1Depuis trente ans, la pratique des courses de lévriers en France est confrontée à un fort déclin qui se traduit par une réduction drastique du nombre de sociétés — plus que sept en 2021 —, d’adhérents, du cheptel et des enjeux liés aux paris sportifs — dont l’agrément a été supprimé fin 2019. Celles et ceux qui continuent de pratiquer cette activité ludique et sportive doivent aujourd’hui faire face à la fermeture des cynodromes et à la désertion de bon nombre des pratiquants et des spectateurs, comme dans d’autres pays tels que la Grande-Bretagne1 ou les États-Unis2.

2Lors des rassemblements qui ponctuent la saison sportive, les discussions entre participants finissent inévitablement par porter sur la situation critique dans laquelle se trouve de nos jours le monde des courses. Une participante affirme sans ambages : « On est les derniers des Mohicans. Les jeunes d’hier se font de plus en plus vieux et il y a peu de nouvelles têtes. » Un autre poursuit et s’interroge : « La situation actuelle est catastrophique, c’est le grand plongeon. Il y a de moins en moins de gens qui viennent aux courses ; moins de propriétaires et de chiens. Qu’est-ce qu’il restera dans dix ans ? »

3Ce chapitre entend examiner, à partir de l’étude croisée de matériaux historiques, statistiques et ethnographiques, la façon dont s’articulent plusieurs régimes de temporalités, entre temps long et présentisme3 : celle de l’histoire des courses de lévriers et celle des lignées humaines et animales ; puis celle de la course elle-même, centrée autour de la vitesse ; et enfin celle de sa transformation récente vers un temps de la mémoire et de la patrimonialisation. Nous analyserons aussi les imaginaires associés par les adeptes des courses à ces différentes temporalités et surtout la façon dont ils appréhendent un futur vécu comme une menace pour leurs pratiques, un basculement « vers un monde que nous avons perdu4 ».

4Les données sur lesquelles repose notre travail sont issues d’une recherche financée par le ministère de la Culture pour l’inscription de la pratique des courses de lévriers sur cynodrome (racing) à l’inventaire national des pratiques culturelles immatérielles (PCI). Les enquêtes ethnographiques ont été menées de 2018 à 2020 par Sophie Chevalier, Emilio Frignati et Thierry Wendling. Deux cynodromes ont fait l’objet d’observations régulières lors de courses, celui de Soissons et celui de Liverdy en Brie. Emilio Frignati a aussi conduit une enquête lors des championnats du monde de 2018 à Awans (Belgique). Lors de ces week-ends passés sur place, car les courses se déroulent sur deux jours, de nombreux entretiens formels ont été menés — une trentaine — ainsi que des discussions informelles lors de repas pris en commun. Nous avons aussi mené trois longs entretiens avec des informateurs privilégiés en dehors des cynodromes.

Les courses de lévriers : de la grandeur à une pratique marginale

5Dans son panorama général des jeux auxquels participent des êtres humains et des animaux, Thierry Wendling5 définit quatre grandes catégories de jeux avec les animaux : l’animal comme compagnon (jouer à la balle avec son chien) ; l’animal comparse (courses hippiques ou combat de coqs) ; l’animal comme adversaire (tauromachie) ; l’animal comme acteur imaginaire (jeu de l’oie).

6Cet auteur fait entrer les courses de lévriers dans la catégorie de jeu où l’animal est un comparse. Plus précisément il se fait « à proprement parler coursier quand son aptitude à la course devient l’élément fondamental de la dynamique ludique ». Cependant, l’animal « […] n’est jamais à l’origine de l’action, celle-ci étant toujours décidée par l’humain. Si l’impulsion de l’action ne lui revient pas, l’animal, par son comportement, s’avère en revanche déterminant pour le résultat. Il se trouve parfois même en être le seul acteur, à l’instar des lévriers engagés sur un cynodrome après un leurre6 ». Un jeu de pari, et des prix, se double au jeu de course, qui nécessitent que les résultats soient présentés sous la forme d’une liste ordonnée.

7En France, les courses de lévriers regroupent deux types de pratiques avec les chiens : celles que l’on qualifie de courses en tant que telles, ou racing, et celles qui se nomment « poursuite à vue sur leurre » (PVL) ou coursing, lors desquelles deux lévriers courent sur un parcours naturel (un pré par exemple) à la poursuite d’un dispositif mobile selon un parcours zigzaguant. Le racing se réalise quant à lui exclusivement sur cynodrome : plusieurs lévriers (jusqu’à huit) courent après un leurre, dont le trajet suit l’ovale de la piste. Les pratiquants sont tous des amateurs regroupés dans des associations. Il n’existe pas de professionnels contrairement, par exemple, aux pays anglo-saxons. Jusqu’à fin 2019, certaines de ces courses sur cynodrome faisaient l’objet de « paris mutuels7 ». Elles étaient le lieu d’une sociabilité intense entre adeptes qui se déplaçaient d’un cynodrome à l’autre y compris dans d’autres pays d’Europe, en particulier en Belgique et en Suisse. Elles attiraient aussi un public de spectateurs qui était d’autant plus important et populaire que les courses donnaient lieu à paris. Les autres courses de type racing (sans paris mutuels) et PVL étaient et continuent, après 2019, d’être organisées sous la supervision de la Société Centrale Canine, association créée en 1881 (SCC), qui fédère toutes les activités canines en lien avec la notion moderne de race (pedigree, expositions, concours, éducation canine).

