Introduction

1Au confluent des enjeux de performance économique, de développement économique et social pour les territoires, d’aménagement de l’espace et d’enjeux environnementaux, le fort développement des activités logistiques représente de véritables défis pour les acteurs territoriaux. Il participe aux grandes transformations macroéconomiques postfordistes, entraîne des recompositions géographiques et de nouvelles dynamiques sociales au sein des aires urbaines. Le développement logistique est pourvoyeur d’emplois, notamment ouvriers, mais ses dynamiques spatiales, privilégiant les grandes métropoles (Cidell, 2010) et repoussant la localisation de ses sites toujours plus loin en périphérie urbaine (Dablanc et Andriankaja, 2011), induit des inégalités et ségrégations socio-spatiales. Par ailleurs, la logistique connaît un fort développement et de profondes mutations depuis une vingtaine d’années. Les opérations logistiques physiques sont localisées au sein des plates-formes qui sont de véritables nœuds des schémas logistiques. L’implantation des plates-formes constitue un champ récent de l’intervention publique et d’aménagement du territoire. Les plates-formes logistiques sont associées à des enjeux territoriaux majeurs qui justifient que l’on questionne leur rapport au territoire ainsi que le rôle des politiques et actions publiques dans la gestion de ce rapport au territoire. Le développement spatial logistique implique des régulations publiques correspondant à différentes échelles géographiques et échelons institutionnels : local (communales et intercommunales), régional (conseils régionaux), national (État, gestionnaires d’infrastructure publique), etc.

2La production des espaces logistiques (Savy, 2006) devient un nouvel objet d’interrogation des processus de territorialisation de l’action publique renvoyant à la prise en compte du local et de ses spécificités, en particulier de l’intégration des modalités d’intervention des acteurs locaux dans les processus de décision (Oates, 1999). Il s’agit d’un objet nouveau et complexe ; nouveau car la logistique, malgré ses effets territoriaux, est souvent considérée comme relevant uniquement de la sphère privée ; complexe, car il n’existe pas, aujourd’hui, de véritable cadre de politique associé à la production des espaces logistiques. Le développement logistique est porteur de recompositions politiques dans ces territoires (Raimbault, 2017). Le processus de production des espaces logistiques implique à la fois des acteurs publics aux différentes échelles de gestion publique et des acteurs privés, concernés, d’une part, par le rôle de cet outil logistique dans la performance de leur chaîne logistique, et d’autre part, par la gestion immobilière. Les défis posés par la territorialisation de la production des espaces logistiques renvoient aux modalités de la gouvernance territoriale (Leloup et al. ; 2005, Masson, 2017a). Le développement logistique fait l’objet de jeux d’acteurs qui prennent place en un lieu donné et développent une logique de projet. En ce sens, le développement logistique s’inscrit dans un processus de territorialisation (Masson, 2017b).

3Dans quelle mesure le développement logistique est un défi pour les territoires ? Quels sont les enjeux territoriaux de la logistique ? Peut-on parler de processus de territorialisation du développement logistique ? Quelles sont les modalités du processus de territorialisation du développement logistique ? Quelles en sont les limites ? Quel peut-être le rôle de l’État dans la consolidation des démarches locales de territorialisation du développement logistique ?

4Après avoir précisé les liens entre logistique et territoire, la première partie de cette contribution analyse les enjeux territoriaux associés à la production des espaces logistiques et précise la notion de territorialisation du développement logistique. La deuxième partie dresse, ensuite, un état des lieux de la territorialisation de la production des espaces logistiques, ses modalités et limites actuelles. Nous montrons, qu’à défaut de cadre clairement établi, les pratiques sont très hétérogènes et participent souvent plus d’une logique de « bricolage ». Puis, le chapitre interroge le rôle de l’État dans l’accompagnement du processus de territorialisation du développement logistique pour un développement territorial logistique durable.

Logistique, territoire et territorialisation

Logistique et territoire

5La logistique est devenue une préoccupation majeure de toutes les entreprises dans le contexte de décomposition des segments productifs à l’échelle mondiale, de tension des flux et de développement du e-commerce. Passée de simples activités opérationnelles traditionnelles focalisées sur la gestion des flux physiques à des activités transversales et inter-organisationnelles de pilotage des flux d’information, la logistique est aujourd’hui une fonction stratégique et un facteur d’avantages concurrentiels pour les entreprises. En outre, l’industrie de la logistique est une branche économique en émergence, constituée d’entreprises prestataires travaillant pour le compte d’entreprises agricoles, industrielles ou commerciales qui externalisent tout ou une partie de leur fonction logistique. La logistique est ainsi pourvoyeuse d’emplois (le secteur du transport et de la logistique emploie jusqu’à 1,8 million de personnes) et plus globalement d’activités économiques (le secteur représente 10 % du PIB). Aussi, la logistique constitue un enjeu majeur pour la performance de l’économie et la compétitivité des territoires (Masson et Petiot, 2012).

