Annexe 2. La famille de la comtesse de Grancey
p. 197-198
Texte intégral
1Cette vieille famille provençale se targue depuis un certain temps d’origines espagnoles illustres. Les Cordoüe descendraient des Fernandez de Cordova, dont le grand ancêtre est Domingo Muñoz de Temez qui, dans la nuit du 29 juin 1236, enleva d’assaut la ville de Cordoue occupée par les Maures et prit ainsi le nom de la ville. Il est étrange que la grand-mère d’Eugénie de Grancey ne mentionne jamais cette origine dans ses lettres (conservées au château de Grancey) alors qu’elle parle souvent des mérites des grands ancêtres de la famille de son mari. Elle était née Geneviève Claudine Le Bault, fille d’Antoine Le Bault et de sa deuxième femme et nièce, Jacquette Burteur, qu’il avait épousée alors qu’elle avait vingt-huit ans. Antoine, d’origine savoyarde, d’après sa fille, et descendant d’une famille bourguignonne anoblie par les Ducs en 1458 d’après certains snobs du xixe siècle, fut reçu Conseiller au Parlement de Bourgogne le 28 avril 1728 et nommé Président à bonnet en 1771. Il avait la réputation d’être l’une des meilleures têtes du Parlement et appartenait à l’Académie de Dijon comme le mentionne Voltaire dans l’une des lettres qu’il lui a adressées. Il mourut en 1774 ou 1778, suivant les documents. Quant à Jacquette, née en 1723, fille d’un conseiller du Parlement et Vicomte Mayeur de Dijon, le charmant portrait qu’en trace Voltaire dans une autre lettre (il l’appelle Madame La Belle) a été complété par Greuze, auteur d’un pastel qui nous la présente comme une des plus jolies femmes de son temps. La tradition dit que, la trouvant tellement charmante en négligé dans son jardin d’Aloxe, il voulut immédiatement la peindre sans lui laisser le temps de se changer. Elle mourut à l’âge de 88 ans, le 1er mai 1811. Sa fille, Geneviève, la marquise de nos lettres, épousa le 10 août 1775 Joseph Gabriel II, marquis de Cordoüe, seigneur d’Aurons, commandant au Régiment de Languedoc-Dragons, chevalier de Saint Louis, qui mourut à Tullins, en Dauphiné, le 31 mars 1803. Geneviève, elle, mourut à Aurons, en Provence, le 15 janvier 1842. Parmi les lettres conservées au château de Grancey et écrites entre 1822 et 1836, il y a celle-ci qui raconte, in fine, l’anecdote suivante : « Souvenirs sur le Château de Grancey. Qui eut pu prédire à Mon Père, ancien seigneur de Pichange, terre dépendante de la Baronnie de Grancey, que son arrière-petite fille deviendrait sa suzeraine ? Hors dans le temps vers lequel je me reporte le possesseur de Pichange (où j’ai été dans mon jeune âge), s’était lié d’amitié avec un Mʳ de Blanchelande, présumé fils naturel du Maréchal de Médavy, son surintendant dans la Baronnie et habitant au château. Dans certain temps de l’année, par suite de voisinage, et accord de goût, on se réunissait souvent, et l’on m’a conté, entre autres historiettes de ces vieux jours, la bluette que voici. Mme la Maréchale, jeune, brillante, gaie et rieuse, s’avisa de venir dans ses terres, escortée d’une demoiselle de compagnie aussi espiègle qu’elle. Toute la contrée fut en émoi, et les visites plurent au noble manoir. Or vivaient alors, dans un petit castel voisin, deux nobles pucelles, datant des croisades, et ayant conservé le costume de la Reine Aliénor de Guyenne. Elles jugèrent ne pouvoir se dispenser d’aller visiter Mme de Médavy, et ayant fait atteler les chevaux de leur charrue à une façon de chariot, vêtu le vertugadin, chaussé les souliers à la poulaine, etc. elles s’acheminèrent devers Grancey. La Maréchale et son espiègle, non prévenues de l’apparition, étaient à la fenêtre et ne surent d’abord ce que c’était que ce brillant équipage, mais quand les demoiselles en descendirent et ensuite entrèrent au salon, un rire inextinguible saisit la Maréchale et son acolyte. La première se sauva dans la pièce voisine et la restante essaya de pallier l’incartade par des suppositions gauches. Mme la Maréchale était si gaie, on lui venait de faire un conte si bouffon… Pendant le temps que mentait la Demoiselle la Dame s’efforçait de devenir grave, et, croyant y avoir réussi, elle rentre en se pinçant, mordant les lèvres, mais, hélas !, vains efforts, les grimaces des offensées achèvent de détraquer la suzeraine qui s’enfuit de plus belle, en éclatant à grand bruit, et les offensées du xie siècle sortent en menaçant, non de combats de chevaliers vengeurs de dames mais de procès interminables, ce qui ne manqua pas pendant de nombreuses années, au grand ennui des uns, et au grand profit des gens de loi » (note de Jacques de Mandat-Grancey).
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