Version classiqueVersion mobile

Barcelone ou comment refaire une ville

 | 
Béatrice Sokoloff

Les interventions dans les quartiers

Texte intégral

Terrasse de café dans la Vieille Ville

1L’identité des quartiers de Barcelone s’enracine dans l’histoire de son développement urbain, qui a produit des tissus très différenciés que l’on peut regrouper dans quatre types d’environnement physique et social. Le centre historique comprend le territoire de la Vieille Ville, entourée de murailles jusqu’en 1854, ainsi que la Barceloneta, quartier ouvrier développé extramuros selon un plan original de la fin du XVIIIe siècle. L’Extension de Cerdà (l’Eixample) est devenue le centre moderne de Barcelone. Les quartiers traditionnels à la périphérie de l’Eixample se sont développés autour des noyaux d’urbanisation du XIXe siècle de la plaine barcelonaise, annexés au début du XXe siècle. À la périphérie, on retrouve des quartiers récents, bâtis dans les années 1950 et 1960, dont l’urbanisation est déficiente ; quartiers-dortoirs, ces grands ensembles modernistes ont souvent été implantés sans toutes les infrastructures et les services nécessaires. À l’extrême périphérie, sur les versants du massif de la Collserola, à la limite nord de Barcelone, des quartiers d’autoconstruction occupent des zones au relief tourmenté.

2L’objectif fondamental des plans et projets pour les quartiers était d’équilibrer la qualité de vie dans toutes les parties de la ville. Dans la Vieille Ville et les noyaux anciens des villes périphériques annexées, il s’agissait de consolider des tissus vétustes qui se dégradaient. Dans l’Eixample, c’est la conservation des caractères propres à ce tissu qui était visée. Enfin, dans les quartiers récents de la périphérie, il fallait générer une urbanité nouvelle, créer des lieux civiques auxquels la population puisse s’identifier.

3Dès le début des années 1980, les secteurs les plus problématiques ont fait l’objet des premiers plans et ont vu démarrer bon nombre de projets dont l’urgence et la pertinence étaient avérées. Cet effort s’est poursuivi dans l’ensemble des districts après 1983. Rappelons que le Plan général métropolitain avait déjà identifié de nombreux secteurs comme « zone de remodelage privé ou public », « zone de conservation de la structure urbaine et du cadre bâti », ou « zone de transformation d’usages » ; ces désignations impliquaient l’obligation de réaliser des plans spéciaux. Les plans dits « de réforme intérieure » (peri) correspondaient à des objectifs particuliers d’amélioration du cadre de vie des quartiers.

Noyaux d’urbanisation de la plaine de Barcelone, 2e moitié du XIXe siècle

Carte des peri
1. ARI de Ciutat Vella
2. Gràcia
3.Sants (Hostafrancs)
4. Sant Andreu
5. Les Corts (Anglesola)
6. Zona Franco
7. Sont Pau
8.Hospital Clínic
9.Nous Consultons
10. Creu Roja
11. Escola Industrial
12. Palau Robert
13.Saesa
14. Monplet
15.C. Rosselô
16. Sagrada Familia
17. El Carmel
18. La Teixonera
19.Uobregôs-Hortal
20. Bové-Passarell
21.Vallbona
22. Sont Genis
23.Can Caralleu
24.Roquetes
25. Camp de l’Espanyol
2 6.Pont Dragó
27. Paperera
28.Numància-Sants
2 9. Baró de Viver
30. El Bon Pastor
31.Vapor Vell
32.Enric Sanchis
33. Bilbao
34.Prosperitat
35.El Clot
36. Horta

  • 1 Bohigas l’a bien compris, lui qui fustigeait l’absence de coordination urbanistique au niveau métr (...)

4Dans tous les peri, on retrouve une analyse détaillée de la composition de la population, des usages actuels, de la morphologie et de la typologie des tissus bâtis, de leur image propre ; cette analyse définit également les besoins en équipements, en espaces publics, ainsi que les problèmes de circulation et d’accessibilité. Les peri comportent obligatoirement un ensemble de propositions détaillées et bien formalisées, qui font partie d’un programme d’action établissant des priorités de réalisation, ainsi qu’un budget et un échéancier. On évalue aussi les effets attendus des opérations publiques, ainsi que des formules de coopération avec le privé. Les priorités définies dans les plans doivent être soutenues par les instances qui allouent les budgets et celles qui interviennent sectoriellement. La coordination entre les différents services municipaux devient une condition sine qua non de la planification de projets réalisables1.

5Si chaque peri propose des interventions qui reflètent la spécificité des conditions locales, on retrouve cependant des préoccupations récurrentes, d’un quartier à l’autre. Ainsi les projets axés sur la requalification ou la création d’espaces publics et sur la dotation en équipements collectifs sont au centre de l’approche qui vise à réhabiliter, consolider ou redévelopper les quartiers. L’espace public et les équipements collectifs ont été privilégiés, à la fois en tant que condensateurs et facteurs d’amélioration de la cohésion sociale des quartiers, et en tant qu’éléments physiques restructurant le tissu, porteurs d’une signification sociale et symbolique. Cette double connotation de l’espace public — comme élément structurant de la forme urbaine et comme lieu d’usage chargé de signification sociale et symbolique — s’est souvent trouvée actualisée à travers des projets qui combinaient la création d’un espace public avec celle d’un équipement collectif. La monumentalisation de l’espace public a été une préoccupation importante à Barcelone. Le monument, témoin de la mémoire collective ou de la signification d’un lieu, peut être aussi bien un bâtiment historique réaménagé et réhabilité qu’une sculpture. L’art public a d’ailleurs trouvé un nouvel élan à Barcelone et a contribué à l’aménagement de nombreux espaces.

6Les peri comprennent aussi une analyse du cadre bâti résidentiel, en relation avec l’analyse des trames urbaines. Les conditions de réhabilitation ou d’amélioration du stock résidentiel font souvent l’objet dans les plans d’études détaillées, mais les interventions sur le cadre bâti sont présentées comme devant non pas précéder, sinon découler des améliorations liées à l’aménagement des espaces publics ou des équipements. D’autre part, la réhabilitation résidentielle reste liée à des politiques spécifiques de stimulation de l’intervention du privé. Celle-ci a longtemps été dépendante de contraintes héritées de la période franquiste ; le gel des loyers, en particulier, avait bloqué dans de nombreux secteurs toute possibilité d’amélioration par les propriétaires. Peu à peu, la situation évolue ; mais il reste que les moyens dont dispose le Patronat municipal de l’Habitat sont encore limités et que la responsabilité en matière d’habitat est définie au niveau supérieur du gouvernement régional, la Généralité de Catalogne. Dans ces conditions, les plans ne peuvent faire beaucoup plus que d’intégrer l’analyse des problèmes liés au cadre bâti résidentiel. Ils préconisent cependant des opérations-pilotes, notamment là où il existe des bâtiments possédés par la municipalité, et où des projets d’espaces publics ont déjà contribué à réhabiliter certains secteurs.

7Tous les plans de quartier examinent de très près la relation existant entre la grande voirie et la voirie locale. Les axes de communication importants ne doivent pas constituer des barrières à l’intérieur des quartiers. S’ils doivent les traverser, ils seront aménagés de manière appropriée, en utilisant souvent une typologie spécifiquement barcelonaise, celle de la « rambla ». Dans certains cas, la circulation sera reportée à la périphérie des quartiers. Quant à la voirie locale, elle sera restructurée pour faciliter la circulation et l’accessibilité des quartiers. En plus de la hiérarchisation des voies, une certaine spécialisation est également préconisée (axes commerciaux, axes de transport public, axes piétonniers).

8Dans les noyaux traditionnels, l’existence historique de la « carrer gran » ou « carrer major » (la grand’rue) sera reconnue ; le réaménagement de ces rues, qui sont souvent des axes commerciaux devenus axes de transit importants, comprendra un allégement de la pression circulatoire et une protection de la typologie des tissus adjacents. Ces rues pourront ainsi continuer à jouer leur rôle d’espace de communication sociale à l’intérieur du quartier. Les « carrer major » de Gracia, Sarrià, la « carrer gran » de Sant Andreu, la Rambla du Poble Nou, dans Sant Marti, ont été replanifiées selon ces critères. Un effort important de création de stationnements souterrains en de nombreux points de la ville est venu appuyer la régénération des voies et des places publiques comme espaces civiques appropriables par les piétons.

9Si l’on considère la répartition dans le temps et l’espace de divers projets d’espace public, on remarque qu’il y a eu des interventions dans tous les districts. Durant le premier mandat de l’équipe socialiste, de 1979 à 1983, ce sont surtout des petits projets de places publiques qui ont été réalisés, en priorité dans les quartiers populaires les moins bien équipés. Le deuxième mandat, de 1983 à 1987, a été celui où tous les districts ont été dotés d’au moins un parc urbain. Tout en poursuivant la réalisation de petits projets ponctuels, on a commencé à entreprendre des opérations à l’échelle intermédiaire, dont la portée restructurante était plus considérable ; hormis les parcs urbains, les projets de voies civiques ont été lancés à cette période. Par contre, dès 1987, la continuation des projets dans les quartiers comprend tout à la fois des places, des jardins, des voies civiques ; dans l’est de la ville, quelques parcs urbains s’y ajoutent. A cette période, les projets s’adressant aux quartiers continuent à être réalisés, en parallèle avec le lancement des projets à l’échelle de la ville arrimés à l’aventure olympique, qui contribueront également au rééquilibrage de la dotation des quartiers en équipements et espaces publics.

