Chapitre 4. Les paysages de rivière
p. 131-151
Note de l’auteur
Ce texte résulte d’une réflexion puisant principalement à deux sources. D’une part, il s’appuie sur une recherche appliquée portant sur les enjeux de paysage soulevés par les dérivations de rivière à des fins hydroélectriques ; cette recherche fut menée en collaboration avec Normand Cazelais, spécialiste en aménagement du territoire et en environnement au groupe Production d’Hydro-Québec. D’autre part, il reflète également, en partie, les travaux de recherche réalisés dans le cadre de la thèse de doctorat de François Tremblay. Celui-ci tient à remercier la Fondation Desjardins ; le Fonds FCAR et l’Université de Montréal pour leur soutien financier à ses recherches doctorales. Enfin, l’auteur remercie Normand Cazelais pour son aide et ses conseils lors de la rédaction de l’article.
Texte intégral
1 En tant que construction culturelle ayant un sens pour une société à une époque donnée, le paysage constitue une représentation bien implantée dans diverses disciplines depuis plusieurs années. L’histoire de l'art, les études culturelles et la géographie historique1 proposent depuis longtemps des explications pour faire des liens entre l’émergence de certaines préférences esthétiques et les caractéristiques sociales, culturelles, économiques et politiques des sociétés au sein desquelles les productions culturelles paysagères se développent. Depuis quelques décennies, des disciplines comme l’aménagement et la planification du territoire reconnaissent que les paysages sont des phénomènes principalement sociaux et culturels2. Dans les domaines de l’aménagement, de la gestion des ressources ou encore de l’évaluation environnementale, le paysage apparaît de plus en plus comme une construction sociale dont la prise en compte relève davantage des sciences humaines que des seules sciences de la nature.
2Certains courants de la géographie historique ont grandement contribué à consolider cette perspective culturaliste et à lui donner une grande crédibilité, notamment par des interprétations des traditions picturales anglaise et néerlandaise. Ces lectures des tableaux de paysage des XVIIe et XVIIIe siècles mettent en relation, d’une part, les importants changements sociaux, politiques, économiques et technologiques des sociétés européennes et, d’autre part, les préférences esthétiques exprimées par les peintres eux-mêmes et par les commanditaires des tableaux, promoteurs de ces changements historiques. Les travaux de Cosgrove, Prince, Mitchell et Jensen Adams3 suggèrent que les esthétiques paysagères jouent un rôle de ciment social pour consolider les identités nationales et communautaires. La révolution agricole anglaise du XVIIIe siècle a donné lieu, par exemple, à une tradition picturale où les traces de changement sont totalement invisibles. Cette absence volontaire de certains témoins de changements importants est en complète dissonance avec les écrits sur la campagne anglaise de l’époque. Une telle dissonance témoignerait, selon Prince4, de l’importance sociale de la classe bourgeoise dans la stabilité des communautés rurales. Assumer des responsabilités identitaires fait en sorte que l’esthétique paysagère privilégiée par l’élite sociale, économique et politique peut alors être considérée comme l’infrastructure symbolique d’une collectivité. De même, Jensen Adams5 explique comment, dans un pays aux communautés multiples en compétition économique les unes avec les autres (les Pays-Bas au XVIIe siècle), les paysages valorisés proposent une vision « naturalisante6 » du rapport entre le peuple néerlandais et son territoire, gommant ainsi des différences de groupes aux intérêts divergents et forgeant l’identité nationale.
3Ce préambule sur le rôle des esthétiques paysagères en diverses sociétés au cours de l’histoire dresse la toile de fond du propos que nous voulons approfondir. Notre réflexion portera sur les significations socioculturelles que l’on peut déduire de nouvelles préoccupations paysagères relatives aux rivières du Québec. En effet, depuis quelques années, leur représentation, en tant que témoins d’une nature sauvage et unique, s’impose dans le discours médiatique. La mise sur pied de la Fondation Rivières dans le sillage des interventions, tant locales que nationales, contre la politique provinciale d’octroi des forces hydrauliques du domaine public marque, à ce point de vue, un point tournant dans l’émergence de ce discours. La Fondation, regroupant beaucoup de personnalités connues, notamment des vedettes de la chanson et de la télévision, est surtout active dans plusieurs contestations de projets hydroélectriques privés liés à l’aménagement de petites centrales7. L’argumentaire principal de ses revendications et du mouvement social dont la Fondation est issue consiste à présenter le caractère naturel des rivières comme un important patrimoine collectif8. Cet argumentaire fait souvent valoir le « capital naturel » que constituent les rivières « vierges » du Québec par leur nombre, leur richesse et leur potentiel de destinations de grande nature.