6L'importance de la logistique dans le fonctionnement des systèmes productifs actuels, ainsi que ses implications territoriales, est indéniable. La logistique est un élément fondamental des systèmes contemporains de production et de consommation (Hesse et Rodrigue, 2004, 2006) caractérisés, notamment, par la fragmentation et la recomposition territoriale de la production à l’échelle mondiale, par l’importance de l'innovation technologique et le rôle des systèmes d’information et leur informatisation, par les nouvelles modalités d'organisation de l'entreprise et les relations inter-organisationnelles (Masson et Petiot, 2013). La mise en œuvre de ces modèles productifs aboutit à de profondes transformations dans l'organisation des systèmes de circulation sur le territoire. Les mutations du système économique se traduisent par un phénomène de centralisation logistique (McKinnon, 2009) poursuivant la recherche de mise en tension des flux (minimisation des stocks) et des économies d’échelle (massification des flux).

7La logistique a une forte inscription spatiale (Hesse, 2007), qui se matérialise, d’une part, par les flux de transport de marchandises, et, d’autre part, par l’implantation de lieux permettant le traitement et le déploiement des flux sur les territoires, via l’implantation de plates-formes logistiques. Ces dernières constituent une interface entre les systèmes de transport, de production et de distribution. En permettant la consolidation des flux, leur ajustement aux besoins du marché (Raimbault et al., 2013) et l’adjonction de valeur ajoutée aux produits, elles jouent un rôle majeur dans la performance des chaînes logistiques (Masson et Petiot, 2013).

8Depuis les années 1980, le nombre de surfaces logistiques a fortement progressé du fait de l’externalisation croissante des fonctions logistiques, des besoins spécifiques du système de production et de distribution (disjonction des lieux de production et de consommation, e-commerce, circuits longs). Aujourd’hui, dans la grande distribution, la majorité des biens transitent par des plates-formes logistiques. Le parc logistique français compte près de 60 millions de m² d’entrepôts de plus de 5 000 m². En outre, en l’espace de dix ans, la taille moyenne des entrepôts a été multipliée par plus de quatre. Les plus grands entrepôts (surface supérieure à 35 000 m²) représentent un dixième du total en nombre mais près de 40 % en surface. (Commissariat général au développement durable, 2012). L’augmentation de la taille des plates-formes répond à l’exigence de recherche d’économies d’échelle.

9Ces mutations expliquent la vitalité que connaît depuis quelques années le marché des implantations logistiques et de l’immobilier qui s’y attache. Spatialement, les implantations logistiques obéissent à des logiques économiques et techniques mettant en avant l’importance de l’accessibilité aux grands corridors de transport et aux grandes métropoles. L’inscription spatiale de la logistique n’est donc pas homogène. La configuration géographique des activités logistiques est caractérisée par une polarisation des installations dans les grandes aires urbaines. Cette tendance à la concentration spatiale des activités logistiques s’observe dans toutes les économies développées, aussi bien aux États-Unis (Dablanc et Ross, 2012 ; Cidell, 2010), au Royaume-Uni (McKinnon, 2009), aux Pays-Bas (Van den Heuvel et al., 2013a et b), en Belgique (Strale, 2013) et en France (Masson et Petiot, 2014 ; Raimbault et al., 2013). Par ailleurs, la tendance à la polarisation logistique se couple d’un phénomène de « déconcentration » sur les zones périphériques des grandes aires urbaines (Cidell, 2010 ; Dablanc et Andriankaja, 2011 ; Dablanc et Ross, 2012), offrant un accès rapide aux nœuds d’interconnexion de transport.

10Un triple enjeu territorial est associé à la configuration spatiale des implantations logistiques. Le premier est relatif à la gestion foncière. En effet, les sites logistiques, accueillant des activités d’entreposage et de stockage, sont fortement consommateurs d’espace, d’autant plus que la fonction des entrepôts a muté parallèlement à l’évolution du système productif favorisant la minimisation des stocks : l’entreposage ne se fait plus verticalement mais horizontalement. La plateforme devient avant tout un lieu de consolidation des flux permettant de massifier les transports et de rationaliser les coûts. Ce besoin d’espace se confronte à la pression foncière induisant un mouvement centrifuge des sites logistiques. Le desserrement logistique, conséquence de la course au gigantisme des bâtiments logistiques et à la difficulté de préserver du foncier en zone dense, de l’image négative de cette activité et du manque d’intégration paysagère de l’immobilier logistique, entraîne le problème du mitage logistique et renforce la périurbanisation. En outre, ces activités entrent en conflit avec l’urbanisme résidentiel.

11Le deuxième enjeu territorial est socio-économique. Le développement logistique présente des opportunités d’emplois et de recettes fiscales pour les territoires, notamment désindustrialisés. La configuration spatiale de ces activités peut induire des problèmes d’accessibilité spatiale aux emplois pour les employés, en moyenne plutôt faiblement qualifiés. Par ailleurs, les sites logistiques sont caractérisés par une certaine volatilité de leurs implantations due à l’obsolescence des bâtiments, la difficulté de les agrandir, mais aussi liés aux choix stratégiques des pilotes des supply chain.

