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Images et sociétés

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Catherine Saouter

1. Documenter, représenter : la naissance de l'image photographique

Texte intégral

1En juillet 1839, à Paris, la Chambre des députés et la Chambre des pairs de la monarchie de Juillet adoptent une loi pour acheter le brevet d’une invention dont leurs collègues physiciens François Arago et Louis-Joseph Gay-Lussac leur avait fait une présentation enthousiaste : le daguerréotype, mise au point par Louis Jacques Mandé Daguerre et Nicéphore Niépce. Cette invention permet de capter, de conserver et de restituer de façon permanente les traces de la lumière réfléchie sur un support photosensible. Le gouvernement français décide de donner accès libre et universel au procédé : c’est le début de l’aventure photographique.

2Un daguerréotype est une surface de cuivre enduite d’un sel d’argent, placée dans une boîte noire, vis-à-vis d’une lentille qui laisse passer la lumière sensibilisant les grains du sel. Soumise à des solutions et à des vapeurs chimiques qui permettent de dissoudre ou de fixer les grains exposés ou non exposés, la plaque conserve une empreinte d’une définition extrêmement fine. La lisibilité de l’image obtenue est parfaite, même si elle est inversée latéralement, comme vue dans un miroir. Le daguerréotype est un exemplaire unique—un même support sert à la prise de vue et au tirage— que l’on incline légèrement pour mieux voir le sujet. On l’enferme dans de petits présentoirs de protection qui deviennent éventuellement de véritables chefs-d’œuvre d’artisanat.

3Les avancées de l’optique et de la chimie au cours des décennies précédant cette invention ont permis de réaliser un objectif poursuivi depuis la Renaissance, la reproduction parfaite, authentique, de la réalité :

  • 1 L.-J. Gay-Lussac, cité par R. Colson dans « Mémoires originaux des créateurs de la photographie », (...)

La Chambre a pu se convaincre, par les épreuves qui ont été mises sous leurs yeux, que les bas-reliefs, les statues, les monuments, en un mot la nature morte, sont rendus avec une perfection inabordable aux procédés ordinaires du dessin et de la peinture, et qui est égale à celle de la nature, puisque, en effet, les empreintes de M. Daguerre n’en sont que l’image fidèle. [...] Déjà, ce réactif a reçu très distinctement l’empreinte de la faible lumière de la lune et M. Arago a conçu l’espérance d’une carte tracée par le satellite lui-même1

  • 2 François Arago, « Le daguerréotype, rapport fait à l’Académie des Sciences de Paris le 19 août 183 (...)

4Par l’emploi du mot empreinte, Gay-Lussac souligne le caractère authentifiant du procédé. La camera obscura n’est plus un auxiliaire de la peinture et du dessin, elle est celui de la science. Dans le discours qu’il prononce devant l’Académie des sciences, Arago en donne une formidable et célèbre perspective : « [P]our copier les milliers d’hiéroglyphes qui couvrent, même à l’extérieur, les grands monuments de Thèbes, de Memphis, de Karnak, etc., il faudrait des vingtaines d’années et des légions de dessinateurs. Avec le Daguerréotype, un seul homme pourrait mener à bonne fin cet immense travail2. » Les pères de l’invention, Daguerre et Niépce, comme tous les inventeurs de leur siècle, font partie d’une communauté de chercheurs qui, avant eux ou en même temps qu’eux, expérimentèrent dans le domaine qui leur valut de passer à la postérité. Selon les histoires nationales et l’importance accordée au procédé ou au dépôt du brevet, on retient Daguerre plutôt que l’Anglais William Henry Fox Talbot, qui réalisa des empreintes photographiques, des calotypes, dès 1835 mais ne déposa son brevet qu’en 1841. Selon les appuis dont on disposait, on réussit ou non à faire parler de soi. Ce fut le cas de Daguerre, soutenu par l’illustre François Arago, ce ne fut pas celui de son compatriote Hippolyte Bayard, timide employé d’un ministère qui ne sut se faire valoir, malgré des résultats supérieurs et légèrement antérieurs. Et puis, l’histoire a même quasiment oublié Nicéphore Niépce, pourtant auteur d’un tout premier héliographe en 1827 représentant une vue sur les toits qui avait nécessité huit heures d’exposition. Associé à Daguerre en 1829, il mourut en 1833, laissant la suite des événements et la meilleure part à son collègue, ses héritiers se contentant amèrement d’une portion modeste de la vente du brevet au gouvernement français.

  • 3 Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, sous la dir. d’Alain Rey, 1998, vol. 2, (...)

5Cependant, le daguerréotype, bien que promis à un destin florissant, est relativement éphémère. Le terme lui-même ne devient pas générique. Il est rapidement remplacé par photographie, de l’anglais photography, créé par l’astronome John William Herschel en 1836 et décliné par H. F. Talbot sous la forme photogenic drawings. Les photographes supplantent les daguerréotypistes ou les photographistes, terme découlant pourtant plus logiquement des racines grecques3. Un problème persistant contraignait l’utilisation du daguerréotype : le temps de pose extrêmement long. Dans son ouvrage, Daguerre en avertit l’usager avec une minutie qui illustre bien le scrupule du technicien mais qui, aujourd’hui, prend une coloration toute poétique :

  • 4 Louis Jacques Mandé Daguerre, « Description pratique du procédé nommé le daguerréotype, par Daguer (...)

Ce temps peut varier, pour Paris, de 3 à 30 minutes au plus. Il faut aussi remarquer que les saisons, ainsi que l’heure du jour, influent beaucoup sur la promptitude de l’opération. Les moments les plus favorables sont de 7 à 3 heures ; et ce que l’on obtient à Paris dans 3 ou 4 minutes au mois de juin et juillet exigera 5 ou 6 minutes dans les mois de mai et d’août, 7 ou 8 en avril et en septembre, et ainsi de suite dans la même proportion à mesure qu’on avance dans la saison. [...] On conçoit que dans le midi de la France, et généralement dans tous les pays où la lumière a beaucoup d’intensité, comme en Espagne, en Italie, etc., les épreuves doivent se faire plus promptement4.

6Dès 1851, des procédés autrement plus efficaces entrent en concurrence. L’Anglais Frederic Scott Archer achève avec succès la mise au point de plaques de verre enduites, au moment de la prise de vue, d’une nouvelle solution de collodion humide. Le temps de pose est réduit de façon significative à quelques secondes et la sensibilisation à la lumière dans la camera obscura fournit un négatif transparent qui rend possibles des tirages multiples. Cette reproductibilité donne à la photographie son caractère de média, et l’on se souvient que le sociologue allemand Walter Benjamin, témoin contemporain de l’expansion de la culture de masse, fait de cette reproductibilité le vecteur par excellence de cette phase de la civilisation.

  • 5 Walter Benjamin, « L’œuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité technique », première version fr (...)

En multipliant les exemplaires, [les reproductions] substituent un phénomène de masse à un événement qui ne s’est produit qu’une fois. En permettant à l’objet reproduit de s’offrir à la vision ou à l’audition dans n’importe quelle circonstance, elles lui confèrent une actualité. Ces deux processus aboutissent à un considérable ébranlement de la réalité transmise—à un ébranlement de la tradition, qui est la contrepartie de la crise que traverse actuellement l’humanité et de son actuelle rénovation. Ils sont en étroite corrélation avec les mouvements de masse qui se produisent aujourd’hui5.

7Jalonnant la voie de ce développement, les améliorations techniques de la photographie apportent toujours plus de maniabilité et de simplification dans la procédure. Alors que les plaques de verre au collodion humide exigeaient encore autant de dextérité que de motivation de la part de techniciens avertis, l’utilisation conjointe de l’enduit de gélatino-halogénure d’argent, préparé par l’Anglais C. E. Bennett en 1878, et du support souple en celluloïd fabriqué par l’Américain George Eastman à partir de 1881, facilite de façon déterminante l’appropriation de la photographie par les masses.