4Cette image naturalisante des rivières québécoises véhicule un paradoxe d’autant plus grand que peu d’entre elles sont effectivement vierges, mises à part celles du Grand Nord. De plus, en raison du rôle économique majeur qu’elles ont joué dans l’histoire du Québec, on peut se demander quel est le sens profond de cette renaturalisation9 des rivières québécoises comme symboles paysagers oblitérant leur réalité instrumentale. En effet, la très grande majorité d’entre elles ont été équipées d’ouvrages de régulation, ne serait-ce que pour les besoins du flottage du bois et du contrôle des inondations. Le flottage du bois a, pour sa part, entraîné le dynamitage de nombreux rapides pour accélérer le courant et la construction d’importantes canalisations pour en concentrer les flots ; bref, autant de signes plus ou moins perceptibles de l’assujettissement des cours d’eau à des activités d’exploitation des ressources naturelles. Au XXe siècle au Québec, le développement hydroélectrique a modifié le profil de rivières de plus en plus éloignées des centres de population et aux débits de plus en plus imposants. Dans ce contexte, comment interpréter l’émergence d’un paysage de rivière valorisant des caractéristiques naturelles intouchées ? De nombreuses rivières portent en effet les traces d’une instrumentalisation de leurs cours qui s’est inscrite dans l’histoire socioéconomique du Québec et de ses régions.

Figure 4.1 : Peu de rivières québécoises du bassin du Saint-Laurent peuvent être considérées comme vierges. (Photographie : François Tremblay ; montage photo : Catherine Allard)
5Pour répondre à cette question, nous proposons une réflexion en deux temps : un exposé de la problématique actuelle des paysages de rivière, suivi d’une méthodologie pour prendre en compte ses éléments clés.
PAYSAGE DE RIVIÈRE : ENTRE LE JOYAU HORS DE PRIX ET LA RÉAPPROPRIATION TRANQUILLE
6Depuis quelques années, la saison estivale apporte son lot de descentes de rivière médiatisées10. Ces descentes présentées comme des manifestes ont pour but d’attirer l’attention du public sur des voies d’eau appelées à être harnachées (ex. Rupert, Magpie) ou sur d’autres qui ne le seront pas à brève échéance (ex. la George) mais qui représentent la nature sauvage de ce patrimoine des quelque 4 500 rivières du Québec. Le message relayé par les personnalités et les vedettes qui participent à ces événements met l’accent sur l’incomparable richesse de chaque cours d’eau. Soulignant son caractère exceptionnel (un « bijou », un « chef-d’œuvre »), Robert Kennedy Junior, lors d’une descente de la Magpie, est même allé jusqu’à la comparer à la Mono, Lisa... Ces descentes médiatisées construisent de la sorte une image des paysages de rivière à coups de superlatifs qui relèvent du marketing. Ainsi tente-t-on de placer les rivières dans une hiérarchie à l’échelle nord-américaine, en évoquant quelquefois des cours d’eau renommés pour les sports d’eau vive comme le Colorado, la Salmon en Idaho ou l’Ocoee au Tennessee. Le paysage qui fait l’objet de cette appréciation est résolument monétisable : le caractère vierge, naturel, de même que la qualité de l’expérience récréative, y font office de plus-value. La valorisation du caractère naturel des paysages de rivière contribue à la création d’une plus-value de « grande nature » qui permet de justifier l’argumentaire de protection des cours d’eau pour en faire des destinations de tourisme de nature. On se demande si ces paysages de rivière n’auraient, aux yeux de leurs promoteurs, qu’une valeur utilitaire dans le contexte bien particulier d’une opposition croissante aux projets d’exploitation énergétique ou commerciale des cours d’eau.
7Il serait réducteur de s’en tenir à une telle interprétation. Aller au-delà de ce cliché demande de comprendre la genèse du mouvement social sous-jacent à ces fameuses descentes médiatisées et surtout de faire le lien entre elles et le processus de réappropriation collective à des fins récréatives des rivières québécoises amorcé il y a une trentaine d’années. Préalablement à cette mise en contexte du terreau social où s’inscrivent aujourd’hui les paysages de rivière, il importe donc de situer l’importance des cours d’eau dans la géographie et dans l’histoire québécoises.
Des rivières au cœur de l’histoire du Québec
8Historiquement, les rivières du Québec ont joué un rôle essentiel dans l’organisation socioculturelle et politique du territoire, dans le processus de découverte, de colonisation et d’aménagement du pays, y compris son développement économique. La traite des fourrures, la navigation commerciale et militaire, le transport, le flottage du bois destiné à la construction navale ou à la production papetière, la production d’électricité, l’utilisation des cours d’eau à des fins industrielles ou agricoles s’y sont succédé comme usages dominants. Les efforts d’assainissement des eaux usées, la multiplication d’accès publics aux cours d’eau et l’abandon de pratiques polluantes (ex. le flottage du bois) ont favorisé, depuis quelques décennies, le déploiement des usages récréatifs sur de nombreuses rivières.