10De nombreux projets d’équipements collectifs ont été lancés dès le premier mandat. En 1987, la répartition des réalisations met en évidence la réponse donnée en priorité aux carences importantes en écoles et équipements sportifs qui existaient dans les quartiers populaires du nord-est de la ville. Parmi ces équipements, il faut signaler un type nouveau, le « centre civique », qui viendra appuyer les efforts communautaires des « maisons de quartier » déjà en place. Entre 1983 et 1987, la municipalité a commencé à développer son projet de décentralisation vers les quartiers, et les centres civiques en ont été la première réalisation concrète. Équipements multifonctionnels, seize de ces centres ont été mis en place dans les districts. Ils regroupent différents types d’activités communautaires et sont disponibles pour les réunions des groupes agissant dans les quartiers. Axées sur la participation civique et la culture, leurs activités sont très variées (formation des adultes, cours de langues, notamment de catalan, d’arts plastiques, de danse ; activités artisanales ; conférences, spectacles, expositions). Ils accueillent aussi des fêtes populaires, des réunions politiques ou communautaires. Dans certains cas, ils abritent une maison de jeunes, des services sociaux, des services communautaires. Plusieurs de ces centres civiques ont été installés dans des bâtiments à caractère patrimonial, transformés, rénovés, voire agrandis pour ces nouveaux usages. Au-delà des services qu’ils offrent, ces centres sont devenus des lieux très animés de rassemblement civique et d’identification aux quartiers.

11Le patrimoine est un autre élément physique de la ville qui possède une charge symbolique et qui a fait l’objet d’une attention particulière à Barcelone. Dans tous les districts, on retrouve des exemples de réhabilitation et de transformation à des fins civiques et culturelles de bâtiments d’époques et d’usages variés (palais, bâtiments publics ou privés construits par des architectes importants, couvents, églises, anciens marchés, bâtiments industriels classés). Le plus grand nombre de projets se concentrent cependant dans la Vieille Ville, les noyaux anciens et l’Eixample. Le siège institutionnel de chaque district (mis en place par le processus de décentralisation politique) est très souvent un bâtiment significatif rénové.

12La requalification de l’image de la ville, par petites touches, s’exprime également dans les efforts visant l’amélioration et la protection du paysage urbain. Une campagne, lancée en 1985, diffusée avec le concours de personnalités bien connues du public, a eu des résultats importants. La restauration et le nettoyage de façades, le traitement esthétique de murs mitoyens ou aveugles, l’affichage commercial sur rue, la transformation des cours en jardin et même l’amélioration de l’équipement sanitaire des bars et autres lieux publics ont fait l’objet d’interventions ponctuelles un peu partout sur le territoire de la ville. Le succès des premières campagnes a débouché à plus long terme sur des programmes de partenariat entre la Ville et des compagnies privées dont les commandites, au début des années 1990, se montaient à un total de 20 millions de dollars ; ces collaborations ont permis le nettoyage et la réhabilitation de nombreux bâtiments emblématiques de Barcelone, tels l’Arc de Triomphe, l’église de la Mercè, la Pedrera et la Casa Amattler (oeuvres de Gaudí), les fontaines du Parc de la Ciutadella, et bien d’autres.

Nouveaux édifices municipaux, 1980-1987 (écoles, centres civiques, administration, etc.)

13Enfin il faut mentionner le rôle important joué par le Service de la gestion urbanistique, qui a continué à réaliser à un rythme soutenu l’acquisition de nombreux terrains et édifices pour des fins publiques. Les actions conjointes des Services de la planification, des projets urbains et des autres services concernés par la consolidation de l’urbanité dans toutes les parties de la ville, ainsi que le nombre et la qualité des réalisations, illustrent bien à quel point le projet urbain a été durant toutes ces années le projet collectif par excellence, qui a permis à Barcelone de réaffirmer son identité, de condenser les énergies et de projeter les bases de son redéveloppement. Durant les deux premiers mandats du nouveau gouvernement municipal, cet effort collectif a été encadré par un urbanisme qui a mis au premier plan les quartiers comme lieu d’intégration de base à la communauté, en intervenant de manière différenciée sur les différents tissus physiques et sociaux qui la composent.

Revivifier le centre historique

  • 2 Le terme catalan « esponjament » signifie littéralement « action de rendre spongieux ». Nous l’avo (...)

14Le territoire des quartiers de la Vieille Ville est presque entièrement couvert par des peri. Ces plans s’adressent à des tissus très serrés et denses, qui comportent une part importante de bâtiments vétustes. Un tel contexte requiert des interventions délicates. Dans la Vieille Ville, les peri se rapprochent beaucoup de la conception préconisée par Bohigas, à savoir que le plan est essentiellement un cadre pour l’intégration d’un ensemble de projets définis à l’échelle la plus fine du tissu. L’« aération » du tissu2 est un moyen préconisé pour créer de nouveaux espaces libres, là où le cadre bâti est trop dégradé et doit être démoli ; cependant le remodelage du tissu doit respecter la morphologie existante. Plusieurs nouvelles petites places ont été créées de cette manière dans la Vieille Ville, telles les places de la Mercè, de les Caramelles, et de Escudellers, ou le jardin Emili Vendrell. Les plans comportent aussi des indications sur les tissus vétustes qui devront être reconstruits par étapes. Dans le Raval, l’action conjointe de la Généralité de Catalogne et de la Ville dans la construction de nouveaux logements sociaux sur les emplacements désignés commence à être très visible, après un démarrage assez lent.

Réhabilitation du R aval En noir : patrimoine à réhabiliter. En blanc : zones dégradées à rénover.

15On peut distinguer deux phases, dans les interventions. Les premières ont souvent eu un caractère ponctuel et visaient la réhabilitation d’espaces publics existants, le plus souvent de petites places caractéristiques des tissus anciens, telles les places de Sant Pere et de Sant Augustí Vell, ou la création d’un nouvel espace par « aération ». Puis on a lancé des opérations de plus grande envergure dans les parties les plus dégradées de la Vieille Ville. Ces opérations sont composées de plusieurs projets, amorcés peu à peu, mais faisant partie d’une conception générale d’ensemble, réalisée à la manière d’un puzzle. C’est ainsi que l’ambitieux peri du Raval prend forme au fil des années. Les espaces publics prévus sont réalisés l’un après l’autre et forment système. Sur eux s’articulent d’une part les nouveaux projets d’immeubles résidentiels et d’autre part un axe institutionnel, comprenant différents projets de réhabilitation et de transformation des grands ensembles conventuels du quartier. Ainsi le Couvent des Anges et la Casa de la Caritat ont été récupérés pour de grands projets à caractère culturel, complétés par la construction du Musée d’art contemporain. Cet axe se continue sur la Rambla, avec la reconstruction du théâtre du Liceu, la transformation de l’église et du couvent de Santa Monica en Centre d’art et l’installation, dans des bâtiments rénovés, de l’université Pompeu Fabra.

Photo aérienne du Raval

Casa de la Caritat

16Dans les autres parties de la Vieille Ville, on retrouve aussi cette progression cumulative de projets qui s’insèrent peu à peu dans un ensemble structuré. Dans le Secteur Oriental, on peut mentionner un axe d’intervention de part et d’autre de la succession des premières petites places rénovées (Basses de Sant Pere, Sant Pere, Sant Augustí Vell), autour duquel se concentre un ensemble de propriétés municipales. Certains immeubles, le long de la rue Comerç, ont été entièrement réhabilités. D’autres ont été démolis pour aérer le tissu en créant de nouveaux espaces publics. D’autres enfin sont reconstruits pour reloger les habitants. Il s’agit là encore d’une stratégie à long terme, qui se réalise projet par projet. En bordure du secteur, la Promenade Picasso qui borde le parc de la Ciutadella a été requalifiée comme axe civique. Elément significatif du patrimoine, la grande structure vitrée de l’ancien marché du Born a été restaurée. Quant au musée Picasso, son agrandissement fait communiquer entre eux plusieurs palais datant des XVe et XVIIe siècles situés le long de la rue Montcada.

17Dans la Barceloneta, le tissu particulier constitué d’îlots longs et très étroits a été surdensifié avec le temps. Le peri prévoit à long terme une rénovation du cadre bâti qui réduirait les hauteurs excessives et la construction de nouveaux immeubles pour reloger les habitants. L’ensemble résidentiel « la Maquinista », réalisé par le bureau d’Oriol Bohigas, propose une typologie nouvelle d’îlot avec cour intérieure qui aère le tissu. Les rares petites places de la Barceloneta ont été réhabilitées. Compte tenu des exigences de conservation de la morphologie du quartier, l’essentiel des espaces publics et des équipements nouveaux ont été localisés à la périphérie du quartier : parc de la Catalana, avec ses équipements sportifs et civiques, promenade maritime, Passeig Joan de Borbó, du côté du Vieux Port.