  • 6 Cité par Clément Chéroux, dans « Vues du train, vision et mobilité au XIXe siècle », Études photog (...)

8Parallèlement au perfectionnement des solutions chimiques et de leurs supports à l’étape de la captation, sont améliorés au même rythme les procédés de tirage des images positives. Les supports métalliques du daguerréotype tombent en désuétude, et sont remplacés par les cartons, puis les papiers. Dès la fin du XIXe siècle, la technique est tout à fait au point et n’est plus remise en question avant le tournant du XXIe siècle, avec l’apparition des techniques dites numériques, reliées au développement de l’informatique. En même temps, les lentilles et la camera obscura, désormais appelée boîtier, connaissent, grâce à des entreprises telles l’autrichienne Voitlanger, l’allemande Leica ou l’américaine Eastman avec son célébrissime Kodak, des perfectionnements et des miniaturisations qui font de la photographie un procédé absolument efficient en tous lieux et toutes circonstances. Facilité d’utilisation, rapidité de la prise de vue, performance des résultats, modicité des coûts : la congruence de ces facteurs est pleinement acquise avant la fin du siècle. Entre autres symptômes de cette édification, la pratique amateur s’est très largement répandue, donnant naissance à des clubs de passionnés, parmi lesquels une certaine Société caennaise de photographie qui propose de façon exemplaire, comme sujet de son concours de 1894, le meilleur « instantané pris pendant la marche d’un train au cours des excursions des 13 et 15 mai6 » de cette année-là.

9Comme pour bien d’autres inventions, la réussite expérimentale de la procédure ne préfigure que très imparfaitement la réalité des usages qui en seront fait. Au départ, dans le cas de la photographie, des voies d’exploration sont esquissées. Avec Arago et Gay-Lussac, il est question d’un usage auxiliaire de la science : photographier la lune et les hiéroglyphes. De fait, en 1851, John Adams Whipple réalise un premier daguerréotype de la lune. En 1862, Warren de la Rue photographie 12 phases du satellite. Progressivement, les expéditions scientifiques remplacent l’indispensable dessinateur-aquarelliste par le photographe désormais chargé de documenter les travaux.

10Pour les amateurs férus de nouveauté, il est question de performance dans la maîtrise du procédé : accumuler des vues, faire le meilleur instantané de n’importe quoi. Ainsi fait Jacques Henri Lartigue, qui commence à prendre ses photos en 1900 à l’âge de six ans. L’enfant-photographe prend des milliers de clichés qu’il agence soigneusement dans des albums. Il dresse la chronique de la Belle Époque, saisissant au passage les balbutiements de l’aéroplane et les premières passions automobiles. Cette œuvre enfantine et spontanée, 70 ans plus tard, a les honneurs du Museum of Modem Art de New York, puis du Musée des arts décoratifs de Paris.

  • 7 Charles Baudelaire, Variétés critiques : 1—La peinture romantique, Paris, Éditions G. Crés et Cie, (...)

11Pour le grand public, c’est la captivante démocratisation du portrait. Elle provoque une véritable daguerréomanie, fait la fortune des premiers studios photographiques et tue le métier de miniaturiste, trop coûteux et trop lent à répondre à une demande jusque-là essentiellement réservée aux classes supérieures de la société. Pour le monde des beaux-arts, c’est la catastrophe. Charles Baudelaire a beau vitupérer contre l’industrie photographique, « refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études7 », non seulement le nouveau procédé est plus performant en matière de réalisme parfait, mais encore, au nom de ce même réalisme, risque-t-il de confisquer à son profit le domaine du beau et de la création des œuvres d’art. W. H. F. Talbot n’a-t-il pas déjà réalisé son autoportrait en photographe, arborant boîtier et objectif, à la manière du peintre arborant palette et pinceaux ?

12Cependant, il n’est encore aucunement question de photographie de reportage, genre qui deviendra primordial et donnera ses lettres de noblesse au nouveau média. Pour l’heure, la pratique empirique, au moins autant sinon plus que le débat intellectuel, expérimente la photographie dans tous les lieux possibles de l’exercice scientifique, culturel, social ou politique. L’anathème jeté par Baudelaire au nom de l’art tombe en désuétude ; aux anticipations d’Arago succèdent l’usage anthropométrique rapidement envisagé par les corps de police à Paris, adopté dans toute l’Europe avant la fin du XIXe siècle, puis l’usage universel de la photographie de passeport. La démultiplication des pratiques et leur qualification par les contemporains s’organisent à partir d’un problème déterminant : la photographie relance la question du rapport au réel, sous les angles de la documentation et de la représentation.

La redécouverte du paysage

13Dans le domaine des expressions visuelles, le rapport au réel, tel qu’il est exprimé depuis la Renaissance, soutient une production d’images formalisées en fonction de règles strictes élaborées par Leon Battista Alberti, Piero della Francesca et Filippo Brunelleschi, entre autres. La perspective monoculaire permet l’imitation parfaite et un compte-rendu fidèle du monde vu par une fenêtre dont le cadre est celui du tableau. Dans les instruments du peintre et du dessinateur, voici rajoutée une camera obscura, initiée par le même paradigme, dont les versions portatives permettent la projection sur une tablette à dessin, par exemple celle de Canaletto, de tel point de vue sur Venise ou sur Londres, grâce à la captation des rayons lumineux à travers une lentille taillée à cette fin. Le dessinateur n’a plus qu’à tracer les contours des formes ainsi projetées.

  • 8 Cité par R. Colson, op. cit., p. 45.

14Le projet photographique consiste à trouver la solution pour remplacer le dessinateur par un support sensible. C’est bien ce qu’exprime Daguerre à propos de ses « recherches dont le seul but est de fixer les images de la chambre obscure8 ». La solution trouvée, le réel lui-même laisse son empreinte—la lune se dessine elle-même, dit joliment Gay-Lussac. Les premières pratiques de la photographie consistent alors à re-regarder le réel dans les voies exactement tracées par la peinture. On s’installe dans les mêmes positions, devant les mêmes sujets et on refait le corpus. Il est frappant de voir que la première image de Nicéphore Niépce est une vue par la fenêtre sur les toits de sa demeure, que celles de Daguerre sont une nature morte dans son atelier et une vue par la fenêtre de son studio sur un boulevard parisien. Talbot, équipé de sa toute petite camera obscura, sa mousetrap, sort à l’extérieur comme le peintre de Venise, prend des vues de son domaine et les rassemble dans l’ouvrage The Pencil of Nature. De la classique hiérarchie des genres issue des académies royales du XVIIe siècle, le photographe, spontanément, reprend à son compte la tradition du paysage, la nature morte et ne pense pas encore aux mises en scène, à la manière de la peinture d’histoire, genre considéré jusque-là comme le plus noble : il est question de documenter, non de représenter. Quand il se pique d’audace, le photographe se lance dans de grands voyages pour aller aux sources de la réalité, aux fondements de la civilisation qui a mené à une si magnifique invention : il va prendre les empreintes des monuments antiques, ceux de Rome, de la Grèce et même du Moyen-Orient.

ill. 1 : Camera obscura, Encyclopédie Diderot et d’Alembert.