12Le troisième enjeu relève de la protection de l’environnement. En effet, la configuration spatiale des implantations logistiques détermine fortement les flux et la nature des trafics de transport associés. Les implantations logistiques sont un marqueur spatial des flux de transport (Savy, 2006). Leur mode d’implantation conditionne les reports modaux et l’intermodalité. Elle pose alors le problème des impacts environnementaux du trafic, en particulier les émissions carbonées. Plus généralement, les plates-formes logistiques induisent des impacts environnementaux : nuisances sonores dues au transport de marchandises et à la manutention ; émissions de polluants et de CO₂, polluant du substrat et des nappes par ruissellement, consommation d’espaces, etc.

13Au total, le développement logistique porte des enjeux en termes d’acceptabilité sociale, d’aménagement de l’espace et de développement durable. Tous les échelons des pouvoirs publics et les échelles de gestion publique sont interpellés dans la réflexion autour du développement logistique. Le pouvoir central est concerné par l’attractivité de son territoire mais a également la mission d’infléchir les émissions de gaz à effet de serre en encourageant les pratiques de report modal. C’est dans ce sens que le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie et celui de l’Économie, de l’industrie et du numérique ont organisé en juillet 2015 la « Conférence nationale sur la logistique1 » et portent le projet d’une stratégie nationale « France logistique 2025 » « pour faire de la France un pays leader dans ce domaine, contribuant à la transition énergétique pour la croissance verte ». Au-delà des choix en matière d’infrastructures de transport, l’État doit également contribuer à orienter l’expression spatiale des circuits et réseaux logistiques, de même que les implantations des espaces logistiques, conditionnant fortement la génération du trafic et ses caractéristiques. Le pouvoir central est également le garant de la réduction des inégalités territoriales et des conditions de développement de ses territoires. Il ne saurait laisser se développer de trop fortes inégalités territoriales en matière d’équipements infrastructurels comme d’offre logistique.

14À l’autre extrémité de l’échelon territorial, les communes ou communautés de communes sont doublement concernées par l’implantation des plates-formes logistiques : en matière de développement local — les plates-formes logistiques étant pourvoyeuses d’emplois et de revenus — d’une part, et, d’autre part, en matière d’aménagement et d’urbanisme — les activités logistiques ayant une forte emprise foncière et des besoins en raccordement aux réseaux de transport. En outre, la géographie des implantations logistiques reflète des compromis territoriaux sur les espaces locaux (Bahoken et Raimbault, 2012) n’allant pas forcément dans le sens des objectifs du développement durable. Aussi, la régulation publique des implantations logistiques s’avère indispensable et stratégique.

15Ainsi, le développement logistique pose la question de son rapport au territoire. Ce dernier est un construit social résultant des actions des acteurs (Courlet et Pecqueur, 2014), une production collective, avec ses citoyens, ses dispositifs de gouvernance et son organisation (Torre, 2015).

Logistique et territorialisation

16Contrairement aux infrastructures de transport dont le développement territorial a été clairement institutionnalisé par l’instauration des autorités organisatrices, le développement des activités logistiques est régulé par un enchevêtrement d’acteurs et de cadres réglementaires et reste encore largement une préoccupation de la sphère privée. Par ailleurs, si le système de transport est, depuis longtemps, considéré comme un vecteur privilégié d’action politique en faveur de l’intégration territoriale (Beyer, 2015) ; le développement logistique, qui serait plutôt porteur de compétitivité et de compétition territoriales, n’a pas encore totalement trouvé sa place dans les institutions françaises.

17Le développement logistique interpelle les pouvoirs publics et appelle de leur part des actions afin de maîtriser les enjeux et les impacts et de valoriser le potentiel de développement qui leur est lié et qui constitue un atout pour de nombreuses localités en France. En ce sens, le développement logistique interroge le territoire qui est confronté à une série d’opportunités et de menaces qui, « à un moment ou à un autre guident ses choix de développement, convoquent le capital social et l’intelligence collective des acteurs » (Woessner, 2010, p. 10). Le développement logistique fait l’objet de jeux d’acteurs qui prennent place en un lieu donné et développent une logique de projet. En ce sens, le développement logistique s’inscrit dans un processus de territorialisation (Masson, 2017a).

18Le fret et la logistique relevaient de la compétence de l’État jusqu’à la fin des années 1980. La décentralisation conduit à une dilution des compétences auprès d’une organisation institutionnelle multi-scalaire du territoire donnant un rôle aux collectivités locales. Par ailleurs, l’Union européenne devient un échelon incontournable. Cependant, l’exercice de la « compétence logistique » reste encore peu affirmé et confus. Un certain nombre d’acteurs publics se désintéresse de la question du développement logistique, souvent en raison d’une méconnaissance de ses enjeux ou d’un manque de capacité de prise en charge de cette question. Néanmoins, l’injonction croissante du développement durable amène les acteurs à intégrer progressivement la dimension du développement logistique dans leurs actions.

19La question de la territorialisation du développement logistique, si elle relève du changement d’échelle — du national vers le local — de sa prise en charge, questionne davantage l’incertitude de la définition de sa compétence et par conséquent, celle de sa prise en compte par les institutions. La territorialisation du développement logistique renvoie ainsi à la notion « gouvernementalité spatiale » (Dubresson et Jaglin, 2005) ou celle de « gouvernance logistique territoriale » (Masson, 2013a et b). La territorialisation du développement logistique fait référence aux comportements et jeux des acteurs du territoire et leur coordination dans l’objectif de développer des stratégies au service du développement territorial. Aussi, la territorialisation du développement logistique pose clairement la problématique de développement territorial et de gouvernance territoriale.