Vieille Ville, Secteur Oriental En blanc : espaces publics prévus

18L’aération du tissu et sa reconstruction progressive caractérisent donc les opérations menées dans la Vieille Ville. S’y ajoute une réutilisation extensive du patrimoine monumental à des fins culturelles et civiques. Si le caractère des tissus anciens est respecté, il faut souligner par contre l’audace architecturale de certains projets sur le patrimoine monumental. Le tandem Piñon-Viaplana a signé des réinterprétations magistrales avec les projets du Centre d’art Santa Monica et de la Casa de la Caritat. Par un sous-sol et un rez-de-chaussée traités de manière très sobre et moderne, Enric Sòria et Jordi Garcés réarticulent les différentes parties du Musée Picasso. L’architecture contemporaine s’exprime aussi avec bonheur dans plusieurs projets d’insertion d’habitat neuf dans les tissus anciens des quartiers de la Vieille Ville.

Réhabilitation de bâtiments sur la rue Comerç

19La consolidation de ces quartiers et l’amélioration de leur cadre de vie repose sur un changement de perspective quant à la réforme de la Vieille Ville par le réaménagement de la voirie. L’histoire des transformations du tissu médiéval remonte aux plans de Gariga i Roca (1861) et Baixeras (1880-1888). À cette période ont eu lieu les premiers débats sur la valorisation du patrimoine monumental de la Vieille Ville. Déjà au début du XIXe siècle, on avait percé les axes perpendiculaires des rues Ferran et Princesa. L’important axe nord-sud de la Via Laietana, prévu au plan Cerdà, verra le jour au début du XXe siècle. De plan en plan s’est ainsi constitué un héritage de propositions d’ouvertures de voies jamais réalisées, héritage repris plus tard dans le PGM, qui prévoyait des voies rapides traversant les tissus anciens de la Vieille Ville et de Gràcia.

peri de la Barceloneta

Vues du nouvel ensemble d’habitations « La Maquinista », par O. Bohigas dans la Barceloneta

20La stratégie développée dans les peri est très différente. Au lieu de couper dans les tissus anciens, on les restructure plus délicatement. Ainsi la circulation de transit est réorganisée pour soulager les rues commerciales. Au nord du quartier gothique, les voies ont été repavées et forment un réseau réservé aux piétons. Les tronçons déjà ouverts pour le passage des voies rapides, derrière la cathédrale et le long de l’avenue des Drassanes, sont réintégrés au système des espaces publics et deviennent des éléments restructurants, assurant le désenclavement du centre historique. L’aménagement du Moll de la Fusta a constitué un temps fort de la réintégration des quartiers anciens à la Ville. Des stationnements souterrains, aménagés à la périphérie de la Vieille Ville, complètent la réorganisation de la circulation ; les plus importants sont localisés sous le Moll de la Fusta et sous les places de la Cathédrale et de Catalunya, complètement réaménagées. Un effort considérable a été entrepris récemment pour repaver les rues et les trottoirs dans tous les quartiers de la Vieille Ville. Il semble bien, après quinze ans d’interventions patientes et tenaces, que la réhabilitation de la Vieille Ville ait réellement décollé.

Préserver l’Eixample

21Depuis quelques décennies, les urbanistes — et en particulier les urbanistes et architectes barcelonais — ont redécouvert le plan Cerdà et en ont donné de nouvelles interprétations, après une longue période d’oubli. Dès 1934, en précurseurs, les membres du gatcpac (la branche espagnole des ciam) reconnaissaient la valeur de ce plan, soulignant sa rationalité et le rapport existant entre le tracé de Cerdà et certains postulats de l’urbanisme moderniste. Plus récemment, des études respectivement du Laboratoire d’urbanisme de l’École d’architecture de Barcelone et de l’équipe de la revue 2C ont réinterprété les rapports entre les tracés et les tissus bâtis de l’Eixample. Ainsi on a pu dire que l’Eixample était la forme paradigmatique de la Barcelone moderne.

22Pour Manuel de Solà-Morales, l’Eixample de Cerdà est porteur d’une nouvelle idée de ville, correspondant aux idéaux de la société bourgeoise et aux besoins de l’économie. L’usage du sol et sa valorisation foncière constitueront dès lors des paramètres importants de l’urbanisme naissant, tout comme la question de l’habitat. Par ailleurs, souligne Solà-Morales, la nouvelle ville va se constituer à l’encontre des règles de l’urbanisme baroque classique, qui accordait la première place à l’édification et à la composition urbaine. Désormais, l’ordonnance du sol (tracés et parcellaire) aura priorité, suivie par la construction des infrastructures (voies et services) par la puissance publique. Ce n’est qu’ensuite, et de manière très autonome, que le privé entreprendra l’édification des bâtiments, en fonction de leur rentabilité. Dans la construction de l’Eixample, les grands axes que sont notamment la Gran Via et le Passeig de Gràcia ont en effet précédé l’édification et ont largement déterminé — avec la trame orthogonale et les pans coupés qui définissent l’îlot barcelonais — la nature du tissu de l’Eixample.

23Si les exigences liées à l’hygiène et à la circulation apparaissent clairement dans le plan Cerdà, comme dans la plupart des plans d’extension des grandes villes européennes, les analyses récentes ont remis en évidence la complexité et la spécificité des déterminations du tissu urbain de l’Extension. Si l’îlot a connu très tôt une densification due à la spéculation foncière et si la répartition homogène d’équipements dans des « super-îlots » (quatre îlots de base), prévue par Cerdà, a été l’aspect le plus négligé de son plan, il reste néanmoins que l’Eixample possède une forme générale extrêmement prégnante et offre une continuité visuelle et volumétrique remarquable. La variation des sections et des typologies des rues s’accompagne d’une hiérarchisation des tracés qui s’est développée peu à peu et qui est encore pleinement fonctionnelle aujourd’hui. Dans sa rigueur analytique, le plan Cerdà a donc démontré à l’usage une grande flexibilité.

24À l’origine, Cerdà prévoyait une « égalisation » rigoureuse de l’espace, à partir de la trame orthogonale, de la forme régulière des îlots, et d’une largeur standard des rues (20 mètres). Celles-ci comprenaient une très riche variété de sections, correspondant à des usages différenciés ; un trait cependant était constant, celui du rapport entre chaussée et espace réservé aux piétons (50 %-50 %). Cette même proportion se retrouvait dans la répartition du bâti et de l’espace libre à l’intérieur de l’îlot, selon les règlements d’édificabilité prévus par Cerdà. Si l’on ajoute à ces caractéristiques le soin apporté au dessin des croisements octogonaux (liés à l’usage des pans coupés aux coins de l’îlot) et la répartition équilibrée que Cerdà assignait aux « super-îlots » abritant des équipements ou des parcs, on aura énoncé les paramètres de base qui devaient assurer non seulement la rationalité économique du développement urbain et la fluidité des communications, mais aussi l’hygiène et la qualité du milieu résidentiel. Un système de parcs urbains bien répartis entre les quartiers n’a cependant jamais été réalisé. Dans le rapport posé entre les concepts génériques de « voies » et « intervoies », on trouve l’essence du génie de Cerdà et l’expression d’un équilibre idéal entre viabilité économique et viabilité sociale, mais également, au niveau de la forme urbaine, entre espaces publics et espaces privés.

L’Eixample, forme paradigmatique de la Barcelone moderne

25Dans l’Eixample actuel, l’héritage de Cerdà est encore très présent. La structuration particulière des activités et de la forme urbaine de ce secteur le définit — cas unique en Europe — comme un centre moderne à la fois étendu et dense, qui est aussi bien lieu de résidence (environ 350 000 habitants) que lieu de travail (environ 300 000 emplois, en 1983), marqué par les activités tertiaires. En ce sens, l’Eixample est en même temps le coeur de la région métropolitaine et un ensemble de quartiers résidentiels. Une étude approfondie de l’Eixample commandée par la municipalité de Barcelone a permis d’en faire un portrait très fouillé et a constitué la base d’une stratégie de préservation et de mise en valeur. Le diagnostic distingue une série de problèmes, mais aussi de potentiels, qui caractérisent ce tissu particulier.

Patrimoine architectural restauré : la Casa Milà, de Gaudí, sur le Passeig de Gràcia

26La grille des rues, leur relation à l’îlot et la variété de leurs types de section sont les éléments de base qui donnent à l’Eixample son caractère propre et la cohérence de son image. Ces rues, de par leur configuration, se prêtent bien à la coexistence du trafic véhiculaire et piétonnier. La rue est peut-être bien, dans ce sens, la figure type de l’espace public barcelonais. Cependant, malgré la qualité de ses voies, l’Eixample souffre d’une surcharge de circulation, due en partie à ses fonctions de centre métropolitain, mais également au retard historique qu’a connu Barcelone quant à la construction des grandes voies de ceinture. Les nouvelles voies de ceinture ont été conçues pour absorber le 20 % de trafic de transit qui passait auparavant par l’Eixample, dont la capacité était, en 1987, saturée à 98 %.