  • 9 Eleanor Brown, « Les premières images par daguerréotype au monde—le photographe canadien Pierre Gu (...)
  • 10 Perdues mais peut-être non détruites. Hélène Leclerc emploie le terme introuvables. Elle indique p (...)
  • 11 Excursions daguerriennes, Vues et monuments les plus remarquables du globe, Paris, Rittner et Goup (...)
  • 12 Texte d’accompagnement de « Le Parthénon ou temple de Minerve (Athènes) », dans Excursions daguerr (...)
  • 13 Texte d’accompagnement de « Vue des Propylées (Athènes), 1839 », dans Excursions daguerriennes, vo (...)

15C’est ce que fait Pierre Gustave Gaspard Joly de Lotbinière, originaire de Suisse et nouveau résident du Bas-Canada, dès la fin de l’année 1839. Né en 1798, il est devenu seigneur de Lotbinière, seigneurie située sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, par son mariage avec l’héritière. Il se trouve à Paris au moment de l’annonce de l’invention et il a d’ores et déjà prévu un voyage en Grèce et au Moyen-Orient9. Il acquiert immédiatement un équipement complet. À la suggestion de l’éditeur français Lerebours, il emporte son matériel et produit 92 daguerréotypes de l’Acropole d’Athènes, du Sphinx de Gizeh, de la pyramide de Khéops, de Jérusalem, du Liban, de la Terre Sainte. Toutes ces vues sont perdues10. Certaines sont cependant connues par leurs reproductions gravées dans l’ouvrage en deux volumes publié en 1841 et 1842 par Lerebours et trois associés, justement titré Excursions daguerriennes, Vues et monuments les plus remarquables du globe11, et dans Panorama d’Égypte et de Nubie publié en 1841 par Hector Horeau. Cinq vues de Joly de Lotbinière figurent parmi les 60 reproductions gravées de Excursions daguerriennes. Le globe, dans ses deux volumes, est composé des pays de l’Europe et de la Méditerranée. Une vue sur les chutes de Niagara vaut pour toute l’Amérique et le reste de la planète. L’Italie, terre de la prestigieuse antiquité romaine, en compte 24 pour elle toute seule... À Joly de Lotbinière revient l’honneur des premières vues de l’Acropole, ce qu’il exprime fièrement dans l’extrait de son journal imprimé en vis-à-vis de l’image : « Cette vue a été prise dans l’automne de Tannée 1839 ; je tiens à le constater, parce que c’est la première fois que l’image du Parthénon a été fixée sur une planche par le procédé si ingénieux de Daguerre, et parce que chaque année peut amener de nouveaux changements dans l’apparence ces ruines célèbres [...]12 » Enthousiaste, « [son] embarras fut grand, cependant, lorsqu’il fallut choisir entre tant de chefs-d’œuvre13 » et, sur les bords du Nil, il laisse exprimer avec ferveur ce projet de documenter les plus hauts lieux de la civilisation, tels qu’on les concevait au XIXe siècle :

  • 14 Texte d’accompagnement de « Temple Hypèthre dans l’île de Philae (Nubie) », dans Excursions daguer (...)

Où trouver ailleurs un champ plus vaste à réflexions ? Cette île [Philae] ne fut-elle pas la limite de la puissance des Grecs et des Romains, celle des armes de Napoléon, celle même du soleil, dont les rayons verticaux venaient autrefois plonger dans tant de magnificence ? Les Pharaons, les Ptolémées, les Césars, les Justiniens, n’ont-ils pas mis à profit chaque point de ce terrain, si sacré autrefois, pour dresser des arcs de triomphe à l’entrée du monde civilisé et pour transmettre leur nom à la postérité ? Ces noms seront effacés, la civilisation s’est retirée au loin vers le nord, le soleil vers le sud, comme s’il fuyait la civilisation ; le chacal seul habite maintenant ces magnifiques débris de tant de peuples et de tant de rois !...14

16Lerebours n’a guère eu de scrupule à s’approprier tous les crédits des 60 clichés en plaçant son nom, avec celui du graveurs, sous chacune des vues. Cependant, les textes d’accompagnement redonnent leur place aux voyageurs-photographes et cette formidable publication laisse découvrir Joly de Lotbinière, premier parmi les pionniers de la photographie. Ce travail d’édition inaugure une association à l’origine des magazines illustrés qui perdure sous cette forme jusqu’à la Première Guerre mondiale : celle du photographe, du graveur et de l’éditeur qui offrent au grand public des articles accompagnés des versions gravées de photographies prises à travers le monde sur toutes sortes de sujets.

  • 15 Weston J. Naef et James N. Wood, « Photographers in Yosemite, 1861-1868 », dans Era of Exploration (...)
  • 16 Marianne Fulton, Eyes of Time, Photojournalism in America, Boston/Toronto/London, A New York Socie (...)

17Faire le relevé du monde devient une œuvre gigantesque toujours renouvelée. En la matière, à la fin du XIXe siècle, le continent nord-américain est un terrain inépuisable. Les photographes suivent la construction du chemin de fer tant aux États-Unis qu’en Amérique du Nord britannique. Dans les années 1860, l’avancée de la frontière fait découvrir de nouveaux espaces à Carleton E. Watkins, Edward Muybridge, William Henry Jackson15, qui entrent avec les géographes dans la vallée de Yosemite au sud-est de San Francisco. Leurs plaques au collodion humide engendrent les premières icônes photographiques du Far West. Pendant les années 1860 et 1870, Timothy O’Sullivan travaille pour le U.S. Government Fourtieth Parallel Survey le long du Central Pacific Railway, pour le Darien Survey qui recherche une voie pour le creusement du canal de Panama, et pour le Geographical Surveys West of One Hundredth Meridian. Il monte enfin sa propre expédition dans le canyon de Chelle, où il prend une de ses images les mieux connues16.

18Pendant les dernières décennies du siècle, l’opulent studio Notman, de Montréal, envoie Jacques Quéry, Benjamin Baltzy et William McFarlane Notman suivre des expéditions vers le Pacifique. Ils réalisent, pour le compte du gouvernement, des centaines de vues sur l’Ouest canadien progressivement harnaché par la colonisation et le chemin de fer aux terroirs historiques de l’Est. Par leurs photographies, s’édifie le mythe des montagnes Rocheuses, à l’horizon d’un État de la taille d’un continent.

ill. 2 : P. G. Joly de Lotbinière, Vue des Propylées (Athènes), 1839.

ill. 3 : P. G. Joly de Lotbinière, Temple Hypètre dans Pile de Philae (Nubie), 1839.

19Jules-Isaïe Livernois, originaire de la sage plaine du Saint-Laurent au Bas-Canada, se lance sur les routes jusqu’en Californie, revient fonder un studio florissant à Québec, cotise volontiers aux sociétés de colonisation et envoie ses employés couvrir tout le territoire autant au Saguenay qu’en Gaspésie.

20Au début du XXe siècle, l’aviateur Jacques de Lesseps, fils du constructeur du canal de Suez et du canal de Panama, commence la couverture aérienne du territoire gaspésien, avant de s’abîmer en mer avec son photographe, tous deux victimes de leur passion. La nouvelle société industrielle, en révolutionnant les moyens de transport, livre des territoires jusque-là inaccessibles à une nouvelle forme d’exploration : leur relevé photographique. Le rôle des nouveaux moyens de transport est à cet égard déterminant ; en cette période de Révolution industrielle, la conquête de l’espace devient indissociable de sa mise en images.

21Le relevé du monde est aussi celui du monde urbain. Dans l’espace européen, complètement approprié celui-là, une des recensions des plus monumentales est celle qu’Eugène Atget effectue des rues de Paris. Entre 1897 et 1927, date de sa mort, il produit plusieurs milliers de négatifs sur verre. Atget demeurant peu connu de ces contemporains, ce sont les institutions de l’État français qui font l’acquisition de ses négatifs : musée Carnavalet de la Bibliothèque nationale entre 1910 et 1915, ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en 1920, Commission des monuments historiques en 1921. La conjonction entre l’initiative individuelle et les instances collectives signale cet entendement commun autour de la photographie comme document. Quelques décennies plus tôt, l’Anglais Roger Fenton avait été mis à contribution au moment de la construction du Victoria and Albert Museum pour photographier les collections qui y seraient abritées. Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques, a enclenché une procédure identique en recensant le patrimoine architectural français.