8Notre enquête s’est focalisée sur les courses sur cynodrome à paris mutuels, sur la sociabilité et la culture qui les accompagnaient. Celle-ci s’inscrit dans une histoire internationale qui débute au cours de la seconde moitié du xix^e siècle. Les courses tirent leur origine du Royaume-Uni où elles ont donné lieu, ainsi que dans plusieurs autres pays anglo-saxons ou asiatiques, à une importante industrie du divertissement et des jeux de hasard. En Angleterre, l’ancienne popularité des courses de chiens se reflète dans la formule courante going to the dogs, littéralement « aller aux chiens », qui sous-entend se rendre dans un cynodrome pour parier sur les courses8.

9Cependant aujourd’hui, la pratique des courses de lévriers est en déclin partout dans le monde et elle fera bientôt partie d’un pan de l’histoire des relations ludiques entre l’homme et le chien, voire d’un patrimoine immatériel.

Le développement des courses de lévriers en France

10À partir de 1875, quelques réunions de coursing commencent à regrouper des amateurs en région parisienne. Un Coursing Club de France se crée en 1879 et acquiert un terrain à Levallois qui, vers 1890, attire du public avec un certain succès. Dès 1910, avec le lancement du Greyhound Club de France, présidé par le duc de Noailles, des courses de greyhounds sont organisées sur l’hippodrome du Tremblay, à Champigny-sur-Marne. La Grande Guerre met un terme à cette expérience. Dans les années 1920, l’invention d’Owen Smith, le remplacement du lièvre par un leurre mécanique9, et le principe du racing suscitent des émules en France. Cette nouvelle forme de course donne l’occasion de confronter plus de chiens en même temps, renforçant ainsi l’intérêt des parieurs. Plusieurs associations, dont le Lévrier-Club de France créé en 1925, s’activent pour obtenir que les courses de lévriers puissent faire l’objet du pari mutuel, alors qu’un monopole, datant de la loi du 2 juin 1891, le réserve aux courses hippiques.

11En 1933, la Société d’encouragement aux courses de lévriers en France et aux colonies (créée en 1928) est agréée et obtient le droit d’exploiter le futur cynodrome de Courbevoie qui entre en activité en 1936, avec une licence pour le pari mutuel. Plusieurs fois par semaine, après le travail, des centaines de joueurs et spectateurs s’y rendent depuis la gare Saint-Lazare en descendant à la gare « aux Lévriers » spécialement aménagée pour desservir le cynodrome. Depuis les tribunes, les restaurants — dont certains luxueux — et les bars qui donnent sur la piste, on peut admirer la présentation des chiens par des garçons de chenil en tenue de joueurs de pelote basque, parier et s’enthousiasmer pour les galops qui se succèdent toute la soirée. À raison de huit chiens par course, ce sont des centaines de lévriers qui tournent ainsi sur le cynodrome chaque semaine. À l’exemple anglais et américain, une industrie des courses de lévriers commence ainsi à se mettre en place. Mais plusieurs longues interruptions occasionnées par la guerre, puis des difficultés financières récurrentes, affaiblissent le cynodrome de Courbevoie qui ferme en 1951. Il sera finalement détruit en 2012. Pourtant, sa disparition n’entraîne pas celle de la pratique des courses de lévriers, et celle-ci se développe jusque dans les années 1980-1990, puis un long déclin s’amorce. Contrairement à d’autres pays et à la tentative de Courbevoie, les courses de lévriers étaient, et restent, un sport d’amateurs passionnés qui ne donne lieu qu’à des paris minimes (en général, deux euros par course ; les parieurs dépensant une vingtaine d’euros par après-midi de course). De manière générale, les pouvoirs publics semblent ne pas avoir été particulièrement empressés au développement de cette filière.