27La circulation a été améliorée par une utilisation plus rationnelle de la grille orthogonale, obtenue en hiérarchisant ses voies, pour mieux répartir le trafic débouchant dans le secteur central de l’Eixample. Ainsi la circulation de passage est reportée sur une maille primaire, les autres rues étant réservées au trafic local ou déchargées pour permettre une meilleure utilisation pour les piétons. On a également allégé la pression sur le centre des systèmes de transports (lignes d’autobus et de métro, gares, jonction avec des autoroutes). La périphérie de l’Eixample, dans ses points de tangence avec les tissus voisins, offre un potentiel de décentralisation des grandes infrastructures, mais aussi des activités tertiaires qui ont peu à peu envahi certaines zones, au détriment de l’habitat. Vouloir conserver le tissu central de l’Eixample signifie donc protéger ses caractéristiques physiques, mais également son caractère résidentiel, qui en fait un quartier au plein sens du terme.

La Fondation Tapies, réhabilitation d’un édifice de L. Domenèch i Montaner

Exemple de boutique du « modernisme » catalan de la fin du XIXe, dans l’Eixample

28À la différence des autres districts, l’Eixample n’a pas fait l’objet de PERI, mais d’une réglementation spéciale visant à préserver son identité. Dans le cas d’insertions nouvelles, la cohérence du cadre bâti est apparue comme une priorité. Il s’agissait non seulement de protéger les bâtiments classés, mais aussi de contrôler les conditions générales de l’édification. La réglementation concernant la protection du patrimoine architectural et historico-artistique de la ville de Barcelone a donc été précisée pour le « secteur particulier de l’Eixample ». Elle s’applique aux édifices catalogués, ainsi qu’aux aires situées dans les zones de protection ; elle doit également être respectée dans les plans partiels (tels que les études de détail ou autres types de plans à petite échelle). En plus d’établir des mesures spécifiques pour le périmètre de l’ensemble de l’Eixample, elle délimite aussi un secteur plus restreint, dit « secteur de conservation », où la réglementation est encore plus stricte. Cette réglementation touche également des secteurs où il reste des terrains vacants construisibles, ainsi que les conditions de substitution de l’édification et des usages dans les zones déjà construites.

29Un autre champ d’intervention est celui de la récupération, à moyen et long terme, des cours intérieures des îlots (les « patios »), pour les convertir en espaces libres aménagés (publics ou privés). Le jardin de la Torre de les Aigües a été le prototype de réutilisation d’un cœur d’îlot.

30L’Eixample possédant peu d’espaces publics, certaines de ses voies particulières ont été aménagées en espaces civiques et de promenade. Le Passeig de Gracia a toujours eu cette vocation, dès ses origines. Depuis les années 1980, l’avenue Gaudí, puis plus récemment l’avenue Mistral — deux petites diagonales dans la maille Cerdà — ainsi que l’avenue Infanta Carlotta (rebaptisée avenue Tarradellas), à la limite nord-ouest de l’Eixample, ont été réaménagées dans cette perspective. Deux parcs urbains importants ont pris la place de friches industrielles et ferroviaires, respectivement le parc de l’Escorxador (Joan Miró) et le parc de la Gare du Nord. Le réaménagement de la Plaça de les Glories a aussi été l’occasion de créer une nouvelle place-jardin à l’intérieur de la structure supportant cet important nœud routier.

31La réhabilitation du patrimoine architectural est un autre thème majeur d’intervention dans l’Eixample. Hormis les maisons célèbres de Gaudí (Casa Battló, Casa Calvet, Casa Milà), on y a complètement restauré un grand nombre de bâtiments marquants de l’architecture du « modernisme » catalan (le « noucentisme ») du tournant du siècle, conçus par les grands architectes de l’époque (Puig i Cadafalch, Domenèch i Montaner, Domenèch i Estapa).

32La conservation de l’Eixample passe aussi par les très nombreuses opérations d’amélioration du paysage urbain. Les rez-de-chaussée commerciaux caractérisent la plupart des rues de ce district, surtout au centre. La rénovation des boutiques modernistes de la fin du XIXe (au style décoratif proche de l’Art Nouveau) donne un cachet particulier à de nombreuses rues. L’élimination d’ajouts déparant l’architecture originelle, le contrôle du design des affiches commerciales, le nettoyage et la restauration de façades ont rehaussé la qualité du paysage urbain qui s’offre au piéton le long de ces rues et ont mis en valeur la richesse stylistique de la composition architecturale des bâtiments anciens. Ces mesures ont aussi stimulé la créativité contemporaine ; à tel point que le design d’une série de nouveaux bars a même fait l’objet d’un guide touristique.

Consolider les quartiers limitrophes de l’Eixample

33Les noyaux d’urbanisation du XIXe siècle, hormis Sarrià et Horta, se sont développés au moment de l’essor de l’industrialisation. Les tissus de Sants, Gràcia, Sant Andreu et Sant Marti se sont constitués de manière autonome et ont connu leur propre croissance, avant de rejoindre tant bien que mal la trame de l’Eixample. Au départ, la relation avec Barcelone se faisait par une route, qui constituait souvent l’épine dorsale de l’agglomération et qui est devenue sa grand’rue. Les tissus des quartiers périphériques traditionnels portent encore l’empreinte de la mixité des activités, et notamment de la juxtaposition de l’industrie et de l’artisanat avec l’habitat. Dans les anciens quartiers des Corts, de Gràcia, Sant Andreu, la Sagrera, el Clot, on retrouve un tissu serré, organisé par un plan géométrique, où le quadrillage des rues étroites forme de petits îlots rectangulaires, presque carrés ; ce tissu est ponctué de petites places centrales de quartier, souvent présidées par un édifice public. Par contre beaucoup de tissus interstitiels seront développés en prolongeant simplement des rues ; ces « tissus de rues » sont dépourvus de places.

Le quartier de Gràcia, photo aérienne de 1981

Sant Andreu, plan de la voirie

Schéma de voirie de Sant Marti

34Durant la première phase d’interventions ponctuelles dans les différents quartiers, de nombreux projets de réhabilitation ou de création de petites places seront réalisés, par exemple les places des Corts et de Sarrià, l’ensemble des places de Gràcia, les nouvelles places de las Navas dans Poble Sec, de Mossèn Clapés dans Sant Andreu. Dans les tissus anciens de la périphérie de l’Eixample, les places étaient les seuls espaces publics ; elles représentaient dans le quartier un pôle d’activités quotidiennes (présence de petits commerces) ou civiques (présence d’édifices publics). Leur réaménagement a donc dû tenir compte des conditions multiples de leur utilisation intense ; d’où la simplicité rigoureuse de leur design et le caractère essentiellement minéral de leur traitement. Les cheminements piétons entre les petites places réhabilitées ont aussi été améliorés avec le temps. Un des premiers exemples est l’axe piétonnier de Sant Andreu, qui va de la place du marché à la gare, en passant par plusieurs petites places de part et d’autre de la grand’rue commerciale. À Gràcia, les passages ou les rues reliant les places traditionnelles ont été récemment bordés d’arbres et repavés. Le bord des trottoirs est systématiquement aménagé avec des pylônes qui empêchent les voitures de stationner sur les trottoirs. On retrouve le même type d’aménagement dans tous les noyaux anciens aux rues étroites (entre 6 et 10 m de largeur).

35Un problème commun à plusieurs quartiers de la périphérie de l’Eixample (surtout à l’est) est qu’ils sont mal reliés au centre, à cause de l’inachèvement des trames, mais aussi parce qu’ils en sont isolés par des infrastructures ferroviaires, des éléments de la grande voirie ou par des friches industrielles. C’est le cas de Sant Andreu, dont les quartiers traditionnels sont enclavés entre la Meridiana et une voie de chemin de fer et ne sont reliés au centre que par la grand’rue. Le peri propose un schéma de voirie qui prolonge un certain nombre de rues pour en faire des liens interquartiers, qui traversent les barrières et soulagent la pression de la circulation sur la grand’rue. Certaines, telle la nouvelle rambla de Sant Andreu, offrent désormais un cheminement piéton agréable.

36Dans Sant Marti, le développement de la grille de Cerdà a été fragmentaire. Lors de l’annexion avec Barcelone, ses quartiers possédaient déjà leur propre structuration autour du marché, des places du Commerce et de l’Union, de la paroisse du Clot. L’ancien quartier industriel du Clot s’est retrouvé enclavé et isolé. La création d’une rambla qui relie désormais les rues Aragó (dans l’Eixample) et Guipuzcoa (dans Sant Marti), sur un site coupé auparavant par le chemin de fer, allie la création d’un axe fort avec l’aménagement d’une promenade couverte par une structure vitrée très sculpturale. Au sud de la Gran Via, le Poble Nou d’Icària est aussi un noyau ancien dont la rambla centrale vient d’être réhabilitée, constituant l’axe civique du quartier. Celui-ci était depuis longtemps coupé de Barcelone par les importantes friches industrielles qui ont été récupérées pour l’édification du Village Olympique.

La Rambla Aragó-Guipuzcoa, partie couverte

37La viabilité des anciens quartiers de l’est barcelonais est donc étroitement dépendante non seulement de leur consolidation interne, objet des premiers projets, mais aussi de la restructuration urbaine d’ensemble qui a démarré avec les grands travaux reliés aux Jeux Olympiques. Des projets d’échelle intermédiaire y ont joué un rôle important, tels les parcs urbains du Clot et de la Pegaso qui récupèrent des friches industrielles, le lien viaire majeur de la rambla Aragô-Guipuzcoa ou le pont-sculpture de Calatrava, qui relie le centre ancien de Sant Andreu avec Sant Marti, par-dessus les voies du chemin de fer.

