions, la mutualisation de leurs ressources et leur légitimité. Les politiques urbaines ont été un terrain particulièrement investi par les recherches universitaires utilisant ce terme (Le Galès, 1995 ; 1998). À partir du milieu des années 1990, on a vu ainsi se multiplier les définitions de la gouvernance qui insistent sur l’importance des acteurs issus de la société civile dans ces processus. La multiplication de ces définitions a conduit également à amplifier la controverse scientifique concernant le statut même du terme. Il convient dès lors, dans un premier temps, de clarifier le débat en insistant sur les limites de certaines approches de la gouvernance.
31Parmi les chercheurs ayant activement participé à la diffusion de la gouvernance en tant que notion figure en bonne position Jan Kooiman. Pour lui, la gouvernance constitue une nouvelle forme d’action du politique caractérisée par l’ingouvernabilité des sociétés modernes. Les États modernes n’auraient plus les moyens de faire face aux demandes qui leur sont transmises par la société civile notamment du fait de l’évolution du capitalisme moderne, de la différenciation accentuée de la société. C’est que les demandes sociales sont de plus en plus spécifiques et nécessitent des modes de traitement particuliers, des réponses, par des programmes de politiques publiques, de plus en plus ciblées. Reprenant à son compte les propositions de Michel Crozier, Samuel Huntington et Jȧoji Watanuki, pour Jan Kooiman les États contemporains seraient en situation de surcharge en raison également des contraintes fiscales apparues dans les années 1980-1990, lesquelles exigeaient de revoir à la baisse les programmes sociaux (surtout aux États-Unis et en Grande-Bretagne) et de reconfigurer les administrations d’État en vue de les rendre plus efficaces (Pierre et Peters 1999 :2000)
32Selon Jan Kooiman, il convient d’établir une distinction entre, d’une part, ce qui relève de processus de gouvernement orientés vers la réalisation d’objectifs clairement définis et, d’autre part, la gouvernance qui est le résultat d’interactions entre une pluralité d’institutions aux statuts divers. L’intégration des préférences, en tant que fondement de l’activité politique, n’est pas le résultat de l’action d’un palier de gouvernement particulier – en l’occurrence l’État-, mais émerge de la négociation entre différentes institutions :
La gouvernance peut être vue comme la configuration ou la structure qui émerge d’un système sociopolitique et qui est un produit collectif dérivant des interactions de toutes les parties prenantes. Cette configuration ne peut se réduire à un acteur ou un groupe d’acteurs en particulier. (Kooiman, 1993)
33Trois objections majeures méritent d’être adressées à cette approche socio-cybernétique de la gouvernance :
- La différence opérée par Jan Kooiman entre processus de gouvernement et gouvernance, entre objectifs clairs et objectifs négociés, est difficile à justifier. On a depuis longtemps montré les limites heuristiques d’une approche de la décision répondant certes aux canons de la logique cartésienne, du droit administratif ou du taylorisme, mais qui est très éloignée du fonctionnement concret des organisations (Sfez, 1992), qu’elles soient publiques (Crozier, 1963) ou privées (Cyert et March, 1963).
- En soi, la distinction faite par l’auteur n’est pas différente de celle établie en 1976 par Herbert Simon entre rationalité substantive et rationalité procédurale dans l’analyse de systèmes décisionnels fragmentés, au sein desquels les enjeux et les objectifs à atteindre pour l’ensemble des parties prenantes ne sont pas donnés d’avance, suscitent des débats et où l’information dont ces parties disposent est limitée et imparfaite. En résumé, disons que, globalement, cette approche ne constitue pas une innovation scientifique majeure par rapport à l’ensemble des travaux sur la rationalité limitée (Simon, 1976). On pourra d’ailleurs regretter que la filiation avec ces travaux ne soit pas suffisamment mise en avant par certains tenants de la gouvernance. Pour reprendre l’heureuse expression de Herbert Simon : « Le plaisir est dans le processus. » Si la gouvernance n’est qu’un avatar du « modèle de la poubelle » de John March et Johan Olsen (March et Olsen, 1991), autant se référer au modèle initial.
- L’accent mis sur les interactions entre les parties prenantes d’une politique publique soulève un problème de fond questionnant directement des notions centrales de la science politique : la domination, le pouvoir, l’autorité et la légitimité (Chazel, 1983). À aucun moment, l’approche proposée par Jan Kooiman ne travaille ces questions, ne donne à voir en quoi la notion de gouvernance permet d’éclairer l’émergence de nouveaux modes d’exercice du politique qui ne seraient plus centrés sur l’État et l’exercice du monopole de la violence légitime pour faire appel à d’autres mécanismes. Il s’agit pourtant là d’une des pistes de recherche les plus pertinentes. En effet, les recherches sur la gouvernance ne peuvent faire l’économie d’une investigation approfondie des mécanismes de traitement, de résolution, mais aussi de non-résolution des conflits. C’est à partir d’une telle perspective que l’on peut certainement aborder l’analyse des conditions opératoires dans lesquelles l’intérêt général se construit, ou non, à l’intérieur de structures de gouvernance souples, ne reposant pas sur la coercition et la domination de l’un des acteurs (Pierre 2000).