Le déclin général de la pratique en France et à l’international

12Le déclin de la pratique en France se mesure tout d’abord au nombre de sociétés de courses enregistrées : de dix-neuf sociétés enregistrées en 1992, il n’en reste que neuf en 2017, et même sept en 2019. En 1989, deux cent nonante-six réunions sont organisées et, si jusqu’en 1997, le nombre de réunions annuelles se maintient au-dessus de deux cents, il descend dès 2002 à moins de cent. Il n’y a plus que quarante-neuf rencontres en 2017. Même constat sur le nombre de chiens autorisés à concourir : le cheptel culmine en 1992 (1688 chiens) puis devient limité après 2011 à moins de 500 animaux. En 2017, sur un cheptel de 1563 chiens, seuls 260 participent encore à des courses. Entre le début des années 1990 et 2017, la somme annuelle des enjeux des courses a été divisée par dix, passant de plus d’un million d’euros à 80000 euros. Les recettes deviennent dès lors extrêmement marginales pour l’État, qui ne perçoit par exemple que 2400 euros de taxes pour toute l’année 2018. Il est utile de rappeler que les courses de lévriers n’ont jamais bénéficié du droit au « pari mutuel urbain » (PMU) caractéristique des courses hippiques, permettant de réaliser les paris en dehors du lieu de course depuis les innombrables lieux de ventes tels que les bars-tabacs. De fait, les paris pouvaient, jusqu’en 2019, uniquement être réalisés sur le cynodrome. La suppression totale du pari mutuel, depuis le début de l’année 2020, implique de fait la disparition des parieurs et donc des annonces locales (affiches, publicité dans les médias) qui faisaient converger des spectateurs s’amusant à parier quelques euros, réduisant encore davantage la visibilité déjà limitée de ces courses.

13D’un point de vue canin, il y avait peu de différences entre courses sur cynodrome avec paris ou sans paris, mais d’un point de vue humain, les paris mutuels transformaient l’organisation sociale et la sociabilité : soit les courses créent un spectacle où les actions d’un petit groupe de forte interconnaissance (les propriétaires et leurs chiens) attirent un public disparate (les spectateurs et parieurs), soit l’activité reste limitée à un entre-soi des propriétaires de lévriers. La municipalité de Soissons a ainsi saisi cette opportunité pour mettre fin au contrat de location du cynodrome local et le détruire, sous le prétexte que ces courses ne réunissaient, dorénavant, que les seules personnes directement concernées par les lévriers et ne jouaient donc plus aucun rôle dans l’animation sociale du quartier.

14Le déclin des courses des lévriers en France, loin de constituer un cas isolé, est symptomatique d’un phénomène bien plus vaste, qui se joue à un niveau international. Il en va ainsi dans le pays d’origine des courses de lévriers, le Royaume-Uni. Cependant, on compte encore plus de vingt « stadiums » en Angleterre. Il y en a par exemple deux dans le Grand Londres : le Crayford Stadium, qui organise des matinées tous les mardis, jeudis et samedis, ainsi que des soirées les vendredis et samedis (avec un restaurant pouvant servir 250 menus) ; et le Romford Greyhound Stadium qui, doté d’une capacité plus importante, peut accueillir jusqu’à 1700 spectateurs, et contient aussi plusieurs bars et restaurants. Ces cynodromes sont, au xxi^e siècle, confrontés à différentes difficultés : la concurrence d’autres pratiques populaires, la pression immobilière, la nécessaire affirmation d’un contrôle sur les addictions aux jeux et la question du traitement des animaux. Les principaux autres pays anglo-saxons à organiser des courses de lévriers sont l’Irlande10, les États-Unis11 et l’Australie. Une popularité acquise de longue date et un déclin encore plus fort qu’aux îles britanniques se constatent aux États-Unis. Sous l’influence de l’opinion publique, les législations tendent vers la disparition des courses, comme en Floride, qui était l’État ayant le plus de cynodromes et aussi le plus ancien en service. Vers 2022, on ne devrait ainsi plus compter que trois cynodromes en activité dans tous les États-Unis. En Australie, la pratique reste en revanche importante, même si elle fait l’objet de débats politiques et sociaux récurrents. Des centaines de courses sont disputées dans la quarantaine de cynodromes qui existent à travers le pays. Parmi ceux-ci, Wentworth Park, qui accueille à Sidney la Million Dollar Chase, assurément la mieux dotée au monde puisqu’elle offre, comme son nom l’indique, une récompense d’un million de dollars au propriétaire du vainqueur. Il convient aussi de mentionner l’Europe, dont l’Italie, qui avait au moins deux grands cynodromes — à Naples et à Rome — comparables à ceux du Royaume-Uni, mais dont un seul existe encore aujourd’hui. Une même évolution s’observe en Espagne, où les courses furent populaires jusqu’aux années 1990, et où le Canódromo Meridiana, à Barcelone, a fermé définitivement en 2006. On peut encore citer les quelques cynodromes en Belgique, comme le cynodrome d’Awans, par exemple, qui a accueilli le championnat du monde en 2018 ; et en Suisse. Ces cynodromes sont très fréquentés par les adeptes français, liés par une communauté linguistique.

15Ainsi si la pratique des courses de chiens en cynodromes avec paris a connu, au milieu du xx^e siècle, une large diffusion dans le monde, elle s’est, par la suite, considérablement réduite, au point qu’elle ne constitue plus aujourd’hui, à l’exception de quelques pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, qu’un élément très marginal, voire résiduel, dans une offre globale de jeux de hasard qui enregistre pourtant un développement remarquable.