9Malgré ce rôle essentiel dans l’histoire et la géographie du Québec, force est de constater que l’importance symbolique des rivières n’est pas à la hauteur d’un tel rôle. Bien qu’ils fassent partie d’un certain patrimoine régional, on ne peut dire que ces « chemins qui marchent » des Amérindiens constituent des symboles nationaux. Pourtant, avec dix pourcent d’un territoire recouvert d’eau douce, le Québec offre le plus grand nombre de lacs et de rivières au monde, proportionnellement à la grandeur de son territoire.
10Bien qu’elles aient laissé leur trace dans l’imaginaire collectif, notamment dans la toponymie et la langue courante, on constate que les rivières ne sont pas des emblèmes. Cela pourrait s’expliquer par le fait que le droit de l’eau québécois a, dans les faits, contribué à privatiser l’accès aux cours d’eau, tout en maintenant en théorie un statut de res communis à cette ressource11. Au Québec, les statuts juridiques de l’eau en général, des eaux courantes et des usages possibles des cours d’eau imposent depuis longtemps une complexité qui a donné lieu à de nombreux litiges. Pour prendre en charge les problèmes qui en découlent, le gouvernement québécois a mis sur pied, à la fin des années 1960, une commission d’étude des problèmes juridiques de l’eau. La commission Legendre, du nom de son président, le juge Rolland Legendre, a siégé pendant cinq ans et a formulé une proposition de réforme ambitieuse qui n’a toutefois jamais vu le jour.
11Selon la commission Legendre, l’un des aspects les plus délicats est que le droit de l’eau est à la fois subordonné à la propriété foncière et à un régime de droits publics particuliers (navigation, flottage, exploitation des forces hydrauliques, pêche). Ce qui, dans les faits, empêche le public de jouir de l’ensemble des usages des eaux courantes. Malgré le caractère public de ces eaux (à quelques exceptions près datant du régime seigneurial12), il est souvent impossible aux personnes d’accéder physiquement aux rivières québécoises en raison de la tenure foncière. La législation sur la réserve des trois chaînes, mise en place au XIXe siècle, cherchait pourtant à assurer une propriété publique en rive, et les berges de tous les cours d’eau ont été juridiquement considérées comme des propriétés du gouvernement québécois pendant plus d’un siècle. En 1991 toutefois, la Loi modifiant la Loi sur les terres publiques, adoptée par le gouvernement québécois, a systématiquement concédé les bandes riveraines aux propriétaires adjacents. Même dans les cas où la réserve des trois chaînes a pu encore constituer une propriété publique riveraine utilisée comme telle, les propriétaires riverains disposent d’un droit d’usage exclusif puisque les non-propriétaires riverains ne peuvent atteindre les berges par voie de terre sans devoir passer par un terrain privé. Le domaine public se trouve ainsi enclavé par les tenures privées. De plus, en raison d’une aliénation progressive de lots publics de grève et de bandes riveraines par des concessions et des baux reconnaissant aux propriétaires adjacents les mêmes droits que sur leurs propriétés, le rétrécissement du domaine public au profit du domaine privé observé par la commission Legendre13 est encore, trente ans plus tard, une réalité qui oriente la gestion des usages de l’eau au Québec14. Cette dépossession juridique, à laquelle se sont ajoutées l’urbanisation, l’activité portuaire, l’expansion technologique et l’évolution du mode de vie, a fait en sorte que les Québécois ont peu à peu perdu de vue leurs rivières et que leur attachement envers elles s’est étiolé.
12Aussi est-il étonnant de constater une présence grandissante des paysages de rivière dans le discours du public au cours des dernières années. Peut-on l’interpréter comme une naturalisation d’un élément géographique (les rivières) afin de transformer en symbole de cohésion sociale, ce qui en réalité témoigne d’une division, voire d’un conflit latent ? Ce que recèlent ces paysages de rivière a été abordé dans une série de séminaires tenus conjointement par la Chaire et Hydro-Québec au cours de l’automne et de l’hiver 2000-2001 ; l’analyse qui y a été faite a dégagé deux grands traits de l’esthétique paysagère correspondant à ce processus de « naturalisation à des fins de cohésion sociale » décrit par Cosgrove, Prince et Jensen Adams pour expliquer le développement des esthétiques picturales anglaise et néerlandaise dans l’histoire.
