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L'interaction professionnelle

 | 
Yves Saint-Arnaud

Conclusion

Texte intégral

1Après une réflexion sur l’efficacité et la présentation d’un test personnel qui aide le praticien à s’autoréguler en établissant dans l’action la pertinence de ses intentions (première partie), un ensemble de règles pratiques a été présenté pour aider l’acteur à passer de l’incertitude à la coopération dans une situation particulière (deuxième partie). L’ensemble du livre propose au praticien des moyens de devenir plus conscient, plus autonome et plus efficace dans ses dialogues professionnels, ce qui constitue l’objectif de toute démarche de praxéologie.

2Agir de manière consciente suppose qu’on ait la capacité de recevoir sans la déformer toute l’information disponible tant dans son organisme que dans son environnement immédiat au moment de l’action. Cette aptitude est au coeur même de l’autorégulation proposée au chapitre 2. Le test personnel d’efficacité permet à l’acteur d’utiliser les réactions subjectives qu’il éprouve face à chaque repartie de son interlocuteur (elles se voient attribuer la valeur verte, jaune ou rouge). On a vu toutes les difficultés qu’il avait à surmonter pour définir rigoureusement son intention. Le praxéologue apprend à distinguer les trois éléments de toute intention : le besoin qu’il cherche à satisfaire, sa visée (l’effet immédiat qu’il attend) et le moyen mis en oeuvre pour produire l’effet visé. Il évite la dispersion en développant une vision ajustée, celle qui permet de prêter attention à l’effet immédiat sans se laisser distraire par l’effet à long terme. Il traduit sa visée en comportement observable chez l’interlocuteur. Il reconnaît sa théorie d’usage même lorsqu’elle ne correspond pas à sa théorie de référence.

3La praxéologie conduit aussi à l’autonomie. Comme on l’a vu dans le dialogue entre Mélinda et son superviseur (chapitre 1), une réflexion sur l’action permet de soumettre à l’expérimentation les injonctions d’un « surmoi proprofessionnel » plutôt que de s’y soumettre passivement. Au lieu de se contenter de reproduire ce que d’autres ont fait avant lui, l’acteur est invité à introduire son facteur P dans sa recherche d’efficacité. La compétence relationnelle ne peut se limiter à la performance technique. En raison de l’incertitude inhérente à toute situation particulière, le praxéologue construit sa stratégie d’intervention à partir de l’interlocuteur réel ; il s’affranchit progressivement des modèles qui ont guidé ses premières expériences professionnelles. Lorsqu’il note un écart entre sa théorie d’usage et sa théorie de référence, deux options de perfectionnement s’offrent à lui : modifier sa théorie d’usage pour s’approprier le savoir homologué de sa discipline ; accréditer sa théorie d’usage pour innover en créant son propre modèle d’intervention.

4Le troisième élément d’une démarche de praxéologie est l’efficacité. L’autorégulation constante permet au praticien de repérer et de corriger ses erreurs d’intention, et cela dans le feu de l’action. L’accumulation des observations effectuées au cours des trente dernières années a permis de définir avec une grande précision une structure de relation qui conduit au maximum d’efficacité professionnelle. Toutes les règles formulées aux chapitres précédents sont liées à la recherche d’efficacité. La règle du partenariat indique comment canaliser les ressources respectives de l’acteur et de l’interlocuteur dans la formulation et la poursuite d’un but commun pour travailler ensemble. La règle de la concertation exige que l’acteur et son interlocuteur entreprennent la démarche de concert et qu’ils cheminent de concert tout au long du dialogue. La règle de l’alternance invite à varier les procédés utilisés pour trouver dans l’action le chemin qui débouche sur les résultats souhaités. L’application de la règle de non-ingérence évite les provocations qui invalideraient la compétence de l’interlocuteur. La règle de la responsabilisation associe l’efficacité à la satisfaction des besoins de chacun des partenaires ; elle propose de considérer chacun d’entre eux comme un être autonome qui a des besoins à satisfaire et les moyens de le faire s’il développe sa capacité de choisir.

5Au terme de la présentation d’une méthode de praxéologie, il convient de souligner qu’aucune règle de conduite, si pertinente soit-elle, ne peut en garantir l’efficacité. Les règles présentées dans la deuxième partie du livre synthétisent les conclusions de praticiens qui ont cherché comment s’y prendre pour être le plus efficaces possible dans leur travail professionnel. Elles font maintenant partie du savoir homologué dans la science de l’intervention ; elles n’ont rien de magique, mais elles peuvent alimenter la recherche de l’ef¬ ficacité professionnelle. Tout praticien peut les utiliser pour procéder à une évaluation extrinsèque de ses dialogues professionnels et vérifier par luimême si la coopération conduit à une plus grande efficacité professionnelle. Lorsqu’il les utilise, il pourra, grâce au principe d’autorégulation, se les approprier, les modifier ou les rejeter en fonction de chaque situation particulière. En devenant praxéologue, le praticien s’affranchira du modèle qui aura servi de point de départ à son apprentissage, y compris des règles de la coopération présentées aux chapitres précédents. Le tableau C.1 met en parallèle ces règles, qu’on peut utiliser pour une évaluation extrinsèque (partie gauche), et la méthode d’évaluation intrinsèque qui facilite le développement d’une compétence relationnelle (partie droite). L’utilisation du test personnel d’efficacité devient un instrument d’autodéveloppement apportant lucidité, autonomie et efficacité à celui qui sait s’en servir.

6Le lecteur qui veut évaluer son degré de compréhension du principe d’autorégulation et des règles proposées pour établir et maintenir une structure de coopération est invité à faire un dernier exercice, objet de l’annexe 1. Le corrigé figure à l’annexe 2.

TABLEAU C.1. Le développement de la compétence relationnelle

Utilisation des règles de la coopération pour une critique de ses dialogues professionnels (évaluation extrinsèque)

Utilisation du test personnel d'efficacité pour une évaluation intrinsèque

Règle du partenariat : chercher et désigner un objectif commun (chapitre 3)

A) S'approprier le modèle (lucidité) en nommant ses intentions et en évaluant leur cohérence avec les règles proposées.

Règle de la concertation : gérer le processus de communication (chapitre 4)

Règle de l'alternance : changer souvent de canal de communication (chapitre 5)

B) Se responsabiliser (autonomie) en choisissant d'attribuer le manque d'efficacité relationnelle à des erreurs d'intention plutôt qu'à l'interlocuteur ou aux lacunes du modèle utilisé.

Règle de non-ingérence : reconnaître ses limites et exclure toute ingérence (chapitre 6)

Règle de la responsabilisation : susciter des choix éclairés (chapitre 7)

C) S'autoréguler (efficacité) en décelant et en corrigeant ses erreurs en cas d'inefficacité, sans se contenter des règles proposées.

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