16En France, les adeptes des courses de lévriers sont bien sûr conscients de l’histoire de leur pratique — qu’ils évoquent aux chercheurs avec une certaine nostalgie —, ainsi que de son déclin actuel. Cette sensibilité pour l’histoire est d’autant plus marquée que l’engagement dans une telle activité requiert un rapport particulier au temps : les temporalités longues de l’entraînement et des portées canines et celui, très court, du chronomètre sur la piste de course.

Le temps long : le lévrier, compagnon d’une vie

17Le temps long est une dimension centrale de ce jeu mobilisant humains et lévriers. Il est au fondement de représentations qui structurent l’univers des courses. Avant de devenir un comparse pour les courses, le chien est d’abord pensé comme le représentant d’une lignée qui mêle le chien et l’humain. Pour son propriétaire, il est aussi un compagnon ludique, avec qui se développe au quotidien une relation affective et particularisé, le temps d’une vie canine.

Le temps long de la succession des générations : généalogies entremêlées

18L’intérêt des gens de courses pour l’histoire des portées canines possède un aspect réglementaire puisque tout lévrier doit être inscrit dans le Livre des origines (LOF). Il est pour cela nécessaire de connaître les ascendants de son chien, puisque le propriétaire doit les présenter au moment de l’inscription. La SCC devient ainsi le garant institutionnel de la reproduction canine légitime. La genèse de ce registre d’état civil de l’espèce canine date, en France, de la fin du xix^e siècle et accompagne l’essor de la notion moderne de race en même temps que le souci de sa préservation face aux hybridations génétiques12. La construction des races canines s’inscrit dans le temps long, comme celle, d’ailleurs, d’autres animaux — les chevaux en particulier ; un temps historique constamment à l’esprit de nos interlocuteurs même si leur connaissance des généalogies est essentiellement tournée vers une fonction performative.

19Dans les conversations ordinaires entre habitués des cynodromes, il n’est pas étonnant que le sujet de prédilection soit le chien de course. Les interlocuteurs échangent ainsi sur leurs aptitudes et leurs qualités respectives, leurs caractéristiques morphologiques (robe, musculature, etc.) et leurs évolutions sur les pistes. Outre le fait qu’elles forment le soubassement de la sociabilité propre à cet univers social, ces discussions permettent d’entretenir et d’alimenter une connaissance fine des chiens, de leurs généalogies et aussi, de leurs propriétaires. Ainsi, en parler revient, de manière indissociable, à parler des hommes et des femmes auxquels ils sont attachés, et inversement. Comme on peut le voir dans l’échange ci-dessous, l’évocation d’un animal entraîne le plus souvent une tentative collective d’identification de ses parents et de leurs propriétaires et éleveurs respectifs :

L. G. : — Si mes souvenirs sont bons, Monte Cristo était un beau greyhound noir et c’était le frère de Monsieur de Clairjean, bringé [tacheté]. Ils étaient les fils de Hupsy Chrono, champion de France fédé. Par contre je ne me souviens pas du nom de leur maman…
T. R. : — La mère était Hupsy Chrono ou alors Bugsy Malone.
L. G. : — Non, Hupsy Chrono c’était le papa, il appartenait à Jean D. C’est la maman dont je ne me souviens plus…
T. R. : — Je crois que la mère venait de madame G.
S. G. : — Oui, la maman était une grey d’expo, Hermine des étoiles de Diane. (1^er avril 2018).

20De telles conversations reconnaissent et expriment l’existence de réseaux interspécifiques, liant lignées humaines et canines. En effet, en même temps qu’elles constituent le cadre d’une interaction ludique entre humains et animaux, les courses de lévriers sont, dans bien des cas, une affaire de famille. La plupart des pratiquants évoquent avoir été emmenés sur les cynodromes dès l’enfance par un parent qui leur a transmis la « passion des courses », en même temps parfois que le premier chien offert en cadeau. Il n’est pas rare également que les propriétaires se rendent aux entraînements ou aux courses, accompagnés par leur conjoint et leurs enfants.

21Mais la connaissance des généalogies n’est pas seulement un sujet de discussion au sein d’un milieu où l’interconnaissance est particulièrement forte. Elle possède une visée performative : permettre de maîtriser partiellement la reproduction des chiens, dans une perspective de production d’un idéal-type canin et de quête de performance. Tous les éleveurs s’accordent à dire que la planification d’une nouvelle portée passe au préalable par une enquête généalogique portant sur les résultats sportifs et les caractéristiques morphologiques des ascendants et des frères et sœurs des potentiels reproducteurs. Parfois, ils n’hésitent pas à aller chercher les reproducteurs dans des pays réputés pour leurs courses de lévriers, comme par exemple l’Angleterre, les États-Unis ou l’Australie. Il en résulte une connaissance de réseaux de propriétaires, d’éleveurs et de chiens qui dépasse largement le cadre national.