13Dans le discours du public, des leaders d’opinion, des spécialistes de l’aménagement du territoire et des scientifiques invités à ces séminaires, les rivières constituent tout autant des monuments naturels que des biens communs15. Les paysages qui se forment de cette façon à l’heure actuelle au Québec relèvent à la fois d’une esthétique de type « grande nature » et d’une éthique sociétale. Ils illustrent donc un phénomène de construction sociale des enjeux environnementaux témoignant d’une redéfinition des rapports citoyens autour du lien entre l’homme et son environnement16. Le processus actuel de production des paysages de rivière du Québec se différencie des exemples historiques de l’Angleterre du XVIIIe siècle et des Pays-Bas du XVIIe siècle. En effet, la production des paysages dans ces deux périodes historiques semble remplir un rôle politique : l’apaisement de tensions entre groupes socioéconomiques plus ou moins avantagés. Une telle analyse, fondée sur la lutte des classes, ne saurait rendre compte des phénomènes propres à nos sociétés contemporaines.
14De fait, les arguments énoncés par les protecteurs du caractère « naturel » des rivières rejoignent les revendications pour un accès public à des plans d’eau de qualité, revendications touchant surtout l’usage récréatif et marquant une réappropriation progressive, sur le plan ludique et sur le plan hédoniste, des rivières par les populations qui vivent à leurs abords ou qui les fréquentent. Ce mouvement de récupération des cours d’eau à des fins récréatives constitue une tendance forte, s’affirmant depuis trois décennies, dans une géopolitique de l’eau au Québec. Sous des formes diverses, du parc de conservation en milieu urbain jusqu’aux circuits canotables sur des terres publiques en passant par les descentes « populaires » pour sensibiliser la population à la qualité de ces espaces de loisir et de bienêtre que sont les cours d’eau, le mouvement de récupération des rivières à des fins récréatives et hédonistes est structurellement en opposition, sinon en conflit, avec les logiques qui ont prédominé depuis la colonisation et la révolution industrielle en matière de gestion des usages des cours d’eau. Le poids accordé à l’usage récréatif-au point de lui conférer un accent de nouveauté, alors qu’il a toujours existé – entraîne des attentes souvent irréconciliables avec les logiques d’exploitation des forces hydroélectriques, de gestion des ressources, de transport, de production industrielle, de contrôle des inondations et des étiages, de drainage des terres agricoles ; bref, des logiques qui prévalent toujours dans la gestion contemporaine des rivières québécoises. L’écart entre les attentes particulières des utilisateurs récréatifs et hédonistes et les accommodements que peuvent faire les logiques dominantes apparaît souvent insurmontable dans ce contexte, tant les valeurs et les représentations qui sont à l’œuvre dans la récupération des rivières à des fins récréatives et hédonistes sont étrangères à celles qui sont liées à la logique d’exploitation des ressources.
15Une telle divergence d’usages exprime un conflit d’intérêts et de valeurs. Elle est fort représentative de l’histoire géopolitique de la gestion des rivières au Québec. Celles-ci ont été le théâtre d’oppositions et de conflits entre des usages à caractère privé et d’autres à caractère collectif17. En ce sens, l’investissement récent de valeurs paysagères dans des rivières dites naturelles peut être considéré comme une manifestation de ces revendications. Par conséquent, les paysages de rivière ainsi élaborés doivent être analysés comme des façons de généraliser les arguments d’une opposition à tout projet d’utilisation industrielle, commerciale ou énergétique, processus discursif propre aux conflits environnementaux18. Cette généralisation qu’accentuent les discours des différents groupes revendicateurs leur permet de dépasser leurs intérêts individuels et d’arrimer leurs attentes et leurs demandes à des arguments qui rejoignent l’intérêt général.
16Cette construction de paysages de rivière apparaît de la sorte comme éminemment paradoxale. La proposition, la promotion et la transmission de valeurs esthétiques, au demeurant subjectives, viennent à fédérer des expériences, des projections et des attentes individuelles en un discours axé sur le patrimoine collectif et le bien commun général, comme si les autres usages y étaient étrangers. Cette fonction rassembleuse des paysages de rivière pose un défi méthodologique de taille dans le contexte particulier de l’éclatement et de la diversité des regards jetés sur le territoire19. Ce qui suit propose donc des balises méthodologiques pour mieux comprendre la portée générale des attentes paysagères derrière leurs manifestations individuelles et rattachées à des groupes d’intérêt particuliers. Ces balises ont été développées dans le cadre d’une recherche de la Chaire menée en collaboration avec le groupe Production d’Hydro-Québec20.