Espace de jeux et vue, vers l’est, sur des immeubles de construction récente

Façade des Cotxeres sur la rue de Sants

38Dans Sants, à l’ouest de l’Eixample, où les associations de voisins étaient très actives, des projets tels le parc de l’Espanya Industrial (sur une friche) ou le centre civique des Cotxeres de Sants sont venus répondre à des revendications de longue date des citoyens. L’implantation de la gare de Sants et l’aménagement de ses abords a été le point de départ de la requalification d’un secteur stratégique le long de l’avenue de Tarragona, anciennement à vocation industrielle. Les transformations d’usage du sol donnent lieu à des plans spéciaux à petite échelle, bien circonscrits, tel celui du Vapor Vell, ancien site industriel dont le bâtiment principal a été classé dans le patrimoine à réhabiliter. Une opération fine a permis de retisser l’ancienne zone industrielle dégradée avec le quartier environnant en construisant un projet d’habitat associé à un espace public.

Passage public avec les anciens hangars du tramway rénovés

Le bâtiment classé du Vapor Ve//, ancien édifice industriel

39Comme dans les noyaux anciens du centre historique, les peri des quartiers traditionnels de la périphérie analysent l’habitat et proposent une perspective de consolidation à partir de propositions travaillées à petite échelle, soit d’insertion, de substitution ou de rénovation du cadre bâti, qui prennent en compte les caractéristiques sociales et physiques de chaque quartier. Mais surtout, l’approche des peri permet de penser l’intégration, à l’échelle du quartier, entre projets d’habitat, d’espaces publics et d’équipements destinés à une population donnée.

Plan de la façade à rénover

Habitat des années 1960-1970 dans la Zona Franco

La nouvelle urbanité de la périphérie moderne

40Les quartiers de la périphérie moderne ont été construits entre 1950 et 1970 sous le franquisme, à une époque où la spéculation foncière n’avait aucun frein. Des « polygones d’habitation » ont poussé aux franges des quartiers ouvriers traditionnels, dans la Zona Franca et dans l’est de Sant Marti et de Sant Andreu. Dans la Zona Franca et Sant Andreu les zones résidentielles voisinent avec des zones industrielles encore très actives. Une délimitation plus rationnelle des deux types d’occupation du sol a été élaborée dans les peri de ces quartiers. Les densités des « polygones » sont parfois extrêmes, jusqu’à 1600 habitants à l’hectare dans la Zone Franca et dans le Carmel, autre quartier ouvrier des années 1960 construit sur les pentes de la colline du même nom, dans le district d’Horta-Guinardo. Dans ce dernier cas, la densité des grands ensembles était encore plus problématique, du fait de la topographie escarpée et de l’accès difficile (manque de routes et de stationnements). Ces problèmes d’accessibilité se retrouvaient aussi dans l’est de Sant Andreu et dans Nou Barris, les nouveaux quartiers édifiés entre 1950 et 1970 au nord de la Meridiana, jusque sur le versant de la Collserola (quartier d’autoconstruction des Roquetes).

41Ces quartiers étaient des quartiers mal reliés au centre, où les équipements scolaires et sportifs étaient très insuffisants pour les besoins d’une population caractérisée par un pourcentage élevé de jeunes de moins de 15 ans. Ces quartiers n’avaient pas été soumis à des réglementations strictes, ni à une quelconque planification. La qualité du bâti était médiocre, l’implantation moderniste se conjuguait avec un environnement de terrains vagues sans espace public aménagé. L’ensemble était parfaitement cahotique.

42Les quartiers de la périphérie moderne seront donc parmi les premiers touchés par l’élaboration de PERI et de projets d’équipements et d’espaces publics. Étant donné la rareté des lieux publics et la configuration des espaces vacants ou réappropriables, les premières places réalisées — telles la place Sóller dans Nou Barris, ou la place de la Palmera, dans Sant Marti — ont été des projets occupant une superficie relativement importante, aménagée pour différents usages. Le jardin de Les Estrelles Altes, dans la Zona Franca, occupe l’intérieur d’un méga-îlot d’habitation sur une friche industrielle. Des nouveaux parcs urbains suivront à partir de 1983, dans Sant Marti et Nou Barris, réalisés parfois en plusieurs phases et occupant des secteurs non construisibles, comme le parc de la Creueta del Coll, sur le site d’une ancienne carrière.

Vue aérienne du quartier de Roquetes, à flanc de montagne, et d’une partie de Prosperitat, dans Nou Barris

Vue générale du Carmel à l’entrée du tunnel de la Rovira

Réhabilitation des « cases borates » à Sant Andreu, avec ajout d’un demi-étage

43Le travail à différentes échelles sur la voirie constitue un élément décisif dans la création d’une nouvelle urbanité dans les quartiers périphériques modernes. A l’échelle locale, les peri ont prévu toute une série de petites interventions de connections internes des quartiers et l’établissement d’itinéraires pour piétons. La réalisation majeure est cependant la création de plusieurs « ramblas » centrales dans ces quartiers, des voies qui sont devenues la colonne vertébrale de l’espace civique : la rambla du Carmel, la rambla de Prim (dans Sant Marti), la Via Júlia et l’avenue Rio de Janeiro (dans Nou Barris). Ces voies sont aussi des éléments clés des relations entre quartiers. Enfin la grande voirie de ceinture et le tunnel de la Rovira (sous la colline du Carmel) donnent aux quartiers périphériques une réelle accessibilité au centre. La couverture des voies de la 1re ceinture a permis d’aménager sur certains tronçons des équipements ou des espaces verts.

44L’habitat a fait l’objet d’interventions (parfois conjointes) de la Ville et de la Généralité de Catalogne. Les anciens « polygones » nécessitaient des réparations ; beaucoup de leurs façades ont été repeintes et leurs espaces extérieurs réaménagés. Le PERI de la Zona Franca évaluait à plus de 2000 logements les besoins en habitat neuf. Les nouveaux bâtiments sont conçus de manière à reconstituer un tissu formé par de grands îlots, dont le centre puisse être aménagé pour les résidents. On retrouve ce genre de conception de l’habitat nouveau dans les PERI de l’est de Sant Andreu, où l’on a également planifié la réfection et l’agrandissement de « maisons bon marché » (cases barates) dans deux quartiers qui se sont formés lors de l’afflux d’ouvriers à Barcelone, en 1929, pour la construction de l’Exposition universelle. À l’origine, ces maisons avaient une surface habitable de 48 à 65 m2. Dans les quartiers dits d’« urbanisation marginale », que l’on retrouve sur les flancs de la Collserola, des études détaillées sur l’habitat auto-construit des années 1960 ont défini des paramètres de rénovation correspondant à des normes minimales, et à la capacité de payer des habitants.

45L’équipement des quartiers périphériques modernes a été un autre enjeu important pour améliorer leur qualité de vie. Des écoles et des centres sportifs s’y sont multipliés, souvent associés comme ailleurs à la création d’un espace public. Nou Barris et Sant Andreu bénéficieront principalement du grand parc sportif de Can Dragó, le long de la Meridiana. L’association entre parc et équipement sportif se retrouve dans les zones olympiques, dont l’aménagement est conçu pour profiter aux quartiers voisins. En particulier dans le secteur du Vall d’Hebron, les installations desservent tout le nord de la ville, et s’inscrivent dans un grand parc adjacent, au bas du Carmel. Sur la montagne de Montjuïc, les accès ont été grandement améliorés, notamment depuis la Zona Franca.

46Les centres civiques ont joué un rôle important dans les secteurs relativement récents, où les traditions associatives étaient moins développées que dans les quartiers traditionnels. Dès 1983, quatre centres ont été installés dans la Zona Franca, et plusieurs étaient en construction dans la périphérie de l’est barcelonais.

47Pour terminer, il faut souligner que le rétablissement de l’équité entre les quartiers s’est manifesté non seulement par le nombre et la variété des nouveaux projets, mais également par l’ampleur de la qualité de ces projets : qualités architecturales, qualité des matériaux utilisés, présence partout de l’art civique. L’urbanité y a trouvé des expressions diverses, respectueuses ou créatrices de l’identité des lieux, et aucun quartier ne fait plus figure de parent pauvre.

Les projets d’espaces publics

48Les projets d’espaces publics ont marqué l’ensemble de la ville. De la petite place réhabilitée au nouveau parc urbain, en passant par divers types d’aménagement des voies, c’est une centaine d’interventions qui ont vu le jour jusqu’en 1987. Depuis, malgré l’effort consenti autour des grands projets reliés à la tenue des Jeux Olympiques, une autre centaine de projets est venue s’ajouter à la liste, témoignant d’une belle continuité dans les réalisations à l’échelle du quartier. Les objectifs de rééquilibrage ont été largement atteints et les quartiers moins bien nantis se retrouvent avec un nombre appréciable de nouveaux projets significatifs. L’amélioration du cadre urbain générée par les projets est très sensible.