22En même temps qu’ils inscrivent leur action dans le temps long des généalogies, et dans un large espace géographique, les éleveurs façonnent par ces recherches un imaginaire caractéristique de l’univers des courses. Le whippet Trackman est reconnu comme l’ancêtre apical des chiens de course français et son ascendance partiellement anglaise est considérée comme une marque de prestige. La comtesse Colette de Saint Seine, propriétaire de l’élevage du château de Grillemont dont Trackman est issu, fait office de figure tutélaire du milieu des courses et permet de suggérer une origine aristocrate — plus imaginée que réelle — des courses de lévriers, ou du moins l’implication d’une élite sociale dans son développement13. Bien qu’ils accordent une grande attention à cet exercice, les éleveurs ne sous-estiment pas la part d’aléatoire de la combinatoire génétique et savent que pour devenir un champion, un lévrier doit passer par un long co-apprentissage avec son maître.

Devenir un lévrier de courses : un co-apprentissage ludique

23Même si les discours des propriétaires tendent à attribuer une place importante à la « nature » du lévrier — « ils aiment courir », « ils ont ça dans le sang » — aucun maître ne néglige l’importance de l’entraînement dans les performances sportives de son chien14. La comparaison entre les jeunes lévriers qui accompagnent les plus expérimentés lors des épreuves de travail montre bien l’effort accompli au cours de cette préparation.

24L’entraînement sportif est, au départ, conçu comme un jeu entre le maître et son chien. Le lévrier apprend seul les différents comportements à adopter, avant même qu’il ne s’essaie à courir en groupe. Les chiens sont promenés et encouragés à courir par (et souvent avec) leurs maîtres tous les jours. Peu à peu, sont intégrés de nouveaux éléments qui concernent tous les aspects des courses — attirer son attention sur le leurre et lui apprendre à courir derrière ; entrer et sortir des boîtes ; courir sans se laisser déporter dans les virages ; s’habituer à la présence des autres animaux, aux bruits et aux aboiements. Pour stimuler l’attention de leur chien, les propriétaires ont recours à d’innombrables astuces et techniques ludiques, transmises au sein d’un réseau familial et amical. Par exemple, pour donner au lévrier le goût de suivre le leurre mécanique, certains propriétaires y fixent parfois le jouet favori du chien.

25L’apprentissage du chien, autant que les compétences de son dresseur, sont encadrés et sanctionnés par des institutions. Pour concourir dans des compétitions officielles, tout lévrier doit, comme nous l’avons déjà souligné, être inscrit dans le Livre des Origines tenu par la SCC et obtenir un « Brevet d’aptitude aux courses » (BAC) auprès d’un club agréé. L’examen consiste en des courses, en solitaire et en groupe restreint, afin que l’examinateur évalue la motivation du chien à courir et à suivre un leurre ainsi que son comportement vis-à-vis des autres chiens. Quoiqu’il relève d’un savoir collectif, institué et partagé au sein du milieu de course, l’apprentissage s’établit toutefois toujours dans la relation intime qui lie le maître et son lévrier. Ce rapport interspécifique et particularisé est au cœur de l’imaginaire propre à l’univers des courses :

Chaque chien est différent, t’as le coup à prendre pour bien le connaître. Tu l’emmènes courir ou marcher, tu lui fais faire du fractionné ou pas. J’ai eu une chienne, elle avait les pattes tordues et pourtant elle a tout gagné : je l’entraînais en piscine pour diminuer les risques de blessure. On l’appelait Laure Manaudou. Après y’a ce qui s’appelle la psychologie animale : t’as des chiens faut rester avec eux, ils ont besoin de toi. Faut faire équipe, c’est toi et ton chien. Moi je lui disais : « [Nom du chien], c’est toi et moi. On va les tordre aujourd’hui. On est imbattable. » Et ouais, faut lui parler. Le chien il ressent ça. Et t’en as d’autres, ils en ont pas besoin du tout. C’est comme des gens, voilà, c’est comme des gens. (P.H., 1^er septembre 2018.)

26La dimension extrêmement particularisée — interpersonnelle, oserait-on dire au vu des propos ci-dessus — de l’entraînement du lévrier de course fait de cette activité un co-apprentissage au cours duquel s’établit un rapport de compagnonnage très fort entre le maître et son chien. Celui-ci apprend à connaître son chien, bien au-delà des traits éthologiques communs à son espèce15. Il est aisé de supposer que l’animal acquiert en même temps un savoir précis concernant le caractère et les habitudes de son maître. Ces attentions de tous les instants sont bien souvent redoublées par une profonde affection mutuelle, incarnée au quotidien sur une longue durée, jusqu’au décès de l’animal. Plusieurs propriétaires n’hésitent pas à adapter spécialement leur logement ou leur véhicule pour rendre plus agréable la cohabitation, où la proximité est de mise. Les investissements en temps et en ressources économiques sont également considérables et les chiens passent souvent au premier plan, la vie familiale et professionnelle s’adaptant à cette passion.