Vers une ethnologie québécoise des paysages de rivière
17La recherche conduite par la Chaire et la division Production d’Hydro-Québec avait notamment comme objectif de caractériser les enjeux de paysage soulevés lors de la mise en place et de l’exploitation des dérivations de rivières vers des centrales hydroélectriques existantes. La problématique de la diversité des regards posés sur le territoire en constituait le principal défi méthodologique. L’implantation et l’exploitation des dérivations de rivières21 mettent en cause des territoires souvent « ouverts » à la fréquentation humaine ; ces territoires reçoivent déjà de nombreux touristes, villégiateurs, utilisateurs récréatifs et amateurs de paysages. Les activités de loisir et les différentes formes de tourisme constituent un vecteur efficace de promotion et de diffusion des paysages valorisés, et ce, depuis l’époque du Grand Tour. Elles instituent en effet une pluralité et une fragmentation des regards, une hybridation des références esthétiques, une sollicitation des cinq sens au-delà du seul visuel et une mobilité de l’ancrage culturel de ces nouveaux paysages22. Dans cette étude, la caractérisation des enjeux de paysage reliés aux dérivations de rivières passait donc par une meilleure compréhension des valeurs, des attentes et des aspirations des divers groupes d’utilisateurs affectés – négativement ou positivement – par les dérivations. Le choix méthodologique pour aborder cette problématique particulière fut de développer une approche ethnologique adaptée aux sous-groupes d’utilisateurs.
18Cette ethnologie des enjeux de paysage des dérivations a pris assise sur une étude de cas : la dérivation Cabonga-Dozois. Cette dérivation, mise en place en 1974, a comme objectif de transférer une partie des eaux du réservoir Cabonga, créé en 1929, dans le réservoir Dozois sur le cours de l'Outaouais supérieur plutôt que dans la Gensde-Terre, important affluent de la Gatineau beaucoup plus loin en aval sur le cours de l’Outaouais. La dérivation Cabonga-Dozois s’inscrit dans un bassin fortement « anthropisé ». Dès les années 1910, le lac Kakebonga fut rehaussé pour des besoins de régulation liés au flottage du bois. Par la suite, en 1928-1929, la Gatineau Power créa de vastes réservoirs hydrographiques polyvalents : le Cabonga (434 km 2) et le Baskatong (413 km2). Ceux-ci permettaient de réguler le débit de la Gatineau à des fins de production d’électricité, de flottage du bois, de protection contre les inondations et de gestion des étiages. Toute une industrie récréo-touristique, axée d’abord sur la chasse et la pêche puis sur la villégiature, s’est développée autour des grands réservoirs et même sur certains tronçons de rivières. Le territoire harnaché accueille maintenant des villégiateurs de tous ordres et plusieurs activités de plein-air. Une grande partie de cet espace est revendiquée par les Algonquins de Lac-Barrière et de Kitigan-Zibi. Les enjeux de paysage liés aux nombreux utilisateurs du territoire peuvent être variés et contrastés.
19L’objectif de la recherche était de caractériser les enjeux de paysage au-delà de ce qu’expriment les groupes organisés lors des audiences publiques ou dans les médias. Par conséquent, il s’agissait de comprendre ces enjeux du point de vue des utilisateurs du territoire eux-mêmes sans passer par la médiation de groupes de pression et d’organismes militants ou revendicateurs. L’approche privilégiée fut de conduire des entretiens semi-dirigés et de faire une analyse thématique de leur contenu. Au nombre d’une cinquantaine, ces entretiens ont permis de rejoindre l’ensemble des utilisateurs et de les faire parler de leurs activités, des valeurs qu’ils y accordent, de leurs aspirations et de leurs attitudes envers l’avenir du territoire, des sites et des caractéristiques qu’ils apprécient particulièrement.
20D’emblée, les regards que posent les utilisateurs du territoire sur les rivières et les réservoirs en cause sont tributaires de l’appropriation et des usages qu’ils en font ainsi que des relations identitaires qui se sont développées entre eux et le réseau hydrographique. En ce sens, la diversité même des utilisateurs du territoire touché par la dérivation Cabonga-Dozois représente un très large spectre de types d’appropriation et d’enracinement des liens identitaires avec l’espace qu’ils fréquentent. On peut faire en effet une typologie par binômes distinguant les autochtones et les allochtones, les résidants locaux et les villégiateurs, les villégiateurs de longue date et les touristes, les résidants ayant vécu d’une économie axée sur les plans d’eau et les autres résidants locaux et commerçants, les chasseurs et pêcheurs et les touristes amateurs de nature. Tous ces utilisateurs ont des ancrages plus ou moins profonds dans le territoire, et leurs relations affectives, identitaires et esthétiques avec le territoire sont par conséquent fort variées.
21Afin de caractériser ces relations au territoire et d’en déduire éventuellement ce qui concerne des enjeux de paysage, une première analyse thématique des contenus d’entrevue a permis de définir trois grands ensembles de valeurs accordées au territoire en général et au réseau hydrographique affecté par la dérivation :
- les valeurs économiques et utilitaires sont celles des utilisateurs qui considèrent le territoire comme un ensemble de ressources à gérer et à exploiter pour en tirer un profit ou un gagne-pain ;
- les valeurs symboliques et culturelles renvoient au contact avec l’histoire et un patrimoine, contact que permet la relation au territoire privilégiée par les utilisateurs interviewés ;
- la relation hédoniste est liée au plaisir, à la satisfaction, au bien-être physique et psychologique que procure l’expérience du territoire faite par l’utilisateur.