  • 17 <http://www.nationalgeographic.com>, 25 septembre 2001.
  • 18 « En 2002, soit cent quatorze années plus tard, le magazine se porte plutôt bien. Il est publié en (...)

22Tout connaître, tout inventorier, tout décrire. La culture positiviste du XIXe siècle trouve dans la photographie un auxiliaire idéal de la science, de la géographie et des sciences naturelles. Cet engouement général trouve chez les éditeurs de puissants promoteurs des nouveaux savoirs auprès du grand public. Un tel travail de vulgarisation est effectué de façon exemplaire par la National Geographic Society. Incorporée en janvier 1888, les 33 amateurs de géographie et fondateurs de la société ont pour premier président Gardiner Greene Hubbar, puis Alexander Graham Bell, inventeur du téléphone et gendre du précédent. Ils se donnent pour mandat « the advisability of organizing a society for the increase and diffusion of geographic knowledge17 ». À cette fin, ils créent un périodique dont le premier numéro sort en novembre 1888. Il s’intitule National Geographic. Très vite et pendant les 55 années subséquentes, le magazine est placé sous la responsabilité de l’éditeur Gilbert Grosvenor, gendre d’Alexandre Graham Bell. Après plus d’un siècle de publication sans discontinuité, devenue une véritable institution, elle est vendue à des millions d’exemplaires, dans une vingtaine de langues18.

ill. 4 : T. O’Sullivan, le Canyon de Chelle, Nouveau Mexique, 1873.

ill. 5 : W. M. Notman, Vue sur la vallée Bow à Banff, 1887.

ill. 6 : J. I. Livernois, Le rocher Percé, c. 1870-1880.

  • 19 Paysages photographiés. Mission photographique de la Délégation à l’aménagement du territoire et à (...)
  • 20 « Les premiers pas de l’univers en photo », Associated Press et La Presse, 14 février 2003.

23La photographie de paysage comme preuve et document du monde reste un genre photographique extrêmement vivace et prolifique. Enracinées dans les tout débuts de la pratique photographique, sa compréhension et sa nécessité restent inchangées. En 1989, une mission photographique française envoie 28 photographes à travers la France « créer de nouvelles représentations du territoire pour saisir un moment singulier de son évolution19 L’appareil photo est dans le submersible de la mission Ballard qui, en 1985, permet à Emory Krystof de photographier l’épave du Titanic. En 1969, il fait partie des instruments des astronautes qui posent le pied sur la lune. En février 2003, une agence de presse annonce : « Washington—Il s’agit peut-être de l’un des événements scientifiques les plus importants de ces dernières années : la NASA a rendu publique mardi une photo d’une netteté étonnante des premiers instants de l’univers prises (sic) par la sonde WMAP20. » Le réel continue bel et bien à produire son empreinte lui-même.

Le triomphe du portrait

24Le paradigme scientifique a établi la valeur authentifiante du procédé photographique. La réception des images par le public, la pratique amateur, l’intervention des artistes vont mettre en évidence que les dimensions techniques du procédé, si elles donnent incontestablement un caractère indiciaire aux photographies, n’éliminent en aucune façon le travail de construction qui régit leur composition. Si la photographie est une empreinte de ce qui est vu, elle est tout autant, et fondamentalement, un point de vue sur ce qui est donné à voir.

  • 21 Rodolphe Girard, Marie Calumet, Montréal, Bibliothèque québécoise [1904], 1990, p. 140. Le chapitr (...)
  • 22 Roland Barthes, La chambre claire, note sur la photographie, Paris, Cahiers du cinéma, Gallimard, (...)

25L’histoire du portrait témoigne de façon éloquente de ce cheminement. Comme à la Renaissance, deux centres d’intérêt prépondérants marquent la production : l’espace de la réalité et l’humain dans cette réalité. Cela avait rapidement donné naissance à deux genres picturaux spécifiques : le paysage et le portrait. Malgré les délicatesses de la procédure, les pionniers de la photographie coururent les quatre coins du monde pour faire des paysages. Très vite, il ont aussi ramené des portraits, comme Edward S. Curtis, qui photographia notamment les Indiens des prairies nord-américaines de 1885 à 1928. Malgré la longueur des temps de pose, le daguerréotype dut sa gloire à la demande avide d’un public indifférent à la torture des accessoires et prothèses qui les immobilisaient devant l’objectif. Les bourgeoises font la queue dans la rue. Les paysannes accomplissent des voyages en ville, quand leur prend « la démangeaison de passer à la postérité par la photographie21 ». Même Baudelaire va poser, à plusieurs reprises, devant l’appareil de Félix Tournachon, dit Nadar, un des premiers grands portraitistes du nouvel art. Prolifèrent alors ces visages imprimés sur des formats dits carte de visite, le col estompé dans un fond lisse et uniforme. On photographie aussi en buste, en pied. La pose est rigide et impassible. Le portrait photographique atteste l’existence de tel ou tel individu. Des décennies plus tard, Roland Barthes écrira des pages émouvantes sur une photographie de sa mère, récemment décédée, livrant à cette occasion ses réflexions sur la preuve par la photographie d’un « ça-a-été22 ». Puis, on installe un décor, on prend la pose, on pose tout seul, en famille, en groupe, on met ses plus beaux atours, on se déguise, on pose devant des paysages peints en trompe-l’œil. On ajoute des accessoires qui évoquent un métier, une activité, un statut. Le portrait est ouvertement devenu une mise en scène de la personne. Littéralement, elle se donne en représentation.

26La question du beau resurgit alors et on trouve alors à apprécier l’influence des beaux-arts. Le mouvement pictorialiste propose une première esthétique de la photographie. Julia Cameron, pour ne citer qu'elle, se découvre à l’âge de 48 ans une passion pour la photographie. De 1848 à 1875, dans sa propriété de l’île de Wight, l’aïeule de Virginia Woolf met en scène des portraits photographiques de son entourage, dans lesquels les costumes à l’antique et les poses méditatives sont nimbés de lumières longuement nuancées, jouant sur le net et le flou.

  • 23 Source: BNQ, RES/CB/7.

27Dans le cadre de ce vaste genre, une catégorie particulière prend progressivement sa place : le portrait officiel des hommes publics. George E. Desbarats, fondateur du premier magazine illustré du Canada, The Canadian Illustrated News, campe en couverture de son tout premier numéro du 30 octobre 1869, le portrait du Prince Arthur, From a Photography by William Notman23. On connaît aussi les portraits de Lincoln faits par Matthew Brady et leur version gravée dans les magazines illustrés :

  • 24 Willffied Baatz, Photography, an Illustrated Historical OverView, New York, Barron’s, 1997. p. 39.

La légende historique veut que Lincoln ait même attribué son élection à la présidence aux effets conjugués que la photographie de Brady et son discours au Cooper Union de New York avaient eus sur les électeurs. Aujourd’hui, c’est la photographie que Brady a prise de Lincoln le 2 septembre 1864 qui orne le billet de cinq dollars24.

ill. 7 : Studio Notman, L’imprimeur G. W. Desbarats et sa famille, 1885.

  • 25 Le Journal de Trois-Rivières, 7 août 1866, cité par Michel Lessard, dans Les Livernois photographe (...)