20Le concept de gouvernance territoriale apparaît dans un contexte d’implication croissante des acteurs locaux — privés, publics, associatifs — dans les dynamiques de développement. Il renvoie à un processus d’articulation dynamique de l’ensemble des pratiques et des dispositifs institutionnels entre acteurs géographiquement proches en vue de résoudre un problème productif ou de réaliser un projet de développement (Gilly et Wallet, 2005). La gouvernance territoriale peut être définie comme un processus de coordination des acteurs, mais aussi de construction de la territorialité et d’appropriation des ressources (Leloup et al., 2005). Au total, le concept de gouvernance territoriale se présente comme un paradigme permettant d’appréhender les processus de coordination des éco-systèmes territoriaux.

21Le développement territorial renvoie à un processus de développement qui ne peut être réduit aux seuls comportements des acteurs productifs et des institutions en charge du développement mais, selon Torre (2015) s’étend à d’autres parties prenantes des territoires telles que les collectivités territoriales, les services déconcentrés de l’État, les organismes consulaires et les associations. Nous verrons dans la partie suivante que ces derniers acteurs jouent un rôle actif dans le processus de territorialisation du développement logistique.

État des lieux de la territorialisation de la production des espaces logistiques : modalités et limites actuelles

La fabrique des espaces logistiques : enchevêtrement des cadres et outils et multiplicité des acteurs

22La production des espaces logistiques est régulée par un enchevêtrement d’acteurs et de cadres réglementaires. Le fonctionnement du marché confronte l’offre des espaces logistiques à la demande. D’une part, l’offre est représentée aussi bien par des acteurs privés tels que les investisseurs-promoteurs immobiliers et les collectivités locales. D’autre part, le choix des implantations logistiques répond aux besoins de traitement des flux des chargeurs et des prestataires logistiques (Mérenne-Schoumaker, 2007 ; Masson et Petiot, 2012).

23Les entrepôts ne peuvent pas être construits n’importe où et n’importe comment dans l’espace et leurs localisations sont soumises tant aux autorisations des collectivités territoriales qu’à celle de l’autorité centrale. L’implantation d’entrepôts relève de la réglementation du Code de l’environnement relative aux entrepôts, la réglementation Installations classées pour la protection de l’environnement (I.C.P.E.).

24Au niveau local, les collectivités territoriales ont un pouvoir important en matière d’implantation des plates-formes logistiques. Elles interviennent tant au niveau de la planification de l’aménagement du territoire sur la base des schémas directeurs, des Schémas de cohérence territoriale (SCoT), des Plan de déplacements urbains (P.D.U.), etc. qu’au niveau de l’urbanisme réglementaire via le Plan local d’urbanisme (PLU). Ce sont les municipalités qui délivrent les permis de construire et les intercommunalités sont chargées d’aménager et gérer les zones d’activités. Un certain nombre de recommandations sont effectuées concernant la maîtrise de l’urbanisation en fonction des zones de danger (cf. Code d’urbanisme). Cependant, ces recommandations prennent le caractère de contraintes fortes uniquement pour les entrepôts stockant des substances toxiques ou dangereuses (par exemple ceux soumis à la directive SEVESO).

25Les collectivités territoriales peuvent, au-delà de la délivrance des permis de construire, avoir un rôle plus structurant sur l’aménagement logistique. Elles peuvent réserver du foncier afin de constituer et d’aménager des zones dédiées aux implantations logistiques ou des parcs logistiques. Ces espaces dédiés permettent de mieux maîtriser les nuisances de ce type d’activités, en particulier liées au transport routier, en canalisant les flux. Les parcs logistiques permettent également de rationaliser les dépenses en équipement et services publics. Cependant, l’accueil des activités logistiques dans des zones ou des parcs dédiés n’est pas une obligation. Ainsi, si six entrepôts sur dix sont situés dans une zone d’activité, seulement 13 % sont localisés dans une zone dédiée à l’accueil d’activités logistiques (Commissariat général au développement durable, 2012). En outre, la zone logistique de droit n’existe pas (Raimbault et al., 2013), c’est-à-dire qu’il n’existe pas d’outils d’aménagement des activités logistiques tels que la Zone d’aménagement commerciale.

26Les régions, qui ont compétence en matière de développement économique et d’aménagement de leur territoire, peuvent conduire des actions de développement et d’aménagement de l’offre logistique dès lors qu’elles la considèrent comme stratégique. Ces actions peuvent s’inscrire dans les schémas régionaux de développement économique (S.R.D.E.) ou dans les Schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (S.R.A.D.D.T.) mais aussi sous forme d’aides économiques. Enfin, Le département peut initier et soutenir financièrement des projets de ZAE et ZAC en s’appuyant sur des sociétés d’économie mixte.