22Ces trois ensembles ne sont pas mutuellement exclusifs. Les regards que posent les utilisateurs sur le réseau hydrographique s’élaborent en puisant dans ces registres de valeurs et en les associant les unes les autres en un mode de valorisation spécifique.
23La deuxième étape de l’analyse de contenu du discours des utilisateurs a été de conceptualiser ces modes de valorisation spécifiques en proposant des liens entre, d’une part, les valeurs exprimées dans les entrevues et, d’autre part, les stratégies de mise en valeur, les comportements et les actions concrètes entreprises en rapport avec des sites et des objets valorisés ; de la sorte, les modes de valorisation peuvent être considérés comme des valeurs en action. Sur le plan méthodologique, la recherche effectuée par la Chaire avec la division Production d’Hydro-Québec a eu recours à l’analyse thématique du discours pour identifier les valeurs qui orientent les actions concrètes. En revanche, Tremblay23 a plus récemment proposé une adaptation de l’analyse structurale pour faire le lien entre valeurs, attitudes et actions en matière d’enjeux de paysage de rivière. Cette méthode particulière d’analyse qualitative va jusqu’à intégrer ces éléments du regard des utilisateurs en une vision du monde structurée et agissante.
24De la recherche portant sur la dérivation Cabonga-Dozois sont ressortis trois modes de valorisation spécifiques et porteurs d’enjeux de paysage :
- l’hédonisme identitaire caractérise le regard des chasseurs et des pêcheurs. Ces activités de loisir renvoient à des modes de valorisation alliant le plaisir et le bien-être à l’identitaire, en raison de la connaissance poussée que l’on doit développer à l’endroit du territoire. La relation identitaire se fonde alors sur une connaissance empirique du territoire ;
- l’hédonisme relationnel analogique est plutôt le propre des excursionnistes qui recherchent le plaisir dans la relation esthétique qu’ils entretiennent au gré de leur expérience du territoire. Ce plaisir esthétique passe par des analogies qu’ils établissent entre ce qu’ils expérimentent et ce qu’ils ont expérimenté ailleurs ou dont ils ont pris connaissance à la télévision, dans une revue spécialisée ou sur Internet ;
- l’hédonisme transcendantaliste s’applique aux regards de certains adeptes de plein air comme, par exemple, les canots-campeurs. En effet, ces utilisateurs recherchent un plaisir esthétique dans une relation transcendante avec le territoire. Ce désir d’élever leur âme au contact de la nature est assouvi tant par la haute qualité – à leurs yeux – de l’expérience sportive que par les qualités biophysiques du milieu (impression de nature vierge, caractéristiques exceptionnelles).
25Ces trois modes de valorisation, à dominante hédoniste mais desquels les autres types de valeur ne sont pas absents, soutiennent des enjeux de paysage des plus complexes et des plus difficiles à prendre en compte par des mesures habituelles d’atténuation d’impacts. En mettant l’accent sur une dimension aussi subjective et holistique que le plaisir éprouvé par un contact globalisant avec le territoire, il est clair que le paysage relevant de ces regards hédonistes dépasse la seule préoccupation visuelle au cœur des mesures d’atténuation. Les paysages de rivière, tels qu’ils se construisent actuellement au gré de la pluralité des regards des utilisateurs, posent des questions très préoccupantes aux tenants des logiques d’exploitation des ressources naturelles.
26Outre l’hédonisme qui les caractérise, les regards des utilisateurs récréatifs, porteurs d’enjeux de paysage, sont également fortement empreints de partage, d’ouverture à l’autre, voire de prosélytisme. Qu’ils soient en effet identitaires, relationnels analogiques ou transcendantalistes, les regards hédonistes en question renvoient à l’appartenance à une communauté esthétique24 et à sa projection dans un espace social. Par conséquent, les paysages de rivière qui s’élaborent au Québec, à l’instar des paysages pittoresques anglais du XVIIIe siècle et néerlandais du XVIIe siècle décrits par Prince et Jensen Adams25, jouent un rôle fédérateur sur le plan social. En revanche, ce rôle ne se joue pas en accord avec la logique qui oriente l’utilisation actuelle des rivières mais plutôt selon une logique concurrente.
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27Les paysages de rivière à caractère récréatif et hédoniste semblent donc remplir une fonction de cohésion sociale dans un processus d’une nouvelle forme de réappropriation collective des cours d’eau au Québec, notamment depuis l’arrêt du flottage du bois au tournant des années 1990.
