69. Le dilemme de la province de Québec
1954
p. 475-487
Résumé
En 1954, Maurice Lamontagne (1917-1983), économiste, professeur à la faculté des sciences sociales de l’Université Laval et disciple du père Georges-Henri Lévesque, publie un livre, Le fédéralisme canadien, qui propose une analyse historique et économique du système fédéral canadien. Selon Lamontagne, sous l’impact d’événements comme la Dépression, la Deuxième Guerre mondiale, les nécessités économiques de l’après-guerre, un « nouveau fédéralisme » a pris forme au Canada. Dans ce « nouveau fédéralisme », le gouvernement fédéral assume un rôle différent et plus important, « une place dominante, toujours en vue d’organiser la défense nationale (en raison de la guerre froide), mais aussi afin d’assurer la stabilité économique et le bien-être social ». Dans ce contexte, selon Lamontagne, le fédéralisme peut se résumer par une formule simple : « autant de décentralisation que possible, mais autant de centralisation que nécessaire ». La position de Lamontagne privilégie une approche « fonctionnaliste » qui reprend les thèses de Pierre Elliott Trudeau et annonce le « fédéralisme coopératif » des années 1960. Dans sa conclusion, Lamontagne s’oppose à la théorie de l’« autonomie provinciale » qui constitue la recherche d’une forme désormais dépassée du fédéralisme canadien. Il déploie un arsenal diversifié d’arguments contre le séparatisme et l’indépendance du Québec (arguments qui seront inlassablement repris par les fédéralistes jusqu’à aujourd’hui). Surtout, il propose pour le Québec une « intégration lucide au fédéralisme canadien ». La position de Lamontagne lui vaut une pluie de critiques et de virulentes oppositions, aussi bien des tenants de l’autonomie provinciale comme Duplessis, que des nationalistes progressistes et défenseurs de l’« État du Québec » comme Laurendeau. Néanmoins, la pensée de Lamontagne exercera une forte influence sur les fédéralistes québécois (notamment sur l’aile québécoise du Parti libéral du Canada) et cette influence idéologique sera durable. Sur le destin personnel de Maurice Lamontagne et de sa pensée, voir en particulier Léon DION, Québec 1945-2000, t. II : Les intellectuels et le temps de Duplessis, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1993, p. 179-183.
Extrait
1Il n’est pas nécessaire d’observer très longtemps ce qui se passe en notre pays pour en venir à la constatation que la province de Québec est parvenue à un tournant de son histoire. À partir de 1940, le fédéralisme canadien s’est redéfini en fonction des problèmes créés par l’industrialisation et par la situation internationale. Il fallut d’ailleurs une grave dépression et un conflit mondial pour provoquer cette nouvelle formulation. La province de Québec, dans l’ensemble, n’a pas accepté l’orientation nouvelle. Croyant rester fidèle à l’esprit originel de la Confédération, elle est demeurée attachée à la conception du fédéralisme élaborée entre les deux guerres. Elle refuse le nouveau fédéralisme — sauf peut-être dans le domaine de la sécurit sociale — parce qu’elle considère l’orientation de celui-ci comme injustifiée et comme dangereuse pour la culture canadienne-française.
2La nouvelle orientation de la fédération canadienne est pourtant justifiée objectivement et elle sem
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