27L’État peut agir également tout d’abord à travers le financement d’infrastructures mais aussi sur la base d’une planification territoriale avec des outils de type Directive territoriale d’aménagement (D.T.A.), Contrat de projets État-Région (C.P.E.R.), Schéma national des infrastructures et des transports (SNIT). L’État se base sur ses services déconcentrés, en particulier les DREAL (Direction régionale de l’environnement, d’aménagement et du logement).

28Au total, on constate des pratiques d’accueil des activités logistiques très disparates selon les territoires, allant d’une approche extrêmement concertée impliquant les collectivités territoriales, les chambres consulaires et les acteurs de la filière logistique et aboutissant à des schémas d’aménagement logistique, à des logiques opportunistes de court terme, jusqu’à l’absence de réflexion sur cette thématique traduisant le manque d’attention à l’implantation de ces activités, porteuses pourtant d’enjeux tant économiques qu’environnementaux. Au-delà, certaines collectivités sont opposées à l’implantation de plates-formes logistiques, portant la position des populations riveraines qualifiée de « Nimby ».

29L’offre d’espaces logistiques dépend également des stratégies des investisseurs-promoteurs de l’immobilier logistique. Depuis la fin des années 1990, la construction, l’investissement et la gestion immobilière des entrepôts sont de plus en plus pris en charge par les acteurs de l’immobilier, en particulier les promoteurs-investisseurs. Un véritable secteur de l’immobilier logistique s’est développé afin de répondre à une demande croissante. Outre la croissance du marché et l'évolution des besoins des utilisateurs, ce développement a été soutenu par la forte capitalisation du marché (Hesse, 2004). Les acteurs de l’immobilier logistique auraient gagné un pouvoir d’allocation des espaces logistiques tant vis-à-vis des utilisateurs d’entrepôts que des acteurs publics (collectivités territoriales et autres autorités en matière d’urbanisme) (Raimbault, 2013).

30Le cadre institutionnel du développement logistique, s’il est assez contraignant pour les acteurs de l’immobilier logistique, ne constitue pas un véritable outil d’aide à la fabrique des espaces logistiques pour les acteurs locaux. Au-delà des outils standards de la planification des implantations économiques, il n’existe pas de cadre spécifique permettant aux territoires de prendre appui pour définir un processus de territorialisation du développement logistique et d’assurer une gouvernance de la production des espaces logistiques durable. Néanmoins, des actions se multiplient dans les territoires pour accompagner la territorialisation de la logistique.

Les modes de territorialisation du développement logistique : une multiplicité de démarches territoriales hétérogènes

31Dans la pratique, ce sont les acteurs territoriaux qui, se saisissant des enjeux logistiques, mettent en œuvre des modalités de la territorialisation du développement logistique (figure 1). Ces acteurs sont aussi bien les acteurs publics (services déconcentrés de l’État, collectivités territoriales), les chambres consulaires, les acteurs privés de la logistique (prestataires logistiques, transporteurs, chargeurs, promoteur-investisseur immobilier logistique). L’inexistence de structures spécifiques dédiées au développement logistique territorial conduit au déploiement d’innovations territoriales qui mettent en œuvre très souvent une gouvernance participative.

32L’innovation territoriale peut être définie comme une réponse à une problématique et/ou un besoin identifié collectivement dans un territoire, en vue de porter un développement local durable. Elle se traduit par l’émergence de nouvelles formes d’engagement, de proximité et de coopération. Il peut s’agir d’innovations institutionnelles (Gilly et Wallet, 2005) par adaptation des institutions existantes, par mise en place de dynamiques institutionnelles propres ou par transformations des espaces institutionnels de régulation. On peut également parler d’innovation relationnelle correspondant à la mise en œuvre de nouvelles règles d’action, coopération entre les acteurs et définition d’objectifs communs. L’innovation relationnelle renvoie par exemple au fait qu’une collectivité peut être incitée à innover dans les relations qui la lient aux autres acteurs du territoire et la conduire à créer une nouvelle organisation dotée d’un objectif propre (Delaplace, 2009).

33Ces structures innovantes sont, d’une part, les clusters logistiques, et d’autre part, les clubs logistiques, dont certains ont été labellisés « grappes d’entreprises » par la DATAR en 20112. Les clusters régionaux logistiques (Cluster PACA logistique, Cluster Rhône-Alpes logistique, Cluster logistique Nov@flux, Lorraine) sont des associations paritaires, portées par le Conseil régional, dont les conseils d’administration sont composés de plusieurs collèges (entreprises, organismes de recherche et de formation, collectivités territoriales et institutions). Par ailleurs, deux pôles de compétitivité sont dédiés aux questions d’innovation en logistique et supply chain (NOVALOG, Haute-Normandie et I-TRANS, Nord-Pas-de-Calais). Les clubs logistiques sont des groupes d’intérêt qui réunissent les professionnels de la filière logistique dont l’objectif est de mettre en place des actions en faveur du développement logistique sur leur territoire (club logistique des Pays de la Loire, club logistique Le Havre, club logistique du Sud-Ouest, club logistique Rouen, etc.). Ces clubs logistiques sont souvent portés par les chambres consulaires ou les agences de développement local départementales ou d’agglomération. Des syndicats mixtes ont également été créés dans l’objectif de gérer et de promouvoir le développement logistique (Syndicat mixte Pyrénées Méditerranée plateforme multimodale MP2 associant l’agglomération de Perpignan, le Conseil départemental des Pyrénées-Orientales et le Conseil régional Languedoc-Roussillon ; Syndicat mixte plateforme Delta 3 associant la Région Nord-Pas-de-Calais, les départements Pas-de-Calais et du Nord, la Communauté d’agglomération Hénin-Carvin, Lille Métropole Communauté urbaine, les communautés de communes du Sud Pévélois, de Douai et de Lens-Liévin, Grand Sud Logistique associant le Conseil départemental de Tarn-et-Garonne, les communes de Campsas, Labastide-Saint-Pierre et Montbartier, etc.). Ces syndicats mixtes travaillent de façon étroite avec les entreprises du secteur implantées sur leur territoire. En outre, les Directions de l’équipement, quelques fois en partenariat avec les collectivités locales, prennent parfois en charge les questions de développement logistique.