34Autre problème de la gouvernance : les définitions approximatives. Par exemple, dans leur livre L’État au cœur, le mécano de la gouvernance, Pierre Calame et André Talmant (1997) définissent la gouvernance comme :
la capacité des sociétés humaines à se doter de systèmes de représentation, d’institutions, de processus, de corps sociaux pour se gérer elles-mêmes. Cette capacité de conscience, d’organisation, de conceptualisation, d’adaptation à de nouvelles situations est une caractéristique des sociétés humaines. C’est un trait qui les distingue des autres sociétés d’êtres vivants, animales et végétales. (Calame et Talmant, 1997)
35Au-delà du niveau de généralité de cette définition, on ne peut que constater que l’objet ainsi défini n’est pas la gouvernance, mais le politique comme champ d’activité spécifique. De même, François Ascher dans Métapolis envisage la gouvernance comme un « système de gouvernement qui articule et associe des institutions politiques, des acteurs sociaux et des organisations privées dans des processus d’élaboration et de mise en œuvre des choix collectifs capables de provoquer une adhésion active des citoyens » (Ascher, 1995). Ici, la gouvernance se confond avec la définition somme toute classique de la démocratie libérale.
36Au Canada, Gilles Paquet a été l’un des principaux auteurs à tenter de produire une définition générale de la gouvernance, empruntée à la même approche sociocybernétique que Jan Kooiman. Cette approche, désormais classique, considère que l’État, comme les grandes firmes industrielles, sont inadaptés par rapport à la nouvelle donne économique, politique, culturelle. Sommées de se transformer par les pressions de leur environnement et les dysfonctionnements internes, ces grandes organisations doivent mettre en place des modes d’organisation interne et des modes de coordination alternatifs au marché et à l’État. Pour Gilles Paquet, le salut ne peut venir que d’un mode de gouvernance de type clanique qui garantit à la fois l’efficacité économique et le respect de la démocratie. Pour l’auteur, en effet,
l’une des caractéristiques du clan est de mettre l’accent sur l’adhésion volontaire aux normes. [...] Le clan est une constellation non hiérarchique d’unités cimentées par une vision commune qui travaille à un projet, à une structure hologrammatique (c’est-à-dire que chaque membre a une perception du projet dans son entier et de son rôle dans ce dernier) et est capable d’apprendre par le dialogue, l’établissement de réseaux, la rétro-action et l’auto-organisation. (Paquet, 2001 : 25-26)
37Selon Gilles Paquet, la principale vertu du clan est de rendre possible l’apprentissage collectif, enjeu majeur de la gouvernance en cours de construction.
38Cette définition illustre parfaitement les controverses autour de la gouvernance dans la mesure où son statut épistémologique est des plus flous et du fait du manque d’ancrage théorique par rapport aux questions classiques de la sociologie politique ou de la science politique. En effet, pour Gilles Paquet, la gouvernance ne correspond pas tant à une notion, mais bien davantage à un programme d’action politique. De plus, considérer que l’adhésion à un clan procède de l’acceptation volontaire des normes qui régissent les échanges entre les membres d’une telle structure sociale a de quoi surprendre. On ne peut qu’être étonné par l’absence de référence aux mécanismes de domination qui participent directement de l’intériorisation des normes du groupe, à l’habitus cher à Pierre Bourdieu. Du fait des problèmes soulevés par l’emploi de ce terme, faut-il pour autant le rejeter et considérer que sa valeur heuristique est très limitée, voire nulle ?
POUR UNE UTILISATION RAISONNÉE DE LA GOUVERNANCE
39Très fortement critiquée, la gouvernance permet cependant de poser un regard différent sur le fonctionnement des institutions démocratiques et sur les enjeux auxquels elles doivent actuellement faire face (Duran, 2001). L’action publique se développe de nos jours selon de nouvelles logiques qui appellent d’autres raisonnements sur l’action comme d’autres instruments de pilotage. Les profonds changements qu’a connus la gestion publique permettent aussi d’interroger le caractère plus ou moins déterminant des dispositifs institutionnels dans la conduite d’actions publiques fortement marquées par la fluidité des enjeux, l’hétérogénéité des territoires et la fragmentation du pouvoir politique.