49Situés dans des quartiers densément peuplés, les espaces publics barcelonais sont très fréquentés. L’intensité de cette fréquentation témoigne du bien-fondé de la réponse apportée à la demande sociale. Elle ne constitue cependant pas en soi la preuve que la conception des espaces, les partis adoptés, sont le gage de leur succès. Curieusement, il semble qu’il n’y ait pas eu d’études systématiques de suivi sur l’utilisation des premiers projets réalisés. On se souviendra cependant des débats dans l’opinion publique et entre professionnels, au sujet des « places dures » (places minérales), qui constituaient l’essentiel des premières réalisations. Si des considérations liées à l’entretien de ces espaces mais aussi à leur type d’inscription urbaine, justifiaient largement ce parti, des réponses ont été apportées par la suite aux aspirations des résidents, qui souhaitaient davantage de verdure. Les parcs urbains réalisés dans tous les districts ont été bien accueillis et plus récemment, certains projets de nouvelles places ont proposé une typologie mixte de « place-jardin », qui est venue s’ajouter aux quelques réalisations plus anciennes de jardins urbains.

50D’entrée de jeu, il faut remarquer que la typologie des espaces publics barcelonais se différencie sensiblement de certaines figures traditionnelles qu’on rencontre dans d’autres villes européennes. Il faut rapporter ces différences à l’histoire même de l’urbanisation barcelonaise, et à la diversité des tissus qui se sont formés à travers cette histoire.

51L’histoire des parcs est particulière ; les conditions du développement urbain expliquent leur apparition tardive, reliée notamment aux grandes expositions universelles pour ce qui est des deux plus importants, les parcs de Montjuïc et de la Ciutadella. En fait, tant le plan Cerdà que le plan Jaussely prévoyaient de grands parcs urbains aux limites de la ville, qui n’ont pas été réalisés. Barcelone n’a donc pas de tradition en cette matière. Les parcs qu’elle possédait avant la réalisation des nouveaux projets étaient (sauf les deux cas mentionnés ci-dessus) de taille assez limitée, situés dans les quartiers à la périphérie de l’Eixample, et occupant souvent des lieux où les accidents de la géographie rendaient l’urbanisation plus difficile. C’est le cas de la colline où se trouve le parc Güell.

52À Barcelone, peu de places s’inscrivent dans la tradition des grandes places représentatives, telles les « places royales ». La Plaça Reial est une exception. La place barcelonaise est souvent modeste et de petites dimensions et se retrouve dans les tissus du centre historique et des anciennes villes annexées, où elle prend les figures de la place centrale, de place du marché ou encore simplement de place définie par un croisement de rues. Certains « tissus de rues », par exemple dans le Poble Sec, se définissent même par l’absence de places. Dans Gràcia, les Corts et le quartier du Clot, par contre, les places s’inscrivent dans une trame géométrique de rues perpendiculaires. Les places de plus grandes dimensions sont l’exception, souvent le résultat de démolitions. Et dans l’Eixample, le tissu organisé suivant le plan Cerdà comporte très peu de places.

53Les voies de Barcelone sont sans contredit porteuses d’un héritage très riche de typologies variées, qui peuvent être associées aux différents types de tissus et à leur époque de formation. A côté des rues types de la maille Cerdà, avec leur proportion égale d’espaces piétonniers et d’espaces de circulation véhiculaire, il faut évoquer ici les modèles très prégnants de la « rambla », du « paseo » et de la grande avenue. S’y ajoute la grande variété des petites rues des tissus des villes annexées, ainsi que la typologie marquante des « carrer gran ». L’importance de la rue comme espace public par excellence à Barcelone a été soulignée. Cette tradition remonte loin dans le temps, puisque la Rambla, dans la Vieille Ville, se forme par tronçons à partir du XVIIIe siècle. Le « paseo » (« passeig », en catalan) trouve déjà son expression dans la promenade maritime construite sur la deuxième muraille au XVIIe siècle. Et le Passeig de Gràcia, commencé en 1824, développera peu à peu ses espaces de loisir et de promenade extra-muros, bien avant que le plan Cerdà l’intègre dans le système des voies principales de l’Extension.

54L’histoire de l’urbanisation barcelonaise offre donc une série de figures particulières d’espaces publics. Dans chacun des types de tissus formés au cours de cette histoire, on trouve des modèles spécifiques de places et de rues, l’histoire des parcs étant beaucoup plus récente, comme nous l’avons relevé. C’est donc à partir d’une confrontation avec les types d’espaces publics propres à Barcelone qu’il faut évaluer l’apport du travail de reconstruction de la ville basé sur la réhabilitation ou sur la création de places, de jardins, de parcs et de voies civiques. La situation urbaine des projets est dans tous les cas un facteur déterminant pour la définition du concept d’intervention.

Parc de la Ciutadella

Parc Güell, de Gaudi Une structure de pierres agglomérées offre un deuxième niveau de promenade

55Dans les tissus anciens de la Vieille Ville et des noyaux d’urbanisation du XIXe siècle, on a respecté le tracé des places existantes tout en les débarrassant souvent d’un mobilier hétéroclite, disposé de manière aléatoire au fil des ans. Les matériaux utilisés dans la rénovation sont simples et contribuent à unifier un espace souvent restreint. Le mobilier urbain est strict ; on réutilise souvent des éléments anciens (lampadaires, fontaines), en les harmonisant avec des interventions contemporaines aux lignes dépouillées. Un grand soin est apporté à séparer clairement par des pylônes (dessinés spécialement) les espaces piétons des espaces accessibles aux véhicules. Les places anciennes réhabilitées allient donc à leur caractère traditionnel un nouveau style souvent très moderne, qui leur est conféré par le mobilier urbain et les matériaux de revêtement du sol. Au-delà des différences locales, les places rénovées de la Vieille Ville, de Gràcia, des Corts, de Sarrià et Sant Gervasi, de Sant Andreu trouvent aussi dans leur interprétation contemporaine un élément unificateur à l’échelle de la ville, dans un style de traitement caractéristique de Barcelone.

56En 1987, le Service des éléments urbains est créé pour prendre en charge spécifiquement la question de la systématisation du mobilier urbain ; on retiendra peu à peu un nombre limité d’éléments contemporains créés par les designers, visant une unification des matériaux et une grande simplicité du langage formel.

Caractéristiques des nouveaux projets

57Un grand nombre de nouveaux projets ont en commun d’avoir été conçus à partir de « vides » ou de « restes » urbains. Non-lieu urbain caractérisé, le site de ces projets leur impose des contraintes et des exigences particulières de formalisation, pour que l’espace public puisse jouer pleinement son rôle d’élément spatial restructurant et de pôle d’intégration sociale du quartier, dans un contexte où souvent le site « tourne le dos » à la ville, ou constitue un terrain vague au milieu d’une édification incohérente. Au-delà de leur caractère propre de place, de parc, ou de voie civique, ces nouveaux espaces ont un point commun : leur concept est basé sur une configuration autoréférentielle, qui se supporte elle-même pour définir l’espace, étant donné la nature du contexte ; de plus, cette forme autonome redéfinit également une relation de nature non traditionnelle avec le bâti environnant. Les projets les plus réussis comportent toujours la présence d’éléments architectoniques forts et articulés, pour répondre à cette nécessité d’autodéfinition de la forme par les composantes du projet, qui figurent des « pleins » et des « vides » ; à leur périphérie, ils organisent des éléments de transition pour établir une relation avec un contexte souvent chaotique, ou du moins irrégulier ou hétéroclite. Dans ces conditions, malgré leurs références aux typologies spécifiques de Barcelone, les projets, par la réponse qu’ils donnent aux exigences particulières du site, introduisent nécessairement une interprétation nouvelle de ces modèles, qui se fonde aussi sur la multiplicité des usages contemporains associés aux espaces publics.

58Dans le cas des nouveaux parcs, certains commentateurs ont critiqué l’absence d’élaboration d’une « culture paysagère » contemporaine. Mais il faut bien réaliser que la taille des sites de ces parcs, conjuguée avec les contraintes que posent leur situation urbaine, détermine un type de traitement qu’on peut difficilement soumettre à la conception traditionnelle du parc comme mise en scène urbaine d’une certaine représentation de la nature. De même que les places ont à Barcelone, par leurs modalités d’inscription dans la ville, un caractère civique prédominant, les nouveaux parcs sont avant tout des espaces publics très urbains, à cause de leur taille et de leur rôle restructurant, bien qu’ils jouent également, à leur échelle, un rôle d’oasis ou de « poumon vert ».

59La multiplicité des usages prévus dans les nouveaux parcs commande une subdivision en sous-espaces traités de manière très différente : surfaces dures polyvalentes pour les jeux, les rassemblements ou les terrains destinés à l’usage sportif ; surfaces sablées permettant le jeu de pétanque, aménagées avec des arbres et des bancs ; allées plus pittoresques pour la promenade, dans un environnement paysager densément planté et incluant souvent un plan d’eau.