28À première vue individualiste voire égoïste, la pluralité des regards ainsi exprimée participe en réalité à la consolidation d’une éthique du bien commun. En jouant un rôle fédérateur, les modes de valorisation hédonistes que nous avons décrits contribuent à valoriser les rivières comme des éléments d’un patrimoine collectif et public devant profiter au bien-être de l’ensemble de la société. Sous un jour et par un langage différents de ceux, par exemple, de la production hydroélectrique et du contrôle des étiages et des inondations qui poursuivent des objectifs similaires, cette éthique du bien commun s’intègre par son discours aux valeurs générales du développement durable et propose que ce patrimoine collectif serve aux générations futures.
29L’affirmation d’un tel projet de société issu de paysages de rivière hédonistes par des utilisateurs aux intérêts bien particuliers peut paraître paradoxale. Sans compter qu’ils ne correspondent pas du tout aux grands ensembles de paysages dont devrait, selon Mercier et Bédard26, se doter le Québec au moyen d’une politique de paysages et qui devraient faire l’objet d’un consensus national. En fait, ils relèvent davantage de la figure du passeur27 qui, en bout de ligne, propose à la société un renouvellement de valeurs pour fonder un projet visant le bien commun. Encore informel puisqu’il ne fait pas encore l’objet de propositions tangibles, ce projet de société ne va pas sans remettre en question d’importants choix collectifs, tels l’exploitation du potentiel hydroélectrique et le contrôle des inondations et des étiages, que le Québec a faits dans le passé et auxquels il tient toujours.
30Au nom du bien-être collectif et de la prospérité de la société québécoise, ces usages des cours d’eau ont créé au fil des décennies des paysages qui font dorénavant partie du patrimoine général. D’autres conceptions, se réclamant entre autres du développement durable et véhiculées par des utilisateurs hédonistes, aspirent à la réalisation d’objectifs similaires par la création de nouveaux paysages de rivière reflétant des usages prioritairement axés sur la récréation en milieu naturel.
31Les tenants et aboutissants des préoccupations véhiculées par les utilisateurs hédonistes décrites ici soulèvent la question de savoir si leur conception de l’espace et plus particulièrement des paysages de rivière est recevable, en comparaison surtout avec d’autres choix de société. Notre objectif était justement d’illustrer la divergence entre deux visions de l’espace, de l’utilisation de l’une de ses ressources fondamentales que sont les rivières et des paysages qui en découlent.
Notes de bas de page
1 Cosgrove, D., Social Formation and Symbolic Landscape, Londres, Croom Helm Press, 1984 ; Mitchell, W. J. T., Landscape and Power, Chicago, University of Chicago Press, 1997.
2 Gariépy, M., « L’analyse de paysage au sein de l’évaluation environnementale ou l’aménagement à l’ère de la rectitude politique », dans Le paysage, territoire d’intentions, Poullaouec-Gonidec, P., M. Gariépy et B. Lassus (dir.), Montréal, L’Harmattan, 1999, p. 104-105.
3 Cosgrove, 1984, op. cit., note 1 ; Prince, H., « Art and Agrarian Change 1710-1815 », dans The Iconography of Landscape – Essays on the Symbolic Representation, Design and Use of Past Environment, Cosgrove, D. et S. Daniels (dir.), Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 98-118 ; Mitchell, 1997, op. cit., note 1 ; Jensen Adams, A., « Competing Communities in the “Great Bog of Europe” », dans Landscape and Power, Mitchell, W. J. T. (dir.), Chicago, University of Chicago Press, 1997, p. 35-76.
4 Prince, 1988 (op. cit., note 3), p. 115.
5 Jensen Adams, 1997 (op. cit., note 3), p. 66.
6 L’interprétation de Jensen-Adams amène l’idée que les peintures des paysages néerlandais représentaient un symbole d’un pays où les différents groupes d’intérêts cohabitaient harmonieusement grâce à une nature généreuse. On aurait ainsi naturalisé le lien entre le peuple néerlandais et la terre, lien qui est éminemment redevable à la maîtrise humaine de la mer du Nord avec le système des polders.
7 Malgré l’importance de la société d’État Hydro-Québec dans la production de l’électricité, la production privée d’électricité a fait l’objet de deux programmes gouvermentaux depuis le début des années 1990. Une première vague de 54 centrales de 25 mégawatts et moins a été implantée de 1991 à 1997. Par la suite, au tournant des années 2000, 36 sites publics ont été proposés aux promoteurs privés.
8 Tremblay, F., « Du “Pas-dans-ma-cour” à l’écocitoyenneté : opposition aux centrales hydroélectriques privées et projets de sociétés locaux », Nouvelles pratiques sociales, vol. 18, no 1, 2005 ; Séguin, M. et F. Tremblay, « La recherche participative et l’écocitoyenneté », Nouvelles pratiques sociales, vol. 18, no 1, 2005.