40Ainsi, aujourd’hui, penser l’action publique dans une situation de fragmentation de la souveraineté et de la dilution du pouvoir conduit à se poser de nouvelles questions sur la construction d’un ordre politique légitime. En effet, le caractère polycentrique actuel des formes de régulation du social et du politique met fin à une vision hiérarchique et intégrée de l’ordre politique. L’évolution récente de la gestion publique nous invite à reconsidérer la légitimité politique à l’instar des processus de légitimation qui, plus que jamais, doivent réussir à articuler légitimité représentative, légitimité fonctionnelle et un « impératif délibératif » ouvrant les systèmes décisionnels à de nouveaux acteurs provenant de la société civile (Blondiaux et Sintomer, 2002). C’est dans ce contexte de changement de la pratique de l’action publique, comme de sa théorie, que la gouvernance, en tant que programme de recherche, se développe.
41Malgré l’absence d’une définition clairement stabilisée, la gouvernance tente de saisir d’une manière englobante l’ensemble des transformations qui affectent l’action publique. En effet, les institutions de gouvernement n’ont plus le monopole de l’action publique, qui relève désormais d’une multiplicité d’acteurs. Cette situation pose la question du pilotage de l’action publique dans des univers politique et administratif fragmentés au sein desquels ressources et légitimité sont éparses. On se propose ici de considérer la gouvernance comme
l’ensemble des pratiques collectives par lesquelles l’ordre politique est produit à partir de la négociation autour de l’élaboration et de la mise en œuvre de normes permettant de définir collectivement le bien commun, les modalités concrètes pour y parvenir et ce, sans avoir uniquement recours à la domination et à la coercition exercées par un acteur particulier.
42Envisager l’action publique sous l’angle de son pilotage conduit à poser la question de la place occupée par les institutions de gouvernement dans sa fabrication. Ce qui amène à renouer avec une approche ne relevant pas tant de l’ordre du pouvoir que de celui du pouvoir politique. L’action publique doit certes procéder d’une analyse du pouvoir des acteurs, mais, en retour, elle doit permettre une nouvelle interrogation du pouvoir politique lui-même — droit de commander, réelle capacité à agir — comme mode spécifique d’articulation du pouvoir et de l’autorité.
43Il est pertinent, de plus, de réintroduire une réflexion sur le pouvoir politique et sa place dans la régulation des sociétés alors même que la définition du pouvoir politique pose actuellement un problème et que son inscription institutionnelle est devenue problématique. La critique de l’État-providence porte ainsi sur le pouvoir de réaliser, sur la capacité à faire, mais sans nécessairement remettre en cause le cadre du pouvoir politique. Les réflexions sur la gouvernance conduisent en fait à rompre avec ce qui fut essentiellement une analyse organisationnelle de l’action publique. Le contexte actuel de fragmentation, fonctionnel et territorial, amène à accorder une importance certaine à la dimension collective de l’action publique et à mettre l’accent sur les interactions entre les acteurs. À l’inverse des anciennes perspectives d’analyse, il faut poser la question du statut et de la dimension nécessairement politique de ces actions. Il est aussi utile de faire une analyse fine de la distribution des ressources de pouvoir, même si on sait qu’il est difficile de distinguer domination, pouvoir et influence.
44Appliquée à notre objet de recherche, la participation des usagers à la gestion des services publics, une approche déclinant la notion de gouvernance, conduit ainsi à placer au centre de ces investigations la relation particulière entre les acteurs issus de la société civile et l’État. Cette relation porte sur la capacité d’action de la société civile sur l’État et, plus largement, sur le régime de citoyenneté dans lequel se déploie cette interaction. Un régime de citoyenneté est composé de quatre éléments :
[L]a reconnaissance formelle de droits (civiques, politiques, sociaux et culturels), les règles du jeu démocratique qui donnent accès à l’État et à ses institutions, le territoire sur lequel s’exprime la citoyenneté et une identité collective qui lui est associée et, enfin, l’expression de valeurs fondamentales touchant le partage des responsabilités qui incombent aux acteurs. Le régime définit les limites des responsabilités de l’État. Il les distingue de celles sous la régulation des rapports marchands, familiaux ou du voisinage. (Jenson, 2005)
45Par rapport aux approches des années 1980 et 1990, l’utilisation de la gouvernance, appliquée à l’analyse de la participation de la société civile à la gestion de services publics, met l’accent non pas tant sur les dynamiques de contrôle et de négociation sur les normes de l’action publique que sur la contribution réelle de la participation des usagers à la construction de l’État, sur la traduction en actes du régime de citoyenneté et sur son évolution. Il s’agit de s’engager sur le terrain d’une sociologie politique de l’usager qui est indissociable de la prise en compte de la réalité de l’État, un domaine qui n’est évidemment pas un construit sociopolitique figé. Dans le cas particulier du Québec, cette approche est d’autant plus importante que la construction de l’État et de son appareil administratif a été tardive et que la question de la participation de la société civile à ce processus a occupé une place particulière dans l’agenda politique. D’un point de vue méthodologique, l’approche par la gouvernance nécessite de mener une analyse diachronique capable de mettre en avant à la fois ce processus et de comprendre les transformations les plus actuelles qu’il engage.
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