28En 1866, Élisabeth L’Heureux Livernois, veuve de Jules-Isaïe, dirigeant à son tour le studio de Québec, réalise un photomontage, une mosaïque, de tous les notables du moment disposés dans des médaillons : « La direction de la maison Livernois espère que ce travail, l’un des plus grands qu’est paru en ce genre, en ce pays, sera accueilli avec faveur et apprécié comme une œuvre patriotique, comme c’était la pensée du fondateur de cet établissement25. » Par intuition autant sans doute que par sens des affaires, d’autres photographes guettent le passage des hommes politiques. C’est ainsi que George Roberts, de Saint John au Nouveau-Brunswick, et Jules-Isaïe Livernois, de Québec, propulsent la photographie, chacun à sa façon, au rang de document historique. Ce faisant, ils offrent l’occasion de discuter de façon exemplaire des questions de documentation et de représentation, du rapport au réel proposé par la photographie et de sa nouvelle valeur interprétative, comparée à sa rivale : la peinture traditionnelle. Ils livrent un véritable état de la question à l’occasion des conférences constitutionnelles de 1864 organisées par les provinces de l’Amérique du Nord britannique, dont le résultat est l’établissement du Canada.

Les conférences de 1864 : compréhensions d’un événement

  • 26 Voir Catherine Saouter, « Les Pères de la Confédération : photographie, peinture et représentation (...)

29La fin du XIXe siècle a été le témoin, dans la colonie anglaise d’Amérique du Nord, d’une convergence déterminante des domaines politique, culturel et technique. La Révolution industrielle a porté fruit et poussé vers la maturité politique cette lointaine dépendance de l’Empire britannique. On considère alors comme essentielle la construction d’un chemin de fer commun et, dans le même mouvement, d’une concorde, d’un contrat social, nonobstant les écarts qui ont déjà opposé les différentes parties. En septembre et octobre 1864, ont lieu des réunions rassemblant des délégués à des conférences constitutionnelles. La première a lieu à Charlottetown, sur l’Île-du-Prince-Édouard, la première semaine de septembre, la seconde à Québec, du 10 au 27 octobre. Là, 29 délégués du Canada-Uni, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, à huis clos et à marche forcée, composent l’essentiel d’un projet de loi constitutionnelle, ratifié lors d’une troisième et dernière conférence, à Londres, en 1866. La reine Victoria proclame alors que la nouvelle Confédération canadienne prendra effet le 1er juillet 186726.

  • 27 Convention at Charlottetown, Prince Edward Island, of delegates from the Legislatures of Canada, N (...)
  • 28 International Convention at Quebec of delegates of the Legislatures of Canada, Nova Scotia, New Br (...)
  • 29 Robert Harris, « Cartoon for Meeting of the Delegates of British North America to Settle the Terms (...)

30Une première photo de groupe27 est prise à Charlottetown, devant la maison du gouverneur, le1er septembre 1864. George Roberts, photographe venu spécialement de Saint John, a installé les délégués, sous un beau soleil, dans une pose décontractée. Plusieurs sont même accroupis sur les marches du portique de la façade. La deuxième photographie28 a été prise par Jules-Isaïe Livernois, devant l’édifice du Parlement, à Québec, le 27 octobre. Elle démontre un important effet de mise en scène. Un tapis a été déroulé devant le bâtiment qui abrite les sessions de travail ; une table est dressée, portant deux encriers sur un plateau. Les délégués sont alignés sur deux rangées, les uns assis dans des fauteuils, les autres debout en arrière. Il fait froid : les délégués sont engoncés dans leurs manteaux et tiennent la pose. Apparaît plus tard une troisième représentation : une peinture à l’huile désormais disparue, dont on connaît bien la composition et le dessin grâce au carton préparatoire29 du peintre Robert Harris, qui travailla à cette œuvre en 1883 et 1884. La scène rassemble 34 personnages autour d’une grande table, dans la salle des délibérations de la Government House de Québec. Trois grandes fenêtres cintrées encadrent la vue sur le fleuve Saint-Laurent. Les délégués sont répartis, dans des poses diverses, le long de la longue table de conférence. John A. McDonald et George-Étienne Cartier, leaders des débats, sont placés au centre, à la convergence des lignes de construction. Quelques objets complètent la scène : des rouleaux de papier sur le sol et un plateau portant deux encriers sur la table. Dans les trois images, l’identité des compositions et l’insistance, à l’avant-plan, sur l’horizontale sont tout à fait frappantes, malgré l’écart géographique ou chronologique qui démarque ces représentations les unes des autres. Par ailleurs, la progression dans le hiératisme permet de les ranger dans une sorte de séquence, ce qui accentue les liens de l’une à l’autre, indépendamment de la différence des techniques—photographie vs peinture—et du saut temporel de 20 ans qui sépare la peinture des photographies.

31Dans la photo de septembre 1864, une nonchalance certaine émane des délégués. Ceux-ci se prêtent à la demande d’un photographe tout en profitant du soleil. Chacun s’y trouve sur un pied d’égalité et aucun effet hiérarchique particulier ne transparaît. La photo d’octobre 1864, malgré de grandes similitudes avec la précédente, montre les délégués rigoureusement installés dans des poses de convenance. Il s’agit d’une photographie officielle, au plein sens du terme. Cette fois-ci, c’est du sérieux, on refait le monde. Dans le tableau, la scène se passe à l’intérieur—la peinture à l’huile permettant de rendre tous les artifices nécessaires de la lumière—et la disposition des délégués ainsi que leur pose révèlent toute la dimension apologétique voulue par le peintre. Non seulement on a refait le monde, mais ça a été une réussite.

32Cette séquence correspond tout à fait au cadre événementiel. La photo de Charlottetown représente une conférence qui, au départ, ne devait rassembler que les délégués des provinces de l’Atlantique et auxquels se sont ajoutés, à la dernière minute, ceux du Canada-Uni. La photo de Québec représente des délégués réunis à une conférence expressément convenue par les parties, motivée par un objectif précis et réglée par un échéancier rigoureux. Le tableau consacre la réalisation du nouveau pacte. L’œuvre a été commandée et payée par l’État et les termes du sujet ont été clairement convenus avec le peintre. Il a été prévu dès le départ que le tableau serait accroché à l’un des murs de l’édifice du nouveau Parlement, à Ottawa.

33La composition des trois images met en évidence des récurrences et des particularités. Les trois formats sont des rectangles horizontaux fortement marqués par une disposition à l’horizontale. La composition choisie pour représenter les Pères de la Confédération insiste sur l’égalité des délégués, ce qui induit l’égalité des provinces. En construisant cette égalité visuelle, la composition construit aussi une ligne virtuelle et horizontale, véritable métaphore de la concorde qui lie les parties à la recherche d’un nouveau contrat social. Cette façon d’exprimer visuellement la concorde dans la société civile rappelle comment elle apparaît sous la même forme dans une des fresques de l’hôtel de ville de Sienne, peinte par Ambrogio Lorenzetti au XIVe siècle et intitulée justement Le bon gouvernement. Cette métaphore visuelle est encore largement utilisée de nos jours, à l’occasion des rencontres interprovinciales, des sommets du G8 et autres nombreuses rencontres internationales. Les deux photographes ont été bien plus loin que la simple documentation. En procédant à l’installation de la pose, ils ont produit une représentation fondée sur leur compréhension de la philosophie et des enjeux sous-jacents à ces conférences. Ils ont signifié par la photographie ce qu’avait exprimé de son côté le délégué George-Étienne Cartier :

  • 30 Cité par Mason Wade, Les Canadiens français, Ottawa, Le Cercle du livre de France, 2e édition, 196 (...)