34Dans de nombreux cas, la territorialisation du développement logistique suppose un partenariat étroit entre gouvernements locaux et entreprises du secteur logistique, des interactions horizontales entre acteurs, une interdépendance des sphères politiques et économiques (Raimbault, 2017).

Figure 1 — Acteurs et instruments de la territorialisation logistique. Source : auteur.

35Selon les acteurs impliqués dans le développement logistique, les instruments de territorialisation mobilisés sont différents de par leurs objectifs et leurs échelles. A une échelle territoriale métropolitaine ou régionale correspond la mobilisation d’outils de prospective et de planification, à une échelle plus locale se rapporte les instruments de promotion territoriale de la logistique et ceux en matière de structuration de la filière et de compétitivité du secteur (figure 1).

36La structuration de la filière et sa montée en compétitivité concernent, en premier chef, les clubs logistiques et les grappes d’entreprises. Les actions de ces derniers sont tournées vers l’amélioration de la performance des entreprises, la valorisation et la promotion de la logistique et ses savoir-faire, l'attractivité des territoires par la montée en compétences. La promotion de l’innovation du secteur en territoire intéresse particulièrement les pôles de compétitivité. Ils ont pour mission l’accompagnement, la labellisation et la recherche de financement de projets visant l'innovation collaborative logistique du territoire. Au-delà, la mission des pôles de compétitivité est tournée vers le renforcement de l’attractivité logistique de son territoire.

37La valorisation de la place de la logistique dans le territoire et la promotion de l’attractivité logistique concernent particulièrement les clusters régionaux logistiques. Ils se donnent pour mission de mettre en synergie logistique et territoire pour un développement durable de la filière et de faciliter la collaboration transversale avec tous les acteurs. La promotion territoriale de la logistique est également du ressort des syndicats mixtes. Leurs missions concernent la valorisation des sites logistiques de leur territoire, en assurer la promotion et le développement.

38Les démarches de prospective et de planification du développement logistique territorial sont plus rarement déployées. Néanmoins, depuis quelques années, ces démarches territoriales tendent à se multiplier, prises en charge par les collectivités territoriales ou/et les services déconcentrés de l’État. La Région urbaine de Lyon (RUL3) a été précurseur en la matière, et, mène, depuis les années 1990, une réflexion structurée sur l’aménagement logistique. Elle a produit, en 1997, le Schéma de cohérence logistique, révisé en 2005 et actualisé en 2012. Ce schéma fournit un cadre de référence pour un développement structuré et pérenne de la logistique en région urbaine de Lyon et vise à définir la stratégie de développement des activités logistiques sur le territoire. Les préconisations de ce schéma, consensuel mais non réglementaire, ont été traduites dans la Directive territoriale d’aménagement (D.T.A.) de l’aire métropolitaine lyonnaise, adoptée en 2006, par des mesures de préservations foncières. En 2006, le Conseil régional d’alsace en partenariat avec l’État, les Conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, a mené une étude sur les besoins à moyen et long terme en plates-formes intermodales en Alsace. Ce document est davantage un outil de diagnostic et de prospective que d’orientations. La Région Bretagne a développé en 2013 un Plan régional d’actions logistiques dont l’élaboration a été conduite en co-construction avec les partenaires économiques et les collectivités territoriales. Ce plan d’actions logistiques consiste à soutenir le développement de nouvelles offres de transport multimodales, accompagner activement la transformation de la chaîne logistique des entreprises et structurer la logistique sur le territoire breton. La DREAL Aquitaine et le Conseil régional Aquitaine ont porté le Schéma des plates-formes logistiques et des zones d’activités multimodales en Aquitaine en 2015. L’objectif de ce schéma est de produire des éléments de connaissance afin de construire une vision stratégique et propose un plan d’opérations concernant trois volets : l’aménagement logistique, la gestion et l’animation et la gouvernance territoriale logistique. Enfin, la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île-de-France (DREIA-IDF) a élaboré un document d’orientations stratégiques pour le fret en Île-de-France à l’horizon 2012. L’objectif de ce document est d’assurer un développement cohérent de la logistique aux différentes échelles du territoire, de mener une réflexion sur les besoins en surfaces logistiques, d’élaborer un cadre de cohérence à l’échelle régionale et de prendre en compte la logistique dans les politiques d’aménagement.