60Cette multitude d’usages séparés dans l’espace évoque un aspect du mouvement moderne. Cependant on trouve ici ce qui manquait dans le fonctionnalisme, à savoir un travail de formalisation qui relie ces diverses parties en un tout articulé et expressif, lui-même conçu dans un rapport bien défini avec l’environnement urbain. Travail de composition dont les exemples les plus réussis utilisent une géométrie assez simple et rigoureuse, s’appuyant parfois sur une diagonale, ou délimitant de grands quadrilatères, intégrant également des éléments symboliques propres à définir et marquer un lieu ; sculptures, souvent monumentales, traces ou restes d’un ancien bâti industriel ou ferroviaire, voire évocation de personnages populaires ou de citoyens éminents à divers titres.

61Certains sous-espaces sont donc marqués par la présence de la verdure, avec un caractère de jardin arborisé, d’autres jouent sur la figure de l’allée plantée d’arbres, d’autres ont nettement un caractère de place. Cette organisation composite des parcs est assez récurrente pour qu’on puisse parler d’un type particulier à Barcelone ; un type d’espace hybride, en fait, puisqu’il contient des références à la place, à l’allée et au jardin.

62Par ailleurs, il est difficile de faire la distinction entre certains parcs (Clot ou Pegaso) et une grande place telle la place Sóller. La confrontation de ces trois cas illustre bien un certain flou typologique. S’agit-il d’un flou par manque de maîtrise ou de rigueur de la part des concepteurs, ou peut-on y voir l’émergence de nouvelles formes propres à l’intervention contemporaine à Barcelone ? Nous penchons davantage vers cette dernière interprétation.

63L’évolution récente de la conception de certaines places vers la place-jardin — un autre hybride — va dans le même sens. La conception des nouveaux espaces publics est donc moins dépendante d’une référence unilatérale à des types bien distincts qu’à un ensemble de déterminations renvoyant aux usages prévus, à la situation urbaine et à la taille de l’espace à aménager. Ainsi la « place-jardin » apparaît-elle à l’intérieur de grands îlots ouverts (place Del Sol de Baix, jardin de Les Corts, dans les Corts ; Jardins de la Indústria, dans l’Eixample) ; dans d’autres situations, la place-jardin joue sur les espaces durs et les parties vertes pour créer une topographie qui a son propre volume (places de la Hispanitat et de Pablo Neruda, dans l’Eixample), ou qui tire parti de la configuration du terrain (Place Sancho Marraco, dans Poble Sec). Curieusement, la place-jardin n’est pas désignée comme telle : les projets sont dénommés « place » ou « jardin ».

Le Jardin des Corts (intérieur d’îlot), un exemple de « place-jardin »

64Notons que cette nouvelle typologie mixte, qui allie la verdure et le caractère urbain des places, n’est pas devenue la règle générale. Dans les quartiers de la Vieille Ville ou à Gràcia, on a récemment réalisé des petites places « dures » dans l’esprit des premiers projets du début des années 1980. Le choix du caractère à donner à une place résulte de l’analyse de son contexte.

« Place dure » : place de Les Caramelles dans le Raval (habitat social neuf contruit en pourtour)

Exemple de rambla surélevée : la rambla du Carmel

L’importance des voies civiques

65Parmi tous les projets d’espaces publics, ceux qui portent sur le réaménagement ou la création de voies civiques constituent sans aucun doute une catégorie à part, où l’expression de l’urbanité barcelonaise s’exprime avec le plus de force. Réinterprétant les typologies classiques de la rambla, de l’avenue, de la promenade, les projets intègrent non seulement les circulations piétonne et véhiculaire, mais ils permettent aussi une grande diversité d’usages civiques ; leur construction inclut souvent des éléments en sous-sol (stationnements et infrastructures diverses).

66La rambla a fait l’objet d’interprétations variées. Souvent c’est le traitement de son esplanade centrale qui apporte des innovations ; ainsi la présence de stationnements ou d’infrastructures, de même que la topographie du site (rambla du Carmel, Via Júlia) conduisent à surélever cette esplanade, accentuant l’autonomie de la promenade et en faisant un espace protégé. Les aménagements de l’esplanade correspondent aussi à des usages différenciés et distinguent formellement les zones de promenade, de jeux ou d’activités civiques, qui sont parfois couvertes (Via Jülia, rambla joignant les rues Aragó et Guipuzcoa).

67Des projets récents de rénovation ou de création de ramblas dans des contextes urbains déjà bien structurés (ramblas de Catalunya, de Sant Andreu, du Poble Nou) reprennent par contre une conception très classique de la rambla, tout en modulant les dimensions des diverses parties de sa section pour accentuer l’usage piétonnier. L’unité et la continuité des surfaces piétonnes sont assurées par l’usage des mêmes matériaux (pavés, bordures) et par la simplicité du mobilier urbain et du design des aménagements.

La rambla du Carmel : vue vers le Vall d’Hebron

La rambla du Poble Nou comporte une série de placettes

68La rambla de Prim représente un cas de figure particulier et exemplaire. Cette énorme tranchée de 60 mètres de large et 2,5 km de long (destinée à l’origine à une autoroute urbaine) est devenue une sorte de parc linéaire, au concept remarquablement élaboré pour répondre à la nature du contexte : un quartier d’habitation typiquement moderniste, avec ses grands blocs isolés disposés tantôt en long, tantôt perpendiculairement à la rambla. À la discontinuité fondamentale de l’espace bâti, le concept de la rambla oppose un espace libre central très formalisé : topographie autonome (la rambla est légèrement surélevée par rapport aux chaussées latérales), volume propre donné par les plantations d’arbres, qui remplissent ainsi l’énorme vide de la tranchée, balustrades, édicules métalliques sculpturaux comprenant des lampadaires de 12 mètres de hauteur, organisation géométrique forte et simple du jardin, des ailées et des placettes correspondant aux rues transversales.

69Le travail sur les voies comme éléments clés de la forme urbaine inclut toujours la considération précise des rapports entre le type choisi pour la voie et ses divers usages. Ces rapports déterminent la configuration de la section, mais aussi le choix d’un type plutôt qu’un autre. Ainsi, ce sont des considérations liées aux usages qui ont amené à définir comme rambla le prolongement de l’avenue Diagonal au-delà de Plaça de les Glôries : évaluation du trafic, des besoins de stationnement, possibilité d’implanter une ligne de tramway et une piste cyclable. De même, l’aménagement de l’avenue des Drassanes se définit par rapport à un contexte particulier : les larges trottoirs latéraux intègrent un chapelet de petits espaces résiduels créés par la présence de bâtiments isolés implantés irrégulièrement. Les décrochements ainsi formés sont traités en placettes arborisées et la continuité de l’avenue est donnée par les lampadaires et par quatre rangées d’arbres. L’organisation en trois parties de la chaussée permet la maximisation du stationnement et le maintien de la circulation dans les deux sens, de même qu’un raccord optimal avec la trame viaire.

État antérieur du site de la rambla de Prim : la tranchée de terre battue attendait le passage d’une autoroute urbaine

70Quant au « passeig », c’est également un type de voie qui offre de grandes possibilités d’articulation d’usages divers, par la combinaison complexe qu’il offre entre voies de circulations, contre-allées, esplanades et trottoirs latéraux. Il trouve dans les douze voies (ségrégées) de circulation, les vastes trottoirs et différents types d’esplanades du Moll de la Fusta une expression contemporaine très puissante. Sa continuation sur les deux côtés du triangle de la Barceloneta par le Moll de la Barceloneta et le Passeig Marítim permet d’achever l’ensemble des promenades du nouveau front de mer, jusqu’au Village Olympique. La formalisation des relations entre des éléments apparemment aussi antithétiques du point de vue des usages qu’une autoroute de ceinture, une grille de voirie urbaine et toute une gamme d’espaces de promenade est résolue de façon audacieuse aussi bien dans le Vieux Port, réaménagé en port urbain destiné aux loisirs et à la promenade, que dans le traitement de la façade maritime du Village Olympique, où le passage en parallèle des divers types de voies (voies urbaines rattachées à la grille Cerdà, autoroute en tranchée, voies de services sinueuses le long de la côte) est intégré dans la conception du parc linéaire.

Quelques paramètres déterminants

71D’une manière générale, le travail sur la typologie des espaces publics tient toujours compte de leur inscription dans les tissus urbains, de la compatibilité des divers usages contemporains que ces espaces doivent supporter et de leur signification comme lieux. Le marquage des espaces publics par des éléments renvoyant à l’histoire s’exprime de différentes manières, mais il faut souligner l’importance de la marque du présent, à travers l’installation dans toutes les parties de la ville de sculptures monumentales des plus grands artistes contemporains. Les espaces publics de Barcelone évoquent à cet égard un grand musée à ciel ouvert, à l’échelle de la ville.

Trois sections de la rambla de Prim

72Le rôle d’intégration urbaine des espaces publics caractérise particulièrement les voies, en tant que liens entre divers points de la ville. Une conception visant à créer des séquences significatives d’espaces urbains est élaborée actuellement de manière systématique, bien qu’une complémentarité entre certains projets d’espaces publics ressorte déjà très clairement dans plusieurs PERI des années 1980. A l’échelle des quartiers, on peut citer le plan du Raval, où la séquence d’espaces prévus dans le projet « du Liceu au Séminaire » s’est réalisée au fil des années avec une continuité remarquable. Dans Nou Barris également, le lien entre plusieurs places s’est concrétisé et s’articule au réseau des voies secondaires à fort caractère civique que sont les Via Júlia, avenue Rio de Janeiro et Passeig de Valldaura. Dans Sant Andreu, l’axe piétonnier a été un des premiers projets de parcours reliant plusieurs espaces publics.

