Deux minores de la littérature, deux mémorialistes littéraires : Maxime Du Camp et Ernest Feydeau

Thierry Poyet

doi:10.4000/books.pulg.2649

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Deux minores de la littérature, deux mémorialistes littéraires : Maxime Du Camp et Ernest Feydeau

Thierry Poyet

p. 109-120

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1Dans la mesure où le genre du Souvenir littéraire reste à modéliser, nous développerons une approche qui porte sur l’identité des auteurs de Souvenirs et leur appartenance souvent vérifiée à la catégorie des minores, écrivains à la célébrité ponctuelle, restés dans l’ombre du « Maître ». Nous formulons l’hypothèse que ces figures périphériques de la littérature trouvent dans le texte mémoriel un genre secondaire mais nouveau qui, par son caractère inférieur, mineur, est seul susceptible de leur apparaître autorisé à la fin d’une carrière en demi-teinte, sinon en dents de scie. La publication de Souvenirs littéraires reviendrait alors à renvendiquer son statut d’auteur « mineur » au sein d’un milieu défini par une hiérarchie féroce. S’opposeraient donc ceux dont on parle à ceux qui en parlent, les créateurs à leurs témoins, les auteurs majeurs aux autres auteurs. Paradoxalement, il s’agirait aussi pour ces minores de trouver enfin leur place, en s’acceptant certes comme médioc

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1 Voir la contribution de Dominique Maingueneau dans ce volume.

2 Nous utilisons le mot de « posture » dans le sens où Jérôme Meizoz considère « une manière singulière d’occuper une position dans le champ littéraire », à savoir : « Pour moi, cette notion a une double dimension, en prise sur l’histoire et le langage : simultanément elle se donne comme une conduite et un discours. C’est d’une part la présentation de soi, les conduites publiques en situation littéraire (prix, discours, banquets, entretiens en public, etc.) ; d’autre part, l’image de soi donnée dans et par le discours, ce que la rhétorique nomme l’ethos. En parlant de “posture” d’auteur, on veut décrire relationnellement des effets de texte et des conduites sociales » (Jérôme Meizoz, Postures littéraires : mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine Érudition, 2007, p. 18).

3 Nous conduisons un projet de réédition des œuvres complètes de Maxime Du Camp aux éditions Garnier. C’est dans ce cadre que nous proposerons prochainement le Théophile Gautier de Maxime du Camp, avec préface et notes, suivi du texte d’Ernest Feydeau. Pour l’heure, et dans cette contribution, les citations des deux ouvrages de Maxime Du Camp et Ernest Feydeau renvoient aux éditions originales : Maxime Du Camp, Théophile Gautier, Paris, Hachette, 1890 ; Ernest Feydeau, Théophile Gautier, Souvenirs intimes, Paris, Plon, 1873.

4 Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires [éd. nouvelle de 1892], Paris, Aubier, 1994, p. 284.

5 Pour une définition de la notion d’« événement littéraire », voir : Corinne Saminadayar-Perrin (dir.), Qu’est-ce qu’un événement littéraire au xix^e siècle ?, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint- Étienne, 2008.

6 Du Camp précise : « Je n’ai pas qualité pour écrire des mémoires ; je recueille mes souvenirs, rien de plus ; peut-être ne seront-ils pas inutiles pour aider à déterminer certains détails de l’histoire littéraire de mon temps » (Souvenirs littéraires, éd. cit., p. 76-77).

7 Ibid., p. 76. Quelques années plus tôt, Du Camp écrivait déjà : « comme le témoin déposant devant les représentants de la justice, je puis jurer de dire la vérité, rien que la vérité ; du moins, ce que je crois être la vérité : je le ferai sans effort ; je n’ai jamais pratiqué le mensonge et, dans les livres que j’ai publiés, je n’ai rien négligé pour serrer l’exactitude d’aussi près que possible. Je n’y ai point de mérite ; j’étais naturellement dénué d’ambition […] » Maxime Du Camp, Souvenirs d’un demi-siècle, « Avant-propos », Paris, Hachette, 1949, p. 9.

8 M. Du Camp, Souvenirs littéraires, éd. cit., p. 77.

9 De Gautier, il dit enfin : « c’est un allié et non pas un homme lige » (p. 132).

10 Voir notre préface au roman de Maxime Du Camp, Les Forces perdues (Paris, Eurédit, 2011).

11 On lit encore, par exemple : « il avait sa forme, bien à lui, exclusive pour ainsi dire ; il l’a perfectionnée tant qu’il a pu ; il l’aimait, ne s’en cachait pas, mais il n’a jamais tenté de l’imposer à personne. La forme n’est pas “une”, heureusement ; elle est multiple et elle doit l’être sous peine de tomber dans un insurmontable ennui » (p. 178-179).

12 Maxime Du Camp, « Avant-propos », Souvenirs d’un demi-siècle, éd. cit, t. I, p. 10-11.

13 Gisèle Séginger, « Par delà le majeur et le mineur : Huysmans et À rebours », dans Littérature majeure, littérature mineure (dir. Yves Delègue et Luc Fraisse), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1996, p. 103.

14 Jules Renard, Journal, éd. Léon Guichard et Gilbert Sigaux, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 188. (1^er décembre 1893)

15 Théophile Gautier, Les Grotesques, Paris, Lévy, 1856, p. 202.

16 Maxime Du Camp, Le Crépuscule, Propos du soir, Paris, Hachette, 1893, p. 311.

17 Gisèle Séginger, art. cit., p. 119.

18 Maxime Du Camp, Souvenirs d’un demi-siècle, Paris, Hachette, 1882, t. 2, p. 348.

19 Maxime Du Camp, Le Crépuscule, Propos du soir, op. cit., p. 296.

20 Ibid., « Préface », p. 2.

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