27Tous ces efforts au long cours tendent vers le temps infime de la course. Celle-ci apparaît dès lors comme l’aboutissement du temps long des généalogies des lévriers de course et de leur apprentissage.

Le temps de la course : éloge de la vitesse

28« Ça y est, ils sont partis ! Regarde celui-là comme il a starté, c’est une vraie merveille. Ça ne m’étonnerait pas qu’il soit à moins de vingt-deux secondes ! » Comme l’illustre ces propos d’un propriétaire de whippets venu assister au championnat d’Awans en 2018, la course et sa temporalité extrêmement brève sont centrales dans le milieu du racing. C’est autour de cet éloge de la vitesse que se construit l’image de l’athlète canin.

29Rappelons tout d’abord que les chiens concourent en des catégories distinctes en fonction de leur sexe et de leur poids. Avant les épreuves, les propriétaires présentent aux juges le livret national d’identité et de performance de leur chien, un carnet qui rassemble des informations telles que la taille, la couleur de la robe et le poids moyen ainsi que les résultats obtenus lors de précédentes compétitions. Une pesée officielle est réalisée à cette occasion. Les femelles les plus légères font environ 10 kg tandis que les mâles les plus lourds avoisinent les 17 kg. Viennent ensuite la préparation et l’échauffement. Les propriétaires vont promener leurs chiens, qui tirent sur la laisse plus que d’ordinaire, autour du cynodrome : « Le jour de la course, ils sont méconnaissables : vous passeriez à côté, ils vous pinceraient ! Ce sont des athlètes. » Les derniers préparatifs sont accomplis : certains massent leur chien avec une crème chauffante, on leurs enfile les dossards colorés qui permettront aux juges et aux spectateurs de les distinguer. Lors des courses faisant l’objet de paris, les chiens sont présentés au public en défilant dans un petit rond de parade avant que ne soient ouverts les paris. Pendant ce temps, le commissaire principal, l’adjoint au chronomètre et les observateurs prennent place autour de la piste. Les chiens, munis d’une muselière, sont installés par leurs maîtres dans les « boîtes » de départ : c’est la « mise en boîte ». Le « leurriste », en charge d’actionner le leurre mécanique, met en route son engin. Le vrombissement du moteur suscite les aboiements des chiens en lice tandis que le « starter » ouvre les portes des boîtes d’un seul mouvement. Immédiatement, les chiens s’élancent derrière le leurre. Les propriétaires se dirigent quant à eux dans un coin de la piste derrière la ligne d’arrivée où ils récupéreront leurs chiens après la course.

30Les lévriers de course sont capables d’atteindre, voire de dépasser, les 60 km/h et la distance de la course (variant entre 280 et 365 mètres en fonction des catégories) est parcourue en un temps généralement inférieur à 25 secondes. C’est pourquoi ils sont souvent qualifiés de « Formule 1 du monde canin » par les pratiquants. Les chiens en lice sont chronométrés et la photofinish permet de départager les coureurs. Au-delà des dispositifs techniques employés, la fréquentation assidue des courses permet aux propriétaires et spectateurs d’estimer les résultats des chiens à partir de l’observation de la course, en anticipant sur la communication officielle. Outre la connaissance détaillée des performances précédentes des animaux, la perception directe du départ, de la trajectoire de course et de l’écart entre les concurrents permet d’avancer des estimations qui se révèlent souvent remarquables par leur précision. Un ancien éleveur s’exclame ainsi avec fierté : « Dans le temps, on m’appelait l’ordinateur ! »

31C’est dans ce temps éphémère de la course, où l’enthousiasme et la tension atteignent leur paroxysme, que se cristallisent le travail à la temporalité bien plus longue réalisé en amont de la compétition. Dans ces quelques instants, les éleveurs et les propriétaires voient se confirmer ou s’infirmer leurs lectures des successions des lignées et leurs stratégies d’entraînement. C’est là que le co-apprentissage régulier qui a duré plusieurs années prend tout son sens, faisant d’un jeune chiot un véritable lévrier de course capable de participer à des rencontres sportives.

32Il faut alors se demander comment cette sensibilité particulière au temps affecte les interrogations concernant la pérennisation des courses de lévriers, à l’heure de l’effondrement annoncé de cette pratique.

Un monde en train de disparaître : la fin d’une histoire ?

33Le sens aigu de l’histoire que procure l’importance des généalogies d’élevages et de chiens dans cet univers, l’évolution de la race canine et la nécessité d’inscrire son action dans le temps relativement long des portées canines trouvent un terrain d’élection dans la mise en récit des bouleversements actuels de cette pratique sportive. De ce fait, les interrogations des pratiquants sur le sort d’une activité qu’ils craignent condamnée à disparaître et les moyens de pallier une telle évolution deviennent omniprésents.