9 À l’instar des paysages néerlandais qui mettaient en valeur les traits naturels d’une campagne créée artificiellement par les constructions humaines qu’étaient les polders, les représentations paysagères qui sont véhiculées dans les médias par les groupes de pression mettent l’accent sur les caractéristiques naturelles des rivières, certaines étant quelquefois fortement artificialisées.
10 Voir à cet effet le reportage de Jean-Philippe Fortin « Forces Vives » dans Géo Plein-Air qui fait état du phénomène dans son ensemble et, plus récemment, « Vive la Magpie » dans National Geographic qui relate la descente médiatisée la plus couverte de l’été 2004.
11 Tremblay, F., Le rôle stratégique des représentations sociales à caractère paysager dans le mouvement de récupération des rivières à des fins récréatives, thèse de doctorat en aménagement, Faculté des études supérieures, Université de Montréal, 2003, p. 25-30.
12 Par exemple, certaines parties de la rivière du Nord dans les Basses-Laurentides appartiennent encore aujourd’hui à la famille Ayers qui y a développé des industries à partir de la force hydraulique.
13 Legendre, R., Rapport de la Commission d’étude des problèmes juridiques de l’eau, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1975, p. 33-34.
14 Beauchamp, A., G. Gallichan et C. Genest, L’eau, ressource à protéger, à partager et à mettre en valeur – Tome 1 (142), Québec, Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), 2000.
15 Déjà, dès les débuts de la colonie, la fréquentation des rivières par les coureurs de bois les avait associées à des sentiments de liberté et de découverte tout en donnant accès à de lointains espaces peu à peu appropriés par l’inconscient collectif. Très tôt, les cours d’eau ont également acquis une importance commerciale et militaire stratégique, comme l’a confirmé plus tard le statut de rivière navigable accordé à nombre d’entre elles par le gouvernement fédéral soucieux, de par la Constitution, de protéger l’économie et le territoire du Canada.
16 Mormont, M. et A. Bertrand, « Oppositions locales et dynamique d’environnementalisation », Espaces et Sociétés, nos 101-102, 2000, p. 93-112.
17 Les usages à caractère privé renvoient à tous les usages qui demandent une exclusivité ou qui rendent impossible l’exercice d’autres droits d’usage.
18 Boltanski, L., L’amour et la justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l’action, Paris, Métailié, 1990.
19 Tremblay, F. et P. Poullaouec-Gonidec, « Contre le tout paysage, pour des émergences et... des oublis », Les Cahiers de géographie du Québec, vol. 46, no 129, 2002, p. 347.
20 Poullaouec-Gonidec, P., F. Tremblay, B. Chouinard, C. Ouellet, G. Saumier et M. Tanguay, Prise en compte des enjeux de paysage soulevés par les dérivations de rivières à partir de la dérivation Cabonga-Dozois, rapport de la Chaire en paysage et environnement en collaboration avec le groupe Production d’Hydro-Québec, 2001.
21 Une dérivation de rivière consiste à mettre en relation deux parties de bassins hydrographiques de manière à faire profiter le bassin récepteur des apports en eau du bassin émetteur. Pour arriver à faire communiquer les deux parties, il faut mettre en place divers aménagements et équipements (digues, barrages et évacuateurs). Il en résulte un rehaussement des eaux en amont du cours d’eau dérivé et une augmentation du débit dans le cours d’eau qui reçoit la dérivation. De telles dérivations font partie depuis longtemps des stratégies d’harnachement hydroélectrique. On rencontre des exemples de toute échelle : lac Mitis, Portneuf, Cabonga-Dozois, Eastmain-Rupert.
22 Tremblay et Poullaouec-Gonidec, 2002, op. cit., note 19, p. 350-352.
23 Tremblay, 2003, op. cit., note 11.
24 Berleant, A., Living in the Landscape – Toward an Aesthetics of Environment, Kansas City, University Press of Kansas City, 1997.
25 Prince, 1988, op. cit., note 3 ; Jensen Adams, 1997, op. cit., note 3.
26 Mercier, G., « Problématique, ferment d’ici et référent d’ailleurs – Une politique du paysage : comment et pourquoi ? », Géographies, no 14, 2004, p. 17-28 ; Bédard, M., « Habiter le paysage ou l’enjeu paysager », Géographies, no 14, 2004, p. 50.
27 Chabenat, G., L’aménagement fluvial et la mémoire, Paris, L’Harmattan, 1996.
Auteur
Obtenu son Ph. D. en aménagement à l’Université de Montréal en mai 2004. Depuis la fin de sa maîtrise en urbanisme, en 1995, la complémentarité de ses activités professionnelles et académiques l’aide à mener un programme de recherche orienté autour des dimensions culturelles, sociales et politiques des enjeux actuels d’aménagement du territoire, principalement les préoccupations pour la qualité de vie, pour les paysages et pour l’environnement.
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