39Enfin, la concertation entre l’ensemble des acteurs locaux des acteurs de la logistique en territoire peut s’exprimer lors d’Assises de la logistique organisées dans les régions, selon les cas, par les Conseils régionaux, les DREAL, les clusters régionaux, etc.

40Le recensement des pratiques de la gouvernance logistique territoriale par région administrative française montre la disparité des structures et de leurs objectifs. Plus des trois quarts des régions métropolitaines françaises disposent d’un organe de gouvernance de la logistique en territoire (Masson, 2013a et b). Les régions n’en disposant officiellement pas sont très souvent des régions pour lesquelles la fonction logistique est peu déployée (Corse, Limousin, Poitou-Charentes). Néanmoins, on constate des pratiques d’accueil des activités logistiques très disparates selon les territoires, allant d’une approche extrêmement concertée impliquant les collectivités territoriales, les chambres consulaires et les acteurs de la filière logistique et aboutissant à des schémas d’aménagement logistique, à l’absence de réflexion sur cette thématique. Si un certain nombre d’agglomérations ont constitué des Zones d’activités réservées aux activités logistiques (dites Zones d’activités logistiques), trop souvent encore les implantations logistiques ne font pas suffisamment l’objet de contrôle spatial. Selon Raimbault et al. (2013), le plus souvent, la maîtrise publique locale est faible, malgré les pouvoirs des collectivités en aménagement et urbanisme. Elle ne permet pas véritablement de réguler les implantations logistiques mais simplement de les attirer un temps dans un territoire donné, selon une logique plus opportuniste que planificatrice et durable.

41Au total, de nombreuses démarches territoriales de la logistique sont initiées par différents acteurs, mobilisant des actions diversifiées. Si ces démarches, très souvent partenariales, permettent l’émergence de processus de territorialisation du développement logistique, elles restent dispersées, n’ont pas de caractère prescriptif faute de cadre réglementaire et législatif approprié, se superposent parfois dans certains territoires et sont très souvent contraintes par les découpages administratifs. Il existe presque autant de démarches territoriales que de territoires logistiques.

42Ces démarches territoriales mettent en évidence l’importance de la mise en place d’instance de concertation et la production d’un cadre de cohérence du développement logistique et la prégnance des logiques de gouvernance horizontale. Ces démarches correspondent à un processus de territorialisation endogène dans la mesure où les acteurs du territoire se saisissent du problème en envisageant les contraintes et les opportunités offertes par la mondialisation, avec des analyses de type best practices ou de benchmarking et la mise en place de structures d’animation telles que des clubs logistiques (Woessner, 2010). Dans la plupart des cas, le jeu des acteurs menant des démarches de territorialisation du développement logistique correspond en une « territorialisation par intuition » (Woessner, 2010), c’est-à-dire en un processus de territorialisation par bricolage selon le concept de Lévi-strauss (1962). Ainsi, les démarches sont dispersées, les méthodes et moyens sont utilisés de manière empirique et aléatoire. Les démarches sont rarement formalisées. Dans de plus rares cas, les acteurs territoriaux forment une communauté de travail et définissent un projet de territoire. Cette communauté est structurée par une « autorité procédurale » qui

cherche à créer et à partager des connaissances destinées à circuler en dehors du groupe qui les a produites. Des « chefs de file » de nature différente selon les territoires (grande entreprise, chambre professionnelle, représentants des collectivités locales) jouent un rôle essentiel par leur capacité à fédérer les idées et les actions. Le territoire peut alors être propulsé dans une phase d’activation. (Woessner, 2010 : 674)

43Ainsi, les processus de territorialisation du développement logistique procèdent par bricolage et révèlent l’incomplétude des innovations territoriales. Ces limites ne permettent pas de porter une gouvernance territoriale logistique durable.

Rôle de l’État, facilitateur de la territorialisation de la logistique ?

44La compétitivité logistique ne peut sous-estimer ni les enjeux du développement durable, ni les enjeux territoriaux. Le développement logistique est à l’origine de la consommation et de l’utilisation de ressources : de l’énergie, des ressources foncières, des biens publics. La tension sur certaines de ces ressources combinées aux externalités environnementales générées par les activités logistiques, conduit les acteurs locaux à se saisir de la question de la territorialisation du développement logistique dans l’objectif, notamment, du contrôle du déploiement de ces activités.

45L’analyse des démarches territoriales montre une forte diversité des processus de territorialisation du développement logistique. Ces processus sont essentiellement horizontaux, très souvent participatifs mais faute d’appui législatif en termes de spécification des compétences, ils génèrent peu de régulation. Il s’agit de processus de territorialisation par bricolage, s’appuyant sur innovations institutionnelles territoriales et sur des démarches empiriques et spécifiques.

46La nécessité de mieux territorialiser le développement logistique afin de développer une gouvernance territoriale de la logistique visant tant à renforcer la performance logistique que d’assurer le développement durable des territoires logistiques exige d’aller plus loin. À ces dispositifs de territorialisation essentiellement horizontaux, convient-il de supposer un dispositif vertical ? Il convient de réunir les conditions afin de transférer a minima les « bonnes pratiques » et d’engager, de façon plus systématique, un processus efficace de territorialisation du développement logistique. Cela peut-il passer par un processus d’hybridation par imitation ou par un processus, plus normatif, d’hybridation institutionnelle par la mise en place d’une structure institutionnalisée de coordination instaurée par la loi ?