  • 3 Homme politique éminent de la République, qui durant la période de transition à la démocratie, en (...)

73La séquence qui articule la montagne de Montjuïc, l’avenue Maria Cristina, la place d’Espagne, l’Escorxador, l’avenue de Tarragona et la place de Sants se poursuit aujourd’hui par le réaménagement de l’avenue Infante Carlotta, rebaptisée en l’honneur de Josep Tarradellas3, qui débouche sur la place Francesc Macià. La jonction de la Rambla avec la rambla de Catalunya constitue un autre axe important. Les espaces publics du Port urbain forment également un ensemble très cohérent, et le front maritime du Village Olympique sera prolongé jusqu’au grand parc urbain prévu à l’extrémité de la Diagonal.

74Sur le plan du choix des références stylistiques, les projets d’espaces publics se situent par rapport à toute une gamme de tendances inscrites dans les précédents historiques. Sur ce point, l’évaluation des réalisations diverge parfois. Certains critiques valorisent de façon peut-être un peu trop absolue les projets dont le style est radicalement contemporain (telle la place de Sants, ou le parc du Besos, conçus par le tandem Piñon-Viaplana). L’exigence portant sur le développement dans les nouveaux projets d’un style contemporain est légitime. Cependant, on peut être contemporain en conjuguant une certaine part d’innovation avec une réinterprétation de références appartenant à l’histoire d’une ville, sans tomber pour autant dans l’éclectisme. En fait, ce n’est que le mouvement moderne qui a défini l’innovation à partir d’une radicalité de la tabula rasa. Ce courant lui-même appartient aujourd’hui à l’histoire ; et ses adeptes, pour le prolonger, font inévitablement aussi des références historiques, à ses principes ou à ses réalisations !

75Il nous paraît donc dangereux d’évaluer la part de création dans les projets d’espaces publics en fonction des seuls critères stylistiques, à l’instar de certains courants de la critique architecturale, qui réduisent le bâtiment à un objet, à une « œuvre » considérée en soi, indépendante de la ville. Nous n’entrerons pas ici dans un débat qui se prononce sur les références stylistiques des espaces publics de ce point de vue. La référence des projets aux styles présents dans le contexte environnant, qu’elle en soit une d’opposition, de contraste ou de connivence, mérite aussi d’être considérée et apporte un élément d’évaluation de plus. La manière dont le projet résout sa relation spatiale au contexte, souvent par la définition d’une spatialité propre, jouant sur des éléments précis, est d’un autre ordre encore, et peut à la limite s’accommoder de variations stylistiques importantes, tout en étant fondamentale pour articuler le sens du lieu. Enfin l’habileté que le projet démontre à définir des formes propices à l’association d’usages multiples et parfois contradictoires demeure un critère d’appréciation incontournable.

76Le bilan des interventions sur l’espace public révèle à toutes les échelles une grande cohérence dans les intentions urbanistiques. Celles-ci visent une mise en forme de la ville et la définition d’un rapport entre les usages, les formes urbaines et leur signification. Ce travail exprime la ville contemporaine dans la diversité de ses configurations locales, et innove sans toutefois rompre avec la continuité de son histoire.

Notes

1 Bohigas l’a bien compris, lui qui fustigeait l’absence de coordination urbanistique au niveau métropolitain. Au niveau des quartiers, il soulignait l’importance de préciser dans les plans la nature des équipements prévus, notamment ceux associés à la réutilisation d’édifices patri moniaux importants. Ainsi, il faisait remarquer que le choix d’implanter un musée aurait un autre impact sur un quartier ancien que celui de développer des services municipaux ou de petites activités artisanales. Voir « La reconstrucció de Barcelone », op. cit., p. 173 et suivantes.

2 Le terme catalan « esponjament » signifie littéralement « action de rendre spongieux ». Nous l’avons traduit par « aération ».

3 Homme politique éminent de la République, qui durant la période de transition à la démocratie, en 1977, a été pour quelques temps le premier président de la nouvelle Généralité de Catalogne.

Table des illustrations

Légende Terrasse de café dans la Vieille Ville
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Légende Noyaux d’urbanisation de la plaine de Barcelone, 2e moitié du XIXe siècle
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 175k
Légende Carte des peri1. ARI de Ciutat Vella2. Gràcia3.Sants (Hostafrancs)4. Sant Andreu5. Les Corts (Anglesola)6. Zona Franco7. Sont Pau8.Hospital Clínic9.Nous Consultons10. Creu Roja11. Escola Industrial12. Palau Robert13.Saesa14. Monplet15.C. Rosselô16. Sagrada Familia17. El Carmel18. La Teixonera19.Uobregôs-Hortal20. Bové-Passarell21.Vallbona22. Sont Genis23.Can Caralleu24.Roquetes25. Camp de l’Espanyol2 6.Pont Dragó27. Paperera28.Numància-Sants2 9. Baró de Viver30. El Bon Pastor31.Vapor Vell32.Enric Sanchis33. Bilbao34.Prosperitat35.El Clot36. Horta
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 502k
Légende Nouveaux édifices municipaux, 1980-1987 (écoles, centres civiques, administration, etc.)
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 343k
Légende Réhabilitation du R aval En noir : patrimoine à réhabiliter. En blanc : zones dégradées à rénover.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 337k
Légende Photo aérienne du Raval
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 600k
Légende Casa de la Caritat
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 131k
Légende Vieille Ville, Secteur Oriental En blanc : espaces publics prévus
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 357k
Légende Réhabilitation de bâtiments sur la rue Comerç
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 231k
Légende peri de la Barceloneta
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 233k
Légende Vues du nouvel ensemble d’habitations « La Maquinista », par O. Bohigas dans la Barceloneta
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 149k
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 179k
Légende L’Eixample, forme paradigmatique de la Barcelone moderne
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 225k
Légende Le plan Cerdà
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 504k
Légende Patrimoine architectural restauré : la Casa Milà, de Gaudí, sur le Passeig de Gràcia
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 590k
Légende La Fondation Tapies, réhabilitation d’un édifice de L. Domenèch i Montaner
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 401k
Légende Exemple de boutique du « modernisme » catalan de la fin du XIXe, dans l’Eixample
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 226k
Légende Le quartier de Gràcia, photo aérienne de 1981
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 357k
Légende Sant Andreu, plan de la voirie
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Légende Schéma de voirie de Sant Marti
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 173k
Légende La Rambla Aragó-Guipuzcoa, partie couverte
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 312k
Légende Espace de jeux et vue, vers l’est, sur des immeubles de construction récente
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 219k
Légende Façade des Cotxeres sur la rue de Sants
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-23.jpg
Fichier image/jpeg, 215k
Légende Passage public avec les anciens hangars du tramway rénovés
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-24.jpg
Fichier image/jpeg, 485k
Légende Le bâtiment classé du Vapor Ve//, ancien édifice industriel
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-25.jpg
Fichier image/jpeg, 217k
Légende Plan de la façade à rénover
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-26.jpg
Fichier image/jpeg, 204k
Légende Habitat des années 1960-1970 dans la Zona Franco
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-27.jpg
Fichier image/jpeg, 131k
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-28.jpg
Fichier image/jpeg, 297k
Légende Vue aérienne du quartier de Roquetes, à flanc de montagne, et d’une partie de Prosperitat, dans Nou Barris
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-29.jpg
Fichier image/jpeg, 275k
Légende Vue générale du Carmel à l’entrée du tunnel de la Rovira
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-30.jpg
Fichier image/jpeg, 477k
Légende Réhabilitation des « cases borates » à Sant Andreu, avec ajout d’un demi-étage
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-31.jpg
Fichier image/jpeg, 242k
Légende Parc de la Ciutadella
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-32.jpg
Fichier image/jpeg, 604k
Légende Parc Güell, de Gaudi Une structure de pierres agglomérées offre un deuxième niveau de promenade
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-33.jpg
Fichier image/jpeg, 301k
Légende Le Jardin des Corts (intérieur d’îlot), un exemple de « place-jardin »
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-34.jpg
Fichier image/jpeg, 336k
Légende « Place dure » : place de Les Caramelles dans le Raval (habitat social neuf contruit en pourtour)
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-35.jpg
Fichier image/jpeg, 319k
Légende Exemple de rambla surélevée : la rambla du Carmel
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-36.jpg
Fichier image/jpeg, 333k
Légende La rambla du Carmel : vue vers le Vall d’Hebron
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-37.jpg
Fichier image/jpeg, 143k
Légende La rambla du Poble Nou comporte une série de placettes
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-38.jpg
Fichier image/jpeg, 338k
Légende État antérieur du site de la rambla de Prim : la tranchée de terre battue attendait le passage d’une autoroute urbaine
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-39.jpg
Fichier image/jpeg, 217k
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-40.jpg
Fichier image/jpeg, 229k
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-41.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Légende Trois sections de la rambla de Prim
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-42.jpg
Fichier image/jpeg, 71k
Légende La Rambla
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/13919/img-43.jpg
Fichier image/jpeg, 327k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search