34Avec la réduction drastique du nombre de sociétés et d’adhérents, se construit une communauté de propriétaires et d’éleveurs de plus en plus réduite. À chaque fermeture d’un cynodrome, il devient plus difficile d’en trouver près de chez soi et les pratiquants restants doivent parfois se résigner à réaliser plus d’une centaine de kilomètres pour entraîner leur chien sur une piste ou bien abandonner les courses. Les risques de dissolution des sociétés et de fermeture des cynodromes voient surgir de nouvelles tensions dans la mesure où la charge de l’entretien des pistes et de l’organisation des événements repose sur un nombre restreint de personnes. Parfois, ces tensions prennent une tournure dramatique. En 2018, la présidente d’une société du Nord de la France, vétérinaire de son état, décidait de stériliser l’ensemble de ses chiens en même temps qu’elle démissionnait de sa fonction, signant par ce double geste à la fois la fin des lignées de ses compagnons canins et son abandon définitif du monde des courses de lévriers.

35Ce « monde » qui est en train de disparaître, cette pratique des courses qui entre alors dans l’histoire, fait l’objet de nombreux discours qui la font revivre et tentent d’en expliquer le déclin. Certains amateurs, les plus âgés, gardent un souvenir ému de Courbevoie comme le « temple des lévriers » et les acteurs évoquent parfois l’abandon de l’activité par les classes supérieures associé à une perte de prestige. Il est vrai que le cynodrome de Courbevoie et sa gare de train dédiée contraste avec la situation actuelle. À l’exception d’une seule société, située à Toulouse, tous les cynodromes en activité en 2019 sont localisés dans des villes de moyenne ou petite taille, voire dans des villages. À Liverdy-en-Brie, il faut emprunter un chemin de terre pour se rendre sur la piste. Cette localisation marginale traduit une très faible présence des courses dans l’espace public, de même que les événements reçoivent une faible couverture médiatique. D’année en année, c’est essentiellement la fermeture de tel et tel cynodrome local qui donne aux journalistes locaux l’occasion d’un papier sur la fin d’une époque.

36Plus directement, quoique souvent sur des espaces virtuels, les amateurs des courses se voient régulièrement confrontés aux critiques des associations animalistes, et le difficile accès à l’espace public des sociétés de course rend le combat inégal. Tandis que la pétition « Non à l’arrivée des courses de lévrier en France ! » recueille en 2017 plus de 14000 signatures, la pétition lancée en riposte par les défenseurs des courses dépasse à peine les deux cents signataires. Du point de vue des gens de course, les attaques animalistes sur les réseaux sociaux suscitent la stupeur et font voler en éclat l’évidence de la relation ludique et affective entre le maître et son lévrier propre à l’imaginaire des courses. Le titre même de la pétition évoquée plus haut traduit le malentendu qui est au cœur de cette confrontation. C’est le mauvais traitement des lévriers dans les pays où les courses ont fait l’objet d’une professionnalisation, et où s’est développé un élevage quasi-industriel des chiens, comme en Espagne ou aux États-Unis16, qui sert d’argument aux animalistes alors même que les gens de course soulignent sans cesse l’aspect amateur de la pratique en France et le rapport intime et ludique qu’ils partagent avec leurs chiens bien au-delà des pistes :

On reçoit constamment des critiques, on nous dit : « On sait ce que vous en faites des chiens quand ils ne courent plus ! » On nous envoie tout le temps des photos de galgos espagnols tués à la fin des saisons sportives mais justement, nous on les garde bien après leur retraite les chiens. Ils sont choyés, on les amène se promener, on dort souvent avec eux ! (C. S., 31 mars 2018.)

37Malgré leur importance, les facteurs présentés — invisibilisation dans l’espace public, freins institutionnels et interdiction des paris, critique animaliste — n’occupent pas la première place dans le discours des éleveurs et propriétaires. La recherche incessante des causes du déclin accorde la primauté à l’évolution du lévrier de course lui-même. L’action de certains éleveurs est décriée, qui auraient volontairement modifié la morphologie du lévrier en croisant des greyhound et des whippets, obtenant de ce fait des chiens particulièrement rapides surnommés péjorativement « greypet ». Cette concurrence déloyale aurait causé une perte de stabilité génétique et par la même occasion la désaffection des cynodromes. Déclin de la pratique et perte de l’idéal-type de l’espèce sont conçus comme solidaires, comme le soulignent les propos d’une propriétaire de whippets :

Dans le monde du whippet de course, nous sommes confrontés à de gros problèmes que certaines personnes ont mis en route il y a une petite dizaine d’années. Le cheptel diminue, les cynodromes ferment et le vrai whippet de course enthousiaste, bruyant, aboyeur, en extase au bout de la laisse disparaît de notre environnement. (A.W., 1^er avril 2018.)