Dans notre propre fédération, nous aurons des catholiques et des protestants, des anglais, des français, des irlandais et des écossais (sic), et chacun, par ses efforts et ses succès, ajoutera à la postérité et à la gloire de la nouvelle confédération. Nous sommes des races différentes, non pas pour nous faire la guerre, mais afin de travailler conjointement à notre propre bien-être30.

ill. 8 : G. P. Roberts, La convention de Charlottetown, 1er septembre 1864.

ill. 9 : J. I. Livernois, Les délégués des législatures de l’Amérique du Nord britannique, 27 octobre 1864.

ill. 10 : R. Harris, Carton préparatoire pour Les Pères de la Confédération, 1883.

34Ces trois représentations de la nouvelle concorde appellent, bien entendu, des nuances, ne serait-ce que dans les places qu’elles accordent à John A. Macdonald et à George-Étienne Cartier, leaders des débats et représentants du très important Canada-Uni. D’une image à l’autre, ils se rapprochent du centre géométrique et, dans le tableau, Macdonald, en position debout, est désigné, parmi ses égaux, comme pourtant prépondérant : il est devenu le premier premier ministre du gouvernement fédéral. On sait aussi que la réalité événementielle ne coïncide pas longtemps avec ce tableau idéal. Terre-Neuve ne signe même pas l’accord final et ne rejoint la Confédération qu’après la Deuxième Guerre mondiale. Le Québec, dans les dernières décennies du XXe siècle, débat avec vigueur de son retrait éventuel du pacte fédératif. En cela aussi, les deux photographies et le tableau échappent à la stricte documentation et sont, de fait, un point de vue sur les événements.

  • 31 Douglas M S...(illisible) à Robert Harris, Halifax 1er juin 1883. « Dear Sir. Enclosed please find (...)
  • 32 Confederation Center of Arts, fonds Robert Harris, carnet de croquis, 1883-1885, no 20.

35Ce point de vue, dans deux des images, est clairement signalé par l’emploi d’un motif particulier, support d’un investissement symbolique pensé par les producteurs. Nonobstant les valeurs associées à la peinture et à la photographie en ce qui a trait au statut artistique de la seconde, le peintre Harris et le photographe Livernois ont édifié une même symbolique. Les encriers placés au centre de leurs compositions expriment de la même façon le but poursuivi par l’ensemble des figures : la recherche de l’accord, la signature d’un contrat. Mieux, le peintre emprunte sa solution au photographe. Si l’on ne retrouve dans ses dossiers que la photo de Charlottetown, d’autres documents montrent qu’ils connaissait celle de Québec. Un de ses correspondants lui souligne comment une photo qu’il lui envoie « ressemble beaucoup à celle prise à Québec31 ». En octobre 1883, Harris fait un voyage à Québec, pour se documenter sur les lieux de la deuxième conférence. Dans ses carnets, il note: « Was there any one find [sic] act such signing as any document which I may use32? » La solution du photographe semble sensée au peintre, qui l’adopte in petto.

36Harris a abondamment utilisé la photographie comme auxiliaire de son projet. Il avait correspondu avec les anciens délégués ou leurs descendants. Il leur demandait de remplir de pittoresques petites fiches afin d’obtenir toute sorte de détails sur le port de la barbe, l’état des calvities, etc., tout en sollicitant l’envoi, quand il existait, d’un portrait photographique. Son attitude est conforme à celle de son temps et son zèle répond aux souhaits de la Chambre des communes. Les députés de 1883 voulaient une œuvre référentielle, non une allégorie. Mais l’œuvre référentielle ne pouvait être la photographie elle-même, considérée encore comme simple document auxiliaire. La représentation ne pouvait trouver sa valeur que par une transposition dans un tableau peint à l’huile, même si l’on sait maintenant que l’essentiel de l’enjeu de la représentation avait déjà été formalisé par Livernois.

  • 33 Confederation Center of Arts, fonds Robert Harris.
  • 34 Voir Michel Lessard, historiographe des Livernois, Les Livernois, photographes, note 21.
  • 35 Voir Moncrieff Williamson, historiographe de R. Harris, Robert Harris 1849-1919: A Unconventional (...)

37Les trois images et leurs auteurs ont connu un étrange destin. La presse imprimée fait connaître une diffusion relative et tardive aux deux photographies : on les retrouve au moins toutes deux en 1917 dans The Standard de Montréal, à l’occasion du premier jubilée de la Confédération, puis en 1927, pour le jubilée de diamant dans le magazine Family Herald and Weekly Star33. Dans les deux cas, aucun crédit, les photographes ayant déjà sombré dans l’oubli. La photo de Charlottetown continue jusqu’à ce jour à être reproduite dans les manuels scolaires. Celle de Québec disparaît et n’est même pas digne d’être montrée lors d’une vaste exposition rétrospective consacrée par le Musée du Québec au Studio Livernois dans le courant des années 198034. Le tableau de Harris brûle dans l’incendie du Parlement survenu en 1916, mais survit dans l’émission de timbres où le nombre des délégués fluctue d’une impression à l’autre. À l’orée des années 1970, l’histoire de l’art, tout en signalant les pittoresques petites fiches remplies par les correspondants du peintre, escamote résolument l’usage de la photographie35.

  • 36 L’artiste David Hockney a provoqué tout un émoi dans la communauté des historiens de l’art en démo (...)

38Les années contemporaines conduisent à un évident paradoxe. La lutte larvée sur le statut artistique de la photographie permet encore de taire son usage auxiliaire pour mieux valoriser l’invention d’un artiste peintre36. En omettant la photographie de Livernois aux cimaises du musée et, aussi, dans les pages des livres d’histoire, se trouve dépréciée la représentation la plus forte d’implications et, de facto, son auteur. À la fois documentaire—elle atteste des faits—, à la fois représentative—elle offre un point de vue—, la photo de Livernois est pourtant un jalon remarquable de l’écriture photographique en ce qu'elle montre la conscience et la compréhension de ce qui distingue le fait de l'événement. Tout le photojournalisme à venir découlera de cette distinction. Seule autorisée dans le présent, reste la photo de Roberts, la moins chargée idéologiquement, mais aussi la moins représentative, 139 ans après les faits.

Images et espace social

39La relation dialectique entre documentation et représentation, très rapidement comprise par la pratique du paysage et du portrait, offre un lieu où les photographes peuvent exprimer une vision du monde, autant d’ordre idéologique qu’esthétique, et ils en déclinent désormais tous les registres, de la célébration la plus éthérée à la dénonciation la plus politique.

  • 37 Voir à ce sujet Alain Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997 : « Il est notable qu (...)

40Un courant très important tend à magnifier le paysage. Ce motif, récent dans la culture occidentale—le terme lui-même n’apparaît qu’à l’orée de la modernité, en même temps que le genre pictural du même nom, au XVIe siècle37 —, est l’emblème du culte de la nature, sauvage ou apprivoisée. Du magazine spécialisé à la carte postale, en passant par la photo d’art, il a pour champion le magazine National Geographic, prototype d’une floraison de semblables auxquels l’essor massif de l’industrie touristique, à la fin du XXe siècle, donne une vitalité et une rentabilité manifestes. Le compte rendu du monde, connu pourtant jusqu’aux fonds des océans, trouve toujours à se renouveler. Après des générations de calendriers et de cartes postales de paysages, Yann Arthus-Bertrand reconduit le genre en faisant le relevé de la planète depuis les airs. Il est le motif privilégié des campagnes publicitaires pour automobiles et la vogue des véhicules tout-terrain livre sans relâche des chevauchées mécanisées dans des sites grandioses, dignes des premières explorations dans la vallée de Yosemite.

  • 38 Le cliché a été pris au cours d’une mission de reconnaissance de la CIA, autorisée par le présiden (...)