47L’hybridation est définie par Gilly et Wallet (2005) comme le processus par lequel la confrontation entre les formes macro-institutionnelles et un méso-système institutionnel débouche sur une configuration institutionnelle originale au niveau global et/ou au niveau territorial. Cette hybridation peut résulter de tentatives de diffusion par imitation et implantation d’une institution sur un autre territoire du fait de sa confrontation dynamique avec les règles et les pratiques en place.

48L’organisation de la « Conférence nationale sur la logistique » menée conjointement par les ministères de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie et de l’Économie, de l’industrie et du numérique en juillet 2015 peut être le point de départ d’une institutionnalisation d’un cadre pour l’accompagnement des démarches territoriales de régulation du développement logistique. Cela pose évidemment le rôle de l’État dans les processus de territorialisation à l’heure où la décentralisation a été renforcée et le risque de déstabilisation des actions engagées.

49Néanmoins, l’analyse des expériences montre que, souvent, les structures qui animent les réflexions et actions sur la territorialisation du développement logistique, ont été portées ou encouragées initialement par des incitations étatiques. C’est le cas, en particulier, des appels à projet de la DATAR en matière de pôles de compétitivité (le Cluster logistique PACA était candidat) ou en matière de labellisation en grappes d’entreprises. L’État peut donc accompagner le processus de territorialisation en créant un cadre d’action plus efficace tels que des structures de gouvernance ou encore des outils de planification et d’urbanisme intégrant pleinement la question du développement logistique.

50Par ailleurs, les travaux de la Conférence nationale sur la logistique se sont inscrits dans une démarche de large concertation et ont été une incitation, pour certains territoires, à mener de vastes réflexions sur la place de la logistique dans leurs territoires.

Conclusion

51La dynamique d’implantation des plates-formes logistiques s’inscrit dans le processus de production des services logistiques croisant exigences du modèle productif et contraintes de la sphère publique en matière de réglementation, d’urbanisme et d’objectif de développement durable.

52Les plates-formes logistiques ont un impact non négligeable en matière d’aménagement et de développement économique local. Elles sont fortement consommatrices d’espace, d’une part, et elles concentrent des flux de marchandises importants en amont comme en aval qui sollicitent fortement le système de transport, notamment le système routier, d’autre part. Par ailleurs, elles entrent spatialement en conflit avec l’urbanisme résidentiel. En outre, le manque de concertation des acteurs territoriaux impliqués dans l’implantation des plates-formes logistiques peut conduire à un mitage logistique et au renforcement du desserrement logistique. Le risque est de produire, au-delà des externalités négatives, une absence de cohérence fonctionnelle contradictoire avec l’efficacité logistique du territoire et remettant en cause les conditions de pérennisation des implantations logistiques. Enfin, les implantations logistiques peuvent constituer un outil de développement économique et de l’emploi et sont sources de recettes fiscales pour les collectivités territoriales. Dans certains espaces, les activités logistiques constituent parfois l’unique activité marchande.

53Ainsi, les enjeux liés à la territorialisation du développement logistique sont élevés et exigent la mise en place de dispositifs de gouvernance territoriale de la logistique. Néanmoins, force est de constater l’inexistence de structure préétablie, le rôle limité des pouvoirs publics (peu de prise en compte de l’activité logistique dans les documents d’urbanisme, inexistence d’outils spécifique de planification, etc.) ou encore le manque de projection à moyen terme sur les besoins en espaces d’accueil des activités logistiques.

54Néanmoins depuis quelques années, les acteurs des territoires, de plus en plus nombreux, se saisissent de la question de la territorialisation du développement logistique. Les démarches territoriales sont non systématiques, hétérogènes et portées par des acteurs ou coalition d’acteurs divers. L’analyse des pratiques de gouvernance logistique met en exergue que les conditions d’émergence d’une gouvernance logistique territoriale sont liées à la mise en œuvre d’innovations territoriales entre acteurs du territoire permettant d’initier des structures sociales d’animation et d’orientation du développement logistique. Plusieurs éléments apparaissent comme indispensables à la territorialisation du développement logistique tels que la capacité des acteurs à coordonner leurs actions, à coopérer et la définition d’objectifs communs. La capacité de ces structures à se saisir de la dimension territoriale et à projeter à moyen ou long terme les besoins de développement des implantations logistiques sont des éléments essentiels participant à la construction d’objectifs communs.

55Les enjeux actuels sont relatifs à la généralisation du processus de territorialisation du développement logistique à l’ensemble du territoire, ou du moins, ceux concernés en premier chef par l’accueil d’activités logistiques. La territorialisation du développement logistique doit être portée par un ensemble cohérent d’institutions. Le changement institutionnel est certainement le moteur de la territorialisation du développement logistique. Ce changement peut être accompagné par l’État, longtemps resté absent de cette problématique, en développant un cadre de dispositifs de la territorialisation du développement logistique.