38C’est à travers les transformations morphologiques des corps des lévriers qu’est appréhendé le déclin historique des courses. Le temps généalogique des portées canines dont les résultats sont évalués au moment de la course permettent de penser la temporalité des transformations sociales et économiques qui affectent aujourd’hui la pratique. Dans cette situation de crise, quelles solutions sont envisagées ?

39C’est du côté des éleveurs que proviennent les premières réponses, qui visent à retrouver l’idéal-type du lévrier de course. La « perte de stabilité » produite par les croisements entre whippets et greyhounds entraîne un « mélange du patrimoine génétique » qui rend les prédictions difficiles quant à la reproduction : « On se retrouve avec des portées avec des chiens à taille variable. » Un jeune couple d’éleveur affirme être très attentif aux ascendants des chiens sélectionnés pour la reproduction, dans une tentative de retrouver le standard morphologique perdu : « On est plutôt content parce qu’avec la dernière portée on a eu le modèle type du whippet, c’est vraiment le standard whippet. » Toutefois, les initiatives ne se cantonnent pas à la seule morphologie du lévrier et c’est l’ensemble de la pratique qui est remise en cause.

40Les discussions vont bon train concernant le futur des courses. Des propositions jusqu’à présent impensables sont envisagées afin de sauvegarder une forme d’interaction ludique et sportive avec les chiens, au prix d’une modification profonde des usages classiques du monde des courses. Certains proposent ainsi d’associer différentes épreuves avec le racing, afin de réunir un plus grand nombre d’adhérents au sein d’une même structure. D’autres vont jusqu’à envisager de mettre en place des épreuves impliquant d’autres races de chiens en plus des lévriers. Ces propositions sont toutefois loin de recueillir l’unanimité. Quant à la possibilité d’une sauvegarde par la patrimonialisation, telle qu’annoncée par les chercheurs, elle ne soulève pas grand enthousiasme, comme le souligne un propriétaire sur un ton désabusé :

Quand y’a un monument qui tombe en ruine, il suffit qu’il se ramène — comment il s’appelle déjà ? — Stéphane Bern. Il fait une émission à la télévision et hop ! : deux semaines après le monument il est comme neuf. Il demande aux gens de donner de l’argent et ça devient tout de suite très intéressant, y’a un tas de gens qui veulent aller le voir. Mais qui va faire ça pour les courses ? Tout le monde s’en fout. (P. H., 15 septembre 2018.)

Conclusion : le temps du patrimoine

41En 2021, notre enquête a conduit à l’inscription de la pratique des courses de lévriers sur cynodrome à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la France par le ministère de la Culture. Cette inscription suppose la rédaction d’une fiche qui fixe historiquement la forme des courses de lévriers sur cynodrome17. Ce document devient alors une sorte de modèle de « bonnes pratiques » pour les générations futures et, comme l’entrée d’un artefact dans une institution muséale, accorde une valeur culturelle à la pratique inventoriée18.

42Si la patrimonialisation ne permettra pas de ralentir le déclin des courses de lévriers en France, elle participe à la construction d’une nouvelle temporalité, historique, mais imposée de l’extérieur. En effet, la demande de protection patrimoniale n’a pas été le fait des pratiquants ou d’associations, mais de chercheurs en anthropologie19. Il n’est donc pas très étonnant que la plupart des interlocuteurs interrogés ne voient pas là un quelconque moyen de perpétuer leur pratique car ils ne sont pas les acteurs d’un processus qui leur est étranger, et ils ne se considèrent pas comme « porteurs d’une tradition » à sauvegarder. D’autant qu’au moment de l’enquête, rien ne laissait présager la suppression des paris qui a mis en exergue le déclin de la pratique.

43Cette stabilisation de la « tradition » des courses par la patrimonialisation s’inscrit dans un temps long, emprunt de « présentisme »20. La mémoire prend le pas sur les temporalités de la pratique elle-même, que nous avons analysées ici. Le temps de la course et la rapidité du chien, ou les hasards de la génétique dans les lignées animales sont bien incertains. De plus, la mémoire des acteurs ne s’accorde pas toujours avec celle de l’institution garante de cette patrimonialisation.

44Surtout, face à la menace qui plane sur les sociétés de courses, la réponse d’un grand nombre de gens de courses est de prôner le retour au temps long des portées canines, de l’évolution de la race et de l’apprentissage, en acceptant leurs incertitudes. Est ainsi réaffirmé un sens de l’histoire régi par l’importance des généalogies d’élevages et de chiens, une temporalité lente qui exige connaissances spécifiques et patience. Même les pratiquants qui ne partagent pas ces idées et prônent de nouvelles pratiques autour des chiens se détachent, par leurs actions, de l’histoire figée induite par la patrimonialisation.