41Ce courant occulte des usages du genre autrement moins romantiques. La Première Guerre mondiale conçoit comme premier usage des nouveaux aéroplanes la prise des vues photographiques en arrière des lignes ennemies avant d’imaginer qu’ils pouvaient servir directement aux combats. La crise des missiles de Cuba est provoquée par une photographie aérienne révélant la présence des installations soviétiques sur l'île38. Tous les conflits, jusqu’aux frappes de la deuxième guerre contre l’Irak, recourent désormais à la photographie de paysage à des fins tactiques.

  • 39 White House Ruin, Canyon de Chelly National Monument, Arizona, 1942. ©Trustees of The Ansel Adams (...)
  • 40 Cette photographie a fait partie de l’exposition Deborah Bright : Textual Landscapes, University A (...)

42La valeur expressive importe de façon primordiale dans le premier registre, le caractère documentaire est exclusif dans le second. Les photographes engagés dans un discours critique agencent les deux registres par une rhétorique subtile. Ansel Adams, grand défenseur des parcs nationaux américains, retourne délibérément faire la photo de Timothy O’Sullivan devant les falaises du canyon de Chelle39. Ce procédé de citation sert la défense de ce que le photographe considère comme des sanctuaires sacrés. À la fin des années 1980, Deborah Bright retourne sur le site d’une des batailles de la guerre de Sécession et monte une longue séquence photographique à la manière des anciens panoramiques40. Elle construit un oxymore entre l’image et le texte en opposant à une vision bucolique un titre lapidaire : Battle of Antietam, 1862. Duration : One Day. La facture à l’ancienne de sa prise de vue et le nom du lieu font remonter à la mémoire les photographies de ces mêmes champs jonchés de cadavres, prises par les photographes du Studio Brady un siècle auparavant.

43La puissante capacité du portrait de proposer une confrontation ou une identification donne à son tour aux photographes les lieux possibles d’une rhétorique. Toute famille célèbre sa propre existence par le rituel de l’album de photos. Naissances, communions, mariages, vacances, anniversaires font vivre par leurs millions de clichés annuels un vaste secteur économique de studios photographiques consacrés au traitement de la photographie amateur. Dans ce registre de la célébration, les pratiques professionnelles trouvent leurs revenus dans la photographie officielle, déjà évoquée, mais aussi dans la photographie de mode, le portrait des stars, la chasse aux célébrités du jet set et autres hagiographies médiatiques.

  • 41 Sur ce sujet, voir Vincent Lavoie, L’instant-monument : du fait divers à l’humanitaire, Montréal, (...)

44En franc contraste, le portrait au service de la critique sociale ou de la dénonciation compte autant d’icônes. Parmi les plus anciennes et maintenant oubliées du grand public, les photographies de Jacob Riis, immigrant parmi les immigrants pauvres dans le cloaque new-yorkais des années 1870 et 1880. Puis, sous des aspects différents, mais avec la même universalité, le portrait emblématique de Florence Thompson et ses enfants, The Migrant Mother, dans la débâcle de la Grande Dépression, fait par Dorothea Lange en 1936 ou encore celui de Ernesto Guevara, dit Che, par Alberto Korda en 1960. La fonction sociale et critique de la photographie trouve une de ses meilleures armes dans le portrait et c’est lui qui a aujourd’hui la préférence des publicités pour les causes humanitaires41.

45En sus de cette riche postérité discursive, la photographie rend possible l’apparition d’un nouveau média, crucial dans la culture de masse : le cinéma. Lorsque, le 28 décembre 1895, les frères Louis et Auguste Lumière présentent le tout premier spectacle du cinématographe, ils ont réussi à leur tour, comme autrefois Daguerre et Niépce, à mener à terme toute une série de recherches pour enregistrer, cette fois-ci, non seulement l’empreinte du réel, mais son mouvement. Cette mise au point n’aurait pu se faire sans la maîtrise des sels argentiques, la réduction des temps d’exposition jusqu’à l’instantané, le film celluloïd déroulable et enroulable à volonté devant un objectif. À leur tour, les premiers opérateurs parcourent le monde pour capter des vues désormais animées, car le cinématographe est lui aussi d’abord pensé comme un outil pour documenter le monde. En germe, il compte pourtant tout autant le même problème de la documentation et de la représentation, puisque le premier spectacle des frères Lumière comptait déjà une petite histoire d’arroseur arrosé, complètement imaginée et mise en scène. Le cinématographe, au tournant du XXe siècle, poursuit cette tension en subdivisant le nouveau cinéma en deux grands genres promis à de gigantesques développements : le documentaire et la fiction.

Notes

1 L.-J. Gay-Lussac, cité par R. Colson dans « Mémoires originaux des créateurs de la photographie », Paris, Georges Carré et C. Naud, 1898 ; éd. en fac-similé, Paris, Jean-Michel Place, 1989, p. 64.

2 François Arago, « Le daguerréotype, rapport fait à l’Académie des Sciences de Paris le 19 août 1839 », reproduction de la publication dans le tome XXXV de La France littéraire, Paris, L’échoppe, 1839, p. 15.

3 Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, sous la dir. d’Alain Rey, 1998, vol. 2, p. 2710-2711.

4 Louis Jacques Mandé Daguerre, « Description pratique du procédé nommé le daguerréotype, par Daguerre », dans son ouvrage intitulé Historique et description des procédés du daguerréotype et du diorama, Paris, Susse frères, éditeurs, 1939, reproduit par R. Colson, op. cit., p. 52.

5 Walter Benjamin, « L’œuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité technique », première version française, traduction des p. 40-46 du volume V de Zeitschrift für Sozialforschung par Pierre Klossowski en 1936, dans L’homme, le langage, la culture, Paris, Denoël-Gonthier, 1971, p. 143-144.

6 Cité par Clément Chéroux, dans « Vues du train, vision et mobilité au XIXe siècle », Études photographiques, no 1, 1996, p. 73-88.

7 Charles Baudelaire, Variétés critiques : 1—La peinture romantique, Paris, Éditions G. Crés et Cie, 1924, p. 122.

8 Cité par R. Colson, op. cit., p. 45.

9 Eleanor Brown, « Les premières images par daguerréotype au monde—le photographe canadien Pierre Gustave Gaspard Joly de Lotbinière », dans L’achiviste/The Archivist, Ottawa, no 118, 1999, p. 23-29.

10 Perdues mais peut-être non détruites. Hélène Leclerc emploie le terme introuvables. Elle indique par ailleurs que « dans les archives familiales, il n’existe aucune note ou document confirmant que Pierre-Gustave a continué à réaliser des daguerréotypes lorsqu’il est revenu au pays ». (Domaine Joly-De Lotbinière, Montréal, Fides, 2002, p. 17.)

11 Excursions daguerriennes, Vues et monuments les plus remarquables du globe, Paris, Rittner et Goupil, boulevard Montmartre, 15, Lerebours, opticien de l’observatoire, place du Pont-Neuf, 13, Hr Bossange, Quai Voltaire, 11, vol. 1, 1841, et vol. 2, 1842, Montréal, Centre Canadien d’Architecture.

12 Texte d’accompagnement de « Le Parthénon ou temple de Minerve (Athènes) », dans Excursions daguerriennes, vol. 1, ibid., non paginé.

13 Texte d’accompagnement de « Vue des Propylées (Athènes), 1839 », dans Excursions daguerriennes, vol. 1, ibid., non paginé.

14 Texte d’accompagnement de « Temple Hypèthre dans l’île de Philae (Nubie) », dans Excursions daguerriennes, vol. 2, ibid., non paginé.

15 Weston J. Naef et James N. Wood, « Photographers in Yosemite, 1861-1868 », dans Era of Exploration, The Rise of Lanscape Photography in the American West, 1860-1885, Buffalo, Albright-Knox Art Gallery, 1975, p. 34-69.

16 Marianne Fulton, Eyes of Time, Photojournalism in America, Boston/Toronto/London, A New York Society Book, Little, Brown and Company, published in Association with the International Musum of Photography at George Eastman House, 1988, p. 311 et <http://www.masters-of-photography.com>.

17 <http://www.nationalgeographic.com>, 25 septembre 2001.

18 « En 2002, soit cent quatorze années plus tard, le magazine se porte plutôt bien. Il est publié en vingt-trois langues (de l’anglais au français, en passant par le polonais, le finlandais ou encore le coréen) et est diffusé à près de 10 millions d’exemplaires tous les mois. Son contenu s’est certes modernisé, mais garde l’esprit des pères fondateurs, à savoir rigueur, soif de savoir et vulgarisation. » National Geographic, numéro hors-série, 100 ans d’expéditions National Geographic, édition française, Paris, 2002, p. 13.

19 Paysages photographiés. Mission photographique de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) conçue et dirigée par Bernard Latarjet et François Hers, Paris, Hazan, 1989, p. 13.

20 « Les premiers pas de l’univers en photo », Associated Press et La Presse, 14 février 2003.

21 Rodolphe Girard, Marie Calumet, Montréal, Bibliothèque québécoise [1904], 1990, p. 140. Le chapitre VII, « Marie Calumet va se faire photographier à Montréal », est l’occasion de pages désopilantes sur le voyage en train qui mène l’héroïne du roman à la grande ville et sa quête complexe d’un tireur de portraits. De telles audaces rabelaisiennes valurent au romancier la condamnation immédiate du clergé et son congédiement par son employeur, le journal La Presse (cf. la note d’introduction à la réédition de 1990, op. cit., p. 8).

22 Roland Barthes, La chambre claire, note sur la photographie, Paris, Cahiers du cinéma, Gallimard, Seuil, p. 109-119.

23 Source: BNQ, RES/CB/7.

24 Willffied Baatz, Photography, an Illustrated Historical OverView, New York, Barron’s, 1997. p. 39.

25 Le Journal de Trois-Rivières, 7 août 1866, cité par Michel Lessard, dans Les Livernois photographes, Québec, Musée du Québec et Agenda Québec, 1987 ; publication préparée à l’occasion de Livernois, photographe, 120 ans de studio à Québec, exposition au Musée du Québec, Andrée Laliberté-Bourque, conservatrice en chef, et Michel Lessard, conservateur invité, p. 85.

26 Voir Catherine Saouter, « Les Pères de la Confédération : photographie, peinture et représentation », Revue d’histoire de la culture matérielle, Ottawa, Musée national des sciences et technologies, 2000, p. 59-71.

27 Convention at Charlottetown, Prince Edward Island, of delegates from the Legislatures of Canada, New Brunswick, Nova Scotia and Prince Edward Island. To Take into Consideration the Union of the British North American Colonies, September 1, 1864, photographed by G. P. Roberts, St. John, N.B., Public Archives of Prince Edward Island, no 4052/3.

28 International Convention at Quebec of delegates of the Legislatures of Canada, Nova Scotia, New Brunswick, Prince Edward Island and Newfoundland to Settle the Basis of a Union of the British North America Provinces, October 27th, 1864. Photographed by Livernois. Entered according to Act of the Provincial Legislature in the year 1864, by J.B. Livernois, in the Office of the Registrar of the Province of Canada. 4,5 V.C.61S.6. ANQ, Fonds J. E. Livernois Ltée, P560, S2, P300298, no 05855.

29 Robert Harris, « Cartoon for Meeting of the Delegates of British North America to Settle the Terms of Confederation, Quebec, October /864/Carton pour La réunion des délégués de l’Amérique du Nord britannique devant régler les conditions de la Confédération, Québec, octobre 1864, 1883, fusain et sanguine sur vélin, 160,02 x 361,95 cm, Musée des Beaux-Arts du Canada, no 26955, acquis en 1981, don de la Chambre des communes, gouvernement du Canada.

30 Cité par Mason Wade, Les Canadiens français, Ottawa, Le Cercle du livre de France, 2e édition, 1966, p. 355.

31 Douglas M S...(illisible) à Robert Harris, Halifax 1er juin 1883. « Dear Sir. Enclosed please find a Photo of the late Hon Jonathan MCally which is the best likeness of the late gentleman that I have. I have answered the questions as near as possible. Please return the Photo to me when you ave done with it. You will observe that this photo is very like the one on the group taken in Quebec (sic) ». (ANC, MGD88.)

32 Confederation Center of Arts, fonds Robert Harris, carnet de croquis, 1883-1885, no 20.

33 Confederation Center of Arts, fonds Robert Harris.

34 Voir Michel Lessard, historiographe des Livernois, Les Livernois, photographes, note 21.

35 Voir Moncrieff Williamson, historiographe de R. Harris, Robert Harris 1849-1919: A Unconventional Biography, Toronto/Montreal, McClelland/Stewart, 1970.

36 L’artiste David Hockney a provoqué tout un émoi dans la communauté des historiens de l’art en démontrant que les plus grands maîtres de la peinture, Van Eyck, Vermeer, et bien d’autres, à l’instar de Canaletto, utilisaient la chambre obscure. En l’an 2000, une telle démonstration choque encore. Pour l’exposé de la thèse de Hockney, voir David Hockney : Secret Knowledge, R. U., 2002, réal. Randall Wright, production BBC Omnibus, couleur, 72 min.

37 Voir à ce sujet Alain Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997 : « Il est notable que Rabelais, en 1534, ne semble pas disposer du terme “paysage”, dont la première mention officielle figure dans le dictionnaire latin/français de Robert Estienne (1549) », p. 19.

38 Le cliché a été pris au cours d’une mission de reconnaissance de la CIA, autorisée par le président J. F. Kennedy, le 14 octobre 1962.

39 White House Ruin, Canyon de Chelly National Monument, Arizona, 1942. ©Trustees of The Ansel Adams Publishing Rights Trust.

40 Cette photographie a fait partie de l’exposition Deborah Bright : Textual Landscapes, University Art Museum, SUNY Binghamton, New York, 1988.

41 Sur ce sujet, voir Vincent Lavoie, L’instant-monument : du fait divers à l’humanitaire, Montréal, Dazibao, 2001, et François Jean, La rhétorique humanitaire : analyse d’un corpus publicitaire de 1994 à 2002, Maîtrise en communication, Université du Québec à Montréal, 2003.

Table des illustrations

Légende ill. 1 : Camera obscura, Encyclopédie Diderot et d’Alembert.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 86k
Légende ill. 2 : P. G. Joly de Lotbinière, Vue des Propylées (Athènes), 1839.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 120k
Légende ill. 3 : P. G. Joly de Lotbinière, Temple Hypètre dans Pile de Philae (Nubie), 1839.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 122k
Légende ill. 4 : T. O’Sullivan, le Canyon de Chelle, Nouveau Mexique, 1873.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 105k
Légende ill. 5 : W. M. Notman, Vue sur la vallée Bow à Banff, 1887.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Légende ill. 6 : J. I. Livernois, Le rocher Percé, c. 1870-1880.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
Légende ill. 7 : Studio Notman, L’imprimeur G. W. Desbarats et sa famille, 1885.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 99k
Légende ill. 8 : G. P. Roberts, La convention de Charlottetown, 1er septembre 1864.
URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/10751/img-8.jpg
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Légende ill. 9 : J. I. Livernois, Les délégués des législatures de l’Amérique du Nord britannique, 27 octobre 1864.
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Légende ill. 10 : R. Harris, Carton préparatoire pour Les Pères de la Confédération, 1883.
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